12
CERT I F I CATD ' ÉTUDESL I TTÉRA I RESGÉNÉRALES HISTOIRE DES IDÉES SOCIALES ET RELIGIEUSES de 1815 à 1914 par M. TERSEN CENTREDE DOCUMENTAT I ONUNIVERSITAIRE 5 PLACE DE LA SORBONNE. PARIS-V

Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

CERTIFICAT D'ÉTUDES LITTÉRAIRES GÉNÉRALES

HISTOIRE DES IDÉES SOCIALES ET RELIGIEUSES de 1815 à 1914 par

M. TERSEN

CENTRE DE DOCUMENTATION UNIVERSITAIRE 5 PLACE DE LA SORBONNE . PARIS-V

Page 2: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

HISTOIRE DES IDEES SOCIALES ET RELIGIEUSES

de 1815 à 1914

LA SITUATION EN 1815

Etat de l'opinion à la Restauration

L'année 1815 marque la liquidation de l'aventure napoléo- nienne et une défaite révolutionnaire. Pour les contemporains, deux positions extrêmes :

- Beaucoup de contemporains n'ont voulu voir dans la révolution qu'un accident, l'oeuvre d'une conspiration de philosophes et d'illuminés (de francs-maçons, par exemple). Pour de Maistre, c'est un châtiment du ciel qui punit le XVIIIème siècle libertin et athée. Il fallait donc restaurer le monde d'avant, le définir et le justifier (régime féodal, corporatif, familial).

- Parmi les révolutionnaires, beaucoup sont fatigués, vieillis. Cer- tains se demandent s 'ils ne se sont pas trompés. D'ailleurs, ils n'ont pas toujours saisi le sens de la Révolution, surtout au point de vue social. Ils ont besoin de reconstruire le mythe de la Révolution vain- cue. Cependant, i l reste de la Révolution des survivances qui peuvent alimenter des espérances.

Et i l y a une position moyenne :

Il y a aussi les bénéficiaires de la Révolution : fonction- naires, militaires, armateurs, industriels : ils ne tiennent pas à ce que la Révolution recommence. Ils adoptent une position intermé- diaire d'opportunisme; ils essayeront de faire une synthèse entre ce que la Révolution et la Restauration peuvent apporter de bien. Attitude de nouveaux riches : rôle de va-et-vient plus individuel qu'idéologi- que. Quant aux étrangers entraînés dans le mouvement révolutionnaire (Pays-Bas, Rhénanie, Autriche), ils veulent une monarchie constitu- tionnelle.

Mais le monde vivant évolue : les techniques marchent et modifient le fond social (ce processus d'ailleurs échappe aux ultras). Il s'est trouvé de 1815 à 30 un certain nombre de gens qui au lieu de penser au passé ou au présent, se sont tournés vers le futur et ont tenté, à partir de la critique sociale, de définir une société éventuelle (socialisme utopique). Aucune de ces préoccupations, ou presque, n'est séparée de préoccupations religieuses (on les trouve chez Saint-Simon et Fourier comme chez Bonald).

Page 3: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

1) Mouvement religieux et politique tendant à la reconstitution de l'ancienne société.

Triple tendance chez les théoriciens : 1 - monarchie féodale (ultras) 2 - primauté des classes privilégiées, familles, agriculteurs 3 - ultra-montanisme.

de BONALD (1754-1840) Il a connu l'Ancien Régime. Dès l'année 1796, i l publie une. "Théorie du Pouvoir Politique et religieux"

en 1802, " la "Législation primitive" (mêmes idées, plus creusées)

Il tente de fournir une explication dé l'Ancien Régime à rétablir et d'en donner une justification. En épigraphe i l donne une pensée de ROUSSEAU : la Révolution est une tentative pour échapper à l'ordre des choses et aux lois de la Nature. I l faut refaire un gouvernement établi sur la nature des choses. BONALD la définit d'une manière logique en introdui- sant une sorte de dialectique : cause, moyen, effet.

