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60 Aviation et Pilote - 504 - Janvier 2016 CARNET Le Raid Latécoère Hydravions HYDRAVIATION Le 1 er Raid Latécoère Hydravions s’est déroulé du 5 au 13 septembre 2015. Les hydros avions et ULM participants ont parcouru près de 1 300 Nm, se sont posés sur neuf plans d’eau, lacs et mer, sont entrés dans deux ports et ont démontré, au final, que l’hydraviation est une histoire d’amour entre les Français et l’aviation légère. PAR DERRY GRÉGOIRE ET DOMINIQUE CARAVITA, PHOTOS MAGALI REBEAUD, MARIE-CÉCILE DESALBRES, ATLANTIC TRAINING N ous y voilà ! Que de mails, de coups de téléphone, de journées et de nuits trop courtes ! Ce réveil aux aurores sent un doux parfum d’excitation. Le jour se lève sur un ciel dégagé sans brumes et brouillards. Tout le monde est sur le pont. Point de retardataires. Les avions, les voitures qui sui- vront le raid ainsi que les hommes sont prêts à démarrer une semaine d’aventures pour redonner des ailes au monde de l’hydraviation. « L’hydra- vion pour relier les hommes. » Tout Raid Latécoère, commence par un bon briefing. Le directeur des vols présente, sans grandes difficultés la météo, les NOTAM, la route suivie. Nous volerons en patrouille lâche, une seule radio, un seul code transpondeur. Une étape est prévue à Muret pour ravitailler. Le briefing concernant l’amerrissage sur la retenue du Mancies dans un bras de la Garonne, près de Carbonne, demandera un peu d’attention car le terrain de jeu est bien différent du lac de Biscarrosse. De plus, il convient de respecter l’arrêté préfectoral d’autorisation d’hydrosurface. Il est temps de partir car beaucoup de monde nous attend, il faut donc respecter le timing. Alors que les deux Seamax ULM règlent un problème technique de dernière minute concer- nant une batterie récalcitrante, les trois PA-18 d’Aquitaine Hydravions s’alignent sur la piste 27 pour un décollage à 10 secondes. La patrouille se forme en vent arrière cap à l’est. Le lac est magnifique, un vrai miroir où se reflète un ciel sans nuages. Sous les regards de nos amis et familles au sol, nous abordons déjà la mer de pins qui déroule sous nos ailes. Nous montons à 3 000 ft et c’est à 91 kt de Vs que nous attein- drons Muret. Nous sommes à peine posés que les télé- phones sonnent : mais vous êtes où ? À Carbonne, tout le monde s’impatiente mais il est vrai que nous avons pris un peu de retard. À peine le temps de faire les pleins et d’embarquer une journaliste de France 3 que nous voilà en route vers la retenue du Mancies sur la Garonne. Cap au sud-est, c’est en cheminement et au bout de 10 minutes de vol que nous atteindrons notre pre- mier terrain de jeu. Vu d’en bas, le passage des trois PA-18 et des 2 Seamax en patrouille serrée est magnifique. Virage à droite pour se position- ner en vent arrière et nous amerrissons les uns après les autres sur une hydrosurface très bien balisée et préparée par nos amis du club de voile de Carbonne (COC) et de l’ASPTT. Des yeux émerveillés nous regardent nous poser. L’accueil est chaleureux. Les élus sont conquis et ce n’est pas le vol qu’ils effectueront ensuite qui viendra les faire changer d’avis. La magie a opéré mais la journée passe trop vite. Nous redécollons vers 16h30 car nous devons regagner l’aéroport de Francazal avant 17h00 loc. Cette première escale fut belle et chaleureuse, remplie de solidarité entre associations, reliant ainsi le temps d’un ins- tant le monde de la voile et de l’aéronautique. Francazal - St Ferréol Ce matin, nous retrouvons nos montures rangées sagement dans l’immense hangar mis à notre disposition à Francazal. Cette ancienne base militaire ne manque pas d’atouts pour qui veut mettre à l’abri son avion. Proximité immé- diate de Toulouse, accès facile, contrôleurs AFIS sympas… Après un briefing commun à même les flotteurs de nos hydros, nous mettons en route à destination du lac de St Férréol, juste au sud-est du terrain de Revel. Nos hydros volent de conserve en patrouille lâche, sous le seul indicatif de Laté. Nous écor- nons à peine un espace aérien de la CTR de Toulouse qu’un rappel un peu sec du contrôleur nous indique que Raid Latécoère Hydravions ou pas, on ne badine pas avec le découpage de l’espace aérien, même si notre transit à basse altitude ne représente aucune gêne pour les autres utilisateurs… Les procédures de changement de fréquences initiées par le seul leader sont main- tenant bien rodées. Il faut dire que son passé de pilote d’Etendard, et ensuite de pilote d’essai du Rafale, ne laisse planer aucune approximation sur les modes opératoires définis au briefing. Il fait beau, l’air est limpide et l’horizon visuel laisse déjà deviner les contreforts abrupts qui se déversent sur le lac de destination encastré dans la verdure. À l’issue du traditionnel pas- sage en patrouille serrée au-dessus de nos hôtes, nous prenons l’espacement nous permettant de nous « séquencer » dans l’immuable phase de reconnaissance du plan d’eau de destination. Ce réservoir d’eau, créé au début du siècle par l’édification d’un petit barrage, avait pour but d’alimenter le canal du Midi de part et d’autre de la ligne de partage des eaux. À une altitude d’en- viron 1 100 ft, il offre un seul axe d’amerrissage d’ouest en est du fait des collines qui l’entourent sur trois côtés et le dominent d’une centaine de mètres. Nous avons à peine 1 600 m pour nous poser après une approche à forte pente dévalant le flanc de coteaux au ras des arbres. Un pur régal La veille du départ, inauguration du hangar Pierre Georges Latécoère abritant les locaux d’Aquitaine Hydravions, en présence de Marie- Vincente Latécoère. Le hangar Pierre Georges Latécoère.

