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Houda Laroussi (2)

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  • Entrepreneurs maghrbins

    Terrains en dveloppement

  • Pierre-Nol Denieuil

    Mohamed Madoui

    (Eds)

    Entrepreneurs maghrbins

    Terrains en dveloppement

    IRMC

    20, rue Mohamed Ali Tahar

    1002 Tunis

    KARTHALA

    22-24, bd Arago

    75013 Paris

  • Sommaire

    Pierre-Nol Denieuil et Mohamed Madoui

    La construction dun objet de recherche 11

    I. Entreprises et mutations socioconomiquesNacer-Eddine Hammouda et Moundir Lassassi

    Essai statistique sur le potentiel entrepreneurial en Algrie 35Moussa Boukrif et Mohamed Madoui

    Les PME algriennes lpreuve de la mise niveau des entreprises 73Moncef Ouannes

    Anciennes et nouvelles lites entrepreneuriales et leur rledans le dveloppement rgional de la Libye 95

    Baya Arhab

    Algrie, librer le potentiel de croissance pour promouvoir lemploi 111Kamel Boucherf

    La gestion des ressources humaines (GRH) dans la PME algrienne : une vrit contestable 133

    II. Lacte dentreprendreAissa Bensedik

    Lactivit entrepreneuriale : le rle des facteurs psychosociologiques 151Mohamed Madoui

    Les nouvelles figures de lentrepreneuriat en Algrie.Un essai de typologie 163

    Lotfi Bennour

    Diplms du suprieur, micro-projets et emplois. Une analyse spatiale 175

    Ridha Ben Amor

    Le rle du capital social dans la dynamique entrepreneuriale en Tunisie. Un tat des lieux de la recherche partir de quelques travaux 187

    Pierre-Nol Denieuil

    La cration de micro-entreprises nest pas la solution miracle. Limites individuelles et enjeux locaux de lappel lentreprendre 209

    III. La femme, acteur de lentrepriseMohand Tahar Assat

    La division genre du travail dans deux entreprises industriellessitues dans la rgion de Bjaa (Algrie) 227

  • Rabah Nabli

    Regards sur lentrepreneuriat fminin tunisien 235Abdelkhalek Bchir

    Linitiative prive des femmes en Tunisie. Fondements, motivations et traits de comportements stratgiques 253

    Sonia El-Amdouni

    Identits professionnelles des femmes cadres en Tunisie, carrires, stratgies et mode dengagement 277

    IV. Entrepreneuriat et dveloppement localPierre-Nol Denieuil

    Histoire des concepts et mthodes fondateurs du dveloppement local et territorial. Lentrepreneur et son systme dacteurs 295

    H. Amina Kadri-Messad

    Comprendre le dveloppement local en Algrie 315Houda Laroussi

    Le dveloppement local tunisien et la territorialisation des politiques publiques.De la dcentralisation la franaise, la dconcentration planifie en Tunisie 335

    Aude-Annabelle Canesse

    Les Groupements de dveloppement agricole (GDA), entrepreneurs locaux ou relais administratifs ? Quels enjeux participatifs pour les agriculteurs tunisiens ? 351

    Alia GanaMicro-entreprises fminines, gestion des ressources naturelles et lutte contre la pauvret rurale en Tunisie. Exemple du projet de dveloppement du bassin-versant de Oued Sbahya (gouvernorat de Zaghouan) 365

    V. Migrations, mobilits, et conomies en mergencesChrif Dris

    Les mdiateurs de la coopration dcentralise entre la France et les pays du Maghreb. Le cas des maghrbins de Marseille 383

    Matouk Belattaf et Alia Oussalem

    Impacts des transferts de fonds des migrs sur le dveloppement socio-conomique local en Algrie. Cas de quatre localits de la Soummam (Kabylie) 395

    Emmanuelle Santelli

    De linvestissement en Algrie, mobilits et dveloppement entrepreneurial. Le cas des descendants dimmigrs algriens 419

    Michel Praldi

    Informalits, nouvelles perspectives analytiques 431

    Prsentation des auteurs 443

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    Sommaire

  • Le dveloppement local tunisien et laterritorialisation des politiques publiques

    De la dcentralisation la franaise, la dconcentration planifie en Tunisie

    Houda LAROUSSI

    Quelles sont les rcentes volutions des politiques publiques tunisiennesface la question du dveloppement local, en ce qui concerne notamment laprise en compte de la notion de territoire ? Selon Marcel Roncayolo (1990),le territoire est conu comme un espace qui permet une coopration collectivepar le biais dun projet qui associe des acteurs publics et privs. Cetteassociation de divers acteurs autour dun mme projet illustre la thse que laconstitution dun projet pralable contribue construire ce que lon nomme territoire . Ce projet peut tre celui des acteurs locaux, il peut aussi tre issudune dcision gouvernementale. Nous voquerons ici les principaux aspectsdu traitement du dveloppement local face au processus de territorialisationdes politiques publiques.

