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Histoire des arts - 3 e Thème commun : « Rêver la société : microcosmes/macrocosmes et cités imaginaires… » Sujet de pratique : « CLASSE DE RÊVE » « Nous sommes désormais entrés dans une nouvelle ère du loisir […]. Un des premiers besoins est de créer dans chaque ville des espaces où l’on puisse apprendre à travailler et à jouer ». Cédric Price, architecte. I - VOCABULAIRE ET NOTIONS ABORDES : PERSPECTIVE : La perspective est une technique permettant la reproduction de l’espace en trois dimensions sur une surface plane. Utilisée dans l’Antiquité pour décorer en trompe-l’œil de riches demeures italiennes, elle a été redécouverte et perfectionnée à la Renaissance. PERSPECTIVE LINÉAIRE : Il s’agit d’un type de perspective basé sur un système de points et de lignes de fuites, d’où il tire son nom. La perspective linéaire a été mise au point en 1435 par des architectes, des peintres, et des mathématiciens. Elle a permis aux hommes de représenter le monde tel qu’ils le percevaient eux-mêmes, la perspective étant la transcription sur une surface à deux dimensions de la vision humaine et de l’espace tridimensionnel dans lequel nous évoluons. Il s’agit à l’époque d’une technique révolutionnaire, l’artiste étant le seul à pouvoir reproduire le monde réel. Ces images étaient d’ailleurs tout à fait fascinantes pour l’époque puisqu’aucun artiste n’avait jamais reproduit la réalité d’une manière aussi saisissante et de ce fait, personne n’avait jamais vu d’image ressemblante. Difficile à imaginer aujourd’hui dans notre monde saturé d’images… Pourtant tout cela est lié puisque 400ans plus tard, c’est bien cette technique qui permettra l’invention de l’appareil photo ! Les savants et scientifiques ayant compris comment l’on pouvait réduire et reproduire le monde à travers un point : le point de fuite devint alors la lentille photographique permettant l’enregistrement des images sur la surface sensible d’une plaque de métal puis de la pellicule. On comprend mieux l’importance de cette invention vieille de six siècles qui a eu un impact considérable sur notre monde et notre rapport aux images. Annonciation de Leonard de Vinci, huile sur bois peinte vers 1472, conservée au Musée des Offices de Florence, Italie. PERSPECTIVE ATHMOSPHÉRIQUE : désigne un système perspectiviste mis au point notamment par Leonard de Vinci, qui consiste à rendre compte de l’illusion de profondeur en atténuant la vivacité et l’intensité des couleurs à mesure que l’œil se dirige vers l’arrière plan de l’image. Ce système doit son nom aux couches d’atmosphère qui provoque cet effet visuel d’un « bleuissement » des lointains. UTOPIE : Du grec ou – topos qui signifie en aucun lieu ou lieu du bonheur, la notion d’utopie désigne une construction imaginaire et organisée d'une société qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre - idéal. Dans le langage courant, une utopie désigne plus largement un projet dont la réalisation est impossible, une conception imaginaire.

Histoire des arts - 3e Thème commun : « Rêver la société ...signoret-col.spip.ac-rouen.fr/IMG/pdf/fiche_cites_ideales_et_archi... · Cedric Price, dessin au feutre sur photographie,

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Histoire des arts - 3e Thème commun : « Rêver la société : microcosmes/macrocosmes et cités imaginaires… » Sujet de pratique :

« CLASSE DE RÊVE »

« Nous sommes désormais entrés dans une nouvelle ère du loisir […]. Un des premiers besoins est de créer dans

chaque ville des espaces où l’on puisse apprendre à travailler et à jouer ». Cédric Price, architecte.