HYDRAVIATION Le Raid Latécoère Hydravions...HYDRAVIATION Le 1er Raid Latécoère Hydravions s’est déroulé du 5 au 13 septembre 2015. Les hydros avions et ULM participants ont

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60 Aviation et Pilote - 504 - Janvier 2016

CARNET

Le RaidLatécoère

Hydravions

HYDRAVIATION

Le 1er Raid Latécoère Hydravions s’est déroulé du 5 au 13 septembre 2015. Les

hydros avions et ULM participants ont parcouru près de 1 300 Nm, se sont posés

sur neuf plans d’eau, lacs et mer, sont entrés dans deux ports et ont démontré, au final, que l’hydraviation est une histoire d’amour

entre les Français et l’aviation légère.

Par Derry GréGoire et Dominique Caravita, Photos maGali rebeauD, marie-CéCile Desalbres, atlantiC traininG

Nous y voilà ! Que de mails, de coups de téléphone, de journées et de nuits trop courtes ! Ce réveil aux aurores sent un doux parfum d’excitation. Le jour se lève sur un ciel dégagé sans brumes et

brouillards. Tout le monde est sur le pont. Point de retardataires. Les avions, les voitures qui sui-vront le raid ainsi que les hommes sont prêts à démarrer une semaine d’aventures pour redonner des ailes au monde de l’hydraviation. « L’hydra-vion pour relier les hommes. »

Tout Raid Latécoère, commence par un bon briefing. Le directeur des vols présente, sans grandes difficultés la météo, les NOTAM, la route suivie. Nous volerons en patrouille lâche, une seule radio, un seul code transpondeur. Une étape est prévue à Muret pour ravitailler. Le briefing concernant l’amerrissage sur la retenue du Mancies dans un bras de la Garonne, près de Carbonne, demandera un peu d’attention car le terrain de jeu est bien différent du lac de Biscarrosse. De plus, il convient de respecter l’arrêté préfectoral d’autorisation d’hydrosurface.

Il est temps de partir car beaucoup de monde nous attend, il faut donc respecter le timing.