    Dans la mesure o les concepts tant de dveloppement local que deterritorialisation ont t forgs dans les expriences europennes et notammentfranaises, nous nous appuierons sur un clairage comparatif entre la France etla Tunisie. Il sera tout dabord question des formes de recomposition de ltatau travers du redcoupage territorial. Ce sera ensuite loccasion de redfinirdes termes souvent confondus et dtablir une diffrenciation entre ladcentralisation la franaise et la dconcentration rgionale planifie enTunisie. Enfin, en resituant limpact des niveaux local, communal et rgionalcomme relais de laction dconcentre, nous caractriserons une formetunisienne originale de dveloppement rgional, centralis, mais localis etindividualis la carte .

    Territorialisation des politiques publiques et

    recomposition de ltat

    Le cas franaisDes travaux mens dans les pays europens, rvlent la perte de centralit

    de ltat. De nouveaux processus territoriaux saffirment travers ladcentralisation, marquant une remise en cause de la capacit de ltat

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    Le dveloppement local tunisien et la territorialisation des politiques publiques

    1. Michel Chauvire, extrait dun entretien avec P.-N. Denieuil et H. Laroussi, Paris, 2004.

    laborer des politiques publiques sectorielles nationales. Pour preuve, enFrance, on prendra la gnralisation de laction publique partenariale quidonnerait voir un tat contraint de gouverner par contrat et de ngocieravec des partenaires de plus en plus nombreux (acteurs privs et associatifs) surles domaines du travail et du dveloppement.

    Il sagit l dune modalit de la territorialisation de laction publique oltat, lui-mme, va chercher stabiliser un nouvel quilibre entre, dunepart, son intgration parmi les acteurs du territoire et, dautre part, sadiffrentiation vis--vis de ce territoire, en tant quacteur dominant national. Enfait, et selon F. Labadie (F. Labadie, 1998, 3), face la dcentralisation, on setrouve confront un mode de rgulation par le bas o ltat est amen,en raison de la complexit des problmes, de la fragmentation du pouvoir et dela diversit des territoires, ngocier et cooprer avec les acteurs locaux,notamment privs (modle de linstitutionnalisation de laction collective) (P.-N. Denieuil et H. Laroussi, 2005, 59). On dfinira alors la territorialisationcomme le transfert orchestr et matris des politiques publiques de ltat auxcollectivits locales. Du mme coup, les collectivits locales sont, la fois,garantes de la diffrentiation de laction publique sur les territoires et chargesdassurer une cohrence sur ces mmes territoires (D. Bhar, 1997-1998, 44).

    La dconcentration prendrait forme par en bas, ltat local et ses agentstant les garants de la conciliation entre lintrt gnral sur les territoires etlintrt gnral sur le territoire national. Par ailleurs, au niveau local, le rlede ltat central saffirmera diffremment grce la prsence des collectivitslocales qui vont prendre sa relve. Pour Daniel Bhar (id.) par exemple, dansle cas o la socit ne peut plus tre gre den haut, la question qui se pose estde pouvoir donner un sens global laddition des politiques locales. Sans nuldoute, cest l que devrait se situer le nouveau rle de ltat. La fonction deltat intgrateur, perdant une partie de sa fonction verticale, consiste alors favoriser la multiplicit des regroupements, des combinaisons territorialespertinentes (J.-L. Sanchez, 1996, 58). On peut dire, dans lexemple de lasocit franaise, que la territorialisation correspond la dcentralisation entant que finalit mme du processus dcentralisateur. Sa russite sera celle dela dcentralisation (B. Palier, 2002, 37).

    En France, les annes de dcentralisation ont dbouch sur laccentuationdes projets prenant le territoire comme objet dintervention. Le territoiredevient alors, ainsi que le signale Bruno Palier (id.), un moyen de rorganiserlaction publique par les politiques de la ville, les ZEP. Le mme auteur insiste :

    Le territoire joue comme catgorie a priori de laction publique et se prsente commelalternative aux instruments des politiques sociales prcdentes, la rfrence professionnelleet le secteur []. Il sagit de proposer un support territorial de lintgration sociale face auxdfaillances du support salarial. 1

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    Houda LAROUSSI

    2. On compte aujourdhui quatre gouvernorats sur le Grand Tunis : gouvernorats de La Manouba, delAriana, de Tunis et de Ben Arous. Celui de La Manouba a t cr le 31 juillet 2000. Il regroupe huitdlgations et neuf municipalits.

    Ce mouvement de territorialisation permet de comprendre comment desprojets sociaux ont pu rechercher leurs correspondants politiques (M. Auts,1991, 199) et comment les instances politiques en sont venues lgitimer, enparticulier au niveau du dpartement comme organe de la Rpublique, lesmouvements sociaux qui ont t penss en termes de social et de local.Toutefois, il sagit ici, selon Michel Auts (id.), de politiques territorialisesplus que territoriales. En effet, le mouvement de ces politiques reste descendant,alors quil sagissait de partir des besoins exprims et des ralits locales.

    Cet auteur distingue donc, en matire daction sociale, les politiquesterritorialises (F. Menard, 1997, 50-51) et les politiques territoriales. Lespolitiques territorialises consistent en un redcoupage gographique parltat, dactions sectorielles par le biais dantennes rparties uniformmentsur leur territoire de comptence (telles des caisses rgionales) (M. Auts,1991, 202). En revanche, les politiques territoriales, concertes et solidairesavec les populations, sidentifient un territoire donn devenant le lieudlaboration pratique de formules indites de gestion du lien social (F. Menard, 1997, 50-51).

