Human Rights Watch - Bilan 2011

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H U M A N R I G H T S W A T C H

RAPPORT MONDIAL | 2011E XT R A I T S E N F R A N A I S VNEMENTS DE 2010

Rapport mondial 2011vnements de 2010Extraits en franais

Linaction face aux abus

Les risques du dialogue et de la coopration avec les gouvernements qui violent les droits humains ........................................................................................................ 1 par Kenneth Roth

Lvolution du paysage mdiatique, un dfi pour les ONG ......................................18 par Carroll Bogert

Qui fait lactualit ?

Les coles transformes en champs de bataille

Protger les lves, les enseignants et les coles contre les attaques ................... 28 par Zama Coursen-Neff et Bede Sheppard

afrique ............................................................................................................ 41Burundi .................................................................................................................42 Cte dIvoire ......................................................................................................... 48 Guine...................................................................................................................55 Rpublique dmocratique du Congo ..................................................................... 60 Rwanda ................................................................................................................ 66 Tchad .................................................................................................................... 71

asie ....................................................................................................................77Birmanie................................................................................................................79 Chine .................................................................................................................... 84

europe/asie centrale.............................................................................95Russie .................................................................................................................. 96 Union europenne ............................................................................................... 102

moyen orient/afrique du nord ..................................................... 119Algrie ................................................................................................................ 120 Isral/Territoires palestiniens occups ................................................................ 124 Liban ................................................................................................................... 132 Maroc et Sahara occidental ................................................................................. 139 Syrie....................................................................................................................146 Tunisie..................................................................................................................151

tats-unis.................................................................................................... 157

Linaction face aux abusLes risques du dialogue et de la coopration avec les gouvernements qui violent les droits humains

Par Kenneth Roth Dans son Rapport mondial de lan pass, Human Rights Watch mettait en vidence lintensification des attaques perptres par certains gouvernements rpressifs contre des militants, des organisations et des institutions de dfense des droits humains. Cette anne, nous nous penchons sur un autre aspect de ce problme : lincapacit de nombreux gouvernements qui clament leur attachement aux droits humains dfendre les personnes et les organisations qui font lobjet de ces attaques, et faire preuve de fermet face aux gouvernements rpressifs. La dcision de tel ou tel gouvernement de porter atteinte aux droits humains sappuie souvent sur une certaine logique. Par exemple, le refus daccorder une plus grande libert aux citoyens est frquemment li la crainte que ceux-ci soient tents de former des alliances pour exprimer leurs revendications et menacer ainsi la mainmise du gouvernement sur le pouvoir. De mme, le refus par certains chefs dtat autoritaires dallouer des ressources aux populations dfavorises est frquemment bas sur la crainte que cela puisse compromettre leur capacit senrichir et enrichir leurs amis. Les pressions internationales peuvent toutefois changer la donne. Quil sagisse dexposer ou de condamner les exactions, de subordonner loctroi dune aide militaire ou budgtaire llimination de celles-ci, dimposer des sanctions cibles visant les personnes responsables des exactions, voire dexiger la poursuite en justice et la condamnation de ces individus, les pressions publiques accroissent, pour ceux qui les perptuent, le cot des atteintes aux droits humains. Ces pressions permettent en effet de diminuer le risque de loppression, car elles signalent clairement que les exactions ne peuvent se poursuivre sans engendrer un cot pour leurs auteurs. Tous les gouvernements ont pour devoir dexercer ce type de pressions. Lengagement en faveur des droits humains ncessite non seulement que lon prenne leur dfense au niveau national mais aussi que lon emploie tous les outils disponibles adapts pour convaincre dautres gouvernements de les respecter tout autant. Bien sr, aucun gouvernement rpressif naime tre soumis de telles pressions externes. Aujourdhui, nombre dentre eux rsistent vigoureusement ces pressions, esprant dissuader dautres gouvernements dadopter ou de perptuer une telle dmarche. Cette raction na rien de surprenant. Il est toutefois dcevant de constater que de nombreux gouvernements, face cette raction, cessent dexercer des pressions publiques. Par ailleurs, il est proccupant de remarquer que les gouvernementsjanvier 2011

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sur lesquels on aurait pu compter pour exercer de telles pressions propices au respect des droits humains puissent y renoncer, acceptant les raisonnements et subterfuges des gouvernements rpressifs. Au lieu de sengager exercer des pressions publiques pour dfendre les droits humains, ils prfrent adopter une dmarche plus indulgente sappuyant par exemple sur un dialogue priv ou une coopration . En soi, une stratgie de promotion des droits humains base sur le dialogue et la coopration na rien de mauvais. Persuader un gouvernement par le dialogue cooprer vritablement aux efforts damlioration de son bilan en matire de droits humains est un des objectifs cls du plaidoyer des droits humains. Une dmarche cooprative tombe sous le sens pour les gouvernements manifestement soucieux de respecter les droits humains mais qui ne disposent pas des ressources ou des comptences techniques ncessaires la concrtisation dun tel engagement. Cette dmarche peut aussi tre utile pour permettre un gouvernement de sauver la face, par exemple lorsque celui-ci est dispos mettre un terme ses exactions tout en donnant limpression dagir de son propre chef. En effet, cest souvent dans ce genre de circonstances que Human Rights Watch noue un dialogue discret avec certains gouvernements. Toutefois, lorsque le non-respect des droits humains est d une absence manifeste de volont politique, les pressions publiques simposent pour modifier lanalyse cot-bnfice lorigine de la dcision dun gouvernement de rprimer au lieu de respecter ces droits. Dans de tels cas, la qute de dialogue et de coopration devient une mascarade conue davantage pour apaiser les personnes qui critiquent linaction face aux abus que pour permettre un rel changement. Il sagit dun moyen de dtourner lattention du fait quaucune mesure significative nest prise pour mettre fin aux abus. En outre, le refus dexercer des pressions nuit lefficacit du dialogue et de la coopration car les gouvernements rpressifs savent quen feignant une participation, ils ne sattireront aucun ennui. Parmi les exemples rcents de cette regrettable stratgie, citons la raction mitige de lASEAN la rpression birmane, la dfrence des Nations Unies envers les atrocits commises au Sri Lanka, lattitude obsquieuse de lUnion europenne lgard de lOuzbkistan et du Turkmnistan, la clmence des pays occidentaux face certains dirigeants africains rpressifs quils soutiennent, tels que Paul Kagame au Rwanda et Meles Zenawi en thiopie, la faiblesse de la politique des tats-Unis vis--vis de lArabie saoudite, lindulgence de lInde lgard de la Birmanie et du Sri Lanka, et la lchet manifeste de manire quasi-universelle face aux atteintes toujours plus graves aux liberts fondamentales perptres par la Chine. Dans tous ces cas, pour les gouvernements qui renoncent exercer des pressions publiques, cest un peu comme sils fermaient les yeux sur la rpression dans les pays concerns. Mme les gouvernements qui rpugnent dune manire gnrale user de pressions sont parfois prts en imposer dans leurs relations avec certains gouvernements parias comme la Core du Nord, lIran, le Soudan et le Zimbabwe dont la politique, que ce soit sur le plan des droits humains ou dautres sujets, est tellement scandaleuse quelle occulte dautres intrts. Il est regrettable que de nombreux gouvernements qui sont censs dfendre les droits humains soient aujourdhui peu enclins faire usage de pressions publiques pour influer sur le comportement rpressif dautres gouvernements.2

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Lorsque les gouvernements cessent dexercer des pressions publiques pour lutter contre les atteintes aux droits humains, les dfenseurs actifs dans les pays touchs par ces atteintes militants des droits humains, parlementaires qui soutiennent ces droits, journalistes interpells se retrouvent privs dun soutien crucial. Les pressions exerces depuis ltranger peuvent contribuer crer un espace politique qui permettra aux acteurs locaux dexiger le respect des droits par leur gouvernement. Elles peuvent aussi faire comprendre aux militants nationaux quils ne sont pas seuls, que dautres acteurs sont leurs cts. Mais lorsque ces pressions sont peu importantes voire inexistantes, les gouvernements rpressifs sont plus libres de restreindre le rle des militants nationaux, comme cela est le cas depuis quelques annes en Russie, en thiopie, au Rwanda, au Cambodge et ailleurs. En outre, le dialogue et la coopration pouvant tre interprts comme un consentement tacite par rapport aux abus, les militants dans les pays concerns ressentent souvent de lindiffrence plutt quune solidarit de la part des gouvernements trangers.

Une raction timide la rpressionDepuis quelques annes, le recours au dialogue et la coopration plutt quaux pressions publiques est plus que jamais en vogue aux Nations Unies. Cest lapproche privilgie par le Secrtaire gnral de lONU Ban Ki-moon et de nombreux membres du Conseil des droits de lhomme. En outre, lUnion europenne semble aujourdhui beaucoup apprcier la stratgie du dialogue et de la coopration ; Catherine Ashton, la Haute Reprsentante de lUE pour les affaires trangres et la politique scuritaire, ne cesse de prconiser une diplomatie discrte en toutes circonstances. De grandes dmocraties du Sud telles que lAfrique du Sud, lInde et le Brsil prnent elles aussi une stratgie discrte face la rpression. La fameuse loquence du Prsident amricain Barack Obama lui fait parfois dfaut lorsquil sagit de dfendre les droits humains, notamment dans des contextes bilatraux avec, par exemple, la Chine, lInde et lIndonsie. Il convient galement de noter quObama ne sappesantit aucunement auprs des diffrentes agences du gouvernement amricain, comme le dpartement de la Dfense et diverses ambassades, sur la ncessit de transmettre en permanence un message percutant dans le domaine des droits humains ce qui pose par exemple un problme en gypte, en Indonsie et au Bahren. Il est particulirement malvenu que les partisans des droits humains perdent aujourdhui le moyen de se faire entendre, dautant plus que diffrents gouvernements dsireux dviter le respect rigoureux de ces droits nont aucun scrupule sexprimer. Beaucoup dentre eux remettent en question les principes fondamentaux tels que luniversalit des droits humains. Par exemple, certains gouvernements africains dplorent lattention slective et imprialiste que la Cour pnale internationale consacre leur continent, comme si le sort de quelques despotes africains tait plus important que la souffrance dinnombrables victimes africaines. La croissance conomique de la Chine sert souvent dmontrer combien un gouvernement autoritaire peut tre bnfique au dveloppement conomique de pays faibles revenus, et ce, alors mme que les gouvernements qui nont pas de comptes rendre sont plus susceptibles de succomber la corruption et quils rpondent souvent moins aux besoins les plus pressants de leur population ou consentent moins dinvestissements cet effet (comme le montrejanvier 2011