Alors que les deux Seamax ULM règlent un problème technique de dernière minute concer-nant une batterie récalcitrante, les trois PA-18 d’Aquitaine Hydravions s’alignent sur la piste 27 pour un décollage à 10 secondes. La patrouille se forme en vent arrière cap à l’est. Le lac est magnifique, un vrai miroir où se reflète un ciel sans nuages. Sous les regards de nos amis et familles au sol, nous abordons déjà la mer de pins qui déroule sous nos ailes. Nous montons à 3 000 ft et c’est à 91 kt de Vs que nous attein-drons Muret.

Nous sommes à peine posés que les télé-phones sonnent : mais vous êtes où ? À Carbonne, tout le monde s’impatiente mais il est vrai que nous avons pris un peu de retard. À peine le temps de faire les pleins et d’embarquer une journaliste de France 3 que nous voilà en route vers la retenue du Mancies sur la Garonne. Cap au sud-est, c’est en cheminement et au bout de 10 minutes de vol que nous atteindrons notre pre-mier terrain de jeu. Vu d’en bas, le passage des trois PA-18 et des 2 Seamax en patrouille serrée est magnifique. Virage à droite pour se position-ner en vent arrière et nous amerrissons les uns après les autres sur une hydrosurface très bien

balisée et préparée par nos amis du club de voile de Carbonne (COC) et de l’ASPTT. Des yeux émerveillés nous regardent nous poser. L’accueil est chaleureux. Les élus sont conquis et ce n’est pas le vol qu’ils effectueront ensuite qui viendra les faire changer d’avis. La magie a opéré mais la journée passe trop vite. Nous redécollons vers 16h30 car nous devons regagner l’aéroport de Francazal avant 17h00 loc. Cette première escale fut belle et chaleureuse, remplie de solidarité entre associations, reliant ainsi le temps d’un ins-tant le monde de la voile et de l’aéronautique.

Francazal - St FerréolCe matin, nous retrouvons nos montures

rangées sagement dans l’immense hangar mis à notre disposition à Francazal. Cette ancienne base militaire ne manque pas d’atouts pour qui veut mettre à l’abri son avion. Proximité immé-diate de Toulouse, accès facile, contrôleurs AFIS sympas… Après un briefing commun à même les flotteurs de nos hydros, nous mettons en route à destination du lac de St Férréol, juste au sud-est du terrain de Revel.

Nos hydros volent de conserve en patrouille lâche, sous le seul indicatif de Laté. Nous écor-nons à peine un espace aérien de la CTR de Toulouse qu’un rappel un peu sec du contrôleur

nous indique que Raid Latécoère Hydravions ou pas, on ne badine pas avec le découpage de l’espace aérien, même si notre transit à basse altitude ne représente aucune gêne pour les autres utilisateurs… Les procédures de changement de fréquences initiées par le seul leader sont main-tenant bien rodées. Il faut dire que son passé de pilote d’Etendard, et ensuite de pilote d’essai du Rafale, ne laisse planer aucune approximation sur les modes opératoires définis au briefing.

Il fait beau, l’air est limpide et l’horizon visuel laisse déjà deviner les contreforts abrupts qui se déversent sur le lac de destination encastré dans la verdure. À l’issue du traditionnel pas-sage en patrouille serrée au-dessus de nos hôtes, nous prenons l’espacement nous permettant de nous « séquencer » dans l’immuable phase de reconnaissance du plan d’eau de destination. Ce réservoir d’eau, créé au début du siècle par l’édification d’un petit barrage, avait pour but d’alimenter le canal du Midi de part et d’autre de la ligne de partage des eaux. À une altitude d’en-viron 1 100 ft, il offre un seul axe d’amerrissage d’ouest en est du fait des collines qui l’entourent sur trois côtés et le dominent d’une centaine de mètres. Nous avons à peine 1 600 m pour nous poser après une approche à forte pente dévalant le flanc de coteaux au ras des arbres. Un pur régal

La veille du départ, inauguration du hangar

Pierre Georges Latécoère abritant les locaux

d’Aquitaine Hydravions, en présence de Marie-

Vincente Latécoère.Le hangar Pierre Georges Latécoère.