Plus ces rapports seront étroits, plus l'organisation sociale et poli- tique sera forte. BONALD s'est toujours efforcé de conformer ses actes à ses idées ( i l vote pour la peine de mort dans le projet de la loi sur le sacrilège). Politiquement, i l est favorable à l'intolérance religieuse et au resserrement des relations entre la Noblesse et le gouvernement. C'est un système cohérent, mais peut-être inefficace. On retrouve des idées analogues à l'étranger.

de HALLER. D'origine suisse, publie de 1816 à 1820 :

"Restauration de la Science politique, "Les Rois Légitimes sont remis sur le trône; nous allons y replacer aussi la Science Légitime"

Il préconise une sorte de paternalisme aristocratique. Mais HALLER est protestant : c'est en 1821 qu'il se convertira, par logique pour ses idées.

Adam MULLER. Protestant allemand, converti. Publie en 1815 : "De la nécessité d'une base théologique à toutes les sciences politiques, en particulier à l'économique". Essaye de rejoindre le régime artisanal du Moyen âge à travers le mercantilisme du XVIIIème siècle. I l tient compte des questions économiques, mais les analyse mal.

Page 4: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

Joseph de MAISTRE Publie en 1819 "Du Pape"

1821 (+) "De l'Eglise Gallicane" Titres purement religieux. "Point de morale publique sans religion, de religion sans christianisme, de christianisme sans le Pape". C'est un retour à l'ultra-montanisme.

Tout autre est: LAMENNAIS (1782-1854) Publie de 1817 à 1823 un "Essai sur l'Indifférence en matière de reli- gion". Il pose en principe que la religion est indispensable à la vie de société. Puisque l'ordre social philosophique s'est révélé funeste, i l importe de lui substituer l'ordre religieux : et seul le catholicisme est conforme à la nature des choses. I l faut restaurer l 'autorité du Pape. Gros engouement du public pour le livre : le Pape correspond directement avec LAMENNAIS.

Demandons-nous comment les faits s'accordèrent avec les idées des théoriciens.

s u l e plan politique L'idée de BONALD n'a réussi nulle part. Il s 'est heurté aux résis-

tances des souverains qui n'avaient pas intérêt à restaurer l 'autorité des nobles (Louis XVIII dissout la Chambre Introuvable), et de l'opinion. Les Etats sont ou des monarchies absolues et le restent, ou des monarchies constitutionnelles.

sur le plan social Généralement les conceptions ultras ont obtenu un certain succès :

abolition du divorce, renforcement de l'armature familiale. La bour- geoisie ne s'oppose pas à ce mouvement. Dans certains pays se maintient l'influence nobiliaire. Le servage a tendance à se resserrer en Russie et Hongrie. En Prusse et en Autriche se renforce après 1815 la surveil- lance de l 'aristocratie sur les paysans (les junkers reçoivent 1/3 des terres). En Europe occidentale, les gouvernements ne rendent pas les terres aux nobles et sont obligés de ratifier les résultats de la Révo- lution. (Milliard des Emigrés). Semi-échec.

sur le plan religieux Réussite des ultras-montains

car i ls partent de bases favorables : la Révolution et l'Empire avaient supprimé la féodalité religieuse et renforcé ainsi la position du Pape. Avant 89, i l y avait des Etats religieux, des principautés ecclésiastiques qui se voulaient autonomes. Ils ont disparu en 1815. D'une façon générale les clergés sont affaiblis; i l s ne sont plus propriétaires. On s'efforce d'unifier le recrutement des prêtres, on crée des séminaires : le recrute- ment se démocratise. Plus d'abbés bénéficiaires. Il se crée dans tous les pays un clergé nombreux, actif : le curé est généralement un paysan :

Page 5: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

les évêques restent nobles : en cas de difficultés, on recourt au Pape : i l peut, d'après le Concordat, déposer un évêque. Ainsi la Révolution a beaucoup fait de bien à la religion : le Congrès de Vienne, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, renforça les possibilités du Pape. Les pou- voirs du Pape se heurtent : – aux souverains : Louis XVIII (gallicanisme) - joséphisme en Autriche, – à certains évêques (le plus souvent gallicans), – à l ' é ta t d'esprit des populations : masses protestantes, beaucoup

d'anticléricaux farouches. Un pape bien avisé doit penser à ces obstacles : son action sera pro- gressive; de même la réaction protestante se produira à retardement : les protestants ont pensé qu'il ne fallait pas se brouiller avec les catholiques (nombreux en Prusse, Pays-Bas, Hollande...)

