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pharmacothérapeutique pratique
Actualités pharmaceutiques n° 519 Octobre 2012
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Série endocrinologie
Hormones thyroïdiennesContraceptifs oraux
Avec une prévalence, dans la population
française, d’environ 1,9 % pour les
hommes et de 3,3 % pour les femmes,
l’hypothyroïdie constitue un trouble
thyroïdien qui peut être responsable
de complications graves, en particulier
cardiaques. Le pharmacien occupe
une place privilégiée pour dépister
une éventuelle origine iatrogène
de l’affection (amiodarone, lithium,
cytokines…) et accompagner les patients
dans leur traitement substitutif.
Mode d’action - Propriétés pharmacologiquesLes hormones thyroïdiennes sont représentées princi-palement par deux molécules endogènes : la thyroxine (correspondant à la tétra-iodothyronine ou T4), pré-curseur de la liothyronine (triiodothyronine ou T3) qui, libre, est la molécule active. Elles sont transportées dans le sang majoritairement par la thyroxine binding alpha globulin et par la thyroxine binding prealbumin.Les hormones thyroïdiennes exercent des effets physio-logiques à de nombreux niveaux de l’organisme, en particulier métaboliques : augmentation de la thermo-genèse, effet hyperglycémiant ou hypocholestéro-lémiant, catabolisme protéique, augmentation de la fil-
tration glomérulaire et du débit sanguin rénal, croissance osseuse, effet tachycardisant, accélération du transit digestif… Leur équilibre est très fragile et diverses cau-ses peuvent le déstabiliser à tout âge de la vie, pouvant provoquer un mauvais développement du fœtus ou de l’enfant et diverses défaillances organiques.
TraitementIl n’existe aucun traitement permettant d’augmenter la synthèse endogène d’hormones thyroïdiennes. Seule la substitution par des hormones de synthèse permet d’équilibrer la concentration plasmatique. Cette subs-titution doit généralement être envisagée à vie.Différentes molécules sont commercialisées en France, parfois en association (tableau 1). L’énantio-mère lévogyre étant plus actif que le dextrogyre, les médicaments sont uniquement constitués de la forme lévogyre. Ces hormones sont généralement adminis-trées par voie orale, associée à une bonne biodisponi-bilité lorsqu’elles sont prises à jeun (tableau 2).
IndicationsLes hormones thyroïdiennes, en particulier la lévo-thyroxine, sont indiquées pour freiner la thyréo-stimuline (TSH), que cela soit associé ou non à une hypothyroïdie.La liothyronine et le tiratricol sont utilisés dans le trai-tement des résistances périphériques aux hormones thyroïdiennes, de certains cancers TSH-dépendants, de certains goitres simples et de certains nodules, ainsi que dans le traitement substitutif des hypothyroïdies
Hormones thyroïdiennes
Tableau 1 : Principales hormones thyroïdiennes
Dénomination commune internationale (DCI)
Spécialité Présentation Posologie Demi-vie
Lévothyroxine (L-T4) Lévothyrox®
+ G
Cp séc. à 25, 50,
75, 100, 125, 150,
175 ou 200 μg
Hypothyroïdie : dose journalière initiale généralement de
25 μg, puis augmentation par paliers de 25 μg (ou 12,5)
pour arriver à une posologie d’entretien adéquate
6-7 jours
L-Thyroxine
Serb®
Sol. buvable
en gouttes
150 μg/mL
Sol. inj. 200 μg/mL
Initiation par 5 gouttes maximum pendant au moins une
semaine, puis augmentation progressive jusqu’à 20 à
30 gouttes (5 μg de lévothyroxine/goutte)
Coma myxœdémateux : posologie moyenne de 100 μg/
jour chez l’adulte en IV lente
Liothyronine (L-T3) Cynomel® Cp séc. à 25 μg Hypothyroïdie : posologie initiale de ¼ à ½ cp/jour. Dose
d’entretien en moyenne de 75 μg par jour en 2 à 3 prises
1 jour
Association de L-T4
et L-T3
Euthyral® Cp séc. avec
100 μg de L-T4
et 20 μg de L-T3
Hypothyroïdie : posologie initiale de ¼ ou ½ cp/jour
Tiratricol Téatrois® Cp à 350 μg 2 à 5 cp/jour en 3 à 4 prises (en association à la L-thyroxine). 6 heures
G : génériques ; IV : voie intraveineuse ; sol : solution ; séc : sécable.
