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CANTAT ADRIEN HISTORIQUE DE L'EVALUATION DES APPRENTISSAGES : DE L'ENSEIGNEMENT DES JÉSUITES À L'APPROCHE PAR COMPÉTENCES Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en Administration et évaluation en éducation pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.) DEPARTEMENT DES FONDEMENTS ET PRATIQUES EN EDUCATION FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2009 © Cantat Adrien, 2009

Historique de l'évaluation des apprentissages : de l'enseignement

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CANTAT ADRIEN

HISTORIQUE DE L'EVALUATION DES APPRENTISSAGES :

DE L'ENSEIGNEMENT DES JÉSUITES À L'APPROCHE PAR COMPÉTENCES

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en Administration et évaluation en éducation pour l'obtention du grade de maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT DES FONDEMENTS ET PRATIQUES EN EDUCATION FACULTÉ DES SCIENCES DE L'ÉDUCATION

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2009

© Cantat Adrien, 2009

II

Résumé

Le but de cette étude est de déterminer si la mise en place de l'approche par compétences dans le

système scolaire québécois a permis l'instauration d'une évaluation des apprentissages d'un genre

nouveau, ou si à contrario, il ne s'agit en réalité que d'une redite de ce qui était déjà pratiqué par

le passé.

Pour ce faire, après avoir étudié l'histoire de l'évaluation des apprentissages dans plusieurs pays

références à savoir la France, la Belgique, la Suisse, les Etats-Unis, et nous être penchés sur

l'approche par compétences, nous avons procédé à une étude portant sur trois documents émis par

les instances scolaires de la province du Québec traitant de l'évaluation des apprentissages que

sont Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923), La politique

d'évaluation pédagogique (1981), et La politique d'évaluation des apprentissages (2003). Après

avoir élaboré un questionnaire comprenant trois grandes dimensions (philosophique,

méthodologique, théorique), nous avons soumis celui-ci, avec les documents retenus dans le

cadre de notre étude, à trois répondants spécialisés en évaluation des apprentissages. Dans un

souci de clarté, nous avons ensuite répertorié les informations dans trois grilles d'analyse.

Il ressort de l'étude de ces trois documents officiels que l'évaluation des apprentissages instaurée

suite à la mise en place de l'approche par compétences dans le système éducatif québécois est sur

certains points innovatrice. En effet, le recours aux situations d'évaluation comme principal outil

d'évaluation, l'abandon de l'évaluation normative au profit exclusif de l'évaluation critériée,

l'adhésion au courant cognitiviste, constructiviste et socioconstructiviste de la politique

d'évaluation de 2003 marquent un point de rupture avec l'évaluation des apprentissages prônée

jusqu'ici au.Québec.

m

Remerciements

Au terme de cette étude, je tiens à exprimer mes plus sincères remerciements à mon directeur de

recherche, monsieur Pierre Valois, qui m'a soutenu et guidé tout au long de cette grande

aventure.

Je tiens également à remercier ma famille et mes amis qui, dans les moments difficiles, n'ont eu

de cesse de m'encourager.

rv

Table des matières

Résumé II

Remerciements m

Table des matières IV

Liste des tableaux X

Introduction 11

Chapitre 1 : Historique de l'évaluation 15

1.1. A l'origine les Jésuites 16

1.1.1. Les Jésuites de nos jours 17

1.1.2. La création de l'ordre 18

1.1.3. Naissance de la vocation étudiante de l'ordre 19

1.1.4. L'éducation des Jésuites 21

1.1.4.1. he Ratio Studiorum 21

1.1.4.2. L'encadrement des élèves 22

1.1.4.3. L'émulation 22

1.2. Le Québec 27

1.2.1. Histoire de l'éducation au Québec 27

1.2.1.1. La fondation de la Nouvelle France 27

1.2.1.2. La mise en place d'un premier système éducatif 28

1.2.1.3. La domination de l'Eglise sur le système éducatif 29

1.2.1.4. « La Révolution Tranquille » 30

1.2.2. Histoire de l'évaluation... 31

1.2.2.1. L'évaluation dans les petites écoles 31

1.2.2.2. La première ébauche de système éducatif centralisé 32

1.2.2.3. Les années 60 et les conséquences de la « Révolution Tranquille » 32

1.2.2.4. Les années 70 34

1.2.2.5. Les années 80 35

1.3. La France 37

1.3.1. Histoire de l'éducation en France à travers ses réformes éducatives 37

1.3.2. L'évaluation héritée des Jésuites 39

1.3.3. Remise en question du système d'évaluation traditionnel 41

1.3.4. Le passage à une pédagogie par « objectifs » 42

1.4. La Belgique 44

1.4.1. Une brève histoire de l'éducation en Belgique 44

1.4.2. Historique de l'évaluation 47

1.4.2.1. L'héritage des Jésuites.^ 47

1.4.2.2. Les conséquences de l'indépendance de la Belgique 47

1.4.2.3. Les politiques scolaires de l'égalité dans l'enseignement

secondaire 48

1.5. La Suisse 51

1.5.1. Petit rappel historique concernant la Suisse 51

1.5.2. Petit rappel concernant l'éducation en Suisse 52

1.5.3. Les origines de l'évaluation 53

1.5.4. L'évaluation de nos jours en Suisse 54

1.5.4.1. Canton de Berne 54

1.5.4.2. Canton de Vaud 55

1.5.4.3. Canton de Genève 56

1.6. Les États-Unis 57

1.6.1. Rappel historique sur l'éducation aux États-Unis 57

1.6.1.1. Les origines (1607-1830) 57

1.6.1.2.L'école de la République (1830-1890) 58

1.6.1.3. L'école progressiste (1890-1957) 58

1.6.1.4. L'époque moderne 60

1.6.2. Histoire du testing aux États-Unis 61

VI

1.6.2.1. Les origines 61

1.6.2.2. Les premières mises en application 62

1.6.3.3. Le développement du testing 63

Chapitre 2 : L'approche par compétences 66

2.1. Les origines du concept de compétence 68

2.1.1. La conception des linguistes 68

2.1.2. La conception des psychologues du développement cognitif 69

2.1.3. La conception des professionnels des sciences du travail 70

2.1.3.1. Le concept de qualification 71

2.1.3.2. Le concept de compétence 72

2.2. L'approche par compétences adaptée à l'éducation 72

2.2.1. Les définitions existantes 74

2.2.2. Les caractéristiques propres au concept de compétence 76

2.2.3. Les définitions retenues par les organismes internationaux 77

2.3. Le collège Alverno 77

2.3.1. Les capacités et le ability-based program 78

2.3.2. Principes fondamentaux 81

2.3.3. L'apprentissage 82

2.3.4. L'assesment 82

2.4. La réforme québécoise 84

2.4.1. L'évaluation comme pierre angulaire du renouveau pédagogique 84

2.4.1.1. Le recueil d'informations 84

2.4.1.2. L'élaboration d'un jugement global 85

2.4.1.3. La communication 85

2.4.2. Les valeurs 86

2.4.2.1. Les valeurs fondamentales 86

2.4.2.2. Les valeurs instrumentales 87

2.4.3. Une réforme pédagogique centrée sur les compétences 88

2.4.3.1. Les compétences disciplinaires 89

vn

2.4.3.2. Les compétences transversales 90

2.4.3.3. Les échelles de compétences 91

2.5. Le décret « Missions » en Belgique 93

2.5.1. Historique de la Réforme 93

2.5.2. La définition des compétences 94

2.5.3. Les objectifs du décret « Missions » 95

2.5.4. Les socles de compétences et les compétences terminales 95

2.5.5. L'évaluation 99

Chapitre 3 : Méthodologie de recherche 101

3.1. Les répondants 104

3.2. Les documents à l'étude 104

3.3. Collecte des données 109

3.3.1. Le questionnaire 109

3.3.1.1. La dimension philosophique 109

3.3.1.1.1. Les buts de l'évaluation 109

3.3.1.1.2. Les valeurs morales propres à l'évaluation 109

3.3.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages 109

3.3.1.1.4. La communication dans l'évaluation des apprentissages 110

3.3.1.2. La dimension méthodologique 110

3.3.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés 110

3.3.1.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 111

3.3.1.2.3. Les méthodes de communication 111

3.3.1.3. La dimension théorique 111

3.3.2. La stratégie de collecte des données 112

Chapitre 4 : Résultats et discussion 113

4.1. Interprétation horizontale 118

4.1.1. Le programme des écoles primaires élémentaires et

vin

complémentaires (1923) 118

4.1.1.1. La dimension philosophique 118

4.1.1.1.1. Les buts de l'évaluation 118

4.1.1.1.2. Les valeurs de l'évaluation 119

4.1.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des

apprentissages 121

4.1.1.1.4. La communication à établir entre les enseignants,

les instances scolaires, les parents et les élèves 122

4.1.1.2. La dimension méthodologique 122

4.1.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés 122

4.1.1.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 124

4.1.1.2.3. les méthodes de communication préconisées 126

4.1.1.3. La dimension théorique 127

4.1.2. Politique générale d'évaluation pédagogique (1981) 128

4.1.2.1. La dimension philosophique 128

4.1.2.1.1. Les buts de l'évaluation 128

4.1.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation 129

4.1.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des

apprentissages 130

4.1.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants,

les instances scolaires, les parents et les élèves 130

4.1.2.2. La dimension méthodologique 130

4.1.2.2.1. Les types d'évaluation préconisés 130

4.1.2.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 132

4.1.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées 132

4.1.2.3. La dimension théorique 133

4.1.3. Politique d'évaluation des apprentissages (2003) 133

4.1.3.1. La dimension philosophique 133

4.1.3.1.1. Les buts de l'évaluation 133

4.1.3.1.2. Les valeurs de l'évaluation 134

4.1.3.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des

IX

apprentissages 134

4.1.3.1.4. La communication à établir entre les enseignants,

les instances scolaires, les parents et les élèves 135

4.1.3.2. La dimension méthodologique 135

4.1.3.2.1. Les types d'évaluation préconisés 135

4.1.3.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 137

4.1.3.2.3. Les méthodes de communication préconisées 137

4.1.3.3. La dimension théorique 137

4.2. Interprétation verticale 140

4.2.1. La dimension philosophique 140

4.2.1.1. Les buts de l'évaluation 140

4.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation 141

4.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages 142

4.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances

scolaires, les parents et les élèves 143

4.2.2. La dimension méthodologique 144

4.2.2.1. Les types d'évaluation préconisés 144

4.2.2.2. Les outils d'évaluation évoqués 145

4.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées 146

4.2.3. La dimension théorique 148

4.3. Les limites de la recherche 150

Conclusion 151

Références 154

Annexe 162

Liste des tableaux

Tableau

1. Les différences entre compétence et performance linguistique 69

2. Tableau récapitulatif des définitions de compétence en éducation 75

3. Les documents retenus pour l'analyse des politiques d'évaluation québécoises 108

4. Les résultats relatifs à la.dimension philosophique 115

5. Les résultats relatifs à la dimension méthodologique 116

6. Les résultats relatifs à la dimension théorique 117

Introduction

12

Depuis l'antiquité, l'évaluation des élèves a toujours été une question primordiale. Elle seule

permet, en effet, de déterminer le niveau atteint par ces derniers pendant et à la fin de la période

d'enseignement, que ce soit à des fins purement financières pour les professeurs indépendants ou

les précepteurs privés ou à des fins pédagogiques comme c'était le cas chez les Jésuites (Cardinet,

1991).

Cette nécessité perdure dans nos sociétés modernes, les notions d'éducation et d'évaluation des

apprentissages étant intimement liées, si ce n'est inconcevable l'une sans l'autre. Un système

éducatif se voulant efficace, juste et équitable se doit de reposer sur une évaluation des

apprentissages formalisée et rigoureuse. Pendant longtemps, comme nous le verrons

ultérieurement, la responsabilité d'évaluer les acquis chez les élèves était entièrement dévolue à

l'enseignant qui appliquait selon son bon vouloir les méthodes d'évaluation qui lui semblaient les

plus appropriées. Désormais, grâce à la modernisation des méthodes d'enseignement et aux

nombreuses avancées effectuées dans les domaines de la docimologie, du testing, et de la mesure

et de l'évaluation, l'évaluation des apprentissages est clairement définie, réglementée et contrôlée

par les ministères de l'éducation de chaque pays. En effet, il existe dans la plupart des pays

développés, et de manière concomitante en règle générale à l'instauration de l'instruction

obligatoire, des pratiques d'évaluation préconisées par les autorités scolaires.

En préambule à la présente étude, il est nécessaire, pour éviter toutes les possibles erreurs

d'interprétations, de définir ce que l'on entend par évaluation des apprentissages. Le ministère de

l'éducation du Québec (2003) définit l'évaluation des apprentissages en ces termes:

« L'évaluation est le processus qui consiste à porter un jugement sur les

apprentissages, à partir de données recueillies, analysées et interprétées,

en vue de décisions pédagogiques et administratives. » (p. 29).

Cette définition, bien que claire et précise, mais traitant essentiellement de la notion d'évaluation

en éducation, mérite d'être davantage explicitée afin de saisir véritablement toute la portée du

concept. Pour cela, nous pouvons nous référer à l'explication que nous en donne Laurier,

Tousignant et Morisette (2005) :

13

« Quant à l'évaluation des apprentissages, elle met habituellement en

scène une personne qui doit porter un jugement sur l'apprentissage fait

par un élève en vue d'en déterminer l'étendue ou la qualité,

particulièrement au moment de prendre une décision concernant cet

élève. Évaluer l'apprentissage, ce sera se questionner dans le but

d'estimer si l'élève a appris tout ce qu'il devait apprendre, comme il devait

le faire. Cette évaluation s'effectuera d'abord par la collecte

d'informations pertinentes, puis par l'établissement de comparaisons. »

(p. 13).

Comme nous venons de l'évoquer, après avoir été laissée à la seule appréciation des enseignants,

l'évaluation est donc dès à présent un concept indissociable de celui d'éducation et tient une place

majeure dans les politiques éducatives des pays développés. Comment s'est produite cette double

évolution du particulier au général, de l'empirique au formalisé ? Quel a été le cheminement à

travers l'histoire de l'évaluation des apprentissages depuis ses origines jusqu'à nos jours, où elle

joue dorénavant un rôle à part entière dans les politiques éducatives ?

La première partie de cette étude, sera consacrée à un bref historique retraçant les origines de

l'évaluation en éducation et traitant du développement de celle-ci dans différents pays que nous

prendrons comme exemples. Nous traiterons ainsi tour à tour de l'histoire de l'évaluation des

apprentissages relative à la province du Québec, à la France, la Belgique, la Suisse et aux États-

Unis. Cette analyse permettra de dresser un tableau de ce que fut l'histoire de l'évaluation des

apprentissages en différents lieux, sous différents systèmes politiques ou religieux. Il nous sera

ainsi possible de répertorier les principales similitudes, les différences existantes, et dans la durée

les points de convergence et de divergence.

La deuxième partie portera exclusivement sur l'approche par compétences, qui est depuis une

dizaine d'années en passe de supplanter la pédagogie par objectifs. En effet, plusieurs pays ont

réformé leur système éducatif respectif dans le but de mettre en place une éducation basée sur

l'approche par compétences. Cette dernière est annoncée comme une véritable nouveauté tant sur

le plan de la pédagogie que sur celui de l'évaluation des apprentissages.

14

Nous essaierons dans un premier temps de revenir aux sources même de l'apparition du concept

de compétence par l'étude des origines de ce concept. Dans un deuxième temps, nous nous

intéresserons aux définitions adaptées à l'éducation et à la mise en application concrète de

l'approche par compétences en éducation en étudiant tour à tour les exemples du Collège

Alverno, du Québec et de la Belgique.

Dans la troisième partie, nous aborderons la problématique principale. En effet, après avoir étudié

l'histoire de l'évaluation des apprentissages et nous être penchés sur l'approche par compétences,

nous tenterons dans cette partie de répertorier les données qui permettent d'affirmer que cette

dernière a permis la mise en place d'une évaluation des apprentissages d'un genre nouveau et, a

contrario, de répertorier celles qui indiquent que nous ne sommes qu'en présence, finalement, de

la réécriture d'une méthode qui était déjà pratiquée par le passé au Québec.

Pour ce faire, nous procéderons à une étude portant sur trois documents émis par les instances

scolaires de la province du Québec traitant de l'évaluation des apprentissages. Après avoir élaboré

un questionnaire, nous avons soumis celui-ci, avec les documents retenus dans le cadre de notre

étude, à trois répondants. Dans un souci de clarté, nous avons ensuite colligé les informations

dans une grille d'analyse. L'interprétation des informations que nous avons recueillies fera l'objet

de notre discussion dans laquelle nous présenterons objectivement les différents arguments mis à

jour grâce à cette grille d'analyse et relatifs à la problématique définie précédemment

Ainsi, au terme de notre recherche, nous aurons étudié, tour à tour, l'histoire de l'évaluation des

apprentissages dans différents pays références et l'approche par compétences, avant de terminer

par une étude comparée de trois documents relatifs à l'évaluation des apprentissages émis par les

autorités scolaires du Québec afin d'en déterminer les points convergents et divergents.

Nous conclurons en essayant de répondre, à la lumière de ces différents éléments, à notre

principale interrogation : l'approche par compétences a-t-elle vraiment révolutionné l'évaluation

des apprentissages ou, au contraire, ne met-elle en pratique, sous couvert d'appellations nouvelles,

que des méthodes déjà présentes par le passé dans les politiques d'évaluation émises par le

gouvernement du Québec ?

Chapitre 1 Historique de l'évaluation des apprentissages

16

L'évaluation en éducation est une préoccupation plutôt récente pour les autorités scolaires des

principaux pays développés. Effectivement, comme nous le verrons dans cette première partie,

l'évaluation a été pendant longtemps totalement ignorée par ces dernières et laissée au soin

exclusif de l'enseignant qui est le seul maître dans sa classe.

Le développement de l'évaluation en tant que science remonte aux années cinquante avec les

études de Bloom (1956) et la création de sa taxonomie qui seront à l'origine du concept de

docimologie. Suite aux travaux de Bloom (1956) qui ont fait date dans l'histoire de l'évaluation et

aux changements drastiques de nos économies liés au développement du taylorisme tout autant

qu'à la reconstruction d'après-guerre ou aux énormes progrès réalisés dans tous les secteurs

technologiques, l'évaluation se retrouve au cœur des projets éducatifs de nos pays développés. En

effet, il s'agit désormais de former de futurs travailleurs compétents dans des secteurs d'activités

demandant une formation de haut niveau. La force d'un pays se mesure généralement à la valeur

de son « capital humain ». La nécessité de former une main-d'œuvre de qualité va de pair avec

une évaluation de qualité permettant de certifier l'acquisition de telle ou telle compétence dans tel

ou tel secteur d'activité. D'où le développement toujours plus important depuis les années

cinquante de la docimologie, discipline portant sur l'étude des instruments et des méthodes de

mesure et d'évaluation en éducation (Legendre, 2005).

Nous connaissons les grandes lignes du développement de l'évaluation en éducation, mais très

peu d'études ont pour sujet l'histoire de celle-ci à proprement parler. Comme préalable à notre

analyse de contenu qui fera l'objet de notre dernière partie, nous réaliserons donc une petite étude

historique retraçant les origines de l'évaluation en éducation et traitant du développement de

celle-ci dans différents pays que nous prendrons comme exemples, à savoir la province de

Québec, la France, la Belgique, la Suisse et les États-Unis. Nous pourrons ainsi nous avoir une

idée générale de ce que fut l'histoire de l'évaluation en éducation.

1.1. À l'origine les Jésuites

U est impensable de vouloir établir un historique des pratiques éducatives sans se pencher

longuement sur l'héritage laissé par la « Compagnie de Jésus » en matière d'éducation. En effet,

17

l'éducation dispensée par les Jésuites est à la base de tous nos systèmes éducatifs modernes.

Guillermou (1999), dans son ouvrage intitulé « Les Jésuites », le souligne en évoquant le célèbre

Ratio Studiorum, sur lequel nous reviendrons plus tard :

« On peut dire que l'enseignement dispensé par nos lycées et collèges en est

directement issu. Bien mieux, c'est à la Compagnie de Jésus, c'est à St

Ignace lui-même qu'on doit la révolution radicale par laquelle les études

secondaires ont reçu leur caractère moderne. Auparavant, elles étaient

limitées à un humanisme strictement littéraire. La philosophie et les

sciences n'étaient enseignées qu'à la Faculté. St Ignace a pris l'initiative de

les faire enseigner dans les collèges eux-mêmes. Du coup, au premier cycle

d'études humanistes (langues anciennes, poésie, rhétorique) d'une durée de

cinq ans, s'ajouta un second cycle de deux années, consacré principalement

à la philosophie et aux sciences exactes. » (p. 26).

Dans cette première partie, en nous intéressant à la doctrine et aux pratiques éducatives, nous

essaierons de définir quels étaient les procédés d'évaluation mis en place par les Jésuites.

1.1.1. Les jésuites de nos jours

Mais tout d'abord, qui sont véritablement les Jésuites ? La Compagnie de Jésus est à l'heure

actuelle l'ordre religieux le plus important, sur le plan des effectifs, de l'Église Catholique avec

19 216 membres en 2007. À son apogée en 1965, la Compagnie de Jésus comptait 30 036

membres. Mais, La Compagnie n'a pas été épargnée par la crise des vocations que subit l'Église à

l'heure actuelle. Cependant, elle est certainement l'ordre religieux le moins touché par la baisse

des effectifs (Guillermou, 1999).

Elle est présente dans 112 pays dans le monde. C'est en Europe que la Compagnie de Jésus est la

plus implantée. En effet, on y dénombre 6533 religieux dont environ 500 en France, ce qui

représente 34 % des effectifs de la Compagnie. En France, les Jésuites ont la direction de six

collèges : à Bordeaux, Marseille, Paris, Reims, St Etienne et Toulouse. De plus, à St Etienne ils

ont la charge d'une école technique, à Lille d'une école d'ingénieur réputée (I.C.A.M), à Toulouse

18

d'une école d'ingénieur agronome et à Versailles les célèbres classes préparatoires aux grandes

écoles du collège Sainte-Geneviève.

En Belgique, onze collèges sont sous la direction des Jésuites ainsi que plusieurs écoles

techniques, dont l'institut G.R.A.M.M.E. à Liège. Pour ce qui est de l'Espagne, La Compagnie

dirige l'Université de Bilbao (droit et sciences économiques) et l'Université de Gijon (sciences

humaines), plus une vingtaine de collèges et 30 écoles professionnelles.

Les Jésuites sont aussi très présents aux États-Unis où ils sont 3034 religieux, soit 14 % des

effectifs de la Compagnie. Bs continuent de diriger des Collèges et des Universités, mais dans

bien des cas ils partagent la direction de ces institutions avec des organismes privés.

La Compagnie est bien entendu aussi présente en Asie avec 4034 religieux, en Amérique Latine

avec 2950 religieux et en Afrique avec 1430 religieux.

1.1.2. La création de l'ordre

La Compagnie de Jésus fut fondée par St Ignace de Loyola (1491-1556), un gentilhomme

espagnol, après une adolescence tumultueuse et un début de carrière militaire prometteur

notamment au service du vice-roi de Navarre. À la suite d'une sérieuse blessure à la jambe reçue

lors de « l'affaire de Pampelune » en 1521 et qui le rendra boiteux le restant de sa vie, il décide

d'abandonner la carrière militaire et part en pèlerinage à Jérusalem. De retour en Espagne, il

devient étudiant à l'Université d'Alcalà, puis de Salamanque où son zèle de prédicateur le fait

passer aux yeux de l'Inquisition pour un « illuminé ». Après plusieurs brefs séjours en prison, il

décide de quitter l'Espagne et rejoint le Collège Montaigu à Paris où il passe son baccalauréat es

Arts. Par la suite, il prépare une maîtrise es Arts au collège Sainte-Barbe. C'est à cette période

qu'il réussit à regrouper autour de lui plusieurs étudiants talentueux, dont François Xavier et

Pierre Favre. Ce dernier sera le premier prêtre ordonné par la Compagnie. Se retrouvant

régulièrement à Montmartre, ils décident ensemble de se consacrer entièrement à Dieu, de faire

vœu de pauvreté, de chasteté et d'humilité et fondent ainsi la Compagnie de Jésus (Societas Iesu)

en 1534.

St Ignace et les autres Compagnons de Jésus prennent la route en 1537 après avoir décidé de

s'embarquer à Venise pour la Palestine. La guerre entre les Turcs et les royaumes chrétiens les

empêchant de rallier la Palestine comme prévu, les compagnons de Jésus décident de se mettre à

19

la disposition du pape et rejoignent Rome en 1538 où ils s'engagent dans de nombreux actes de

bienfaisance notamment auprès des jeunes filles. Au cours de l'année 1539, les Compagnons

réalisent qu'ils peuvent difficilement se séparer dorénavant. St Ignace se penche donc sur la

question d'une règle de vie commune qui débouchera sur la rédaction de la Formula Instituti, qu'il

soumet au pape Paul Hl en septembre 1539. Ce dernier va mettre un an pour donner son aval

définitif à la création de l'ordre sous la forme de la bulle Regimini Militantis Ecclesiae du 27

septembre 1540 (Guillermou, 1999).

Comme ils l'ont toujours déclaré, les membres de la Compagnie de Jésus restent fidèles à leur

engagement initial et se mettent tout entier à la disposition du pape pour toutes entreprises

missionnaires ou de charité chrétienne. Certains, comme François Xavier parti en Inde,

participent à l'expansion missionnaire de l'ordre tandis que d'autres prennent la défense de la foi

chrétienne en partant prêcher en Europe notamment dans les villes gagnées par la Réforme (p. ex.

en pays germanique) afin de servir d'exemple pour les membres du clergé.

1.1.3. Naissance de la vocation enseignante de la Compagnie

St Ignace, désirant que les Jésuites aient un bon niveau de culture générale afin d'être mieux à

même de lutter contre la Réforme, et en ne voulant pas qu'ils se mêlent aux laïcs qui

fréquentaient les universités, décide de fonder des Collèges pour ses novices. Par la suite, la

Compagnie admit parmi ses élèves des jeunes gens sans vocation religieuse. C'est ainsi que

l'ordre se tournera vers la vocation enseignante qui caractérisera l'Ordre jusqu'à nos jours.

Guillermou (1999) nous l'explique clairement :

V

« Sans doute, à l'origine, ouvrir des classes dans une ville menacée par la

poussée protestante, c'était encore se livrer à un travail missionnaire,

mais la situation une fois stabilisée, l'œuvre enseignante acquit son

autonomie et se juxtaposa aux autres (prédication, direction des âmes,

mission en terres lointaines) devenant sinon la plus importante, du moins

la plus remarquée. » (p. 20).

20

En effet, moins de dix ans après sa création, la Compagnie se tourne vers l'enseignement. Dès

1539, lors de la rédaction de la Formula Instituti, St Ignace souligne l'importance de

l'enseignement du catéchisme aux enfants et aux illettrés, car celui-ci permet le développement

chez les Jésuites d'un certain sentiment d'humilité et de charité. Grâce à de généreux protecteurs,

qui leur en donnèrent les moyens, les Jésuites commencèrent à fonder des collèges là où il

n'existait aucune université. En 1548, la Compagnie inaugure son premier collège mixte dans la

cité sicilienne de Messine.

Conscient de la qualité de l'enseignement prodiguée par les Jésuites, certains universitaires

invitèrent ces derniers, notamment à Ingolstadt en Allemagne ou à Goa en Inde, à donner des

cours dans les universités locales.

Mais, le pas fut véritablement franchi lorsqu'en 1547 le Duc François de Borgia, vice-roi de

Catalogne, offre à la Compagnie un collège ainsi qu'une université dans la ville de Gandie,

capitale de son duché. Quelque temps après l'ouverture de ces deux institutions, les représentants

des chefs de famille de la cité catalane demandèrent expressément à ce que leurs enfants

reçoivent le même enseignement que celui prodigué par les Jésuites. Sans hésitation, St Ignace

consentit à accepter leur requête et ainsi les jeunes laïcs de la ville purent se mêler aux novices de

l'ordre.

Un an plus tard, les notables de Messine lui transmirent par le biais du vice-roi de Sicile une

requête lui demandant la création d'un collège mixte composé de laïcs et de novices. St Ignace

accepta immédiatement et y envoya un de ses anciens disciples le Père Jérôme Nadal

accompagné de onze autres pères afin de diriger au mieux l'établissement. La création de ce

dernier reçut la bénédiction du pape Paul IE.

À partir de ce moment-là, toute avancée notoire de l'ordre dans ses velléités missionnaires se

traduisait inlassablement par la création de collèges. En très peu de temps, l'Europe fut

entièrement recouverte par un réseau important de collèges jésuites dont la plus forte

concentration se situait à proximité des terres conquises par les idées de la Réforme, mais aussi

dans les pays catholiques menacés par les créations d'écoles municipales souvent aux mains

d'enseignants peu compétents et d'une spiritualité plutôt douteuse. Guillermou (1999) parle

« d'une stratégie scolaire » des Jésuites.

21

U est ainsi possible de dire que pour véritablement lutter contre la Réforme, les Jésuites « eurent

tôt fait de comprendre que, pour arriver à leur but, ce n'était pas assez de prêcher, de confesser,

de catéchiser, mais que le véritable instrument de la domination des âmes, c'était l'éducation de

lajeunesse. » (Durkheim, 1938, p. 268).

1.1.4. L'éducation des Jésuites

Les Jésuites font donc de l'éducation leur cheval de bataille contre la Réforme, mais sur quelle

base ? Et en quoi consiste clairement cette éducation et surtout comment se traduit dans les faits

l'évaluation des élèves ? Quelles sont leurs méthodes d'évaluation ? Telles sont les questions qui

nous préoccupent véritablement en traitant des Jésuites.

1.1.4.1. Le Ratio studiorum

Tous les collèges crées par l'Ordre furent dotés, au fil du temps, d'un même règlement intérieur et

d'un même programme d'études. En effet le 8 janvier 1599, le premier règlement général des

études est diffusé sous l'impulsion de Claudio Aquaviva, le supérieur général de l'ordre. H s'agit

du célèbre Ratio studiorum, s'inspirant ouvertement des Constitutions rédigées par St Ignace de

Loyola bien des années plus tôt.

Le Ratio studiorum est une charte de l'enseignement. Les Règles et les Constitutions définissent

les principes de l'enseignement des Jésuites, mais aussi celles de la mise en pratique de la vie

religieuse. Cela est une des particularités de l'enseignement des Jésuites, les moyens

pédagogiques édictés dans le Ratio studiorum « sont aussi des moyens de vivre l'esprit même de

la vie religieuse en enseignant ou en étudiant. » (Demoustier, 1997, p. 26). Le style

d'enseignement de la Compagnie de Jésus est avant tout un modèle chrétien destiné à la base, ne

l'oublions pas, aux futurs membres de l'ordre.

Mais l'autre caractéristique de l'enseignement des Jésuites, outre l'enseignement des sciences

(mathématiques, géométrie...), est que l'intégralité de leur enseignement reposait sur deux

préceptes fondamentaux : l'encadrement des élèves et l'émulation.

22

1.1.4.2. L'encadrement des élèves

La doctrine éducative des Jésuites se base sur le principe qu'il ne peut y avoir de bon

enseignement sans une proximité évidente entre l'élève et son professeur. L'élève ne doit pas être

abandonné à lui-même, il ne doit pas avoir un instant de répit dans son éducation « car l'esprit du

mal veille toujours. » (Durkheim, 1938, p. 296). L'élève ne se retrouve ainsi quasiment jamais

seul, que ce soit en cours, à la cantine ou pendant les pratiques religieuses. Cette « intimité »

permet bien sûr de surveiller les élèves afin d'éviter tout écart de conduite, mais aussi de mieux

cerner la personnalité et les aspirations de ces derniers afin de favoriser au mieux leur éducation.

D se créait donc bien souvent des liens affectifs très forts entre les maîtres et les élèves qui

duraient bien des années après le terme de la vie scolaire au collège.

Contrairement à ce qui était pratiqué au Moyen Age où le maître s'adressait à des auditoires

pléthoriques et totalement impersonnels, où les étudiants devaient se débrouiller par leurs propres

moyens, l'éducation des Jésuites apparaît véritablement comme une pratique essentiellement

individuelle afin de mieux faire passer leur message religieux à chacun de leurs élèves.

1.1.4.3. L'émulation

Mais pour inciter les élèves à un travail intense, il ne suffisait pas de se préoccuper de leur

caractère ou de leurs ambitions personnelles, de les entourer de bonnes grâces, il faut surtout les

stimuler et les pousser à donner le meilleur d'eux-mêmes. L'instrument utilisé par les Jésuites est

le système d'émulation qu'ils furent les premiers à instaurer dans leurs collèges.

Les élèves étaient en concurrence perpétuelle entre eux. L'enseignement est donc mis en place

sous forme de compétition où les esprits les plus brillants sont récompensés pour leur travail et

leurs efforts. Pour ce faire, les Jésuites vont mettre en place un système très élaboré. Durkheim

(1938) nous l'explique très bien dans « L'évolution pédagogique en France » :

« Les élèves étaient divisés en deux camps, les Romains d'une part et

les Carthaginois de l'autre, qui vivaient, pour ainsi dire, sur le pied de

guerre, s'efforçant de se devancer mutuellement. Chaque camp avait

ses dignitaires. En tête de camp, il y avait un imperator, appelé aussi

23

dictateur ou consul, puis venaient un prêteur, un tribun et des

sénateurs. Ces dignités, naturellement enviées et disputées, étaient

attribuées à la suite d'un concours qui se renouvelait chaque mois.

D'un autre côté, chaque camp était divisé en décuries, comprenant

chacun dix élèves, et commandée par un chef nommé décurion et pris

parmi les dignitaires dont nous venons de parler. Ces décuries ne se

recrutaient pas indifféremment. Il y avait entre elles une hiérarchie.

Les premières comprenaient les meilleurs élèves, les dernières les

écoliers les plus faibles et les moins laborieux. Et ainsi, de même que

le camp dans son ensemble s'opposait au camp adverse, dans chaque

camp chaque décurie avait dans l'autre sa rivale immédiate, de force

sensiblement égale. Enfin, les individus eux-mêmes étaient appariés, et

chaque soldat d'une décurie avait son émule dans la décurie

correspondante. Ainsi, le travail scolaire impliquait une sorte de corps

à corps perpétuel. Le camp défiait le camp, la décurie était en lutte

avec la décurie, et les émules se surveillaient, se corrigeaient et se

reprenaient mutuellement. A l'occasion, le maître ne devait pas

craindre de mettre aux prises des élèves de force inégale. [...] Même,

chacun peut livrer bataille à un élève d'une décurie supérieure et,

vainqueur, il prend sa place. » (pp. 298-299).

