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Juillet 2007, vol. 7, n° 2 Droit, déontologie et soin 209 S YNTHÈSES Hospitalisation sous contrainte, un difficile équilibre entre sécurité et libertés Christiane OTT Cadre supérieur de santé, EPSMD de l’Aisne Prémontré Résumé Le soin en psychiatrie, loin d’être en difficulté avec la liberté, en est la garantie : la protection apportée au plus faible, la considération pour la personne, quel que soit son état de lucidité, marquent sa place, irremplaçable. Mais cette attention pour le soin suppose aussi de gérer les hospitalisations sous contrainte, avec des répercussions pour les personnes concernées et pour leur environnement, à commencer par les autres patients. Enfin, les préoccupations sécuritaires pèsent sur l’ensemble. Dans la recherche de l’équilibre, les soignants peuvent puiser dans le corps des droits fondamentaux pour revisiter leurs pratiques, tout en sachant qu’un régime spécifique de responsabilité permet de gérer l’inévitable risque. En 1990, 32 000 personnes en France sont sous placement dont 6 000 sous placement d’office. En 1999, le pourcentage des hospitalisations sous contrainte comparé au total du nombre d’hospitalisations psychiatriques était de 12,5 %, soit 55 740 HDT et 8 500 HO 1 . Cette augmentation a été confirmée par la cir- culaire DGS/6C n° 2004/237 du 24 mai 2004 relative au rapport d’activité de la commission départementale des hospitalisations psychiatriques pour l’année 2003. Ainsi, il a été prononcé sur la France : – en 2000, 71 697 mesures d’hospitalisations sans consentement sur 100 départements, dont 62 560 mesures d’HDT et 9 171 mesures d’HO, 1. HDT : hospitalisation à la demande de tiers ; HO : hospitalisation d’office. L’augmentation globale du nombre d’hospitalisations sans consentement a été beaucoup plus importante entre 1988 et 1998 puisque leur nombre s’est accru de 57 % (plus de 77 % pour les HDT, plus de 33 % pour les HO), cependant selon ce même rapport, la durée moyenne d’hospitalisation en HDT est en décroissance. Rapport de la Commission européenne sur les législations comparées sur l’hospitalisation sans consentement en 2002.

Hospitalisation sous contrainte, un difficile équilibre entre sécurité et libertés

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Hospitalisation sous contrainte, un difficile équilibre entre sécurité et libertés

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Cadre supérieur de santé, EPSMD de l’Aisne Prémontré

Résumé

Le soin en psychiatrie, loin d’être en difficulté avec la liberté, en est lagarantie : la protection apportée au plus faible, la considération pour lapersonne, quel que soit son état de lucidité, marquent sa place, irremplaçable.Mais cette attention pour le soin suppose aussi de gérer les hospitalisationssous contrainte, avec des répercussions pour les personnes concernées etpour leur environnement, à commencer par les autres patients. Enfin, lespréoccupations sécuritaires pèsent sur l’ensemble.Dans la recherche de l’équilibre, les soignants peuvent puiser dans le corpsdes droits fondamentaux pour revisiter leurs pratiques, tout en sachantqu’un régime spécifique de responsabilité permet de gérer l’inévitable risque.

En 1990, 32 000 personnes en France sont sous placement dont 6 000 sousplacement d’office. En 1999, le pourcentage des hospitalisations sous contraintecomparé au total du nombre d’hospitalisations psychiatriques était de 12,5 %,soit 55 740 HDT et 8 500 HO

1

. Cette augmentation a été confirmée par la cir-culaire DGS/6C n

°

2004/237 du 24 mai 2004 relative au rapport d’activité dela commission départementale des hospitalisations psychiatriques pour l’année2003. Ainsi, il a été prononcé sur la France :

– en 2000, 71 697 mesures d’hospitalisations sans consentement sur100 départements, dont 62 560 mesures d’HDT et 9 171 mesures d’HO,

1. HDT : hospitalisation à la demande de tiers ; HO : hospitalisation d’office. L’augmentation globale dunombre d’hospitalisations sans consentement a été beaucoup plus importante entre 1988 et 1998 puisqueleur nombre s’est accru de 57 % (plus de 77 % pour les HDT, plus de 33 % pour les HO), cependantselon ce même rapport, la durée moyenne d’hospitalisation en HDT est en décroissance. Rapport de laCommission européenne sur les législations comparées sur l’hospitalisation sans consentement en 2002.

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– En 2001, 72 519 mesures d’hospitalisations sans consentement sur99 départements, dont 62 894 mesures d’HDT et 9 625 mesures d’HO.

Cette évolution entre 1992-2001, a été étudiée selon les données issues dela circulaire d’avril 2005

2

:

– le nombre d’hospitalisation sans consentement : + 86 %,– le nombre d’HDT : + 60 % (de 39 084 à 62 894),– la part des hospitalisations sous contrainte dans le nombre total des hos-

pitalisations est passée de 11 % en 1992 à 13 % en 2001.

Les hypothèses sur cette progression, selon la Direction générale de lasanté

3

sont de plusieurs ordres :

– l’augmentation de la file active,– de plus en plus, les patients sont désocialisés et précarisés, d’où un reten-

tissement sur le recours au soin et sur la qualité du suivi,– les représentations sociales de la psychiatrie,– le rôle des services d’accueil et d’urgence.

L’enquête Handicap-incapacités-dépendance (HID) de l’Insee a permis dedécrire les personnes hospitalisées en institution psychiatrique (hors services depsychiatrie des hôpitaux généraux)

4

: 47 000 personnes étaient hospitalisées ensoins psychiatriques fin 1998, 43 % de ces personnes le sont deux ans plus tard.Le second volet de cette enquête, réalisée en 1999 auprès des personnes vivantà leur domicile, permet d’estimer la fréquence des recours déclarés aux soinspour troubles psychiques et mentaux : 2,7 % des personnes vivant à leur domi-cile, soit près d’1,6 millions de personnes déclarent avoir consulté pour cesmêmes troubles.

D’autres études de la DREES

5

précisent que 24 % des personnes reçuesdans des établissements de soins psychiatriques, soit 11 200 (enquête HID 1998)n’ont pas le droit de sortir. Ainsi, ce sont plus de 60 000 personnes par an quisont concernées par notre sujet et peuvent être privées de leur liberté d’aller etvenir.

La question est celle de l’analyse critique des pratiques. Parce qu’il s’agitde l’être humain en situation de fragilité, il faut puiser dans les apports du droitfondamental, pour approcher la notion de liberté, particulièrement dans sadimension internationale (I). Il peut alors être procédé à l’examen des pratiques,avec la claire conscience d’un régime à améliorer (II). Cet enhardissement sur lechemin des libertés est d’autant plus justifié que le régime spécifique de respon-

2. HAS/Service des Recommandations professionnelles : « Modalités de prise de décision concernant l’indi-cation en urgence d’une hospitalisation sans consentement d’une personne présentant des troubles men-taux ». Avril 2005.3. Circulaire DGS/6C n

°

2004/237 du 24 mai 2004.4. DREES, Études et résultats, n

°

304 avril 2004.5. DRESES, Études et résultats, n

°

206 décembre 2002.

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sabilité cherche à répondre à l’indispensable gestion du risque (III). Le cadreexiste pour défendre la part du risque

6

.

I – Le cadre juridique des libertés

Difficile à définir sur le plan philosophique, la liberté l’est autant sur leplan juridique.

7

L’approche devient plus simple si l’on évoque le cadre juridiquedes libertés » A ce qui conduit à placer l’approche sous un angle général, denature internationale B.

A – Un cadre pour les libertés

1 – La notion de liberté

Dans « L’esprit des lois »

8

Montesquieu écrit : «

Il n’y a point de mot quiait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tantde manières, que celui de libertés

». Comme le relève Henri Oberdorff

9

:

« Laliberté est un espace au gré des personnes, et limité à celui des autres ainsi quepar le fonctionnement général de la démocratie… Certains droits de l’hommesont des libertés fondamentales, mais d’autres sont des droits de créances, c’està dire, qu’ils nécessitent l’intervention de la collectivité pour exister (logement,travail, santé…) »

La notion de liberté ne peut se comprendre qu’au pluriel. Au regard de lajurisprudence du Conseil Constitutionnel

10

, on distingue :

– les libertés qui relèvent du respect de l’autonomie de la personne : la sûretéou la liberté individuelle au sens de l’

habeas corpus

, le respect de la vie privée,l’inviolabilité du domicile ou des correspondances, le respect de la personnehumaine ;

– les libertés d’agir : liberté d’aller et venir, liberté d’entreprendre libertécontractuelle…

– les libertés de la pensée : liberté de conscience et d’opinion, libre communi-cation des pensées (presse écrite et audiovisuel…), liberté de l’enseignement,liberté d’association, liberté de manifestation, libertés politiques,

– les libertés à contenu économique et social : propriété, liberté syndicale,droit de grève…

6. Marcel S

ASSOLAS

(Dir.), L’éloge du risque dans le soin psychiatrique,

Erès

, 2006.7. G. M

EMETEAU

, La définition de la personne par la loi,

Journal international de bioéthique

, 1997, page 39.8. Chapitre II du livre XI, édité à Genève en 1748.9. Henri O

BERDORFF

, professeur agrégé de droit public, directeur de l’Institut d’Études Politique de Greno-ble. Cours fondamental « Droits de l’homme et libertés fondamentales ». Internet.10. Conseil Constitutionnel : « Libertés et ordre public, les principaux critères de limitation des droits del’homme dans la pratique de la justice constitutionnelle » 8

e

séminaire des Cours constitutionnelles tenu àErevan du 2 au 5 octobre 2003.

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Si, à l’origine, la liberté d’aller et venir peut se rattacher aux articles 2 et 4de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 («

la libertéconsiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui

»), qui consacrent leprincipe général de liberté, il a fallu la jurisprudence constitutionnelle pour queson statut soit consacré. Elle peut se définir comme la liberté de se déplacer oude s’établir, et les aménagements ou restrictions à l’exercice de ses manifestationssont nombreux.