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la hausse du nombre des protestations en Chine environ 90 000 par an daprs les chiffres communiqus par le gouvernement chinois alimentes par un mcontentement croissant face la corruption et au comportement arbitraire des fonctionnaires locaux). Certains gouvernements, dsireux de jeter aux oubliettes les rgles pourtant tablies de longue date visant la protection des civils en temps de guerre ou de menace leur scurit, justifient leurs propres atteintes la loi de la guerre en citant les attaques systmatiques lances par le Sri Lanka lors de sa victoire sur les rebelles des Tigres tamouls, ou lattitude tolrante (surtout des tats-Unis) lgard de la torture et des dtentions arbitraires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les gouvernements qui cessent de sexprimer sur la question des droits humains, abandonnent de fait ces dbats cruciaux aux opposants de lapplication universelle des droits humains. Cette rticence est en partie imputable une crise de confiance. Lvolution des rapports de force lchelle mondiale (et notamment la monte en puissance de la Chine), lintensification de la concurrence autour des marchs et des ressources naturelles dans un contexte de turbulences conomiques et le dclin de la moralit des pouvoirs occidentaux d leur utilisation, en toute impunit, de techniques de contre-terrorisme abusives, sont autant de phnomnes qui dissuadent les gouvernements de ne plus sexprimer aussi vigoureusement en faveur des droits humains. Il est ironique que certains des gouvernements les plus opposs lusage de pressions pour promouvoir les droits humains nhsitent en revanche aucunement y recourir pour dtourner les critiques lgard de ces droits. Ainsi, la Chine a tout mis en uvre, dans un effort qui sest avr vain, pour touffer un rapport adress au Conseil de scurit de lONU sur la dcouverte darmes chinoises au Darfour, malgr lexistence dun embargo sur les armes. De mme, le Sri Lanka a vainement tent dempcher la mise en place dun groupe consultatif de lONU charg dexaminer la responsabilit des crimes de guerre commis pendant le conflit arm avec les Tigres tamouls. La Chine a par ailleurs entrepris dimportants efforts de lobbying pour que le prix Nobel de la paix ne soit pas dcern Liu Xiaobo, crivain chinois incarcr la suite de ses activits en tant que dfenseur des droits humains ; cette tentative ayant chou, la Chine a cherch, en vain, dissuader les gouvernements dassister la crmonie de remise du prix en Norvge. Dans une dmarche similaire, la Chine a tent de bloquer la proposition concernant linstauration dune commission denqute de lONU consacre aux crimes de guerre commis en Birmanie.

LONU et ses tats membresLobsession du dialogue et de la coopration se fait particulirement sentir au sein du Conseil des droits de lhomme de lONU Genve, dont nombre des membres prconisent la coopration plutt que la condamnation . Le Conseil a recours une forme cl de pression, savoir sa capacit dpcher des enquteurs pour exposer les atteintes et rclamer des comptes aux gouvernements qui ne rduisent pas leurs atteintes aux droits humains. Un lment important de cette stratgie consiste imposer une rsolution un pays ou une situation spcifique. Or, plusieurs gouvernements qui font partie du Conseil sopposent toute rsolution spcifique sur un pays conue pour engendrer une pression sur celui-ci (sauf dans le cas de lternel paria du Conseil,

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Isral). Comme la Chine la expliqu (dans le cadre similaire de lAssemble gnrale de lONU), soumettre une rsolution spcifique un pays [] politise la question des droits humains et nest pas favorable une relle coopration en matire de droits humains . Le Groupe africain lONU a affirm quil ne soutiendra les rsolutions spcifiques sur un pays quavec le consentement du gouvernement cibl, autrement dit qu condition que la rsolution nexerce aucune pression. Une version extrme de cette stratgie a t adopte aprs le lancement par le Sri Lanka dattaques systmatiques sur des civils pendant les derniers mois de la guerre contre les Tigres tamouls ; au lieu de condamner ces atrocits, une majorit de membres du Conseil a rejet les objections dune minorit et vot pour fliciter Sri Lanka pour sa victoire militaire sans que mention soit faite des atrocits perptres par son gouvernement. Si les membres du Conseil tiennent vraiment ce que le dialogue et la coopration contribuent la dfense des droits humains, ils ne devraient appliquer ces deux instruments quaux gouvernements qui ont manifest leur volont politique damliorer leur comportement. Mais que ce soit par calcul ou par lchet, de nombreux membres du Conseil prsentent le dialogue et la coopration comme une panace sans se demander si les gouvernements ont une relle volont politique de mettre un frein leur comportement abusif. Ils ne cherchent ainsi pas les mettre lpreuve pour savoir si lintrt quils revendiquent lgard de la coopration nest quun stratagme pour sviter des pressions ou bien un engagement rel amliorer leur comportement. Ces mises lpreuve pourraient porter sur la volont du gouvernement reconnatre ses dfaillances dans le domaine des droits de lhomme, accueillir les enquteurs de lONU venus tudier la nature du problme, prescrire des solutions et lancer des rformes. Les ennemis de lapplication des droits humains vont jusqu refuser que des rsolutions critiques soient imposes aux gouvernements qui, pourtant, chouent indniablement dans cette mise lpreuve, comme cest le cas de la Birmanie, de lIran, de la Core du Nord, du Sri Lanka et du Soudan. LAssemble gnrale de lONU connat des problmes similaires. Lorsque les militaires birmans, dj au pouvoir depuis des dcennies, ont encore renforc leur autorit lissue dlections truques conues pour crer lapparence dun gouvernement civil, une campagne a t lance afin dintensifier les pressions au moyen dune commission denqute internationale charge dexaminer les nombreux crimes de guerre commis pendant le conflit arm qui svit dans le pays depuis de longues annes. Une commission denqute serait en effet un excellent moyen de montrer que de telles atrocits ne peuvent plus tre commises en toute impunit. Elle inciterait galement les membres plus rcents du gouvernement domin par les militaires ne pas reproduire les pires comportements du pass. Lide dune commission denqute, propose au dpart par le rapporteur spcial indpendant en Birmanie, est appuye, entre autres, par les tats-Unis, le RoyaumeUni, la France, les Pays-Bas, le Canada, lAustralie et la Nouvelle-Zlande. Pourtant, certains ont refus davaliser la cration dune commission denqute, pour la raison fallacieuse quelle serait inefficace sans la coopration de la junte birmane. La Haute reprsentante de lUE, Catherine Ashton, en rejetant cet instrument, a dclar : Dans lidal, nous devrions chercher nous assurer dune certaine coopration de la part des autorits nationales. De mme, une porte-parole du ministre allemand des

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Affaires trangres a affirm que, pour faire avancer les droits humains dans le pays, il tait primordial de trouver une forme ou une autre de mcanisme de coopration avec les autorits nationales [birmanes] . Or, obtenir une telle coopration de la part des militaires birmans sans les soumettre de nouvelles pressions ne saurait tre quune vaine chimre. Lune des formes prfres de coopration est le dialogue intergouvernemental formel sur la question des droits humains, que de nombreux gouvernements ont mis en place avec la Chine et que lUE a conclu avec divers pays rpressifs, dont les anciennes rpubliques sovitiques dAsie centrale. Naturellement, les gouvernements autoritaires apprcient ces dialogues, qui loignent les projecteurs des discussions sur les droits humains. Le public, y compris les militants nationaux, se retrouvent privs de toute information, tout comme la plupart des agents du gouvernement en dehors du ministre des Affaires trangres. Mais les gouvernements occidentaux citent galement souvent lexistence de ces dialogues pour justifier de ne pas avoir voquer les atteintes aux droits humains et les solutions celles-ci dans des contextes plus concrets cest notamment le motif qua invoqu la Sude pendant sa prsidence de lUE lorsquon lui a demand pourquoi les droits humains navaient pas occup une place plus importante lors de la confrence ministrielle UE-Asie centrale. La propre exprience de Human Rights Watch indique que le fait dexprimer avec franchise son opinion quant aux pratiques des droits humains ne doit pas forcment dispenser dun dialogue priv utile avec les gouvernements. Human Rights Watch rend souvent compte dexactions et gnre des pressions afin dy mettre un terme, sans pour autant faire obstacle un engagement actif auprs de nombreux gouvernements viss par ses rapports. Les gouvernements sont en fait souvent plus susceptibles de nouer un dialogue avec Human Rights Watch la suite de la publication de ces rapports et en raison de leur souhait dexercer une influence sur la faon dont ils sont rdigs. Si une organisation non gouvernementale est capable dentamer un dialogue avec un gouvernement tout en donnant son avis sur les atteintes quil perptue, les gouvernements devraient pouvoir en faire autant.