I - VOCABULAIRE ET NOTIONS ABORDES :

PERSPECTIVE : La perspective est une technique permettant la reproduction de l’espace en trois dimensions sur une surface plane. Utilisée dans l’Antiquité pour décorer en trompe-l’œil de riches demeures italiennes, elle a été redécouverte et perfectionnée à la Renaissance. PERSPECTIVE LINÉAIRE : Il s’agit d’un type de perspective basé sur un système de points et de lignes de fuites, d’où il tire son nom. La perspective linéaire a été mise au point en 1435 par des architectes, des peintres, et des mathématiciens. Elle a permis aux hommes de représenter le monde tel qu’ils le percevaient eux-mêmes, la perspective étant la transcription sur une surface à deux dimensions de la vision humaine et de l’espace tridimensionnel dans lequel nous évoluons. Il s’agit à l’époque d’une technique révolutionnaire, l’artiste étant le seul à pouvoir reproduire le monde réel. Ces images étaient d’ailleurs tout à fait fascinantes pour l’époque puisqu’aucun artiste n’avait jamais reproduit la réalité d’une manière aussi saisissante et de ce fait, personne n’avait jamais vu d’image ressemblante. Difficile à imaginer aujourd’hui dans notre monde saturé d’images… Pourtant tout cela est lié puisque 400ans plus tard, c’est bien cette technique qui permettra l’invention de l’appareil photo ! Les savants et scientifiques ayant compris comment l’on pouvait réduire et reproduire le monde à travers un point : le point de fuite devint alors la lentille photographique permettant l’enregistrement des images sur la surface sensible d’une plaque de métal puis de la pellicule. On comprend mieux l’importance de cette invention vieille de six siècles qui a eu un impact considérable sur notre monde et notre rapport aux images.

Annonciation de Leonard de Vinci, huile sur bois peinte vers 1472, conservée au Musée des Offices de Florence, Italie.

PERSPECTIVE ATHMOSPHÉRIQUE : désigne un système perspectiviste mis au point notamment par Leonard de Vinci, qui consiste à rendre compte de l’illusion de profondeur en atténuant la vivacité et l’intensité des couleurs à mesure que l’œil se dirige vers l’arrière plan de l’image. Ce système doit son nom aux couches d’atmosphère qui provoque cet effet visuel d’un « bleuissement » des lointains. UTOPIE : Du grec ou – topos qui signifie en aucun lieu ou lieu du bonheur, la notion d’utopie désigne une construction imaginaire et organisée d'une société qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contre - idéal. Dans le langage courant, une utopie désigne plus largement un projet dont la réalisation est impossible, une conception imaginaire.

Le terme d’utopie apparaît à la Renaissance, avec la parution d’un livre étrange et inédit pour l’époque : Utopia de Thomas More, juriste, homme politique et philosophe anglais.

Dans son ouvrage, Thomas More prône la tolérance et la discipline au service de la liberté, à travers la description d'un monde imaginaire, proche de l'idéal de l'auteur.

Il y décrit l’île d’Utopie comme un monde lumineux, à l’opposé de l’Angleterre de son temps, brutale et inégalitaire.

Thomas More imagine donc un lieu clos, l’île d’Utopie composée d'une cinquantaine de villes gérées de manière semblable, où les hommes vivraient en harmonie, sans monnaie, les échanges collectifs remplaçant l’acquisition et l’accumulation de biens privés.

Dès le milieu du XVIe siècle et sa traduction en plusieurs langues, Utopia connaît un succès immédiat. En plus d’avoir créé un véritable concept, son livre influencera nombre de politiques, de philosophes ou d’artistes dans leurs réflexions sur la construction de sociétés, sinon idéales, du moins plus humaines et plus égalitaires.

Gravure de 1548 Ambrosius Holbein représentant l’île d’Utopie.

II - RÊVES D’ARTISTES, LES CITES IDEALES :

Les Cités Idéales, auteurs incertains (école de Piero della Francesca ?), huiles sur bois peintes à la fin du XVe siècle en Italie, aujourd’hui dispersées à travers le monde : Italie, Allemagne, Etats-Unis.

Il existe trois panneaux de ce type, dispersés à travers le monde. L’un se trouve en Italie, un autre est visible à Baltimore aux Etats-Unis, le troisième est exposé à Berlin. Ces œuvres sont énigmatiques et fascinantes, tant par le mystère qui entoure leur attribution (on ne sait toujours pas qui les a peintes), que par leur originalité au regard de la grande majorité des œuvres produites à la même époque : parfaite maîtrise de la perspective et présentation d’une architecture pour elle-même.