Nous retrouvons tout ce dispositif visant à stimuler les élèves dans l'article 355 intitulé

Concertation du Ratio studiorum :

« On doit faire grand cas de la concertation, qui se déroule

d'ordinaire de la façon suivante : ou le maître interroge, ou les émules

corrigent, ou les émules eux-mêmes se posent mutuellement des

questions ; on doit y recourir toutes les fois que les circonstances le

permettent, pour éveiller l'honnête émulation qui est un puissant

encouragement aux études. On pourra mettre aux prises les élèves soit

individuellement, soit par groupes de plusieurs pris dans les deux

24

camps et surtout parmi les magistrats ; ou bien encore un seul pourra

en harceler plusieurs ; en général un simple élève attaquera un simple

élève, un magistrat un magistrat, parfois un simple élève attaquera un

magistrat ; s'il est vainqueur, il pourra obtenir la dignité du vaincu,

ou une autre récompense en signe de victoire, selon que l'exigeront

les dignités de la classe ou les usages locaux. » (Jésuites, 1997,

p. 159).

Mais pour mieux comprendre le prestige de ces différentes dignités, il faut savoir qu'elles étaient

loin de n'être que de simples titres honorifiques. Elles étaient véritablement des fonctions avec

certains pouvoirs effectifs. En effet, par exemple, le décurion était chargé de faire régner le

silence, de constater les absences, de faire réciter les leçons, et de s'assurer que les travaux

avaient bien été faits par les membres de sa décurie. Les consuls avaient la même autorité sur les

décurions que ceux-ci avaient sur les membres de leur décurie. La classe était véritablement

organisée comme une petite société évoluant selon les performances de chacun. L'émulation est

vraiment « l'aiguillon » dont se servaient les Jésuites pour faire performer leurs élèves.

Outre cette organisation spécifique de la classe, les Jésuites avaient mis en place un nombre

incalculable de procédés intermittents.

« Périodiquement, les meilleures copies étaient affichées aux portes

des classes ; les plus remarquables étaient lues publiquement soit au

réfectoire, soit à la salle des Actes. Sans parler des distributions de

prix annuels, qui avaient lieu solennellement au son des trompettes,

des prix étaient distribués d'une manière intermittente au cours de

l'année pour une déclamation bien faite, pour une œuvre littéraire de

mérite, pour une danse bien exécutée, etc. A partir de la seconde, il y

avait dans chaque classe une académie dont seuls les meilleurs élèves

faisaient partie. Ensuite, toutes sortes de réunions publiques avaient

lieu où l'on produisait les élèves les plus brillants, où les familles

venaient les écouter et les applaudir. Ainsi, une richesse infinie de

25

procédés tenait l'amour-propre des élèves dans un état de perpétuel

éréthisme. » (Durkheim, 1938, pp. 289-300).

Il faut souligner ici qu'outre les leçons à retenir, le principal effort fourni par les élèves, et de ce

fait le principal instrument d'évaluation, était le devoir écrit. L'éducation de la Compagnie de

Jésus fait du devoir écrit le principal type de devoir scolaire.

L'élève avait une charge de travail élevée. En effet, il devait faire au moins deux devoirs de latin

par jour. Plus on montait dans la hiérarchie des classes plus le nombre et l'importance des devoirs

allaient en s'élevant. Pour ce qui est de la rhétorique, chaque jour les élèves avaient pour

obligation de faire au moins un exercice de composition en prose ou en ver, selon l'humeur du

maître. Que ce soit pendant la période de récitation ou durant les corrections, la participation des

élèves était toujours sollicitée. Pendant la récitation, les élèves non interrogés étaient dans

l'obligation de faire leurs devoirs. Dans l'enseignement des Jésuites, les élèves ne restaient jamais

inactifs et étaient confrontés à un volume de travail très élevé.

L'émulation est l'aiguillon du système d'éducation des Jésuites, mais de quelle manière

effectuaient-ils leurs classements si stricts ? À l'origine, le maître corrigeait les différents devoirs

remis par l'élève en comptant les fautes puis les classait par ordre de mérite. D était courant que

les résultats soient transmis aux parents avec quelques commentaires écrits de la main même du

maître. Plus le développement des collèges jésuites sera important plus ces correspondances

parents-professeurs seront succinctes du fait de la croissance massive des effectifs (Maulini,

1996).

Pour illustrer cela, nous pouvons donner comme exemple ce bulletin obtenu en 1870 par un

interne du collège royal de Cahors (Compère, 1985) :

Mœurs et religion : excellentes

Caractère : excellent, trop timide

Place sur 52 écoliers (novembre, décembre, janvier) :

- Thème : 27, 39e, 35e, 26e

- Version : 13e, 3(T, 14e

- Vers : 44e, 26e

26

En fin de compte, la qualité et la valeur d'un élève sont représentées uniquement par son rang. Le

rang est la seule et unique preuve, et donc mesure, des capacités d'un élève dans un collège

jésuite donné à un moment donné. D faut ainsi constater que la performance du collégien n'a de la

valeur que par rapport au niveau global des autres élèves et du collège. Effectivement, on peut

être premier au classement dans un petit collège jésuite et n'être finalement que dans les derniers

dans un collège réputé comme celui de La Flèche (devenu aujourd'hui le Prytanée militaire de La

Flèche), ayant notamment eu comme élève le philosophe Descartes.

Mais au bout d'un certain temps, des appréciations chiffrées vont se substituer aux classements.

« Au collège jésuite de Caen, on adoptera une échelle à 4 niveaux : 1 =

bien ; 2 = assez bien ; 3 = médiocre ; 0 = mal. Des classements

interviendront enfin d'année, qui permettront de distinguer le bon grain

de l'ivraie . Les optimi seront promus dans la classe supérieure, au

contraire des inepti. Les dubii seront admis dans la classe suivante,

mais à l'essai. En cas de problème, ils redescendront dans leur classe

de départ » (Maulini, 1996, p. 5).

Pour ce qui est des mauvais élèves, les Jésuites n'en voulaient pas dans leurs établissements et

donc les parents mis au courant des résultats désolants et certainement du manque d'effort fourni

étaient invités à les retirer du collège.

L'enseignement prodigué par les Jésuites a modifié à jamais les pratiques pédagogiques et en

particulier l'évaluation. L'émulation dont découle le classement des élèves selon leur performance

est à la base de ce qui se pratique encore dans bon nombre de pays occidentaux. D n'est en rien

exagéré d'affirmer que les Jésuites sont véritablement les fondateurs de l'évaluation en éducation

telle que nous l'abordons de nos jours tant le souci affiché de cerner les progrès réalisés par

l'élève dans son cheminement intellectuel et de préparer celui-ci à affronter la grande épreuve de

la vie est considérable.

Nous verrons en étudiant tour à tour l'histoire de l'éducation et de l'évaluation au Québec, en

France, en Belgique, en Suisse, et aux États-Unis à quel point l'influence des Jésuites fut

27

primordiale dans le développement du système éducatif respectif de chacun d'entre eux. Nous

avons retenus ces pays car ils sont réputés depuis toujours pour leur tradition éducative et

pédagogique reconnue de tous.

1.2. Le Québec

1.2.1. Histoire de l'éducation au Québec

1.2.1.1. La fondation de la Nouvelle-France

Les premiers colons français arrivent à Québec en 1617. La majorité d'entre eux, issus des classes

populaires françaises, avaient reçu un enseignement élémentaire qui leur permettait de lire, écrire

et compter, voire même plus pour certains d'entre eux. H est donc tout à fait logique que dans les

premiers temps de « l'installation », l'enseignement de base reçu en France soit transmis aux

enfants par leur famille.

La première école primaire est ouverte à Québec par les Jésuites en 1635. Puis, suivirent à

Montréal, en 1666 et en 1694, d'autres initiatives de ce genre sous l'impulsion des Sulpiciens et

des frères Charon. Dé nombreuses autres sont fondées dans les décennies suivantes. Tout comme

les Jésuites, les Ursulines créent en 1639 à Québec une institution d'enseignement destinée

uniquement aux filles ainsi qu'en 1657 à Montréal et à Trois-Rivières en 1664.

Dans les campagnes autour des grands milieux urbains, l'enseignement dispensé est pratiquement

le même que ce qui se fait à Québec ou Montréal. Par contre, la situation n'est pas du tout la

même dans les zones rurales reculées de la Nouvelle-France. Du fait de l'éloignement, des

mauvaises conditions d'accès, de la grande dispersion des populations sur un si vaste territoire, il

n'est pas jugé prioritaire et nécessaire par les responsables d'y construire des écoles. Cependant,

ces régions reculées reçoivent parfois la visite d'enseignants itinérants qui transmettent les

connaissances élémentaires aux enfants.

Pour ce qui est de l'enseignement secondaire, le collège des Jésuites est fondé en 1655 dans le but

de former des élites locales. L'élève peut y apprendre les Lettres (grec, latin, grammaire, etc.) ou

28

les Sciences (philosophie, physique et mathématiques). De même, la première école supérieure

appelée « L'école des mathématiques et de l'hydrographie » est fondée par les Jésuites à Québec

en 1671.

Sous la monarchie française, tout ce qui a trait à l'éducation et à l'enseignement est du ressort

exclusif du pouvoir ecclésiastique. Aucune administration étant à même de gérer l'éducation n'est

en place à cette époque-ci. De ce fait, tous les pouvoirs décisionnels et organisationnels en

matière d'éducation reviennent à l'évêque. L'État n'intervient que financièrement dans les

questions d'ordre éducatif. L'Église a donc la main-mise pleine et entière sur l'éducation de la

jeunesse.

1.2.1.2. La mise en place d'un premier système éducatif

La conquête de la Nouvelle-France par les troupes britanniques en 1759 marque l'une des

périodes les plus noires de l'histoire du Québec. Jusqu'à l'orée du XIXe siècle, cette période est

profondément défavorable au développement de l'éducation au Québec. Néanmoins, les

conclusions et les propositions de la commission d'enquête sur l'éducation, créée en 1787 par

Lord Dorchester, sont à l'origine d'une période de transition qui favorisera la mise en place d'un

véritable système éducatif.

En 1801, l'Assemblée législative entérine la première véritable loi scolaire appelée « Acte pour

l'établissement d'écoles gratuites et l'avancement des sciences ». Cette dernière prévoit l'ouverture

dans chaque paroisse d'une école élémentaire gratuite, d'une école dite modèle dans chaque comté

et d'une institution supérieure de l'éducation pour organiser et gérer le tout. Celle-ci appelée

« Royal institution for the advancement of learning » fera en quelque sorte office de ministère de

l'éducation. De plus, cette loi est une première puisqu'elle marque le début de l'intervention du

gouvernement dans l'éducation au détriment de l'Église. Cependant, le pouvoir clérical encourage

ses fidèles à ne pas réclamer de telles institutions scolaires allant à l'encontre des valeurs

catholiques. Contrairement aux francophones, les anglophones adhèrent en masse à cette loi et

n'hésitent pas à demander la création d'écoles dans leurs régions (Leclerc, 1989).

29

Suite à un soulèvement de la population francophone lié à la perception d'une taxe obligatoire, le

surintendant Meilleur fait adopter en 1845 par le parlement la Loi pour l'instruction élémentaire

dans le Bas-Canada. Cette dernière met en place des commissions scolaires se substituant aux

conseils de district dans tous les domaines liés à l'éducation.

Afin de former une élite francophone, l'archevêque de Québec fonde en 1852, par le biais d'une

charte royale émise par la reine Victoria, l'Université Laval qui sera la première université franco-

catholique du continent américain. Celle-ci regroupe trois facultés : le droit, la médecine et les

arts.

1.2.1.3. La domination de l'Eglise sur le système éducatif québécois

En 1869 est promulgué l'Acte pour modifier les lois concernant l'éducation en cette province.

Cette loi est fondamentale dans l'histoire de l'éducation au Québec, car elle institue une séparation

intégrale et verticale de toute la structure éducative québécoise qui aura pour conséquence directe

la création de municipalités scolaires et d'écoles confessionnelles catholiques ou protestantes. Il

en découle logiquement la mise en place de deux systèmes scolaires bien distincts. Le clergé est

le grand bénéficiaire de cette séparation puisqu'il obtient de nombreux privilèges et le contrôle

total de l'éducation.

En 1875, sous la pression du clergé catholique, le premier ministre Charles-Eugène Boucher de

Boucherville supprime le poste de ministre de l'instruction publique. Ce dernier est remplacé par

un surintendant qui est tout bonnement au service du conseil de l'instruction, bien qu'il en soit

officiellement le président, et des instances cléricales. De plus, désormais, le Comité catholique

est composé par l'ensemble des évêques représentant les régions ecclésiastiques du Québec. Pour

ce qui est du comité protestant, il est composé de sept membres laïques de ce culte. Jusqu'au

début des années soixante, les deux cultes détiendront tous les pouvoirs en matière d'éducation.

Cette période est qualifiée de « règne d'airain de l'Église catholique » par Graveline (2007,

p. 47).

30

1.2.1.4. « La Révolution tranquille »

Le début des années soixante est une période d'ouverture sur le monde sans précédent qui sera en

grande partie l'instigatrice de « la Révolution tranquille ». Le Québec a désormais le désir de

rattraper le retard accumulé dans tous les domaines d'activité. L'éducation ne déroge pas à la

règle. En 1961, le gouvernement Lesage adopte « la grande charte de l'éducation » qui à travers

différentes lois a pour but de faciliter la formation du personnel étudiant ainsi que la recherche, de

favoriser le développement de l'enseignement secondaire en forçant les commissions scolaires

déjà existantes à proposer ce type d'étude, de créer des commissions scolaires régionales, de

rendre obligatoire la fréquentation scolaire jusqu'à 15 ans tout en assurant la gratuité de

l'enseignement jusqu'à la 1 le année, de mettre en place un programme de bourses d'études pour

les jeunes admis à des études postsecondaires, et de donner aux parents le droit de vote aux

élections scolaires (Graveline, 2007).

Puis la même année, est lancée la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la

province de Québec. Monseigneur Alphonse-Marie Parent, vice-recteur de l'Université Laval, est

nommé à la tête de cette commission d'enquête. Celle-ci fait ressortir les différents problèmes

inhérents au système éducatif québécois. Elle détermine alors les grandes fins que le système

scolaire québécois devra poursuivre dans les années à venir, à savoir : l'égalité des chances,

l'accès pour tout jeune québécois aux études les mieux adaptées à ses aptitudes et à ses goûts, et

enfin préparer l'étudiant à la vie en société. Afin d'instituer de tels buts, la commission en vient à

la conclusion qu'il faut sans aucun doute possible que la gestion des affaires scolaires soit

uniquement du ressort de l'État. Elle propose la création d'un système scolaire unique sous la

responsabilité du gouvernement québécois, qui serait à la fois public et bien entendu gratuit.

Poursuivant ses déductions, elle propose la création d'un ministère de l'Éducation et du Conseil

supérieur de l'éducation. En ce qui concerne la structure du système éducatif, la commission

instaure la création des cégeps.

En 1968, le gouvernement québécois vote une loi créant un réseau universitaire public nommé

l'Université du Québec qui aura des antennes à Montréal (U.Q.A.M.), Trois-Rivières (U.Q.T.R.),

Chicoutimi (U.Q.A.C), Rimouski (U.Q.A.R.) et Rouyn-Noranda (U.Q.A.T.).

31

Depuis une création difficile, et après de longues années de mainmise de l'Église, le système

éducatif québécois a su se réformer et prendre véritablement consistance dans les années

modernes. Désormais, il est l'un des plus dynamiques et des plus innovateurs en matière de

pédagogie et d'éducation. Pour preuve, le ministère de l'éducation québécois n'hésite pas en 2001

à se lancer, avec le programme « Être évalué pour mieux apprendre », dans une réforme

instituant l'approche par compétences dans tous les secteurs de l'enseignement.

1.2.2. Histoire de l'évaluation

1.2.2.1. L'évaluation dans les « petites écoles » (Charland, 2005)

L'histoire de l'évaluation, mais aussi dans une moindre mesure de l'éducation au Québec, sont des

sujets d'étude relativement récents. Les études et les documents portants sur l'histoire de

l'évaluation sont peu élevés. Ce constat est d'autant plus vrai concernant les trois premiers siècles

d'occupation de la province de Québec.

Cependant, malgré le peu de ressources documentaires à notre disposition, nous pouvons tout de

même supposer que dans les écoles l'évaluation des apprentissages était entièrement confiée au

libre arbitre de l'enseignant. Celui-ci était seul juge de la progression de l'élève et de l'acquisition

des savoirs, d'autant plus que l'enseignement était essentiellement individualisé dans la majorité

des petites écoles québécoises (Charland, 2005). Le maître d'école consacrait un peu de son temps

à chaque élève. Les méthodes d'évaluation étaient donc sans doute elles aussi individualisées. De

ce fait, le maître était le seul à être en mesure d'évaluer le travail des élèves. Ces petites écoles

étant étroitement encadrées par l'Église, il est tout à fait possible de penser que les enseignants

appliquaient dans les petites écoles le modèle de référence par excellence qu'est celui des

Jésuites. Rappelons ici que la première petite école du Québec fut créée par les Jésuites en 1635.

Lorsque l'effectif pouvait le permettre, l'enseignant devait susciter chez ses élèves une saine

émulation, voire même une certaine concurrence entre élèves de niveaux scolaires équivalents.

Ce type de système nécessitait comme nous le savons déjà le classement des élèves. Il n'existe

donc aucune véritable coordination nationale en ce qui concerne l'évaluation des apprentissages.

32

1.2.2.2. La première ébauche de système d'évaluation centralisé

En 1932, le comité catholique, dans le but de décerner un diplôme uniformisé et se faire une idée

générale des enseignements scolaires, met en place des épreuves officielles. L'élève qui

réussissait ces tests se voyait décerner un certificat d'études primaires. L'instauration de ces tests

est une nouveauté et un grand pas en avant pour l'éducation québécoise puisque auparavant la

sanction des études relevait uniquement de l'autorité des écoles. Les certificats décernés par les

écoles n'avaient que peu de valeur :

« Ces certificats locaux n'avaient qu'une valeur symbolique, car les

critères d'évaluation menant à son obtention variaient en fonction des

municipalités scolaires. » (Charland, 2005, p. 74).

En somme, 1932 marque la mise en place du premier système d'évaluation centralisé québécois.

Les élèves ayant atteint la fin de leur scolarité obtiennent désormais un certificat d'études national

et non plus local. L'évaluation et les apprentissages scolaires se conçoivent dorénavant à l'échelle

nationale. Cette mesure n'est bien entendu qu'un début puisque les véritables réformes ne seront

entreprises qu'une fois les conclusions du rapport Parent remises aux pouvoirs publics.

1.2.2.3. Les années 60 et les conséquences de « la Révolution tranquille »

« La Révolution tranquille » toucha de nombreux domaines d'activités dont bien entendu

l'éducation. Ainsi, le Rapport Parent, que nous avons évoqué précédemment, entraîna

certainement l'une des réformes scolaires les plus importantes de l'histoire de l'éducation au

Québec. Dans le but de garantir l'accès de tous à l'éducation et de promouvoir l'égalité des

chances, le système scolaire est entièrement repensé. La volonté avérée de l'État québécois de

réorganiser, mais surtout d'uniformiser le système scolaire se traduit par la création en 1964 du

ministère de l'Éducation. Ce dernier a pour mission la gestion de la formation des maîtres, des

programmes et de la pédagogie.

Le nouveau système scolaire québécois se compose de quatre niveaux : l'enfant intègre l'école

primaire dès 6 ans et ce pendant 6 ans, puis peut continuer ses études au secondaire pendant 5

33

années en espérant passer 2 ou 3 ans à étudier au collégial (cégep) pour pouvoir éventuellement

intégrer une université. Le cursus universitaire classique se compose de trois cycles à savoir le

Baccalauréat, la Maîtrise et le Doctorat. Suite à cette restructuration du système scolaire, de

nouveaux programmes voient le jour :

« Selon Gauthier et al. (1993), le Règlement n° 8 instaure de

nouveaux programmes appelés programmes cadres, pour le primaire

et le secondaire. Ces nouveaux programmes, inspirés par la pensée

américaine (Rogers et Maslow), s'inscrivent dans une pédagogie

davantage orientée vers les besoins de l'enfant, et vers son

développement global. Il s'agit d'un ensemble ordonné et souple de

matières permettant aux établissements scolaires et aux élèves de

poursuivre de façon continue les objectifs d'un niveau d'études. Ces

programmes reflètent beaucoup plus un état d'esprit qu'un contenu

précis. » (Auger, 2000, p. 36).

À l'image de ces programmes, l'évaluation est elle aussi une notion encore vague, c'est-à-dire non

clairement définie dans la pratique et sa mise en application à cette époque par le ministère de

l'Education. Outre la remise d'un certificat d'études secondaires aux étudiants finissants ayant

réussi toutes les épreuves conçues par le Département de l'instruction publique avec une note

minimale de 50 % et ayant obtenu une moyenne générale de 60 % dans l'ensemble des matières,

l'évaluation en tant que telle est toujours en grande partie confiée jusqu'en 1973 aux autorités

locales :

« On donnait alors quotidiennement aux élèves des devoirs et des

travaux scolaires à faire à la maison et les pratiques du personnel

enseignant en matière d'évaluation comportaient déjà beaucoup de

mesure, et conséquemment le cumul de plusieurs données. Ces

pratiques, en apparence du moins, étaient assez homogènes : elles

portaient presque exclusivement sur l'acquisition de connaissances et

se fondaient principalement sur des instruments et des résultats à

34

interprétation normative. L'évaluation était donc une tâche

relativement simple, à cette époque, à la fois parce qu'elle se résumait

à des activités de mesure et aussi parce qu'elle était surtout l'affaire

de l'enseignante ou de l'enseignant dans sa classe.

Les examens et les travaux des élèves étaient corrigés et inclus ou

non, selon le cas, dans la détermination de la note au bulletin. Tous

les bulletins d'alors attribuaient aux élèves une note dans chaque

matière, le plus souvent sur 100, et mentionnaient la note moyenne de

la classe ou le rang de l'élève, de sorte qu'on pouvait voir la place

relative que celui-ci occupait par rapport à son groupe. L'élève

recevait dix bulletins par année scolaire, c'est-à-dire un par mois,

jusqu'en 1972 où ce nombre fut réduit à cinq. Les commissions

scolaires étaient libres d'adopter le formulaire de bulletin qu'elles

jugeaient leur convenir, mais ce dernier variait peu d'un milieu à

l'autre : un consensus tacite existait alors relativement à ce que devait

normalement contenir un bulletin scolaire. » (Conseil supérieur de

l'éducation, 1992, p. 5).

Malgré la réorganisation et l'uniformisation du système scolaire suite aux conclusions du Rapport

Parent, et à la mise en place de nouveaux programmes recentrés sur les besoins de l'enfant,

l'évaluation n'a que peu évolué puisqu'elle est toujours entre les mains des autorités locales et

généralement laissée au libre arbitre des enseignants.

1.2.2.4. Les années 70

Durant cette décennie, les programmes-cadres institués lors de la « Révolution tranquille »

perdurent, laissant aux enseignants le libre choix concernant les activités d'apprentissage réalisées

en classe. Les pratiques d'évaluation relèvent elles aussi uniquement de l'enseignant qui est seul

maître en la matière, et de ce fait ne peuvent être contrôlées par des règles précises et rigoureuses.

L'évaluation ne fait en aucun cas partie intégrante des programmes-cadres et des pratiques

pédagogiques qui en découlent.

35

Dans la pratique, que ce soit au primaire ou au secondaire, les enseignants recueillent les résultats

des élèves obtenus aux différents exercices et devoirs soumis. Par la suite, ils calculent le total de

ces résultats afin de donner des informations aux familles et à l'administration scolaire sur le

cheminement de chaque élève (Auger, 2000).

La décennie 70 voit l'adoption par le MEQ du règlement n° 7 relatif au cadre d'organisation de

l'enseignement de la classe maternelle, de l'élémentaire et du secondaire donnant dans les faits la

naissance aux concepts d'étapes combinées, au nombre de 4 ou 5, ainsi qu'aux journées

pédagogiques. L'adoption de ce règlement entraîne également le partage des responsabilités entre

le MEQ et les administrations scolaires concernant la reconnaissance des acquis. Le critère de

passage d'une classe à l'autre est toujours maintenu à 50 %, cependant le classement de l'élève

(rang cinquième) est désormais pris en compte (Auger, 2000).

Ce partage des responsabilités va conduire le MEQ à appliquer une certaine modération à

l'encontre de la note de l'école et celle de l'épreuve unique du gouvernement, d'une matière

donnée, qui seront toutes les deux comptabilisées sur 50 afin d'obtenir un score sur 100. H s'agit

clairement ici pour le MEQ de favoriser la note obtenue à l'épreuve unique au détriment de celles

obtenues en classe dans le but de diminuer l'incidence négative que pourrait avoir un enseignant

trop sévère ou au contraire trop laxiste sur le cheminement de ses étudiants. On peut interpréter

ceci comme une tentative d'uniformisation des résultats dans un système scolaire où l'évaluation

est encore laissée au libre arbitre des enseignants.

1.2.2.5. Les années 80

Au début des années 80, le MEQ soumet de nouveaux programmes basés désormais sur les

notions de contenus notionnels et d'habiletés générales à développer :

« Ainsi des programmes formulés en termes d'objectifs

d'apprentissage et organisés en modules se développent au Québec.

Pour chaque matière, des objectifs sont définis en fonction d'habiletés

hiérarchisées et de contenus obligatoires. Ces programmes

s'accompagnent de guides pédagogiques dans lesquels la pédagogie

36

est moins centrée sur la transmission des contenus que sur

l'acquisition d'habiletés. Les programmes sont formulés en termes

d'objectifs très généraux associés au développement individuel et

d'objectifs d'apprentissage terminaux très précis. On reconnaît ces

programmes comme des programmes habiletés. » (Auger, 2000,

pp. 46-47).

La mise en place officielle de cette pédagogie par objectifs s'accompagne bien entendu d'une

Politique générale d'évaluation pédagogique présente dans « L'énoncé de politique et plan

d'action » plus communément appelé le « Livre Orange » (MEQ, 1981). Cette politique a pour

préceptes fondamentaux la justice et l'équité dans toutes les pratiques d'évaluation. Toutefois, la

mesure et l'évaluation dans le milieu scolaire « relèvent d'une responsabilité partagée entre

l'école, la commission scolaire et le ministère de l'Éducation. » (MEQ, 1981, p. 96). Mais étant

donné qu'elles s'appliquent en premier lieu dans la classe, celles-ci sont sous la responsabilité

première de l'enseignant. Ainsi, afin de promouvoir efficacement la justice et l'équité, le

ministère de l'Éducation s'engage donc à mettre à la disposition des acteurs scolaires :

« - des instruments de mesure des apprentissages des élèves :

examens, tests, plans d'observation, etc.

- des instruments d'évaluation : les bulletins scolaires, feuilles de

routes, rapports aux parents, etc.

- Des guides docimologiques et d'autres documents proposés à

l'amélioration de la mesure et de l'évaluation dans les écoles ;

- des instruments de mesure relatifs au développement général de

l'élève : tests de fonctionnement intellectuel, d'aptitudes de

développement physique, etc. » (MEQ, 1981, p. 97).

Ceci nous montre le souci affiché du ministère de l'Éducation de prendre désormais les rênes des

pratiques évaluatives en proposant aux enseignants divers outils conformes aux attentes des

nouveaux programmes scolaires et aux valeurs essentielles prônées que sont la justice et l'équité.

En outre, l'évaluation touche plusieurs domaines importants de l'éducation comme bien

37

évidemment les apprentissages, mais également la qualité de l'enseignement, les programmes, les

établissements ainsi que le personnel scolaire. L'évaluation et par la même occasion la mesure

prennent désormais place pour la première fois au cœur du projet éducatif québécois. Pour

preuve, le MEQ crée à la même époque la Direction de l'évaluation pédagogique qui se

renommera par la suite la Direction générale de l'évaluation et des ressources didactiques. Cet

organisme gouvernemental compte dans son organigramme la Direction du développement de

l'évaluation qui a pour fonction l'évaluation des programmes, la conception de nouveaux types

d'épreuves en accord avec les nouveaux programmes, tout en jouant le rôle de conseiller en

évaluation auprès des commissions scolaires.

Les pratiques évaluatives au Québec furent pendant longtemps délaissées par les autorités

scolaires au profit des enseignants. Ces derniers, au contact direct des élèves, étaient considérés

de ce fait comme le plus à même d'évaluer les acquis scolaires engrangés durant l'année par leurs

élèves. Toutefois dès les années 70, le ministère de l'Éducation québécois fraîchement crée

affiche la volonté de prendre part à l'évaluation notamment en partageant les responsabilités en

matière de reconnaissance des acquis avec les autorités locales afin de pouvoir réguler et

contrôler les résultats des étudiants via les épreuves uniques qu'il soumet. Le MEQ met ainsi un

premier pied dans le monde de l'évaluation. Mais il faut tout de même attendre 1981 et la

publication du Livre Orange pour assister à l'instauration d'une véritable politique d'évaluation

faisant corps avec le projet éducatif québécois. De nos jours, avec la mise en place en 2001 du

programme au titre évocateur « Être évalué pour mieux apprendre », le MEQ place l'évaluation

au sein même de sa toute nouvelle réforme pédagogique axée sur l'approche par compétences.

1.3. La France

1.3.1. Histoire de l'éducation en France à travers ses réformes éducatives

Sous l'Ancien Régime, à savoir la monarchie, l'éducation et tout particulièrement l'instruction est

quasiment l'exclusivité de l'Église, notamment dans le primaire. Mais la Révolution remettra en

question le monopole de l'Église. L'instruction et l'école deviennent un enjeu politique de tout

premier ordre. Désormais, les enfants étant considérés comme de futurs citoyens, la Nation se

38

doit de prendre les rênes de l'instruction publique afin d'assurer la formation de citoyens modèles

prônant les valeurs révolutionnaires.

Le pouvoir révolutionnaire envisage donc la mise en place d'un enseignement d'État qui se

concrétise par la loi du 3 brumaire an IV. Cette dernière organise l'instruction publique autour

d'un enseignement primaire et des centrales en ce qui concerne le secondaire. Cet enseignement

d'État aura pour principal but de légitimer et d'assurer le maintien de la Démocratie dans le temps.

Au début du XIXe siècle, Napoléon se sert de l'école pour former les futurs défenseurs de

l'Empire. D remplace les écoles centrales issues de la Révolution par les lycées, contrôlés

directement par les inspecteurs généraux acquis entièrement à la cause du pouvoir impérial. Ces

lycées ont pour but de former les futurs fonctionnaires de l'Empire qui seront bien entendu

dévoués corps et âme à Napoléon. De 1802 à 1810, il fonde l'Université impériale qui deviendra

par la suite le Ministère de l'Instruction publique en 1824, puis le ministère de l'Education

Nationale en 1832. L'Université impériale devient une institution laïque possédant une autonomie

budgétaire et décisionnelle importante. La loi du 17 mars 1808 crée le corps des inspecteurs

d'académie. Ces derniers sont chargés de l'inspection des écoles de l'arrondissement qui leur est

confié. Ils sont directement placés sous la tutelle du recteur d'académie, mais également du Préfet

(représentant officiel de l'Empire dans le département) pour ce qui concerne l'école primaire. Les

réformes de Napoléon sont ainsi l'ébauche de la future centralisation de l'instruction publique

française.

Le ministre de l'Instruction publique Guizot va, à partir de la Monarchie de juillet, faire passer le

contrôle de l'enseignement au primaire du local au national grâce à sa réforme de 1833.

L'éducation devient ainsi totalement centralisée. Les inspections d'écoles primaires deviennent

annuelles et sont faites par les inspecteurs d'académies assistés de deux inspecteurs primaires. Ces

derniers, à l'issue de leurs inspections, transmettent au Recteur un rapport annuel concernant les

enseignants et les établissements primaires. Le contrôle de l'éducation publique se fait en grande

partie par l'intermédiaire des différents inspecteurs.

De plus, outre cet aspect « contrôle et inspection », la loi Guizot de 1833 oblige les communes de

plus de 500 habitants à avoir une école de garçons. Guizot encourage également la création

39

d'écoles primaires supérieures destinées à améliorer l'éducation reçue par les élèves du primaire

issues de familles aux revenus modestes.

Jules Ferry fait voter deux lois en 1881 et 1882 qui vont véritablement provoquer des

changements fondamentaux dans le système éducatif français. Les lois Ferry rendent

l'enseignement obligatoire de 6 à 13 ans. Cependant, les enfants peuvent quitter l'école avant cet

âge s'ils ont obtenu le certificat d'études primaires. L'instauration de l'obligation scolaire est

vraiment une nouveauté et un grand pas en avant en ce qui concerne l'éducation. De même, ces

lois proclament la gratuité et la laïcité de l'enseignement mettant ainsi fin à l'enseignement

religieux dans l'instruction publique. Ces lois font de l'éducation un « ascenseur social »

puisqu'elles permettent l'accès à l'éducation et donc à la culture des enfants issus de familles

modestes (ouvriers, agriculteurs, pêcheurs, etc.). L'école devient un symbole de progrès social.

Après la Libération, et pendant la période de croissance économique sans précédent nommée

« les Trente Glorieuses », l'enseignement se démocratise de façon significative. Cette

démocratisation se fera en premier lieu dans l'enseignement technique et professionnel puis dans

le secondaire et le système universitaire. En 1959, la réforme Berthouin passe la scolarité

obligatoire à 16 ans au lieu de 13. Mais cette réforme ne sera finalement appliquée formellement

qu'en 1971.

Suite aux mouvements de contestations de mai 1968, la mixité dans l'enseignement devient une

évidence et en 1975 la loi Haby concrétise le principe de collège unique pour tous les élèves de la

nation. Les programmes, les matières et l'enseignement sont les mêmes pour tous les élèves

quelque soit leurs origines sociales.

1.3.2. L'évaluation héritée des Jésuites

L'évaluation dans le système d'éducation français est en grande partie calquée sur celle des

Jésuites, qui a fait l'objet de notre précédent chapitre. De ce fait, les notes, les classements, les

examens ou tout autre type de sanctions ou de distinctions sont quelque peu sacralisés par les

enseignants et les parents. Pourtant, les hauts responsables de l'éducation qui se sont succédé en

ont toujours eu conscience et ont maintes fois essayé d'orienter les enseignants vers d'autres

40

pistes en réglementant les pratiques d'évaluation. Nous pouvons citer à titre d'exemple afin

d'étayer ceci la lettre du ministre Léon Bourgeois accompagnant les instructions de 1890 dans le

Bulletin administratif de l'instruction publique :

« La vraie fin que le maître, tout en s'attachant avec passion à sa

tâche journalière, doit avoir constamment présente à l'esprit, c'est de

donner, par la vertu d'un savoir dont la majeure partie se perdra, une

culture qui demeure. Par delà les objets et les exercices quotidiens de

la classe, c'est à l'esprit, c'est à l'âme même de ses élèves qu'il doit

viser; par delà les sanctions prochaines que fournissent à son

enseignement examens et concours, sanctions si souvent hasardeuses

et illusoires, c'est à la grande et décisive épreuve de la vie qu'il doit

les préparer. C'est là, en définitive, que la valeur des leçons reçues au

lycée se démontrera par l'effet. » (Ministère de l'Education Nationale,

de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, 2005, p. 8).