Besoin de critres de rfrenceLes dialogues auraient un impact bien plus important sils taient relis des critres de rfrence concrets et rendus publics. Ces critres de rfrence donneraient une orientation claire au dialogue et contraindraient les participants dgager des rsultats concrets. Or, cest souvent ce que les participants au dialogue tiennent justement viter. Lincapacit tablir des critres de rfrence clairs et publics est en elle-mme une preuve dun manque de srieux et de volont exercer le minimum de pression ncessaire pour un dialogue utile. LUE, par exemple, a affirm que des critres de rfrence dfinis publiquement introduiraient une tension dans le dialogue et nuiraient son rle d exercice dinstauration de la confiance , comme si lobjectif du dialogue tait de faire plaisir plutt que damliorer le respect des droits humains. En outre, les gouvernements rpressifs matrisent dsormais si bien lart de manipuler ces dialogues, et les gouvernements qui prtendent dfendre les droits humains en

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sont devenus si tributaires pour dmontrer quils font quelque chose , que les premiers considrent comme un signe de progrs ne serait-ce que le lancement ou la reprise dun dialogue. Mme les soi-disant dfenseurs des droits humains sont tombs dans le pige. Par exemple, un rapport davancement dress en 2008 par lUE concernant la mise en uvre de sa stratgie pour lAsie centrale a conclu que les choses avanaient bien, voquant comme preuve de ce progrs un dialogue politique renforc , sans rentrer dans les dtails. Mme sil existe des critres de rfrence, leur utilit est rduite lorsque les gouvernements occidentaux prfrent les ignorer ds lors quils savrent gnants. Par exemple, les accords bilatraux que lUE a conclus avec dautres pays sont gnralement dpendants du respect fondamental des droits humains, or, lUE a sign un important accord commercial ainsi quun accord de partenariat et de coopration total avec le Turkmnistan, pays au gouvernement gravement rpressif dont on ne saurait dire quil respecte les conditions de ces accords en matire de droits humains. Cest un peu comme si lUE annonait ds le dpart que les critres quelle fixe en matire de droits humains ntaient quune mesure de faade quil nest pas ncessaire de prendre au srieux. LUE a justifi cette dmarche au nom dun engagement plus profond et dun nouveau cadre pour le dialogue et la coopration . De la mme faon, lUE a convenu de lancer des pourparlers avec la Serbie alors que ce pays sest abstenu dapprhender et de remettre la justice Ratko Mladic, lancien chef militaire des Serbes de Bosnie, souponn de crimes de guerre une sorte dpreuve de vrit pour la coopration en matire de crimes de guerre , lUE insistant en permanence sur le fait quil sagit l dune condition pralable louverture de pourparlers avec la Serbie concernant son adhsion lUnion. LUE a galement lev progressivement les sanctions imposes lOuzbkistan depuis le massacre par les forces de scurit de centaines de personnes en 2005 dans la ville dAndijan, et ce, bien quaucune mesure nait t prise pour permettre une enqute indpendante au dpart la condition sine qua non une leve des sanctions , et encore moins pour poursuivre les responsables en justice ou intervenir de toute autre manire conformment aux exigences fixes par lUE, comme librer tous les militants des droits humains emprisonns tort. Dans le mme ordre dide, ladministration Obama, dans sa premire anne, a tout bonnement ignor les conditions relatives aux droits humains quelle avait imposes au Mexique et auxquelles elle comptait subordonner loctroi dune aide militaire, dans le cadre de linitiative de Mrida, alors que le Mexique navait pris aucune des mesures exiges pour poursuivre devant des tribunaux civils les agents militaires responsables dexactions. Certes, la deuxime anne, ladministration sest abstenue de remettre une petite partie du financement, mais elle a nouveau certifi que le Mexique rpondait aux exigences de droits humains stipules au titre de linitiative de Mrida malgr des preuves manifestes allant dans le sens contraire. Les tats-Unis ont aussi sign un accord de financement avec la Jordanie dans le cadre du Millennium Challenge Corporation, alors que la Jordanie navait pas amlior ses rsultats ngatifs par rapport aux points de rfrence du MCC en matire de droits politiques et de liberts civiles.

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Un leadership insuffisantLe Secrtaire gnral de lONU Ban Ki-moon a gnralement t peu enclin ce jour exercer des pressions sur les gouvernements qui violent les droits humains. Or il dispose de deux principaux outils, compte tenu de son poste, pour promouvoir les droits humains : la diplomatie prive et sa capacit intervenir publiquement. Il peut ainsi sappuyer sur ses bons offices pour inciter les gouvernements modifier leur comportement, ou user du prestige de sa fonction pour exposer ceux qui refusent de le faire. La rticence de Ban parler ouvertement des responsables de graves atteintes aux droits humains fait quil choisit souvent de se battre une main lie dans le dos. Il a certes mis des commentaires publics svres sur la question des droits humains lors de sa visite au Turkmnistan et en Ouzbkistan, mais sest montr bien plus rticent lorsquil sest rendu dans un pays puissant comme la Chine. Il accorde galement une confiance excessive sa prsume capacit convaincre par persuasion, en priv, des personnalits telles que le prsident soudanais Omar el-Bchir, le chef militaire birman Than Shwe et le prsident sri-lankais Mahinda Rajapaksa. Pire encore, au lieu de condamner la rpression, Ban svertue parfois prsenter certains gouvernements rpressifs sous un jour favorable. Par exemple, quelques jours avant les lections birmanes truques du mois de novembre dernier, Ban a affirm quil ntait pas trop tard pour rendre cette lection plus inclusive et plus participative en librant des dtenus politiques ventualit improbable qui, mme si elle stait ralise, naurait pas russi rquilibrer une situation lectorale des plus inquitables. Mme aprs cette parodie de dmocratie, Ban sest content de dclarer que les lections avaient t insuffisamment inclusives, participatives et transparentes un bel euphmisme. Lors de sa visite en Chine le mme mois, Ban na fait aucune mention des droits humains pendant sa rencontre avec le prsident chinois Hu Jintao, nabordant ce thme quavec des fonctionnaires moins haut placs. Cette ngligence a donn limpression que, pour le Secrtaire gnral, les droits humains constituaient, au mieux, une priorit secondaire. Commentant loctroi du prix Nobel de la paix Liu Xiaobo, le militant chinois des droits humains incarcr, Ban na aucunement flicit ce dernier ni demand sa libration, prfrant chanter les louanges de Pkin en dclarant : La Chine a ralis de remarquable progrs conomiques, a sorti de la pauvret des millions de personnes, a largi la participation politique et rejoint progressivement le courant dominant international par son adhsion aux instruments et pratiques reconnus en matire de droits de lhomme. Le nouveau Premier ministre britannique David Cameron na gure fait mieux lors de sa propre visite en Chine. Il na fait aucune mention de Liu lors de sa runion formelle avec le Premier ministre chinois Wen Jiabao, gardant ce point pour des discussions informelles lors du dner. Par ailleurs, ses remarques publiques en sont restes des gnralits pour ne pas mettre le gouvernement chinois dans lembarras la ncessit dune plus grande ouverture politique et ltat de droit , faisant abstraction de cas spcifiques de personnes qui ont t emprisonnes pour avoir critiqu le gouvernement ou dautres restrictions des droits bien relles.

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Le gouvernement de la Chancelire allemande Angela Merkel a manifest un manque de courage similaire dans ses relations avec la Chine. Le dialogue est le principe directeur affirm du gouvernement allemand, et Mme Merkel, dans ses remarques publiques lors de sa dernire visite en Chine, na fait quvoquer les droits humains, mme si elle affirme en avoir parl lors de discussions prives. Lors du sommet de Hambourg La Chine rencontre lEurope , le ministre allemand des Affaires trangres Guido Westerwelle, sans mentionner datteintes concrtes, a cit un dialogue intense sur ltat de droit et un dialogue sur les droits humains comme offrant une base solide propice un rel partenariat entre lAllemagne et la Chine . En France, le prsident Nicolas Sarkozy, alors quil sapprtait accueillir le prsident chinois Hu Jintao Paris en novembre, na mme pas fait de dclaration flicitant Liu Xiaobo pour le prix Nobel de la paix qui venait de lui tre dcern. Concernant lArabie saoudite, le gouvernement amricain a instaur en 2005 un dialogue stratgique dont a t exclue, en raison dobjections saoudiennes, la question des droits humains en tant que thme formel, pour tre relgue au groupe de travail sur le partenariat, lducation, lchange et le dveloppement humain (Partnership, Education, Exchange, and Human Development Working Group). Par la suite, mme ce dialogue sest estomp. Bien que les tats-Unis aient contribu exclure lIran du conseil dadministration de la nouvelle agence ONU-Femmes en 2010 cause de la manire dont les femmes sont traites dans ce pays, ils se sont abstenus den faire autant avec lArabie saoudite qui, bien que prsentant un bilan lamentable sur cette mme question, sest vu remettre un sige du fait de sa contribution financire. De mme, le Royaume-Uni maintient un dialogue discret de royaume royaume avec lArabie saoudite depuis 2005. Le lancement de ce dialogue na donn lieu qu des rfrences indirectes aux droits humains, et le Royaume-Uni na exerc aucune pression perceptible sur le gouvernement saoudien pour quil amliore son comportement dans ce domaine.

Autres intrts en jeuLes acteurs qui encouragent un dialogue discret plutt que des pressions publiques invoquent souvent largument de lefficacit, bien que, dans bien des cas, dautres intrts semblent entrer en ligne de compte. En Ouzbkistan, par o transitent dimportantes quantits de marchandises pour rapprovisionner les troupes de lOTAN en Afghanistan, lUE a affirm que les sanctions cibles visant les responsables du massacre dAndijan alinaient le gouvernement et entravaient une relation constructive , comme si accorder un traitement de faveur un gouvernement qui nie avec virulence toute part de responsabilit dans la mort de centaines de ses citoyens pouvait tre plus efficace que dexercer sur lui des pressions permanentes. De mme, pour dmontrer que les proccupations relatives aux droits humains ne devraient pas empcher la conclusion dun nouvel accord de partenariat et de coopration avec le Turkmnistan, pays fortement rpressif mais riche en rserves de gaz naturel, lUE cite galement comme prtexte la crainte dirriter le gouvernement turkmne. Pour viter lindignation publique quelle susciterait si elle venait tre perue comme abandonnant ouvertement la cause des droits humains au profit de ces autres intrts, lUE fait semblant de se proccuper de cette question au moyen de dialogues privs.

