Ibn Taïmiya et la philosophie

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/31/2019 Ibn Tamiya et la philosophie

    1/6

    ][

    Traductionet adaptation : Karim Zentici:

    Rvision : Abu Hamza Al-Germny:

    Publi par le bureau de prche de Rabwah (Ryadh)

    1429-2008

  • 7/31/2019 Ibn Tamiya et la philosophie

    2/6

    Ibn Tamiya et la philosophie(Partie I)

    Shekh el Islam ibn Tamiya a dit : Etymologiquement, le terme philosophie signifie amour de la sagesse .1 Il fait allusion aux philosophes grecs bien que toutes lescivilisations ayant reu un livre rvl ou non, ont leurs propres sages comme les religionspaennes de lInde et la religion mazdenne chez les Perses. Quant aux sages musulmans, ilsincarnent les savants instruits dans les enseignements quAllah a rvls Son Messager, etquils mettent en pratique. LImam Mlik disait ce sujet : La sagesse, cest connatre la

    religion et la mettre en pratique. Dans lusage, le philosophe dsigne le disciple de la pense etde la sagesse grecque.2

    Les Grecs matrisaient les sciences de la nature (ou physiques), les mathmatiques, etlastronomie dans une certaine mesure (tant donn quils adoraient les astres). Quant audomaine de la thologie, Aristote et ses adeptes en parlaient trs peu, sans compter que laplupart de leur discours tait erron dans ce domaine.3 Les Grecs et les romains taient despaens qui vouaient le culte aux idoles et aux astres. Aristote vcut trois cents ans avant

    Jsus-Christ et il fut le conseill politique dAlexandre fils de Philippe de Macdoine.Certains simaginent tort quil serait Dh el Qurnan dont le Coran fait mention.Contrairement Alexandre le Grand, ce dernier tait monothiste. Il a vcu par ailleurs, bien

    longtemps avant Aristote et il parvint lextrmit de lOrient et de lOccident. Il a construitnotamment la barrire qui retient actuellement Gog et Magog. Le Macdonien na jamaisatteint ces limites et encore moins construit cette fameuse barrire.

    Les romains et les Grecs adoraient donc le soleil, la lune et les toiles pour lesquels ilsconsacraient des temples et rigeaient des statuts. Ils croyaient galement la magie lamanire de Nemrod fils de Canaan. Il reste des traces de cette forme de paganisme en Orient,sur les terres turques et celles du Khat (en Asie Centrale NDT) o les habitants rigent desstatuts normes de Nemrod. Ils saccrochent des chapelets autour du cou et glorifient leuridole, sans oublier dinjurier lAmi proche dAllah Ibrahim. Ces pratiques existent dans leShm, en gypte et en Iraq.

    Ainsi, la plupart des pratiques polythistes sexpriment de deux faons : par le culte destombeaux et des idoles du monde infrieur comme ce fut le cas lpoque de No, et le cultedes astres du monde suprieur et la pratique de la magie comme lpoque dIbrahim dontla mission fut destine aux Chaldens qui pratiquaient la plus grande forme de sorcellerie(lastrologie). Harrn4 tait la cit des sabens o Ibrahim serait n ; une autre hypothse

    1Manhaj e-Sunna (1/359).2E-Safdiya (2/325).3E-Rad al el Muntiqyn (323-324).4

    Harrn est la ville natale dibn Tamiya. lge de six ans, il prit la route de Damas au sein de safamille pour chapper aux invasions mongoles. Il est intressant de comparer cet vnement aveclannonce prophtique disant : Il y aura migration aprs migration, et les hommes (dans une version les

    - 2 -

  • 7/31/2019 Ibn Tamiya et la philosophie

    3/6

    avance quil serait en fait venu dIraq. Ils construisirent plusieurs temples en hommage la cause premire , au premier intellect , au soleil, la lune, etc. La religion chrtiennesest installe Harrn,5 mais le sabisme perdura jusquaux conqutes musulmanes. Il restetoujours des philosophes sabens dans le nord de lIraq et Bagdad o ils exercent laprofession de mdecin et dcrivain, mais certains dentre eux ne se sont pas convertis

    lIslam. El Frb est pass par Harrn au quatrime sicle de lHgire. Il sest inspir de saculture philosophique auprs de ses habitants. Le philosophe saben Thbit ibn Qurra (m.288 h.) avait dj fait le commentaire de la mtaphysique dAristote. Cet ouvrage est djpass entre mes mains et renferme dnormes erreurs.