Ainsi, nous pouvons constater que le ministre met clairement l'accent sur la nécessité de préparer

l'élève à affronter la vie. Ceci doit être la principale préoccupation de l'enseignant. Les exercices

et les notes (ou toute autre sanction) n'ont de sens que si elles permettent aux enseignants

d'évaluer les progrès effectués par les élèves. Les sanctions ne sont donc qu'un outil permettant le

développement intellectuel de l'élève et non une fin en soi. Pourtant, la réalité est tout autre. Ce

texte officiel met en valeur trois remarques qui montrent véritablement la prépondérance de la

note dans le système éducatif de l'époque. Tout d'abord, dans la troisième partie des Instructions

et Règlements, la note est désignée comme faisant partie intégrante d'un système de sanctions

pouvant être positives ou négatives. En d'autres termes, le « bon élève » sera récompensé tandis

que le « mauvais » sera puni. Nous pouvons songer aux bons points accordés aux élèves les plus

brillants et au traditionnel, mais néanmoins célèbre « bonnet d'âne » que se disputaient les

mauvais élèves dans les écoles primaires. D'autre part, les auteurs de ce texte souhaiteraient que

les enseignants mettent l'accent sur les notions d'émulation chères aux Jésuites et de composition

afin de privilégier la note au détriment du classement. Cela sous-entend l'attachement des

enseignants au classement dans leur gestion de la classe. Et enfin, les notes sont considérées

41

comme un élément de communication puisqu'elles sont lues par le proviseur devant tous les

élèves et sont transmises aux parents par l'entremise du bulletin de notes.

En bref, le système de notation en vigueur au XIXe s. et au début XXe s. a pour but de

récompenser ou de punir les élèves en fonction du travail fourni en classe ou de leur

comportement. Il établit un classement permettant de comparer les élèves entre eux afin de

susciter une saine émulation tout en permettant aux responsables scolaires et aux parents d'être

renseignés sur les réussites ou les échecs des élèves. Cela permet la mise en place de sanctions

publiques (prix, blâmes, etc.) dont finalement les deux principales sont le passage en classe

supérieure en cas de réussite ou le redoublement en cas d'échec.

Dans ce type de système éducatif, l'enseignant peut être considéré comme tout puissant puisqu'il

est le seul à distinguer les « bons » élèves des « mauvais ». Il dispose d'un « pouvoir » totalement

arbitraire. Afin de réussir, l'élève doit se conformer durant toute sa scolarité aux attentes des

différents maîtres qu'il va devoir côtoyer (Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement

Supérieur et de la Recherche, 2005).

La France a décidé très tôt de ne pas rompre avec la tradition de l'éducation des Jésuites

puisqu'elle a opté pour une pédagogie de l'émulation prônant le classement des élèves et la mise

en place de sanctions publiques.

1.3.3. Remise en question du système d'évaluation traditionnel

Le système d'évaluation hérité en grande partie des Jésuites devient dès les premières décennies

du XXe siècle l'objet de nombreuses études en France, mais aussi en Angleterre ou aux États-

Unis. En France, ces études seront regroupées sous le terme de « docimologie ». En 1956, ces

études prennent beaucoup d'importance suite à la demande du Conseil de la recherche scientifique

et du progrès technique. Ces recherches entreprises sous la direction d'Henri Piéron et Maurice

Reuchlin remettent en question clairement le système de notation traditionnel. Elles mettent en

lumière une grande variabilité en ce qui concerne les exigences de chaque enseignant, des

échelles de notations pour le moins imprécises, des différences de classement non négligeables

des copies selon les jurys observés et de nombreuses disparités dans le temps. Après avoir

42

débusqué les points à améliorer, ces études se sont lancées dans la recherche de méthodes

d'évaluation plus fiables et plus efficaces. De ce fait, elles ont proposé de nombreuses mesures

d'harmonisation des échelles d'évaluation ainsi que des modalités de constructions d'épreuves

normalisées en se basant essentiellement sur des définitions plus rigoureuses des objectifs propres

à l'éducation. Les conclusions des études menées par Henri Piéron et Maurice Reuchlin nous

renvoient directement à la « pédagogie par objectifs » qui fera les beaux jours de l'éducation en

France pendant près d'un demi-siècle (Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement

Supérieur et de la Recherche, 2005).

1.3.4. Le passage à une « pédagogie par objectifs »

La notion d'objectif en éducation prend naissance aux États-Unis au cours du premier tiers du

XXe siècle. Le courant idéologique de l'époque fait la part belle à la rationalisation et à la

standardisation. Dans le monde du travail, ces deux concepts idéologiques seront mis en place à

travers le taylorisme et son organisation scientifique du travail (O.S.T.) qui sera à la base de la

révolution industrielle du XXe siècle. L'O.S.T est une méthode de management des ateliers de

production réorganisant ces derniers selon une parcellisation extrêmement poussée des tâches de

chaque employé.

De nombreux spécialistes de l'enseignement furent influencés par le taylorisme. Les deux plus

connus sont sans aucun doute Charter et Bobbit qui, de 1921 à 1923, ont mis en œuvre à Los

Angeles une réforme des programmes scolaires. Là où cette réforme se veut novatrice, c'est dans

la définition précise d'un ensemble d'objectifs pédagogiques. Ces objectifs sont, tout en étant

nombreux et précis dans leur définition, formulés en termes d'activités observables. Ils sont donc

parfaitement évaluables.

Dans les années cinquante, Benjamin S. Bloom permet un grand pas en avant avec la création

d'une taxonomie des objectifs pédagogiques pouvant être appliqués à tous les champs de

formation.

La réforme de Charter et Bobbit, ainsi que la taxonomie de Bloom (1956) vont influencer

progressivement tout le corps enseignant que ce soit au bas de l'échelle ou dans les hautes

sphères.

43

Edgar Faure, alors Ministre de l'Éducation Nationale, se réfère dans « La circulaire du 6 janvier

1969 » aux études liées à la docimologie évoquée précédemment afin de dénoncer les carences

du système de notation en vigueur en France :

« C'est un texte ancien, l'arrêté du 5 juillet 1890, qui a prescrit que

« dans les compositions chaque copie aura sa note chiffrée de 0 à

20 ». Il en résultait un classement linéaire, les différences entre les

élèves se chiffrant par points ou même par demi-points et quarts de

point. Or, les études docimologiques dont l'origine est antérieure à

1930 et qui se sont multipliées dans les vingt dernières années ne

laissent aucun doute sur le caractère illusoire d'un tel raffinement

dans la précision de la note et du classement obtenus. » (Faure, 1969,

p . l ) .

Edgar Faure remet vivement en cause dans la suite de ce document l'utilité des classements et

donc de la comparaison des élèves entre eux qui «provoquent chez tant d'élèves tantôt une

anxiété aussi nuisible à leur équilibre général qu'à leur développement intellectuel, tantôt une

indifférence plus ou moins résignée ou rétive, tantôt la dérision, parfois des vanités ridicules ou

un esprit de rivalité quelque peu agressive ou mesquine. » (Faure, 1969, p. 2).

Ce dernier remet également en question la notation traditionnelle. D désire substituer à l'éternel

travail de composition les exercices de contrôle continu afin d'éluder à la fois l'obsession du rang

et la sacralisation de la note qui ont toutes deux une place très importante dans le système éducatif

français à cette époque. Selon lui, les travaux scolaires se révélant être les plus formateurs et

bénéfiques pour les élèves sont ceux « où la préoccupation de la note s'efface ».

À cet effet, il soumet aux chefs d'établissement et à tout le corps enseignant trois grandes

directives. La circulaire préconise la suppression des compositions qui ne sont autres que des

contrôles sommatifs et finaux, en faveur de la mise en place d'exercices de contrôle réguliers, en

d'autres termes un contrôle continu. H est recommandé aussi au corps enseignant d'exclure les

classements par rang, établis et annoncés par le maître. Et pour finir, la troisième grande directive

préconise de substituer à la notation chiffrée traditionnelle de 0 à 20 une échelle d'appréciation à

44

cinq niveaux pouvant être de A à E ou de 1 à 5. Ce type d'appréciation globale sera bien entendu

accompagné d'annotations détaillées, permettant une rétroaction de qualité, concernant

l'orthographe, le sens artistique, le raisonnement, le vocabulaire, etc.

Cette formule est innovatrice dans le sens où elle marque une rupture avec le système traditionnel

de notation héritée en majeure partie de celle des Jésuites. Désormais, l'accent est mis sur la

progression de l'élève et non plus seulement sur ses performances. L'évaluation ne doit plus

simplement servir à la vérification du niveau atteint par rapport à la norme établie, mais aussi à

vérifier si l'élève fait des progrès, ce qui implique indéniablement une volonté et une implication

exemplaire dans la poursuite des études. Constater tout ceci ne nécessite pas nécessairement une

évaluation chiffrée précise ou un classement en rang qui peuvent paraître des plus illusoires

(Ministère de l'Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche, 2005).

L'évaluation des apprentissages telle qu'elle est pratiquée en France est héritée de la pédagogie

prônée par les Jésuites basée sur l'émulation, le classement des élèves et la mise en place de

sanctions publiques (récompenses, blâmes, etc.). Cependant, cette vision de l'évaluation est

remise en question à partir des années 60, notamment sous l'impulsion de la taxonomie des

objectifs pédagogiques de Bloom (1956). Suite à cela, sera adopté en France un système

d'éducation basé sur les objectifs pédagogiques qui est encore en place à l'heure actuelle en

France.

1.4. La Belgique

1.4.1. Une brève histoire de l'éducation en Belgique

Durant de nombreux siècles, la main mise sur l'éducation a été un objet de convoitise pour l'État

et l'Église. Ces deux dernières entités se livreront une lutte âpre afin d'obtenir le contrôle de

l'éducation.

Sous l'Ancien Régime, l'école, comme dans bien d'autres pays, est délaissée par le pouvoir qui ne

voit aucun intérêt à en prendre la charge. Elle est donc confiée aux autorités locales, à l'initiative

privée et bien entendu à l'Église. Les religieux et les prêtres sont à la tête de nombreux collèges.

45

Cependant, à partir du XVITT siècle, l'État commence à s'intéresser vivement à l'éducation afin

d'affirmer son pouvoir et son absolutisme centralisateur. Puis, après avoir été conquise par la

France, et avoir fait partie du Royaume-Uni et des Pays-Bas dès 1815, la Belgique obtient son

indépendance en 1830. Le système scolaire en place avant l'indépendance est dissous et le

nouveau gouvernement promulgue la liberté d'enseignement dans le tout nouvel état. Celle-ci est

des plus ambiguës puisqu'à l'époque elle est vue par certains comme un procédé visant à

soustraire l'individu au contrôle de l'Église, tandis que d'autres y voient le plus sûr moyen pour

garantir l'indépendance relative de l'Église vis-à-vis de la monarchie.

Dès lors, les libéraux souhaitant la création d'un enseignement public et le clergé désirant garder

la place importante qu'elle occupe dans l'éducation n'auront de cesse de s'affronter. Les deux

points culminants de cet affrontement seront les deux « guerres scolaires ». La première débute

en 1878 suite à la loi élaborée par Pierre Van Humbeéck, le 1er juillet 1878. Cette loi est

modérément laïque tout en étant assez centralisatrice et innovatrice d'un point de vue

pédagogique. Cette loi va déclencher le courroux des autorités cléricales qui y voit un « attentat

contre la foi et les mœurs ». Cette « guerre » va durer pendant cinq longues années dans un climat

d'intolérance et de fanatisme d'une rare intensité.

Juste avant la Première Guerre mondiale, la loi du 19 mai 1914 rend l'instruction obligatoire de 6

à 14 ans pour les élèves disposants d'une école à proximité. Cette loi historique est l'une des rares

avancées scolaires entreprises avant le début de la Seconde « Guerre scolaire ».

La deuxième « Guerre scolaire » a, quant à elle, une importance majeure puisqu'elle est à l'origine

du « pacte scolaire » qui est toujours en vigueur de nos jours malgré quelques modifications.

Cette seconde « guerre scolaire » a pour élément déclencheur la victoire de la coalition formée

entre les libéraux et les socialistes, en 1954. Le nouveau ministre en charge de l'Instruction

publique, Léo Collard, a pour principal objectif la laïcisation du système éducatif belge. Mais la

politique scolaire du gouvernement se montrera pour le moins maladroite et n'aura d'autre effet

que de braquer les autorités religieuses. S'ensuit encore une période de troubles pour la société

belge. Afin de mettre fin à cette nouvelle « guerre scolaire », le ministre Van Hemelrijck propose

la création d'une Commission nationale. Cette dernière a pour principale conséquence la

ratification par la loi du 29 mai 1959 du « pacte scolaire ».

46

Le « pacte scolaire » a pour principal objectif de régler le problème de la répartition des moyens

entre « enseignement libre » et « enseignement officiel ». Celui-ci définit précisément la nature

de chacun d'eux dans l'article 2 :

« Les écoles officielles sont celles organisées par l'État, les provinces,

les communes, les associations de communes ou par des personnes de

droit public. Les écoles qui ne sont pas officielles sont dites libres. »

(Gouvernement de Belgique, 1959, p. 3).

De même, l'un des principes les plus importants du « pacte scolaire » est le libre choix de

l'établissement. En effet, le père de famille est le seul à pouvoir décider dans quel type

d'institution il inscrira son enfant. De ce fait, celui-ci doit pouvoir disposer à proximité de chez lui

des deux types d'institutions. L'article trois définit clairement l'application effective de cette

mesure.

Ce texte de loi entérine également le libre choix entre morale non confessionnelle et la religion

dans le système scolaire, la liberté pédagogique offerte aux enseignants du moment qu'ils s'en

tiennent au socle minimal prévu par la loi, la gratuité de l'enseignement obligatoire et le fait que

les réformes fondamentales font l'objet d'une concertation préalable entre les pouvoirs

organisatiqnnels.

Malgré les dissensions et les heurts parfois violents entre les autorités cléricales et les

anticléricaux, à l'image des deux guerres scolaires, la Belgique a réussi à se réformer et à créer un

système éducatif compétitif en réglant la question de l'enseignement public et privé comme en

atteste le « pacte scolaire » de 1959 ou plus récemment l'adoption du Décret mission en 1997

mettant en place une pédagogie par compétences.

47

1.4.2. Historique de l'évaluation

1.4.2.1. L'héritage des Jésuites

L'enseignement diffusé en Belgique est, comme bien d'autres pays directement, tiré du Ratio

studiorum et de son idéal humaniste. Nous ne reviendrons pas sur les méthodes d'évaluation

faisant la part belle à l'émulation et la compétition, celles-ci étant déjà l'objet d'un précédent

exposé. Cependant, il est à noter que le modèle éducatif des Jésuites aura une grande influence

sur tous les types de collèges, autres que celui des Jésuites, qui se succéderont jusqu'à

l'indépendance de la Belgique en 1830. Ainsi, nous pouvons citer les collèges thérésiens sous le

régime autrichien qui se veulent le premier exemple d'enseignement d'État dans cette partie de

l'Europe, ou les écoles centrales issues de la Révolution française qui, après avoir essayé de se

démarquer des Jésuites en mettant en place des programmes inspirés par les encyclopédistes, sont

revenues à partir du Premier Empire de Napoléon au modèle des humanités tiré du Ratio

studiorum.

1.4.2.2. Les conséquences de l'indépendance de la Belgique

Dès l'indépendance de la Belgique, une commission spéciale est créée en 1831 afin d'élaborer un

projet visant à développer un enseignement d'État ou du moins à donner un rôle majeur à ce

dernier tout en respectant la liberté d'enseignement en vigueur. Les propositions de cette

commission sont à l'origine de la première loi sur l'enseignement moyen du 1er juin 1850. Celle-

ci, ainsi que toutes les dispositions législatives qui l'ont amendé jusqu'en 1887, dévoile une

continuité évidente avec l'héritage pédagogique des Jésuites tout en y introduisant quelques

tendances nouvelles. L'enseignement des humanités et les types d'évaluation qui lui sont associés

sont toujours très prisés, car ils constituent en quelque sorte toujours la filière noble de

l'enseignement, celle qui conduit vers une certaine réussite. Les tendances nouvelles que nous

avons brièvement évoquées peuvent se résumer à la création d'une filière alternative de celle des

humanités gréco-latines jésuites vouée à la formation aux métiers commerciaux et industriels et

une filière courte sans grec ni latin dispensé dans les zones rurales ou les villes de faible

importance.

48

Néanmoins, malgré la création de ces nouvelles filières, les conflits incessants et les nombreuses

tentatives de réformes, les humanités et donc l'héritage des Jésuites vont résister inlassablement

jusqu'en 1947 du fait de leurs prestiges et de la légitimité qu'elles ont réussi à acquérir auprès de

la population et des élites.

1.4.2.3. Les politiques scolaires de l'égalité dans l'enseignement secondaire

Après la Seconde Guerre mondiale, la Belgique comme tous les grands pays européens est

soumise à une gigantesque entreprise de reconstruction. Celle-ci et le contrecoup de la guerre ont

dynamisé grandement la croissance économique et les innovations technologiques tout en

permettant une amélioration sans précédent de la qualité de vie des citoyens. De cette période de

reconstruction naît la théorie de capital humain. Cette dernière part du constat que la richesse

économique d'une nation dépend essentiellement de son capital humain, et ce faisant la

scolarisation devient un outil de développement économique. Un pays se doit ainsi, afin de se

développer, de scolariser et de former de façon adéquate le plus grand nombre de ses citoyens. Le

développement des technologies nouvelles et les innovations se faisant de plus en plus

rapidement, une grande majorité de la population doit parvenir à un haut niveau d'études si le

pays ne veut pas se retrouver dépassé d'un point de vue technologique par les grandes nations de

ce monde. De plus, le développement de l'État Providence en Belgique, tout comme ce fut le cas

en France, fait du progrès social une nécessité et de ce fait tente de créer un système éducatif qui

se veut égalitaire.

Que ce soit les valeurs économiques ou idéologiques, elles vont être à l'origine de la rénovation

de l'enseignement secondaire en Belgique dans les années 50-60. Les politiques scolaires de

l'égalité des chances et de l'égalité des acquis sont le résultat de cette rénovation.

Dans les faits, cette rénovation se traduit par des modifications de structures, de programmes, de

méthodes et donc d'évaluation. La mise en place de nouvelles pratiques évaluatives se fait en

suivant le contexte idéologique et économique cité auparavant :

« [...] l'élève est essentiellement un être en évolution. L'école est là

pour ça, et elle doit constamment miser sur le changement et le

49

pouvoir de changement de l'individu. Elle doit se tourner résolument

vers l'avenir et s'encombrer le moins possible d'accumuler, sous

forme de points, des traces du passé des élèves. C'est une des raisons

de l'abandon de l'examen traditionnel et des points comme éléments

de jugement de l'école sur l'enfant et l'adolescent. » (Administration

des études, 1970, p. 91).

La nécessité d'éduquer le plus grand nombre et la volonté de progrès social ne sont en aucun cas

compatibles avec l'ancienne idéologie élitiste prônant la répartition inégale des aptitudes en

fonction des milieux socioéconomiques. La conception d'égalité des chances en éducation

modifie le but premier de l'école. Désormais celle-ci devra en priorité reconnaître les talents de

chacun et les orienter de manière à développer au maximum ces aptitudes. Pour mener à bien ce

projet, l'école doit faire appel à la pédagogie scientifique qui sera amenée à préciser certains

concepts essentiels comme aptitudes ou attitudes, et à proposer des outils d'évaluation efficaces.

C'est ainsi que la « docimologie », la science des examens, fait son apparition dans les textes

officiels belges.

La première étape de ce renouveau de l'évaluation est franchie avec la circulaire du 14 mai 1969.

Cette dernière affiche clairement la nécessité de revoir les examens de manière à ce qu'ils soient

conformes aux recommandations faites par le Conseil de l'Europe. Ainsi, aux examens

traditionnels sont substitués des exercices de contrôle continu tandis que la notation chiffrée est

remplacée par des appréciations qualitatives en 5 niveaux (TB pour très bien, Bien pour bien, S

pour suffisant, F pour faible, I pour insuffisant). Pour chacune des matières de la formation

commune, l'élève reçoit une de ces appréciations, et ce, six fois puisque le bulletin scolaire est

remis six fois aux parents pendant l'année. Pour ce qui est des activités complémentaires comme

le sport ou les arts, elles ne font l'objet que d'un commentaire. Le bulletin scolaire n'est pas seul

document relatif à l'élève puisqu'il existe aussi un dossier scolaire comprenant, outre la partie

administrative, un tableau individuel d'observation du comportement, un tableau individuel des

aptitudes et un tableau schématique de synthèse. Il est également à préciser que le redoublement

n'est pratiqué qu'en cas vraiment exceptionnel et que donc tous les élèves passent en classe

supérieure à l'issu de leur année scolaire.

50

La circulaire du 7 août 1972, visant l'enseignement organisé par l'État et concernant les modalités

d'appréciation dans le premier degré de l'enseignement secondaire rénové, se substitue à la

circulaire que nous venons d'évoquer précédemment. Cette nouvelle circulaire introduit, à travers

un tableau des opérations mentales, les travaux de Bloom et de ses collaborateurs. Ce tableau a

pour but d'aider et d'orienter les enseignants dans la conception de leurs exercices d'évaluation.

Des exemples d'évaluations et d'exercices sont fournis pour chacune des matières au programme.

La circulaire du 2 avril 1976 définit clairement les caractéristiques propres à l'évaluation dans

l'enseignement belge :

« Une évaluation plus qualitative que quantitative devient nécessaire :

elle sera collégiale, informative, prédictive, corrective, continue et

globale. » (Ministère de l'éducation de la Communauté française,

1976, p. 226).

En ce qui concerne l'enseignement catholique, l'évolution de l'évaluation n'est guère différente.

La Fédération Nationale de l'Enseignement Moyen Catholique publie plusieurs fascicules ayant

trait aux méthodes d'évaluation. Le premier de ces fascicules, paru pour l'année scolaire 1971-72

sous le titre Recherche en docimologie, orientations fondamentales, se compose d'une synthèse

théorique concernant l'évaluation. Les concepts retenus et les principes de base, tout comme les

outils proposés sont les mêmes que les établissements d'État.

Les fascicules 2 et 3 intitulés Observation des attitudes, Observations et personnalité, Évaluation

des attitudes, ont pour objectif de définir clairement les concepts (attitude, aptitude, etc.) tout en

donnant aux enseignants des recommandations et des conseils pour observer efficacement ses

élèves.

Le fascicule 4, publié en 1976 sous le titre Observation des Aptitudes et définition des Objectifs-

critères, s'inspire des taxonomies de Bloom et de Guilford pour traduire les objectifs généraux en

objectifs intermédiaires, et en objectifs opérationnels tout en définissant précisément les

comportements souhaités chez les étudiants et les critères d'évaluation qui en découlent. Ce

dernier fascicule renvoie clairement au concept de pédagogie par objectifs qui est en quelque

sorte le courant pédagogique dominant à cette époque.

51

Cependant, il est à noter que l'enseignement en Belgique a été soumis de façon successive à la

création des Communautés en 1970 et des Régions en 1980, au démantèlement du ministère de

l'Éducation, à bon nombre de réformes administratives et institutionnelles jusqu'à la

« communautarisation » de 1989. La Belgique devient officiellement un état fédéral en 1993.

Dans ce contexte si particulier, la pédagogie par objectifs restera en vigueur durant de

nombreuses années. Néanmoins, en 1997, le ministère de l'Éducation de la Communauté

française lance un projet éducatif ambitieux reposant sur l'approche par compétences. Nous ne

nous y attarderons pas dans ce chapitre puisque le décret « Missions » fera l'objet d'une étude

approfondie dans la seconde partie de notre étude.

La Belgique malgré son histoire si singulière a suivi un parcours similaire à bon nombre de

nations en matière d'éducation et d'évaluation. À l'origine, nous avons la pédagogie et

l'enseignement hérités des Jésuites qui ont tenu le haut du pavé, malgré quelques tentatives de

changements, jusqu'à la fin des années 50. Par la suite, la pédagogie par objectifs et ses méthodes

d'évaluation se sont peu à peu imposées jusqu'à ce que la communauté francophone débute la

mise en place du décret « Mission » et son approche par compétences.

1.5. La Suisse

1.5.1. Petit rappel historique concernant la Suisse

B est impensable d'aborder l'éducation en Suisse sans avoir auparavant étudié quelque peu son

histoire afin de mieux comprendre l'organisation politique de ce pays.

La date officielle de création de la Confédération helvétique est 1291. Cette année-là, les trois

états alpestres d'Uri, Schwyz et Unterwald concluent un accord d'assistance mutuelle afin

d'échapper à l'emprise de l'empire des Habsbourg. Mais cette alliance n'est que la prémisse de la

construction d'un véritable état fédéral. Au XIVe siècle, les territoires de Lucerne, Zurich, Zoug et

Berne se joignent aux trois premiers cantons pour former « la confédération des VIE cantons ».

Les cantons ne deviennent véritablement indépendants du Saint-Empire romain germanique

qu'après les traités de Westphalie en 1648. Au XVe siècle, cinq autres cantons, à savoir Fribourg,

52

Soleure, Appenzell, Bâle et Schaffhouse, viennent s'associer aux huit précédents pour former la

confédération des XHI cantons.

En 1814, la Restauration crée le premier état fédéral suisse comprenant 22 cantons, par le biais de

« l'Acte de reconnaissance de la neutralité perpétuelle de la Suisse » qui sera signé et ratifié par

tous les pays d'Europe. Les trois derniers cantons à être rattachés à la Confédération sont ceux de

Genève, de Neuchâtel et du Valais lors de l'année 1815.

À partir de 1830, les querelles incessantes entre les conservateurs et les libéraux-radicaux,

menèrent le pays à la guerre de Sonderbund en 1847 qui débouchera sur la première constitution

fédérale, signée le 12 septembre 1848. Désormais la Suisse est un état fédéral composé de 26

cantons.

1.5.2. Petit rappel concernant l'éducation en Suisse

La date majeure concernant l'éducation scolaire en Suisse est 1874. En effet, lors de la première

révision de la Constitution de 1848, le Parlement suisse rajoute un nouvel article constitutionnel

instituant l'obligation, la laïcité et la gratuité de l'école publique. Cependant, cet article laisse les

différents cantons libres d'administrer leurs écoles comme ils veulent. Ceci est encore valable de

nos jours malgré plusieurs tentatives d'uniformisation (1882, 1973). En Suisse, les cantons

disposent de leur propre ministère de l'Éducation appelé en général département de l'instruction

publique puisque chacun d'eux est souverain sur son territoire pour tout ce qui concerne

l'éducation et la formation. Il y a ainsi 26 ministères de l'éducation en Suisse et tout autant de

systèmes éducatifs.

Il est toutefois à noter qu'en 2006, la Suisse a rédigé un nouvel article constitutionnel contraignant

les cantons à harmoniser leurs systèmes éducatifs afin de gommer progressivement cette

fragmentation éducative. Cependant, une telle harmonisation demande beaucoup de temps. De ce

fait, le nouveau système ne devrait pas selon les estimations des autorités nationales être

opérationnel avant 2013.

Ainsi, afin de traiter la Suisse dans le cadre de notre étude, il est bien évident que par souci de

facilité et de clarté, nous n'étudierons pas la totalité des cantons. Nous nous en tiendrons

seulement aux cantons francophones.

53

1.5.3. Les origines de l'évaluation

En Europe et en Suisse en particulier, deux principaux modèles d'enseignement et donc

d'évaluation cohabitent. Le premier est bien entendu le système des Jésuites sur lequel nous ne

reviendrons pas, et le second est le système des écoles du peuple que nous pourrons qualifier

d'indépendant. En effet, durant le début des temps modernes, l'enseignant officiait de manière

indépendante puisqu'il proposait son savoir et savoir-faire aux familles moyennant une certaine

rémunération. La diffusion du savoir et des connaissances était un marché comme un autre

soumis à la concurrence, comme en attestent d'après Cardinet (1991) certaines annonces parues

dans la feuille d'avis de Neufchâtel au XVIIIe siècle où quelques enseignants proposaient leur

savoir et leur savoir-faire. Puisqu'il y a concurrence entre les enseignants, les résultats des élèves

sont primordiaux autant pour les élèves qui risquent ainsi de devoir se soumettre à des châtiments

corporels et à la réprimande des parents, que pour les enseignants qui peuvent perdre un élève si

les parents, qui ne l'oublions pas sont avant tout des clients, ne sont pas satisfaits des prestations

rémunérées. De ce fait, les enseignants avaient recourt à ce que l'on peut appeler « une évaluation

par objectifs » afin de justifier leurs rémunérations et de faire valoir leur travail auprès des

parents (Cardinet, 1991).

Ce type d'enseignement se faisait par étapes et de manière cumulative. Le salaire réclamé par

l'enseignant n'était versé que lorsque l'élève avait bel et bien atteint l'objectif fixé. Ainsi,

l'enseignant se trouvait dans l'obligation de suivre avec attention la progression de chaque élève.

Pour ce faire, l'enseignement était évalué, par exemple, de la façon qui suit :

« L'apprentissage de la lecture était décomposé en étapes. La

première phase, selon le contrat, était d'apprendre les lettres. La

deuxième phase impliquait d'apprendre à lire des mots, et ensuite des

phrases. Ces étapes étaient contrôlées régulièrement. Il existe encore

des gravures représentant cette activité d'évaluation. On voit des

élèves qui se présentent l'un après l'autre devant le maître, qui leur

demande de montrer ce qu'ils savent faire. » (Cardinet, 1991, p. 2).

54

Lors de l'avènement de l'école obligatoire, à la fin XVnf siècle, la Suisse dispose de deux

systèmes éducatifs. Le système des Jésuites basé sur la performance, l'émulation et le classement

des élèves et celui des petites écoles du peuple centré, essentiellement par commodité

économique, sur des objectifs pédagogiques clairement définis. Le système jésuite est finalement

celui choisi pour être appliqué à l'ensemble des systèmes éducatifs de la Suisse romande.

L'influence française omniprésente et la volonté affichée par la bourgeoisie d'accéder aux hautes

sphères du pouvoir grâce à un système éducatif fondé sur le mérite sont certainement des facteurs

décisifs dans la prise d'une telle décision.

1.5.4. L'évaluation de nos jours en Suisse

Dans les années 90, certains cantons de la Suisse romande se sont lancés dans la rénovation de

leur système éducatif. Cette dernière s'est généralement concrétisée par des réformes pour la

plupart entrées en vigueur dans les années 2000 basées essentiellement sur une évolution des

structures, mais aussi des politiques d'évaluation. Afin de traiter de l'évaluation pratiquée de nos

jours en Suisse romande et d'avoir une vue d'ensemble, nous prendrons plusieurs exemples, à

savoir les cantons de Berne, de Vaud et de Genève.

1.5.4.1. Le canton de Berne

Dans la zone francophone du canton de Berne, « L'ordonnance concernant l'évaluation et les

décisions d'orientation à l'école obligatoire » (ODED) a été promulguée en 2002 par le

département de l'instruction publique. Modifiée en 2004, l'ODED définit en quatre grands points

l'évaluation :

• « L'évaluation a une dimension formative : elle tient compte des progrès et des points

forts de l'élève et signale ses points faibles et les moyens de les corriger »

• « L'évaluation est fixée sur les objectifs d'apprentissage qui ont été fixés »

• « L'évaluation est transparente : elle est la suite logique des différentes appréciations

données tout au long de l'année scolaire »

55

• « L'évaluation est globale : parallèlement aux compétences de l'élève, elle apprécie son

attitude face au travail et à l'apprentissage et son comportement social. » (Direction de

l'instruction publique du Canton de Berne, ordonnance concernant l'évaluation et les

décisions d'orientation à l'école obligatoire, 2004, Art.3, p. 1).

Concrètement, cette ordonnance instaure un rapport d'évaluation destiné à la famille et à l'élève à

la fin de chaque année scolaire durant le cycle primaire et à la fin de chaque semestre pour ce qui

concerne l'enseignement secondaire du premier degré. Ce rapport d'évaluation rempli par

l'enseignant rend compte de l'attitude de l'élève vis-à-vis du travail demandé et de l'apprentissage,

ainsi que sur ses compétences dans les disciplines à l'étude. Dans chaque discipline, l'élève reçoit

une note globale ne devant être en aucun cas le résultat d'une moyenne arithmétique. Cette note

est la traduction chiffrée de l'évaluation des compétences de l'élève. L'évaluation doit bien

entendu rester fixée sur les objectifs d'apprentissages définis pour chaque discipline afin de

déterminer s'ils ont été atteints par l'élève. L'ODED recommande, par souci de précision, la

consultation des tests sommatifs et des productions réalisées par l'élève en classe, car ceux-ci

rendent compte généralement de la progression des résultats (Houchot et a l , 2007).

1.5.4.2. Le canton de Vaud

À l'image du canton de Berne, le canton de Vaud met lui aussi en place le dossier d'évaluation,

suite à la réforme entreprise entre 1997 et 2001 appelée « École vaudoise en mutation » (EVM).

Celle-ci modifie considérablement les structures du système éducatif et l'évaluation des élèves et

instaure un nouveau plan d'études. Dans les faits, les changements concernant l'évaluation des

élèves se sont traduits par la substitution d'un ensemble d'appréciations portant sur les différentes

attitudes de l'élève et sur son degré de maîtrise des objectifs d'apprentissage à la notation

traditionnelle chiffrée. Ces appréciations sont consignées dans un dossier d'évaluation qui est

transmis aux familles. L'examen de ce dernier en fin d'année scolaire décide du passage ou non

des élèves dans la classe supérieure (Houchot et a l , 2007).

H est toutefois à noter que dans le canton de Vaud la mise en place du dossier d'évaluation s'est

heurtée à une vague d'opposition qui a conduit le Grand Conseil à adopter en 2004 un texte

marquant un léger retour en arrière. Le dossier d'évaluation a été révisé puisque désormais un

56

retour à l'évaluation est autorisé, même si cela est dans certains cas très spécifique. La notation

traditionnelle chiffrée reste certainement aux yeux des parents la méthode d'évaluation la plus

claire et de ce fait peut-être la plus rassurante.