Page 2: HYDRAVIATION Le Raid Latécoère Hydravions...HYDRAVIATION Le 1er Raid Latécoère Hydravions s’est déroulé du 5 au 13 septembre 2015. Les hydros avions et ULM participants ont

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de pilote d’hydravion plutôt habitué aux grands espaces du lac de Biscarrosse.

C’est en janvier 1932, à la suite d’un rapport faisant état de la reconnaissance du site par un ex-pilote de guerre, que le lac de St Ferréol, seul plan d’eau acceptable entre Toulouse et l’embou-chure de l’Aude pour les hydravions de l’époque, devint un point d’escale remarquable sur la route Bordeaux Marseille. Aussi, c’est avec une cer-taine émotion que nous trempons nos flotteurs dans ce lac historique. Les trois PA-18 viendront ensuite se ranger sagement sur la petite plage de sable grossier où nous attend avec impatience une foule déjà conquise par ce spectacle inédit. Nos deux compères ulmistes poseront leurs machines quelques minutes après nous, faisant de ce lac le lieu de France réunissant le plus grand nombre d’hydravions au même instant.

Après les traditionnels discours des autorités locales inscrivant notre venue dans un cycle historique qui ne demande qu’à renaître, nous nous retrouvons autour d’une table dans un res-taurant de Revel. En milieu d’après-midi, nous redécollons, un seul pilote à bord des PA-18, en utilisant toute la longueur du lac afin de franchir le rideau d’arbres qui pointe à l’est, juste derrière le barrage. Du rivage, on peut constater qu’il y a finalement de la marge et que cela passait avec deux pilotes à bord. Mais comme les distances de décollage sur l’eau sont dépendantes de très nombreux facteurs, y compris l’habileté et l’expérience du pilote, et qu’il n’existe de ce fait pas de courbes ou d’abaques aussi précises que pour les avions terrestres, la sagesse voulait que les seconds pilotes rejoignent leur hydravion au terrain de Revel par la route.

St Ferréol - Villefranche de PanatÀ peine avons-nous décollé de St Ferréol que

nous ne pouvons résister à l’envie de refaire un amerrissage et ce pour le plus grand plaisir des élus et du public. Une sorte d’au revoir en guise de remerciement. Un saut de puce vers le terrain de Revel pour ravitailler et récupérer nos pilotes arrivés par la route et c’est la mise de cap sur Villefranche de Panat. Le vol d’une quarantaine de minutes, au cap et à la montre, nous conduira

leurs adopté chez nos amis italiens… Le pont de Millau émerge doucement de la vallée qu’il surplombe. Nous resserrons la patrouille, l’un des ULM venant nous coiffer pour une série de photos a priori uniques depuis l’existence de cet ouvrage d’art. Une patrouille d’hydravions sur le pont de Millau, qui l’eût cru ? Après un ravi-taillement express sur le terrain, nous mettons le cap directement vers St Laurent de la Salanque, notre première hydrosurface d’eau de mer. Les deux ULM à l’autonomie presque exagérée nous ont lâchés en omettant tout simplement l’escale de Millau.

L’arrivée sur St Laurent se fera par le bord de mer. Un virage à droite en patrouille serrée nous amène entre le Barcarès et la petite base militaire des « opérations spéciales » interdite de survol, sise en bordure sud du lac.

Nous évoluons à 500 ft sur l’axe de posé au droit de la petite plage de la Coudalère où sta-tionne un public impatient qui a déjà accueilli les ULM. Nous en profitons pour effectuer notre reconnaissance et reprenons notre noria en vue d’amerrir enfin les uns après les autres. Le vent est légèrement travers droit et génère un petit cla-pot résiduel non gênant. Les safrans baissés, nous cheminons vers la plage d’où quelques membres de notre assistance technique nous guident. L’accueil fut une fois de plus chaleureux, rien ne manquant pour le plaisir des badauds et des « raiders ».

Un saut de puce vers le terrain de Perpignan permettra de se lancer dans les longues opéra-tions de lavage des hydros à l’eau douce. Pas moins de trois heures de travail à 8 personnes pour dessaliniser nos avions. L’utilisation d’hydravions sur eau salée génère un surcoût en entretien non négligeable, alors le bénévolat est la condition sine qua non pour maintenir des prix à l’heure de vol acceptables.