Ainsi, la liberté d’aller et venir dans son propre pays sans autorisation estun droit naturel, un principe à valeur constitutionnelle et une composante essen-tielle de la liberté individuelle. Elle est intégrée dans l’ensemble des droits fon-damentaux protégés par le bloc de constitutionnalité

11

. Inhérente à la personnehumaine, cette reconnaissance constitutionnelle

12

« place la liberté d’aller et venirsous la garantie offerte par l’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, quireconnaît notamment la compétence de l’autorité judiciaire pour protéger laliberté individuelle. »

2 – Libertés et notions voisines

a – La sûreté personnelle

Cette dimension de la liberté concerne la protection de la personne physi-que contre toute détention arbitraire par les forces de police ou par tout pouvoiren général. C’est l’

habeas corpus

, point de départ de tous les autres droits, selonla Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, l’article 2 détermine : «

Lebut de toute association politique est la conservation des droits naturels etimprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûretéet la résistance à l’oppression »

13

.

Ce droit a été confirmé par l’article 5 par la Convention européenne desauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

14

: «

Toute per-sonne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté saufdans les cas suivants et selon les voies légales

(…) ». Dans le § 1, e, elle préciseque la personne aliénée peut être privée de sa liberté, et elle retient la notion dedétention.

11. C’est une décision du 12 juillet 1979 « pont de péage » qui a déterminé sa valeur constitutionnelle :Conseil Constitutionnel, 12 juillet 1979 (JO, 13 juillet 1979), décision n

°

79-107,

A.J.D.A

, septem-bre 1979, page 46. B. MATHIEU et M. VERPEAUX, La constitutionnalisation des branches du droit,

Eco-nomica

, 1998.12. Stéphanie M

AINIER

: « Quand le soin légitime l’atteinte aux libertés », mémoire pour le DESS de droitet évaluation des structures sanitaires et sociales. IFROSS Université Jean Moulin LYON 3, juin 2001.13. Dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée nationale le 10 décem-bre 1948, l’article 13 alinéa 1 précise : «

Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sarésidence à l’intérieur d’un État

.14. Rome, le 4 novembre 1950 ratifiée par la France en 1974 ; B. MAURER, Le principe du respect de ladignité humaine et la Convention européenne des droits de l’homme,

La documentation française

, 1999.

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Le Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économi-que européenne, à l’origine de l’Union européenne, a reconnu la libre circulationdes personnes

15

et la liberté d’établissement

16

qui sont les éléments fondateursde la liberté d’aller et venir.

Ainsi, la liberté d’aller et venir est un droit garanti par la Constitution etles traités européens. Le législateur a l’obligation de garantir la liberté indivi-duelle. Ceci ne l’empêche pas de la limiter afin que les autres droits et libertéspuissent s’exercer. Le législateur n’intervient que si celle-ci entre en conflit avecun autre droit, une autre liberté ou un impératif de même valeur

17

.

b – L’ordre public

La notion d’ordre public

recouvre « le bon ordre, la sécurité, la salubritéet la tranquillité publique »

. Elle est la garantie de la sécurité des personnes etdes biens. Ainsi pour le Conseil constitutionnel

18

, l’ordre public est regardécomme étant lié à la protection de certaines libertés fondamentales : «

La pro-tection des atteintes à l’ordre public est nécessaire à la sauvegarde de droits devaleur constitutionnelle ».

Le Conseil constitutionnel, garant de la Constitutionet de nos libertés fondamentales en vertu de l’article 62 de la Constitution de1958

19

a jugé en 1981, que la liberté individuelle et celle d’aller venir doiventêtre conciliées avec le maintien de l’ordre public.

De ce fait, le Conseil constitutionnel a donné un statut juridique à cettenotion d’ordre public en faisant de sa sauvegarde un objectif constitutionnel.Ceci est confirmé dans la Convention européenne des droits de l’homme ; eneffet certaines libertés peuvent faire l’objet de restrictions lorsqu’elles constituent«

des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale,à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à laprévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale…

»

20

.

L’atteinte aux libertés doit s’apprécier dans un registre de proportionnalité.

c – Le principe de précaution

Le risque est au cœur de la vie, et il est à la fois de dimension personnelleet collective. Le risque est à distinguer du danger, en effet il est, selon le Robert,«

un danger éventuel plus ou moins prévisible

» alors que le danger est «

ce qui

15. Article 48 du Traité de Rome du 25 mars 1957. Sur les évolutions actuelles : F. SUDRE, « La Communautéeuropéenne et les droits fondamentaux après le Traité d’Amsterdam, JCP G 1998, I, n

°

100.16. Article 52 du Traité de Rome du 25 mars 1957.17. Stéphanie M

AINIER

: « Quand le soin légitime l’atteinte aux libertés »,

précité

.18. Conseil constitutionnel, « Libertés et ordre public, les principaux critères de limitation des droits del’homme dans la pratique de la justice constitutionnelle », 8

e

séminaire des Cours constitutionnelles tenuà Erevan du 2 au 5 octobre 2003.19. Décision des 19 et 20 janvier 1981 sur la loi sécurité et liberté.20. Conseil constitutionnel : « Libertés et ordre public » déjà cité.

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menace ou compromet la sûreté, l’existence d’une personne ou d’une chose

».L’aléa n’est pas un risque mais «

un événement imprévisible qui n’est pas connotépar un jugement de valeur

»

21

.

Un risque peut être potentiel ou avéré, d’où une démarche qui anticipe lesrisques. Ainsi la distinction entre risque potentiel et risque avéré fonde la dis-tinction entre précaution et prévention. Le principe de précaution, issu de laCharte de l’environnement adoptée par le Parlement le 24 juin 2004, est au rangdes principes à valeur constitutionnelle

22

.

Le principe de précaution

23

a pris naissance dans le droit international del’environnement, ainsi la charte citée ci-dessus en est un dernier exemple. Lesarticles L.110-1 du code de l’environnement et L.200-1 du code rural disposentque «

le principe de précaution selon lequel l’absence de certitude, compte tenudes connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarderl’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risquede dommages graves et irréversibles…

»

Progressivement le principe de précaution arrive dans le droit de la santé ;ainsi les mesures de prévention contre l’hépatite B font appel à ce principe. Lacaractéristique du principe de précaution est qu’il concerne la gestion de l’incer-titude, il s’ajoute à l’obligation traditionnelle de précaution ou de prudence quele droit de la santé impose aux soignants.

Cette obligation de prudence est consacrée dans le code de déontologiemédicale et la jurisprudence qui imposent de «

donner des soins consciencieux,attentifs et conformes aux données acquises de la science.

»

d – La sécurité

Elle peut être définie comme une «

situation objective, reposant sur desconditions matérielles, économiques, politiques, qui entraîne l’absence de dangerspour les personnes ou de menaces pour les biens et qui détermine la confiance

»

24

.

Cette notion a été abordée par Louis Dubouis

25

. Pour lui : «

L’obligationde sécurité est l’obligation en vertu de laquelle un prestataire de services est tenuenvers son client, soit de garantir de manière absolue l’intégrité corporelle de

21. Philippe K

OURILSKI

, Geneviève V

INEY

, précité.22. Article 5 de la Charte de l’environnement, loi constitutionnelle n

° 2005-205 du 1er mars 2005.23. Louis DUBOUIS, professeur de droit, faculté de droit d’Aix en Provence : « Le principe de précautionappliqué aux services de psychiatrie publique. Vers une obligation générale de sécurité. » Revue sur Internetpsy-cause n° 31-32, intervention du colloque : « Droit et psychiatrie » du 28 et 29 novembre 2002 ;L. BAGHESTANI-PERREY, Le principe de précaution, nouveau principe fondamental régissant es rapports entredroit et science, DC, 1999.24. ATILF : analyse et traitement informatique de la langue française.25. Louis DUBOUIS, « Le principe de précaution appliqué aux services de psychiatrie publique. Vers uneobligation générale de sécurité. », Revue sur Internet psy-cause n° 31-32, intervention du colloque « Droitet psychiatrie » du 28 et 29 novembre 2002.

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celui-ci (obligation de sécurité-résultat), soit de faire tout son possible pour assu-rer cette intégrité (obligation de moyens). Elle a pris naissance dans les contratsde transport puis d’hôtellerie. Et l’on conçoit aisément que la médecine ait euvocation à devenir l’un de ses champs d’application sous sa forme la plus exi-geante, celle de l’obligation de sécurité-résultat. On ne se fait pas soigner poursubir des atteintes à l’intégrité corporelle autres que celles qui résultent inéluc-tablement du traitement. En conséquence le responsable de cette atteinte enga-gera, outre sa responsabilité pénale éventuelle, sa responsabilité pécuniairequand bien même aucune faute ne lui serait imputable. »

La sécurité de la personne hospitalisée est une garantie reconnue à toutusager des établissements de santé publics26. Elle doit être assurée par la bonneexécution de l’obligation de surveillance qui est définie comme27 : « Un acte médicalcomplexe et faisant intervenir différents praticiens médicaux et paramédicaux, ren-due nécessaire quand la pathologie est évolutive avec des paramètres physiques etbiologiques à contrôler, si le diagnostic est imprécis et doit être affiné après obser-vation, quand le traitement présente des risques qui doivent être surveillés etprévenus et, enfin, parce que l’état de conscience ou les troubles psychiques dupatient font craindre des gestes violents ou auto-agressifs ».

3 – Droit et notions voisines

a – L’éthique

Le domaine de l’éthique est distinct du domaine du droit. L’éthique est unesomme de considérations générales que les hommes établissent pour pouvoirvivre en société. L’éthique se vit d’abord comme une affaire personnelle, laconduite de chacun relevant intimement de sa seule conscience individuelle28.

L’intention éthique procède de l’affirmation de sa propre liberté. Cetteliberté n’a de sens que par rapport à son environnement. Cependant, l’éthiquedes uns n’intéresse les autres que du point de vue de l’interaction sociale entreles hommes et touche les valeurs de justice, de fraternité. Avoir de l’éthique,c’est reconnaître l’autre, et dans le cas qui nous concerne, la personne soignéenon pas comme objet de soins mais comme un sujet dont les droits doivent êtrerespectés.

26. Notre droit de la santé tend à imposer une obligation générale de prévention des risques sanitaires,c’est-à-dire ceux qui sont les conséquences des actes de diagnostic, de soins, de prévention. Ainsi la loi du4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reconnaît : « à toute per-sonne, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit derecevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue etqui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. » ArticleL.1110 du Code de la Santé publique.27. Anne-Marie DUGUET : citée dans article « obligation de surveillance des patients psychiatrique »d’Annabel TRIBOULET sur Internet www.laporte du droit.28. F. PEDROT (Dir.), Éthique, droit et dignité de la personne, Mélanges C. Bolze, Economica, 1999.