1.5.4.3. Le canton de Genève

L'évaluation pratiquée en éducation dans le canton de Genève est essentiellement de nature

formative et certificative.

Elle est formative dans la mesure où elle permet à l'élève, mais aussi à ses parents et à ses

enseignants d'identifier les acquis et les compétences atteintes ainsi que les points nécessitant un

travail plus approfondi (Département de l'instruction publique du Canton de Genève, 2007).

Elle est également certificative lorsqu'elle permet la validation des acquis et des compétences afin

de procéder à l'orientation des élèves. Dans la majorité des disciplines à l'étude, l'évaluation

certificative se traduit par une notation chiffrée allant de 1 à 6, la note minimale requise pour

réussir étant de 3,5 (Direction générale du cycle d'orientation du Canton de Genève, 2008). Un

bulletin comprenant les notes et les appréciations des professeurs est remis aux parents à titre

d'information à la fin de chacun des trois trimestres.

Pour ce qui est de l'évaluation commune, des épreuves sont administrées à l'ensemble des élèves

d'un même degré d'étude. Celles-ci complètent ainsi les appréciations fournies par la notation

chiffrée tout en permettant les comparaisons nécessaires à l'orientation des élèves. Les dates de

ces épreuves communes sont communiquées en début d'année aux parents et aux élèves. La

direction générale a sous sa responsabilité l'organisation de ce type d'évaluation et confie

l'élaboration des épreuves à des commissions d'enseignants.

Le système scolaire suisse, de par sa nature, est très complexe puisque chaque canton dispose de

sa propre autorité en matière d'éducation. Cependant, tous les types d'évaluation pratiqués en

Suisse ont tous la même origine, à savoir, d'une part, la pédagogie des Jésuites et, d'autre part, le

système éducatif des petites écoles du peuple basé sur des objectifs pédagogiques. Mais, seule la

pédagogie des Jésuites sera conservée et appliquée à l'ensemble des cantons suisses.

Le système d'évaluation traditionnel, comme le montre les exemples du canton de Vaud et de

Berne, reste très populaire encore de nos jours. En effet, la mise en place, dans ces deux cantons,

57

du dossier d'évaluation aux dépens du système traditionnel de notation a suscité de vives

réactions chez les parents, les enseignants, mais aussi chez une grande partie des citoyens. Cela

nous montre l'attachement profond de la population et des professionnels de l'éducation pour le

système d'évaluation traditionnel.

1.6. Les Etats-Unis

J *

1.6.1. Le rappel historique sur l'éducation aux Etats-Unis

Les États-Unis ont toujours été des précurseurs en matière d'éducation et de pédagogie. Es sont la

première nation à avoir créé un système éducatif public et gratuit offert à tous les citoyens.

Nombreuses furent les écoles à innover en mettant en application les préceptes de pédagogues

réputés tels que le Suisse Johann Pestalozzi (1746-1827), ou Johann Friedrich Herbart (1776-

1841), sans oublier le plus illustre à savoir Jean-Jacques Rousseau (1712-1778).

Bien que relativement courte comparée aux vieilles nations de ce monde, l'histoire de l'éducation

aux États-Unis est d'une telle richesse qu'il serait difficile d'en faire le résumé en quelques lignes.

Cependant, il est toutefois possible de discerner clairement quatre grandes étapes dans l'histoire

de l'école américaine (Montagutelli, 2000).

1.6.1.1. Les origines (1607-1830)

L'école américaine prend naissance pendant les premières années de la colonisation. Dans la

majeure partie des familles, l'enseignement des enfants se fait à la maison sous l'égide d'un parent

sachant lire et écrire. La fréquentation d'une école n'est pas une priorité. Les parents n'inscrivent

généralement leurs enfants dans une école qu'en tout dernier recours lorsque ceux-ci ne peuvent

assumer les enseignements rudimentaires. Ainsi, des écoles se créent dans la colonie. Des « Dame

schools », des « writing schools » et des « Latin grammars schools » sont mises en place dans un

premier temps en Nouvelle-Angleterre puis peu à peu à travers tout le pays. Ce système éducatif

est entièrement calqué sur le système anglais qui fait office de modèle de référence tant l'héritage

anglais est omniprésent dans la toute nouvelle nation.

58

Cette école naissante est très puritaine comme l'atteste l'importance de la lecture de la Bible et des

préceptes moraux de l'Église dans les objectifs pédagogiques. Mais les idées de la Révolution

relayées par les intellectuels et les réflexions profondes sur l'éducation qui en ont découlé vont

mener lentement vers la laïcisation des structures éducatives du pays.

1.6.1.2. L'école de la république (1830-1890)

Cette seconde grande étape marque la mise en place d'un vaste ensemble de structures

administratives. Ces structures, véritable ossature du système éducatif, permettent le bon

fonctionnement de « common schools » dans chaque état du pays. Les premiers réformateurs

(p. ex. Horace Mann et Henry Barnard) à avoir permis l'instauration d'un tel système ont introduit

deux préceptes fondamentaux qui ont marqué l'histoire de l'éducation dans le pays : l'universalité

de l'enseignement et le financement public des écoles. Désormais qu'importe ses origines sociales

tout enfant aura droit au même enseignement dans des écoles toutes gérées financièrement par

l'État. De plus, la création de ce système éducatif public voit aussi la création d'écoles normales

vouées à la formation d'un personnel enseignant de qualité.

Néanmoins, la mise en place d'un tel système s'effectue lentement et en décalage d'un état à

l'autre : le Nord-Est et principalement la Nouvelle Angleterre étant l'avant-garde tandis que le sud

plus conservateur accumulant le retard.

Ces soixante années sont une étape primordiale de l'histoire de l'éducation américaine puisqu'elles

jettent les bases de l'école publique. Dès lors, les écoles que sont les « common schools », à

l'inverse des écoles du passé, fonctionnent en systèmes unifiés.

1.6.1.3 L'école progressiste (1890-1957)

Cette période est caractérisée par de nombreux changements majeurs dans tous les secteurs

d'activité du pays. Ne dérogeant pas à la règle, l'éducation est elle aussi stimulée par la vague de

progrès touchant les États-Unis. Ce pan de l'histoire faisant la part belle aux idées progressistes

est l'une des plus périodes les plus fécondes pour l'école américaine. En effet, elle représente,

après l'instauration des « common schools », le second grand tournant de l'histoire de l'école

américaine.

59

La pédagogie progressiste trouve ses racines dans le développement de nombreux domaines

d'études allant de la psychologie à la pédagogie en passant par la philosophie sociale. La richesse

même de l'école progressiste vient de cette pluridisciplinarité et de l'adoption des thèses les plus

novatrices en matière de sciences sociales. La pédagogie progressiste se fonde sur la mise en

application des préceptes chers à Rousseau ou à Pestalozzi. Désormais, le progrès intellectuel de

l'enfant n'est plus la priorité absolue de l'éducation. L'enfant avec sa personnalité et ses besoins

propres est au centre de la réflexion progressiste. L'éducation est dorénavant considérée comme

une préparation à la vie et non plus comme une simple formation de l'intellect de l'enfant. Avec

l'école progressiste, l'éducation prend véritablement une toute autre dimension.

Cette vision nouvelle de l'éducation s'accompagne également d'une volonté affirmée de

démocratiser le savoir et la culture en favorisant sa diffusion. Pour ce faire, l'école doit dès lors

être accessible pour tous. Cela va conduire à de nombreuses réformes autant sur le plan

pédagogique qu'administratif. La mise à l'essai de nouvelles méthodes d'enseignement aussi

diverses que variées (« apprentissage actif », coopération et non plus concurrence entre les élèves,

limitation du rôle des manuels scolaires à celui de complément d'enseignement, etc.) est

accompagnée d'une refonte administrative du système éducatif américain. On assiste à la mise en

place d'une bureaucratie professionnelle. La gestion des questions scolaires est confiée à des

spécialistes universitaires qui n'auront de cesse de favoriser la scolarisation du plus grand nombre

sur des périodes toujours plus importantes (permettre l'accès au collège à une proportion toujours

plus grande d'adolescents). Une telle politique se traduit sur le plan matériel par un effort

financier conséquent de la part des districts scolaires et la diversification des programmes

scolaires. Ces spécialistes de l'éducation font tout leur possible afin d'unifier et de standardiser les

procédures administratives et les pratiques pédagogiques tout en favorisant la diversification des

programmes dans le but d'accueillir une population scolaire hétérogène (Montagutelli, 2000).

Cette période marque véritablement l'instauration d'un système éducatif propre aux États-Unis de

par ses caractéristiques, sa philosophie, sa vision du rôle de l'éducation et ses objectifs. L'école

américaine se dote ainsi durant celle-ci de structures résolument modernes.

60

1.6.1.4. L'époque moderne (1957 à aujourd'hui)

À partir du début des années 70, les citoyens américains, jusque-là satisfaits, manifestent une

perte de confiance envers leur système éducatif. Cette perte de confiance ne tarde pas à se muer

en véritable désamour. Effectivement, à travers de nombreux sondages (Institut Gallup

notamment), les citoyens américains n'hésitent plus à qualifier ce dernier, et ce, moins de 10 ans

plus tard, de médiocre et d'inefficace (Montagutelli, 2000). Pour beaucoup le système éducatif

américain n'est plus à la hauteur et doit de ce fait être réformé afin de retrouver un semblant

d'efficacité.

Dans les faits, la mise en œuvre de réformes est loin d'être aisée. Depuis le début du XXe siècle,

parallèlement aux responsables scolaires traditionnels tels que les administrateurs, les

universitaires ou les responsables politiques locaux, se développe l'influence des fondations

privées, des responsables d'industries, des syndicats enseignants et des « special-interest groups »

(groupes d'intérêts). L'apparition et la montée en puissance de ces nouveaux interlocuteurs dans le

monde de l'éducation compliquent considérablement les prises de décisions et représentent un

véritable frein à l'instauration de normes nationales auxquelles devraient se soumettre tous les

établissements et le personnel enseignant. B est aisément compréhensible que la concertation

entre une telle multitude d'intervenants venant d'horizons si différents et ayant chacun leurs

intérêts ne puisse aboutir sur un consensus utile et efficace. Toutefois, certaines réformes ont tout

de même vu le jour, mais elles n'étaient basées essentiellement que « sur le concept du « plus » à

savoir plus d'argent, plus de matériel, plus d'heures d'enseignement de base et d'enseignements

nouveaux, plus d'information et de coordination. » (Montagutelli, 2000, p. 214).

Outre ces problèmes d'ordre décisionnel et structurel, l'école américaine doit également faire face

aux problèmes endémiques propres à la société américaine actuelle à savoir les inégalités d'ordre

socio-économique et culturel, ainsi que socio-démographique. Face au cloisonnement progressif

de la société, aux disparités toujours plus grandes entre les banlieues et les centres-villes, à la

formation de véritable ghetto culturel dans les villes, les administrations disposent de moyens très

inégaux selon les districts. Cet état de fait nécessite la contribution financière toujours plus

importante de l'état fédéral dans les affaires éducatives. Ces problèmes affectent différemment les

61

régions du pays étant donné qu'ils sont en relation directe avec le niveau socio-économique et

culturel de la population. Cependant, ces inégalités apparaissent elles aussi comme un frein à

l'établissement d'une certaine uniformisation du système puisqu'elles provoquent une importante

disparité de moyens et donc de résultats entre les établissements scolaires américains.

En ce début de XXIe siècle, l'école américaine est confrontée à de nombreuses difficultés

nécessitant certainement des réformes que ce soit sur le fond ou sur la forme de sa structure.

Actuellement, l'éducation telle qu'elle est appliquée aux États-Unis est pluraliste que ce soit dans

les méthodes d'enseignement et d'évaluation, dans les matières enseignées ou dans les

programmes proposés. L'ensemble des pouvoirs organisationnels est effectivement détenu par les

15 025 districts scolaires, que quelques-uns partagent avec les États. Ces mêmes districts

délèguent en grande partie les responsabilités en matière d'administration et de gestion des

affaires scolaires aux établissements. Dans un tel cadre, le « Department of Education » ne joue

tout au plus qu'un rôle de coordinateur.

1.6.2. L'histoire du testing aux États-Unis

L'éducation en place aux États-Unis est, comme nous venons de le voir, pluraliste et hautement

décentralisée. Il est donc impensable de vouloir traiter de l'évaluation en tant que telle à l'échelle

du pays tant les pratiques et les différentes variantes sont nombreuses. De ce fait, nous nous

consacrerons à l'étude de l'évolution du testing en éducation aux États-Unis des origines à nos

jours.

À l'image de la décentralisation extrême des décisions éducatives, le recours au testing est une

des caractéristiques majeures du système éducatif américain.

1.6.2.1. Les origines

L'utilisation des tests et des analyses quantitatives en éducation prend sa source au début du XXe

siècle. Les spécialistes américains sont persuadés de pouvoir tout mesurer et tout analyser avec

une grande précision. Les premiers tests à avoir vu le jour sont administrés aux élèves étrangers

afin de mesurer leur niveau d'intelligence. Les psychologues américains, lors de la création de ces

62

derniers, se fondent sur les travaux d'Alfred Binet (1857-1911) et de Théodore Simon (1872-

1961) sur l'échelle métrique de l'intelligence entrepris dès 1905, et par la suite traduits en anglais

par le psychologue Henry H. Goddard (1866-1957). Ces deux psychologues français sont à

l'origine de la création du premier test d'intelligence.

Lewis Madison Terman (1877-1956), professeur de psychologie à l'Université Stanford, met sur

pied et administre les premiers « tests mentaux » ayant pour but de mesurer l'intelligence des

élèves américains. Ces tests reprennent les travaux de Binet et Simon tout en y associant le

concept de quotient intellectuel (Q.I.), à savoir le rapport entre l'âge mental et l'âge réel, élaboré

en 1912 par le psychologue allemand Wilhem Stern (1871-1938). Quelques années plus tard, en

1917 plus exactement, Goddard administre un test de Q.I. à trente immigrés afin de déterminer

leur niveau d'intelligence.

Ces tests, suscitant un réel enthousiasme, seront désormais administrés, non plus seulement aux

immigrés, mais également aux élèves américains.

1.6.2.2. Les premières mises en application en éducation

Les administrateurs et les enseignants, après quelques réticences, commencent à voir en ces tests

des outils permettant l'amélioration de leurs pratiques pédagogiques, des conditions de travail et

de la gestion scolaire dans son ensemble. Les résultats de ces tests entraînent même parfois

l'instauration de réformes. Pour preuve, entre 1905 et 1910, à l'examen des résultats de quelques

tests, 28 États mettent en place des commissions spécialisées qui auront pour mission l'étude des

problèmes liés à l'éducation et à l'enseignement (Montagutelli, 2000).

Cet engouement pour le testing pousse les spécialistes à élargir le champ de recherche à tous les

métiers des institutions scolaires américaines. Ainsi, ils cherchent à établir des normes afin de

permettre une amélioration des performances. Dans cette suite d'idées, des enquêtes comparatives

entre villes et États sont lancées à l'échelle nationale. Les résultats de ces enquêtes sont sensés,

grâce à la comparaison avec d'autres établissements, permettre l'amélioration des méthodes de

travail enseignantes tout en permettant aux responsables scolaires de voir les points positifs et

négatifs de leur exercice. De nombreuses fondations, comme Rockfeller, Sage ou Carnegie,

possèdent leur propre département de recherches et procèdent à leurs propres enquêtes

comparatives sur l'éducation, et ce, dès les années 1910. En 1912, la fondation Sage publie les

63

résultats d'une enquête comparative portant sur l'efficacité des systèmes éducatifs des 48 États du

pays. Deux ans plus tard, la Fondation Carnegie réalise la première étude de cas en se penchant

sur le système éducatif du Vermont. À l'issue de cette étude de cas, cette fondation propose

quelques réformes pouvant permettre l'amélioration des conditions d'enseignement et de

l'efficacité de ce dernier. La « National Education Association » (N.E.A.) procède elle aussi à de

telles enquêtes et publie des bulletins présentant les résultats de leurs recherches. H en va de

même pour le Bureau national de l'Éducation qui réalise ses propres enquêtes et publie ses

résultats, ses conclusions et ses rapports statistiques (Montagutelli, 2000). Le développement de

ces enquêtes peut décemment être considéré comme les débuts de l'évaluation institutionnelle

dans le monde de l'éducation. Les tests psychométriques ne tiendront le haut du pavé qu'à partir

de la Seconde Guerre mondiale :

«A la veille de l'entrée en guerre des États-Unis, l'Association

américaine de psychologie se met au service de l'armée et conçoit les

premières batteries de tests pouvant être administrées à tout un

groupe de population. Des centaines de milliers de soldats sont ainsi

testés. » (Montagutelli, 2000, p. 181).

Ce n'est véritablement qu'après la Seconde Guerre mondiale que les administrations scolaires

prennent la décision d'administrer ce genre de batterie de tests à l'ensemble de la population

scolaire. Dorénavant les scores obtenus à de tels tests « sont de toutes premières importances

pour déterminer de la réussite scolaire de chaque élève. » (Montagutelli, 2000, p. 181).

1.6.2.3. Le développement du testing

En 1947, est instauré à l'échelle nationale le « Standard Aptitude Test » (SAT). Cet examen

d'entrée aux universités, se substituant au « College Entrance Examination » en place depuis

1901, contrôle les connaissances en mathématiques et les capacités d'expression des étudiants.

Cet examen, présenté sous la forme d'un questionnaire à choix multiples, est élaboré et administré

par 1' « Educational Testing Services » (ETS). Chaque année, le SAT permet d'évaluer très

rapidement, du fait de sa correction par ordinateur, plus d'un million d'élèves (Montagutelli,

64

2000). Mais ce dernier est remis en question de nos jours par beaucoup d'éducateurs. En effet, le

SAT compare les élèves entre eux alors qu'il devrait plutôt évaluer les élèves selon des normes

éducatives établies. Il apparaît donc comme étant inadapté à la mesure du niveau individuel des

élèves. Dans le même ordre d'idées, le SAT ne porte que sur un programme d'études précis, le

programme de dernière année généralement, ne représentant finalement que peu d'intérêt pour les

élèves. Les résultats sont ainsi quelque peu biaises par le manque de motivation des élèves à son

encontre.

En 1980, l'« American College Testing Program » crée un nouveau test visant à inciter les élèves

du secondaire désirant faire des études supérieures à corriger leurs défauts et améliorer leur

niveau général. L'« American College Test » est administré chaque année depuis 1980 et évalue

les connaissances concernant l'anglais, les sciences naturelles, les mathématiques et les sciences

sociales.

Cependant, les tests que nous venons d'évoquer représentent une grosse source de revenus pour

les deux sociétés à savoir l'ETS et l'« American College Testing Program » qui les administrent,

bien qu'elles soient toutes les deux à but non lucratif. Ces dernières sont accusées par beaucoup

de se contenter de reproduire chaque année le même test et d'éviter toute prise de risque dans la

conception de l'examen (Spring,. 1998).

Suite à ces critiques, le SAT est modifié en 1991. De son aspect traditionnel sous forme de série

de tests, il devient un examen à proprement parler visant à identifier les meilleurs élèves avant

leur entrée à l'université. Cette nouvelle version du SAT est administrée dès 1994.

Toujours en 1991, le président Bush fait une sortie médiatique lors de la conférence « America

2000 » où il prend position en faveur de l'instauration rapide d'examens nationaux (United States

Department of Education, 1991). Dès lors, plusieurs groupes de travail entreprennent le

développement d'un examen appelé « American Achievment Tests » portant à la fois sur les

mathématiques, l'anglais, les sciences, l'histoire et la géographie. Toutefois, le projet reste

toujours lettre morte aujourd'hui.

L'histoire de l'éducation aux États-Unis est riche de par la grande variété des méthodes éducatives

appliquées dans les différents établissements scolaires du pays et la parcellisation extrême de son

65

système éducatif. Les pratiques pédagogiques et évaluatives d'une telle diversité font des États-

Unis un sujet d'étude d'une grande richesse en matière d'éducation qu'il est malheureusement très

difficile de traiter à l'échelle nationale tant le manque d'uniformité est important. Toutefois, le

testing, même si comme nous l'avons mentionné précédemment les tests sont très critiqués, reste

certainement le seul facteur d'uniformisation dans le système scolaire américain pourtant si

éclaté. Le recours au testing permet aux autorités éducatives américaines de se faire une idée du

niveau d'apprentissage atteint par les élèves du pays. Depuis les années 70, le niveau des élèves

devient une véritable préoccupation pour les responsables de l'éducation américaine. En effet, les

carences et les faiblesses du système scolaire mises en lumière par les enquêtes internationales

montrent les limites d'une organisation scolaire si éclatée. La grande force du système scolaire

américain est sans aucun doute la grande variété des pratiques pédagogiques et évaluatives qui se

veulent souvent novatrices et originales appliquées dans des établissements scolaires ayant une

grande marge de manœuvre. Cependant, celle-ci se révèle paradoxalement être aussi leur défaut

majeur tant le manque d'uniformisation du système se fait ressentir à la vue des différences de

niveaux parfois flagrantes entre étudiants d'un même Etat, voire d'un même district scolaire.

Dans cette première partie, nous avons étudié la doctrine pédagogique prônée par les Jésuites.

L'émulation et le classement des classes selon leurs performances scolaires sont à la base, comme

nous avons pu le constater dans cette première partie, des systèmes éducatifs français, suisse et

belge. Les Jésuites sont considérés, et non sans raisons, comme les fondateurs de l'évaluation en

éducation.

Par la suite, nous avons abordé tour à tour l'histoire de l'évaluation des apprentissages dans

plusieurs pays références en matière d'éducation, à savoir la province canadienne du Québec, la

France, la Belgique, la Suisse et les États-Unis. Il nous a été ainsi possible de dresser un tableau

de ce que fut l'histoire de l'évaluation des apprentissages avant d'aborder spécifiquement

l'approche par compétences dans notre deuxième partie.

Chapitre 2 L'approche par compétences

67

Le développement du Taylorisme et du comportementalisme a guidé les systèmes éducatifs vers

la pédagogie par objectifs. Ce dernier est le modèle pédagogique qui a fait l'unanimité depuis

maintenant près d'une cinquantaine d'années. Mais, ce modèle est depuis quelques années remis

en question. L'avènement de l'approche par compétences en éducation est à l'origine de cet

apparent déclin. La pédagogie par compétences est apparue aux États-Unis dans les années 60

dans le cadre d'activités reliées à la formation professionnelle mais aussi dans la marine

américaine qui met en place une formation basée sur l'assimilation de certaines compétences.

Depuis lors, l'approche par compétences n'a cessé, malgré une perte d'intérêt relative à partir des

années 80, de se poser comme une alternative hautement plus efficace que la pédagogie par

objectifs étant donné les nouvelles demandes sociales liées aux nouvelles contraintes du monde

de l'entreprise.

Certains pays comme le Canada, notamment dans la province de Québec ou la Belgique ont

procédé à des réformes visant à mettre en place des systèmes éducatifs basés sur le

développement de compétences aux dépens de la pédagogie par objectifs.

Mais l'approche par compétences en éducation divise les spécialistes. Cette dernière porte encore

à confusion en ce qui concerne la définition même du concept de compétence.

Dans l'édition 1992 du Petit Robert, le terme de compétence est défini en ces termes :

• Aptitude reconnue légalement à une autorité publique de faire tel ou tel acte dans des

conditions déterminées.

• Connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en

certaines matières.

Ces deux définitions possibles ne sont en aucun cas textuellement transposables telle quelle en

éducation. De nombreuses dissensions entre spécialistes en éducation viennent de la mise en

place d'une définition concrète et précise du concept de compétence en éducation.

Dans cette partie, nous essaierons donc de retracer les origines du concept de compétence, de voir

ses définitions adaptées à l'éducation puis nous verrons tour à tour les exemples du College

Alverno, de la Réforme québécoise et du système éducatif Belge. Nous avons choisi ces

68

exemples car ils ont tous les trois mis en place concrètement l'approche par compétences dans

leur système éducatif.

2.1. Les origines du concept de compétence

Dans cette partie, nous essaierons de retracer l'évolution du concept de compétence depuis ses

origines jusqu'à son adaptation au domaine de l'éducation. Nous allons donc tour à tour nous

pencher succinctement sur les définitions du concept de compétence propre aux linguistes, aux

psychologues et aux professionnels des sciences du travail.

2.1.1. La conception des linguistes

Depuis le début du XXe siècle, les linguistes opposent les concepts de compétence et de

performance. Le Ny (1991) définit la compétence comme étant «l'ensemble des savoirs

linguistiques d'un locuteur. La compétence permet de comprendre et de produire un nombre

infini de phrases. » (p. 152).

La compétence est un savoir implicite intégrant un nombre de règles permettant à un individu

d'émettre un nombre incalculable de productions langagières. Celle-ci est propre à chacun et reste

virtuelle tant qu'elle n'a pas été utilisée en situation concrète. Mais en situation d'utilisation

concrète de la langue et donc de communication, les linguistes parlent alors de performance. Bien

qu'étant opposées aux yeux des linguistes, la performance ne va pas sans la compétence

linguistique. En effet, la performance dépend directement du niveau de compétence linguistique

de chacun. Ces deux concepts sont donc intimement liés l'un à l'autre.

Cependant, un autre point les différencie. Quand la compétence est d'ordre individuel, la

performance est quant à elle une entité sociale puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de l'utilisation

de la langue en situation de communication avec autrui. La compétence garde un caractère virtuel

puisqu'elle ne peut être perçue que par le biais de la parole en situation de communication. En

d'autres termes, la performance linguistique active une compétence, ou inversement cette dernière

active la communication orale.

69

Afin de mieux illustrer cette ambivalence entre ces deux concepts, nous pouvons présenter le

tableau de Jonnaert (2002):

Tableau 1. Différences entre compétence et performance linguistique

La compétence linguistique La performance linguistique

• fait référence à la parole;

• a un caractère inné;

• est de l'ordre du virtuel;

• est du domaine de l'individuel;

• fait référence à la langue;

• est inscrite dans des situations de

communication;

• est de l'ordre de l'effectif;

• est du domaine du social;

Une compétence linguistique est un potentiel

individuel non encore activé.

Une performance est l'actualisation, en

situation de communication, de la compétence

linguistique.

2.1.2. La conception des psychologues du développement cognitif

Les psychologues acceptent et reprennent dans leurs travaux la distinction faite par les linguistes

entre le concept de compétence et celui de performance. Néanmoins, Houdé, Kayser, Koening,

Proust et Rastier (1998) soulignent les décalages pouvant survenir entre une compétence évaluée

et la performance d'un sujet notamment lors d'une situation de résolution de problème.

Selon les protocoles d'observation suivis par les psychologues, une compétence est toujours

virtuelle puisqu'il s'agit tout simplement d'énoncés de standards normalisés. Les psychologues les

utilisent dans leurs protocoles d'observation afin d'évaluer la performance des sujets à l'étude.

Jonnaert (2002) cite un exemple pertinent à ce sujet:

« [...] lorsque Nguyen-Xuan et Richard (1986) observent les stratégies

utilisées par 96 enfants de 4 à 7 ans pour résoudre des problèmes de

70

classification, ils modélisent d'abord différents systèmes de traitement.

Ils se servent ensuite de ces modèles dans leurs protocoles

d'observation. Cette modélisation leur permet de décrire, a priori, les

démarches de ces enfants confrontés aux problèmes de classification.

Ils posent ensuite l'hypothèse que la performance de ces enfants

permettra d'actualiser ces modèles définis a priori. Il n'y a cependant

pas de correspondance automatique entre cette modélisation et la

performance observée réellement chez ces enfants. Cette modélisation

est toujours virtuelle alors que la performance observée est effective et

correspond à la stratégie utilisée en situation par un enfant. D'un

enfant à l'autre, ces chercheurs mettent en évidence des décalages

importants par rapport au modèle défini par la compétence. Ils

observent des décalages intra-individuel (décalages observés chez un

même sujet réalisant une tâche identique à des moments différents) et

des décalages interindividuels (décalages observés entre plusieurs

sujets d'une même tranche d'âge, et jugés potentiellement équivalents,

réalisant simultanément une tâche identique). » (p. 11)

Seule la mise en situation permet de révéler l'existence de ces décalages. La situation n'est en un

sens rien d'autre que l'activation d'une compétence à travers une performance. Elle permet de

distinguer clairement ce qui est théoriquement attendu par le chercheur, à savoir la compétence,

de ce qui est réalisé en situation réelle par le sujet, ou en d'autres termes la performance. Ces

décalages entre compétence et performance deviennent la règle même du développement et du

fonctionnement cognitif (Houdé et al., 1998). Ces derniers sont tout autant attendus par les

chercheurs que les prédictions mises en place lors de l'élaboration des protocoles d'observation.

2.1.3. La conception des professionnels des sciences du travail

Le concept de compétence dans les sciences du travail n'existe véritablement que depuis une

vingtaine d'années. Les spécialistes en la matière ont d'abord parlé de qualification avant

d'adopter le concept de compétence. L'ouvrage incontournable de Tanguy (1986), intitulé

71

« L'introuvable relation formation-emploi », utilise encore le terme de qualification, ce qui nous

montre clairement que l'adoption du concept de compétence par les spécialistes des sciences du

travail est donc relativement récente.

Jonnaert (2002) nous explique de la façon qui suit l'évolution du concept de qualification vers

celui de compétence:

« Elle marque le passage d'une vision instrumentaliste, celle de la

qualification, à une vision plus relativiste, celle de la compétence. La

vision instrumentaliste de la qualification (avec des définitions a priori

des « qualités » à observer chez un individu pour qu'il soit

officiellement qualifié pour une tâche donnée) et la vision relativiste de

la compétence (avec des définitions se référant autant à l'action qu'à la

situation avec ses contingences qui rendent aléatoire toute définition

aprioriste) marquent les deux pôles d'un courant de réflexion qui a

cheminé de la notion de qualification vers celle de compétence. »

(p. 13)

2.1.3.1. Le concept de qualification

Le terme de qualification n'est à l'origine que les qualités que les apprenants doivent posséder afin

d'exécuter un travail donné. Ces qualités sont la représentation de savoir et de savoir-faire

nécessaire que le sujet doit acquérir pendant un apprentissage que ce soit à l'école, à l'université

ou en formation professionnelle. Mais bien souvent ces savoirs et savoir-faire sont acquis dans

des formations qui sont loin de la réalité du travail. En effet, la qualification est en définitive une

somme de qualités, ou en d'autres termes des savoirs et des savoir-faire, qu'il faut détenir pour

pouvoir être qualifié afin d'exécuter un travail. Cette approche par qualification est donc en

grande partie non contextualisée puisqu'elle ne se base que sur les qualités développées en

formation sans, à aucun moment, prendre en compte les réalités du terrain.

72

2.1.3.2. Le concept de compétence

Les compétences sont loin de la définition de qualification car elles sont le lien entre la tâche

accomplie par un sujet et le potentiel opérationnel détenu par ce dernier. De ce fait, les

compétences régulent les relations qui se mettent en place entre les connaissances propre au sujet

qui fait une action et le contexte dans lequel se déroule cette dernière. Grâce à ses compétences, le

sujet doit pouvoir interpréter le contexte de la situation, adopter l'attitude appropriée et contrôler

ses actions dans le cadre de celui-ci.

Donc contrairement à la qualification, les compétences permettent à l'individu d'exécuter une

tâche dans un contexte bien précis. Étant donné que ces tâches sont contextualisées dans des

situations pouvant être diverses à de nombreux égards, les compétences permettent finalement

l'adaptation au contexte et la bonne réalisation de la tâche lors d'une mise en situation.

En résumé, « aujourd'hui, par la compétence, l'approche est contextualisée, relative et ancrée à

la fois dans l'action et les potentialités du sujet. » (Jonnaert, 2002, p. 15).

2.2. L'approche par compétences adaptée à l'éducation

Nous avons vu précédemment les décalages existants entre le concept de compétences et celui de

performance qui ont été démontrés par les psychologues. Ces décalages représentent le quotidien

des enseignants. Tous les jours dans leur classe, ils sont confrontés aux décalages entre la

compétence attendue et la performance des élèves. Contrairement aux psychologues et aux

professionnels de recherche pour qui ces décalages sont une véritable motivation dans la

poursuite de leurs études, les enseignants doivent quand à eux essayer de les dépasser. En effet,

ils doivent garantir, par les certifications, la maîtrise des compétences auxquelles les étudiants

sont censés être formé. Cette mission d'enseignement leur est confiée par la société afin de

combler les différents besoins du monde du travail. Les futurs travailleurs doivent maîtriser

parfaitement les compétences que la société est en droit de s'attendre d'eux dans la pratique de

leurs professions.

Par exemple, « [...] la société attend qu'un électricien diplômé se soit construit suffisamment de

compétences pour réaliser, sans problème, l'installation électrique d'une nouvelle construction.

73

De même, un médecin diplômé (donc certifié compétent) bénéficie de la confiance du patient qu'il

opère d'une appendicite. Personne ne comprendrait l'échec de ces professionnels sous prétexte

qu'étant en développement ils ne maîtrisent pas nécessairement toutes les compétences attendues

d'eux... ! » (Jonnaert, 2002, p. 19).

Là où les psychologues jugent ces décalages constitutifs du développement, les enseignants de

leur côté considérant ces décalages comme étant anormaux cherchent à tout prix à les éliminer

lors de la certification des étudiants. Ces deux approches sont donc opposées et ainsi aucune

adaptation ne peut être logiquement envisageable.

De plus, en éducation, les compétences se développent en situation. Lors d'une mise en situation

il est extrêmement ardu de différencier ce qui relève de la compétence de ce qui relève de la

performance. Les deux notions sont intimement liées. La compétence est déterminée par la

situation dans laquelle se trouve l'étudiant. Les enseignants parlent de telle ou telle compétence

selon la situation que les étudiants seront dans l'obligation de traiter tandis que les psychologues

sont en mesure de mettre en place des protocoles d'observation, considérés par eux comme des

compétences, qui soient en décalage par rapport à la situation imposée au sujet. A l'instar de celle

des psychologues, l'approche des linguistes considère la compétence linguistique comme éteint

innée et la performance comme son actualisation.

La situation que l'étudiant devra traiter implique donc obligatoirement la fusion de la compétence

et de la performance dans un concept unique propre à l'éducation. Comme nous venons de le voir,

l'approche innéiste du concept de compétence créée par les linguistes et celle des psychologues

basées sur les décalages entre compétence et performance ne peuvent être reprises dans le

contexte éducatif. De ce fait, la création d'une définition de la notion de compétences propre à

l'éducation devient une nécessité incontournable.