Action du Pape Pie VII ( essayer d'obtenir des concordats ( (1817 Piémont, Espagne) ( d'améliorer ceux qui existent (Portugal)

Relations délicates avec la France : i l y a le Concordat napoléonien et la Charte, qui ne donnent pas satisfaction au pape : – catholicisme religion d'Etat, mais – tolérance religieuse; traitement accordé aux pasteurs.

Concordat manqué de 1817 Le pape envoie un négociateur le Cardinal CONSALVI (du côté royal : duc de BLACAS) pour préparer un nouveau Concordat qui prévoit la suppression des Articles Organiques : mais Louis XVIII est mécontent de ce projet : c'est un fervent gallican. Pie VII dut se résoudre à accepter provisoi- rement le Concordat de 1801 En Autriche le pape se heurte à l'opposition de François 1er, autoritaire, et de Metternich, qui voit dans le pape un Italien qui pourrait entre- prendre la lutte contre l'étranger. Maintien du Joséphisme.

Organisation religieuse dans les nouveaux territoires en Prusse le pape obtient la permission d'organiser une province

religieuse du Haut-Rhin. au Hanovre — un résultat semblable. aux Pays-Bas (les négociations traînent en longueur : le Concordat de

(1829 sera mal appliqué. en Suisse 6 diocèses sont organisés. Nonce apostolique à Berne. - série de conventions signées par Léon XII (1823-29) avec les fragments

de l'Empire Espagnol qui deviennent des Etats indépendants: le pape doit user de tact pour ne pas froisser l'Espagne.

en Russie fin de la querelle catholiques-orthodoxes. Alexandre 1er y est favorable (lié avec de Maistre), mais c'est un éternel indécis. Nicolas (1825) ne veut plus entendre parler de réconciliation.

Page 6: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

par la Révolution, gênée ensuite.

Reconstitution des ordres - Les ordres d'avant la Révolution n'évitaient pas toujours les vocations forcées. Diminution constante en nombre et efficacité. Place nette pour une reconstitution. Le premier ordre reconstitué est la Compagnie de Jésus, abolie par le pape en 1774 (1814 Rome, 1815 Espagne, 1820 Autriche). Cer- tains pays, comme la France et les U.S.A. ne vont que jusqu'à la tolérance de fait : l'Angleterre reste méfiante et garde l'interdit; la Russie ex- pulse les Jésuites en 1820. - Les Chartreux, Trappistes se reconstituent. De nouveaux ordres apparaissent, en 1820 les Maristes

en 1822 les Frères des Ecoles chrétiennes. On remarque une tendance à créer des ordres laico-religieux. La Congrégation réapparaît (clandestine sous l'Empire) La Société pour la Propagation de la Foi se crée en 1822 (150.000 membres

en 1830). Activité missionnaire importante de 1820 à 1830

- à l'intérieur de l'Europe : beaucoup de missions - hors d'Europe, l'activité se porte au Liban, dans l'Inde (résistance

anglaise), en Chine (rivalité des missions), en Océanie. Les oppositions

a) nationalistes religieuses : surtout gallicanes : nombreuses dans le haut clergé et dans la noblesse (orgueil de race) : le peuple obéit aux prêtres desservants.

b) anticléricaux et libres-penseurs – en France.

La critique anti-religieuse s'alimente aux sources de l'anti-cléricalisme du XVIIIème siècle (Philosophes, Encyclopédie, Voltaire, Diderot) : mettre la religion en contradiction, rechercher les gaudrioles de la Bible. Pas méchant. Grand succès des rééditions de Voltaire. BERANGER et P.L.COURIER prêtent leur esprit. On représente Tartuffe. La bourgeoisie qui se heurte à la noblesse cléricale, au point de vue social et politique, va prendre une attitude anticléricale.