    Il existe deux sortes de sabens : les monothistes et les polythistes. Les monothistestaient soumis aux lois de la Thora puis lvangile avant leur abrogation. la premirepoque, les sabens suivaient la religion dIbrahim fidle Dieu (Hanf). Par la suite, ils ontinnov certaines formes dassociations et ils sont devenus paens. Les anciens Grecsadoraient un seul dieu et ils reconnaissaient quAllah avait cr lunivers. En fait, tous lespaens en gnral, que ce soit les hindous ou les Arabes, taient convaincus de la formation

    de lUnivers.6

    Aristote serait le premier avoir soutenu la prternit de lunivers. LhistoriographeMohammed ibn Ysuf el mir assume que les anciens Grecs se rendaient sur les terres dePalestine o ils prenaient le savoir des adeptes des prophtes comme Sulamn et Dwd.Pythagore aurait rencontr Luqmn le sage. Par contre, Aristote na jamais voyag sur laterre des prophtes et en cela, il ne fut pas aussi influenc par la prophtie que sesdevanciers. Les premiers Grecs en effet reconnaissent que le monde a une origine, et quilexiste un autre monde au-dessus de lunivers quils dcrivent comme le Paradis dont faitmention la Rvlation. Des philosophes comme Socrate et Thales conviennent de larsurrection du corps.7

    Les philosophes musulmans comme Averros et Avicenne ont cherch pallier au

    manque dintrt que les Grecs portaient la thologie . Inspirs par les adeptes du Kalm(cole qui devance la raison aux textes rvls NdC) dans ce domaine, ils cherchaient rapprocher entre la rvlation et la pense grecque. Ils faisaient croire que les principes de laphilosophie nallaient pas lencontre de la prophtie, mais ils taient convaincus au fonddeux-mmes que le discours prophtique concernant le divin et la rsurrection taitmtaphorique et imaginaire. Il aurait pour but de rapprocher certains entendements aucommun des hommes afin damliorer leur vie sur terre, bien quau mme moment il seraitloign de la ralit. En cela, les prophtes auraient le droit de mentir. Ainsi, la forceimaginative ou hallucinatoire serait lune des plus grandes caractristiques de la prophtie.

    Malheureusement, la plupart des gens ne pntrent pas les implications de leur discours,surtout dans la mesure o il fut enrob par un vocabulaire islamique.8

    meilleurs hommes) vont se rfugier sur la terre dmigration dIbrahim. Rapport par Ahmed (1/83, 198,199). Ibrahim en effet a d fuir dIraq pour se rfugier sur les terres du Shm. Les mauvais vnementssont souvent prcurseurs dvnements heureux. Est-ce une bonne nouvelle une poque o bonnombre dIrakiens se sont installs en Syrie en vue dchapper aux invasions anglo-saxonnes ?5 Hlne la mre de lEmpereur Constantin tait originaire de Harrn. Les savants et les moineschrtiens se sont rendus compte que les romains et les Grecs nallaient pas se dtacher facilement dupaganisme. Cest pourquoi, ils leur ont confectionn une religion mi-chemin entre celle desprophtes et celle des paens. (Voir : E-Rad al el Muntiqyn (335).6

    Idem. (328-334).7 VoirMawqif Shekh el Islam ibn Tamiya min el Falsifa par le D. Slih el Ghmid (250-251).8 Voir : e-Safdiya (1/237).