En effet, chacune des trois vues représente un espace quasiment vide, dénué de toute activité humaine courante ou de mise en scène religieuse ou historique, comme c’est la règle à l’époque. A la Renaissance, un tableau étant considéré comme une fenêtre ouverte sur le monde, l’espace et plus particulièrement celui de la cité n’est jamais représenté pour lui-même ou pour sa beauté architecturale mais comme cadre d’une histoire. Or ce n’est pas le cas ici où aucune action ne se déroule. De même, aucune de ces trois vues ne correspond à un lieu géographique clairement identifiable de l’époque bien qu’elles donnent à voir des éléments architecturaux typiques de la Renaissance italienne : maisons, palais et autres bâtiments d’inspiration antique. Ce sont ces détails frappants qui ont fait penser aux spécialistes qu’il s’agissait là de représentations de type « utopiques », et qui leur ont donné le nom que nous utilisons aujourd’hui pour les désigner : Les cités idéales. Une analyse plus précise :

Cité Idéale dite aussi Panneau d’Urbino, auteur incertain (école de Piero della Francesca ?), huile sur bois peinte vers 1470, conservée à la Galerie nationale d’Urbino, Italie.

Le panneau qui se trouve dans un musée d’Urbino est resté dans son pays de création : l’Italie à qui l’on doit la naissance de la perspective. Qui l'a peint ? Cela reste un mystère, même pour les spécialistes.

Ce tableau n'est pas un objet ou un document comme un autre. Au-delà de la parfaite maîtrise technique dont il témoigne, c'est une sorte de machine à devinettes : s'agit-il d'une scène de théâtre, d'un artifice réalisé pour faire voir l'art de la perspective? D'une ville, d'un site urbain figé dans sa symétrie ?

Le tableau respire le mystère : la construction s'ordonne autour d'un point de fuite unique sur une ligne d’horizon qui conduit le regard de l’observateur vers une porte mystérieusement entrouverte. Dans cet espace désert, notre regard erre, circule, s'égare entre les bâtiments. L’espace représenté provoque à la fois un sentiment de parfait équilibre et une ambiance inquiétante de fin du monde dont tout être humain aurait quitté la scène. Nul doute que ce tableau ait d’ailleurs inspiré les images de villes fantômes présentent dans les films de science fiction où les héros évoluent dans des villes désertées.

Photograme du film I am a legend, avec Will Smith, 2007.

En effet, aucune présence humaine dans ce décor. Seuls les deux pigeons sur la corniche du palais, au premier plan à droite, sont vivants. Aucune végétation, sauf une plante à côté des deux pigeons. Le spectateur se trouve plongé dans un temps indéterminé, un temps suspendu. Si c'était du théâtre, on serait entre deux actes. Si c’était la réalité, on serait au début ou à la fin d’un monde.

III - DE LA CITE IDEALE RENAISSANTE AUX FOLIES ARCHITECTURALES DU XXe siècle : Les cités idéales n’ont pas seulement fait rêver les hommes politiques et les philosophes : les artistes et les architectes, toujours en réflexion sur l’évolution du monde se sont emparés des grands principes de l’utopie pour imaginer des espaces toujours mieux adaptés aux besoins humains.

Cedric Price, dessin au feutre sur photographie, projet non réalisé pour le Fun Palace de Londres, 1959-1961.

Ainsi, au début des années 1960, un homme prônant le théâtre pour tous, Joan Littlewood et un architecte, Cédric Price, élaborent le projet du Fun palace. Conçu pour répondre aux nouveaux besoins de la société des loisirs, ils imaginent le Fun palace comme un « laboratoire du plaisir », une sorte d’espace géant où l’on pourrait expérimenter toutes les formes de divertissement, au milieu de la ville.

« La forme, la structure du Fun Palace, à l’image d’un chantier naval dont les enclos sont des théâtres, des cinémas, des restaurants, des ateliers, des lieux de rassemblement, peut être sans cesse assemblée, déplacée, réorganisée et

fragmentée ». Cédric Price, à propos de son projet pour le Fun palace. Ce projet ne sera jamais réalisé, mais il inspira fortement les architectes Richard Rogers et Renzo Piano dans la conception du Centre Georges Pompidou, construit au cœur de Paris et inauguré en 1977 dont le programme vise à la démocratisation de la culture.

Le Centre Georges Pompidou ou Musée Nationale d’Art Moderne, photographié de nuit.