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Une dynamique similaire a lieu en Chine, o des gouvernements occidentaux recherchent des opportunits conomiques ainsi quune coopration sur divers thmes mondiaux et rgionaux. Par exemple, durant sa premire anne, ladministration Obama a sembl dtermine minimiser toute question susceptible dengendrer des tensions dans les relations sino-amricaines, notamment la question des droits humains. Le prsident Obama a ainsi report sa rencontre avec le Dala Lama, prfrant lui rendre visite aprs son voyage en Chine, et a refus de rencontrer des groupes de la socit civile chinoise pendant son dplacement ; la secrtaire dtat Hillary Clinton a quant elle annonc que les droits humains ne sauraient perturber dautres intrts amricains en Chine. Les efforts dObama pour se faire bien voir par le prsident chinois ne se sont solds par aucun rsultat perceptible, tout en renforant dans lesprit des Chinois lide que les tats-Unis sont une puissance en perte de vitesse. Cette faiblesse na fait quexacerber les tensions lorsque, pendant la deuxime anne de la prsidence dObama, lui-mme et Mme Clinton ont redcouvert leur voix pour les droits de lhomme concernant le dossier Liu Xiaobo, mme si lon ignore encore sils feront preuve de franc-parler sur la question des droits humains lors du sommet sino-amricain de janvier 2011. Par ailleurs, les gouvernements occidentaux dsireux de voir la situation des droits humains samliorer ltranger sont toutefois peu enclins exercer des pressions sur les gouvernements quils considrent comme des allis dans leur lutte contre le terrorisme. Par exemple, ladministration Obama et les Amis du Ymen, un groupe dtats et dorganisations intergouvernementales instaur en janvier 2010, nont pas subordonn loctroi dune aide militaire ou au dveloppement au Ymen des amliorations dans le domaine des droits humains, alors que le bilan des actes rprhensibles commis par les forces de scurit ymnites salourdit et que le gouvernement sen prend en permanence aux journalistes indpendants et aux sparatistes sudistes, pacifiques pour la plupart. La politique amricaine lgard de lgypte montre que les pressions peuvent tre efficaces. Cela fait quelques annes que les tats-Unis entretiennent un dialogue discret avec ce pays. Dbut 2010, cependant, la Maison blanche et le dpartement dtat ont plusieurs reprises condamn des exactions, demand labrogation de la loi gyptienne sur ltat durgence et exig la tenue dlections libres. Ces appels publics ont contribu assurer la libration de plusieurs centaines de prisonniers politiques dtenus en vertu de la loi sur ltat durgence. Lgypte a ragi avec vigueur par exemple en lanant une campagne de lobby pour empcher ladoption dune rsolution du Snat amricain condamnant son bilan en termes de droits humains. La raction devait effrayer les diplomates amricains et, ainsi, les inciter revenir une approche plus discrte, mais, en ralit, elle a montr que lgypte tait profondment affecte par les pressions publiques manant de Washington.

Une dfense des droits humains par osmose ?Lun des motifs souvent invoqus pour justifier un dialogue sans pression est le fait que ctoyer des acteurs marginaux permettra de convertir les responsables dexactions au sein des gouvernements rpressifs. Cest notamment largument quavance le Pentagone dans le cas de lOuzbkistan et du Sri Lanka, et cest cette stratgie que le gouvernement amricain a adopte pour justifier doctroyer nouveau une aide militaire

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aux forces spciales dlite indonsiennes (Kopassus), une unit dont on sait depuis de fort longues annes quelle est responsable de graves exactions, y compris de massacres au Timor oriental et de disparitions de dirigeants de mouvements dtudiants Djakarta. En ce qui concerne le Kopassus, bien que le bilan du gouvernement indonsien en matire de droits humains se soit considrablement amlior ces dernires annes, une lacune importante subsiste : son incapacit exiger de ses hauts officiers militaires quils rendent des comptes sur les atteintes aux droits humains, mme concernant les dossiers qui ont eu le plus grand retentissement. En 2010, les tatsUnis ont renonc au plus puissant levier dont ils disposaient en acceptant de lever une interdiction, en vigueur depuis dix ans, dentretenir des liens militaires directs avec le Kopassus. Les militaires indonsiens ont fait certaines concessions rhtoriques promettant de relaxer les personnes condamnes et de prendre des mesures lgard de futurs contrevenants , mais les tats-Unis nont pas subordonn la reprise de leur aide la concrtisation de ces engagements. Aujourdhui, les personnes condamnes continuent de faire partie de larme, et lon a du mal croire en un futur engagement des militaires, vu leurs antcdents. Il est intressant de noter que les tats-Unis nont pas insist pour que le prsident indonsien Susilo Bambang Yudhoyono autorise un tribunal spcial enquter sur les officiers du Kopassus impliqus dans lenlvement et lassassinat prsum de dirigeants de mouvements dtudiants en 1997-98, mesure que recommandait pourtant le parlement indonsien. Par ailleurs, les tats-Unis nont pas tenu abroger la comptence exclusive des militaires pour statuer sur les dlits commis par des soldats. Banalisant limportance des pressions, le secrtaire amricain la Dfense Robert Gates a ainsi justifi la reprise des liens directs avec le Kopassus : Continuer de travailler avec lui sera plus bnfique pour la population en termes de droits humains que si lon se contente de se tenir en retrait et de lui crier aprs. Pourtant, alors mme que les tatsUnis taient en train de finaliser avec lIndonsie les conditions de la reprise de laide au Kopassus, un gnral indonsien impliqu dans des enlvements de dirigeants de mouvements dtudiants tait promu au poste de ministre adjoint charg de la Dfense et un colonel responsable de graves atteintes tait nomm commandant adjoint du Kopassus. Cest galement en sappuyant sur une foi aveugle dans linstauration dun dialogue avec des forces abusives au lieu dexercer des pressions sur elles que le prsident Obama a dcid de continuer daccorder une aide militaire plusieurs gouvernements qui utilisent des enfants-soldats le Tchad, le Soudan, le Ymen et la Rpublique dmocratique du Congo et ce, malgr une nouvelle loi amricaine interdisant loctroi de ce type daide. Dans le cas de la RD Congo, par exemple, les troupes militaires comptent des enfants dans leurs rangs depuis au moins 2002, et un rapport de lONU publi en 2010 a signal une hausse considrable du nombre denfants-soldats lanne prcdente. Au lieu dinterrompre toute aide militaire dans le but dinciter ces gouvernements ne plus utiliser denfants-soldats, ladministration Obama a aboli la loi afin de donner aux tats-Unis le temps de travailler aux cts des militaires incrimins. Un autre argument frquemment invoqu pour justifier une approche plus discrte, souvent cit dans le contexte des ngociations avec la Chine, est que la libralisation conomique mnera elle seule une plus grande libert politique un avis qui sen-

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tend encore alors que trois dcennies ont dmontr que cela ntait aucunement le cas. Linverse sest mme produit en 2010 : dans le cadre de sa rglementation de lInternet, la Chine a commenc se servir de son influence conomique pour tenter de renforcer les restrictions la libert dexpression, demandant instamment aux entreprises de devenir des censeurs pour le compte de ltat chinois. En fin de compte, cest une entreprise, Google, qui a ragi, en partie parce que la censure menaait son modle conomique. GoDaddy.com, le numro un mondial de lenregistrement des sites Internet, a galement annonc quil nenregistrerait plus de domaines en Chine car le processus de censure tait facilit par de lourdes exigences imposes par le gouvernement forant la divulgation de lidentit de ses clients. Dautres acteurs de lindustrie de lInternet comme Microsoft nayant pas suivi lexemple de Google, la Chine est malgr tout parvenue exploiter laccs son march lucratif pour se retrouver en position de force. Elle na d faire marche arrire quune seule fois face des pressions concertes : il semblerait en effet quelle ait abandonn son logiciel de censure Barrage vert en raison des vhmentes protestations mises par lindustrie, la socit civile, des gouvernements et les usagers de lInternet chinois. Mme la licence de Google portant sur lexploitation dun moteur de recherche en Chine a t renouvele, jetant de nouveaux doutes sur lide selon laquelle une critique publique des pratiques chinoises en matire de droits humains affecterait forcment lactivit conomique.

Le prtexte de laction humanitaireCertains gouvernements et organismes intergouvernementaux affirment que la promotion des droits humains est une proccupation de second plan par rapport la lutte contre les souffrances humanitaires. Les urgences humanitaires ncessitent souvent une raction rapide, mais cet argument devient une excuse de plus pour viter de recourir des pressions mme lorsque ce sont les atteintes aux droits humains qui sont la cause de la crise humanitaire. Cest ce qui sest produit au Zimbabwe durant lopration Murambatsvina ( nettoyage dordures ), lorsque le gouvernement a dtruit les habitations de dizaines de milliers de personnes, ainsi quau Sri Lanka pendant les tapes finales de la guerre civile, lorsque larme a fait fi des souffrances de centaines de milliers de civils tamouls pris au pige dans une zone de guerre meurtrire. Au Zimbabwe, lquipe pays de lONU na jamais condamn publiquement la destruction et le dplacement engendrs par lopration Murambatsvina, et elle na pratiquement jamais parl ouvertement des atteintes extrmement graves aux droits humains perptres par le gouvernement de Robert Mugabe et lUnion nationale africaine du Zimbabwe Front patriotique (ZANU-PF), le parti au pouvoir. vrai dire, pendant les quatre annes de son mandat au Zimbabwe, le reprsentant rsident de lONU na rencontr que peu de militants des droits humains zimbabwens, na assist aucun de leurs procs inquitables et nest pratiquement jamais intervenu publiquement sur les nombreuses et graves atteintes aux droits humains commises dans le pays. Ce silence na pourtant pas eu pour consquence de faciliter laccs la population civile dplace les autorits zimbabwennes et les reprsentants du ZANU-PF ont continu de limiter et de manipuler les oprations humanitaires au Zimbabwe, et ont souvent