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Nous pouvons dire « que le formalisme en éthique définit la moralité. Maisl’éthique a une ambition plus vaste, celle de reconstruire tous les intermédiairesentre la liberté, qui est le point de départ, et la loi, qui est le point d’arrivée »29.L’usage moderne de ce mot tend à le rendre équivalent à « la morale » qui est,quant à elle, l’ensemble des lois, dites ou implicites qui découlent de l’intentionéthique et qui assurent la stabilité de la société.

Ainsi, s’interroger sur la question de l’éthique du soin sous contrainte,« revient à interroger la psychiatrie sous l’angle du conflit qui oppose la violencede la maladie à celle que la société supporte et légitime ».30

b – Morales et déontologie

L’éthique étant la science des morales31, la première référence est la morale,« c’est-à-dire le devoir, défini au regard de données personnelles et collectives,apprécié en conscience. Mais il n’existe pas une seule morale… Il existe autantde morales que de groupes sociaux, et de personnes, et la morale ne connaît desanction qu’en conscience. » La morale est tout ce qui, dans l’ordre du bien etdu mal, se rapporte à des lois, des normes et des impératifs. Elle se traduit sou-vent par des interdictions (tu ne tueras point, etc…).

Science des devoirs, la déontologie précise les devoirs du professionnel. Ellevise les cas couramment rencontrés par les professionnels et cherche à donnerimpérativement des solutions pratiques et précises définissant les devoirs du pro-fessionnel. C’est en 1825 que le mot « déontologie » apparaît pour la premièrefois en langue française, dans la traduction de l’ouvrage du philosophe utilita-riste anglais Jeremy Bentham intitulée « l’Essai sur la nomenclature et la clas-sification des principales branches d’Art et Science ». Il écrit : « L’Éthique areçu le nom plus expressif de Déontologie »32.

Les règles déontologiques tiennent à la fois du texte juridique, car des sanc-tions sont prévues en cas de transgression, et du texte moral. En effet, elles sontcensées décliner en comportements les règles morales professionnelles. La déon-tologie médicale concerne le médecin exerçant une profession qui suppose unecertaine autonomie de pratique et de régulation à laquelle les lois françaisesdonnent depuis près de deux siècles un monopole dans le domaine de la santé.Elle sert de référence aux instances juridictionnelles de l’Ordre des médecins,mais d’abord de guide aux médecins dans leur pratique quotidienne, au servicedes patients. Le code de déontologie précise ainsi des dispositions réglementaires

29. Dr Abdelhamid SAIDI, Cours de droit et santé mentale, IFROSS LYON 3.30. Michel HORASSIUS, Jean-Jacques KRESS, « Livre blanc de la fédération française de psychiatrie », 2001.31. « Droit, morale et éthique », Droit, déontologie et soin, Masson, cahier pédagogique, juin 2002,vol 2 n° 2.32. Conseil national de l’Ordre des médecins, : « Introduction aux commentaires du code de déontologie »article sur Internet, www : conseil. national. medecin. fr

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concernant un exercice professionnel. Elles sont subordonnées à d’autres textesplus importants, la Constitution et les lois.

B – Les références juridiques internationales

1 – Les références des Nations Unies

L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, lors de la 75eséance plénière le 17 décembre 1991, a adopté la Résolution (A/46/119)33. Lemalade est dès lors traité comme un sujet de droit, le but premier du traitementest de lui permettre de recouvrer sa liberté et non pas de rassurer la société. Cetexte, qui ne s’applique pas sans transcription dans le droit national, définit trèsprécisément le consentement, son mode, les dérogations au principe du libreconsentement aux soins et les garanties.

Les changements politiques de l’Est à la fin des années 1980, ont permiscette évolution. En effet, le communisme s’affirmait particulièrement totali-taire dans le traitement réservé aux malades mentaux. Dans son rapport, en2001, l’Organisation mondiale de la santé34 écrit : « Il est désormais reconnuqu’imposer au malade des mesures discriminatoires, lui refuser des soins,faire obstacle à son accès aux services et le soumettre à des interventionsabusives, restrictives et rétrogrades sont autant de violations des droits del’homme. »

2 – Les références européennes

a – Les textes

L’hospitalisation sous contrainte est tenue par le droit du Conseil del’Europe comme une mesure grave parce qu’elle prive une personne de sa liberté.Comme nous l’avons précisé auparavant, elle tombe sous le coup de l’article 5de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des liber-tés fondamentales35 qui dispose que « toute personne a droit à la liberté et à lasécurité ». Cependant, elle fait figurer au nombre des mesures privatives deliberté « la détention régulière… d’un aliéné »36. Cette convention, ratifiée en1974, lie la France. Toutes les autorités françaises et en particulier les tribunauxdoivent lui reconnaître une autorité supérieure à celle de la loi.

33. 17 décembre 1991, AG, Résolution A/46/119, 75e séance plénière – Principes pour la protection despersonnes atteintes de maladie mentale et pour l’amélioration des soins de santé mentale.34. OMS : Rapport sur la santé dans le monde 2001. La santé mentale : nouvelles conceptions, nouveauxespoirs.35. Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales du4 novembre 1950.36. Louis DUBOUIS, « L’hospitalisation sous contrainte des malades mentaux au regard du droit du Conseilde l’Europe », Internet.

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La psychiatrie est concernée par les trois principes fondamentaux affirméspar la convention :

– les conditions de privation de liberté,– les recours juridictionnels contre les privations de liberté,– la condamnation de la torture et de peines ou traitements inhumains ou

dégradants.

Le respect des règles de la Convention européenne des Droits de l’Hommeest assuré par la Cour européenne des Droits de l’Homme. Il émane ainsi uncadre juridique applicable aux personnes atteintes de troubles mentaux en hos-pitalisation sous contrainte.

La Recommandation R (83) 237 préconise un système de placement invo-lontaire par le juge ou par « toute autre autorité appropriée désignée par la loi »,un organe pour la décision différent de ceux ayant demandé le placement, unepossibilité de recours devant l’autorité judiciaire, simple et rapide, une assistanceà ce recours.

La Recommandation R 1235 (1994)38 de l’Assemblée parlementaire duConseil de l’Europe a eu pour objectif de modifier la recommandation R (83)2.Elle n’envisage une hospitalisation sous contrainte qu’ordonnée par le juge.Notre législation française contrevient à cette recommandation puisque lamesure de placement involontaire est prise par le préfet ou par le directeur del’établissement d’accueil pour l’hospitalisation, sur demande d’un tiers. LaFrance a donc demandé que soit prise en compte la spécificité française et quesoient maintenus les termes de la recommandation de 1983 qui prévoyait unemesure de placement prise par le juge ou toute autre autorité appropriée dési-gnée par la loi…

Dans le livre blanc39 publié par le CDBI-PH40, le Conseil de l’Europe réaf-firme que :

– le patient doit être examiné par un psychiatre ou un médecin possédantl’expérience et la compétence requises pour évaluer les risques en vue d’un pla-cement involontaire,

– la décision de placement ou de traitement involontaire devrait être prisepar une autorité compétente qui pourrait être un juge (Recommandation R 1235(1994) de l’Assemblée parlementaire),

37. Recommandation R (83) 2 sur la protection juridique des personnes atteintes de troubles mentauxplacées comme patients involontaires (adoptée par le Comité des ministres le 22 février 1983).38. Recommandation R 1235 de l’Assemblée parlementaire sur la psychiatrie et les droits de l’homme(1994).39. Conseil de l’Europe : livre blanc sur la protection des droits de l’Homme et de la dignité des personnesatteintes de troubles mentaux, en particulier de celles placées comme patients involontaires. 3 janvier 2000DIR/JUR (2000) 2.40. CDBI-PH : groupe de travail sur la psychiatrie et les droits de l’homme, organe subordonné du Comitédirecteur pour la bioéthique.

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– le patient a un droit permanent de recours juridictionnel contre la déci-sion d’hospitalisation.

b – La jurisprudence

Au niveau de la jurisprudence de la Cour européenne, la privation deliberté d’une personne aliénée doit obéir à des règles strictes41 :

Ainsi, dans certains cas, la Cour considère qu’il n’y a pas privation deliberté mais une mesure dans l’intérêt de la personne, car elle tend à procurerdes soins adaptés (affaire H.M.c SUISSE 26/02/2002). Cependant, le fait que lamesure soit prise dans l’intérêt de la personne ne peut à lui seul priver la per-sonne du bénéfice de l’article 5. D’autre part, le fait que le lieu de placementsoit ouvert ou fermé ou que la personne bénéficie d’une certaine liberté ne déter-mine pas à lui seul la privation de liberté. Le droit européen limite l’hospitali-sation sous contrainte lorsqu’elle est nécessaire pour la protection des tiers oupour permettre d’apporter à l’intéressé le traitement approprié.

La décision doit être prise « selon les voies légales ». Ainsi, les dispositionsdes articles L 3212-1 et suivants du CSP en ce qui concerne l’hospitalisation surdemande d’un tiers doivent être strictement respectées sous peine de violationde la Convention européenne.

La personne qui fait l’objet de la décision doit être un « aliéné » (Conven-tion européenne des Droits de l’Homme, article 5 § 1). La Cour européenne arappelé dans plusieurs arrêts qu’un individu ne peut être défini comme aliénéque si les trois conditions suivantes sont réunies :

– son aliénation doit être avoir été établie de manière probante,– le trouble doit revêtir un caractère ou une ampleur légitimant l’internement,– l’internement ne peut se prolonger sans la persistance de pareil trouble

La Cour européenne exclut qu’une personne puisse être hospitalisée « duseul fait que ses idées ou son comportement s’écartent des normes prédominantdans une société donnée ».

Le trouble doit justifier l’hospitalisation sous contrainte, il n’y a pas àla maintenir et, avec elle, la privation de la liberté, lorsque le trouble a cessé.

La personne aliénée privée de la liberté a un droit de recours juridictionneldans un bref délai (article 5 § 4 de la Convention européenne des Droits del’Homme). Ce droit est permanent. En effet, la personne peut s’adresser au jugeà des intervalles raisonnables pour réévaluer le placement.

