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Une histoire de mathématiques à écouter sur hist-math.fr 0 Récréations mathématiques Vu le titre, vous vous attendez à de la franche rigo- lade : eh bien pas du tout ! Il est question de l’Aca- démie française. Non, pas l’Académie des sciences, l’Académie française, celle des Immortels, qui a été fondée tente ans avant l’autre. 1 L’Académie ou réunion d’amateurs Reconnaissons-le, les premiers académiciens étaient un peu des amateurs, comme le dit le titre de ce tableau. Leurs noms n’ont pas tous été immortels.

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Une histoire de mathématiques à écouter sur

hist-math.fr

0 Récréations mathématiques

Vu le titre, vous vous attendez à de la franche rigo-lade : eh bien pas du tout ! Il est question de l’Aca-démie française. Non, pas l’Académie des sciences,l’Académie française, celle des Immortels, qui a étéfondée tente ans avant l’autre.

1 L’Académie ou réunion d’amateurs

Reconnaissons-le, les premiers académiciens étaientun peu des amateurs, comme le dit le titre de cetableau. Leurs noms n’ont pas tous été immortels.

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2 Cyrano de Bergerac (1897)

Rostand a beau jeu d’ironiser dans Cyrano de Ber-gerac.

« Tiens Monsieur de Corneille est arrivé de Rouen.

L’Académie est là ?

Mais j’en vois plus d’un membre ; voici Boudu, Bous-sat et Cureau de la Chambre, Porchères, Colomby,Bourzeys, Bourdon, Arbaud. . . Tous ces noms dontpas un ne mourra, que c’est beau. »

3 Claude Favre de Vaugelas (1585–1650)

Il exagère Rostand. Il y a quand même eu parmi lespremiers académiciens un nom qui est resté : celuide Vaugelas. Mais si vous savez bien, c’est lui qui acodifié le bon usage du français. Ce Vaugelas avaitun ami d’enfance :

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4 Claude-Gaspard Bachet de Méziriac (1581–1638)Claude-Gaspard Bachet de Méziriac. Ce n’est sansdoute pas un hasard si ce Bachet de Méziriac, amide Vaugelas, a été aussi nommé parmi les premiersà l’Académie. Mais quand même, il y avait quelquesraisons.

Il avait écrit des poèmes en français, en latin et enitalien, et fait des traductions, de l’italien au fran-çais, et du grec au latin. Mais Bachet était attachéà sa ville natale de Bourg en Bresse et n’aimait pasla quitter. Il était aussi de santé fragile.

Toujours est-il que pour sa réception à l’Académie,il ne s’est pas déplacé. Il a écrit un discours sur lestraductions et les traducteurs, et c’est Vaugelas quil’a lu. C’est vous dire qu’il n’a pas laissé un souvenirimmortel dans l’histoire de l’Académie française.

Dans l’histoire des mathématiques par contre, il estresté à deux titres. Premièrement il a publié unetraduction latine des arithmétiques de Diophante.C’est depuis les marges de ce livre que Fermat alancé quelques conjectures à longue portée.

5 Problèmes plaisans et délectables (1612)

La seconde raison pour laquelle Bachet de Méziriacest resté dans l’histoire des mathématiques, la voici.Les « Problèmes plaisans et délectables qui se fontpar les nombres ». Dans son esprit c’était une rampede lancement pour les arithmétiques de Diophante,mais le succès l’a encouragé à publier une secondeédition.

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6 Problèmes plaisans et délectables (1624)

Cette seconde édition est parue en 1624, et c’est elleque je vais citer.

Que veut-il dire par « problèmes plaisants et délec-tables » ? Il l’explique dans la préface en donnant unexemple : l’histoire de Flavius Josèphe.

Flavius Josèphe est un historien juif, qui aurait faitpartie des derniers défenseurs d’une citadelle, assié-gée par les Romains. Plutôt que de se rendre ou dese suicider, ils avaient décidé de s’entretuer. Mais,selon Bachet, Flavius Josèphe était un malin.

7 Flavius JosèpheAlors sans doute c’en était fait de sa vie, s’il n’avaiteu l’esprit de se défaire de ces hommes furieux,par l’artifice de mon 23e problème. Car feignantd’adhérer à leur volonté, il se conserva l’autoritéqu’il avait sur eux, et par ce moyen les persuadafacilement, que pour éviter le desordre et la confu-sion, qui pourraient survenir en tel acte, s’ils s’entre-tuaient en foule, il valait mieux se ranger par ordreen quelque façon, et commençant à compter par unbout, massacrer toujours le quantième. (L’Auteurne dit pas quel quantième). Jusqu’à ce qu’il n’endemeure qu’un seul, lequel serait obligé de se tuerlui-même.