Tableau 2 :
Pharmacocinétique des
hormones thyroïdiennes
Absorption 80 à 95 %Liaison
aux protéines
de transport
> 99 %
Métabolisme T4 en T3 sous l’action
de la 5’désiodase
Élimination Urinaire et biliaire
de T3
T3 : triiodothyronine ;
T4 : tétra-iodothyronine.
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nes dans le cas où un effet rapide ou transitoire est souhaité.
La solution injectable intraveineuse (IV) ou intramuscu-laire (IM) est réservée aux hypothyroïdies secondaires.
Contre-indications Contre-indications communes :
– hyperthyroïdie ;– cardiopathie, arythmie (surveillance éléctro cardio-graphique) ;– obésité sans dysthyroïdie. Mises en garde et précaution d’emploi communes :
– cardiopathie compensée, arythmie cardiaque contrôlée ;– insuffisance surrénalienne ;– dysfonctionnement hypophysaire. Des mises en garde et précautions d’emploi
spécifiques existent (tableau 3).
Grossesse et allaitementLes hormones thyroïdiennes passent très peu à tra-vers le placenta et leur administration est dépourvue de conséquences sur le fœtus. Le traitement doit être
impérativement poursuivi pendant toute la grossesse. Toutefois, il est recommandé d’effectuer une sur-veillance par dosage hormonal tous les 2 à 3 mois, et d’adapter le traitement si nécessaire.Si le traitement est composé au préalable de T3, une substitution ou une association par la lévothyroxine est requise.Une proportion significative d’hormones est éliminée dans le lait maternel, mais l’allaitement est possible en cas de traitement par hormone thyroïdienne, mis à part pour le tiratricol.
Effets indésirablesLes effets secondaires sont relativement rares et compren nent plusieurs manifestations :– troubles cardiovasculaires avec aggravation des cardio pathies et des troubles du rythme cardiaque ;– hypercalciurie chez l’enfant ;– insuffisance surrénale aiguë dans les insuffisances thyroïdiennes sévères ou d’origine centrale ;– déminéralisation osseuse ;– réaction allergique type prurit ou urticaire ;– amaigrissement, céphalée, diarrhée, fièvre, hyper-sudation, hyperthyroïdie et insomnie.
Interactions médicamenteusesInteractions médicamenteuses nécessitant
des précautions d’emploi
L’augmentation de l’effet anticoagulant des anti-
vitamines K (AVK) par un métabolisme accru des facteurs du complexe prothrombinique majorant le risque hémorragique, il est nécessaire d’effectuer des contrôles plus fréquents de l’International normalized ratio (INR) et d’adapter la posologie de l’anti coagulant oral lors de l’instauration des hormo-nes thyroïdiennes. L’effet hypoglycémiant des antidiabétiques
rencontrant l’opposition des hormones thyroïdiennes, le contrôle de la glycémie doit être renforcé et la dose d’antidiabétique éventuellement adaptée. Les inhibiteurs de protéase influençant l’effet de la
lévothyroxine, la surveillance doit être accrue en cas d’association.
Médicaments pouvant renforcer l’effet
des hormones thyroïdiennes
Les hormones thyroïdiennes peuvent être déplacées de leur liaison aux protéines plasmatiques par les sali-cylates, de fortes doses de furosémide (250 mg), les anticoagulants oraux, la phénylbutazone, le clofibrate, la phénytoïne et divers autres médicaments.