41. Gérard MOSNIER, directeur d’hôpital : « Le droit européen, nouvel horizon du droit de la psychiatriepublique et de la santé mentale. » Revue sur Internet psy-cause n° 31-32 intervention du colloque : « Droitet psychiatrie » du 28 et 29 novembre 2002.

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c – La recommandation du 12 avril 1994

Dans les textes et la jurisprudence européenne, nous avons tous les élé-ments pour affiner notre législation concernant les hospitalisations surdemande d’un tiers. Les instances du Conseil de l’Europe, depuis des décen-nies, ont incité les États de l’Union à harmoniser les législations concernantla psychiatrie, afin de respecter un ensemble de règles communes. C’est déjàdans ce contexte que la France a adopté la loi du 27 juin 1990 et celle du4 mars 2002 se mettant en conformité avec la Recommandation R (83) 2 du22 février 1983.

Suite à la Recommandation R1235 (1994) du 12 avril 1994, le Comitédes ministres du Conseil de l’Europe a créé un groupe de travail sur la psy-chiatrie et les droits de l’homme (CDBI-PH) qui a pour objectif : « d’élaborerdes lignes directives à insérer dans un nouvel instrument juridique du Conseilde l’Europe qui viseront à assurer la protection des droits de l’homme et dela dignité des personnes atteintes de troubles mentaux, en particulier cellesplacées comme patients involontaires y compris leur droit à un traitementapproprié ».

S’il est visible que la législation française ne transgresse pas, en l’état,les normes internationales, certaines interprétations, notamment cellesrelatives aux restrictions apportées à l’exercice effectif des droits, d’aller etvenir, de communiquer, de recours, d’information et de choix des traite-ments, sont reconsidérées, depuis la loi de 4 mars 2002, au regard de cestextes.

II – Pratiques hospitalières et libertés

A – Des enjeux bien cernés

La loi du 27 juin 1990 prévoyait une évaluation de l’application dutexte dans les 5 ans suivant sa promulgation. Un groupe de travail nationala été constitué sous la présidence d’Hélène Strohl, inspecteur général de l’ins-pection générale des affaires sociales (IGAS) et s’est réuni d’octobre 1995 enfévrier 1997. Il a procédé à de nombreuses auditions, concluant : « L’évolu-tion de la psychiatrie doit se situer dans une logique sanitaire et sortir défi-nitivement de la logique sécuritaire de la loi du 30 juin 1838. La logique dusoin au malade, considéré comme un usager, doit remplacer la logique del’institution »42.

42. Hélène STROHL, IGAS, Martine CLEMENTE DGS : rapport du groupe national d’évaluation de la loi du27 juin 1990, Code de mission SA/AC/GT/9500013, rapport n° 97081 septembre 1997.

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Dans leur rapport, Hélène Strohl et Martine Clémente proposaient43 uneamélioration de l’accès aux soins avec une redéfinition des indications de l’hos-pitalisation sans consentement et une simplification des procédures :

– Suppression de la référence à l’ordre public et indication de l’hospitali-sation sans consentement pour motif de danger pour autrui et nécessité de soinssans lesquels l’état de santé de la personne se détériorerait.

– Un seul régime d’hospitalisation sans consentement.– Suppression de la demande administrative du tiers.

Elles proposaient, en outre, une réorganisation des soins :

– Institution d’une période d’observation sous la responsabilité du direc-teur d’hôpital avant la mesure définitive.

– Réglementation d’une alternative ambulatoire à l’hospitalisation sansconsentement après une période d’hospitalisation sans consentement.

Enfin, a été proposé un renforcement des droits des malades

– Recherche systématique du consentement des malades.– Toutes restrictions aux libertés de la personne doivent être justifiées par

des protocoles thérapeutiques devant être portés au dossier administratif dumalade.

– Renforcement des compétences et des moyens de la Commission dépar-tementale des hospitalisations psychiatriques.

La loi du 4 mars 2002 s’inscrit dans cette évolution. Ainsi, pour l’hospita-lisation sur la demande d’un tiers, il y a obligation d’entretien avec le patient etles certificats doivent être circonstanciés. En effet, le médecin doit décrire lessignes cliniques attestant l’existence de troubles mentaux et les comportementssusceptibles de mettre en péril le patient. En outre, le médecin doit préciser queles troubles du patient rendent impossibles son consentement. Ensuite, pour plusde garantie, le tiers demandeur doit avoir eu des relations antérieures à lademande (arrêt du Conseil d’État de décembre 2003). En effet, la demande dutiers est le document fondamental. Le patient et son entourage doivent être infor-més des modalités de l’hospitalisation sur demande d’un tiers.

B – Les contrôles extérieurs

1 – Préfet ou juge ?

Les difficultés rencontrées lors des hospitalisations sous contrainte, pourle soignant ou le soigné, favorisent une réflexion concernant une éventuellemodification législative dans le domaine de l’hospitalisation sans consentement,

43. Hélène STROHL et Martine CLEMENTE, rapport du groupe national d’évaluation de la loi du 27 juin1990, précité. Résumé issu d’un écrit sur ww. santé-gouv. fr (liste des rapports et enquêtes réalisés depuis1994 en santé mentale.

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afin que les conditions d’hospitalisation répondent aux principes définis pourles libertés publiques. L’idée de « faciliter un accès rapide aux soins par l’ins-tauration et l’observation de 72 heures », sorte de « garde à vue » pour personneatteinte de troubles mentaux, peut être une solution à envisager si elle répondaux mêmes critères énoncés ci-dessus. En effet, dans notre pratique, nous consta-tons que le consentement du patient qui doit être toujours recherché, est souventplus facile au bout de 48 heures. Cependant, des garanties juridiques doivent,être apportées, d’où l’intérêt d’introduire la notion d’un juge prenant la décisiontemporaire d’hospitaliser, ce qui permettrait la « judiciarisation » de la procé-dure de placement et la garantie du respect des droits fondamentaux.44

Cet aspect a été envisagé lors des réunions des 22 juin et 6 juillet 2005 duGroupe d’études parlementaire sur l’hospitalisation psychiatrique45. Contraire-ment aux autres pays européens, la France maintient que les hospitalisationssous contrainte sont de la compétence de l’administration, celle-ci prenant unedécision relevant des libertés individuelles, alors que le juge judiciaire est legardien naturel, constitutionnellement reconnu, des libertés individuelles46.Cette particularité est liée à notre conception de l’État conçu « comme le corpsde la société »47, représentation forte de l’État qui est traditionnellement admi-nistratif et non judiciaire.

Ainsi, Denis Salas48 écrit : « Que ferait de plus l’intervention éventuelle d’unjuge… Il apporterait un processus décisionnel fondé, non exclusivement sur uneprocédure écrite mais sur un débat ouvert à des situations évolutives où les savoirsn’ont rien d’absolu, où les paroles peuvent casser les stratégies nouées à des dos-siers. Alors que l’administration est avant tout une puissance d’action, la procé-dure offre un espace d’élaboration et une perspective d’évolution dans le temps. »

2 – La commission départementale des hospitalisations psychiatriques

Ensuite, il semble important de faciliter le traitement des plaintes adresséesaux Commissions départementales des hospitalisations psychiatriques (CDHP)49

qui assurent l’examen de la régularité des décisions et transmettent les demandesde recours à la juridiction compétente et au procureur de la République ; le

44. Caroline TREINS : « Le droit doit-il contraindre le fou, le protéger, l’exclure pour le normaliser »,Mémoire DEA IFROSS Université Jean Moulin LYON 3.45. Philippe BERNADET Chargé de recherches au C.N.R.S. Réunions des 22 juin et 6 juillet 2005 duGroupe d’études parlementaire sur l’hospitalisation psychiatrique, note critique. Internet : groupeinfoa-siles.org.46. Article 66 de la Constitution de 1958.47. Denis SALAS, Claude LOUZOUN : « Justice et psychiatrie, normes, responsabilité, éthique ». Études,Recherches, Actions en Santé Mentale en Europe, Erés, 1re édition, 1995, p 307.48. Denis SALAS, Claude LOUZOUN, précité, p 308.49. Circulaire DGS/SD6 C n° 2005-88 du 14 février 2005 relative à la Commission départementale deshospitalisations psychiatriques (CDHP).

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recours contre les décisions d’hospitalisations sous contrainte se faisant, pourvice de forme devant le juge administratif qui est seul compétent pour statuersur la régularité formelle de la décision administrative (respect de la procédure),pour irrégularité sur le fond devant le juge judiciaire qui apprécie la nécessitéet le bien fondé de la mesure ainsi que les conséquences qui peuvent en résulter(action en responsabilité civile).

Certains comme Philippe Clery-Melin50, préconisent d’étendre le rôle de laCommission départementale des hospitalisations psychiatriques (CDHP), dontla loi du 4 mars 2002 a renforcé les membres (deux représentants des usagersy siègent maintenant). Un élargissement des prérogatives de la CDHP en ce quiconcerne l’éthique et les libertés lui semble souhaitable avec l’évaluation de « lasituation de l’ouvert et du fermé et de son adéquation aux situations différentesdes patients quant aux libertés, adéquation de l’architecture et des conditionsd’accueil et d’hébergement des patients ».

Ce renforcement serait en effet une solution pour qu’une vraie réflexions’installe dans les établissements, ce qui permettrait de garantir la prise encompte des libertés, des conditions d’accueil des personnes hospitalisées tant auniveau humain, technique, architectural que matériel. Cependant, ces grandsprincipes qui doivent être énoncés, sont à resituer dans la situation économiquedes établissements et dans les mesures d’économie de la sécurité sociale.

3 – Le règlement intérieur

Tout établissement public de santé doit disposer d’un règlement intérieurconsultable par les patients, précisant les règles d’hospitalisation, notammentquant à la liberté d’aller et de venir. Ce règlement peut se référer au règlementtype défini par le décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonc-tionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux, précisant en son arti-cle 22-25 : « Les hospitalisés ne peuvent se déplacer dans la journée hors duservice sans autorisation d’un membre du personnel soignant ; ils doivent êtrerevêtus d’une tenue décente ; à partir du début du service de nuit, les hospitalisésdoivent s’abstenir de tout déplacement hors du service ».