Vous voyez tout de suite en quoi le problème estplaisant et délectable.

8 ces petites subtilitez qui aiguisent l’espritTous étant d’accord, Josèphe les disposa de force,et choisit pour lui une si bonne place, que la tue-rie étant continuée jusqu’à la fin, il se trouva seulen vie. [. . . ] Voilà une histoire bien remarquable, etqui nous apprend assez, qu’on ne doit point mépriserces petites subtilités, qui aiguisent l’esprit, habilitentl’homme à de plus grandes choses, et apportent quel-quefois une utilité imprévue.

Si c’est pas des mathématiques appliquées ça !

Mais au fait que sait-on exactement de cette his-toire ? Ce qu’en dit le principal témoin, Flavius Jo-sèphe précisément, qui est l’auteur de l’« Histoire dela guerre des Juifs », au premier siècle après Jésus-Christ.

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9 Histoire de la guerre des juifs, livre iiiJosèphe, qui dans cet embarras ne perdit pas sa pré-sence d’esprit, met alors sa confiance dans la protec-tion de Dieu : « Puisque, dit-il, nous sommes résolusà mourir, remettons-nous en au sort pour déciderl’ordre où nous devons nous entretuer : le premierque le hasard désignera tombera sous le coup dusuivant et ainsi le sort marquera successivement lesvictimes et les meurtriers, nous dispensant d’atten-ter à notre vie de nos propres mains. Car il seraitinjuste qu’après que les autres se seraient tués il yen eût quelqu’un qui pût changer de sentiment etvouloir survivre ».

Comme vous le constatez, il n’est pas question deranger les gens dans l’ordre, mais plutôt de s’en re-mettre au sort.

10 Histoire de la guerre des juifs, livre iiiCes paroles inspirent confiance, et après avoir dé-cidé ses compagnons, il tire au sort avec eux. Chaquehomme désigné présente sans hésitation la gorge àson voisin dans la pensée que le tour du chef vien-dra bientôt aussi, car ils préféraient à la vie l’idée departager avec lui la mort. A la fin, soit que le ha-sard, soit que la Providence divine l’ait ainsi voulu,Josèphe resta seul avec un autre : alors, égalementpeu soucieux de soumettre sa vie au verdict du sortet, s’il restait le dernier, de souiller sa main du sangd’un compatriote, il sut persuader cet homme d’ac-cepter lui aussi la vie sauve sous la foi du serment.

Et voilà l’histoire : d’après lui-même, Flavius Jo-sèphe a eu du bol, tout simplement. Mais au tempsde Bachet, le hasard ne donnait pas encore matièreà des problèmes plaisants et délectables.

À qui ce livre s’adresse-t-il ? Certainement pas aupremier venu, et Bachet le dit, sans prendre de gants.

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11 Pithagore un effronté menteurSi l’on m’objecte qu’on ne peut aisément pratiquerce problème aussi généralement que je l’ai montré, sion n’est pas bien versé en arithmétique, à cause dufait que des fractions y interviennent le plus souvent,et que tout le monde ne sait pas les escrimer.

Je réponds premièrement que je n’écris pas princi-palement pour ceux qui sont ignorants, comme jel’ai déjà affirmé, et qui sont si hébétés et tardifs àcomprendre les propriétés des nombres, qu’il feraienttrouver Pythagore un effronté menteur, quand il ditque l’âme de l’homme est une harmonie de nombres.

Et après je dis qu’on peut pratiquer ce jeu d’uneinfinité de façons, sans avoir recours aux fractions ;et pour aider les plus faibles je vais en donner lesmoyens.

Vous l’avez compris, Bachet est de bonne volonté : ilveut bien nous aider, mais si on ne veut pas se fairetraiter d’hébété et tardif à comprendre, va falloirs’accrocher. Essayons.