    Le redcoupage territorial de la priphrie ouest de Tunis, outil derecomposition du pouvoir

    la lumire des lments prsents sur le cas franais, on peut prendre,parmi dautres, lexemple du redcoupage territorial de la priphrie ouest deTunis, considr comme un outil de recomposition du pouvoir central. Ainsi,la dcision prise par le Gouvernement tunisien en faveur dune nouvellerpartition administrative du quartier priphrique dnomm GrandEttadhamen et situ louest de la capitale, entre le gouvernorat de lArianaet celui de La Manouba 2, se rapportait prcisment la volont de ltat demettre en uvre un systme permettant une meilleure gestion dudveloppement local. Dans cette priphrie ouest en particulier, svissait lapauvret, la prcarit et la dlinquance, ainsi que des problmes dordre sociaux(lis aux meutes de 1978), dmographique et politique (mergence desoppositions, de mouvements extrmistes). La cration du gouvernorat deLa Manouba rpondait la volont de ltat de pouvoir matriser la gestion dela population. Sa division entre deux gouvernorats a permis ltat de mieuxgrer les controverses existant entre les autorits locales et les habitants. Leredcoupage administratif a eu galement pour fonction de montrer lexistencedune dynamique politique, avec la cration dun vingt-quatrime gouvernoraten Tunisie, appel le gouvernorat de lexcellence .

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    Le dveloppement local tunisien et la territorialisation des politiques publiques

    partir de cet exemple dintervention publique sur les territoires, nousvoyons que ltat tunisien a bien engag une dmarche qui prend en comptele territoire, mais il na pas pu, comme en France, sappuyer sur la prise derelais ascendante des collectivits locales. Pour lgitimer son action, il vacependant accepter un certain jeu avec le local , en ngociant avec desacteurs privs (les associations), tout en introduisant dans ce jeu unemultiplicit dacteurs publics. Mais, il reste que les collectivits, dmunies desmoyens financiers et des comptences juridiques requises, nont pas la matrisedes rgles du jeu, dtenues par ltat.

    En Tunisie, ltat est tiraill entre sa volont, affirme dans le discours, de dcentralisation le terme est employ tort et il sagit plutt de dconcentration et de la mise en application de sa stratgie au niveaulocal face des collectivits locales non agissantes. Comment les autoritscentrales, par des moyens rglementaires, financiers et autres, peuvent-ellesstimuler lmergence de rseaux de dveloppement local ? Est-ce lautoritcentrale qui doit grer ces rseaux ou a-t-elle la capacit ou la volont dendlguer la gestion sur le plan territorial ? Quen est-il des capacitsdintgration du systme politique actuel ? Ltat peut-il tre encore cetteinstitution intgratrice de substitution , autrement dit lunique rgulateur, ouest-il en train de cder la place dautres dispositifs institutionnels(H. Laroussi, 2009) dans le cadre dune nouvelle action publiqueterritorialise ?

    La dmarche territorialise mise en place par les pouvoir publics tunisiens,suppose la mise en uvre dune autre stratgie o ltat introduit des politiquesde comptitivit territoriale, impliquant lintervention de diffrents acteurslocaux. Dans ce sens, la dynamique territoriale survenue au niveau du quartierEttadhamen est la base de nouvelles rformes sociales ngocies au niveaucentral (par le haut) et mises en uvre dans les territoires (den bas),concrtise par un appui aux initiatives locales et la cration de structurespubliques de proximit dans le cadre du PDUI et de la BTS (P. Signoles 2000,154). On peut parler dans ce cadre dune nouvelle gestion urbaine quisorganise la base et o ltat procde, en partenariat avec les institutionspubliques rgionales et locales, au renforcement de son rseau. Elle secaractrise par la tendance de ltat reproduire le modle associatif de micro-crdit pratiqu par les ONG, en installant ce modle au niveau territorial par lacration de structures publiques servant de relais. Cest donc en sappuyant surces relais que ltat met en uvre la ralisation du projet territorial [] sousle couvert classique dun discours qui prne le rapprochement deladministration par rapport au citoyen (P. Signoles, id., 153).

    Comme la expliqu le mme auteur (id., 154), ltat, soit acteur principal,soit agissant par des relais quil contrle plus ou moins troitement ou quilpromeut et stimule , sinscrit dans une logique de territorialisation. Cettelogique confirme la prsence dun systme fortement hirarchis, que ltattablit pour mieux territorialiser sa politique. Cela confirme lefficacit de la

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    Houda LAROUSSI

    3. A. Hnia, cit par P. Signoles, 2000, 177.4. Ibid.

    structure en rseaux hirarchis pour parvenir au but fix, que cette structuremane de ltat lui-mme ou quelle soit (ou ait t) mise en place par sesrelais 3.