Tableau 3 : Précautions d’emploi, contre-indications
et contre-indications spécifiques des hormones
thyroïdiennes
Spécialité Excipient à effet notoire
Précautions d’emploi spécifiques
Cynomel® Saccharose
Amidon de blé
Allergie au blé (autre que la maladie
cœliaque)
Euthyral® Lactose monohydrate Sujet âgé (contre-indication)
Lévothyrox® Lactose monohydrate Le soja peut diminuer l’absorption
intestinale de la lévothyroxineLévothyroxine Mannitol
L-thyroxine® en
gouttes buvables
Propylène glycol
Alcool éthylique 95 %
Huile de ricin (éther
polyéthylène glycolique)
État anorexique ou dénutrition
Hypertension artérielle
Tuberculose
Alcoolisme chronique,
grossesse, allaitement, enfant,
affection hépatique, épilepsie
ou autre traitement en cours
(présence d’alcool)
L-thyroxine® en
solution injectable
Hydroxyde de sodium
Téatrois® Lactose monohydrate Hypertension artérielle
Hyper-anxiété (contre-indication)
À noterLes formes d’hormones thyroïdiennes contenant du
lactose ou du mannitol sont déconseillées chez les
patients présentant une intolérance au galactose,
un déficit en lactase de Lapp ou un syndrome
de malabsorption du glucose ou du galactose.
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nesMédicaments affaiblissant l’effet des hormones
thyroïdiennes
Les inducteurs enzymatiques majorant le ris-que d’hypothyroïdie clinique par augmentation du métabolisme de la T3 et de la T4, une surveillance des taux sériques de T3 et T4 et éventuellement une adaptation de la posologie des hormones sont nécessaires. Des médicaments à base d’aluminium (anti-
acides, sucralfate), de fer, de carbonate de calcium
ou Kayexalate®, et les résines échangeuses d’ions comme la cholestyramine (Questran®) sont suscep-tibles de baisser l’absorption des hormones thyroï-diennes, diminuant leur activité. C’est pourquoi un intervalle d’au moins deux heures doit être respecté entre la prise des deux médicaments. Les contraceptifs à base d’estrogènes ou un trai-
tement hormonal substitutif de la ménopause peuvent augmenter les besoins en hormones thyroïdiennes. Les produits à base de soja peuvent également
diminuer l’absorption intestinale des hormones thyroïdiennes. La sertraline, la chloroquine et le proguanil dimi-
nuent l’effet des hormones thyroïdiennes.
Interaction médicamenteuse spécifique
à la lévothyroxine
L’amiodarone inhibe la transformation périphérique de T4 en T3. En raison de sa teneur élevée en iode, l’amiodarone peut déclencher aussi bien une hyper-thyroïdie qu’une hypothyroïdie. Une prudence particu-lière est de rigueur en cas de goitre nodulaire. Le propylthiouracile, les glucocorticoïdes, les
bêtabloquants comme le propranolol et les pro-
duits de contraste iodés inhibent, de la même manière, la transformation périphérique de T4 en T3 et diminuent l’action de la lévothyroxine.
AssociationsSi le patient ne répond pas au traitement par lévo-thyroxine, il est possible de lui associer de la lio-thyronine (association fixe Euthyral®).De la même façon, le tiratricol peut être associé à la lévothyroxine lorsque l’effet freinateur sur la TSH est insuffisant.
Modalités de prescriptionDevant une hypothyroïdie, le traitement de choix est la lévothyroxine. La posologie des hormones thyroï-diennes est spécifique à chaque individu. L’instau-ration doit être progressive, par palier d’environ une
semaine, et un suivi biologique et clinique doit être réalisé jusqu’à l’obtention des objectifs. Chez l’adulte, le dosage est généralement compris entre 100 à 150 μg jour alors que chez l’enfant, la dose varie entre 2,5 et 8 μg par kg selon son âge.Une fois la posologie stable depuis au moins 5 semai-nes, il est nécessaire d’effectuer un nouveau contrôle biologique de T3 et T4 afin de vérifier qu’il n’y a pas de surdosage et de contrôler que la TSH est normalisée pour les hypothyroïdies d’origine basse. Lorsque le traitement est stabilisé, un dosage de TSH une ou deux fois par an est suffisant.Si le traitement par T4 ne permet pas de normaliser les chiffres biologiques, il convient de passer à la T3 ou à l’association des deux hormones.Pour un enfant de moins de 6 ans, la forme adéquate est la solution buvable en gouttes.Le traitement de choix des myxœdèmes est la liothyronine.Dans le cas d’un cancer thyroïdien, le traitement est composé soit de liothyronine, soit de tiratricol.