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empch les organisations humanitaires datteindre les populations vulnrables souponnes dtre pro-opposition. Mais en sabstenant de condamner publiquement les atteintes perptres au Zimbabwe, lquipe pays de lONU a manqu une belle occasion de faire usage de sa forte influence en tant que principal acteur de laide humanitaire et au dveloppement dans le pays. Elle sest aussi retrouve grer les symptmes de la rpression plutt que leurs causes. En revanche, lenvoy spcial charg par Kofi Annan, alors Secrtaire gnral, denquter sur lopration Murambatsvina a publi en 2005 un rapport au langage ferme citant les expulsions systmatiques et injustifies et demandant la traduction en justice des responsables. Le rapport a engendr une large condamnation internationale du gouvernement de Mugabe pression qui a contraint ce dernier autoriser un plus grand accs humanitaire aux populations dplaces. De la mme faon, au Sri Lanka, lors des derniers mois de la guerre avec les Tigres tamouls, les membres du personnel de lONU taient quasiment les seuls observateurs indpendants et disposaient ainsi dune capacit unique dalerter le monde sur les crimes de guerre commis en permanence dans le pays et de gnrer des pressions pour que les civils soient pargns. Au lieu de cela, lONU a touff ses propres informations sur les victimes civiles, empch la publication dimages satellite montrant lampleur de la catastrophe et mme gard le silence aprs larrestation arbitraire de membres locaux du personnel de lONU. Les agents de lONU craignaient en effet que, sils parlaient ouvertement des problmes du pays, ils ne pourraient plus venir en aide la population dans le besoin. Toutefois, le Sri Lanka tant totalement dpendant de laide internationale pour la gestion des camps qui ont fini par abriter 300 000 personnes dplaces internes, on est en droit davancer que lONU a surestim le risque de se faire expulser du pays. En outre, lutilisation par le gouvernement dun cabinet de relations publiques bas Washington aux honoraires levs pour dsamorcer les critiques lencontre de son comportement de guerre, a montr combien le pays se souciait de son image internationale. En sabstenant de parler haut et fort, lONU est passe ct dune occasion dinfluencer la manire dont larme sri-lankaise menait la guerre et ainsi dempcher les souffrances parmi les civils au lieu de se contenter de les soulager aprs coup. En revanche, une fois le conflit termin, lorsque le rapporteur spcial indpendant de lONU sur les droits des personnes dplaces internes a parl publiquement du manque de libert de mouvement de cette catgorie de personnes, le gouvernement sest rapidement mis librer des civils de ses camps. Un phnomne semblable se retrouve dans le rle jou par les bureaucraties occidentales bailleuses dune aide au dveloppement lors de leurs interactions avec le Rwanda et lthiopie. Ces deux pays, bnficiaires dune aide au dveloppement, sont perus comme efficaces dans la gestion de cette aide, et relativement peu corrompus. Les agences donatrices occidentales, qui peinent souvent investir de manire productive les fonds quelles sont charges de distribuer, ont donc grand intrt maintenir des relations cordiales avec leurs gouvernements. (Le rle de lthiopie dans la lutte contre la menace terroriste manant de Somalie renforce encore cet intrt.) En ralit, laide conomique accorde ces deux pays a augment mesure que la rpression sy intensifiait. La Commission europenne, le Royaume-Uni, plusieurs autres tats de lUE et les

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tats-Unis, ne voulant pas tre qualifis de cruels sils affirmaient que le dveloppement conomique justifiait que lon ignore la rpression, ont avanc diverses excuses : ils ont par exemple prtext que soumettre les gouvernements des pressions publiques risquait davoir leffet inverse de celui qui tait escompt en provoquant un sursaut dorgueil national, ou encore que les gouvernements donateurs avaient moins dinfluence quon ne le croyait. Rsultat : un manque de pressions efficaces rien qui puisse modifier lanalyse cot-bnfice faisant de la rpression une option attractive. Les appels pacifiques ont peu de chances dtre entendus sils sont noys dans une masse daide.

Des politiques archaquesLe Brsil, lInde et lAfrique du Sud sont des dmocraties puissantes et dynamiques au sein de leurs propres frontires, mais elles ne soutiennent gure les initiatives de dfense des droits humains ltranger, bien quayant toutes les trois bnfici de la solidarit internationale lorsquelles cherchaient se librer de la dictature, de la colonisation et de lapartheid, respectivement. Leurs politiques trangres sappuient souvent sur linstauration de relations politiques et conomiques Sud-Sud et sont soutenues par une rfrence la rgle occidentale des deux poids, deux mesures ; cela ne justifie toutefois pas que ces puissances mergentes tournent le dos aux individus qui ne profitent pas encore des droits dont leurs propres citoyens bnficient. Pendant que ces trois pays sigent au Conseil de scurit de lONU, il est grand temps quils adoptent une attitude plus responsable en protgeant les individus du comportement prdateur de gouvernements moins progressistes. Le Japon sest toujours abstenu de mener une politique puissante en matire de droits humains, pour trois raisons principales : premirement, sa politique extrieure a gnralement t centre sur la promotion des exportations et sur linstauration de rapports cordiaux avec dautres gouvernements. Deuximement, sa politique extrieure a t essentiellement labore par des bureaucrates qui nont pas eu craindre de sattirer les foudres du public en cherchant maintenir des relations sans heurts avec tous les gouvernements. Et troisimement, le Japon nassume toujours pas son comportement abusif pendant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, depuis quelques annes, le gouvernement japonais fait preuve dun plus grand franc-parler sur la situation des droits humains dans des pays comme la Core du Nord et la Birmanie, ce qui sexplique dune part par le changement de gouvernement et, dautre part, par les pressions croissantes manant dune socit civile japonaise de petite envergure mais en pleine mergence. Le gouvernement chinois, qui entretient lintrieur de ses frontires un climat particulirement rpressif, est naturellement peu dispos sexprimer publiquement en faveur des droits humains ou soutenir un dispositif international de protection de ces droits susceptible un jour de se retourner contre lui. Toutefois, mme la Chine ne devrait pas tre en mesure de considrer que le fait de fermer les yeux sur des atrocits massives pourrait lui tre profitable il est dailleurs esprer que la Chine proscrive dsormais ce genre dabus trs grande chelle.

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ConclusionQuelle que soit la raison invoque, la qute de dialogue et de coopration ne saurait servir de substitut universel aux pressions publiques pour promouvoir les droits humains. Le dialogue et la coopration ont certes un rle jouer, mais les gouvernements rpressifs devraient se sentir contraints de faire preuve dune relle volont damliorer leur comportement. En labsence de volont politique manifeste, les pressions publiques devraient tre la rponse apporter par dfaut la rpression. On peut comprendre que les gouvernements qui eux-mmes sont responsables de graves atteintes aux droits humains veuillent compromettre loption pressions publiques de peur quelle ne sapplique eux. Mais il est dplorable que des gouvernements qui affirment promouvoir les droits humains se laissent prendre au pige par le mme stratagme ou lavalisent. La dfense des droits humains nest pas une chose aise. Une politique base sur cet objectif peut parfois tre en conflit avec des politiques visant dautres objectifs gouvernementaux. Toutefois, si les gouvernements veulent privilgier ceux-ci plutt que les droits humains, ils devraient au moins avoir le courage de ladmettre sans se cacher derrire des dialogues vains et une recherche futile de coopration.

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propos du Rapport mondial de Human Rights WatchLe prsent rapport est le 21e compte rendu annuel de Human Rights Watch sur les pratiques des droits humains dans le monde. Le rapport rsume les grands problmes dans ce domaine dans plus de 90 pays et territoires travers le monde, en se basant sur les vnements survenus jusqu fin novembre 2010. Chaque chapitre ddi un pays identifie les problmes majeurs en matire de droits humains, examine la libert dont jouissent les dfenseurs locaux des droits humains pour mener bien leur travail et analyse la rponse des principaux acteurs internationaux, notamment les Nations unies, lUnion europenne, le Japon, les tats-Unis, ainsi que diverses organisations et institutions rgionales et internationales. Ce rapport est le fruit dun vaste travail dinvestigation entrepris en 2010 par lquipe de chercheurs de Human Rights Watch, gnralement en troit partenariat avec les militants des droits humains dans les pays concerns. Il reflte galement le travail de notre quipe charge du plaidoyer, qui suit de prs les dveloppements en matire de politique gnrale et sefforce de convaincre les gouvernements et les institutions internationales de mettre fin aux exactions et de promouvoir les droits humains. Les publications de Human Rights Watch, diffuses tout au long de lanne, contiennent des informations plus dtailles sur bon nombre de points soulevs dans les rsums concis qui composent le prsent ouvrage. Ces publications sont disponibles sur le site web de Human Rights Watch, www.hrw.org. linstar des annes prcdentes, ce rapport ne prsente pas de chapitre sur chaque pays o travaille Human Rights Watch et il ne se penche pas sur chaque question importante. Le fait de ne pas inclure un pays ou un problme particulier nest souvent que le reflet de limitations en termes de personnel et ne devrait pas tre interprt comme une minimisation de limportance dun problme. Nombreuses sont les violations des droits humains que Human Rights Watch nest tout simplement pas en mesure de traiter. Les facteurs que nous avons pris en compte pour dfinir les points centraux de notre travail en 2010 (et donc le contenu de cet ouvrage) sont notamment le nombre de personnes affectes et la gravit des exactions commises, laccs au pays et la disponibilit des informations qui sy rapportent, la possibilit dinfluencer les auteurs des exactions, limportance de certaines questions thmatiques et le besoin de renforcer le travail des organisations locales de dfense des droits humains. Le Rapport mondial ne contient pas de chapitres spars concernant notre travail thmatique mais il inclut ces questions directement dans les chapitres relatifs aux pays. Pour obtenir de plus amples informations sur notre travail concernant les droits des enfants, les droits des femmes, les droits relatifs aux questions militaires, le commerce et les droits humains, la sant et les droits humains, la justice internationale, le terrorisme et le contre-terrorisme, les rfugis et les personnes dplaces, les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, ainsi que des informations concernant nos festivals internationaux du film, nhsitez pas consulter le site web de Human Rights Watch. Kenneth Roth est le directeur excutif de Human Rights Watch.