    Ainsi, selon Abdelhamid Hnia, la territorialisation comme expressionminemment politique, [serait] la concrtisation de la mise en place de rseauxde relations dinterdpendances 4 que nous qualifierons plutt d interrela-tions entre ltat central et ses structures rgionales et locales. En reprenantlexpression de P. Signoles (id., 154), nous dirons que ces interrelations sont moins dveloppes en termes de contrat entre ltat et les collectivitslocales et quelles sinscrivent plutt dans le champ de domination dunpouvoir . Ce processus de territorialisation qui marque la mainmise de ltat,selon la dnomination de Michel Praldi (2002) reprise par Pierre Signoles(2000), peut tre qualifi de processus de recodification hirarchique (A. Faure, 1997).

    Dans cette dmarche territorialisante, on peut voir une nouvelle manire,pour ltat qui recourt la proximit, dintgrer laction publique sur le lieu detravail et de vie afin dassurer tant la cohsion que la transformation sociale.Ainsi, le territoire se charge denjeux symboliques et devient un espace de senspartag, pouvant gnrer des systmes de rfrence capables de structurerlaction publique de faon plus globale en produisant des normes dactionpermettant de hirarchiser diffrentes politiques et de repositionner les acteursqui y interviennent (Y. Luchaire, 1998, 51). Pour autant, cette dmarcheterritorialisante ne signifie pas lautonomisation des acteurs locaux et descollectivits dites locales .

    La confusion sur la dcentralisation tunisienne, et ladiffrenciation tablir entre dcentralisation etdconcentration

    De la ncessit de diffrencier dcentralisation et dconcentration La spcificit du contexte tunisien nous incite procder une distinction

    fondamentale pour notre travail, entre dcentralisation et dconcentrationadministratives. Il convient dinsister sur ces dfinitions qui permettentdapprhender la dmarche conceptuelle suivie avec la ncessit de ne pasconfondre, dans lanalyse sociologique et sociopolitique, ces deux termes.

    En voquant une tude ralise par des experts et chercheurs originaires deseize pays dAfrique de louest et du centre, on peut dfinir la dcentralisationadministrative comme un systme consistant transfrer le pouvoir de

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    Le dveloppement local tunisien et la territorialisation des politiques publiques

    5. Dcret n 89-457 du 24 mai 1989 dlguant certains pouvoirs des membres du gouvernement auxgouverneurs.

    dcision, les ressources et la responsabilit technique dun certain nombre deservices publics du gouvernement central des chelons infrieursdadministration, des institutions locales dagences infrieurs dadministration,des institutions ou reprsentations locales dagences centrales (Lcuyer,2000, 4). B. Rmond (1998, 14) de son ct, dfinit la dconcentration entermes de rpartition de pouvoir entre lchelon central et local , mais touten maintenant la subordination ltat et son intervention possible toutmoment :

    Dconcentrer consiste donc mieux rpartir les actions remplies par les administrations deltat entre le niveau national de conception de ces actions et le niveau territorial de leurexcution. Par ailleurs, ce nest pas une rforme dnitive ou irrversible, dans la mesure oune comptence qui a t dconcentre un moment donn peut trs bien, un autremoment, tre reprise et nouveau assume au niveau central de ltat.

    Ainsi que le prcise B. Rmond, la dcentralisation marque un rel partagedes pouvoirs, alors que la dconcentration ne consiste quen un rapprochement,sur le terrain, de ltat avec les citoyens :

    La dcentralisation consiste en un partage des pouvoirs entre ltat et les collectivits locales,suivant des modalits variables en fonction des traditions historiques de chaque pays. Par ladconcentration, ltat ne partage pas son pouvoir, il se rapproche seulement des citoyensen installant sur place des services spcialiss dots dune certaine autonomie (Rmond,1998, 14). 5

    Cette vision de la dcentralisation en fait avant tout un systme de partage depouvoirs entre ltat et ses dmembrements. Elle est donc essentiellement relie la sphre institutionnelle publique. Mais, il existe une autre conception de ladcentralisation. Dans la littrature anglo-saxonne, la dcentralisation est dcritecomme un processus graduel de transfert de pouvoirs aux populations, qui va dela dconcentration la privatisation, en passant par la commune et la dvolutiondes pouvoirs. Vue de cette manire, la dcentralisation nest plus rserve lasphre publique, elle concerne tous les acteurs y compris les organisations et lesassociations de base, ONG, puis intervenants du secteur priv.

    Une confusion entre la dcentralisation la franaise et ladconcentration rgionale planifie en Tunisie

    En provoquant une comparaison entre le systme administratif tunisien etle systme administratif franais, Bernard Dolez (1998, 202), constate quechaque pays a choisi une voie diffrente pour llaboration dune planification rgionale adapte au processus de dcentralisation. En Tunisie,cette conception tend plus la dconcentration, notamment sous forme deplanification rgionale, qu la dcentralisation qui a t conue en France sousforme de contrats de plan tat-Rgions. B. Dolez parle cet gard de

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    Houda LAROUSSI

    planification dconcentre . Si en France la planification rgionale pouvaitentraver la dcentralisation, en Tunisie elle est plutt un outil dedconcentration. En effet, en France, la loi du 2 mars 1982 a digr celle du29 juillet (id., 202). En dautres termes, la dcentralisation a absorb laplanification : le XIe plan a abandonn le document formel intitul plan ;seul subsistent les contrats de plan tats-Rgions. En Tunisie, au contraire,o la centralisation demeure importante, ltat contrle toujours lintgralit duprocessus de planification. Lexistence de plans rgionaux traduitsimplement la volont de ltat de dcliner les objectifs du plan, gouvernoratpar gouvernorat, et celle dassocier les autorits locales au processus dedcision. Juridiquement, il serait probablement plus juste de parler de planification dconcentre (id.).