- en Allemagne Critique biblique sérieuse, fouillée, sans préjugés. 1817 de WETTE publie une critique de l'Ancien Testament,

EWALD " " " du Nouveau Testament PAULUS en 1828 publie une "Vie de Jésus" qui écarte le miracle.

- en Angleterre - Athéisme philosophique et utilitarisme religieux; BENTHAM 1818 Sur l'Eglise Anglicane : dépouiller les dogmes. GROTE 1821 Analyse de l'influence de la Religion naturelle sur le

bonheur.

Page 7: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

Les religions organisées sont un obstacle pour le bonheur. Le gouverne- ment réagit : CARLYLE condamné pour aht éisme.

En général, le grand public n'est pas touché : en Europe les masses paysannes restent dominantes et gardent les pratiques tradition- nelles. Quant aux ouvriers, i l s sont encore trop peu nombreux. Les sa- vants restent généralement religieux (Cuvier).

Evolution de l'ultra-montanisme; naissance du catholicisme libéral. – Le catholicisme libéral sort logiquement de l'Ultramontanisme (action gouvernementale et proprement papale). Après 1814 les papes modèrent leur ambition. Quant aux fidèles, i l s suscitent l 'autorité du pape : elle ne leur est pas imposée. Le catholicisme libéral naît à l'origine de circonstances locales. Deux cas particuliers :

– en Irlande : situation anormale des catholiques, opprimés, repré- sentés par des protestants au Parlement et soumis aux grands proprié-

taires. En 1815, i l s ont un bon r eprésentant David O'CONNELL : catholique, i l veut obtenir la liberté pour les catholiques. Puisque les Anglais protestants ont des droits politiques, pourquoi les Irlandais catholiques n'en auraient-ils pas ? Il forme en 1823 l'Association catholique qui tient des meetings. En 1829, l'Acte d' Emancipation accorde aux catholiques l'accès à toutes les charges politiques. Mais les catholiques irlandais isolés et pauvres, restent ultramontains, pour être mieux soutenus par Rome.

– en Belgique : Dans le royaume des Pays-Bas, Hollandais protestants et Belges catholiques sont unis. Mais, très vite les catholiques se plaignent (serment obligatoire des fonctionnaires à l 'autorité laïque, part officielle dans l'enseignement). Heurts nombreux avec le souverain protestant. Le roi GUILLAUME s'appuie sur des éléments anti-religieux, sur les françs-maçons (directeurs de loge émigrés : Prieur de la Marne – son f i l s cadet devient grand g de l'ordre). Les catholiques se tournent vers la France. Guillaume prend des mesures anti-cléricales : arrêtés de 1825 :

– surveillance des séminaires – autorisation officielle nécessaire pour créer des collèges

nouveaux – institution d'un Etablissement d'Enseignement qui vise à

coordonner toutes les opinions (collège philosophique) où doivent passer les séminaristes.

Les catholiques, inquiets, ont besoin des libéraux belges contre la politique autoritaire du gouvernement : pour des raisons différentes oatholiques et libéraux se trouvent dans l'opposition (1827, Brochure du comte de Mérode Le Catholique du Pays-Bas). L'alliance préconisée se réalise en 1848 : Union des Oppositions. Dans chaque ville se cons- titue une association constitutionnelle.

Ces deux cas, Irlande et Belgique, sont particuliers : l 'es- prit généralisateur est nécessaire pour en t irer une doctrine : ce sera le rôle de LAMENNAIS.

LAMENNAIS publie en 1829 "Du Progrès de la Révolution, et de la

Page 8: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

guerre contre l'Eglise". Cri d'alarme : les monarchies s'engagent dans la voie de la persécution : le gallicanisme soutient ce mouvement. L'union du trône et de l'autel perd sa signification. Conclusion : "L'Eglise doit chercher son salut dans la liberté dont la puissance temporelle aspire à la dépouiller ; elle ne doit plus dépendre d'un Etat, même monarchique". L'Eglise doit revendiquer l'indépendance : ultramontanisme libéral. Les catholiques revendiqueront : liberté d'enseignement et de presse. A ce moment la France et l'Europe s'acheminent vers des révolutions : i l faut que les catholiques se préparent à en tirer parti.