St Laurent de la Salanque - MartiguesSeconde étape « eau de mer » qui suit juste-

ment le trajet côtier via Montpellier et le littoral

vers un paysage plus escarpé, plus accidenté. De ce fait, nous avons une petite pensée pour le reste du groupe qui nous suit en voiture.

Le lac de Villefranche de Panat se présente enfin à nous. Nous effectuons une reconnaissance haute afin d’observer les différents obstacles et ce sera un circuit main droite pour un amerrissage face au nord. Le temps d’un instant, le lac nous appartient alors que nous enchaînons les amerrissages, l’occasion pour les stagiaires qui nous accompagnent d’en appréhender les subtilités. Le lac de Villefranche de Panat est régulière-ment utilisé par nos amis ulmistes et c’est d’ailleurs sur leur initiative qu’il sera, le temps du passage du raid, « agréé hydravions certifiés » par les autorités. Il se situe à une altitude de 2 400 ft à une vingtaine de nau-tiques dans le sud de Rodez.

Ce lac, résultat d’un barrage hydraulique EDF est sensiblement orienté nord sud. Il est ancré dans un paysage de champs et de prés verdoyants accrochés à des reliefs ondulants bardés de-ci de-là d’éoliennes géantes. Il ne présente aucune difficulté particulière, hors la présence d’une ligne à haute tension au nord, montant à flanc de relief dans la vent arrière. Ce lac, propriété d’EDF, est parfois utilisé par les Canadair de la protection civile. La France est dotée de nombreux lacs qu’il suffirait d’aménager un tant soit peu pour les rendre plus attractifs en vue d’un tourisme désengor-geant les bords de mer l’été. Tout ceci en respectant la nature tant l’empreinte du passage d’hydravions est anecdotique dans son impact écologique.

Villefranche de Panat - Millau - St Laurent de la Salanque

Après une bonne nuit réparatrice et un petit déjeu-ner-briefing, nous partons vers Millau pour ravitailler. Il n’y a pas encore de station essence avion sur nos quelques rares lacs autorisés temporairement hydra-vions. Nous n’en sommes pas encore au stade de développement des USA ou du Canda en matière d’hy-draviation, mais le contexte géographique et le passé historique de notre beau pays ne demandent qu’une volonté politique qu’il nous faut aller chercher avec conviction pour aboutir au « là où navigue un bateau à moteur, un hydravion se pose ! », postulat d’ail-

Tout au long du parcours, le public était présent et curieux

d’en connaître un peu plus sur les hydravions et leurs pilotes.

Les ULM possèdent aussi leurs « hydravions », ici un Seamax.

Les médias étaient aussi présents lors des escales.

camarguais. Les transits deviennent une routine et nos pilotes « stagiaires » en profitent pour se per-fectionner en tenue de formation de navigation et de patrouille lâche. Juste après le décollage, l’un des PA-18 signale une incertitude sur le verrouil-lage haut de son train avant droit dont le témoin lumineux reste désespérément éteint malgré plu-sieurs tentatives de recyclage.

Le posé d’un hydravion amphibie sur l’eau train sorti se résume en passage sur le dos iné-luctable. C’est pourquoi, le doute devant profiter à la sécurité des vols, il sera décidé qu’il nous accompagnera jusqu’à Martigues et dégagera sur Aix les Milles au lieu d’amerrir. L’équipe technique, prévenue en vol par SMS, rejoindra le malchanceux et procédera en un temps record à un dépannage lui permettant de nous rejoindre en cours de journée. Notre escadrille, stationnée sur la rampe du club de voile local, sera rejointe en milieu d’après-midi par deux ULM hydro et un hydravion Lake Bucaneer. Le spectacle est donc assuré lors des quelques vols de découverte et la journée se terminera par un dîner animé par un orchestre.