Dans son rapport de 2000, la Cour des Comptes51 écrit que si la règle estla libre circulation des patients dans l’établissement, précisée dans la circulairedu 19 juillet 1993 qui rappelle que les malades « ne peuvent en aucun cas êtreinstallés dans des services fermés à clef ni a fortiori dans des chambres ver-rouillées », la plupart des établissements de santé mentale accueillent, quelles quesoient les indications thérapeutiques, tous les patients dans des unités fermées.

50. Philippe CLERY-MELIN, Viviane KOVESS, Jean-Charles PASCAL : Plan d’actions pour le développement dela psychiatrie et la promotion de la Santé mentale. Rapport remis le 15/09/2003.51. Cour des Comptes : « Observations des juridictions financières. L’organisation des soins psychiatri-ques », Deuxième partie, chapitre III, action sociale et sanitaire. Rapport 2000.

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C – Les pratiques des services

1 – Service ouvert ou fermé ?

Ainsi, la règle de droit est la liberté d’aller et venir, et, hormis les restric-tions prévues par la loi, rien ne justifie que le patient soit retenu dans un servicefermé. Les services ouverts ou fermés ne sont qu’une question de pratique,comme le précisait déjà la circulaire du 19 juillet 1993 relative au rappel desprincipes relatifs à l’accueil et aux modalités de séjours des malades hospita-lisés pour troubles mentaux : « S’agissant des patients en hospitalisation souscontrainte, l’article L 326-3 du code de la santé publique encadre les restric-tions qui peuvent être apportées à l’exercice de leurs libertés individuelles enles limitant à “celles nécessitées par leur état de santé et la mise en oeuvre dutraitement” »

À la pratique des services fermés répond celle des sorties encadrées et auto-risées sous fond de certificats médicaux. Ainsi, le patient sous HDT qui veutprendre l’air dans le parc, doit avoir l’autorisation de son médecin sous formed’un certificat de sortie autorisée dans l’établissement, avec des horaires précis,limitée au périmètre de l’établissement.

De même, dans le cadre d’une sortie accompagnée par un soignant, estsouvent exigé un certificat de sortie accompagnée (avec horaires et lieux), éta-bli par le psychiatre. En 1991, une fiche émanant du ministère précisait queles « sorties accompagnées de malade restant sous surveillance d’un membre dupersonnel n’entrent pas dans le cadre des sorties d’essai »52. Cette sortie accom-pagnée, comme l’écrit Bernard Basset53, était dénommée « promenade exté-rieure » à l’article 193 du règlement modèle des hôpitaux psychiatriques54.Pour lui, s’agissant des sorties non accompagnées dans l’enceinte de l’hôpital,elles ne peuvent être assimilées à des sorties d’essai : « Il revient donc au direc-teur d’assurer les conditions de sécurité indispensables », la sortie dansl’enceinte de l’établissement ne s’analysant pas juridiquement comme unesortie d’hospitalisation.

La loi du 4 mars 2002 a apporté certaines modifications plus contraignan-tes, par exemple les dispositions concernant les sorties de courte durée despatients hospitalisés sous contrainte et les sorties accompagnées. Pour le législa-teur, il a semblé nécessaire55 de donner une base légale à une pratique soignante ;

52. Fiches d’information ministérielles n° 8 du 13 mai 1991 portant sur l’application de la loi du 27 juin1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et àleurs conditions d’hospitalisation.53. Lettre ministérielle DGS/SD6 C n° 185 du 24 avril 2001.54. Arrêté du 5 février 1938 ;55. Lettre ministérielle DGS/SD 6C du 4 avril 2003 relative aux sorties de courte durée de malades faisantl’objet d’une hospitalisation sur demande d’un tiers accompagné ou non par du personnel de l’établissementd’accueil. Bulletin officiel n° 2003-17.

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ainsi l’article L.3211-11-1 du code de la santé publique56, prévoit que : « Pourmotif thérapeutique ou si des démarches extérieures s’avèrent nécessaires, lespersonnes hospitalisées sans leur consentement peuvent bénéficier d’autorisa-tions de sorties de l’établissement de courte durée n’excédant pas douze heures.La personne malade est accompagnée par un ou plusieurs membres du personnelde l’établissement pendant toute la durée de la sortie ».

Si l’article L.3211-3 du code de la santé publique précise : « Lorsqu’unepersonne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement,les restrictions à l’exercice des libertés individuelles doivent être limitées à cellesnécessitées par son état et la mise en œuvre de son traitement », cela sous-entendque si le placement d’un patient au sein d’une unité fermée peut être indispen-sable, il doit être fait sur indication médicale et expliqué au patient.

Les circonstances du placement doivent être exactement appréciées et sadurée doit être limitée à ce qui est médicalement justifié. Les restrictions deliberté devraient faire référence aux :

– mesures générales de sécurité prévues dans le règlement intérieur del’établissement

– mesures particulières incluses dans le projet thérapeutique, d’où un ajus-tement des mesures d’enfermement, qui devrait avoir un début, mais aussi unefin.

– mesures particulières commandées par l’urgence et strictement nécessai-res pour la sécurité du patient (contention, isolement).

C’est la nécessité des soins qui détermine la restriction de la liberté d’alleret venir pour un patient hospitalisé avec son consentement et sur demande d’untiers dans le cadre du règlement intérieur des établissements en santé mentale.La limite de la contrainte doit être clairement établie : « Une restriction deliberté n’est justifiée que par l’existence de troubles mentaux dont les symptômessont le déni de la maladie, le refus des soins et une grande souffrance. Elle cessed’être justifiée dès lors que ces symptômes ont perdu de leur acuité. Ce n’estque dans les situations spécifiques qu’il y a lieu d’appliquer des mesures decontrainte spécifique »57.

Dès lors est posée la question de l’opportunité d’un texte de loi ou régle-mentaire afin de préciser et réaffirmer :

– L’obligation d’un règlement intérieur précisant les restrictions et limitesde la liberté d’aller et venir.

– L’obligation pour les médecins d’inscrire dans le dossier du patient lesobservations permettant l’évaluation des symptômes nécessitant une restrictionde liberté.

56. Issu de l’article 19 de loi du 4 mars 2002.57. Hélène STROHL et Martine CLEMENTE, rapport précité.

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– La mise en place d’un projet thérapeutique pour chaque patient. Ainsi« la participation active de l’usager à toute décision le concernant doit êtretoujours sollicitée en le resituant au centre de la démarche de soins dans unprocessus continu d’adhésion »58.

En réalité, la prise en charge d’un patient hospitalisé sur demande d’untiers ne devrait pas être pensée exclusivement dans l’unité. En effet, c’est un freinà la prise en charge extérieure et à la prise en charge globale : même une consulta-tion dans un service à l’hôpital général nécessite un certificat. L’autorisationd’absence de courte durée est accordée par le directeur de l’établissement aprèsavis favorable du psychiatre responsable, cet avis prenant la forme d’un certifi-cat, d’où une contrainte administrative importante. De même, la sortie autoriséedans l’établissement (différente de la sortie d’essai à l’extérieur de l’établisse-ment) correspond à une évaluation de l’état du patient et à un contrat de soinqui devrait être inscrit dans son dossier.

Ce contrat devrait suffire. L’établissement d’un certificat de situation estune mesure « parapluie » qui n’interdirait pas, le cas échéant, la responsabilitédu directeur, représentant de l’établissement, en cas de dommages causés par lepatient à autrui ou à lui-même.

2 – Les sorties d’essai

En ce qui concerne les sorties d’essai, un certificat médical semble justifié,puisque d’après les articles L.3211-11 et L.3211-11-1 du code de la santé publi-que, afin de favoriser leur guérison, leur réadaptation ou même leur réinsertion,les personnes ayant fait l’objet d’une hospitalisation sur demande d’un tiers peu-vent bénéficier d’aménagement de leurs conditions de traitement sous forme desorties d’essai, éventuellement au sein d’équipements et services ne comportantpas d’hospitalisation à temps complet, le suivi étant assuré par le secteur. Lasortie d’essai, son renouvellement éventuel ou sa cessation sont décidés par lepsychiatre de l’établissement, le bulletin de sortie d’essai est mentionné par ledirecteur et transmis sans délai au représentant de l’État dans le département,le tiers étant informé. Celle-ci ne doit pas être à durée illimitée (plusieursrenouvellements) sauf cas exceptionnel, car elle maintient, juridiquementparlant, la personne sous le régime qui est le sien à l’entrée et lui conserve sonstatut d’interné.

Cette question a fait partie d’une proposition de résolution, le 25 octo-bre 2004, présentée par Georges Hage59 qui écrit et cite en exemple : « les

58. Charte de l’usager en santé mentale (2000) signée par Fédération nationale des associations d’(ex)patients en psychiatrie et la Conférence nationale des présidents des commissions médicales d’établissementdes centres hospitaliers.59. Georges HAGE, Proposition de résolution n° 1459 tendant à la création d’une commission d’enquêtesur la progression du nombre d’internements psychiatriques en France, enregistrée le 25 février 2004.

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sorties d’essai utilisées comme obligation de soins en ambulatoire sans aucuncadre légal ne garantissent pas les droits de la personne ainsi traitée, contreson gré, au centre-médico-psychologique de son secteur, voire à son domi-cile. Les CDHP demandent d’ailleurs “une réglementation pour les sortiesd’essai prolongées, notamment au regard du respect des libertés individuel-les”, certaines de ces “sorties d’essai” se prolongeant parfois sur plusieursannées ».

Comme le signale Philippe Bernadet60 : « Que dire encore de cette per-version de la loi qui a conduit à transformer les sorties d’essai en contraintede soins à domicile, illégale, gravement attentatoire à la liberté individuelledes personnes ».

Au delà de l’aspect juridique, la liberté de circulation relève de bonnes pra-tiques cliniques. Dans son référentiel « Droits et information du patient » (DIP),l’Anaes maintenant HAS, précisait : « Le respect de l’intimité et de la dignitédu patient ainsi que sa liberté sont préservés tout au long de son séjour ou desa consultation », ce critère étant détaillé ainsi : « La liberté de circulation dupatient est préservée, sauf si des raisons de sécurité ou des raisons réglementairess’y opposent » (DIP 6 f).