12 Identité de Bézout

«Proposition dix-huit. Deux nombres premiers entreeux étant donnés, trouver le moindre multiple dechacun d’eux, surpassant de l’unité un multiple del’autre. »

Vous n’avez pas été tardifs à comprendre le pro-blème. Si a et b sont premiers entre eux, vous deveztrouver deux entiers u et v tels que au dépasse bvde l’unité. En d’autres termes au − bv = 1 : c’estl’identité de Bézout. Non, vous n’êtes pas hébétés,Bézout est né en 1730, soit plus d’un siècle après celivre.

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13 Euler, Élémens d’Algèbre (1774)Voici ce qu’on lit dans les éléments d’algèbre d’Euler,complétés par Lagrange. C’est Lagrange qui a écritceci.

«On doit la première solution de ce problème à Mon-sieur Bachet de Méziriac, qui l’a donnée dans la se-conde édition de ses récréations mathématiques, in-titulées Problèmes plaisants et délectables, etc. »

Plus loin :

« La méthode de Bachet est très directe et très in-génieuse, et ne laisse rien à désirer du côté de l’élé-gance et de la généralité. Nous saisissons avec plaisircette occasion de rendre à ce savant auteur la jus-tice qui lui est due sur ce sujet, parce que nous avonsremarqué que les géomètres qui ont traité le mêmeproblème après lui, n’ont jamais fait aucune mentionde son travail. »

Quand même, une citation de Lagrange aussi élo-gieuse, ça vous pose un mathématicien. Si les autresgéomètres n’ont jamais fait mention de son travail,c’est à cause d’un malentendu dont Bachet lui-mêmeest responsable. En voulant enrober ce qui étaiten fait un livre de recherches en arithmétique, il atrompé son monde. Il se trouve qu’il a aussi participéau lancement d’un genre littéraire, ce que Lagrangeappelle des « récréations mathématiques ».

Voici un autre exemple.

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14 Théorème de Wilson (Ibn al-Haytham)Je demande un nombre qui étant divisé par 2 il reste1, étant divisé par 3, 4, 5 ou 6 il reste 1, mais étantdivisé par 7 il ne reste rien.

Dans l’encadré bleu, Bachet donne une autre for-mulation. « Une pauvre femme portant un panierd’œufs pour vendre au marché, vient à être heurtéepar quelqu’un qui fait tomber le panier, et cassertous les œufs. »

Et la pauvre femme, qui ne connaît pas le nombre deses œufs, sait tout de même que ce nombre modulo2, 3, 4, 5, et 6 valait 1, et modulo 7, 0. C’est vousdire le niveau technique de la pauvre femme.

Bref, 721, soit factorielle 6 plus 1 répond à la ques-tion. Si p est premier, factorielle p − 1 plus un estdivisible par p et congru à 1modulo les entiers précé-dents. C’est le théorème de Wilson. John Wilson, estné en 1741, encore plus tard que Bézout. Bon d’ac-cord, son théorème était déjà connu d’al-Haythamvers l’an mille. Curieusement, l’exposé d’al-Haythamcommence par le même problème que Bachet, c’est-à-dire le cas particulier p = 7.

Parmi les problèmes plaisants et délectables il n’y apas que des théorèmes d’arithmétique. Il y a aussides questions d’une intense utilité pratique.

15 Trois maris jaloux

Trois maris jaloux, avec leurs femmes, se trouvent denuit au passage d’une rivière, où ils ne rencontrentqu’un petit bateau sans batelier si étroit qu’il necontient que deux personnes. On demande commentces six personnes passeront deux à deux, de telle fa-çon que jamais aucune femme ne demeure en com-pagnie d’un ou de deux hommes, si son mari n’estpas présent.

Ce type de problème, dit « de traversée » avait étéintroduit dans les propositions pour affûter la jeu-nesse d’Alcuin, au temps de Charlemagne.

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16 Récréation mathématicque (1626)L’expression « Récréations mathématiques », queLagrange applique au livre de Bachet, Bachet lui-même ne l’utilise pas. Elle est employée pour la pre-mière fois par un Belge nommé van Etten. Son livreest paru la même année que la seconde édition deBachet, 1624.

Il y a trois différences avec Bachet. La première estque les problèmes sont plaisants et facétieux, au lieude délectables. La seconde est le niveau mathéma-tique, qui est beaucoup moins élevé. La troisièmeest le champ abordé, qui est beaucoup plus vaste.Comme vous le voyez sur la page de titre de l’édi-tion de 1626, il s’agit d’Arithmétique, Géométrie,Mécanique, Optique, et autres parties de ces bellessciences.