Dans cette partie, nous étudierons donc plusieurs définitions du concept de compétence en

éducation qui sont à notre disposition afin de pouvoir mettre en lumière les différences et les

points communs existants. Suite à cela, nous retiendrons une définition appropriée à l'approche

par compétences.

74

2.2.1. Les définitions existantes

Le concept de compétence en éducation n'a malheureusement pas une définition universelle qui

pourrait servir de référence pour la mise en place d'un système éducatif basé sur l'approche par

compétences. D existe bel et bien de nombreuses définitions dont quelques unes sont présentes

dans le tableau de synthèse ci-dessous réalisé par Jonnaert (2002, p. 31) :

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76

2.2.2. Les caractéristiques propres au concept de compétence

Après avoir mis en lumière, par l'entremise de ce tableau, les points communs et les différences

entre toutes ces définitions, Jonnaert (2002) fait une synthèse de laquelle se dégagent cinq

caractéristiques incontournables pour aborder les compétences en éducation :

1. Une compétence n'est rien d'autre qu'une « mise en œuvre » par un élève, une personne ou

un groupe de personnes, de savoirs, de savoir-être, de savoir-faire dans une situation

donnée. La compétence est ainsi toujours contextualisée et de ce fait soumise à la

représentation que la personne se fait de la situation qui lui est imposée.

2. La mise en œuvre sous-entend une mobilisation de ressources pertinentes vis-à-vis de la

situation imposée. Ces ressources peuvent être cognitives (les connaissances), d'ordre

social (projet personnel lié à la situation), d'ordre contextuel (utilisation d'ordinateurs

présents dans l'établissement scolaire, de dictionnaires ou tout simplement le recours à

l'aide des parents). L'utilisation de ces ressources est fonction de la situation et ainsi ces

dernières peuvent être bien différentes d'une situation à une autre.

3. Qui dit mobilisation de ressources, dit aussi sélection et coordination de celles-ci. En effet,

la personne doit sélectionner les ressources les plus efficaces possibles et les coordonner

entre elles. Il ne suffit pas d'accumuler les ressources adéquates, il faut avant tout mettre

en place une « mise en réseau opératoire » des ressources sélectionnées.

4. Les ressources doivent permettre à la personne de « traiter avec succès les tâches » que

requiert la situation proposée ou imposée. Par la suite, la personne devra articuler les

résultats des traitements qu'a requis la situation problème.

5. Pour finir, « une compétence suppose que l'ensemble de ces résultats ait non seulement

permis le traitement de la situation avec succès mais aussi que ces résultats soient

socialement acceptables ; cette double caractérisation du résultat (succès versus

77

acceptation sociale), nécessite d'intégrer une dimension éthique à l'évaluation des

résultats. » (Clerc, Minder, Roduit, 2006, p. 2).

Selon Jonnaert (2002), toute compétence doit posséder ces cinq caractéristiques. Ces dernières

sont en effet la base de toute compétence pouvant être évaluée en éducation.

2.2.3. Les définitions retenues par les organismes internationaux

Jonnaert (2002) n'est pas le seul à avoir étudié et synthétisé les différentes définitions existantes

de compétence en éducation. Les organismes internationaux se sont également penchés sur la

question. En effet, après l'analyse de nombreuses définitions de la notion de compétence, Weinert

(2001) propose la définition suivante qui sera retenu par l'O.C.D.E :

« La compétence est en général interprétée comme un système

spécialisé d'aptitudes, de maîtrises ou de savoir-faire nécessaires ou

suffisants pour atteindre un objectif spécifique. » (p. 45).

De même, le Conseil de l'Europe, sous l'impulsion de Coolahan (1996), considère la ou les

compétences comme « l'aptitude générale basée sur les connaissances, l'expérience, les valeurs,

les dispositions qu'une personne a développées par sa pratique de l'éducation » (p. 26).

Définir la notion de compétence en éducation est loin d'être aisé au vue du nombre de définitions

et d'interprétations différentes existantes. Cependant, grâce au travail de Jonnaert sur le sujet et

aux deux définitions officielles proposées par l'OCDE et le Conseil de l'Europe, nous avons

essayé, à défaut de soumettre une définition universelle, de permettre au lecteur de se faire une

idée de ce qu'est véritablement une compétence en éducation.

2.3. Le collège Alverno

Le collège Alverno est une université de formation générale pour filles située à Milwaukee dans

le Wisconsin, accueillant 2 500 étudiantes dont environ une bonne moitié suivent des cours durant

78

la fin de semaine. Cette institution propose pas moins de 51 programmes d'études dont les plus

fréquentés sont le commerce et la gestion, la communication, les soins infirmiers, l'éducation et la

psychologie.

2.3.1. Les capacités et le « ability-based program »

Le collège Alverno est considéré à juste titre comme un des établissements pionniers dans la mise

en place de programmes d'études basés sur le développement de compétences. En effet, en 1973,

il lance leur « ability-based program » qui n'est autre qu'un programme basé sur les capacités.

L'étudiante désirant obtenir son diplôme doit être en mesure de démontrer la maîtrise de huit

capacités intégrées aux matières propres à son champ disciplinaire. Voici quelles sont ces

capacités : communication, analyse, résolution de problèmes, jugement, interaction sociale, sens

de la perspective, sens civique et sens artistique. Chacune de ces capacités est divisée en six

niveaux bien distincts afin de former un cadre éducatif cohérent. Chacun de ces niveaux est bien

entendu en relation directe avec la matière enseignée. L'étudiante doit donc tout au long de son

cursus universitaire démontrer la maîtrise et l'assimilation par palier progressif de ces huit

capacités. Afin d'imager un peu cela, nous pouvons prendre comme exemple les six niveaux de la

capacité d'analyse qui sont les suivants :

• observer

• faire des inferences

• établir des liens

• intégrer

• utiliser des cadres variés

• utiliser des cadres variés de manière autonome

Pour ce qui est de l'interaction sociale, les six niveaux sont :

• faire de « l'auto- évaluation »

• analyser les interactions d'autrui

• évaluer les interactions d'autrui

79

• interagir efficacement

• interagir efficacement en situation interculturelle

• favoriser des interactions efficaces en situation de travail

Bien entendu, nous venons juste de donner les termes génériques de ces six niveaux de capacités.

Ces dernières sont renommées et repensées en fonction de la discipline enseignée afin qu'elles

soient le plus proche possible de la réalité opérationnelle de celle-ci. Pour illustrer ceci, nous

pouvons reprendre les exemples fournis par Loacker (1995), professeure au Collège Alverno :

« Par exemple, pour le second niveau de l'analyse, qui consiste à faire

des inferences, les élèves peuvent apprendre, durant un cour

d'anglais, à déduire les motivations des personnages de tel roman par

l'observation attentives de leurs actions ; à l'occasion d'un stage en

psychologie dans une clinique locale, elles s'entraîneront à déduire

les besoins des patients durant les séances de thérapies de groupe... »

(p. 16)

Les étudiantes peuvent être déroutées devant une telle approche. Ces différentes capacités et la

façon de les utiliser en contexte peuvent leur paraître abstraites. C'est pourquoi le corps

enseignant du collège Alverno définissent à l'avance les résultats attendus dans chaque domaine

disciplinaire. Nous pouvons, afin d'illustrer cela, cité l'exemple proposé par Loaker (1995) :

« Par exemple, l'un des résultats attendus de l'élève qui se spécialise

en chimie consiste à : Appliquer les méthodes propres au domaine de

la chimie pour définir et résoudre des problèmes individuellement et

en collaboration. De l'élève en soins infirmiers, on s'attend à ce

qu'elle puisse : Utiliser les techniques de soins infirmiers à l'intérieur

d'un cadre analytique pour répondre aux besoins en santé des

individus, des familles et des groupes » (p. 16).

80

Pour obtenir leur diplôme, les étudiantes du collège Alverno doivent donc démontrer la maîtrise

de trente-deux capacités générales (les quatre premiers niveaux de chacune des huit habiletés) et

huit capacités de niveaux avancés, à savoir les niveaux 5 et 6, lesquelles sont adaptées au champ

disciplinaire choisi. Ces trente-deux capacités générales sont réparties dans les deux premières

années du cursus tandis que les capacités avancées sont développées et évaluées lors des deux

dernières années.

H est intéressant de noter que le collège Alverno n'utilise pas le terme compétence mais celui de

capacité (ability). Depuis la mise en place en 1973 de 1'« ability-based program», plusieurs

termes ont été utilisés, selon l'approche adoptée, pour définir les capacités enseignées au collège

Alverno. Elles se sont appelées tour à tour, « résultats » quand il s'agissait d'un aboutissement

souhaité, « buts » lorsqu'il était question d'objectifs devant guider le développement, puis

« compétences » (competences) quand le souhait principal était de promouvoir comme qualités

propres à chacun et utilisable en diverses situations réelles. Mais c'est finalement le terme

capacité qui a été retenu pour illustrer au mieux l'enseignement dispensé au collège Alverno. Par

capacité, les éducateurs du collège entendent insister sur la nature développementale du concept

et ainsi souligner les différences avec celui de compétences qui, bien souvent, est lié dans l'esprit

des gens à des tâches bien précises effectuées dans des contextes spécifiques.

La notion de capacité propre au collège Alverno comporte trois qualificatifs distincts qui en

définissent la nature : multidimensionnelle, développementale et transférable. On entend par

multidimensionnelle le fait qu'une capacité intègre des savoirs, des compétences, des attitudes,

des comportements, des perceptions de soi et des valeurs. Par exemple, pour rédiger correctement

un texte, il faut pouvoir exprimer par écrit ses idées en suivant un raisonnement logique tout

respectant les conventions linguistiques. Mais cela ne suffit, il est aussi nécessaire de « savoir de

quoi on parle, de considérer la communication (ou le destinataire, ou le sujet) comme une valeur

assez importante pour motiver un travail consciencieux, adopter de bonnes attitudes et se

percevoir comme capable d'écrire. » (Loacker, 1995, p. 16).

Pour ce qui est du caractère développemental d'une capacité, il est fait allusion ici à la démarche

de l'étudiant qui va devoir partir de ses connaissances et de ce qu'il sait faire à la base pour

81

améliorer tout au long de son cheminement universitaire ses capacités par l'apprentissage de

nouveaux savoirs, et ce, jusqu'à atteindre un niveau de maîtrise supérieur. Ce dernier sera lui

aussi un nouveau point de départ vers une maîtrise encore plus pointue de la capacité en question.

Ceci explique la décomposition de chaque capacité en six niveaux de maîtrise.

Enfin, le caractère transférable représente la possibilité pour une étudiante d'utiliser la capacité

donnée dans une multitude de contextes. L'étudiante doit pouvoir exercer les capacités

développées durant son parcours universitaire dans de multiples situations pouvant survenir dans

la vie professionnelle ou privée.

2.3.2. Principes fondamentaux

Dans le but de ne pas perdre de vue les objectifs pédagogiques propres au collège Alverno, trois

grands principes doivent être respectés:

• « L'éducation ne se limite pas au savoir; elle vise l'application pratique du savoir

• Les éducateurs et les éducatrices ont la responsabilité de rendre l'apprentissage plus

accessible en formulant clairement et publiquement les résultats visés.

• U assessment fait partie intégrante de l'apprentissage. » (Loacker, 1995, p. 17).

En résumé, pour le collège Alverno, il n'est en aucun cas question de faire apprendre beaucoup de

connaissances et de savoirs en tout genre à ses étudiantes sans jamais les leur faire mettre en

pratique. Bien au contraire, la maîtrise d'une capacité passe par sa pratique lors de mises en

situation qui se veulent le plus proche possible de la réalité. Egalement, posséder un savoir ne

veut pas dire forcement être en mesure de l'appliquer.

Dans l'approche du collège Alverno, les étudiants sont plus performantes quand elles connaissent

à l'avance les attentes de l'établissement. Elles peuvent ainsi intégrer leurs propres objectifs, leurs

motivations, leurs futurs plan de carrière dans le processus d'apprentissage.

Enfin, l'évaluation est indissociable du processus éducatif puisque après tout l'obtention du

diplôme est déterminée par la maîtrise, ou non, de certaines capacités chez les étudiantes.

82

2.3.3. L'apprentissage

L'apprentissage au Collège Alverno doit être à la fois intégrateur et expérentiel, conscient, actif et

interactif, développemental et transférable. Ces qualificatifs définissent à eux seuls les principes

devant intégrer les méthodes d'apprentissages au collège Alverno. Pour bien saisir en quoi

consiste véritablement ces méthodes d'apprentissage, référons-nous aux propos de Loacker

(1995) :

« D'abord les élèves doivent apprendre à relier toutes les compétences

et tout le savoir requis dans une situation donnée et intégrer cet

apprentissage par l'expérimentation (intégrateur et expérientiel).

Ensuite, pour assumer une responsabilité de plus en plus grande dans

le développement de leurs capacités, les élèves doivent faire le genre

de réflexion qui les porte à prendre davantage conscience de ce

qu'elles font par rapport à ce qu'elles se proposent de faire

(conscient). De plus, les élèves ne développent leurs capacités qu'en

s'engageant dans le processus d'apprentissage. Or, cet engagement ne

peut pas toujours s'accomplir individuellement; les élèves doivent

donc interagir avec les autres (actif et interactif). En outre,

l'apprentissage est un processus continu, un progrès sans fin

(développemental) et il doit permettre le transfert de ce qui est appris,

dans des contextes variés. » (p. 17).

Ces prémisses liées à l'apprentissage au collège Alverno permettent de mieux comprendre

l'importance de la fonction de l'évaluation dans leur système éducatif.

2.3.4. L'évaluation

Outre, le développement des capacités, l'enseignement dispensé au collège Alverno se base

également énormément sur l'évaluation. Au sein de ce dernier, une distinction majeure est faite

entre l'évaluation institutionnelle/programme et l'évaluation individuelle de l'étudiante. Celui-ci

83

fait partie intégrante de l'apprentissage dans la mesure où il renseigne l'étudiante sur ses

performances de telle manière à lui permettre de s'améliorer en se basant sur le niveau atteint

dans l'acquisition de connaissances et la maîtrise des capacités. L'évaluation est donc au centre du

programme éducatif du collège.

A l'instar de la conception de l'apprentissage du collège Alverno, l'évaluation doit intégrer

quelques caractéristiques fondamentales :

• « Pour un apprentissage intégrateur et expérientiel, Vassessment doit être basé sur la

performance.

• Pour un apprentissage conscient, Vassessment doit comporter de l'auto-assessment et

obéir à des attentes (résultats visés) et à des critères connus publiquement.

• Pour un apprentissage actif et interactif I'assessment doit comporter du feed-back et

des éléments externes.

• Pour un apprentissage développemental Vassessment doit être cumulatif et ouvert.

• Pour un apprentissage transférable, Vassessment doit être fait selon des modes et

dans des contextes multiples. » (Loacker, 1995, pp. 17-18).

Les caractéristiques sont reprises dans la définition de l'évaluation retenue par le collège Alverno:

« [...] un processus multidimensionnel intégré à l'apprentissage, qui

comprend l'observation et le jugement de la performance de

l'apprenante en action, sur la base de critères de développement

connus publiquement : il s'accompagne d'auto-assessment et de feed­

back transmis à l'apprenante. » (Loacker, 1995, p. 18).

Comme nous venons de le voir tout au long de cette partie, le collège Alverno s'est très tôt posé

comme un précurseur et un chef de file du mouvement lié à l'approche par compétences en

éducation. Son système pédagogique singulier est devenu pour bon nombre d'acteurs éducatifs

une référence et une source d'inspiration indéniable.

84

2.4. La réforme québécoise

En 2001, avec la publication de son programme «Être évaluer pour mieux apprendre», le

Québec se lance dans un projet ambitieux en matière d'éducation. En effet, la réforme du

renouveau pédagogique met en place clairement l'évaluation des compétences comme priorité du

nouveau système d'apprentissage québécois.

2.4.1. L'évaluation comme pierre angulaire du renouveau pédagogique

L'objectif visé par ce nouveau système éducatif est la réussite pour tous les élèves. « Dans cette

perspective, l'évaluation des apprentissages représente un levier pour la réussite, quel que soit le

secteur de formation. » (MEQ, 2001, p. 13). Par réussite scolaire, le ministère de l'éducation

québécois entend le développement intellectuel, affectif et social de l'élève. L'évaluation devra

donc permettre à l'élève de réaliser des apprentissages qui lui permettront de s'instruire, de se

socialiser et de se qualifier, et ce, quelles que soient ses exigences, ses qualités ou ses

motivations. L'évaluation doit contribuer au développement du plein potentiel de l'élève.

L'évaluation va favoriser l'apprentissage des élèves mais va également aider l'enseignant à le

guider dans sa mission éducative afin d'obtenir de l'élève un rendement optimal. L'évaluation doit

être exploitée au mieux dans le but d'aboutir aux meilleures conditions d'apprentissage possibles

et ainsi déboucher sur la réussite éducative du plus grand nombre.

Cette approche particulière de l'évaluation est caractérisée, dans la poursuite des objectifs de

base, par trois temps forts que sont le recueil d'informations, l'élaboration d'un jugement global et

la communication.

2.4.1.1. Le recueil d'informations

La formation de l'élève se fait principalement à l'aide des tâches d'apprentissage et d'évaluation

formative. Afin de permettre la progression de l'élève, la réforme insiste sur la nécessité de lui

fournir une information de qualité fréquente, diversifiée et répétée. L'élève doit également

participer activement à la démarche d'évaluation tout au long de l'apprentissage grâce notamment

à l'autoévaluation, à l'élaboration de portfolios, ou à l'évaluation par les autres élèves. Les

85

compétences disciplinaires mais aussi les compétences transversales, sur lesquelles nous

reviendront plus en détails par la suite, sont visées par ce processus de recueil d'information afin

de toujours ne pas perdre de vue le but premier de celui-ci qui est la réussite de tous les élèves.

2.4.1.2. L'élaboration d'un jugement global

Le processus de recueil d'informations que nous venons d'évoquer permet à l'enseignant de

construire son jugement sur la maîtrise de l'élève et sur sa progression dans telle ou telle

discipline. A l'aide des échelles de compétences, que nous définirons plus tard dans la sous-

section leurs étant dédiées, l'enseignant va pouvoir interpréter les différentes observations

réalisées à travers les nombreux outils existants et construire objectivement son jugement. Ces

échelles de compétence peuvent être considérées comme des références puisqu'elles

correspondent aux différentes étapes de la construction et de la maîtrise de la compétence en

question. Ces échelles sont de véritables références communes puisqu'elles sont conçues de

manière uniforme pour toutes les disciplines enseignées. Elles permettent avant tout à

l'enseignant de se construire un jugement professionnel basé sur des références communes à tous

les autres enseignants, d'où l'importance de l'uniformité de celles-ci.

2.4.1.3. La communication

La communication avec les parents est essentielle dans l'apprentissage des élèves. En effet, ces

derniers sont les premiers concernés par l'apprentissage scolaire de leur progéniture mais

l'évaluation des compétences, basée sur les échelles de compétences, ne peuvent en aucun cas

être utilisées dans la communication avec ceux-ci. C'est donc à l'enseignant de se « construire », à

l'aide des échelles de compétences, un jugement global, nuancé qui permettra aux parents de

pouvoir constater la progression de leurs enfants dans la progression de la maîtrise des

compétences.

86

2.4.2. Les valeurs

L'évaluation des apprentissages est articulée autour de plusieurs valeurs. « Elles sont d'une

importance primordiale dans le contexte éducatif québécois où l'on vise l'égalité des chances et

la réussite pour tous les élèves. Le choix s'est arrêté sur les valeurs fondamentales que sont la

justice, l'égalité et l'équité, auxquelles s'ajoutent trois valeurs instrumentales, soit la cohérence,

la rigueur et la transparence. Ces valeurs constituent une assise aux pratiques de tous ceux qui

interviennent en évaluation des apprentissages d'où l'importance d'y adhérer pour éviter tout

préjudice aux personnes. » (MEQ, 2001, p. 9).

Nous allons, dans cette sous-section, expliciter clairement chaque valeur.

2.4.2.1. Les valeurs fondamentales

L'évaluation des apprentissages a pour fondement trois valeurs fondamentales indispensables à

toute évaluation en éducation :

• La justice : le respect des lois et des règlements régissant le système éducatif

québécois doit être au centre de l'application de l'évaluation des apprentissages. Cette

dernière doit se faire selon les règles établies pour tous. De ce fait, afin de faire régner

une justice irréprochable, le droit de reprise et le droit d'appel sont autorisés pour les

élèves qui peuvent se sentir léser de quelques manières que ce soit.

• L'égalité : afin que tous les élèves puissent montrer les progrès qu'ils ont réalisé dans

leurs apprentissages, les exigences doivent être les mêmes pour tous. Aucun

traitement de faveur ne peut être toléré, et cela dans le but de promouvoir l'égalité des

chances pour tous les élèves. Les programmes d'études et de formation doivent

indiquer les résultats attendus mais aussi les critères d'évaluation définis de façon

uniforme. Ainsi, tous les élèves seront évalués et donc jugés sur les mêmes bases, ce

qui permet un jugement égalitaire sur les apprentissages égalitaire.

87

• L'équité : l'évaluation doit tenir compte des caractéristiques individuelles ou

communes à certains groupes pour que l'école ne devienne pas un facteur de

différenciation sociale. L'école doit rassembler et non contribuer à renforcer les

différences déjà existantes. Selon le MEQ (2001) « On doit se garder d'introduire des

biais de quelques natures que ce soit qui mèneraient à avantager ou à désavantager

certains élèves. » (p. 9).

2.4.2.2. Les valeurs instrumentales

Aux trois valeurs fondamentales que nous venons d'évoquer, s'ajoute trois valeurs instrumentales

tout aussi importantes :

• La cohérence : l'évaluation doit être en relation directe avec l'apprentissage ou le

programme visé. H faut donc tenir compte des compétences, des connaissances, des

résultats attendus dans chaque discipline ou programme d'études pour procéder à une

évaluation de qualité. De ce fait, ce qui est évalué doit être en rapport direct avec

l'apprentissage. En d'autres termes, la cohérence permet en quelques sortes d'assurer la

validité de contenu de l'évaluation.

• La rigueur : toute évaluation se doit d'être entreprise avec exactitude et précision. Le

recours à des outils de mesure de qualité permet d'assurer une certaine fidélité à

l'évaluation. Les jugements doivent être le plus juste possible afin de faire progresser

l'élève et de reconnaître officiellement ses apprentissages.

• La transparence : les normes et les modalités d'évaluation doivent être connues et

comprises par tous les élèves pour que ceux-ci soient en mesure de cerner quelles sont

les attentes et sur quoi reposent les jugements les concernant. Les élèves doivent

pouvoir profiter au maximum des rétroactions fournies par le corps enseignant. Pour

être efficaces et utiles à la progression des élèves, ces dernières se doivent d'être

claires et de qualité.

88

2.43. Une réforme pédagogique centrée sur les compétences

Selon les propres termes du ministère de l'éducation du Québec, la réforme du renouveau

pédagogique instaure une formation centrée sur le développement des compétences :

« Les programmes de formation des jeunes et des adultes, et les

programmes d'études de la formation professionnelle sont désormais

axés sur le développement des compétences. Ces changements ont des

effets multiples sur l'évaluation des apprentissages, notamment celui

de passer à une évaluation basée sur les compétences. » (MEQ, 2001,

p. 5).

Mais qu'entend le ministère de l'éducation du Québec par le terme compétence ? Dans Le

programme de l'école québécoise (MEQ, 2004), il définit la compétence comme étant :

« [...] un savoir-agirfondé sur la mobilisation et l'utilisation efficaces

d'un ensemble de ressources. Elle suppose la capacité de l'élève à

recourir de manière appropriée à des moyens diversifiés qui incluent

■non seulement l'ensemble de ses acquis scolaires mais aussi ses

expériences, ses habiletés, ses attitudes, ses champs d'intérêt de même

que des ressources externes comme ses pairs, ses enseignants, des

experts ou encore des sources d'information de diverses natures. »

(P- 7).

Il existe deux sortes de compétences bien distinctes : les compétences disciplinaires et les

compétences transversales.

89

2.4.3.1. Les compétences disciplinaires

Le système éducatif est divisé en domaines d'apprentissage. Ds regroupent les disciplines

scolaires qui ont des intérêts communs ainsi qu'une certaine affinité entre elles. Ces domaines

d'apprentissage, au premier cycle du secondaire, sont les suivants :

• Le domaine des langues

• Le domaine de la mathématique, de la science et de la technologie

• Le domaine de l'univers social

• Le domaine des arts

• Le domaine du développement personnel

Chaque domaine d'apprentissage regroupe plusieurs disciplines qui, chacune d'entre elles,

comportent un certain nombre de compétences disciplinaires. Par exemple, dans le domaine des

langues, la discipline « Français, langue d'enseignement » comporte les compétences

disciplinaires suivantes : lire et apprécier des textes variés, écrire des textes variés, communiquer

oralement selon des modalités variées (MELS, 2006).

Dans le domaine de l'univers social, l'apprentissage de l'histoire et de l'éducation à la citoyenneté

comporte le développement des compétences suivantes : interroger les réalités sociales dans un

perspective historique, interpréter les réalités sociales à l'aide de la méthode historique, construire

sa conscience citoyenne à l'aide de l'histoire (MELS, 2006).

Pour ce qui est de l'enseignement des mathématiques, il doit mettre l'accent sur le développement

de ces compétences-ci : résoudre une situation-problème, déployer un raisonnement

mathématique, communiquer à l'aide du langage mathématique (MELS, 2006).

Le développement et la maîtrise de ces compétences disciplinaires chez les élèves québécois n'est

pas l'unique objectif du système éducatif québécois. Ce dernier met aussi en avant les

compétences dites « transversales ». Elles font partie intégrante de la formation résolument axée

sur le développement des compétences prônée par la réforme du renouveau pédagogique.

90

2.4.3.2. Les compétences transversales

Dans le but de définir précisément ce que sont réellement les compétences transversales, nous

nous référons au ministère de l'éducation (2006) :

« Expression de buts communs à l'ensemble du curriculum, les

compétences transversales font référence à des outils de divers ordres

que l'école juge essentiels pour permettre à l'élève de s'adapter à des

situations variées et de poursuivre ses apprentissages sa vie durant.

Elles sont complémentaires les unes par rapport aux autres, toute

situation complexe faisant nécessairement appel à plusieurs d'entre

elles à la fois. Elles touchent tous les domaines généraux de formation

et sont étroitement liées aux compétences disciplinaires, qui les

sollicitent à des degrés divers et favorisent leur développement. Elles

concernent également la scolarité dans sa totalité, puisqu'elles se

développent selon un processus évolutif qui a été entrepris au primaire

et se poursuit, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des murs de l'école,

durant tout le secondaire et même au-delà. » (p. 33).

Le programme de formation québécois est composé de neuf compétences transversales rp.crrnimées f.n rmaîre nrrlrp.s hip.ns Hisf inrts nui sont • regroupées en quatre ordres biens distincts qui sont

• ordre intellectuel : exploiter l'information; résoudre des problèmes; exercer son

jugement critique; mettre en œuvre sa pensée créatrice;

• ordre méthodologique : se donner des méthodes de travail efficaces; exploiter les

technologies de l'information et de la communication;

ordre personnel et social : actualiser son potentiel; coopérer;

ordre de la communication : communiquer de façon appropriée.

Ces compétences ne peuvent être isolées les unes des autres. Même si elles peuvent être ciblées

afin de permettre une meilleure compréhension auprès des élèves, elles sont le plus souvent

91

sollicitées dans les mises en pratique en interaction les unes avec les autres. Développer une

compétence transversale en particulier permet généralement de traiter par la même occasion

plusieurs d'entre elles.

2.4.3.3. Les échelles de compétences

Nous avons précédemment présenté les échelles de compétences sans vraiment les définir

explicitement. Nous avions simplement évoqué le fait qu'elles agissaient comme référentiel pour

les enseignants en vue de les soutenir dans l'application du Programme de formation de l'école

québécoise. Le ministère de l'éducation (2002) les définit comme étant « des balises qui

permettent de repérer certains paliers dans le développement des compétences » et continue ainsi

leur explication :

« [...] les échelles des niveaux de compétence s'inscrivent dans la

logique de l'interprétation critérielle et fournissent aux enseignants un

cadre commun de référence qui peut les aider à interpréter leurs

observations et à porter un jugement sur le développement des

compétences [...] Elles explicitent, pour chacune des compétences,

différents niveaux de développement sur un continuum. » (p. 4).

Ces échelles concernent aussi bien les compétences transversales que les compétences

disciplinaires. Pour l'enseignement primaire, l'échelle correspondant aux compétences

transversales comportent quatre niveaux. Chacun de ces niveaux est défini précisément par une

description des manifestations concrètes considérées comme tout à fait typique de ce niveau de

maîtrise.

Ainsi, pour la compétence transversale « exploiter l'information », le quatrième niveau de

l'échelle est définie de la façon qui suit :

« [...] l'élève précise le sens de ses questions et choisit plusieurs

sources d'information pour y répondre. Il trouve rapidement les

sources d'information pertinentes. Il sélectionne, compare,

92

regroupe et organise les éléments d'informations qu'il juge

pertinents en fonction du but poursuivi. Il relie les nouvelles

données à ses connaissances. Il anticipe occasionnellement de

nouvelles utilisations de l'information recueillie. Pour évaluer sa

démarche, il utilise des pistes de questionnement choisies parmi

celles qu'on lui propose. » (MEQ, 2002, p. 10).

Pour ce qui est des compétences disciplinaires au primaire, les échelles sont composées de 10

niveaux répartis sur les trois cycles d'enseignement (quatre au premier cycle et trois pour chacun

des deux autres). A titre d'exemple, l'échelon 10 de la compétence « écrire des textes variés » est

défini par les comportements suivants :

« L'élève rédige avec une certaine efficacité les textes variés et

adaptés en fonction de leurs destinataires dans différents contextes

et disciplines scolaires. Dans des textes comportant généralement

plusieurs paragraphes, il s'exprime de façon claire et, au besoin,

détaillée. Il développe ses idées selon un ordre logique ou

chronologique et il établit des liens entre les phrases et entre les

paragraphes au moyen de connecteurs et, la plupart du temps,

appropriés. Ses phrases, relativement variées et souvent élaborées,

sont généralement bien construites et bien ponctuées. Pour

personnaliser son message et préciser sa pensée, il utilise un

vocabulaire varié, précis et évocateur. Il sait orthographier les

mots appris et il effectue adéquatement les accords dans le groupe

du nom de même que l'accord du verbe, de l'attribut et du participe

passé avec l'auxiliaire être. Il fait également appel à des stratégies

appropriées et utilise avec profit les outils de référence et le

technologies à sa disposition pour améliorer ses écrits et leur

présentation. » (MEQ, 2002, p.25).

93

Ces échelles décrivent la progression désirée des élèves, et permettent ainsi d'évaluer plus

précisément le niveau atteint dans le développement de la compétence visée. De ce fait, elles

permettent de dresser un bilan des apprentissages réalisés ou de les orienter en fonction du niveau

de maîtrise atteint par l'élève.

2.5. Le décret « Missions » en Belgique

Quelques années auparavant, en 1997, la Belgique a elle aussi mis en vigueur un système

éducatif entièrement basé sur l'approche par compétences.

2.5.1. Historique de la réforme

Le décret du 17 juillet 1997 met en place pour la première fois un système éducatif reposant sur

l'approche par compétences dans l'école en Communauté française. En effet, désormais les

missions prioritaires de celle-ci seront énoncées, et ce, pour tous les niveaux d'enseignement, en

termes de compétences.

Ce vaste projet précise également, pour chaque niveau d'études, la façon dont sera définie les

compétences, et élabore les programmes propres à chaque pouvoir organisateur (personne(s)

physiques ou morales(s), publiques ou privées, qui exercent et assument la responsabilité de

l'autorité au sein de l'établissement). Ce décret prévoit dans la même suite d'idées la création

d'outils d'évaluation appropriés communs à l'ensemble des établissements.

En mai 1999, le ministère de l'éducation de la Communauté française dévoile des « socles de

compétences », qui définissent clairement les compétences de base à maîtriser à la fin de

l'enseignement primaire et du premier degré de l'enseignement secondaire. De 1999 à 2001, les

« Compétences terminales et savoirs requis » sont publiées sous forme de fascicules spécifiant les

compétences à atteindre et les savoirs requis au terme de l'enseignement secondaire.

L'enseignement dit de « transition » (humanités générales et technologiques) sera désormais

évalué selon des compétences disciplinaires tandis que l'enseignement de qualification

(humanités techniques et professionnelles) s'appuiera sur un document unique contenant les

« compétences communes » (les attitudes, les démarches mentales, et les démarches

94

méthodologiques communes aux différentes disciplines de base) à développer dans tous les

cours. Les Socles et les Compétences terminales sont votés par le Parlement de la Communauté

française sous forme de décret.

En septembre 2000, la Commission des Outils d'évaluation lance le développement de batteries

d'épreuves étalonnées afin de pouvoir permettre l'évaluation du niveau des études. L'année

suivante, toujours en septembre, les nouveaux programmes rédigés en termes de compétences

sont progressivement mis en place dans les différents réseaux d'enseignement de la Communauté

française de Belgique.

2.5.2. La définition des compétences

D'après le décret de 1997, la compétence est définie en les termes suivants :

« [...] aptitude à mettre en œuvre un ensemble organisé de savoirs, de

savoir-faire et d'attitudes permettant d'accomplir un certain nombre

de tâches. » (Ministère de l'éducation de la Communauté française,

1997, p. 2).

A partir de l'énoncé de cette définition, Romainville (2006) distingue deux traits fondamentaux :

« - la compétence est un réseau intégré de ressources cognitives, socioaffectives et

sensorimotrices; elle comprend donc deux savoirs ;

- elle est orientée vers l'action : l'apprentissage de ces ressources n'a de sens que si l'élève se

montre apte à les mobiliser dans une famille de situations [...] l'approche par compétences

invite l'école à développer des savoirs vivants, c'est-à-dire des outils pour penser et pour agir

en dehors. » (p. 24).

Le but premier de ce type d'approche par compétences est donc d'acquérir des connaissances et

des savoirs tout en étant capable de les mettre en pratique en diverses situations que ce soit à

l'école ou en dehors dans la vie professionnelle et privée. Le savoir et la culture redeviennent

95

ainsi des constructions purement sociales répondant à des questions et à des interrogations

humaines (Romainville, 2006).