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Qui fait lactualit ?Lvolution du paysage mdiatique, un dfi pour les ONG

Par Carroll Bogert Les temps sont durs pour les correspondants trangers. Des changements technologiques rapides conjugus la rcession conomique ont entran une nette rduction des budgets quallouent de nombreuses agences de presse occidentales la collecte dinformations ltranger. Un grand nombre danciens correspondants trangers ont dores et dj perdu leur emploi, tandis que de nombreux autres redoutent de le perdre et craignent pour leur avenir. Les consommateurs dinformation, entre-temps, constatent un rtrcissement de la couverture des vnements internationaux dans les colonnes de leurs principaux journaux. Une tude rcente estime que le nombre darticles sur lactualit trangre auxquels les journaux britanniques ont consacr un espace important a chut de 80 % entre 1979 et 2009.1 LOrganisation pour la coopration et le dveloppement conomiques (OCDE) indique quant elle que sur ses 31 pays membres, 20 connatraient une baisse du lectorat des journaux.2 Rendre compte de lactualit ltranger tant coteux, il sagit souvent du premier secteur subir des coupes sombres. Si lvolution du monde mdiatique est effectivement difficile pour les journalistes et dstabilisante pour les consommateurs dactualit, elle est galement lourde de consquences pour les organisations non gouvernementales (ONG) internationales telles que Human Rights Watch. Les correspondants trangers ont toujours constitu un relais dinformation important pour les ONG internationales, et la baisse de la couverture de lactualit mondiale menace dsormais leur efficacit. Il faut toutefois souligner que les impacts de cette volution ne sont pas tous ngatifs. En effet, elle peut crer de nouvelles opportunits pour les entits dont le travail est de diffuser linformation. Cet essai tente dexaminer les prils qui menacent les ONG internationales3 ainsi que les possibilits qui soffrent elles en cette priode de bouleversements mdiatiques. Il ne fait aucun doute que les ONG, quelles quelles soient, ralisent une grande partie de leur travail sans jamais recourir aux mdias. Les activistes des droits humains uvrent essentiellement loin du regard du grand public : runions prives avec des diplomates ; discussions politiques huis clos avec des reprsentants de gouvernements ; sessions stratgiques avec dautres ONG ; et, bien videmment, entretiens avec des victimes et des tmoins oculaires dont lidentit et la scurit doivent tre protges des feux de la publicit. Les ONG qui mnent des travaux de recherche sur le terrain sont certes susceptibles dentretenir des relations troites avec les journalistes, mais la recherche ne reprsente quune partie de leur mission globale : engendrer des changements sociaux.18

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Les ONG ne traitent pas toutes rgulirement avec des correspondants trangers, bien au contraire. La plupart des activistes dONG travaillent lintrieur de leurs propres frontires nationales. Si les mdias locaux sont libres, du moins en partie, ils seront sans doute davantage axs sur une couverture nationale. Les mdias internationaux ou rgionaux peuvent servir de moyen de pression supplmentaire au service des activistes souhaitant influer sur leur propre gouvernement, mais leur travail ne sera pas toujours trs affect par les changements oprs au niveau du financement et de la composition des quipes de correspondants trangers. Les ONG entretiennent des relations complexes et ambivalentes avec les journalistes. Elles travaillent un rythme diffrent des mdias, prenant bien plus de temps pour publier leurs conclusions, et se sentent trs loignes des frnsies de la presse et de lactualit des clbrits phmres qui dominent souvent les mdias commerciaux. Les ONG ont ainsi souvent le sentiment que dans cette course linformation, les faits principaux peuvent tre omis ou extraits de leur contexte, et que pour certains vnements, on choisit de mettre en avant des aspects qui ne sont pas forcment les plus parlants et les plus importants pour leur propre travail de plaidoyer. En mme temps, quelques exceptions prs, les ONG cherchent constamment attirer lattention des mdias sur leurs travaux. Le paysage mdiatique, en pleine volution, prsente de nouveaux dfis et de nouvelles possibilits pour elles, notamment pour celles qui considrent les mdias internationaux comme un important vecteur de diffusion de leur message.

ONG et correspondants trangers : une symbioseLun des outils les plus puissants dont disposent les ONG internationales actives dans le domaine des droits humains est la possibilit de montrer du doigt, naming and shaming en anglais, autrement dit de faire savoir publiquement quelles atteintes aux droits humains ont t commises et par qui. Son utilit se mesure en partie la quantit de ressources que les gouvernements sont prts mobiliser pour sen prmunir. Par exemple, au Conseil des droits de lhomme des Nations Unies, des dlgations de gouvernements mnent de vastes campagnes diplomatiques pour viter de faire lobjet de la censure publique. La mauvaise publicit peut inciter les gouvernements agir. Ainsi, lorsquune vido a t publie en octobre 2010 montrant des militaires indonsiens en train de torturer deux agriculteurs papous, le gouvernement indonsien sest clairement senti contraint dagir vu les pressions extrieures dont il faisait lobjet. Le Prsident des tats-Unis Barack Obama devait se rendre dans le pays ce mois-l et ni le gouvernement indonsien ni le gouvernement amricain ne souhaitaient que la question des actes de torture fasse les gros titres. Le gouvernement indonsien, connu pour sa rticence punir les militaires responsables datteintes aux droits humains, a rapidement jug et reconnu coupables de torture quatre militaires. 4 Il ne fait aucun doute quil rpondait ainsi aux pressions mdiatiques. Pour les groupes qui ne bnficient pas dun soutien populaire ou de nombreux membres, la couverture mdiatique peut en quelque sorte remplacer des pressionsjanvier 2011

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manant du grand public. Il ny a que trs peu de pays, et dans des circonstances relativement rares, o le grand public se mobilise srieusement pour une question de politique trangre. Certes, le conflit isralo-palestinien a la capacit de rallier des publics mondiaux hors de la rgion lune ou lautre cause, de mme que lutilisation de la force militaire amricaine ltranger. La campagne Sauver le Darfour a conduit des centaines de milliers dtudiants et dautres sympathisants manifester dans les rues. Mais il sagit l dexceptions. Dune manire gnrale, les affaires trangres suscitent dans nimporte quelle socit lintrt dun infime sous-groupe. Limportante couverture mdiatique dune question peut contribuer affecter la politique mme lorsque le public garde le silence sur cette question on pense par exemple aux atrocits commises par les Serbes au Kosovo la fin des annes 1990 ; un dbat public houleux, tant dans les mdias que dans dautres milieux, a ainsi contribu mettre la pression sur les dcideurs de lOTAN pour quils agissent. Pour les groupes internationaux de plaidoyer, la couverture mdiatique peut aussi servir de sceau dapprobation informel : lorsquune minente publication cite le reprsentant dune ONG dans lun de ses articles, cela signifie que le reporter, cens bien matriser la question, reconnat la crdibilit de lONG en question. Quand le ou la porte-parole dune ONG apparat dans une mission de tlvision rpute, cette personne prend de limportance aux yeux des dcideurs politiques viss. Le fait mme quelle ait pu accder au mgaphone mdiatique lui confre un pouvoir plus rel, et en fait une personne avec laquelle il faudra compter. Si les groupes de plaidoyer ont besoin des mdias, il est indubitable que les mdias ont aussi besoin des groupes de plaidoyer. Dans de nombreux pays o la presse nest pas entirement libre, les journalistes sappuient sur les groupes internationaux pour exprimer ce quils ne sauraient dire eux-mmes. Bahren, par exemple, la famille dirigeante se targue dtre rformiste, mais le seul journal local indpendant aurait eu bien du mal rendre compte de manire dtaille de lusage rpt de la torture pendant les interrogatoires de police. La rsurgence de ce phnomne est en effet t largement reconnue par les activistes et les dtenus, mais considre trop sensible pour que linformation soit diffuse au niveau local. Or, lorsque Human Rights Watch a publi un rapport sur cette mme question,5 le journal indpendant local la largement couverte, reproduisant une grande partie du rapport dans ses colonnes, sans gure craindre de reprsailles. Les correspondants trangers qui travaillent dans des pays rpressifs ne sexposent pas aux mmes consquences que les journalistes locaux qui rendraient compte de problmes dans les domaines des droits humains ou de la justice sociale. Mais ils doivent eux aussi parfois prendre des gants pour sviter des problmes de visa ou daccrditation. Il est moins dangereux de citer les commentaires critiques dune ONG que dmettre soi-mme un avis contestataire. Certains journalistes ressentent des affinits profondes avec les ONG qui travaillent sur les problmes de la rpression politique et des abus de pouvoir. Quil sagisse des correspondants du Washington Post Bob Woodward et Carl Bernstein qui ont mis en lumire les dlits du Watergate, ou des reporters de la presse internationale qui ont couvert les guerres en ex-Yougoslavie, les journalistes sont souvent anims par le dsir dexposer les crimes des dirigeants politiques et de voir justice rendue.20

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Un ciel en train de scrouler, mais sur la tte de qui ?Paradoxalement, cest justement dans les pays les plus riches que les mdias souffrent le plus aujourdhui. Aux tats-Unis, le trio infernal Internet/rcession/mauvaise gestion de quelques grands journaux a conduit un rtrcissement considrable de lenveloppe alloue aux correspondants trangers. Plusieurs quotidiens, comme le Boston Globe et Newsday, ont compltement ferm leurs bureaux ltranger. Des rseaux de tlvision ont eux aussi ferm la plupart de leurs bureaux trangers, laissant en place leurs reprsentants locaux dans quelques capitales seulement. Le New York Times et le Washington Post, les monarques rgnants de la couverture internationale, semblent surtout maintenir leurs bureaux trangers grce lengagement personnel des familles qui en sont encore propritaires. Aux tats-Unis, voire ailleurs, le modle commercial sur lequel sappuient la collecte et la diffusion internationales de linformation est de toute vidence bris. Personne ne sexprime de manire aussi premptoire sur les consquences dsastreuses de ces rductions budgtaires que les correspondants trangers des journaux eux-mmes. Pamela Constable, correspondante trangre rpute du Washington Post, a ainsi crit en 2007 : Si les journaux cessent de couvrir lactualit mondiale, je crains que nous ne nous retrouvions avec une lite microscopique qui lira le magazine Foreign Affairs tandis quune nation engourdie regardera des images diffuses brivement sur leur cran au milieu dun dluge de commentaires, de baratin et de commrages people. 6 Comme la affirm le principal correspondant tranger du New York Times : Quand un jeune me demande des conseils pour devenir correspondant tranger, je lui rponds : Choisis un autre mtier. Cest comme quelquun qui aurait voulu devenir marchal-ferrant en 1919 mme si ctait un mtier honorable et qui exigeait beaucoup de comptence, lre du cheval touchait sa fin. 7 Il est intressant de noter que le commentaire du correspondant en question, C.L. Sulzberger, remonte 1969. Chaque poque est marque par des tmoins qui se plaignent dassister la fin dune re, et les anciens correspondants trangers ne drogent pas cette rgle. On ne saurait affirmer catgoriquement que le public amricain, ou le public des pays o les correspondants trangers sont en perte de vitesse, est rellement moins bien inform quavant. Une tude au moins a en ralit dmontr que le public amricain tait grosso modo aussi bien inform sur les affaires internationales quil ltait il y a vingt ans, avant que les sources traditionnelles de journalisme tranger ne commencent gravement dcliner.8 Et dans lensemble, mme parmi les publics occidentaux, la consommation de mdias est en hausse.9 Entre-temps, dans des pays comme la Malaisie, Singapour et le Vietnam, entre autres, lInternet permet au public de connatre lactualit trangre en esquivant les filtres imposs par le gouvernement un progrs important pour leur connaissance du monde.10 Par ailleurs, lOCDE a estim que, bien que le nombre de lecteurs de journaux soit en baisse dans la plupart de ses pays membres, ce dclin est plus que compens par la croissance globale de lindustrie de la presse crite lchelle mondiale.11 Plusieurs mdias de pays du Sud ont considrablement amlior leur prsence internationale ces dernires annes. Ainsi, le rseau Al-Jazeera et al-Jazeera English, financjanvier 2011