Des professionnels et des associations d’usagers ont publié en 200361, uncahier des charges qualitatif afin d’apporter des éléments explicatifs concernantles référentiels proposés par l’ANAES ; ainsi pour le critère DIP 6 f, il est men-tionné : « Les différents degrés de surveillance et de liberté de circulation despatients sont, s’il y a lieu (HO, HDT), établis et actualisés sur indication médi-cale laquelle est régulièrement réévaluée. Les accès et les chambres concernantdes patients en service libre ne peuvent être fermés à clé : il appartient aux équi-pes soignantes et à la direction d’adopter des modalités de circulation différen-ciées entre les patients si besoin, notamment en prévoyant des “zones fermables”au sein des unités ouvertes. »

La principale raison évoquée pour la limitation de la liberté d’aller etvenir au sein des établissements est le risque des sorties sans autorisation despatients hospitalisés sous contrainte et en particulier la notion de responsa-bilité de l’équipe soignante. L’idée, souvent répandue dans l’actualité et dansles médias est que les malades admis en hospitalisation sur demande d’untiers (L 3212-1 et suivants du CSP) et en hospitalisation d’office (L 3213-1et suivants du CSP) doivent faire l’objet d’une surveillance étroite, d’où une

60. Philippe BERNADET, chargé de Recherche au CNRS : lettre ouverte au député Maryvonne BRIOT ausujet de la « proposition de résolution n° 1459 sus-citée. Juillet 2004. Internet : groupeinfoasiles. org61. FNAP-PSY, UNAFAM, FHF, FEHAP, UNCPSY, Conférence Nationale des Présidents de CME deCHS, Conférence Nationale des Présidents de CME de CHG, ADESM, CEFI, ANRCQ, CDHP-France :« Cahier des Charges qualitatif de l’hospitalisation psychiatrique à plein temps. Mai 2003.p. 10.

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approche sécuritaire. Là où la psychiatrie parle de fugue ou de sortie sansautorisation médicale, le discours de l’ensemble des médias renforcé par lesinterventions de l’État parle d’évasion, utilisant un vocabulaire pour détenu.

Dans un article d’APM Santé, il est fait référence à ces nombreusesfugues62 : « “Depuis mi-juillet, il y a une conjonction d’événements mais lesfugues sont un phénomène fréquent et, dans plus de 90 % des cas, lespatients sont ramenés ou reviennent”, témoigne le Dr Bernard Cazenave,président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalierCharles Perrens de Bordeaux et secrétaire général de la conférence des pré-sidents de CME de CHS ». Dans ce même article, les directeurs et les psy-chiatres interrogés par APM Santé font part de leur lassitude face à lamédiatisation de ces fugues, en raison de la banalité du phénomène et del’amalgame fait entre les vocations de la prison et de l’hôpital : « Ce sontdeux milieux fermés mais ils n’ont pas la même vocation. Celle de l’hôpitalest de soigner, pas d’enfermer les gens, et face à un patient qui est déterminéà sortir, nous n’avons pas les moyens de résister ».63

Ainsi l’hôpital habilité à recevoir des patients en HDT ou HO est tenud’assurer les conditions en matériel (infrastructures) et en personnel pourgarantir une surveillance vigilante64. En effet, une personne atteinte de trou-bles mentaux peut être en hospitalisation sur la demande d’un tiers si « sestroubles rendent impossible son consentement et si son état impose des soinsimmédiats assortis d’une surveillance constante », mais le terme de surveillanceconstante ne signifie pas que le malade est surveillé 24 heures sur 24 ni qu’unmédecin ou une équipe se relaie à son chevet en permanence. Cela spécifiequ’une équipe soignante, engagée dans la prise en charge du patient, pourraintervenir à tout moment en cas de besoin. Par conséquent, la surveillance etla sécurité sont de la compétence du personnel soignant dont la présence dansle service est permanente, d’où la question des responsabilités en cas de sortienon autorisée.

Certains intervenants défendent comme Miguel-Ange Matéos65, la thèsequ’une sortie non autorisée suppose un dysfonctionnement de l’établissementou un défaut de surveillance, d’où la notion de préjudice et d’une faute pou-vant engager la responsabilité de l’établissement et de son personnel. Cepen-

62. APM Santé : « les fugueurs des services de psychiatrie, un phénomène fréquent et difficile à prévenir ».28 août 2005.Internet, infirmier-com63. Bernard CAZENAVE, APM Santé : « les fugueurs des services de psychiatrie, un phénomène fréquent etdifficile à prévenir ». 28 août 2005, Internet, infirmier-com. Il convient de distinguer les personnes hospi-talisés sous contrainte, en HO et HDT et les détenus hospitalisés dans des conditions déterminées parl’article D.398 du code de procédure pénale.64. Circulaire DGS/SP3 n° 48 du 19 juillet 1993.65. Miguel-Ange MATEOS : « Responsabilité et sortie du patient hospitalisé en psychiatrie », Gestion hos-pitalière, Octobre-novembre 1999.

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dant, nous devons être soucieux de notre spécificité, comme l’écrit aussi dansun article de Libération, Emmanuel Digonnet et Marie Leyreloup : « Deslieux fermés, des grillages, des alarmes électriques, des caméras, un gardienderrière chaque infirmier ? Et si l’on demande à la psychiatrie d’assumer lacharge de l’ordre public, peut-on encore parler de lieux de soins ? Serait-ilpossible de se pencher concrètement sur les vrais problèmes ? »

III – Responsabilité en psychiatrie

La prévention des risques dans notre domaine tend à répondre à uneexigence d’hyper précaution, d’où la fermeture des unités de soins et la limi-tation de la liberté d’aller et venir. Ainsi, Philippe Roy précise : « La notion derisque résonne avec la complexité de la maladie psychique, les avatars de la rela-tion thérapeutique, les exigences éthiques et les perspectives de la responsabilitémédico-légale »66. Il note qu’il faut savoir prendre les bons risques au bonmoment « au nom de la dynamique de l’échange avec le patient »67.

La psychiatrie et la justice se retrouvent en première ligne, parce que lesinstitutions qui avaient jadis un rôle préventif (l’école par exemple) en instituantdes valeurs structurantes ne peuvent plus assumer leur mission socialisante.Ainsi, justice et psychiatrie deviennent garantes de ces valeurs68. La violence n’estpas comme le rappelle le Dr Didier Bourgeois « consubstantielle à la folie, ellen’est que l’expression d’une flagrante incommunication sur l’expérience vécuepar le malade ».

A – La responsabilité du patient

Le droit civil et le droit pénal prévoient la responsabilité d’un patient pré-sentant des troubles mentaux69. Cependant, si le droit civil admet le principed’une obligation civile de réparer à la charge du patient, et ce, quel que soit ledegré d’altération de ses facultés, le droit pénal, quant à lui, différencie la res-ponsabilité du malade dont les facultés sont abolies, et celui dont les facultéssont altérées.

66. Philippe ROY, « La psychiatrie en danger veut prendre des risques », Quotidien du médecin,27 septembre 2005 article relatif aux journées de la Fédération d’aide à la santé mentale Croix-Marine.67. Dr Bernard DURAND, président de la Fasm Croix-Marine, membre de la mission d’appui en santé men-tale créée, celle-ci est rattachée au ministère de la Santé. Elle est chargée d’aider à l’évolution et à la pla-nification des soins en psychiatrie ; voir aussi : G.-J. MARTIN, Précaution et évolution du droit, D. 1995,p. 299.68. Dr Didier BOURGEOIS, « Que fait la Justice, Que font les psychiatres », Internet : psycause juillet/août 2004.69. Caroline TREINS, « Le droit doit-il contraindre le fou pour le protéger, l’exclure, pour le normaliser »,Mémoire DEA IFROSS Université Jean Moulin LYON 3.

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1 – L’obligation civile de réparer70

Avant 1968, la jurisprudence affirmait : « Si d’après l’article 1382 du codecivil, “tout fait de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par lafaute duquel il est arrivé à le réparer”, par l’emploi de l’expression faute, la loisuppose évidemment un fait dépendant de la volonté ; un insensé n’ayant pasde volonté ne saurait être responsable, même civilement, des faits accomplis parlui pendant l’état de démence »71.

Depuis 196872, la loi programme que l’aliéné est responsable civilement deses délits. L’article 489-2 du code civil prévoit que « celui qui a causé un dom-mage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental, n’en est pasmoins obligé à réparation ». Cette disposition s’applique à toute personne privéede discernement, qu’elle soit soumise ou non à un régime de protection (sauve-garde de justice, curatelle ou tutelle)73.

Ainsi, lorsqu’un patient cause un dommage que ce soit à un soignant, àun médecin, à l’hôpital ou à un tiers en cas de dégradation de matériel, il peutvoir sa responsabilité civile engagée. Il peut alors être condamné à verser desdommages et intérêts à la personne qui a subi un préjudice par sa faute. Si pourle droit civil, le malade présentant des troubles mentaux, malgré son état, restecivilement responsable, le droit pénal, par contre a admis que l’aliéné ne sauraitêtre, en totalité ou en partie responsable de ses actes.