2.5.3. Les objectifs du décret « Missions »

Nous avons vu précédemment que le décret « Missions » vise la mise en place de l'approche par

compétences dans la Communauté française de Belgique. Désormais, les « savoirs doivent être

abordés dans la perspective de l'acquisition de compétences. » (Ministère de l'éducation de la

Communauté française, 1997, p. 4). Le décret énumère dans son chapitre II les quatre objectifs

généraux de l'enseignement en Communauté française de Belgique qui devront être poursuivis

« simultanément et sans hiérarchie ». Ces objectifs sont les suivants :

• « Promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des

élèves;

• Amener tous les élèves à s'approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui

les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie

économique, sociale et culturelle;

• Préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au

développement d'une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres

cultures;

• Assurer à tous les élèves des chances égales d'émancipation sociales. » (Ministère de

l'éducation de la Communauté française, 1997, pp. 3-4).

L'enseignement de la Communauté française a donc pour but de former des élèves en leur

inculquant des connaissances et des compétences, mais aussi des citoyens ayant une place

importante dans la société, tout en assurant l'égalité des chances pour chacun d'entre eux.

2.5.4. Les socles de compétences et les compétences terminales

Les socles de compétences sont une sorte de référentiel décrivant de manière structurée les

compétences de base à développer jusqu'au terme des huit premières années de l'enseignement

96

obligatoire, à savoir au terme de la deuxième année de l'enseignement secondaire, et celles que les

élèves devront maîtriser à chacune des étapes durant cette période d'enseignement. Les socles de

compétences adoptés en 1999 par le parlement de la Communauté française sont articulés autour

des disciplines suivantes :

• le français

• les mathématiques

• l'éveil et l'initiation scientifique

• les langues modernes

• l'éducation physique

• l'éducation par la technologie

• l'éducation artistique

• l'éveil et la formation historique et géographique

Le parlement a également adopté des compétences terminales et des savoirs requis dans les

champs disciplinaires suivants :

le français

les mathématiques

le latin et le grec

l'histoire

la géographie

les langues modernes

les sciences

les sciences économiques et sociales

l'éducation physique

Ces compétences dites « terminales » doivent être maîtrisées par les élèves à un niveau déterminé

au terme de l'enseignement secondaire. Les savoirs requis doivent de la même façon être

assimilés par les élèves.

97

A titre d'exemple, et pour mieux illustrer ces deux notions qui peuvent paraître bien vagues nous

pouvons citer les compétences terminales requises en français :

Lire :

1. Orienter sa lecture en fonction de la situation en communication

2. Construire du sens

3. Exercer son esprit critique

4. Acquérir des connaissances

5. Identifier, comprendre et interpréter différents types de textes

6. Décoder les images et les productions audio-visuelles

7. Développer la créativité au travers de l'écriture

Écrire :

1. Orienter son écrit en fonction de la situation de communication

2. Produire différents types et genres de textes

3. Mettre en œuvre, à cet effet, les phases du processus d'écriture

4. Utiliser dans l'écrit des techniques de conviction

5. Associer l'écrit à d'autres supports

6. Développer le créativité au travers de l'écriture

7. Réfléchir à sa propre manière d'écrire

Parler-écouter

1. Orienter sa parole et son écoute en fonction de la situation de communication

2. Participer à différentes situations de communication

3. Élaborer des significations

4. Utiliser des moyens non verbaux au départ de son profil linguistique et corporel

5. Construire une relation interpersonnelle efficace et harmonieuse

6. Utiliser à l'oral des techniques de conviction

7. Réfléchir à sa propre manière d'écouter, de parler, d'écouter

98

Les savoirs disciplinaires requis en français sont les suivants :

Langue :

Avoir une connaissance critique de quelques informations relatives à la problématique des

normes, des grammaires et des codes en général, mais aussi au fonctionnement et aux

variétés de lexique.

Littérature et art :

1. Grands courants littéraires et artistiques : 10 courants sont énumérés (le baroque, le

classicisme, le romantisme, etc.)

2. Grandes références littéraires et artistiques constitutives du fonds culturel

contemporain : cela peut être des auteurs, des courants littéraires, des mythes, des

personnages, etc. Ces différentes connaissances sont énumérées sous forme de liste.

3. Savoirs conceptuels ( « différentes manières de concevoir la littérature »; « quelques

principes et méthodes de l'analyse institutionnelle de la littérature »; « éléments des

principaux types, genres et concepts littéraires »)

Sur l'homme et le monde :

Notions de psychologie et de psychanalyse; de sociologie; sur les grands systèmes

symboliques.

En 2002, un nouveau programme de l'enseignement fondamental comprenant huit matières

obligatoires dont l'enseignement devient obligatoire. Ces matières sont les suivantes :

i

• mathématiques

• français

• sciences (initiation scientifique au primaire; biologie, chimie et physique au secondaire)

• géographie

• histoire

• éducation physique

• philosophie (religion et morale)

99

2.5.5. L'évaluation

Les socles de compétences déterminent le niveau de maîtrise requis dans chacune des huit

disciplines obligatoires énumérées ci-dessus au terme de la sixième année de l'enseignement

primaire où les élèves passent les examens menant au Certificat d'études de base (CEB), au terme

de la quatrième année d'enseignement secondaire menant à l'obtention du Certificat

d'enseignement supérieur du deuxième degré (CES2D), et au terme de l'enseignement secondaire,

et du même fait, de l'enseignement obligatoire couronné par l'obtention par l'obtention du

certificat d'enseignement supérieur secondaire (CESS). Le décret « Missions » prévoit trois

niveaux de maîtrise des compétences au terme de chacun des trois degrés d'enseignement que

nous venons de citer : sensibilisation à la l'utilisation d'une compétence, conformité au niveau

requis pour la certification et le simple maintien d'une compétence. Les niveaux de compétence

que sont sensés atteindre les élèves au terme de l'enseignement obligatoire sont qualifiés comme

étant des compétences terminales et des savoirs requis.

Avec le décret « Missions », la Communauté française de Belgique a mis en place un nouveau

système afin de créer des épreuves d'évaluation adaptées à l'approche par compétences. Ces

nouvelles épreuves sont conçues par des commissions des outils d'évaluation et doivent avant tout

correspondre aux socles de compétences et aux compétences que se doivent de maîtriser les

élèves à la fin des humanités générales et technologiques ainsi que des humanités professionnelles

et techniques. Celles-ci sont proposées aux directions d'établissements et aux enseignants afin

qu'ils puissent de cette façon s'en inspirer pour élaborer leurs propres épreuves d'évaluation.

Dans cette deuxième partie axée sur l'approche par compétences en éducation, nous avons traité

les origines du concept de compétence en étudiant successivement la conception des linguistes,

des psychologues et des professionnels des sciences du travail. Nous avons pu ainsi nous faire

une idée de ce que fut l'évolution du concept de compétence jusqu'à son adaptation à l'éducation,

et la création donc de l'approche par compétences.

Par la suite, nous nous sommes penchés aux définitions du concept de compétence adaptées à

l'éducation, pour finalement terminer notre étude en étudiant plusieurs exemples d'application

100

concrète du concept de compétence à travers les cas du Collège Alverno, de la province

canadienne du Québec et de la Belgique.

Nous avons désormais à notre disposition les connaissances nécessaires pour pouvoir aborder

concrètement notre analyse de contenu, qui fera l'objet de notre troisième partie.

Chapitre 3 Méthodologie de recherche

102

Dans la première partie de notre mémoire, nous avons réalisé une étude historique succincte de

l'évaluation des apprentissages dans quelques pays références en matière d'éducation, à savoir la

France, la Belgique, la Suisse, les États-Unis et bien entendu la province de Québec, qui fera

d'ailleurs l'objet de notre analyse. Cette étude historique nous a permis, en quelque sorte, de

replacer l'évolution de l'évaluation des apprentissages au Québec parmi celles de tous ces pays

ayant une tradition éducative et pédagogique depuis longtemps reconnue.

Par la suite, nous nous sommes attardés sur l'approche par compétences, qui est à l'heure actuelle

la clé de voûte du système éducatif québécois, afin de pouvoir rentrer de plain-pied dans notre

analyse. En effet, nous essaierons de mettre en lumière les points convergents et divergents des

différentes politiques évaluatives qui se sont succédé au fil du temps au Québec. Nous pourrons

ainsi déterminer objectivement si oui ou non, l'approche par compétences, considérée depuis une

dizaine d'années comme une véritable nouveauté dans le monde de l'éducation, est vraiment à

l'origine d'une politique d'évaluation d'un genre jusque-là inédit, ou bien au contraire si nous

n'avons pas affaire à une redite de ce qui a toujours été pratiqué au Québec en matière

d'évaluation des apprentissages.

Afin de répondre du mieux possible à la question de recherche du présent mémoire, nous avons

construit un questionnaire visant à mettre en lumière, à travers trois grandes dimensions bien

distinctes, les points convergents et divergents de l'évaluation des apprentissages prônée dans

chacun des documents que nous avons retenus dans le cadre de notre recherche : Le programme

des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923), La politique

générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) et La politique d'évaluation des apprentissages

(MEQ, 2003). Ces documents feront l'objet d'une présentation détaillée dans la sous-section leur

étant consacrée. Les trois dimensions évoquées sont les suivantes : la dimension philosophique, la

dimension méthodologique et la dimension théorique. Ces trois dimensions seront définies

explicitement par la suite dans ce chapitre.

Ce questionnaire a été soumis à trois répondants à qui il a été demandé, après lecture des

documents retenus pour l'étude, de répondre aux questions composant ce dernier. Les répondants

ont donc été invités à faire part par écrit de leur opinion sur divers points relatifs à chaque

103

dimensions. Ainsi pour la dimension philosophique, nous leur avons demandé tour à tour de nous

faire part de leur point de vue concernant les buts et les valeurs morales de l'évaluation, le rôle

attribué à l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages et l'importance accordée à la

communication dans chacun des documents. Pour ce qui est de la dimension méthodologique, les

répondants ont été invités à laisser leurs impressions quant aux types d'évaluations (normative,

sommative, diagnostique, critériée, formative, etc.), aux types d'outils d'évaluation, et aux

stratégies de communication, privilégiés dans chacun des documents. Il leur a également été

demandé dans le cadre de la troisième dimension de nous faire part, selon eux, du degré de

concordance existant entre l'évaluation prônée dans chacun des documents et les courants

pédagogiques suivants : le béhaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le

socioconstructivisme. Ce questionnaire, intitulé Questionnaire relatif aux politiques d'évaluation,

tel que nous l'avons soumis à ces spécialistes de l'éducation et de l'évaluation, est annexé au

mémoire.

Après avoir complété le questionnaire, les répondants ont été réunis lors d'un groupe de

discussion dans le but de revenir sur les résultats obtenus et de permettre à chacun d'entre eux de

faire falloir son opinion sur les points divergents.

Les résultats ainsi recueillis sont compilés dans une grille d'analyse grâce à laquelle de façon

claire et facilement observable, nous pourrons mettre en lumière les points communs et les

différences existantes entre les trois documents précédemment cités. Nous retrouvons dans cette

grille d'analyse les trois grandes dimensions présentes dans notre questionnaire, et les différentes

sous-parties propres à chacune d'entre-elles.

Pour éviter tout malentendu possible relatif au contenu de notre grille d'analyse, à nos résultats ou

à nos possibles conclusions, nous allons présenter et définir une par une chaque sous-partie

composant nos trois dimensions. Mais avant de présenter les dimensions, nous allons présenter

les caractéristiques des personnes ayant répondu au questionnaire et participé au groupe de

discussion.

104

3.1. Les répondants

Nous avons soumis notre questionnaire à trois répondants dont deux de sexe masculin et un de

sexe féminin. Deux d'entre eux sont étudiants à la maîtrise en Administration et évaluation en

éducation à l'Université Laval, l'un est spécialiste des questions quantitatives tandis que l'autre à

l'opposé est spécialisé dans le volet qualitatif propre à l'évaluation en éducation. Les deux ont été

assistants d'enseignement dans des cours d'évaluation des apprentissages au premier cycle. Notre

troisième répondant est étudiante au doctorat en Administration et évaluation en éducation à

l'Université Laval. Elle s'intéresse aux questions relatives à l'approche par compétences en

éducation. L'âge de nos répondants oscille entre 27 et 35 ans.

3.2. Les documents à l'étude

Il est bien évident que pour réaliser une telle analyse, à défaut de pouvoir pour des raisons

pratiques étudier toutes les politiques édictées par les autorités scolaires, nous nous baserons sur

l'étude minutieuse, par l'entremise d'une grille d'analyse, de trois documents que nous avons

sélectionné, à savoir : Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires

(Comité catholique, 1923), La politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) et enfin

la dernière politique d'évaluation en date, en l'occurrence La politique d'évaluation des

apprentissages (MEQ, 2003) qui présente et décrit l'approche par compétences dans le système

éducatif québécois.

Ces documents se sont imposés à nous, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, ces trois

documents sont chacun représentatif de leur époque respective. En effet, Le programme des

écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923) nous permettra de

nous pencher sur la période de l'histoire de l'éducation caractérisée par la main mise pleine et

entière de l'Eglise sur l'école et l'enseignement, tandis qu'avec La politique générale d'évaluation

pédagogique (MEQ, 1981) nous aborderons l'après Rapport Parent et le passage à une pédagogie

par objectifs (1970-2000). La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) est non

seulement la dernière en date, mais aussi celle qui met en place l'évaluation propre à la réforme

105

qui institue l'approche par compétences dans l'éducation québécoise. Dans le cadre de notre

analyse, il aurait donc été inconcevable de ne point retrouver un document d'une telle importance.

D'autre part, ces documents se révèlent être d'une importance historique majeure pour ce qui est

de l'éducation et de l'évaluation au Québec. En effet, avec La politique générale d'évaluation

pédagogique (MEQ, 1981), le ministère de l'Éducation se dote pour la première fois d'une

politique d'évaluation qui place celle-ci au cœur de l'activité éducative (Auger, 2000). Cette

politique va véritablement créer une dynamique autour de l'évaluation des apprentissages qui

débouchera notamment sur le développement des études universitaires axées sur la formation en

mesure et évaluation proposées dans les facultés des sciences de l'éducation et le recours de plus

en plus fréquent par les commissions scolaires à des spécialistes en la matière, les conseillers en

mesure et évaluation. Ainsi, «[...] de nombreuses commissions scolaires font de l'évaluation un

thème privilégié du perfectionnement du personnel enseignant et de nouveaux spécialistes,

experts en docimologie et dans des domaines connexes font leur entrée dans les écoles et dans les

centres administratifs des commissions scolaires. » (MEQ, 1997, p. 92). Cette politique est, à n'en

point douter, l'élément déclencheur de l'essor que connaissent les sciences de la mesure et de

l'évaluation depuis une trentaine d'années au Québec.

Concernant La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), comme nous l'avons

évoqué brièvement précédemment, il aurait été difficile de réaliser une telle analyse sans étudier

en détail un tel document. Effectivement, cette politique marque le passage d'une évaluation

centrée sur des objectifs pédagogiques à une évaluation axée sur l'approche par compétences.

Cette politique est donc un document de tout premier ordre pour toute étude se rapportant à

l'évaluation des apprentissages au Québec, à l'histoire de l'évaluation, ou si l'on s'intéresse de près

au système éducatif québécois ou à l'approche par compétences en général. Aussi, ce document

s'est-il imposé de lui-même.

Pour ce qui est du Programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité

catholique, 1923), il est tout d'abord à noter que contrairement aux deux autres documents

sélectionnés pour mener à bien notre analyse, celui-ci n'est pas spécifiquement une politique

d'évaluation, mais un programme scolaire. Sur ce point, nous devons avouer que le choix de ce

106

document est un choix par défaut, car malheureusement jusqu'à la Révolution tranquille et le

dépôt du Rapport Parent, il n'existe pas d'écrits précis relatifs aux méthodes, aux procédés ou à

une quelconque approche philosophique de l'évaluation.

« De façon générale, c'est-à-dire non pas dans le détail des matières

au programme, mais dans les indications générales, on remarque à

propos de l'évaluation que la période pré-réformiste se caractérise par

une absence de discours sur le « comment évaluer » même si l'on est

d'accord avec le principe de l'évaluation et même si l'évaluation est

déjà une préoccupation. » (Gauthier, Belzile, & Tardif, 1993, p. 69).

Faute de mieux donc, nous nous sommes tournés vers les seuls documents traitant de l'évaluation

que nous avions à notre disposition, à savoir les programmes établis par le Comité Catholique.

Devant porter notre choix sur un seul document afin de faciliter notre analyse, nous avons

intentionnellement laissé de côté les documents édités par le Comité Protestant pour nous

concentrer sur les documents francophones.

Outre son contenu relatif à l'évaluation en éducation, nous avons arrêté notre choix sur Le

programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923),

d'une part, à cause de sa portée historique et, d'autre part, pour son contenu pédagogique. Ce

programme révise complètement le précédent datant de 1905 du fait de la création en 1915 d'un

nouveau niveau scolaire connu sous le nom d'école maternelle. L'ajout de l'école maternelle

amènera les autorités scolaires à réviser en profondeur le contenu du programme de 1905. Cette

tâche est confiée à Monseigneur Ross qui jettera les bases d'une approche pédagogique nouvelle :

« Mgr Ross préconisera donc une pédagogie qui se voulait la plus proche

possible de l'univers de l'enfant. Soulignant que l'école se devait d'offrir à

l'enfant un monde où il retrouvait le même type de relation avec le monde

concret qui l'entoure habituellement, Mgr Ross proposa une pédagogie

qui mettra l'enfant en contact avec les choses. » (Gauthier, Belzile, &

Tardif, 1993, pp. 23-24).

107

À la lumière de ces écrits, il nous apparaît que Le programme des écoles primaires élémentaires

et complémentaires (Comité catholique, 1923), à l'image des deux autres documents sélectionnés,

a bel et bien sa place dans notre étude.

Après avoir énoncé le but de notre étude et présenté les documents retenus pour l'analyse, nous

allons dès à présent rentrer dans les détails en ce qui concerne les modalités concrètes de notre

étude.

Le tableau 3 présente de façon claire chaque document retenu pour notre étude :

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109

3.3. Collecte des données

3.3.1. Le questionnaire

Rappelons, que le questionnaire que nous avons soumis à nos répondants comprenaient trois

dimensions distinctes : philosophique, méthodologique et théorique. Afin d'éviter tout

malentendu possible quant à l'interprétation de nos résultats, nous allons les définir une à une

ainsi que les sous-parties propres à chacune d'entre elles.

3.3.1.1. La dimension philosophique

Cette composante de notre grille nous permettra de saisir l'ensemble des principaux enjeux

philosophiques présents dans chacun des trois documents. Nous n'avons retenu pour notre étude

que les quatre aspects philosophiques que nous trouvions le plus à propos en ce qui concerne

l'évaluation des apprentissages.

3.3.1.1.1. Les buts de l'évaluation (Question 1 du questionnaire, p. 158)

Dans cette section, nous essaierons de déceler et de répertorier les finalités de l'évaluation

préconisée dans les documents retenus pour notre étude. Cela nous donnera des renseignements

certainement significatifs en ce qui concerne, d'une part, l'implication réelle des autorités

scolaires dans l'évaluation pédagogique, et d'autre part, l'importance de celle-ci dans les

préoccupations liées au milieu et aux enjeux scolaires de l'époque.

3.3.1.1.2. Les valeurs morales propres à l'évaluation (Question 2 du questionnaire, p. 159)

Il s'agit ici des valeurs morales sur lesquelles les autorités scolaires font reposer les bases de leur

conception de l'évaluation. A titre d'exemple, nous pouvons citer la justice, l'égalité, etc.

3.3.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages (Question 3 du

questionnaire, p. 160)

De tout temps, l'enseignant a toujours été l'acteur principal, outre les élèves bien entendu, en

éducation étant donné qu'il est en première ligne. Sa proximité directe avec les étudiants fait de

110

lui le principal vecteur de la politique d'évaluation. Il est donc tout à fait naturel de se demander

quels sont le rôle et l'importance qui lui sont attribués en regard de l'application de la politique

d'évaluation des apprentissages au quotidien dans les établissements scolaires.

3.3.1.1.4. La communication dans l'évaluation des apprentissages (Question 4 du questionnaire, p. 161)

Une évaluation de qualité se doit de fournir aux élèves une rétroaction adéquate afin qu'ils

puissent tirer les enseignements de leurs erreurs, combler leurs carences, rectifier leurs défauts et

ainsi faire les progrès qui leur permettront de cheminer dans leurs études. Les parents doivent être

également informés sur le cheminement de leur progéniture à l'école dans l'optique de favoriser

du mieux possible leur contribution à la vie scolaire. La qualité de l'information donnée que ce

soit aux parents ou aux élèves dépend directement de la qualité de l'évaluation.

De plus, la communication en matière d'évaluation sous-entend une collaboration de tous les

instants au sein de l'appareil éducatif. Tous les acteurs du monde scolaire se doivent de

collaborer, notamment en faisant circuler efficacement les informations relatives aux

apprentissages réalisés par les élèves, afin de favoriser au mieux le parcours futur de ces derniers

(études collégiales, universités ou intégration au marché du travail).

De ce fait, il est primordial de nous arrêter quelques instants dans notre analyse sur cet aspect

intimement lié à l'évaluation. Nous essaierons dans cette section de déterminer quelle place est

réservée à la communication entre les différents acteurs du monde scolaire, à savoir les

enseignants, les instances scolaires, les élèves ainsi que les parents.

3.3.1.2. La dimension méthodologique

Dans cette section, nous nous attarderons sur la méthodologie, ou en d'autres termes sur les

applications concrètes de l'évaluation préconisées par les autorités scolaires.

3.3.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés (Question 5 du questionnaire, p. 162)

Nous nous efforcerons ici de déterminer parmi les types d'évaluation existants, à savoir

évaluation formative, sommative, critériée, normative et diagnostique, lesquels sont préconisés

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par les instances gouvernementales. Nous pourrons ainsi avoir une idée claire et précise de la

stratégie d'évaluation prônée par les autorités scolaires tout en confirmant l'application dans les

faits des éléments évoqués dans la dimension philosophique.

3.3.1.2.2. Les outils d'évaluation évoqués (Question 6 du questionnaire, p. 166)

Nous entendons par ce terme les techniques préconisées par les autorités scolaires et soumises

aux enseignants dans le but d'évaluer le niveau atteint par l'élève au sujet d'une matière

d'enseignement (français, mathématiques, etc.) dans le cadre de sa scolarité. H peut s'agir

d'examens, d'exercices, de tâches d'apprentissage ou de tout autre procédé permettant d'évaluer

les apprentissages réalisés par les élèves.

3.3.1.2.3. Les méthodes de communication (Question 7 du questionnaire, p. 167)

Après nous être attardés dans la dimension précédente sur la place occupée par la communication

entre les différents acteurs du monde scolaire dans les différents documents que nous étudions,

nous nous bornerons ici à désigner les procédés de communication privilégiées par les instances

scolaires dans chacun de nos documents.

3.3.1.3. La dimension théorique (Question 8 du questionnaire, p. 172)

Nous aborderons dans cette section le rattachement de l'évaluation prônée par les autorités

scolaires selon les documents analysés aux différents courants pédagogiques connus.

Ici, il s'agit pour les répondants de déterminer à quel(s) courant(s) pédagogique(s) est rattachée

l'évaluation des apprentissages présente dans chacun de nos documents. Dans quelle mesure

s'agit-il béhaviorisme, du cognitivisme, du constructivisme ou à du socioconstructivisme ?

Afin d'être plus précis et d'éviter toute confusion possible, nous nous baserons sur la définition de

courant pédagogique qui nous est donnée dans Le dictionnaire actuel de l'éducation

(Legendre,2005) :

112

« Orientation pédagogique globale, appuyée sur des assises et des

principes, qui prône des valeurs, des finalités et des buts spécifiques et

qui s'inscrit dans une approche particulière du développement de l'être

humain. » (p. 300).

3.3.2. La stratégie de collecte des données

Afin de mener à terme notre étude, nous avons remis le questionnaire ainsi que les trois

documents retenus à nos trois répondants avec comme directives de lire les documents

attentivement et de remplir le questionnaire par la suite. Nous leur avons laissé un délai de 15

jours entre le moment de la remise des documents et la réception des questionnaires complétés

afin que les répondants aient le temps nécessaire pour s'imprégner du contenu des documents.

Par la suite, une semaine après la réception des questionnaires complétés, un groupe de

discussion fut organisé. Au cours de celui-ci, nous avons discuté avec les répondants des résultats

collectés de façon à en arriver à un consensus sur les caractéristiques philosophiques,

méthodologiques et théoriques de chacun des documents. Pour faciliter ce travail nous avions au

préalable colligé les réponses des répondants dans les grilles d'analyse présentées dans les

tableaux 4, 5 et 6 figurant dans notre quatrième chapitre. Lors du groupe de discussion, pour

chacune des questions présentes dans le questionnaire, les répondants furent invités à tour de rôle

à expliquer chacune de leurs réponses. Une fois que les répondants se furent exprimés, les

réponses à chaque question furent débattues pour ainsi obtenir un consensus sur les résultats de

notre recherche. Ces résultats « harmonisés » sont répertoriées dans les trois tableaux présents

dans notre quatrième chapitre.

Chapitre 4 Résultats et discussion

114

Comme nous l'avons indiqué précédemment, les résultats collectés par l'entremise de notre

questionnaire ont été colligés par soucis de clarté dans trois grilles d'analyse. En effet, chacune

d'entre elles correspond à une des trois dimensions présentes dans notre questionnaire. Cela nous

permet de catégoriser de manière claire et objective les réponses issues de nos questionnaires.

Nous retrouverons ainsi dans ce chapitre une grille d'analyse propre à notre dimension

philosophique, une autre propre à la dimension méthodologique et une dernière propre à la

dimension théorique. D est bon de rappeler ici que les résultats présents dans ces trois grilles

d'analyse ont été validés d'un commun accord entre tous les répondants après discussion lors du

groupe de discussion. Chacune de ces grilles sera, par la suite, interprétée horizontalement (c.-à-

d. analyse de chaque document selon les indicateurs de chacune des trois dimensions) puis

verticalement (analyse simultanée de chacun des indicateurs des dimensions philosophique,

méthodologique et théorique pour les trois documents).

Comme nous l'avons évoqué précédemment, les résultats de notre recherche sont répertoriés dans

trois tableaux. Chacun de ces tableaux répertorie les résultats propres à chacune des dimensions

composants notre questionnaire. Ainsi, le tableau 4 nous présente les résultats concernant la

dimension philosophique, le tableau 5 les résultats propres à la dimension méthodologique et le

tableau 6 les résultats en rapport avec la dimension théorique.

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118

4.1. Interprétation horizontale

4.1.1. .Le p rogramme des écoles pr imaires élémentaires et complémentaires

(Comité Cathol ique, 1923)

4.1.1.1. La dimension philosophique

4.1.1.1.1. Les buts de l'évaluation

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923)

reconnaît implicitement deux utilités majeures à l'évaluation des apprentissages. Premièrement,

l'acte d'évaluer les élèves permet au maître de classer les élèves afin de les placer dans des

groupes d'études appropriés à leur niveau scolaire et ainsi permettre au mieux le développement

intellectuel des élèves. La nécessité de classer les élèves apparaît nettement dans le document :

« L'instituteur doit partager ses élèves en groupes ou divisions qui

réunissent ceux qui ont à peu près la même capacité de manière que

l'enseignement donné à tout ce groupe soit approprié au développement

intellectuel et aux capacités acquises de chacun. C'est ce qu'on appelle

classer ses élèves. » (Comité Catholique, 1923, p. 55).

La pratique du classement des élèves va de pair avec la mise en place d'une saine émulation entre

les élèves afin que ces derniers travaillent sans cesse dans le but d'obtenir les honneurs attribués

aux meilleurs. Les compositions permettent d'ailleurs de contrôler les connaissances acquises par

les élèves, qui constitue le deuxième but principal de l'évaluation des apprentissages, et de

classer les élèves :

« C'est comme une récapitulation pratique sur les connaissances acquises.

On s'en sert pour contrôler, et en même temps pour stimuler les élèves en

leur donnant un classement. Il est bon d'en donner tous les mois, et de

donner de la solennité au compte rendu des résultats de ces concours,

119

avec des sanctions en bons points ou autrement. » (Comité catholique,

1923, p. 71).

Comme nous venons de l'évoquer, l'évaluation des apprentissages présentée dans Le programme

des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923) a pour but de

classer les élèves en vue de les répartir par niveau scolaire dans des groupes d'études homogènes

et de mettre en place une saine émulation entre les élèves, et de s'assurer qu'ils ont bien assimilé

les connaissances abordées en classe.

4.1.1.1.2. Les valeurs morales de l'évaluation

Contrairement aux deux autres documents, comme nous le verrons par la suite, Le programme

des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923) ne met pas

clairement en évidence des valeurs explicites sur lesquelles reposerait l'évaluation des

apprentissages.

Cependant à la lecture de ce document quelques valeurs peuvent apparaître en filigrane si nous

prenons soin d'étudier minutieusement les directives adressées aux enseignants. En effet, il est

fait référence brièvement à une certaine forme de rigueur dans le chapitre XX de la section 1 de

l'appendice A consacré aux « répétitions, récapitulations, et compositions ». Lorsque le Comité

Catholique aborde la correction des compositions, il met l'accent en ces mots sur l'application et

le sérieux dont doivent faire preuve les enseignants lors de cette étape au combien importante du

processus d'évaluation des apprentissages :

« C'est dire que toutes les compositions sans exception doivent être

corrigées avec le plus grand soin. Et ici c'est le mode de correction

individuelle par le maître auquel il faut donner la préférence. Ce

contrôle personnel est nécessaire. Il sera le seul à assurer les résultats

recherchés. » (Comité Catholique, 1923, p. 71).

120

D apparaît donc clairement dans le texte que l'enseignant étant le seul responsable de la correction

des compositions, et de ce fait de l'évaluation des apprentissages, doit faire preuve d'une grande

rigueur intellectuelle.

Nous pouvons également trouver une brève référence à la notion de transparence, que nous

retrouvons dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003). Ainsi, lors de la

conception des devoirs écrits qui incombe en très grande partie au maître d'école, il est spécifié

qu'il appartient à ce dernier de :

« [...] donner à ses élèves, dans une juste proportion et selon leur

degré d'avancement toutes les explications qui leur sont nécessaires,

afin qu'ils puissent travailler avec profit. » (Comité Catholique, 1923,

p. 69).

Afin que l'élève puisse travailler efficacement et de manière autonome sur ses devoirs écrits, il

devra être en possession de toutes les informations nécessaires à la réalisation de ces derniers. Ce

n'est qu'alors qu'il pourra réellement, après avoir réfléchi longuement et ressassé les leçons vues

en classe, véritablement « appliquer à lui-même, hors de la présence du maître, et sans une aide

de tout instant de sa part, les règles et les principes qu'il a appris. » (Comité Catholique, 1922,

p. 69).

L'identification de ces deux valeurs peut sembler tirée par les cheveux tant elles n'apparaissent

finalement que dans des bribes de texte et ne sont à aucun moment clairement identifiées comme

telles. D est donc possible que ces deux valeurs ne nous soient jamais venues à l'esprit à la

lecture de ce document si elles n'avaient l'importance qui leur est accordée dans l'évaluation des

apprentissages pratiquée de nos jours au Québec, à savoir celle prônée par La politique

d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003). Nous avons peut-être inconsciemment recherché

et trouvé des traces, aussi minces sont-elles, des valeurs représentant le socle de l'évaluation des

apprentissages développée dans la politique de 2003.

121

En outre, il a semblé important pour les répondants de souligner la présence de la morale

religieuse dans tous les secteurs de l'éducation, que ce soit dans les explications des matières du

programme, dans les devoirs écrits, dans les rapports des élèves entre eux, dans la manière

d'appliquer la discipline, et même dans l'aménagement de la classe. De ce fait, il est aisé de

penser même si cela n'est pas clairement présent dans le texte que l'évaluation des apprentissages

ne doit pas échapper à la morale religieuse notamment dans son application concrète et le

jugement que le maître d'école devra immanquablement porter sur ses élèves. Même si cela peut

apparaître comme pure spéculation de notre part, il peut ainsi être envisageable de présenter la

morale religieuse comme pouvant être une valeur importante sur laquelle se base l'évaluation des

apprentissages présentée dans ce document.

4.1.1.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages

Comme nous l'avons évoqué précédemment, l'un des devoirs de l'enseignant est de classer les

élèves dans le but de les répartir dans le groupe d'études le mieux approprié à leur niveau

scolaire respectif. Afin d'apprécier le niveau de chacun de ses élèves, l'enseignant est par la

même occasion en charge de la conception des tâches d'évaluation (devoirs écrits, compositions,

dictées, etc.), de la correction et de la notation de ces derniers. Pour faire simple, l'enseignant est

finalement en charge de tout ce qui se rapporte à l'évaluation des apprentissages et est le seul à

même de poser un jugement sur le niveau scolaire atteint par les élèves puisqu'il est le « seul à

assurer les résultats recherchés. » (Comité Catholique, 1923, p. 71).

En plus de la conception, de la correction et de la notation des tâches d'évaluation, l'enseignant

doit tenir à jour le journal de classe où sont consignées les leçons données dans la journée, et le

registre des notes où sont colligées les notes obtenues par les élèves. Le registre des notes fait

donc office de carnet de route où l'enseignant compile quotidiennement les notes de chacun dans

le but d'élaborer le classement des élèves.

L'enseignant est donc le seul responsable de l'évaluation des élèves et de ce fait le seul à pouvoir

juger de l'étendue des connaissances acquises par ses élèves.

122

4.1.1.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents et

les élèves

Dans ce document, il est essentiellement question de communication entre le maître et les élèves.

Le maître se doit de fournir une rétroaction rapide et de qualité afin de maintenir l'attention des

élèves et de leur permettre de corriger leurs erreurs le plus rapidement possible avant que ces

dernières ne deviennent systématiques et ainsi plus difficilement corrigibles. Qu'elle se fasse de

manière orale et collective, ou individuellement par l'intervention directe du maître auprès de

l'élève, la correction des devoirs écrits doit se faire le plus rapidement possible pour qu'elle

puisse être véritablement efficace et utile à l'élève :

« Ces devoirs écrits perdraient beaucoup de leur utilité, faute d'une

correction judicieuse et journalière. L'instituteur se gardera donc de

ne les examiner qu'après un intervalle d'une couple de jours. Ainsi

renvoyée, la correction n'a plus la même portée éducative et

instructive. L'élève est mal préparé à s'y intéresser. » (Comité

Catholique, 1923, p. 70).

Voici ici l'essentiel des recommandations liées à la communication dans le processus

d'évaluation. À aucun moment dans le document, il n'est question d'échanges d'informations

entre les parents et l'instituteur au sujet du niveau scolaire des élèves. Cependant, nous pouvons

tout de même songer à la possibilité que le classement des élèves puisse être communiqué aux

parents et agir ainsi comme un certain vecteur de communication.