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par lmir du Qatar, couvre un large ventail dactualits mondiales, mme sil a rcemment ferm lun de ses quatre centres de tldiffusion internationaux. Dautres ne sont pas aussi ouverts : Xinhua, lagence tatique de presse chinoise, et dautres compagnies mdiatiques chinoises comme CCTV, dtestent couvrir lactualit des droits humains et sont tout fait allergiques ce que lactualit des droits humains en Chine ou chez ses allis soit rendue publique.

la fois pril et aubaineLa rvolution de linformation engendre par lInternet constitue la fois un pril et une aubaine pour les ONG internationales qui bataillent avec le dclin de la couverture de lactualit trangre dans les mdias occidentaux. Dun autre ct, la plthore de publications en ligne, de blogs, Facebook et les flux Twitter, les chanes de tlvision par cble et satellite et dautres formes de nouveaux mdias sont un phnomne bruyant et droutant. Comment les groupes de plaidoyer peuvent-ils donc savoir quels sont les mdias qui comptent rellement ? Si lun des objectifs de la couverture mdiatique, tels quils sont dcrits ci-dessus, est datteindre les dcideurs, comment savoir quels mdias ceux-ci consomment ? Autrefois, dans la plupart des pays, le paysage mdiatique qui permettait aux principaux dcideurs gouvernementaux de se tenir informs se limitait deux ou trois quotidiens, un ou deux hebdomadaires et une poigne dmissions radio et tl. De nos jours, leurs habitudes de lecture ne sont pas si faciles cerner. Lauditoire de lactualit internationale sest fractionn. Des tudiants de licence de luniversit de Columbia ont ralis en 2008 une tude qui consistait demander diffrents fonctionnaires lis lONU New York quels mdias ils lisaient, coutaient et regardaient. Comme on pouvait sy attendre, prs des trois quarts des personnes interroges ont rpondu lire le New York Times tous les jours. 50 % lisaient The Economist nouveau, rien de surprenant. Mais beaucoup dentre elles ont affirm quelles suivaient aussi les messages en ligne dun blogueur de lInner City Press qui suit de prs les affaires de lONU mais qui est pratiquement inconnu en dehors de la communaut onusienne.12 Avec lInternet vient le risque de saturation. Les groupes de plaidoyer, aprs tout, recherchent non seulement une couverture mdiatique mais rpondent galement aux questions que leur adressent les mdias. Quels journalistes sont dignes du peu dattention que les ONG ont leur consacrer ? Quels blogueurs ne sont que de simples rigolos qui feront perdre un temps fou au personnel des ONG, avec peu dimpact en contrepartie ? Et comment faire la diffrence ? Quelle part de son temps une ONG devrait-elle consacrer potasser les dernires donnes publies par Wikileaks ? Mais noublions pas laubaine que reprsente cette rvolution de linformation. Ce mme Internet qui a grev les budgets mdiatiques permet aussi aux ONG datteindre directement leurs publics. Les technologies autrefois rserves aux professionnels sont dsormais largement disponibles. Ainsi, pour pouvoir photographier un policier en train de passer tabac un manifestant et diffuser son image un public mondial, il fallait autrefois avoir un quipement coteux et un accs aux rares technologies de transmission existantes. Seule une poigne de journalistes forms pouvaient le faire. Or, aujourdhui,

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cette mme photo peut tre prise et transmise laide dun tlphone portable 35 dollars. Par exemple, lors des lections parlementaires gyptiennes de fin novembre 2010, le gouvernement a refus tout observateur international et a considrablement limit le nombre dobservateurs locaux. Mais des activistes dONG ont russi filmer, dune part, un maire local affili au parti dirigeant en train de remplir plusieurs bulletins de vote et, dautre part, des hommes en civil munis de matraques semant la panique dans un bureau de vote.

Prendre le relais ?Pour les ONG trs prsentes sur le terrain, et mme pour celles qui ne disposent qupisodiquement dun chercheur ou dun reprsentant ltranger, la capacit gnrer et diffuser le contenu est potentiellement rvolutionnaire. Mais cela demande plus quune simple photographie dun vnement prise sur son tlphone et publie sur Facebook. La question est de savoir si les ONG pourront oprer de manire systmatique dans le vide engendr par les mdias commerciaux. Pour ce faire, il leur faudra mieux cerner linformation quelles collectent dj et acqurir des connaissances qui leur permettront datteindre directement le public laide doutils capables dattirer son attention. lheure actuelle, rares sont les ONG qui disposent des ressources ncessaires pour transformer leurs recherches et linformation en un contenu convivial. La plupart dentre elles travaillent en effet partir de supports crits. Dans bien des cas, elles sadressent dautres experts et non pas au public en gnral. Surtout, elles ont gnralement bien peu dinformations visuelles leur disposition pour illustrer leurs propos. Cette situation commence changer. Human Rights Watch envoie en effet des photographes, des vidographes et des producteurs radio sur le terrain pour travailler aux cts de ses chercheurs et, ainsi, rendre compte sous un format multimdia de ce que les chercheurs dcrivent en dtail par crit.13 Amnesty International est en train de crer une unit actualit autonome, dote de cinq journalistes professionnels, afin de gnrer des nouvelles dans le domaine des droits de lhomme. Mdecins sans Frontires utilise aussi beaucoup la photographie et la vido, tandis que le Conseil de dfense des ressources naturelles confie des journalistes la rdaction darticles sur le thme de lenvironnement. Mme si les ONG sont capables de produire un contenu convivial, la question de sa diffusion continue de se poser. En effet, une ONG peut publier du contenu sur son site Internet et atteindre ainsi quelques milliers, voire des dizaines de milliers de personnes. Facebook, Twitter, YouTube ou dautres mdias sociaux peuvent lui permettre de rallier encore quelques milliers de personnes son auditoire. Le contenu viral qui parvient des millions de personnes demeure exceptionnel. Tt ou tard, la question de la diffusion en revient aux mdias traditionnels, dont le public clipse largement celui du secteur sans but lucratif. Ces mdias seront-ils prts diffuser le contenu produit par les ONG ? Les budgets allous linformation trangre tant en baisse, on pourrait croire que les rdacteurs en chef et autres ralisateurs se montreraient reconnaissants quon leur propose des documents provenant de sources sans but lucratif. Mais cela nest pas toujours le cas, et ce genre de propositions est plus ou moins bien reu selon le

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pays, lorgane mdiatique et lONG. La BBC, par exemple, utilise rarement dans ses missions des documents de groupes de plaidoyer. Aux tats-Unis, CBS a rcemment durci son rglement qui rgit lemploi de contenu provenant de sources externes.14 Le magazine Time naccepte aucune image de photographe dont la mission a t finance par une ONG. En outre, de nombreux commentateurs des mdias, prenant note du rle croissant des ONG en tant que producteurs dinformation, appellent la prudence. Ainsi que lobservait une journaliste : Si les journalistes travaillent certes dune manire parfois inadquate dans le respect du principe de limpartialit, les agences daide sont en gnral l pour transmettre un message : rcolter des fonds, sensibiliser, changer une situation.

Questions relatives lobjectivit et la neutralitDes ONG comme Human Rights Watch ne prsentent pas des faits pour le simple plaisir den rendre compte, mais bien pour informer le public et prendre la dfense des victimes de pratiques abusives. Cela distingue leur travail de celui du journalisme traditionnel et soulve une question cruciale : linformation recueillie et diffuse par les ONG en est-elle moins fiable ? Si lONG nest pas transparente par rapport ses objectifs, la provenance des documents quelle diffuse et aux normes quelle applique sa propre collecte dinformation, le consommateur, quil soit journaliste ou visiteur sur son site Internet, ne pourra qutre mfiant. Les meilleurs professionnels du monde des mdias passent toute leur carrire essayer dliminer toute subjectivit de leurs travaux et dtre impartiaux. Ils estiment, juste titre, que linformation objective est un rel bien public et que linformation partiale peut inciter les lecteurs, y compris les dcideurs politiques, prendre de mauvaises dcisions voire provoquer des dissensions sociales et des actes de violence. De nombreux organismes de formation mdiatique implants dans des zones de conflit travers le monde peinent inculquer la notion de diffusion dinformations impartiales dans des contextes mdiatiques o labsence de ce type dinformations sest rvle dsastreuse. En outre, rares sont les personnes qui estiment que les mdias aux tatsUnis, pays o la culture du journalisme neutre et apolitique est farouchement prne, sont rellement impartiaux. Les ONG qui appuient leurs travaux sur des recherches accordent une importance primordiale la diffusion dinformations rigoureuses et factuelles. Si elles jouent avec les faits, elles perdent leur crdibilit et donc leur capacit influer sur les dcideurs politiques. Leur rputation dpend de lobjectivit des informations quelles rapportent de leurs travaux sur le terrain. Mais elles sont aussi au service dune cause, plaidant en faveur des victimes et cherchant faire reconnatre la responsabilit des contrevenants. Si les ONG recourent diffrentes mthodes de collecte, de vrification et dvaluation de linformation, il nen reste pas moins que lobjectif de cette information est de dclencher des actions propices la protection de la dignit humaine. La collecte dinformations doit se faire en toute impartialit, de tous points de vue, mais les ONG ne peuvent tre neutres face des atrocits.