Conseils associésPrise
Les laits de vache ou de soja ainsi que les jus de fruits diminuant l’absorption intestinale des hormones thyroï diennes, les comprimés doivent être pris chaque matin à jeun avec de l’eau en attendant 30 et 60 minu-tes avant d’ingérer un autre médicament et 60 minutes
Retenir l’essentiel pour la pratiquedans
les cas d’hypothyroïdie. Identiques aux hormones naturelles,
elles se substituent à un déficit démontré.
est
très efficace mais tout aussi dangereux s’il est mal conduit.
L’éducation du patient est un élément majeur pour sécuriser
la prise du traitement (prise à jeun, pas de doublement en cas
d’oubli…).
réguliers et connaître les signes d’un sous-dosage et d’un
surdosage.
, nombreuses,
nécessitent de limiter le recours à l’automédication.
par
des spécialités différentes peut déstabiliser le traitement.
C’est pourquoi il est recommandé de toujours délivrer la même
spécialité.
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nes avant de prendre son petit-déjeuner. À défaut, il est
recommandé d’administrer le traitement au coucher.En cas de difficultés de déglutition, il est possible d’écraser les comprimés dans 10 à 20 mL d’eau tant que la prise est immédiate ou de passer à la forme en gouttes buvables. L’écoulement des gout-tes se fait par simple retournement du flacon sans le secouer.En cas d’oubli d’une prise, la dose suivante ne doit pas être doublée mais le traitement poursuivi normalement.Chez le nourrisson et l’enfant, il est plutôt recom-mandé de répartir la prise sur 24 heures.
Délai d’action et effets indésirables
L’effet des hormones thyroïdiennes est maximal après trois à quatre semaines de traitement. Les signes de sous- ou de surdosage peuvent aussi survenir au bout de ce délai (tableau 4).
Conservation
Les hormones thyroïdiennes étant instables à la lumière et à la chaleur, les comprimés doivent être conservés dans leur emballage dans un endroit frais (8 à 15 °C)
et sec. Les gouttes se conservent au réfrigérateur afin de ne pas altérer l’activité pharmacologique.
Substitution de la lévothyroxine
La lévothyroxine en comprimés est inscrite au réper-toire des médicaments génériques depuis mai 2010. Les conditions de substitution sont les mêmes que pour les autres molécules généricables. Toutefois, l’adapta-tion de la posologie étant spécifique à chaque patient et la marge thérapeutique étroite, quelques précautions doivent être prises. L’intervalle de la bioéquivalence entre Lévothyrox® et ses spécialités génériques a été resserré entre 90 et 111 % pour l’aire sous la courbe des concentrations plasmatiques mesurées entre 0 et 48 heures après la prise. Chez certains patients, une variation de l’exposition, même très faible, pouvant perturber l’équilibre thérapeutique, il semble préférable de délivrer la même spécialité à chaque dispensation. Ainsi, il est recommandé d’initier le traitement directe-ment avec une marque de générique et de poursuivre tout le traitement avec cette même marque. En cas de nécessité de substitution (rupture de stock, chan-gement de génériqueur), les surveillances cliniques et biologiques doivent être renforcées. n
Sébastien Faure
Maître de conférences des universités
Faculté de pharmacie, Angers (49)
Déclaration d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts
en relation avec cet article.
Pour en savoir plusAlmandoz JP, Gharib H. Hypothyroidism: etiology, diagnosis, and management. Med Clin North Am. 2012;96(2):203-21.
Haute Autorité de santé. Hypothyroïdies frustres chez l’adulte : diagnostic et prise en charge. HAS. 2007. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/hypothyroidies_frustes_-_recommandations_vf.pdf
Tableau 4 : Signes principaux d’un dosage trop faible
ou trop élevé en hormones thyroïdiennes
Effets d’un sous-dosage Effets d’un surdosage
Asthénie, intolérance au froid Fébricule, sueurs, thermophobie
Bradycardie, angor Tachycardie, trouble du rythme cardiaque,
hypertension artérielle, voire insuffisance
cardiaque
Constipation Diarrhée
Dépression, tableau démentiel
chez le sujet âgé
Insomnie, irritabilité, tremblements fins
Douleurs musculaires Faiblesse et perte de masse musculaire
Infiltration cutanée
avec myx œdème, dépilation,
faciès lunaire
Prise de poids Amaigrissement malgré un appétit normal
ou augmenté
Voix rauque