2 – Les limites de la responsabilité pénale

Tout comme en matière de protection civile, la loi du 19 juillet 1993 por-tant réforme du code pénal74 a pris en compte l’évolution de la psychiatrie en

70. Caroline TREINS, précité. D’après l’enquête de l’Association Septentrionale d’Épidémiologie Psychiatrique (ASEP), avec le concoursdu Département d’Information et de Recherche Médicale (DIRM) de l’EPSM Lille Métropole et le CentreCollaborateur de l’Organisation Mondiale de la Santé pour la recherche et la formation en santé mentalede Paris (CCOMS), la représentation du malade mental est porteuse des stigmates dus à la dangerositépotentielle attribuée, hors et dans la famille ainsi : « Tous les actes violents et illégaux (meurtre, viol,inceste, agressions…) sont attribués au “fou” et encore plus au “malade mental”….. La grande majoritédes personnes interrogées pense que “fou” ou “malade mental” ou “dépressif” ne sont pas responsablesde leur état (“folie”, “maladie mentale” ou “dépression”), ni de leurs actes, qu’il faut les soigner mêmes’ils ne le veulent pas et qu’ils ne sont pas conscients de leur état. » Cette représentation est commune àtoutes les cultures, le danger reste la préoccupation première des personnes lorsqu’elles s’imaginent ensituation de prendre en charge le malade mental. ASEP : » la Santé mentale en population générale. Imageset réalités, rapport définitif de la première phase 1998-2000. Internet : www.epsm-lille-metropole.fr71. Chambre des Requêtes, 14 mai 1866, DP, 1867, 1, 296.72. Loi nº 68-5 du 3 janvier 1968 art. 1. La règle n’est pas sans limite : il est nécessaire que, pour êtreobligé à réparation, en vertu de l’article 489-2, celui qui a causé un dommage à autrui ait été sous l’empired’un trouble mental, ce qui n’est as le cas de la perte de connaissance due à un malaise cardiaque : Cass.civ. 2°, 4 févr. 1981, Bull. civ. II, n° 21, RTD civ. 1982, p. 148, Note Durry.73. Pierre CALLOCH, « la loi du 3 janv. 1968 et la protection de la personne » et Monique BUCHER-THIZON :« L’application de la loi du 1968 en psychiatrie », in Claude LOUZOUN et Denis SALAS, Justice et Psy-chiatrie, précité, p. 37 et 53.74. Loi n° 93-913 du 19 juillet 1993 portant réforme du Code pénal, et circulaire d’application du 14 mai 1993.

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substituant au terme de démence celui de trouble psychique et en différenciantle régime de la responsabilité selon l’étendue des troubles. Auparavant, avec sonarticle 64, le code pénal napoléonien de 1810 définissait l’irresponsabilité pénalepour trouble mental : « Il n’y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en étatde démence au temps de l’action ». Dans le nouveau code pénal, on trouve unarticle concernant le trouble mental, l’article L.122-1, qui se situe dans ledeuxième chapitre : « Les causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de la res-ponsabilité », comporte deux alinéas et stipule : « N’est pas pénalement respon-sable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychiqueou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. Lapersonne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neu-ropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actesdemeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstancelorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime ».

L’existence d’un trouble mental constituant une cause d’irresponsabilité n’estdonc jamais présumée, elle doit être prouvée75. L’irresponsabilité pénale pour trou-ble mental ne supprime pas l’existence de l’infraction, permettant ainsi à la victimed’obtenir réparation de son préjudice. Ainsi, le patient peut être condamné aucivil. Actuellement, nous assistons au déclin de la déresponsabilisation, en effet,les experts concluent de moins en moins à l’irresponsabilité pénale du malademental. Sur ce point, Serge Portelli76 nous fait remarquer : « Tout concourt àréduire, dans la pratique, le champ d’application de l’article 64 du code pénal ».

B – La responsabilité des soignants

1 – La responsabilité civile

a – Rappel des données classiques

La responsabilité des établissements de soins s’est développée par applicationdes règles du droit commun. Le clivage droit public/droit privé, selon que l’éta-blissement se trouve être une personne morale de droit public (établissement desanté public) ou de droit privé (clinique) subsiste, sachant que « le principe de laséparation des pouvoirs fait obstacle à ce que les fonctionnaires soient assignéspersonnellement devant le juge civil sauf lorsque les fonctionnaires commettentune faute personnelle détachable du service »77.

75. Les juges du fond, qui relèvent les aspects particuliers du psychisme du prévenu, tels qu’ils résultentd’une expertise mentale et des témoignages, peuvent en déduire, par une appréciation souveraine de leurpart, que la responsabilité du prévenu est atténuée mais ne caractérise pas l’état de démence : Cass. crim,6 juin 1979, Bull. n° 194.76. Serge PORTELLI : « Justice et psychiatrie, Normes, Responsabilité, Éthique » Études, recherches, Actionsen Santé Mentale en Europe, Erés, 1re édition, 1995, p. 155.77. Tribunal des conflits, 31 juillet 1873, arrêt Pelletier. ; M. FORNACCIARI, La responsabilité dansl’hospitalisation publique, Traité de droit médical, Litec, fasc. n° 111 ; J. PENNEAU, La responsabilitémédicale, Dalloz, 1996, coll. Connaissance du droit.

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La compétence juridictionnelle est toujours répartie entre les juridictionsadministratives (hôpitaux publics) et les juridictions d’ordre judiciaire (clini-ques). Dans l’exercice public, c’est le tribunal administratif qui est pressenti entant que tribunal civil, il juge les litiges entre les particuliers et l’administration78.

Dans la pratique, toutes les fautes personnelles commises à l’occasion duservice sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’hôpital public. La fautepersonnelle détachable du service est définie comme un « manquement volon-taire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique »79,motivé par des raisons étrangères aux besoins du service et dépourvu de toutlien avec le service.

Cette responsabilité est soumise à l’obligation d’assurance80. Les établisse-ments publics disposent de la personnalité morale et répondent sur leur patri-moine des dommages qu’ils peuvent causer. D’autre part, le personnel estcouvert par cette obligation d’assurance81. L’assurance doit couvrir l’ensembledes salariés inclus les médecins, dès lors qu’ils sont salariés. La responsabilitédes établissements de santé publics est soumise pour l’essentiel aux règles géné-rales de la responsabilité administrative.

b – Spécificité en psychiatrie82

– La responsabilité pour faute

Le principe est conforme au droit commun de la responsabilité adminis-trative qui, comme la responsabilité civile est fondée sur la faute83. Une fautesimple suffit pour engager la responsabilité de l’hôpital84. Ainsi un défaut de

78. Claude THOUMOUX, Cas pratique », Droit, déontologie et soin, Masson, Mars 2004, vol 4 n° 1, p. 102à 120.79. Cour Cassation, 2 avril 1992.80. Article L.1142-2 du code de la santé publique « Les professionnels de santé exerçant à titre libéral, lesétablissements de santé, services de santé et organismes mentionnés à l’article L. 1142-1, et toute autrepersonne morale, autre que l’État, exerçant des activités de prévention, de diagnostic ou de soins ainsi queles producteurs, exploitants et fournisseurs de produits de santé, à l’état de produits finis, mentionnés àl’article L. 5311-1 à l’exclusion du 5º, sous réserve des dispositions de l’article L. 1222-9, et des 11º, 14ºet 15º, utilisés à l’occasion de ces activités, sont tenus de souscrire une assurance destinée à les garantirpour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d’être engagée en raison de dommages subispar des tiers et résultant d’atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l’ensemble de cette activité ».81. Le même article quelques lignes plus loin, précise : « L’assurance des établissements, services et orga-nismes mentionnés au premier alinéa couvre leurs salariés agissant dans la limite de la mission qui leur aété impartie, même si ceux-ci disposent d’une indépendance dans l’exercice de l’art médical. »82. P. BON, La responsabilité des services publics d’activités sanitaires et sociales utilisant des méthodeslibérales, RT sanit. soc. 1984, page 440.83. Article L.1142-1 alinéa 1 du code de la santé publique : « Hors le cas où leur responsabilité est encou-rue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrièmepartie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés desactes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences domma-geables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. »84. CE, 10 mars 1992, JCP G 1992, n° 21881, note J. Moreau ; AJDA 1992, p. 355, concl. Legal.

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surveillance85, une fugue par exemple constitue un cas de responsabilité pourl’hôpital86.

La spécificité de la psychiatrie est reconnue. Ainsi, le Conseil d’État déclare,dans un arrêt, qu’il ne « saurait être reproché aux médecins de l’hôpital psy-chiatrique d’avoir laissé l’intéressé bénéficier d’une certaine liberté à l’intérieurde l’établissement ».

Le patient hospitalisé sous contrainte patient ne doit jamais quitterl’établissement sans autorisation médicale et décision administrative (direc-teur de l’hôpital dans le cas des HDT). Il doit être surveillé de la même façon,que son état semble calme ou non, sous peine d’engager la responsabilité del’établissement87.

La famille doit être aussi informée de la sortie non autorisée, cette obligationpouvant jouer lorsqu’un le patient est en service libre88 : « Le régime de place-ment libre ne doit pas faire obstacle à ce qu’un établissement hospitalier exerceune surveillance particulière sur les malades mentaux, notamment sur ceuxconnus pour leurs tendances suicidaires. En s’abstenant d’avertir de la fugue dedeux malades mentaux les services de police afin que ceux-ci organisent desrecherches à l’extérieur de l’établissement, le centre hospitalier concerné a mani-festé une carence constitutive d’une faute de nature à engager sa responsabilité. »

Dans cet autre cas de jurisprudence, l’établissement de santé mentale a étéreconnu responsable d’un défaut de surveillance, même si le patient était en hos-pitalisation libre. Ainsi :89 « L’hôpital qui connaissait le comportement dangereuxpour les tiers du malade lorsqu’il était en état d’ivresse devait exercer une sur-veillance particulière sur l’intéressé et se donner les moyens de prévenir immédia-tement ses parents de son départ afin de leur permettre de prendre les mesuresnécessaires. Alerte donnée tardivement. Cette carence est constitutive, dans lescirconstances de l’affaire, d’une faute du service hospitalier de nature à engagerla responsabilité de l’hôpital. »

– La présomption de faute90

La faute hospitalière doit être, en principe, prouvée par la victime. Cepen-dant, pour faciliter l’indemnisation des patients, la jurisprudence a posé dans

85. Jean-Marie CLEMENT, Cyril CLEMENT « les principales décisions de jurisprudence hospitalière », Docu-ment Santé, Berger-Levrault 1995. Pour une application en cas se suicide : Cass. civ. 1°, 23 février 1982,n° 80-16.708, Cass. civ. 1°, 3 mars 1998, n° 96-13775, n° 451 ; CA Pau, 18 déc. 1996, RT sanit. soc.,1997, p. 840, note G. MEMETEAU et M. HARUCHAUX.86. CE, 12 mai 1972, Dame veuve Immoula, n° 80283 Recueil Lebon.87. CE, 12 mai 1972, Dame veuve Immoula, n° 80283 Recueil Lebon.88. CAA, Lyon, 26 mars 1991, Dame Marotta, n° 90LY00592, Tables du Recueil Lebon.89. CAA, Nantes, 29 avril 1992, Hôpital psychiatrique du Bon Sauveur, n° 90NT00595, Tables RecueilLebon.90. Dictionnaire permanent : Bioéthique et biotechnologies mise à jour 1er juin 2004, p. 2161, Éditionslégislatives.