17 Examen du livre des récréations mathématiques (1630)

Plusieurs éditions se sont succédées rapidement en1626, 27, 29. J’ai choisi de vous présenter ce livre,de Claude Mydorge. Il date de 1630, et est intitulé« Examen du livre des récréations mathématiques etde ses problèmes, en géométrie, mécanique, optiqueet catoptrique, où sont aussi discutées et rétabliesplusieurs expériences physiques qui y sont propo-sées ».

Donc Mydorge se propose de donner un examen,c’est-à-dire des explications. De quels problèmess’agit-il ? On retrouve quelques classiques.

18 Flavius JosèpheEn premier lieu, Flavius Josephe. Il est bien préciséqu’il évita le danger de la mort par l’artifice de ceProblème. Après quelques détails historiques plus oumoins fantaisistes, Mydorge dit :

« Puisque nous voyons que Josèphe a survécu à cetacte, il est probable qu’il se servit de cette industrieà disposer les soldats, faisant que de 41 personnesqu’ils étaient, chaque troisième serait tué, et lui semettant en la 16e ou la 31e place, il pouvait enfindemeurer seul avec un second auquel il ôta la vie,ou persuada aisément de se rendre aux Romains. »

Ouahh, Mydorge a progressé en précision depuis Ba-chet ! Et les maris jaloux ?

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19 Des trois Maistres & des trois Valets

Trois Maîtres avec leurs trois valets, se trouvent aupassage d’une rivière où ils ne rencontrent qu’un pe-tit bateau sans batelier, et si étroit qu’il ne contientque deux personnes. Or ces six personnes sont telle-ment animées que les trois Maîtres s’accordent bienensemble et les trois valets aussi, mais que chaquemaître veut mal de mort aux deux valets des autres.On demande comment ces six personnes passerontdeux à deux tellement que jamais aucun serviteurne demeure en la compagnie d’un ou de deux autresmaîtres que le sien, autrement il serait battu.

20 De loup, de la cheure et du chou

Dans le même genre des traversées de rivière, celui-ciest encore un classique de nos jours.

« Sur le bord d’une rivière se rencontrent un loup,une chèvre et un chou. Comment est-ce qu’un bâ-telier les passera à l’autre bord de la rivière, seul àseul, tellement que le loup ne fasse point de mal à lachèvre, ni la chèvre au chou, en son absence. »

21 les Mathematiques trouueront place parmy les tripots

Comme annoncé dans le titre, il y a des problèmesde géométrie et de mécanique. Les deux se rejoignentsur le jeu de billiard.

« Quoi donc ! Les Mathématiques trouveront-ellesplace parmi les tripots, et discourront-elles sur lestapis des billiards ; sans doute ; et peut-être netrouverez-vous aucun jeu qui ne puisse mieux se ré-gler par principes de mathématiques, que ceux-cy.Car tous les mouvements se font par lignes droiteset par réflexions. »

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22 De quelques Horologes bien gaillardes

Dans les mathématiques, on englobait à l’époque lamesure du temps, par les horloges et les cadrans so-laires. Mydorge va donc présenter « quelques hor-loges bien gaillardes ».

La première s’appuie sur un épigramme grec qui ob-serve que « nous portons toujours une horloge surla face, par le moyen du nez et des dents ; N’est-ce pas un joli quadrant, car il ne faut qu’ouvrir labouche. Les lignes seront les dents, et le nez servirade touche. »

23 D’une jolie fontaine

Il y aussi des expériences d’hydraulique, avec cettejolie fontaine qui fait jaillir d’eau très haut et avecune grande violence quand on ouvre le robinet.

24 Des fuzees & de leurs structure

Et même des fusées de feu d’artifice, car la pyrotech-nie fait aussi partie des mathématiques.

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25 Récréations Mathématiques et Physiques (1694)

À partir des années 1620, le succès des récréationsmathématiques a continué pendant plus de deuxsiècles. Le maître incontesté du genre a été JacquesOzanam. Comme vous le voyez, Jacques Ozanam seprésente comme « professeur des mathématiques ».Professeur il l’a été pendant toute sa carrière. Il amême enseigné les mathématiques à Abraham deMoivre, avant que celui-ci émigre à Londres.

Jacques Ozanam a écrit plusieurs livres d’enseigne-ment, des traités de mathématiques, il a même étéélu à l’Académie des sciences. Mais ce qui l’a rendule plus célèbre, ce sont ces « Récréations mathéma-tiques et physiques », qui ont été rééditées maintesfois, et même, traduites en anglais.