    Toujours est-il que la mise en place de la dcentralisation dansladministration tunisienne nen nest pas une et quelle devrait tre plusapprhende en termes de dconcentration que de dcentralisation . Enloccurrence, une distinction forte persiste entre les deux systmes, selonB. Dolez (id.) :

    Ces diffrences expliquent largement que le rle de ltat en gnral, et celui de laplanification en particulier, fassent lobjet dune apprciation diffrente dune rive lautrede la Mditerrane : en France, la planification est, aujourdhui, perue comme une entrave lexpansion conomique ; en Tunisie, elle demeure, au contraire un outil privilgi ducombat pour le dveloppement. Ainsi, mme si la Tunisie reste profondment marquepar linfluence franaise, les ressorts de la planification rgionale y sont radicalementdiffrents.

    Les diffrences persistent entre les deux pays, et marquent un dcalage parrapport la mise en application de la dcentralisation. Cette distinction est lie lhistoire de chaque pays qui aboutit des contrastes administratifs. Enloccurrence, pour des raisons historiques, la dcentralisation repose sur desfondements diffrents en France et en Tunisie. En France, la dcentralisationest souvent prsente comme la forme accomplie de la pluralit locale.La Tunisie est dans une situation tout autre. Son histoire rcente a t marquepar les ncessits de la construction de ltat national et par une longueexprience de parti unique fortement intgr aux structures administratives tous les niveaux (B. Dolez, 1998, 203).

    Ds lors, Dolez poursuit son analyse sur la dcentralisation, en indiquantque la dcentralisation territoriale apparat [] comme un modedorganisation octroy par ladministration centrale elle-mme []. De fait, ladmarche dcentralisatrice se rapproche ainsi sensiblement de la dconcentra-tion (id.). La Tunisie demeure marque par la construction dun tat nationalsous lgide dun parti unique. ce titre, il nous semble que lusageextrmement frquent du terme dcentralisation dans les textes officiels etmme dans les discours des conomistes, voire des sociologues, nest pasforcment adquat.

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    Le dveloppement local tunisien et la territorialisation des politiques publiques

    Le nouveau modle tunisien de dconcentration centraliseLa dcentralisation , avec une forte confusion sur le terme, tait lune des

    conditions poses par les bailleurs de fonds internationaux dans le cadre desrformes imposes par la Banque mondiale. Force est de reconnatre que lesystme public local tunisien tait troitement li au systme central et que lesinstitutions publiques au niveau des rgions sont hirarchiquement dpendantesdu centre. Nous ne pouvons donc inscrire la dcentralisation dans un systme ola rgion reste tributaire dune gestion centrale. De ce fait, sa participation danslexcution des dpenses publiques est demeure faible et tributaire delapprciation des ordonnateurs principaux de ltat. Ce nest qu partir de 1989que des mesures fermes ont t dcides sous la forme dactes lgislatifs etrglementaires (G. Marcou, 1998, 31), instituant un rapprochement avec lesrgions par une dlgation contrle dun pouvoir demeurant toutefoislmanation directe de ltat. Ces mesures ont consacr dimportantesprrogatives au profit des conseils rgionaux en dfinissant les dpenses caractre rgional dont lexcution relve, dsormais, exclusivement dugouverneur.

    Dautres rformes ont t introduites en 1991 et en 1995, afin damliorerle fonctionnement des conseils municipaux en Tunisie. Ces rformes, comportent une extension des comptences communales ainsi quunallgement de la tutelle de ltat (G. Marcou, id., 32). La loi du 24 juillet1995 consistait transfrer aux communes les comptences ncessairesrelatives lurbanisme rglementaire, alors que lancien article 134 de la loiorganique du 14 mai 1975 prvoyait que la commune fait lobjet dun plandamnagement (id.) tabli par les services de ltat et approuv par leconseil municipal mais aussi par un dcret. En outre, bien que la tutelle restelourde, la loi organique du 24 juillet 1995 apporte des allgements dignesdintrts. Les dlibrations relatives au budget, lintervention des communesen matire conomique et commerciale dans un intrt public local (sous formedirecte ou sous forme de prises de participation), aux rglements gnrauxdemeurent soumises approbation pralable (id. 33). Ainsi, la rforme de1995 institutionnalise et dveloppe une pratique qui consacre unereconnaissance du rle collectif que jouent les communes dans le systmepolitique et administratif (B. Rmond, 1998, 13).