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différentes hypothèses, des présomptions de faute dans l’organisation et le fonc-tionnement du service91.

Il faut distinguer selon que le patient vient de son plein gré ou souscontrainte, ce n’est que dans le second cas qu’une surveillance permanente estrequise92. Cependant, ce critère ne suffit pas : en effet, le caractère prévisible ouimprévisible du comportement du malade (antécédents et comportements justeavant l’acte, si des tendances suicidaires ou agressives sont déjà connues), est enprendre en compte, la surveillance devant être renforcée.

La Cour de cassation, 1re chambre civile, dans le cadre d’un établissementprivé psychiatrique où une patiente toxicomane, hospitalisée sur demande d’untiers, s’était enfuie (avant de se donner la mort) précise93 : « L’obligation àlaquelle est tenu un établissement psychiatrique est une obligation de moyens enfonction de la pathologie du malade et de sa situation administrative… « Dansson arrêt, la Cour de cassation souligne : « La notion de surveillance constante,au sens de l’article L.333 du code de la santé publique relatif à l’hospitalisationd’un tiers de personnes atteintes de troubles mentaux, signifie qu’une équipesoignante, engagée dans un projet thérapeutique, doit pouvoir intervenir à toutmoment auprès du patient, en cas de besoin. » Aucun défaut de surveillance n’aété retenu pour cet établissement94, car il n’y avait pas de prévisibilité du risquede fugue et par ce que la notion de surveillance constante ne signifie pas que lemalade doit être surveillé 24 heures sur 24.

– La responsabilité sans faute

Le législateur et la jurisprudence avaient institué une responsabilité sansfaute pour certains dommages, principalement les vaccinations obligatoires95 etla collecte de sang96. La jurisprudence a également étendu le régime de respon-sabilité sans faute aux dommages causés aux tiers par les patients en sortied’essai, les juges estimant que « cette méthode thérapeutique » crée un risquepour le tiers, lesquels ne bénéficient plus de garanties de sécurité inhérentes auxméthodes habituelles d’internement : « Malade mental ayant fait l’objet d’une“sortie d’essai” de trois mois dans les conditions prévues par la circulaire minis-térielle du 4 décembre 1957, et ayant allumé un incendie dans les locaux del’agriculteur chez qui il avait été placé. Méthode thérapeutique des “sortiesd’essai” créant un risque spécial pour les tiers, les dommages causés à ces der-niers, et qui sont en relation directe avec l’application de cette méthode, sont

91. Ainsi dans le cadre de la psychiatrie, les établissements habilités à recevoir les patients en hospitalisationsous contrainte doivent réunir les conditions et se donner les moyens matériels pour assurer et garantirune « surveillance vigilante » : DGS/SP3 n° 48 du 19 juillet 1993.92. CE, 29 janvier 1993, Recueil Lebon.93. Cour Cass, chambre civile 1 du 13 octobre 1999, n° 97-16216 publié au Bulletin.94. Laporte du droit. com : « l’obligation de surveillance de patients psychiatriques ». Internet.95. Article L.3111-9 du Code de la santé publique.96. Article L.1222-9 du Code de la santé publique.

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de nature à engager sans faute la responsabilité des hôpitaux psychiatriques àleur égard. »97

D’autre part, la jurisprudence a reconnu la responsabilité de l’hôpital mêmedans le cas d’hospitalisation libre98 : « Dommage causé par un débile mental admisen service libre dans un hôpital psychiatrique. Si l’hospitalisation en service libre,prévue par les circulaires du ministre de la Santé publique des 1er mars 1949 et28 février 1951, ne constitue pas une méthode thérapeutique créant un risque spé-cial pour les tiers et susceptible d’engager sans faute la responsabilité de l’admi-nistration, les services de l’hôpital psychiatrique ont commis une faute de natureà engager la responsabilité de cet établissement en plaçant l’intéressé dans des condi-tions d’hospitalisation qui lui laissaient une totale liberté pendant la journée alorsqu’il n’avait aucune occupation professionnelle et que son agressivité était connue. »

Nous pouvons conclure qu’en terme d’indemnisation, quel que soit le moded’hospitalisation, c’est l’appréciation des juges qui est déterminante, en effetnous ne pouvons nous contenter de ces décisions pour affirmer notre engage-ment lorsque nous prenons des décisions concernant la liberté d’aller et venirdans le cadre de nos unités.

2 – La responsabilité pénale

Pour engager la responsabilité pénale99, 100, une faute d’imprudence ou denégligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité, suf-fit101 : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Tou-tefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée dela personne d’autrui. Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas defaute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de pru-dence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteurdes faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant,de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi quedu pouvoir et des moyens dont il disposait.102 »

97. CE, 13 juillet 1967, Département de la Moselle, D.1967, p. 67, note F. Moderne.98. CE, 30 juin 1978, Dame Clotault, n° 99514 01582, Recueil Lebon.99. Alex BERTHAIL : « Les responsabilités en milieu psychiatrique ». DU. Droit et santé mentale 13 mai2005 IFROSS.100. Claude THOUMOUX, « Cas pratique », Droit, déontologie et soin, Masson, Mars 2004, vol 4 n° 1, p. 102.101. Loi du 10 juillet 2000 du Code pénal tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.Jurisprudence de référence : Cass. Crim, 5 sept. 2000, n° 99-82301 ; Cass. Crim, 10 janv. 2001, n° 00-83354 ; Cass. Crim, 4 mai 2004, n° 03-84648.102. Article 121-3 alinéa 3 du nouveau Code pénal : « L’appréciation d’une faute d’imprudence, de négli-gence ou de manquement à une obligation de sécurité, qui ne saurait être présumée ou déduite de la sur-venance d’un dommage résultant de l’un ou l’autre manquement ou omission susvisé. Au contraire, il doitêtre écarté lorsque l’auteur des faits justifie d’une cause d’irresponsabilité consistant dans l’accomplissmentdes « diligences normales » c’est-à-dire de celles, adéquates, que sa situation lui permettait de concevoiret de mettre en œuvre pour prévenir le dommage : Tribunal de Grande Instance Lyon, 26 sept. 1996,D. 1997, page 200, note R. Seillan ; RS crim 1997, p. 833 ; note Y. Mayaud.

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En terme de responsabilité pénale : « nul n’est responsable que de son pro-pre fait ».103 La responsabilité pénale est donc personnelle, une faute « simple »suffit à engager sa responsabilité104.

En revanche, la responsabilité pénale peut être engagée pour un auteur indirect :« Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pascausé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situationqui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettantde l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façonmanifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévuepar la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autruià un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.105 »

Ainsi par cet article, le directeur, le directeur des soins, par exemple, d’unétablissement peuvent avoir leurs responsabilités pénales engagées, lors d’unefugue d’un patient en hospitalisation sur demande d’un tiers. Cependant, il fautque la faute soit « caractérisée ou délibérée ». D’autre part, si la personne res-ponsable d’un service a tout mis en œuvre pour que le dommage ne se réalisepas, s’il y a eu respect de la législation en vigueur et non-exposition du patientà un risque avéré, elle ne peut être reconnue responsable des fautes commisespar d’autres106.

S’agissant de l’obligation de surveillance, nous avons vu à travers les dif-férents cas évoqués précédemment, qu’il n’y avait pas de systématisation de lajurisprudence judiciaire, car « Certaines décisions imposent une obligation desécurité très stricte, d’autres au contraire mettent l’accent sur la nécessité d’appli-quer “des méthodes de soins libérales favorables au traitement des patients” cequi suppose une surveillance moins rigoureuse.107 »

3 – La responsabilité disciplinaire

Après avoir décrit la responsabilité administrative et pénale, il ne faut pasoublier l’aspect disciplinaire qui peut être envisagé par un directeur d’établisse-ment lors d’une sortie sans autorisation d’un patient hospitalisé sous contrainte.

103. Article 121-1 du nouveau code pénal.104. Cass. Crim, 21 sept. 2004, n° 03-85510. Sur le lien avec la faute civile : Cass. civ. 1°, 17 nov. 1969,n° 68-12225, JCP 1970, II, n° 16507, note R. Savatier.105. Article 121-3 alinéa 4 du nouveau Code pénal.106. L’article 221-6 du Code pénal, relatif à l’atteinte involontaire à l’intégrité d’autrui et homicide invo-lontaire donne la définition suivante :« Le fait de causer… par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligationde sécurité ou de prudence imposée par la loi ou règlements, la mort d’autrui constitue un homicide invo-lontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence impo-sée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à75 000 euros d’amende. ».107. Anne-Marie LEYRELOUP, Emmanuel DIGONNET : « La liberté de circulation : portes ouvertes, portesfermées » Internet : www.serpsy.org

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En effet, le directeur a le pouvoir disciplinaire et peut consulter la commis-sion administrative paritaire qui siège en conseil de discipline. L’ensemble desprocédures concernant la mise en œuvre de cette instance disciplinaire est, pourla fonction publique hospitalière, dans le décret 89-822 du 7 novembre 1989.

Conclusion

Le droit doit être perçu comme un moyen d’améliorer notre pratique. Iln’est pas un obstacle pour l’évolution de celle-ci. Reste notre engagement moralet notre capacité à résister à l’aspect sécuritaire de notre politique de santémentale.

Avant la loi du 4 mars 2002, le code de déontologie était le texte essentieldéfinissant les règles applicables aux relations entre professionnels de santé etpatients. Le fait que la loi reconnaisse aux patients des droits qui deviennentopposables à nous professionnels, inverse le modèle sur lequel s’était jusqu’alorsconstruite la relation médecin-malade, mais aussi la relation soignant-soigné. Lapersonne, titulaire de droits, est actrice de sa santé.108 « Dans une démocratie,la logique du soin ne peut pas être opposée à la logique des droits de l’homme,tant il est évident que, notamment en psychiatrie, on ne saurait soigner quicon-que au mépris de la personne et, par conséquent, au mépris des droits del’homme les plus élémentaires.109 ».

108. Gilles RENAUD, avocat, conseiller technique au CREAI des Pays de la Loire, intervention dans le cadrede la conférence de consensus « Liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociauxet obligations de soins et de sécurité » qui s’est tenue le 24 et 25 novembre 2004.109. Philippe BERNADET, précité.