Qu’y trouve-t-on ? Comme ses prédécesseurs, il ba-laye tous les domaines relevant plus ou moins desmathématiques. Vous voyez annoncés des problèmesd’arithmétique, de géométrie, d’optique, de gnomo-nique, de cosmographie, de mécanique, de pyrotech-nie et de physique. Avec un traité des horloges élé-mentaires. La différence c’est qu’il met de l’ordre.Les problèmes sont classés par chapitres et sous-chapitres.

Mais ça commence, comme chez Bachet, par un peude morale sur l’histoire de Flavius Josèphe, commeil se doit.

26 Flavius Josèphe

Il fit ranger ces désespérés d’une manière que lachance tomba sur ceux que le capitaine voulut bienlaisser périr : Il sauva sa vie parce qu’il était ma-thématicien, et non pas parce qu’il était Levite. M.Bachet décrit ce secret au Problême 23 et il auraitété aussi grand sorcier que Josèphe. Ce qui fait voirque les connaissances les plus abstraites peuvent sereduire en pratique, et qu’on peut mettre à quelqueusage, ce qui en paraît le plus éloigné.

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27 Une Abbesse aveugleIl n’y a plus de maris jaloux, mais une abbesseaveugle.

Une abbesse aveugle visitant ses religieuses qui sontdispersées aux quatre angles d’un Quarré, et au mi-lieu de chaque côté, trouve par tout un nombre égalde personnes dans chaque rang, qui est composé detrois cellules ; et en les visitant une seconde fois, elletrouve dans chaque rang le même nombre de per-sonnes, quoiqu’il y soit entré quatre hommes ; et enles visitant une troisième fois, elle trouve encore danschaque rang le même nombre de personnes, quoiqueles quatre hommes soient sortis, chacun avec une re-ligieuse ; on demande comment cela se peut et se doitfaire.

Pas de mauvais esprit : on ne demande pas commentl’abbesse aveugle fait pour compter les religieuses etles hommes qui partent avec.

28 Une Abbesse aveugle

C’est bien un problème de mathématiques, dontOzanam donne une solution complète et clairementrédigée :

« Il faut qu’un homme se mette dans la cellule dechaque angle, et que deux religieuses en sortent pourpasser dans chaque cellule du milieu. »

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29 Triangle de Pascal

Il y a de l’arithmétique de plus haut niveau : parexemple le triangle de Pascal. Le traité du triangledate de 1654 mais n’a été diffusé que 10 ans plustard. C’est bien la formulation de Pascal qu’utiliseOzanam.

30 contructions géométriques

On trouve dans les récréations d’Ozanam desconstructions géométriques, dont certaines rap-pellent les sangakus japonais, qui datent de la mêmepériode.

31 Carrosse, sans aucuns Chevaux

Il y a aussi de la physique et des constructions mé-caniques, parfois originales. Ceci est un carrosse quel’on peut conduire soi-même pour aller où on veutet sans aucun chevaux. Euh, avant de crier au gé-nie anticipateur de l’automobile, regardez derrièrele conducteur. C’est un valet qui pédale pour faireavancer le carrosse. Vous le voyez sur le mécanismequi est devant, les pédales entraînent les roues parl’intermédiaire d’un engrenage.

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32 Horloges Elementaires

Comme l’annonce le titre, il y a aussi des horloges.Mais cette fois-ci ce n’est pas le nez au milieu de lafigure, ce sont de vraies horloges, dont les engrenagessont parfaitement détaillés.

33 référencesAu bilan, le nombre de rééditions, et le suc-cès continu des récréations mathématiques pendantdeux siècles, prouve au moins qu’elles étaient, àl’époque, jugées intéressantes et même utiles. Voicice qu’en disait Ozanam :

« Bien que les jeux d’esprits dont je parle, soient desamusements, ils ne sont peut-être pas moins utilesque les exercices, auxquels on applique les jeunespersonnes de qualité, pour façonner leur corps.

Les jeux d’esprit sont de toutes les saisons et de tousles âges : ils instruisent les jeunes, ils divertissent lesvieux, ils conviennent aux riches, et ne sont pas au-dessus de la portée des pauvres ; les deux sexes s’enpeuvent accomoder sans choquer la bienséance. »

Eh ben alors : pourquoi ça ne serait plus vrai main-tenant ?