4.1.1.2. La dimension méthodologique

4.1.1.2.1. Les types d'évaluation préconisés

Au vu de l'importance accordée au classement des élèves que ce soit pour stimuler les élèves ou

pour les répartir en groupe de niveaux scolaires afin de faciliter au mieux le développement

intellectuel de chacun, selon les répondants il est indéniable que le présent document à l'étude

fait la part belle à l'évaluation normative. Cette dernière peut être sans conteste considérée

comme la base de l'évaluation des apprentissages préconisée par le Comité Catholique.

123

L'évaluation diagnostique est aussi quelque peu présente lorsqu'il est fait référence dans le texte

au journal d'appel qui permet aux enseignants de connaître les classements des élèves lors de

l'année précédente et aux examens de fin d'année. Après avoir pris connaissance du classement

de l'élève et ainsi de son niveau scolaire, il peut le placer dans le groupe d'études qui lui est le

plus approprié. Quand l'élève ne figure pas sur le cahier d'appel pour diverses raisons

(changement d'école, etc.), l'enseignant doit lui faire passer un examen afin de déterminer son

niveau :

« A défaut de cette indication, le nouvel instituteur fera lui-même un

examen sur les matières fondamentales du français et de

l'arithmétique. L'instituteur est tenu en justice de placer chaque élève

dans le cours qui lui convient le mieux pour continuer son

développement. » (Comité Catholique, 1923, p. 56).

Nous tombons ici quelque peu dans les pratiques propres à l'évaluation diagnostique, même si

cela reste dans le cas présent de l'ordre de la possibilité, puisque l'instituteur n'a recours à ce type

d'évaluation que seulement quand il ne possède aucune information relative au niveau scolaire et

à la capacité, pour reprendre le terme employé par le Comité Catholique, de l'élève dans le cahier

d'appel.

Autant les répondants ont été unanimes sur le fait qu'il n'y ait aucune trace d'évaluation critériée

dans le programme édité par le Comité Catholique, autant les avis sont partagés en ce qui

concerne l'évaluation sommative et surtout formative. Il est apparu pour deux d'entre eux que

l'évaluation formative sous la forme de devoirs à la maison journaliers donnés par l'instituteur

nécessitant une rétroaction rapide et de qualité ou les interrogations de contrôle (que ce soit au

tableau noir devant le reste de la classe ou sous forme de causerie) peuvent apparaître clairement

comme des formes avérées d'évaluation formative. Cependant, un de nos répondants a soulevé un

point important qui avait échappé aux deux autres répondants, à savoir que tout ce qui était

réalisé par les élèves dans le cadre de la classe était consigné dans le registre des notes comme il

y est fait allusion dans la section du texte consacré aux « registres à l'usage du maître » :

124

« Dans le registre des notes, sont marqués journellement les points

obtenus par les élèves. Ces bons points pourraient avoir une valeur

monétaire. On établirait, par exemple, des points de 5, 10, 20, 25 et 50

sous et d'une piastre. » (Comité Catholique, 1923, pp. 58-59).

S'agit-il ici de points réellement comptabilisés au même titre que les notes obtenues par les

élèves lors des compositions ou seulement de « bons points » servant à récompenser une bonne

attitude, un bon travail ou une action digne d'intérêt dans le cadre de la classe ? Si effectivement,

tout ce qui est réalisé par les élèves est noté, comptabilisé, et ajouté aux résultats des

compositions, alors dans ce cas-là nous avons affaire exclusivement à de l'évaluation sommative

et non plus formative. De même, l'évaluation sommative qui n'était jusqu'alors présente que lors

des compositions soumises aux élèves de façon hebdomadaire ou mensuelle et des examens de

fin d'année, prend une toute autre dimension. En effet, là où deux de nos répondants ne lui

attribuaient qu'une « utilisation moyenne », il s'avérerait qu'elle relève d'une toute autre

importance puisqu'elle deviendrait avec l'évaluation normative une des bases de l'évaluation des

apprentissages préconisée par Le programme des écoles primaires élémentaires et

complémentaires (Comité catholique, 1923).

4.1.1..2.2. Les outils d'évaluation évoqués

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique, 1923)

énumère divers outils à l'aide desquels l'enseignant pourra s'assurer avec efficacité que les élèves

ont bien appris et assimilé les diverses règles et leçons vues en classe.

Il est fait allusion assez longuement et de manière répétée tout au long du document aux

interrogations de contrôle qui peuvent être effectué sous forme de causerie, ou au tableau noir

devant la classe :

« Que l'on appelle aussi très souvent les élèves au tableau noir, pour

les faire répondre aux interrogations de contrôle, par lesquelles on

s'assure qu'ils ont compris ce qui leur a été enseigné. » (Comité

Catholique, 1923, p. 63).

125

De même, les devoirs à la maison occupent une place importante dans l'enseignement préconisé

par le Comité Catholique.

« Les devoirs écrits viendront prêter aux leçons du maître un concours

précieux. Ils graveront plus profondément les notions enseignées, ils

les fixeront, ils les préciseront, non seulement en fournissant aux

élèves l'occasion de les écrire [...] mais surtout en faisant un appel

plus puissant à leur activité individuelle. » (Comité Catholique, 1923,

p. 69).

Également, le chapitre XX de la section 1 intitulée Organisation pédagogique des écoles est

entièrement consacré aux diverses formes de révision qui sont mises de l'avant par le Comité

Catholique.

Il est question ici des répétitions permettant de revoir en détail les leçons apprises sans y ajouter

de nouvelles connaissances. La répétition peut se présenter sous deux formes différentes, à

savoir la répétition ordinaire faite après chaque point de la leçon, à la fin de la leçon ou au début

de la leçon du lendemain, et la répétition extraordinaire qui se fait à la fin d'un chapitre, de la

semaine, du mois ou au terme de la séquence d'enseignement.

Il est nous aussi présenté dans ce chapitre du document la récapitulation qui contrairement à la

répétition ne s'en tient quV aux points saillants, aux idées mères. » (Comité Catholique, 1923,

p. 70). H est précisé que chaque répétition doit être suivie d'une récapitulation, car cette dernière

demande un travail de synthèse propice au développement intellectuel des élèves.

Les compositions, que nous avons déjà abordées dans notre partie concernant les buts de

l'évaluation, sont en quelque sorte une récapitulation générale sur les connaissances que les

élèves sont en devoir d'avoir acquis durant une certaine période. Ces compositions pouvant être

hebdomadaires ou mensuelles permettent à l'enseignant d'établir le classement des élèves, et par

126

cela de stimuler les élèves en favorisant une émulation saine tout en contrôlant les acquis des

élèves.

Pour finir l'énumération de ces outils d'évaluation, il est à souligner que le document fait allusion

en quelques occasions au fil du texte à des examens de fin d'année, sans malheureusement qu'à

aucun moment il ne nous soit expliqué en quoi consiste ces derniers et sous quelle forme ils sont

administrés aux élèves. Il aurait été pourtant très intéressant de pouvoir en savoir plus sur ces

derniers et de pouvoir à l'occasion les comparer avec les examens administrés de nos jours.

4.1.1.2.3. Les méthodes de communication préconisées

Nous ne reviendrons pas ici sur la place importante consacrée à une rétroaction rapide et de

qualité consacrant la communication entre les élèves et leur professeur, et sur le classement des

élèves pouvant s'apparenter en quelques sortes à une certaine forme de communication envers les

parents. Néanmoins, il y a une forme avérée de communication et de transmission d'informations

entre les enseignants au sujet des élèves que nous n'avons pas évoquée précédemment. H s'agit

de l'inscription laissée au journal d'appel à la suite des examens de fin d'année, à partir de

laquelle un nouvel enseignant peut apprécier le niveau de chacun et répartir en conséquence ses

élèves dans des groupes d'études appropriés.

« La capacité des élèves se découvre par l'inscription laissée au

journal d'appel, à la suite des examens de la fin de l'année

précédente. [...] L'instituteur est tenu en justice de placer chaque élève

dans le cours qui lui convient le mieux pour continuer son

développement. » (Comité Catholique, 1923, p. 56).

Le cahier d'appel peut ainsi, dans une moindre mesure, faire office de dossier scolaire permettant

aux enseignants d'obtenir des informations sur leurs élèves et d'apprécier leurs parcours

scolaires.

127

4.1.1.3. La dimension théorique

Sur ce point-ci, il est ressorti des questionnaires et du groupe de discussion organisé suite au

retour de ces derniers qu'aucun des répondants n'a été en mesure de mettre en relation

l'évaluation des apprentissages avec un des courants pédagogiques, pourtant de premier plan,

sélectionnés lors de la conception du questionnaire. D est facilement envisageable que

l'ancienneté du document et donc de la conception de l'éducation, et par la même occasion de

l'évaluation des apprentissages, ne puissent nous permettre de retrouver une quelconque trace de

rattachement à l'un des courants pédagogiques retenu pour l'étude, à savoir le béhaviorisme, le

cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme. C'est en cela que réside toute

l'originalité de ce document.

À la lecture du programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires, il nous est

apparu clairement que la vision de l'éducation, les méthodes d'enseignement proposées et

l'évaluation des apprentissages préconisée sont en très grande partie calquées sur le courant

pédagogique crée, développé et diffusé à travers toute l'Europe à partir du XVIIe siècle par les

Jésuites, que nous avons étudié en détail dans la première partie de notre présente étude. En

effet, la référence systématique à la morale et au fait religieux dans quasiment tous les domaines

de l'éducation, de la répartition des classes aux sujets des devoirs écrits, mais aussi la mise en

place d'une émulation entre les élèves établie par les classements et les différents honneurs et

distinctions sanctionnant le mérite distribués en sont des preuves irréfutables.

Le mode d'enseignement prôné dans ce document n'est pas sans rappeler les pratiques des

Jésuites :

« Pendant les heures de classe, il est d'une importance capitale que les

élèves ne restent pas oisifs ; et toute leçon doit donner lieu, de la part

de l'élève, à un travail personnel qui le tient occupé pendant que le

maître passe à un autre groupe. S'il s'agit, par exemple, de la leçon de

catéchisme, l'instituteur enseigne de vive voix le texte aux

commençants ; ceux-ci le répètent distinctement après lui, pendant que

128

les élèves les plus avancés repassent en silence la leçon du jour. »

(Comité catholique, 1923, p. 61).

H est clairement fait référence ici et tout au long du texte aux préceptes éducatifs propres au

courant pédagogique des Jésuites présents dans le Ratio studiorum que nous avons évoqué dans

la section consacrée à St Ignace de Loyola et à la Compagnie de Jésus. Ceci n'est en rien

surprenant puisque le Comité Catholique qui a rédigé Le programme des écoles primaires

élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) est composé de l'ensemble des

évêques représentant les régions ecclésiastiques du Québec. L'Eglise ayant la main mise sur

l'ensemble du système éducatif, c'est donc sans surprises que nous retrouvons la pédagogie

prônée par les Jésuites dans cette politique.

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923)

n'étant pas une politique d'évaluation à proprement parlé mais un programme scolaire, nous

avons été dans l'obligation de développer et de citer régulièrement le texte afin d'étayer les

résultats qui peuvent par moment relever de la simple interprétation de chacun, quand ce ne sont

pas de pures spéculations. Pour les deux politiques que nous allons aborder successivement dès à

présent, nous nous contenterons d'expliquer brièvement la teneur de chacun des éléments

répertoriés dans notre grille d'analyse.

4.1.2. Politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981)

4.1.2.1. La dimension philosophique

4.1.2.1.1. Les buts de l'évaluation

La politique identifie sans ambages quatre buts à l'évaluation des apprentissages. Cette dernière

doit permettre l'amélioration « des décisions relatives à l'apprentissage et au développement

général de l'élève. » (MEQ, 1981, p. 6), et cela à tous les niveaux, que ce soit de l'élève au

ministère en passant par l'enseignant, la direction d'établissement et la commission scolaire.

L'évaluation doit également permettre aux parents de s'impliquer activement dans le

cheminement éducatif de leurs enfants en leur proposant une information claire et utile sur les

129

progrès réalisés par ces derniers dans l'atteinte des objectifs de formation. Elle doit de la même

manière fournir à l'élève des informations le concernant qui seront exigées par la suite par

d'autres instances que ce soit des employeurs éventuels, les cégeps ou les universités. Pour finir,

l'évaluation pédagogique doit permettre de fournir des indications aux différents agents du

système scolaire afin qu'ils puissent juger de la qualité de l'enseignement proposé dans le

système éducatif québécois. Le but ici est de déceler les points faibles du système et d'y remédier

dès que possible pour garantir aux contribuables un accès pour leurs enfants à un enseignement

de qualité.

En bref, l'évaluation des apprentissages doit améliorer la prise de décisions concernant les

élèves, tout en fournissant aux élèves et aux parents une information de qualité. Mais l'évaluation

s'applique aussi désormais au système éducatif lui-même qui sera évalué dans le but de

consolider ses points forts et d'identifier ses points faibles.

4.1.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation

La politique de 1981 édictée par le MEQ met en avant deux grandes valeurs sur lesquelles

doivent reposer les bases de l'évaluation des apprentissages, à savoir la justice et l'égalité. Une

évaluation basée sur un ensemble de renseignements pertinents recueillis avec précision permet

d'éviter les jugements subjectifs et arbitraires, et ainsi de proposer une pratique evaluative plus

juste pour tous les élèves.

L'égalité est également une valeur très importante en éducation. Pour assurer l'égalité de tous les

élèves au sein du système éducatif, une évaluation exigeante de l'élève est nécessaire afin

d'identifier les difficultés individuelles. Une fois identifiées, ces difficultés pourront être réduites

et ainsi chaque élève sera assuré de disposer d'une place égale dans le système éducatif.

Mais pour que soit assuré le respect de ces deux valeurs, l'évaluation doit aussi être teintée d'une

grande rigueur intellectuelle. L'évaluation doit être la plus rigoureuse possible par respect pour

l'élève. En effet, dans le cadre de l'évaluation des apprentissages, un jugement, pouvant être

déterminant pour l'avenir de l'élève, est porté sur un être humain au regard de ses résultats

scolaires. Ce jugement doit être donc le plus proche possible de la réalité. La rigueur est donc

130

une valeur primordiale bien qu'elle ne soit pas évoquée en tant que telle dans le document où elle

n'apparaît que comme un préalable à la concrétisation des valeurs de justice et d'égalité.

4.1.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages

La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) attribue à l'enseignant le rôle de premier

agent de l'évaluation formative de l'apprentissage des élèves puisqu'il est en relation directe et

continue avec l'élève. Il est le plus à même dans tout le système éducatif de déterminer le

moment adéquat pour vérifier si ses élèves ont bel et bien assimilé l'apprentissage visé et de

juger du niveau scolaire atteint par ces derniers.

Il peut également, tout comme le chef d'établissement, mettre en place des gestes d'évaluation

sommative sous forme d'évaluation synthèse en vue de vérifier le degré de maîtrise de certains

concepts ou habiletés.

4.1.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents et

les élèves

Le souci de communication est très important dans cette politique puisque deux des quatre buts

de l'évaluation des apprentissages y font directement allusion. Le droit des parents à

l'information concernant les progrès réalisés par leurs enfants est un des fondements de cette

politique. De même, fournir les renseignements pouvant être exigés par d'autres instances aux

élèves est présenté dans cette politique comme une des responsabilités du système scolaire

québécois. La communication est donc une préoccupation majeure de La politique d'évaluation

pédagogique (MEQ, 1981).

4.1.2.2. La dimension méthodologique

4.1.2.2.1. Les types d'évaluation préconisés

Dans cette politique datant de 1981, nous retrouvons, à des degrés d'importance différents, toutes

les formes d'évaluation citées dans notre questionnaire. L'évaluation normative est relativement

présente dans cette politique. En effet, celle-ci s'effectue en situant les résultats d'un élève par

rapport aux résultats des autres élèves dans le cadre de la poursuite des mêmes objectifs

131

éducatifs. Mais, il est question dans le document d'interprétation normative appliquée surtout en

évaluation sommative. Cette dernière entre en jeu à la fin d'un programme ou d'une séquence

d'apprentissage importante afin d'éclairer précisément les élèves, les enseignants, mais également

les parents sur la maîtrise d'un ensemble d'objectifs. L'évaluation sommative est très présente

dans toute la Politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981).

L'évaluation critériée, à l'image de l'évaluation normative, est étroitement reliée à l'évaluation

sommative, mais également à l'évaluation formative. Celle-ci « se fait en confrontant le résultat

d'un élève au degré attendu de maîtrise d'un ou de plusieurs objectifs, indépendamment des

résultats des autres élèves » (MEQ, 1981, p. 8). L'évaluation sous cette forme est très privilégiée

dans cette politique d'évaluation.

L'évaluation formative est tout aussi privilégiée. Elle apparaît comme une aide pédagogique de

l'enseignant envers l'élève. Elle permet de recueillir des informations afin que l'enseignant, mais

également l'élève puissent se faire une idée du niveau atteint dans la réalisation des objectifs

pédagogiques. Le but principal de celle-ci est donc d'informer, cependant cela révèle par ailleurs

la présence d'une certaine dimension diagnostique. Celle-ci est peu présente, mais est tout de

même évoquée dans le document quand il est question d'évaluation formative :

« Elle peut supposer, au point de départ, une évaluation des acquis des

élèves pour servir de base à la conception d'un programme pédagogique

qui leur convienne. La valeur diagnostique de tout le processus

d'évaluation formative se trouve ainsi mise à profit. » (MEQ, 1981, p. 7).

L'évaluation diagnostique peut de même se retrouver dans le principe du bilan fonctionnel qui se

veut être un procédé visant à déterminer les faiblesses et les capacités de tout élève de niveau

préscolaire, primaire ou secondaire ayant des difficultés d'apprentissage ou d'adaptation dans le

milieu scolaire.

132

4.1.2.2.2. Les outils d'évaluation évoqués

La politique de 1981 évoque, outre les épreuves formelles que sont les tests et les examens,

divers outils comme les grilles d'observation, les examens maison, les feuilles de route, etc.,

servant à recueillir des informations sur les progrès réalisés par les élèves. L'enseignant et les

instances scolaires ont à leur disposition une grande variété d'outils d'évaluation qu'ils utiliseront

en fonction de leurs besoins. Les résultats pourront être interprétés tout aussi bien de façon

critériée ou normative. En ce qui concerne ces divers outils d'évaluation, la politique

recommande aux enseignants et autres agents du système éducatif qui veulent obtenir plus de

détails la lecture des fascicules du « Guide docimologique ».

Le MEQ met également à disposition des commissions scolaires une banque de questions

accompagnée d'indices statistiques qui pourront être consultés lors de la conception des examens

locaux, ainsi que des tests qui viseront à déterminer le niveau de compétence des élèves dans

certains domaines.

La politique évoque en détail le bilan fonctionnel qui permet d'établir un bilan global des

habiletés de l'enfant, et de mettre en évidence les capacités et les faiblesses de celui-ci. Dans le

cadre de l'application de ce bilan fonctionnel, la politique fait allusion à « des instruments de

description et d'analyse de diverses composantes de la situation d'un élève et de son

environnement. » (MEQ, 1981, p. 16).

AA.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées

La Politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) consacre le formulaire

d'évaluation, sous toutes ses formes possibles que ce soit la plus connue d'entre toutes à savoir le

bulletin scolaire, ou les autres que sont la feuille de route et la communication aux parents,

comme l'outil de prédilection pour rendre compte des performances scolaires et du

développement général de l'élève, à l'élève lui-même, à ses parents ou aux instances scolaires. Le

formulaire d'évaluation doit contenir des informations claires et précises afin de faciliter la

communication entre les différents acteurs du système scolaire, les parents et les élèves.

133

4.1.2.3. La dimension théorique

À la lecture de la politique de 1981, il a été clair pour tous les répondants que le seul courant

théorique auquel celle-ci pouvait être rattachée, et ce, de façon flagrante, est le béhaviorisme. En

effet, la référence constante au degré d'atteinte de l'élève envers chacun des objectifs

pédagogiques en évaluation formative et sommative nous renvoie immanquablement à la vision

béhavioriste de l'éducation selon laquelle l'enseignement est une science appliquée basée sur la

théorie pour qui apprendre revient à acquérir un nouveau comportement. De plus, l'aspect

scientifique appliqué à l'enseignement se retrouve très clairement dans la conception des outils

d'évaluation, à savoir les examens et autres tests, et la mise en place de banques de questions et

d'indices statistiques. Le MEQ prétend aussi offrir aux acteurs du secteur éducatif des tests,

permettant de déterminer le niveau de compétence atteint dans certains domaines, qui « seront

préparés selon une démarche technique rigoureuse et ils seront accompagnés de normes

permettant une interprétation immédiate des résultats. » (MEQ, 1981, p. 13).

4.1.3. Politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003)

4.1.3.1. La dimension philosophique

4.1.3.1.1. Les buts de l'évaluation

Le système éducatif québécois ayant la réussite pour tous les élèves comme principal objectif,

l'évaluation des apprentissages « représente un levier pour la réussite. » (MEQ, 2003, p. 13). De

même, l'évaluation, afin de se conformer à la mission de l'école québécoise, à savoir instruire,

socialiser et qualifier, se met au service de l'élève en contribuant par la réalisation

d'apprentissages « à son plein développement intellectuel affectif et social, et ce, quels que

soient ses capacités ou ses besoins particuliers. » (MEQ, 2003, p. 13).

Outre ces deux grands buts que poursuit l'évaluation des apprentissages, la politique de 2003 lui

reconnaît également deux fonctions principales que sont l'aide à l'apprentissage et la

reconnaissance des compétences. L'évaluation représente une aide à l'apprentissage lorsqu'elle

vise essentiellement à soutenir la progression de l'élève dans la réalisation de ses apprentissages,

134

et ce, sous la direction de l'enseignant, ou encore quand « elle conduit à mettre en place des

conditions propices à la réalisation des apprentissages prévus. » (MEQ, 2003, p. 30). En effet,

l'évaluation des apprentissages, sous sa forme diagnostique, permet de déceler les faiblesses et

les caractéristiques propres à chacun des élèves et ainsi de conduire à la mise en place d'activités

différenciées selon les capacités de chaque élève.

En fin de séquence d'apprentissage ou en fin de formation, l'évaluation des apprentissages doit

rendre compte à des fins de sanction des études de l'état de développement des compétences qui

ont fait l'objet d'apprentissages durant la période concernée. On parle ici de reconnaissance des

compétences.

4.1.3.1.2. Les valeurs de l'évaluation

L'évaluation des apprentissages prônée dans cette politique, voulant assurer l'égalité des chances

et la réussite de tous les élèves, repose sur le respect strict de trois valeurs dites fondamentales

que sont la justice, l'égalité et l'équité, et de trois valeurs dites instrumentales, à savoir cohérence,

rigueur et transparence.

4.1.3.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages

Cette politique définit clairement le rôle de l'enseignant dans le processus d'évaluation :

« L'enseignant est le premier responsable de l'évaluation de ses élèves.

Il assume cette responsabilité, notamment en planifiant l'ensemble de

ses interventions en évaluation, en utilisant des stratégies et des

instruments d'évaluation appropriés aux situations et en portant des

jugements sur la progression des apprentissages de ses élèves et le

niveau de développement de leurs compétences. » (MEQ, 2003, p. 19).

L'enseignant assume en grande partie toutes les fonctions de l'évaluation des apprentissages

puisqu'il assure à lui seul la fonction d'aide à l'apprentissage en portant des jugements sur les

apprentissages de l'élève, et celle de reconnaissance des compétences. La 2e orientation de la

présente politique est sans équivoque sur ce point étant donné qu'elle annonce clairement que

135

« l'évaluation des apprentissages doit reposer sur le jugement professionnel de l'enseignant. »

(MEQ, 2003, p. 15).

Cependant, il est également précisé dans la politique que l'enseignant n'est pas pour autant libre

de ses mouvements. Il doit se plier à certaines contraintes et se conformer au cadre

réglementaire, aux normes et aux modalités guidant la pratique evaluative édictée par les

différentes autorités scolaires.

L'enseignant est donc le premier responsable de l'évaluation des apprentissages, mais doit

respecter les balises et les règles établies par la présente politique d'évaluation.

4.1.3.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents et

les élèves

La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) accorde une très grande importance à

la communication. En effet, la 6e orientation de la politique établit que « l'évaluation doit

s'effectuer dans un contexte de collaboration entre différents partenaires tout en tenant compte

de leurs responsabilités. » (MEQ, 2003, p. 19). Il est donc certain qu'une telle collaboration entre

les enseignants, les directeurs d'établissement, les commissions scolaires, le gouvernement, les

parents d'élèves et les professionnels (entreprises, organismes, professionnels en milieu éducatif)

implique nécessairement une forme avérée de communication et une grande circulation des

informations.

De plus, la fonction d'aide à l'apprentissage de l'évaluation prônée par cette politique nécessite

une rétroaction claire et pertinente relative aux apprentissages réalisés par l'élève fournie aux

différents destinataires, dont essentiellement l'élève lui-même et ses parents.

4.1.3.2. La dimension méthodologique

4.1.3.2.1. Les types d'évaluation préconisés

Dans cette politique d'évaluation, seule l'évaluation normative n'est présente à aucun moment.

Par contre, tous les autres types d'évaluation sont très présents.

136

L'évaluation critériée fait partie intégrante du processus d'évaluation prônée par la politique de

2003. Les données recueillies sur les apprentissages des élèves sont comparées avec les résultats

qui sont attendus :

«[.. .] les programmes fournissent un ensemble de données sur les

résultats attendus au terme de la formation et des indications servant à

l'évaluation. A partir de ces données, il est possible d'établir des

balises représentant la progression souhaitée dans le développement

des compétences. » (MEQ, 2003, p. 34).

De plus, il est très clair que la fonction d'aide à l'apprentissage confiée à l'évaluation des

apprentissages renvoie directement à l'évaluation formative dans le sens où l'enseignant suit

l'élève dans ses apprentissages et lui fournit une rétroaction continue et appropriée. Ce dernier

est le seul à pouvoir vérifier où se situe l'élève par rapport aux apprentissages prévus par les

programmes scolaires. En somme, il peut procéder à des évaluations diagnostiques afin de

déceler les faiblesses des élèves et proposer ainsi des mesures d'aide appropriées comme la mise

en place d'activités d'apprentissages différenciées. L'évaluation formative et diagnostique, étant

intimement liées dans l'évaluation des apprentissages prônée ici, sont vraiment d'une grande

importance dans le processus d'évaluation.

Également, l'évaluation sommative est relativement présente, mais elle prend une forme inédite

dans cette politique d'évaluation. Traditionnellement, l'enseignant fait la somme des notes

obtenues par l'élève afin d'établir une note générale faisant état du niveau atteint en regard des

objectifs éducatifs. Désormais, l'enseignant porte un jugement sur chaque travail, puis porte un

regard d'ensemble sur la performance de l'élève, et lui attribue une note sous forme de lettre en

conséquence. L'évaluation sommative est donc entendue dorénavant dans le sens d'évaluation

certificative puisqu'elle sert finalement à rendre compte du degré de développement des

compétences atteint par les élèves.

137

4.1.3.2.2. Les outils d'évaluation évoqués

La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) repose essentiellement sur des

situations d'évaluation visant à vérifier dans quelle mesure l'élève peut mobiliser efficacement et

de manière adéquate les ressources nécessaires à la mise en œuvre des compétences du

programme de formation. Ces situations d'évaluation se présentent sous la forme de tâches

complexes nécessitant la réalisation par les élèves de productions élaborées.

4.1.2.2.3. Les méthodes de communication préconisées

La politique de 2003 nous présente plusieurs vecteurs de communication permettant le suivi et la

transmission d'informations concernant les apprentissages des élèves. D est question du bulletin

scolaire, du portfolio, des rencontres entre parents et enseignants, de feuilles de route, d'agenda

scolaire ou même des annotations apposées sur les travaux des élèves. Mais, il y a aussi le

dernier bulletin attribué en fin de cycle qui fait office de bilan des apprentissages puisqu'il fait

état des compétences acquises et développées par les élèves. Dans le même ordre d'idées, le

relevé de compétences rend compte des compétences acquises ou partiellement acquises par les

élèves de 4e et 5e secondaire. Ce document officiel délivré par le MEQ établit le profil de l'élève

afin de faciliter son orientation vers l'enseignement collégial, la formation des adultes ou le

monde du travail.

4.1.3.3. La dimension théorique

La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) peut être rattachée au courant

pédagogique cognitiviste dans le sens où celle-ci accorde une très grande importance à la notion

de transfert dans le processus d'évaluation des compétences.

« Les activités d'évaluation permettent de déterminer le niveau

d'apprentissage et de vérifier le transfert des compétences dans des

situations réelles de la vie. » (MEQ, 2003, p. 53).

Cette phase de transfert constitue la troisième phase d'apprentissage propre au cognitivisme.

L'enseignant se doit d'aider les élèves à comprendre l'apprentissage, à en retenir l'application en

138

le faisant pratiquer de façon régulière, et à réinvestir cet apprentissage dans des situations

diverses et variées. Nous retrouvons ici les trois phases de l'enseignement prônées par le courant

pédagogique cognitiviste. L'aide à l'apprentissage peut être mise en relation avec les deux

premières phases du processus d'apprentissage cognitiviste, tandis que la reconnaissance des

compétences peut être appréciée dans les situations d'évaluation, comme nous venons de le voir,

en vérifiant le transfert de celles-ci dans des situations réelles.

Le rattachement de La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) au courant

constructiviste est beaucoup plus marqué et ne souffre d'aucune ambiguïté :

« [...] dans une perspective d'apprentissage qui se poursuit toute la

vie, rendre l'élève progressivement autonome et le responsabiliser

constituent des conditions favorables à un apprentissage réussi. Pour

cela, il est nécessaire de l'amener à prendre conscience de ses façons

d'apprendre et à exercer de plus en plus son esprit critique. Pour lui

permettre une participation significative dans le suivi du

développement de ses compétences, l'élève peut être amené à s'évaluer

lui-même et à participer à l'évaluation avec un enseignant ou avec ses

pairs. » (MEQ, 2003, p. 18).

Nous tombons ici en plein dans la conception constructiviste de l'apprentissage qui veut que

l'élève fasse appel à ses connaissances afin de relever les défis qui lui seront proposés par

l'enseignant en cours d'apprentissage. L'enseignant devra également « encourager l'élève à

expliquer son raisonnement en l'amenant à justifier sa réponse à l'aide d'arguments, organiser

des contre-exemples en vue de stimuler sa réflexion, mettre en évidence des contradictions et des

incohérences et l'aider à les surmonter en lui donnant accès aux ressources nécessaires. »

(Legendre, 2004, p. 346).

De même, La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) est rattachée de façon tout

aussi marquée au courant socioconstructiviste dans le sens où l'évaluation des apprentissages,

139

bien que centrée sur l'élève, est réalisée avec la participation de l'enseignant et des pairs dans un

contexte d'entre aide et de collaboration comme cela est souligné dans la présente citation.

A l'issue de cette analyse horizontale, il apparaît clairement, que contrairement aux deux autres

documents, le Programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité

Catholique, 1923) ne traite pas directement de l'évaluation en tant que telle. L'évaluation des

apprentissages n'est pas une préoccupation majeure pour les autorités scolaires de cette époque.

L'évaluation n'est évoquée que lorsqu'il est question de classer les élèves en vue de les répartir

en groupe de travail homogène, ou de mettre en place une saine émulation entre les élèves, et de

s'assurer que les élèves ont assimilé les connaissances abordées durant la classe. Aucune

véritable directive relative à l'évaluation des apprentissages à proprement parlé n'est adressée

par les instances scolaires aux enseignants. Ces derniers sont les seuls chargés de la conception

des tâches d'évaluation (devoirs écrits, compositions, dictées, etc.), de la correction et de la

notation de ces derniers.

A l'inverse, La politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) précise clairement

les intentions du MEQ en ce qui concerne l'évaluation des apprentissages. Ce document, d'une

très grande rigueur, définit et traite de manière quasi-scientifique tous les points qui ont trait à

l'évaluation des apprentissages. L'évaluation des apprentissages fait désormais partie intégrante

des préoccupations liées à l'éducation.

Dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), l'évaluation des apprentissages

est au cœur de la mise en place de l'approche par compétences dans le système éducatif

québécois puisqu'elle est définie comme étant un levier pour la réussite devant permettre la

réalisation du principal objectif du système éducatif québécois que constitue la réussite pour tous

les élèves. L'évaluation des apprentissages est une donc une véritable priorité pour le MEQ.

140

4.2. Interprétation verticale

4.2.1. La dimension philosophique

4.2.1.1. Les buts de l'évaluation

Les buts de l'évaluation ne sont pas définis de manière explicite dans le programme des écoles

primaires de 1923, cependant il reconnaît implicitement trois utilités à l'évaluation. L'évaluation

des apprentissages sert à classer les élèves afin de les répartir dans des groupes d'études

appropriés. Le classement des élèves, permet aussi d'instaurer une saine émulation au sein de la

classe. Enfin, l'évaluation des apprentissages permet de s'assurer que les élèves ont bien compris

et retenu le contenu de leurs cours. Il s'agit ici de la fonction de contrôle des connaissances.

La politique de 1981 reconnaît de son côté quatre buts à l'évaluation des apprentissages qui sont,

dans l'ordre, d'améliorer les décisions relatives à l'apprentissage des élèves, d'informer les

parents, de fournir à l'élève des renseignements exigés par d'autres instances et de permettre de

juger la qualité de l'apprentissage. On voit donc ici que l'évaluation des apprentissages se fixe

des buts inédits par rapport au programme de 1923. La communication aux parents et aux élèves

est dorénavant une préoccupation des instances scolaires. L'évaluation doit permettre

l'amélioration des décisions prises afin de rendre un jugement plus précis et plus fiable en regard

des apprentissages, ainsi que de juger de la qualité de l'apprentissage fourni par les

établissements scolaires. On assiste ici certainement aux prémisses de l'évaluation

institutionnelle. L'évaluation n'est donc plus confinée à la simple fonction de contrôle des

connaissances.

En 2003, les buts poursuivis par l'évaluation sont beaucoup plus humanistes. En effet, ils sont

moins précis que ceux énoncés par la politique de 1981. L'évaluation des apprentissages est

présentée, en 2003, comme un levier pour la réussite. Elle doit permettre la réalisation du

principal objectif du système éducatif québécois qu'est la réussite pour tous les élèves. Elle doit

également permettre la réalisation d'apprentissages conduisant au développement intellectuel,

affectif et moral de l'élève. Néanmoins, l'évaluation des apprentissages perd cette dimension

141

philosophique quand la politique énonce clairement les deux fonctions principales de celle-ci que

sont l'aide à l'apprentissage et la reconnaissance des compétences.