Martigues - le Vieux-Port de Marseille - Martigues

Aujourd’hui, c’est un grand jour. Deux de nos hydravions et deux ULM sont censés se poser juste à la sortie du Vieux-Port puis y entrer. La journée s’annonce compliquée. D’abord, un réveil tôt pour les accompagnateurs qui doivent se mettre en place sur le Vieux-Port afin de gérer au mieux notre arrivée ainsi que l’arrimage des hydros sur le ponton en face de la mairie. Le Vieux-Port sera interdit à la navigation maritime entre 07h30 et 08h30 pour permettre au Canadair de la Sécurité civile ainsi qu’à nos hydravions de se poser et d’y entrer. Mais notre départ est différé car on apprend que le Canadair a de petits soucis techniques. De plus, un gros catamaran fait de la résistance et ne semble pas vouloir nous laisser la place au ponton.

Finalement, nous décollons de l’hydrosurface de Martigues et, après avoir survolé les îles du Frioule et son célèbre château d’If, nous venons saluer de près la bonne Mère en patrouille serrée.

CARNET

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CARNET

Amerrissage en douceur sur une mer calme. L’entrée dans le port se fera dans une ambiance plus agitée au milieu des chalutiers et autres bateaux touristiques. En effet, nous n’avons pu tenir le créneau et il a bien fallu rouvrir le Vieux-Port à son activité bouillonnante. « Le poisson à Marseille s’est toujours vendu sur le Vieux-Port à la sortie des bateaux et ce n’est pas des petits coucous à flotteurs et un gros canari qui vont empêcher cela ! »

Grâce au concours du staff du Raid et de quelques personnalités locales, tant civiles que militaires, on aura réussi le tour de force de faire entrer un Canadair en remorquage jusqu’au quai d’honneur et quatre hydravions légers qui stationneront au ponton en pieds de mairie, tout ceci pour la plus grande joie d’un public surpris et conquis. Il aura fallu convaincre de neutraliser la navigation pendant près de deux heures pour assurer la manœuvre. La réussite de ce challenge incroyable laisse entrevoir que tout peut être possible dans notre France à la réputation d’administration frileuse pourvu que l’on ait les « bonnes entrées ». Comment accepter maintenant après cette prouesse administrative l’impossibilité de rendre à l’hydraviation ses lettres de noblesse en lui ouvrant l’espace aquatique fabuleux dont est dotée la France ?

Ce passage d’hydros dans le Vieux-Port sera relayé par nombre de reportages télé et presse écrite, retour médiatique assez surprenant et inespéré de la part des organisateurs. Michel Polacco, le journaliste pilote de France Inter, donnera une petite conférence au Hard Rock Café, propriété de l’un des artisans de cette journée mémorable, et les participants au raid et autres invités profiteront des lieux pour honorer une soirée organisée en l’honneur du raid Latécoère Hydravions, soirée ponctuée de discours et autres remises de médailles.

Mr le Maire est confortablement installé dans le F-HY. Nous avons toujours facilité les vols VIP à chaque escale… L’un des pilotes aura eu le privilège de faire découvrir à M. le Maire sa ville vue du balcon d’un hydravion tout en décollant et amerrissant au beau milieu des paquebots et autres yachts. Moment partagé où il jouera le rôle de guide touristique et où nous lui ferons prendre conscience qu’un pilote d’hydravion sait s’inté-grer dans le trafic maritime en toute sécurité.

Si le décollage était un peu technique dû à une houle importante du fait du trafic malgré un clapot faible, l’amerrissage se fera tout en dou-ceur car effectué dans une zone plus protégée. Enfin, la rentrée au port se fera au quai d’honneur entre deux yachts rutilants qui, le temps d’un instant, laisseront un des PA-18 d’Aquitaine Hydravions sous le feu des objectifs. Vers 16h00, décollage des hydravions avec des pilotes auto-risés aérodrome de La Môle pour une séance de lavage à l’eau douce qui prendra encore deux bonnes heures à 8 personnes…

La Môle - Monaco - La MôleLa consultation de la météo du lendemain

nous interpelle car un « épisode cévenol » de pluies est annoncé dans l’après-midi et risque de nous faire barrage pour un retour vers notre port base. Mais décision est prise d’honorer notre dernière escale pour conclure ce premier raid en beauté. Les trois hydravions décollent de La Môle à 09h30 et seront rejoints par l’un des Sea-max au départ de la base ULM de Fréjus. C’est donc de conserve que nous traversons les zones de Nice surchargées de trafic en empruntant le cheminement VFR à basse altitude sur la mer.