2) La critique sociale

Après 1815, le mouvement économique, dont le gouvernement mo- narchique ne tient pas compte, se fait dans le désordre. Conséquences sociales : patrons, et masse de manoeuvre; vie quotidienne en hausse. Peu de contemporains pensent social (ils agissent social). La critique sociale va naître : elle n'émane pas des malheureux (les ouvriers ne peuvent proposer de réformes) ni des patrons (sauf pour Cobden) ; elle émane des philosophes : ce qu'ils cherchent , c'est organiser la production pour le plus grand bonheur de tous : cette critique ne cadre pas avec la réalité : d'où le nom de socialisme utopique (étape nécessaire d'ailleurs). Il se développe dans deux pays : France et Grande-Bretagne (beaucoup moins, l'on y est empiriste plus que théoricien).

En Angleterre THOMPSON (ami de Bentham), GRAY et HODGSKIN critiquent les excès de

la production. OWEN est beaucoup plus important : c'est un industriel et un théori-

cien qui s'essaye à être homme d'action : i l crée une usine à New-Lanark où i l tente des réformes ouvrières : journée de 10 h, assistance médicale gratuite, salaire aux chômeurs, Fort de son expérience, i l publie en 1812

" Aperçus sur la Société : puisque l'homme est déterminé par les circonstances, i l faut réparer les circonstances défavorables. la religion empêche les hommes de travailler à leur bonheur, le mariage orée le mensonge, associe des individus qui évoluent. Owen

préconise des mariages-essais. la propriété individuelle crée le sens du profit qui s'acquiert au

détriment des autres. Il faut supprimer la propriété privée et créer des colonies communistes à bases agraires : tentatives onéreuses et échec en Indiana (à NEW HARMONY). L'erreur d'Owen est de partir du principe que l'homme est bôn et de vouloir créer un monde nouveau indépendant du monde réel. Après cet échec, Ecole anglaise en déclin : i l subsiste des clubs où viennent quelques ouvriers (Hampden's club). En France

SISMONDI voit que le machinisme tend à écraser l'homme et condamne le

Page 9: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

système patron-ouvrier : mais i l ne propose pas de remède. Esprit ouvert, mais pessimiste et négatif (songe pourtant à une organisation du travail).

SAINT-SIMON affirme que les valeurs techniques intellectuelles et morales doivent gouverner l 'Etat : i l faut fonder une science sociale (Histoire-Science), fonder une association-de travail au profit de la masse pour son amélioration physique et morale. Dans cet état industriel dans lequel le gouvernement doit diriger la production, régler la con- sommation et donner une instruction technique, s'établira une hiérarchie nouvelle basée sur les valeurs de production "à chacun selon sa capacité, à chaque capacité, selon ses oeuvres". Pour éviter que cette hiérarchie se fossilise, i l faut supprimer l'hérédité jusque dans l'héritage. Grande part d'illusion, mais richesse d'idées extraordinaire : conscience aiguë des changements sociaux.

CHARLES FOURIER propose un retour au monde naturel, qui est à base harmonique : reclasser les hommes d'après leurs passions de manière à créer la cellule sociale de la phalange qui aura sa vie autonome et utilisera toutes les tendances humaines. Esprit confus, utopique, orgueilleux : promet un bonheur moral, rejette l'étatisme. Pure doctrine avant 1830, avec une influence très limitée.

3) Le mouvement ouvrier avant 1830.

En France

On distingue deux sortes de groupements ouvriers : - le compagnonnage d'origine ancienne : groupe des gens de même métier :

cela mène à des rivalités entre professionnels. Cependant à la fin de la Restauration, on se rend compte de l ' inut i l i té des rivalités mes- quines. En 1827 se crée une nouvelle association "Société des indépen- dants". Les préparatifs de l'expédition d'Alger contribuèrent à rap- procher dans un travail commun plusieurs compagnonnages : au retour de la campagne, union des compagnonnages.