    Il sagit l davances importantes mais qui, en aucun cas, ne tmoignentdune dcentralisation. Incontestablement, les mutations et la recompositiondu pouvoir central tunisien saffirment plutt dans des formes dedconcentra-tion qui saffiche par rapport la dcentralisation, comme uncorrectif technique et un palliatif sociopolitique de labsence dedcentralisation (id.).

    Nous dirons dans ce sens que le gouvernement tunisien oscille entre undsengagement sollicit et une dconcentration enracine dans le systmegouvernemental. Il sagit donc, la fois, dun transfert de pouvoir adapt unecommune, un moyen de donner mandat un chelon infrieur dans lequel

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    Houda LAROUSSI

    6. Selon lexpression de B. Dolez, 1998, 208.7. Le local se manifeste au niveau des communes et des rgions en Tunisie. Il est reprsent dune part, parles gouvernorats qui sont qualifis de collectivits publiques dcentralises (A. Rebhi, 2004) au niveaurgional et dautre part, par les dlgations tablies au niveau des communes. Dans cette perspective, legouverneur est dsormais, la fois, le reprsentant du gouvernement et le dlgu de chaque ministre, limage du prfet franais (Y. Luchaire, 1998, 51). En loccurrence, on peut admettre deux niveauxadministratifs au niveau local : Un niveau communal et un niveau rgional dadministration qui montrentprincipalement la prdominance de la dconcentration dans le systme tunisien. Lorganisation de lacommune en Tunisie ne peut tre confondue avec celle qui a t dfinie par la loi franaise. Yves Luchaire(id., 51) indique que les communes tunisiennes constitueraient un lment de ltat davantage soumis ce dernier que leurs homologues franaises . De plus, prcise G. Marcou (1998, 23), la faiblesse initialeet persistante de la dcentralisation en Tunisie nest pas seulement la consquence de la politique de ltat ;elle est aussi la consquence du caractre purement administratif de la commune tunisienne. Comme lerelevait Y. Ben Achour, pour quil y ait dcentralisation, il faut quil existe une collectivit humaine, ayantdes intrts locaux et une structure administrative qui lui permette dagir (Y. Ben Achour, 1982, 214). 8. Cf. Le rapport de P.-N. Denieuil au BIT (2005).

    ltat attribue certains pouvoirs de dcision des agents et organismes locauxqui restent soumis lautorit centrale (id.), et qui, en dpit dune certaineautonomie, doivent rendre compte lunit centrale (S. Hizem, 1999, 64).

    Prenons lexemple de lurbanisme tudi par Salem Hizem (1999, 22).Mme si ce dernier doute du caractre rel de la dcentralisation avec unsystme aussi centralis pour tout le littoral et la majeure partie des villes dupays 6, il constate toutefois que le gouverneur est dsormais comptent pourprescrire et approuver les plans damnagement urbain (article 14). Quant llaboration des plans, elle est la charge des collectivits locales concernes.Dans lurbanisme, les acteurs institutionnels locaux et rgionaux (collectivitslocales, gouvernorats) ont donc des comptences accrues et il est fort probable,selon lui, que cela sera pareil pour la lutte contre la pauvret urbaine quidpend, en partie, du CGDR localis au gouvernorat.

    La politique de dveloppement local 7 de ltat tunisien et lesnouveaux enjeux du dveloppement rgional

    Ltat ordonnateur de la planification rgionale 8 du dveloppement localNous voulons montrer que le dveloppement local, en Tunisie, est conu,

    avant tout, comme un dveloppement rgional, avec une souplesse de gestion,au niveau local, introduite par une dlgation rgionale. En ce sens des formesde dconcentration rgionale peuvent conduire des actions de dveloppementlocal. Le renforcement du pouvoir des rgions a un effet sur le niveau local etil consolide le rle des structures communales. Les nouvelles structures(rgionales) ragissent suivant un diagnostic tabli la base (au niveau local).Ce diagnostic permet didentifier des donnes locales qui remontent jusquaugouvernorat. On est alors dans une phase de va et vient du local entre le centreet la rgion : le centre prend la dcision et donne les composantes dudveloppement aux rgions, et les rgions se ressourcent au niveau du local et

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    Le dveloppement local tunisien et la territorialisation des politiques publiques

    font remonter le diagnostic local jusquau centre. Les points de vue sont icitrs clairement exprims lors des entretiens mens sur ce sujet auprs desresponsables rgionaux. Une dlgue rgionale des affaires conomiques dela priphrie de Tunis sexprime en ces termes :

    Le systme local est trs lourd manier et nest pas porteur de dcisions. La dcision taitcentralise et le local nexistait pas avant. Aujourdhui, nous sommes dans une phasecaractrise par la mise en uvre dun certain nombre d observatoires , de diagnostic sur leterrain, pour que tout soit tudi au niveau du centre. En fait, tout le diagnostic se fait au niveaulocal. Si on prend lexemple du Bureau rgional de lemploi de la commune de Douar Hicher,on constate que le chef du Bureau, possde une autonomie par rapport la gestion nancire.