Après quelques échanges d’amabilité entre le contrôleur et notre leader du jour – le « régio-nal » de l’étape, nous sommes autorisés à quitter la fréquence pour basculer sur Monaco. Nos passages en patrouille serrée sont accueillis sous les applaudissements des protagonistes de la « Monaco classic week » et accompagnés des sirènes des voiliers de tradition et embarcations présents sur le plan d’eau. Nos hydros, partis

de l’Atlantique quelques jours auparavant et après un périple qui leur aura donné l’occasion de tremper leurs flotteurs sur neuf plans d’eau différents clôturent ce raid en apothéose en Médi-terranée sur le port de Monaco saluant de leurs ailes l’histoire commune de la principauté et de l’hydraviation.

Ce raid, au retentissement médiatique inat-tendu, nous aura conforté dans notre certitude qu’il est encore possible de convaincre nos administrations que l’ouverture des nombreux plans d’eau présents en France est une source non négligeable de développement touristique et économique, que l’impact de la réintroduction de l’hydraviation en France sur les microsystèmes écologiques est négligeable et que les pilotes sont des gens responsables, capables de cohabiter avec les autres usagers sans risque. « Là où va un bateau à moteur… un hydravion doit pouvoir aller ! » Rendez-vous sur le prochain raid hydra-vions Latécoère. y

Marseille - St Tropez - La MôleUn décollage matinal doit nous permettre de

respecter une arrivée prévue aux alentours de 11h00 pour un amerrissage au droit de l’entrée du port de St Tropez. Après un vol agréable entre 500 et 1 500 ft le long des côtes du littoral abri-tant des criques et des îles que nous survolons avec délectation, nous arrivons en vue du port de St Tropez. La reconnaissance du plan d’eau fait état d’un clapot et d’une houle à la limite de nos possibilités. Le trafic maritime est important à cette époque de l’année. Un paquebot et un grand voilier au mouillage nous confirment la direction du vent. Il y a aussi de nombreux Jet-Skis qui ont repéré visiblement la patrouille d’hydravions en approche et viennent à leur rencontre pour assouvir leur curiosité. Il va falloir faire preuve de discernement quant au choix de l’axe d’approche car un hydravion en vol n’a pas la priorité sur un bateau. À l’issue d’un posé au milieu d’embarca-tions diverses et variées, nous sommes guidés par un Zodiac vers l’entrée du port.

Ici, le trafic maritime n’a pas été interrompu et les trois hydravions naviguent sans problème au même titre que les autres bateaux en respec-tant la réglementation maritime jusqu’au ponton qui nous a été attribué. À peine amarrés, nous sommes interviewés par la presse locale et ques-tionnés par de nombreux badauds étonnés. Nous nous retrouvons ensuite autour d’une bonne table dans un restaurant du centre de St Tropez à l’invi-tation de Marie-Vincente Latécoère qui est ici aussi sur ses terres.

Lorsqu’on rencontre les élus pour leur deman-der si on peut faire poser des hydravions dans la plus célèbre baie qu’est celle de St Tropez, on sait qu’il va falloir être convaincant. Les Tropeziens sont plus habitués à voir de gros bateaux luxueux que des hydravions. Mais aujourd’hui, sans faire de jeu de mots, nous leur avons volé la vedette. À l’issue de ce déjeuner très convivial, nous nous retrouvons sur le ponton où sont sagement amarrés nos hydros. Pour leur part, les ULM ont « beaché » sur une petite plage juste à proximité du centre du village.

Marseille et Saint Tropez : le challenge était d'entrer dans le port au milieu des bateaux. Pari réussi, mais non sans difficultés.

L’un des objectifs du Raid Latécoère est de

promouvoir l’hydraviation, notamment pour montrer que l’ouverture des plans d’eau à ce loisir n’est pas

forcément nuisible à la faune et à la flore. Ici, les

usagers de St Ferreol n’ont pas l’air d’être inquiets…

Avec