- les sociétés de Secours mutuels, nombreuses et minuscules : quelques- unes essayent de se montrer entreprenantes (secours aux grévistes). La grève est un délit. Toutes sont étroitement surveillées, et le livret reste obligatoire.

En Angleterre

L'introduction du machinisme entraîne une diminution du nombre des ouvriers : d'où un mouvement anti-machiniste : destruction de matériel : c'est le LUDDISME, datant du Blocus, en 1811. - après 1815, le mouvement prend une forme moins brutale : marche d'ouvriers sur Londres, dispersés par les milices locales. Pas de conséquences pratiques, mais signe d'une situation grave. I l faut changer de méthode, util iser le droit de coali- t ion. Mais i l s'agit d'obtenir la légalisation des "Unions" d'ouvriers. (Francis PLACE et Joseph HUME) : meetings, discours obtiennent des résultats loi de 1824 : légalise les Unions

autorise coalitions et grèves (avance de 40 ans sur la France)

Page 10: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

Les ouvriers usent du droit de grève, et font pression sur les non- grévistes, d'où loi de 1825 : interdit en cas de grève la contrainte ou l'intimidation,

établit une liberté surveillée de la grève.

LA CRISE REVOLUTIONNAIRE DE 1830-1832

Déception ouvrière

La révolution de 1830 a-t-elle un sens social ? Politiquement, i l s'est produit à la suite de maladresses d'un

souverain une bagarre violente, mais courte et strictement parisienne, et un changement de personnel. Mais 1830 est aussi une révolution sociale: elle met fin au conflit qui opposait à l'intérieur de la monarchie, no- blesse décadente et bourgeoisie ascendante : les bourgeois ont installé un roi bourgeois. En fait ce sont les ouvriers qui ont fait la révolution, mais pas pour leur propre compte : les patrons les avaient libérés et parfois même armés. Les bourgeois ne contestent pas le rôle des ouvriers, mais ils ne leur accorderont pas d'avantages politiques en retour (manque de cohésion politique ouvrière).

1830 marque : - une désillusion ouvrière, - un redoublement du mouvement idéologique.

1) Redoublement du mouvement idéologique le Saint-Simonisme n'est plus Saint-Simon, mais ses disciples)

- intensifie sa prppagande : publie des brochures, lance le Globe (1831-32) - i l a peut-être 40.000 adhérents bourgeois aisés, intellec- tuels, hommes d'affaires, polytechniciens (PEREIRE, CHARTON, Félicien DAVID, SAINTE-BEUVE).

- Mais cette poussée décline pour deux raisons : scission entre le groupe Bazard (réalistes)

Enfantin (mystiques) Enfantin et ses amis poussent dans les sens religieux et constituent un groupe actif Rue Ménilmontant (groupe de femmes émancipées). Cela attire l'attention du gouvernement : i l intente un procès au saint-simo- nisme pour atteinte à la morale, société non autorisée, refus de servir dans la Garde Nationale. Fermeture du temple, condamnation des chefs (1832) et dislocation de la société. Enfantin part en Orient avec des fidèles : revient avec l'idée qu'il faut percer le canal Suez. (Lesseps est saint-simonien). Les autres saint-simoniens s'étaient sécularisés. Echec, apparent et momentané.

Page 11: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

19 6 1

IMPRIMÉ EN FRANCE

Page 12: Histoire des idées sociales et religieuses de 1815 à 1914

Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

Cette édition numérique a été réalisée à partir d’un support physique parfois ancien conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

Elle peut donc reproduire, au-delà du texte lui-même, des éléments propres à l’exemplaire qui a servi à la numérisation.

Cette édition numérique a été fabriquée par la société FeniXX au format PDF.

La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections

de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia ‒ Société Française des Intérêts des Auteurs de l’Écrit ‒

dans le cadre de la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012.