    Prcdemment, ltat intervenait travers un conseil rgional, gestionnaireau niveau rgional, possdant un budget, des comptences et des structures. partir de 1994, les conseils rgionaux, ont t renforcs par des conseilslocaux de dveloppement. Le conseil local de dveloppement concerne lescommunes et les structures administratives locales (associations, comits dequartier de la commune). Il est un espace de consultation qui dpend dunenvironnement institutionnel spcifique chaque localit. Selon cette logique,un dveloppement descendant des rgions vers les communes implique denouvelles rformes au niveau local. Ces rformes ont un impact sur ledveloppement rgional, car il doit y avoir des structures locales qui renforcentla rgion. Si lon procde un dveloppement du territoire, cela va agir sur largion. On peut considrer que le rcepteur au niveau local est un metteur auniveau rgional.

    En loccurrence, la rgion, qui fonctionne comme une collectivit publiquedote dune autonomie financire, est organise davantage comme un espacedarticulation des administrations centrales et locales que comme un niveauspcifique et supplmentaire de gestion et dauto-administration (Dolez,1998, 208). cet gard, ltat a toujours t considr comme lordonnateurde la planification rgionale. Malgr le renforcement des structures locales la base, le local reste toujours tributaire du pouvoir rgional. Les nouvellesprocdures administratives prises au profit de la rgion, dote dune autonomiefinancire et gre par un conseil rgional, nont pas modifi le mode degouvernement. Le pouvoir de la rgion demeure encore subordonn au centre(B. Dolez, 1998, 208) :

    Le conseil rgional examine toutes les questions intressant le gouvernorat dans les domainesconomiques, sociaux et culturels. Dans ce cadre, il est charg notamment de : llaborationdu plan rgional de dveloppement qui doit sintgrer dans le cadre du plan national dudveloppement conomique et social [].

    Ainsi, tous les programmes labors au niveau rgional doiventimprativement alimenter le plan national . Il semble difficile dans cecontexte de parler dune relle autogestion rgionale ou mme de planification dcentralise, parce quil ny a pas de relle planificationrgionale, ni de relle dcentralisation du processus de planification. Ainsi, ilny a pas de plans rgionaux ; il y a simplement des rapports rgionaux quialimentent le plan national . Ainsi que le note Ahmed Gdoura (2004) :

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    Houda LAROUSSI

    Lavenir en Tunisie est dsormais tourn vers la ncessaire territorialisation des politiquespubliques en fonction des besoins diffrencis dans les rgions. Pour un dveloppement pro actif des rgions, une restructuration et une mise niveau effective desadministrations doivent tre engages.Il sagit de ramener dans la rgion le processus dcisionnel et administratif [].En sattaquant aux problmes que connaissent les rgions en retard et en difcult, lactionlocale permet aussi de promouvoir la restructuration et la croissance de lconomienationale []. Sur la voie de la dcentralisation plusieurs pas ont t accomplis jusquici.Toutefois, lacte de dcentralisation autonomisation effective na encore pas t franchi.Le conseil rgional est form des prsidents des municipalits, des prsidents des conseilsruraux, et des lus de la rgion au niveau du parlement Nanmoins, cette structure estreste plutt consultative, peu active et son rle dans la dynamique du dveloppementrgional est peu perceptible.

    Nous voyons plus prcisment, dans le contexte de la rflexion suscite parcet ouvrage, quil sagit de donner aux responsables des rgions un cadreadministratif favorable laccompagnement du processus entrepreneurial(M. Lakhdar, 1990).

    Un dveloppement rgional centralis mais localis et individualis la carte Selon un responsable de la Banque tunisienne de solidarit (BTS) que nous

    avons interrog lors denqutes sur la priphrie ouest de Tunis :Ltat vite aujourdhui le dveloppement qui soit identique pour toutes les rgions. Ltatprend en considration les spcicits conomiques de chaque rgion. Des dcisions sontprises au niveau central, transmises au niveau rgional, leur tour les rgions les transmettentaux communes (niveau local).

    Le dveloppement en Tunisie est envisag travers la planification dudveloppement rgional et travers un cadre institutionnel et lgal. En ce sens,le dveloppement local demeure encore sectoriel, conu travers desprogrammes spcifiques pour chaque secteur (tourisme, agriculture, industrie,etc.), eux-mmes intgrs, selon leurs priorits, dans le dveloppementrgional. Dans ce sens le dveloppement local a pris de limportance en Tunisiedepuis que ltat a incit linvestissement dans certaines rgions. Il sagitdonc dun dveloppement local pris lintrieur dune optique et duneconception rgionale. On peut dire que le dveloppement local en Tunisiecorrespond une mise la carte , une forme dindividualisation et depersonnification du dveloppement rgional. Aussi le dveloppement localnest-il quun aboutissement (effet dentranement), un rsultat de ce qui a tdcid au niveau rgional. En fait, le dveloppement rgional produit dudveloppement local. Nous avons vu, dans le cas de Douar Hicher en matiredemploi, que lapproche du dveloppement local, ou localis, se base, pourltat, sur une politique de rquilibrage rgional par le biais des communes(L. Amri, 2000 et 2003 ; H. Laroussi, 2009). Par exemple, le Fonds depromotion de lemploi (plus communment appel Fonds 21-21 ) a permis ltat de renforcer le crneau de lemploi au niveau de certaines communes,lemploi tant devenu un secteur prioritaire pour le dveloppement. Ltat a

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    Le dveloppement local tunisien et la territorialisation des politiques publiques

    ainsi slectionn 119 communes (sur 256) prsentant une dfaillance en matiredemploi. Une autre slection a t effectue pour choisir finalement les plustouches par le problme de chmage. Prcisons que lintervention locale esttoujours dtermine travers des programmes rgionaux spcifiques, conussous un angle local, ainsi que lexplique un cadre :

    Cette conception implique un raisonnement local et des programmes spciques locaux,relatifs des encouragements conus pour renforcer du dveloppement rgional.