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Les organisations mdiatiques et les groupes de plaidoyer ont une bonne raison de prserver leur indpendance les uns des autres : leurs objectifs sont diffrents. Le refus des journalistes de diffuser du contenu produit par des tiers permet de protger lespace mdiatique contre des atteintes partisanes. Entre-temps, les groupes de plaidoyer internationaux prennent garde ne pas sloigner du cur de leur mission pour se tourner vers le business mdiatique. Mais lvolution des technologies et des pratiques commerciales fait quils sen rapprochent de plus en plus, du moins dans certains pays. Si les ONG parviennent produire un contenu effectivement plus convivial, elles doivent garder lesprit quelques principes propices leur crdibilit : premirement, faire preuve de transparence dans leurs mthodes de collecte de linformation ; deuximement, pouvoir justifier de nombreuses annes et dune longue rputation de recherches fiables ; et troisimement, tre totalement honntes quant aux objectifs et lidentit des auteurs de ce contenu. Lautre question que les ONG doivent se poser est jusquo aller pour crer un contenu convivial. Peu dentre elles semblent disposes rorienter leur identit pour se transformer en producteurs dinformation en cette nouvelle re de linformation. Combler le vide laiss par linformation internationale est onreux, et la plupart des ONG ont du mal saccommoder de leurs budgets actuels, sans parler de souvrir des domaines qui semblent sans rapport avec le cur de leur mission. Mais si elles ignorent cette tendance, elles passeront ct dune opportunit cruciale de se faire entendre. La rvolution de linformation laquelle nous assistons actuellement est lourde de consquences pour bien plus quune poigne de groupes de plaidoyer. Toute entit qui produit un document dense plutt destin un public de spcialistes doit dsormais prendre conscience que les personnes capables de rendre ce document accessible un non-spcialiste autrement dit de faire un travail de journalisme sont dsormais bien moins nombreuses. Pour avoir un impact maximum dans le monde daujourdhui, linformation doit tre convertie et remodele pour des publics et des plateformes multiples, comme une graine qui germerait dans de multiples directions. Il sagit l dune tendance que ne peut se permettre dignorer quiconque affirme vouloir influencer lopinion publique. Carroll Bogert est directrice gnrale adjointe charge des relations extrieures Human Rights Watch.

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NotesMartin Moore, Shrinking World: The decline of international reporting in the British press (Londres : Media Standards Trust, novembre 2010), p. 17. Cette tude porte sur des articles relatant des vnements survenus ltranger parus dans les dix premires pages de quatre grands journaux quotidiens.2 Organisation pour la coopration et le dveloppement conomiques (OCDE) : Comit de la politique de linformation, de linformatique et des communications de la Direction de la science, de la technologie et de lindustrie, The Evolution of News and the Internet , 11 juin 2010 http://www.oecd.org/ dataoecd/30/24/45559596.pdf (consult le 20 novembre 2010), p. 7. La baisse la plus importante a t enregistre aux tats-Unis, au Royaume-Uni, en Grce, en Italie, au Canada et en Espagne. 1

Cet essai porte principalement sur les ONG qui mnent des activits de recherche et de plaidoyer dans plusieurs pays et qui sont par consquent en contact rgulier avec des journalistes qui couvrent un pays spcifique pour un public situ dans un autre pays. La plupart de ces commentaires concernent des ONG qui uvrent dans le domaine des droits humains et dautres questions relatives la justice sociale, plutt que, par exemple, dans celui du rchauffement plantaire et de lenvironnement, bien que celles-ci soient confrontes certains des mmes dfis.4

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Les quatre hommes ont t reconnus coupables dactes de torture rvls par une autre vido, sans lien aucun avec celle-ci. Voir Indonesia: Investigate Torture Video From Papua , communiqu de presse de Human Rights Watch, 20 octobre 2010, http://www.hrw.org/en/news/2010/10/20/indonesia-investigatetorture-video-papua. Human Rights Watch, Torture Redux: The Revival of Physical Coercion during Interrogations in Bahrain, 8 fvrier 2010, http://www.hrw.org/en/reports/2010/02/08/torture-redux6 5

Pamela Constable, Demise of the Foreign Correspondent , The Washington Post, 18 fvrier 2007.

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John Maxwell Hamilton, Journalisms roving eye: a history of American foreign reporting (Lousiana State University Press, 2010), p. 457.

8 Public Knowledge of Current Affairs Little Changed by News and Information Revolutions: What Americans Know: 1989-2007 , The Pew Research Center for the People & the Press, 15 avril 2007 http:// people-press.org/report/319/public-knowledge-of-current-affairs-little-changed-by-news-and-informationrevolutions (consult le 29 novembre 2010). 9 Richard Wray, Media Consumption on the Increase , The Guardian, 19 avril 2010 http://www.guardian. co.uk/business/2010/apr/19/media-consumption-survey (consult le 21 novembre 2010). 10 Voir par exemple la Temasek Review Singapour ; Malaysiakini et dautres portails en ligne en Malaisie ; de nombreux blogueurs vietnamiens ; et Democratic Voice of Burma et Mizzima, entre autres. 11 12

OCDE, 2010

Mass Media and the UN: What the Advocacy Community Can Do to Shape Decision Making , Columbia University School of International Public Affairs, mai 2009, dans les archives de Human Rights Watch. Les personnes interroges taient des employs du Secrtariat de lONU, de diffrents dpartements de lONU dont les travaux touchent aux droits humains et des diplomates reprsentant 12 des 15 membres du Conseil de scurit de lONU. De nombreux photographes recueillent maintenant des fonds auprs de fondations pour tablir des partenariats avec des ONG. Parmi les donateurs les plus actifs, citons notamment le Projet de photographie documentaire de lOpen Society Institute : http://www.soros.org/initiatives/photography (consult le 20 novembre 2010) ; des photographes de Magnum sont de plus en plus disposs conclure des partenariats [] avec des organisations caritatives tries sur le volet et [ fournir] un accs gratuit ou prix rduit aux archives photographiques de Magnum http://magnumfoundation.org/core-programs.html (consult le 20 novembre 2010).14 15 13

Conversation prive avec un ralisateur de CBS, octobre 2010.

Glenda Cooper, When lines between NGO and news organization blur , Nieman Journalism Lab, 21 dcembre 2009, http://www.niemanlab.org/2009/12/glenda-cooper-when-lines-between-ngo-andnews-organization-blur/ (consult le 20 novembre 2010).

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Les coles transformes en champs de batailleProtger les lves, les enseignants et les coles contre les attaques

Par Zama Coursen-Neff et Bede Sheppard Sur les 72 millions denfants non scolariss bien quen ge de frquenter lcole primaire travers le monde, plus de la moiti 39 millions vivent dans un pays touch par un conflit arm.1 Dans nombre de ces pays, des groupes arms menacent et tuent lves et enseignants, et emploient une tactique de conflit consistant bombarder et incendier les tablissements scolaires. Les forces de scurit gouvernementales se servent de ces coles comme base pour leurs oprations militaires, mettant en danger les lves et nuisant encore davantage leur ducation. Dans le sud de la Thalande, des insurgs sparatistes ont incendi des coles au moins 327 reprises depuis 2004, et les forces de scurit gouvernementales ont occup au moins 79 coles en 2010. En Colombie, des centaines denseignants actifs dans des syndicats ont t assassins au cours de la dernire dcennie, dans bien des cas par des paramilitaires progouvernementaux et dautres parties au conflit qui oppose actuellement le gouvernement aux forces rebelles. Dans le nord de la Rpublique dmocratique du Congo (RDC), les rebelles de lArme de rsistance du Seigneur (LRA) ont enlev de nombreux enfants dans des coles et sen sont pris des villages dont ils estimaient quils soutenaient les transfuges de la LRA, notamment en pillant et en incendiant des coles. Nous vous ordonnons de quitter votre poste denseignant dans les plus brefs dlais, faute de quoi nous couperons la tte vos enfants et brleront votre fille , peut-on lire dans une lettre de menace adresse par des insurgs talibans en Afghanistan o, de mars octobre 2010, vingt coles ont t attaques au moyen dexplosifs ou par des incendiaires, les insurgs faisant ainsi 126 victimes parmi les lves. Si les attaques lances contre les coles, les enseignants et les lves dAfghanistan sont peut-tre celles qui ont le plus marqu lopinion publique hommes moto fusillant des coliers, fillettes asperges dacide , la prise pour cible intentionnelle de lducation constitue un phnomne aux rpercussions profondes, bien que linformation le concernant soit rare. Il ne se limite pas quelques pays mais reprsente un problme plus vaste dans le cadre des conflits arms mondiaux. Les chercheurs de Human Rights Watch ont rendu compte dattaques contre des lves, des enseignants et des coles et des consquences de ces attaques sur lducation en Afghanistan, en Colombie, en RD Congo, en Inde, au Npal, en Birmanie, au Pakistan, aux Philippines et en Thalande.28

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LUNESCO (Organisation des Nations Unies pour lducation, la science et la culture) signale que des attaques ont t perptres dans au moins 31 pays de 2007 2009.2 Bien que seul un nombre trs limit de groupes arms non tatiques approuve ouvertement ces attaques, les efforts visant en rendre compte, les porter la connaissance du public et y mettre un terme sont bien trop insuffisants. Limpact ngatif dune occupation de longue dure des coles par les forces militaires est par ailleurs souvent sous-estim. Laccs lducation est de plus en plus reconnu comme un lment important de la rponse humanitaire durgence, surtout dans le contexte de dplacements massifs de populations et de catastrophes naturelles. Il convient toutefois de noter que la protection des coles, des enseignants et des lves contre les attaques dlibres dans des zones de conflit ne suscite une attention accrue que depuis peu. Les groupes daide humanitaire ont de plus en plus conscience des effets nfastes et durables de ce genre dattaques ; des organisations de dfense des droits humains ont dailleurs commenc se pencher sur cette question dans le contexte de la protection des civils dans le conflit arm et de la promotion des droits conomiques et sociaux, y compris du droit lducation. Pour tre efficace, la raction apporter aux attaques perptres contre lducation devra sappuyer sur la mise en uvre par les gouvernements concerns de politiques et de mesures plus cibles ainsi que sur un effort international bien plus consquent. Ainsi, pour sassurer que les lves, les enseignants et les coles soient hors de porte des groupes arms non tatiques et des armes rgulires, les gouvernements, groupes dopposition et autres organisations se devront de mettre en uvre des mesures nergiques assorties dun mcanisme dobservation rigoureux, dinterventions prventives, dune raction rapide en cas de violations et dune obligation pour les auteurs de ces violations