Le rôle principal de l'évaluation qu'est le contrôle des connaissances est présent dans nos trois

documents que ce soit implicitement ou explicitement, mais ses buts évoluent cependant de

manière flagrante à travers ces trois documents. L'émulation préconisée dans le programme de

1923 n'est plus évoquée dans la politique de 1981 et dans celle de 2003 et la notion de

classement ou de comparaison entre élèves disparaît totalement dans La politique d'évaluation

des apprentissages (MEQ, 2003).

De plus, là où la politique de 1981 poursuit des buts précis essentiellement en rapport avec la

diffusion d'information et l'amélioration de la qualité des jugements et des apprentissages, la

politique de 2003 centre son évaluation sur l'élève quand il est question de la réussite de tous les

élèves, de l'aide à l'apprentissage ou de la reconnaissance des compétences. L'évaluation des

apprentissages est dorénavant au service de l'élève afin de permettre son développement

intellectuel, affectif, et social, et l'acquisition de compétences.

4.2.1.2. Les valeurs de l'évaluation

Comme nous l'avons évoqué précédemment, Le programme des écoles primaires élémentaires et

complémentaires (Comité Catholique, 1923) ne s'appuie de façon explicite sur aucune valeur

précise. Cependant, il est apparu que nous pouvions citer la morale religieuse, la rigueur et la

transparence comme telles, même si ces dernières n'apparaissent qu'en filigrane à la lecture du

document.

À l'inverse, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) définit clairement deux valeurs

de base nécessaires à toute évaluation des apprentissages, à savoir la justice et l'égalité. Ces deux

valeurs ne peuvent être assurées en évaluation sans une certaine rigueur intellectuelle nécessaire

pour poser un jugement juste et égalitaire sur les apprentissages réalisés par les élèves.

142

On retrouve ces trois valeurs dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003).

Cette dernière base toute sa conception de l'évaluation sur trois valeurs fondamentales, où l'on

retrouve nos valeurs de justice et d'égalité auxquelles est ajoutée l'équité, et sur trois valeurs

instrumentales, que sont la transparence, la rigueur et la cohérence. Nous avons déjà trouvé des

traces, aussi minces soient-elles, de la transparence et de la rigueur dans le programme de 1923.

La valeur de rigueur est aussi présente dans la politique de 1981. Nous pouvons donc constater

qu'il y a une certaine continuité dans l'importance accordée à certaines valeurs dans l'application

de l'évaluation des apprentissages. En effet, à l'exception de l'équité et de la cohérence, toutes les

valeurs représentant les fondements de l'évaluation prônée par la politique de 2003 étaient déjà

présentes dans l'une ou l'autre des deux politiques plus anciennes.

4.2.1.3. Le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages

Dans le programme de 1923, l'enseignant apparaît comme étant le seul en charge de tout ce qui

se rapporte à l'évaluation des apprentissages de ses élèves. H élabore lui-même les devoirs à la

maison et les compositions diverses, puis procède à la correction et au classement des élèves.

En 1981, le rôle de l'enseignant est beaucoup plus nuancé puisqu'il n'apparaît plus que comme le

« premier agent d'évaluation formative des élèves. » (MEQ, 1981, p. 9). H est aussi spécifié qu'il

peut à l'occasion procéder à des gestes d'évaluation sommative. On sent ici que l'enseignant n'a

plus la même liberté de mouvement que dans le texte de 1923. En somme, il est beaucoup plus

encadré dans ses démarches évaluatives et n'est véritablement autonome que dans l'évaluation

formative.

La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) marque un retour à une plus grande

liberté accordée à l'enseignant dans sa démarche evaluative. Même s'il doit bien évidemment se

conformer aux prérogatives officielles en terme d'évaluation des apprentissages, il est confirmé

dans son rôle de premier agent de l'évaluation des élèves. Le jugement professionnel de

l'enseignant est considéré comme étant la véritable pierre angulaire de l'évaluation des

apprentissages.

143

Après avoir été plutôt confiné dans un rôle de premier agent d'évaluation formative par la

politique de 1981, l'enseignant redevient dans La politique d'évaluation des apprentissages

(MEQ, 2003), à l'image du rôle qui était le sien dans le programme de 1923, le seul à pouvoir

porter un jugement sûr et éclairé sur les apprentissages réalisés par ses élèves.

4.2.1.4. La communication à établir entre les enseignants, les instances scolaires, les parents

et les élèves

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923)

n'accorde que très peu d'importance à la communication dans sa vision de l'évaluation des

apprentissages. Il n'y a comme nous l'avons vu que le principe de rétroaction rapide et directe et

peut-être le classement des élèves qui peuvent s'apparenter à un souci de communication de la

part du Comité Catholique.

Par contre, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) accorde une très grande

importance à la communication puisque deux des quatre buts de l'évaluation des apprentissages

prônée dans ce document y font directement allusion. Effectivement, le souci déclaré d'informer

les parents sur les apprentissages réalisés par leurs enfants relève dans le présent document d'une

très grande importance. On parle même de droit des parents à l'information afin qu'ils puissent

contribuer au mieux au développement intellectuel de leur progéniture. Également, le système

scolaire doit fournir à l'élève des renseignements utiles en vue de la poursuite de ses études dans

un cycle supérieur ou son entrée dans le monde du travail. Cela est considéré à la lecture de ce

document comme l'une des responsabilités majeures du système éducatif québécois.

La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) est dans la droite lignée de celle de

1981 puisqu'elle aussi consacre une place importante à la communication dans le processus

d'évaluation. La politique insiste d'ailleurs grandement sur le fait que l'évaluation des

apprentissages doit se faire dans un contexte de collaboration entre les différents acteurs du

milieu éducatif. À la lecture du document, il apparaît que le souci accordé à la communication

est beaucoup plus flagrant, comme en témoigne la diversité des moyens de communication

proposée à cet effet, et donc relève d'une plus grande importance dans la politique de 2003 que

144

dans celle de 1981 même si cette dernière y accordait déjà une grande importance. Là où

l'importance accordée à la communication était très peu développée dans le document de 1923,

on voit que celle-ci n'a cessé de progresser au cours des années pour devenir de nos jours une des

principales préoccupations des instances scolaires.

4.2.3. La dimension méthodologique

4.2.3.1. Les types d'évaluation préconisés

L'évaluation des apprentissages telle qu'elle apparaît dans Le programme des écoles primaires

élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) se base essentiellement sur

l'évaluation normative au vu de la très grande importance accordée au classement des élèves.

Nous avons évoqué précédemment le cas litigieux de l'évaluation formative qui selon

l'interprétation faite des documents peut-être ou très présente ou totalement absente, nous ne

reviendrons pas dessus dans cette section étant donné que la question reste encore en suspens.

Cependant, l'évaluation sommative est bien tangible dans le programme de 1923, mais à des

degrés d'importance différents selon que l'on considère ou non l'évaluation formative comme

réellement présente. Pour ce qui est de l'évaluation diagnostique, il en est question dans ce

document, mais de manière discrète. Elle n'existe pas vraiment en tant que telle, elle n'est utilisée

qu'au besoin lorsque cela est nécessaire et n'est donc pas systématique. Elle est ainsi peu usitée.

L'évaluation critériée est quand à elle totalement absente dans cette politique.

La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) accorde une grande importance à

l'évaluation normative bien que cela soit un cran en dessous de ce qui était préconisé par le

document de 1923. À l'inverse, il apparaît que l'évaluation sommative occupe dans l'évaluation

préconisée par cette politique une place plus importante que dans le document de 1923. De

même, l'évaluation formative est clairement présente dans cette politique, alors que son statut

était flou dans le précédent document. L'évaluation diagnostique est toujours peu présente dans

l'évaluation des apprentissages, et n'apparaît seulement que comme une des fonctions de

l'évaluation formative. Par contre, l'évaluation critériée fait son apparition dans cette politique et

est très privilégiée. Elle est étroitement reliée à l'évaluation sommative, mais aussi à l'évaluation

145

formative. Désormais, les performances de l'élève sont confrontées avec des degrés attendus de

maîtrise relatifs aux objectifs pédagogiques.

Dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), l'évaluation normative est

totalement abandonnée. Désormais, l'élève réalise ses apprentissages pour lui seul. Ses résultats

ne sont plus mis en relation avec ceux de ses camarades de classe. Ceci marque véritablement un

tournant dans la conception de l'évaluation des apprentissages. L'évaluation normative avait

jusqu'à présent, comme nous pouvons le constater à travers le programme de 1923 et La

politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981), toujours été très présente dams l'évaluation des T

apprentissages. L'évaluation normative est laissée de côté au profit de l'évaluation critériée qui

prend dès lors beaucoup plus d'ampleur. Celle-ci devient en quelque sorte la base de l'évaluation

des apprentissages. De même, l'évaluation diagnostique, jusque-là si discrète, fait dorénavant

partie intégrante du processus d'évaluation puisqu'elle va de pair avec l'évaluation formative qui

relève elle aussi d'une très grande importance dans cette politique. En ce qui concerne

l'évaluation sommative, nous avons vu précédemment qu'elle était présente, mais à un degré

moindre comparativement à la politique de 1981 et surtout qu'elle prenait une tout autre

dimension. Désormais, l'évaluation sommative est entendue dans le sens d'évaluation

certificative puisqu'elle permet de rendre compte du degré de maîtrise des compétences atteint

par l'élève. Ainsi, l'évaluation sommative prend donc une forme jusque-là inédite.

4.2.3.2. Les outils d'évaluation évoqués

Il nous est possible d'apprécier une véritable évolution dans l'utilisation d'outils d'évaluation au

fil du temps à travers ces trois documents. On voit clairement que le programme des écoles

primaires évoque l'importance des interrogations de contrôle, des devoirs à la maison, des

répétitions, des récapitulations, des compositions, mais sans jamais à aucun moment définir ou

réglementer en se basant sur des normes de conception clairement établies l'élaboration de ceux-

ci. L'enseignant élabore en toute autonomie ses outils d'évaluation.

À l'inverse, dans La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981), les outils d'évaluation

sont élaborés de façon rigoureuse et quasi scientifique. Rien n'est laissé au hasard dans la

146

conception de ces derniers. Le MEQ met à la disposition des différents acteurs du secteur de

l'enseignement des banques de questions et des indices statistiques. Les outils préconisés sont

essentiellement les examens et les tests, mais il existe aussi comme nous l'avons évoqué

précédemment divers autres outils d'évaluation telles les grilles d'observation et les feuilles de

route. Cette politique est très formelle en ce qui concerne les outils d'évaluation. Peu de place est

laissée au jugement de l'enseignant, toute interprétation subjective doit être bannie. Cela nous

renvoie directement à la définition de la valeur de justice sur laquelle repose la politique de

1981.

Désormais, dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), l'évaluation est

basée sur des situations d'évaluation présentées sous forme de tâches complexes nécessitant des

productions élaborées. Contrairement à la politique de 1981, ces situations d'évaluation font la

part belle au jugement de l'enseignant étant donné que celles-ci doivent lui permettre de

déterminer quel est le niveau atteint en regard des compétences présentes au programme.

En l'espace d'un siècle, nous sommes donc passer du système traditionnel d'évaluation basé, pour

schématiser, sur les interrogations de contrôle et les compositions de fin de séquences

d'enseignement, à une approche plus scientifique de l'évaluation basée sur des examens et des

tests quasiment standardisés traitant généralement de sujet précis, à aujourd'hui des situations

d'évaluation devant permettre d'apprécier la maîtrise d'une ou plusieurs compétences.

L'évolution des outils d'évaluation est donc très marquée et plutôt frappante. Sur ce point précis,

l'approche par compétences, au regard de nos trois documents, a bien mis en place un outil

d'évaluation inédit jusqu'à présent.

4.2.3.3. Les méthodes de communication préconisées

Comme nous l'avons déjà signalé, la politique de 1923, mis à part le recours au classement des

élèves, l'utilisation d'un journal où sont fait état des classements et des résultats des élèves, et une

rétroaction rapide et directe préconisée lors de la correction des devoirs ou lors des interrogations

de contrôle, n'accorde pas une grande importance à la communication à établir entre les

147

différents acteurs du milieu scolaire. D n'est à aucun moment fait état d'un quelconque outil

permettant concrètement aux parents d'apprécier le niveau scolaire atteint par leurs enfants. D

n'est question dans le document de 1923 que du classement scolaire, mais encore là il n'est pas

spécifié si celui-ci est divulgué aux parents.

À l'inverse, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981), fait de la communication aux

parents, et par la même occasion aux élèves et aux instances scolaires, une de ses priorités en

faisant du formulaire d'évaluation l'outil de prédilection permettant de rendre compte des

performances scolaires et du développement général de l'élève. Ce dernier peut prendre la forme

d'un bulletin scolaire ou d'une feuille de route. Cette pratique apparaît comme quelque chose de

totalement inédit jusqu'à présent puisque la communication aux parents sous une forme concrète

est inexistante dans Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires

(Comité Catholique, 1923).

Dans le même ordre d'idées, La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) propose

un éventail d'outils de communication beaucoup plus varié que la précédente politique. On voit

le portfolio faire son apparition, ainsi que le bilan des apprentissages ou le relevé des

compétences faisant état du niveau atteint par les élèves en regard des apprentissages à maîtriser

à l'issu de leur parcours scolaire. La volonté accrue de fournir et de transmettre des informations

utiles et détaillées aux différents acteurs du milieu est donc indéniable.

Là où les stratégies de communication étaient très floues et peu précises finalement dans le

document de 1923, la politique de 1981 met en place les formulaires d'évaluation comme

principal vecteur de communication. La communication prend donc ici une véritable forme

tangible, permettant la diffusion de l'information concernant les élèves dans tout le milieu

scolaire. La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) consolide cette base en y

ajoutant une multitude d'autres vecteurs de communication (portfolio, rencontres avec les

parents, etc.). On assiste donc ici à une évolution constante et progressive des stratégies de

communication montrant l'intérêt de plus en plus marqué pour la diffusion de l'information à

caractère éducative.

148

4.2.2. La dimension théorique

L'évolution est ici très marquée. L'évaluation des apprentissages prônée dans Le programme des

écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) ne peut être

rattachée à aucun des courants pédagogiques retenus dans notre questionnaire. Cependant, celle-

ci est très proche de la pédagogie prônée et diffusée par les Jésuites à partir du XVIIe siècle en

Europe, notamment à la vue de l'importance accordée au classement des élèves et à l'émulation

mise en place entre ces derniers. À l'inverse, La politique d'évaluation pédagogique (MEQ,

1981) ne peut quand à elle n'être rattachée qu'au courant béhavioriste tant le concept de science

appliquée à l'enseignement est clairement présent. L'évaluation des élèves en regard de l'atteinte

d'objectifs pédagogiques devient une véritable science avec ses outils et ses procédés.

La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003) jetant les bases de l'approche par

compétences fait table rase du passé en basant son évaluation sur les préceptes cognitivistes,

mais surtout constructivistes et socioconstructivistes. Désormais, l'évaluation est centrée sur le

développement intellectuel de l'élève dans un contexte d'entre aide mutuel avec les pairs et de

collaboration avec l'enseignant. Il n'est donc plus question en aucun cas de classer les élèves ou

de les comparer entre eux comme cela été le cas dans Le programme des écoles primaires

élémentaires et complémentaires (Comité Catholique, 1923) ou de limiter l'enseignement à une

simple succession d'objectifs pédagogiques. La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ,

2003) apparaît ainsi comme étant plus humaniste puisqu'elle vise le plein développement

intellectuel, affectif et social de l'élève.

Nous pouvons donc déterminer clairement une évolution en trois temps de l'évaluation des

apprentissages, mais également de l'enseignement en général prônés par les instances scolaires

au Québec. D'une approche pédagogique basée sur l'enseignement des Jésuites en 1923, nous

passons par une approche de l'enseignement par objectifs dans la politique de 1981, pour aboutir

en 2003 à la mise en application de l'approche par compétences consacrée par La politique

d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003).

149

A travers l'étude de ces trois documents, nous pouvons constater que même si l'évaluation et ses

buts ont évolué au fil des années, son rôle principal, à savoir le contrôle des connaissances est

présent dans chacun des trois documents. E en va de même pour les valeurs propres à

l'évaluation prônée dans La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003). Nous

retrouvons quatre d'entre elles dans les deux documents plus anciens. Egalement, le rôle de

l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages n'a guère évolué, même s'il a perdu en liberté

dans la politique de 1981, depuis 1923. Dans ces cas-ci, il y a une évolution indéniable de

l'évaluation des apprentissages mais qui se fait dans une certaine continuité. Il n'y a à aucun

moment de cassure avérée dans le temps entre les trois documents.

L'évolution de la communication et de ses stratégies est quant à elle beaucoup plus constante. La

communication et ses outils se développent progressivement à travers nos trois documents. Par

contre l'évolution des outils d'évaluation est très marquée, voir même frappante puisque nous

passons des simples interrogations de contrôle, à des examens et à des tests quasiment

standardisés, à aujourd'hui des situations d'évaluation. De même, l'évolution théorique de

l'évaluation des apprentissages est tout aussi marquée puisque nous passons d'une approche

pédagogique basée sur l'enseignement des Jésuites en 1923, à un enseignement par objectifs en

1981, et enfin à une approche par compétences. i

Pour ce qui est des types d'évaluation préconisés, l'évolution majeure que nous constatons à

travers notre étude est l'abandon progressif de l'évaluation normative au profit de l'évaluation

critériée. Il est aussi à noter que l'évaluation diagnostique s'est peu à peu développée puisqu'elle

fait à présent partie intégrante du processus d'évaluation. De plus, l'évaluation sommative est

dorénavant entendue dans le sens d'évaluation certificative.

Il ressort de l'étude de ces trois documents officiels que l'évaluation des apprentissages instaurée

suite à la mise en place de l'approche par compétences dans le système éducatif québécois est sur

certains points innovatrice. En effet, le recours aux situations d'évaluation comme principal outil

d'évaluation, l'abandon de l'évaluation normative au profit exclusif de l'évaluation critériée,

l'adhésion au courant cognitiviste, constructiviste et socioconstructiviste de la politique

150

d'évaluation de 2003 marquent un point de rupture avec l'évaluation des apprentissages prônée

jusqu'ici au Québec.

4.3. Les limites de la recherche

La principale limite de notre recherche nous renvoie à sa nature même. En effet, notre recherche

est avant tout une étude de contenu. Notre jugement se base essentiellement sur le contenu des

trois documents que nous avons sélectionnés pour notre étude, fl aurait été souhaitable et

judicieux de réaliser des entrevues avec des personnes ayant vécu l'évaluation des apprentissages

telle qu'elle nous est présentée dans La politique d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981) et bien

entendu dans Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité

Catholique, 1923). Malheureusement, ce dernier datant de 1923, il nous a été difficile de trouver

des personnes à même de pouvoir évoquer leur vécu scolaire.

Notre étude repose donc sur la perception que nos répondants ont eue des trois documents. Nous

leur avons demandé d'étudier et de lire avec minutie chacun des trois documents avant de

répondre à notre questionnaire. Cependant, le nombre peu élevé de répondants ayant participé à

notre étude, à savoir trois, s'avère être également une limite de taille. Même s'il agit ici d'une

étude de contenu, il aurait toutefois été souhaitable afin d'affiner nos résultats de soumettre nos

documents et notre questionnaire à un plus grand nombre de répondants.

Conclusion

152

Le but de cette étude était de déterminer si la mise en place de l'approche par compétences dans le

système scolaire québécois a permis l'instauration d'une évaluation des apprentissages d'un genre

nouveau, ou si a contrario, il ne s'agit en réalité que d'une redite de ce qui était déjà pratiqué par

le passé.

Pour ce faire, nous avons consacré la première partie de notre étude a un bref historique retraçant

les origines de l'évaluation des apprentissages et traitant du développement de celle-ci dans

quelques références en matière d'éducation, à savoir la France, la Belgique, la Suisse, les États-

Unis et bien entendu la province canadienne du Québec. Cet historique nous a permis de dresser

le tableau de ce que fut l'histoire de l'évaluation des apprentissages en différents lieux et ainsi de

replacer l'évolution de l'évaluation des apprentissages au Québec parmi celles de tous ces pays

ayant une tradition éducative et pédagogique depuis longtemps reconnue.

Par la suite, nous avons porté notre intérêt sur l'approche par compétences en tentant de revenir

aux sources de l'apparition du concept de compétence. Puis nous sommes intéressés aux

définitions adaptées à l'éducation et à la mise en application concrète de l'approche par

compétences à travers les exemples du Collège Alverno, de la Belgique et du Québec.

Enfin, l'analyse portant sur l'étude combinée du Programme des écoles primaires élémentaires et

complémentaires (1923), de La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) et de La

politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003), nous a permis de répertorier les points

convergents et divergents de ces différentes politiques d'évaluation, et ainsi de nous faire une idée

précise de ce que fut l'évolution de l'évaluation des apprentissages au Québec .

Nos résultats ont démontré que la mise en place de l'approche par compétences dans le système

éducatif québécois a sur certains aspects contribué à l'instauration d'une évaluation des

apprentissages inédite. En effet, le recours aux situations d'évaluation comme principal outil

d'évaluation, l'abandon de l'évaluation normative au profit exclusif de l'évaluation critériée,

l'adhésion au courant cognitiviste, constructiviste et socioconstructiviste de la politique

d'évaluation de 2003 sont autant de points totalement inédits jusqu'alors. Ces différents points

153

marquent effectivement un point de rupture majeur avec les précédentes évaluations des

apprentissages prônées par les instances scolaires.

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1er juin 2009:

http://www.bfskinner.org/BFSkinner/AboutSkinner.html.

Annexe

163

Questionnaire relatif aux politiques d'évaluation

À travers le présent questionnaire, nous essaierons de mettre en lumière les points convergents et

divergents des différentes politiques évaluatives qui se sont succédé au fil du temps au Québec.

Ce questionnaire porte spécifiquement sur l'étude de trois documents relatifs à l'évaluation des

apprentissages qui ont fait date dans l'histoire de l'éducation au Québec :

-Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (Comité catholique,

1923)

-La politique générale d'évaluation pédagogique (MEQ, 1981)

-La politique d'évaluation des apprentissages (MEQ, 2003)

Ce questionnaire se divise en trois sections portant chacune sur une dimension spécifique de

l'évaluation des apprentissages :

1- la dimension philosophique

2- la dimension méthodologique

3- la dimension théorique

Nous vous demandons tout d'abord de lire attentivement les documents précédemment cités. Par

la suite, en vous appuyant sur ces documents, nous vous demandons de répondre de façon concise

aux quelques questions composant ce questionnaire. Vos réponses et vos commentaires nous

seront d'une aide précieuse dans la réalisation de notre recherche.

164

I- Dimension philosophique

Après la lecture des trois documents sélectionnés, quels sont, selon vous, les buts de

l'évaluation préconisée par ces derniers ?

- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :

- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :

La politique d'évaluation des apprentissages (2003)

165

Selon vous, quelles sont les valeurs morales à la base de ces trois conceptions de l'évaluation

des apprentissages ?

- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :

- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :

La politique d'évaluation des apprentissages (2003)

166

Quel est le rôle de l'enseignant dans l'évaluation des apprentissages selon ces trois

documents ?

- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :

La politique générale d'évaluation pédagogique (1981)

La politique d'évaluation des apprentissages (2003) :

167

Quelle importance accorde-t-on à la communication à établir entre les enseignants, les

instances scolaires, les parents et les élèves selon ces trois documents ?

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)

- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :

- La politique d'évaluation des apprentissages (2003)

168

II- Dimension méthodologique

Selon vous, dans quelle proportion les trois politiques élaborées par les autorités scolaires

retenues pour l'étude privilégient-elles le recours aux types d'évaluations présentés ci-

dessous afin d'évaluer les apprentissages ? Pour chacun des documents, veuillez cocher les

cases correspondant à votre réponse.

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)

Évaluation normative

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

n

j r

Evaluation sommative

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Évaluation diagnostique

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Évaluation critériée

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

n Beaucoup

D

X *

Evaluation formative

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

169

Commentaires

170

- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981)

Évaluation normative

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Évaluation sommative

Pas du tout

D

Un peu

n Moyennement

D

Beaucoup

D

Pas du tout Un peu Moyennement Beaucoup

Évaluation D D D D diagnostique

Évaluation critériée

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

n Beaucoup

D

Évaluation formative

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Commentaires :

171

La politique d'évaluation des apprentissages (2003)

Évaluation normative

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Évaluation sommative

Pas du tout

D

Un peu

n Moyennement

D

Beaucoup

D

Evaluation diagnostique

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Évaluation critériée

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Evaluation formative

Pas du tout

n . Un peu

n Moyennement

D

Beaucoup

D Evaluation formative

Pas du tout

n . Un peu

n Moyennement

D

Beaucoup

D

Commentaires :

172

À votre avis, quels sont les types d'outils d'évaluation qui sont préconisés par les autorités

scolaires, dans chacun des trois documents retenus à l'étude ?

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :

- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981) :

- La politique d'évaluation des apprentissages (2003)

173

Selon vous, quelles sont les stratégies proposées dans chacun des documents afin de

favoriser la communication entre les instances scolaires, les enseignants, les parents et les

élèves ?

- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923) :

- La politique générale d'évaluation pédagogique (1981)

La politique d'évaluation des apprentissages (2003) :

174

III- Dimension théorique

Dans cette dimension, nous traiterons de quelques théories du développement et de l'apprentissage,

à savoir le béhaviorisme, le cognitivisme, le constructivisme et le socioconstructivisme. Afin de

faciliter vos réponses, nous essaierons, à défaut de pouvoir définir clairement ces concepts si

complexes en quelques phrases, de vous permettre d'appréhender ces derniers dans une application

propre à l'évaluation des apprentissages.

Béhaviorisme : Selon l'approche de Skinner, basée sur le principe de l'individualisation de

l'enseignement, « chaque élève a droit à des tâches d'apprentissage sur mesure respectant ses

capacités tout en lui assurant des rétroactions et des renforcements immédiats » (Desbiens, 2004,

p. 299). Afin de concrétiser cette individualisation, tout en respectant scrupuleusement les

caractéristiques propres à chaque élève, Skinner met en place un « enseignement programmé » et

ce qui est appelé « la machine à enseigner ».

L'enseignement programmé est une méthode pédagogique qui « vise à présenter à chaque élève

une matière très progressivement, à susciter une réponse pour chaque segment de contenu et à

faire suivre d'une rétroaction sur l'exactitude (Crahay, 1999 ; Vargas, 2005). Une séquence

d'apprentissage correctement programmée ne permet pas un pourcentage d'erreurs supérieur à

5%. Comme l'explique Crahay (1999), l'élève peut, dans ces conditions, s'approprier l'essentiel

des compétences jugées nécessaires pour son insertion sociale en commettant un minimum

d'erreurs et en progressant au rythme qui lui convient » (Desbiens, 2004, p. 300).

« La machine à enseigner », quant à elle, sera déclinée sous plusieurs modèles qui évolueront au

fil du temps et des progrès technologiques. Cependant, nous pouvons prendre à titre d'exemple le

premier prototype mise en place par Skinner. Ce premier essai présentait aux élèves des

problèmes mathématiques selon un ordre aléatoire et proposait dès la réponse enregistrée une

rétroaction immédiate. Le béhaviorisme est ainsi caractérisé par le recours à cette technologie de

l'enseignement qui elle-même présente trois grandes caractéristiques :

« la participation active de l'élève grâce à son interaction constante avec les contenus

d'apprentissage »;

«- la rétroaction rapide et systématique qui permet à l'apprenant de prendre conscience de

ses réussites ou de ses erreurs et de corriger ces dernières »;

175

« la segmentation des contenus en petites unités organisées hiérarchiquement et

minutieusement sériées de manière à ce que l'apprentissage soit progressif » (Desbiens, 2004,

p. 302).

. Ainsi, selon le béhaviorisme, l'enseignement est une science appliquée basée sur la théorie selon

laquelle apprendre, c'est acquérir un nouveau comportement. Cette théorie a donné lieu à la mise

au point d'une technologie de l'enseignement.

Cognitivisme : Selon le modèle cognitiviste du traitement de l'information, le processus

d'apprentissage « se compose de trois phases distinctes mais complémentaires : l'acquisition, la

rétention et le transfert. On peut ajouter à cela la métacognition » (Bissonnette & Richard, 2004,

p. 309).

« A chacune des trois phases du processus d'apprentissage correspondent différentes

interventions pédagogiques que l'enseignant peut enseigner afin d'aider les élèves à comprendre,

à retenir et à transférer ce qu'ils apprennent. La phase d'acquisition (phase 1), soit la

compréhension de l'apprentissage, est favorisée par un enseignement explicite accompagné d'une

supervision et d'un questionnement réguliers appuyés par une rétroaction constante. La pratique

répétée et variée, qui vise l'atteinte d'un degré de maîtrise élevé de l'apprentissage puis son

automatisation, contribue à l'obtention d'un haut degré de compréhension. La phase de rétention

dans la mémoire à long terme (phase 2) s'appuie d'abord sur l'objectivation des apprentissages

réalisés. Lorsque l'enseignant prévoit des activités de consolidation et de réinvestissement à

réaliser régulièrement en classe, la rétention est améliorée par la fréquence du rappel des

apprentissages. Dans la phase du transfert (phase 3), l'enseignant favorise le transfert vertical en

établissant une structure où il propose les apprentissages de façon ordonnée, successive et

cumulative. En créant des occasions supplémentaires d'enrichissement permettant aux élèves de

réinvestir les apprentissages réalisés dans des situations variées, l'enseignant leur fera effectuer

des transferts horizontaux » (Bissonnette & Richard, 2004, p. 330). La notion de transfert

pourrait être définie « comme la capacité à utiliser ce qu'on a appris dans un contexte simple

pour l'appliquer à un contexte plus complexe (transfert vertical), ou la capacité à généraliser ce

qu'on a appris dans un contexte initial pour l'étendre à de nouveaux contextes (transfert

horizontal) » (Bissonnette & Richard, 2004, p. 323). Car en fin de compte, « le but ultime de

l'enseignement est d'amener les élèves à effectuer le transfert des apprentissages d'une tâche à

176

l'autre, d'une année scolaire à l'autre, de l'école à la maison et du milieu scolaire à celui du

travail » (Bissonnette & Richard , 2004, p. 323).

Constructivisme : L'une des idées clés de ce concept est « que l'élaboration de connaissances

nouvelles est un processus adaptatif qui résulte, pour une large part, des limites mêmes de nos

schemes d'assimilation dans leurs interactions avec le réel. [...]Bref, l'apprentissage est une

activité de recherche de sens, et c'est grâce aux obstacles, sources de déséquilibre, que le sujet va

construire des connaissances nouvelles » (Legendre, 2004a, p. 346).

Dans les faits, l'enseignant devra essayer de stimuler chez l'élève « la recherche et le besoin de

vérifier en proposant à ce dernier des situations susceptibles de l'amener à s'interroger. On lui

proposera des défis à sa mesure, qui l'encourageront à mobiliser ses connaissances antérieures

et à recourir aux outils intellectuels dont il dispose. [...] L'élève doit avoir de multiples occasions

défaire appel aux connaissances qu'il a acquises pour en éprouver la validité et la généralité. Il

appartient à l'enseignant de lui fournir de telles occasions. Pour ce faire, le maître devra

encourager l'élève à expliquer son raisonnement en l'amenant à justifier ses réponses à l'aide

d'arguments, organiser des contre-exemples en vue de stimuler sa réflexion, mettre en évidence

des contradictions ou des incohérences et l'aider à les surmonter en lui donnant accès aux

ressources nécessaires. C'est notamment par l'expérimentation, la discussion, l'échange de points

de vue et le choc des idées que l'élève sera amené à prendre conscience de ce qu'il sait mais aussi

des limites de ses connaissances antérieures et de la pertinence d'intégrer de nouveaux savoirs »

(Legendre, 2004, p. 346).

Socioconstructivisme : Bien que de nombreux auteurs puissent être apparentés à la pensée

socioconstructiviste, nous avons choisi de privilégier, sans vouloir rentrer dans aucune

controverse quelle qu'elle soit, la pensée de Vygotsky qui apparaît dans bon nombre d'ouvrages

comme étant une des références en la matière.

La pensée éducative socioconstructiviste prônée par Vygotsky est basée sur la notion de zone de

développement proximal désignant « la distance entre le niveau de développement de l'enfant tel

qu'il est déterminé par les problèmes qu'il est capable de résoudre seul et un niveau de

développement potentiel correspondant aux problèmes qu'il parvient à résoudre sous la guidance

de l'adulte ou en collaboration avec des pairs plus compétents. [...] De même, l'enfant apprend

177

beaucoup par l'imitation et le jeu conçus comme des activités intelligentes pourvues de sens. Il ne

peut toutefois y parvenir que dans certaines limites définies par l'état de son développement et de

ses possibilités intellectuelles, autrement dit à l'intérieur de sa zone de développement. Cette

dernière va s'avérer essentielle pour comprendre les répercussions de l'éducation, formelle ou

informelle, sur le développement cognitif de l'enfant. Car, il est tout aussi stérile, selon Vygotsky,

d'enseigner à l'enfant ce qu'il n'est pas capable d'apprendre que de lui enseigner ce qu'il est

capable de faire tout seul. La possibilité de faire passer l'enfant d'un niveau de développement à

un autre lui apparaît déterminante pour la psychologie de l'apprentissage, d'où l'importance qu'il

accorde à l'étayage effectué par l'adulte dans le processus éducatif de l'enfant. Mais c'est plus

largement en ce qui a trait aux activités socialement médiatisées par des outils que sur le plan

des interactions avec autrui que Vygotsky envisage le processus d'actualisation du niveau de

développement potentiel. Dans cette perspective, le rôle fondamental de l'éducation est de

favoriser l'appropriation d'outils culturels qui auront pour effet d'activer le développement de

l'enfant et de créer, ce faisant de nouvelles zones de développement proximal.» (Legendre, 2004b,

p. 361).

178

Pour chacun des documents étudiés, indiquez, selon vous, le degré de concordance entre les

types d'évaluations mis de l'avant par les autorités scolaires et les courants pédagogiques

auxquels ils peuvent être rattachés.

- Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)

Béhaviorisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

n Beaucoup

D

Cognitivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Constructivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Socioconstructivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Commentaires

179

Le programme des écoles primaires élémentaires et complémentaires (1923)

Béhaviorisme

Pas du tout

n Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Cognitivisme

Pas du tout

D

Un peu

n Moyennement

D

Beaucoup

D

Constructivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

n

Socioconstructivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Commentaires

180

- La politique d'évaluation des apprentissages (2003)

Béhaviorisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

n Beaucoup

D

Cognitivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Constructivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Socioconstructivisme

Pas du tout

D

Un peu

D

Moyennement

D

Beaucoup

D

Commentaires

181