    De mme, selon le responsable de la BTS Douar Hicher, cette conceptionimplique que le systme dinformation statistique sectorielle et rgionale(taux danalphabtisation, de scolarisation, de natalit, etc.), fourni par desinstitutions rgionales, donne lieu llaboration de donnes locales :

    Aujourdhui, on soriente vers llaboration des informations locales, cette nouvelleconception incarne un effort rel au niveau local. On trouve une base dinformations locales,permettant dlaborer une planication locale.

    Il semble quen Tunisie, le dveloppement local soit considr comme unesorte de dveloppement ajust, un dveloppement correctif, dconcentr-centralis et relay par la rgion. Les propos des responsables administratifs,tenus lors de diffrents entretiens, saccordent pour constater une politiquedajustement par ltat et de radaptation ou de correction, selon la conjonctureconomique nationale et internationale, aux besoins de chaque gouvernorat.On est dans un systme dintervention tatique o chaque mesure vient sejoindre au constat dchec de la prcdente, permettant ainsi de corriger ,dintgrer les chmeurs et de faire des programmes la carte qui soientconformes aux ralits et aux besoins rgionaux et locaux.

    Cette politique dajustement continu, par programmes, est tablie aprs undiagnostic la carte et la base correspondant chaque changementde procdure socio-conomique. Les possibilits de sintgrer au niveau dumarch national de lemploi sont diffrentes dune rgion une autre et dungouvernorat un autre. Ltat conoit donc ce dont il a besoin pour tel ou telgouvernorat en matire demploi, prenant en considration les diffrentescaractristiques rgionales et locales. Cette intervention de ltat, non plusnationale mais rgionale, peut tre illustre par le lancement du Programmede Dveloppement Intgr (PDI) qui associe le PDUI (Programme dedveloppement urbain intgr) et le PDRI (Programme de dveloppement ruralintgr) (F. Mnard, 2002). Ceci montre que ltat ne fait plus de distinctionentre le rural et lurbain, car on peut trouver ces deux composantes dans lemme programme.

    La notion de diagnostic la base Au niveau national tout dabord, ltat a procd un diagnostic pour

    tudier les possibilits du march national de lemploi et du travailindpendant. Il faut dire ici que ltat, suivant la mme dmarche que dans sapolitique associative, a voulu prendre lui-mme en main la dconcentration de

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    Houda LAROUSSI

    son systme tout en maintenant son intervention, y incorporer la prise encompte des spcificits de la socit civile. Ce que ltat a nomm le diagnostic la base dans les rgions, correspond en fait une reprise de ladmarche de diagnostic ascendant qui se rapproche de celle effectue partirde la base en matire de dveloppement local. Ce diagnostic la base permet didentifier des informations relatives aux comptences et aux pnurieslocales en matire conomique, sociale, culturelle, etc. Il sagit dun tat deslieux constitu partir du cas de chaque localit et permettant de dgager unbilan susceptible de transmettre au niveau des rgions (les gouvernorats) lesprincipes de base concernant chaque zone. Ce bilan, constitue un rapport quiprsente les dfaillances du systme local, ce qui incite ltat, au niveaurgional, tudier et prendre des dcisions adquates pour les corriger et lesappliquer au niveau local.

    Si ce type de diagnostic constitue un principe intressant en matire dedveloppement local, on peut cependant regretter quil ne soit pas toujourssuffisamment oprationnalis car, de faon gnrale, il est men par desadministratifs et non par des hommes de terrain, partir de donnes statistiqueset non qualitatives, nincluant ni le point de vue ni la concertation de lensembledes acteurs. Ces statistiques savrent des catgories territoriales qui renvoient une conception administrative du territoire comme espace dquivalence (expression de F. Mnard) et non territoire-localit ou lieu de vie etdexpression des populations au quotidien.

    Nous remarquerons enfin que lutilisation de ce diagnostic et sa remontesont effectues selon une dmarche trs centralise. Il faut toutefois reconnatreque ltat napplique plus dune manire identique et analogue pour toutes lesvilles tunisiennes les mmes textes, valables du nord du pays jusquau sud. Onvoit ainsi que le systme centralis mne lui-mme le diagnostic ascendant /descendant constitutif de laction du dveloppement local. La greffe du diagnostic la base (que les thoriciens du dveloppement pourraientnommer diagnostic local ) lui permet ainsi dutiliser dans sa politique dedveloppement contrl, les outils les plus proches de la population.

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