    - 3 -

  • 7/31/2019 Ibn Tamiya et la philosophie

    4/6

    El Frb (m. 339 h.) est le premier philosophe musulman largir les notions de la

    thologie grecque, aux enseignements de lIslam comme dans son livre r el Madna elFdhila. Il est considr comme le deuxime philosophe aprs Aristote.9 Avicenne ou IbnSn (m. 428 h.) a rsum la pense aristotlicienne et pripatticienne laquelle il ajouta

    un discours religieux qui lui fut inspir par les adeptes du Kalm. Il a russi ainsi donnerplus de cohrence au discours des anciens, tant donn quil fut plus imprgn de la lumireprophtique.10 Des penseurs comme e-Rz et e-Ts (m. 672 h.) ont comment son uvre elIshrt wa e-Tanbiht, mais ces derniers nont pas toujours pntr les subtilits de sondiscours. Averros ou Ibn Rushd (m. 520 h.) fut fanatis par la pense dAristote tel pointquil lui chercha des circonstances attnuantes sur ses penses les plus loignes de lIslam.11Averros est toutefois plus prcis quibn Sn quand il sagit de rapporter les tendances despremiers philosophes. Dans son livre el Mutabar f el Hikma, Ibn Mulk (m. 560 h.) rfuteremarquablement certaines penses dAristote. Il se distingue pour rapporterscrupuleusement les paroles dAristote partir de ses uvres originales. Dot dun grandesprit danalyse, il fut parmi les philosophes affilis lIslam ayant le discours le plus

    pertinent et le plus proche de la vrit. Contrairement ibn Rushd et ibn Sna, il nesattache pas aveuglement la pense du Philosophe et des pripatticiens. Il avait uneapproche rationnelle des crits du disciple de Platon et fut plus clair par la rvlationque ses prdcesseurs tant donn quil vcut Bagdad au milieu des traditionalistes.12

    Ibn Arab (m. 638 h.) fut influenc par la pense dibn Sn,13 mais ibn Sibrn (m. 669h.) tait plus vers en philosophie que ce dernier. Il a dailleurs dvelopp les notions dumonisme ou panthisme (Wihdatu el Wujd) comme personne ne lavait fait avant lui.14Lun de leur savant ma mme demand de lui expliquer Lawh el Asla, lune des uvresdibn Sibrn qui fut rserve au cercle des initis et dont je ne connaissais pas

    lexistence.15

    El Ghazl (m. 505 h.) quant lui, alimente son discours philosophique avecle vocabulaire des soufis qui ne peuvent distinguer en le lisant entre le vrai et le faux,entre le dogme musulman et la pense hellniste et sabenne. En dfinitive, il ramne lesmmes implications quibn Arab et ibn Sibrn qui ne font aucune distinction entre leCrateur et Sa cration, 16 bien quil sest donn la vocation de rfuter la philosophie. Enfait, ses opinions sont trs instables et elles varient dune uvre lautre ; dans certainesuvres, il fait la critique acerbe de la philosophie, mais dans dautres uvres, il la rejointdans certains principes en essayant pour le moins maladroitement de concilier entre lasagesse hellniste et la prophtie.17 Ab Hmid fut un admirateur de la logique grecque,il prtend lavoir apprise de la langue des prophtes, mais en fait il la trouve dans leslivres dibn Sn, qui sinspire directement des uvres dAristote.18

    VoirMawqif Shekh el Islam ibn Tamiya min el Falsifa par le D. Slih el Ghmid

    9Voir : el Jawb e-Sahh (3/214-215), etMajm el Fatw (2/82).

    10Manhj e-Sunna (1/347-348).

    11Voir :Dar Tarudh baynalAql wa e-Naql (9/333, 397, 401).

    12Idem. (3/324) et (9/397-416).

    13Voir : e-Safdiya (1/265).

    14Idem. (1-302-303).

    15Idem.

    16

    Jmi e-Rasil (1/164).17

    Manhj e-Sunna (1/356-357).18

    Voir :E-Rad al el Muntiqyn (14-15).

    - 4 -

  • 7/31/2019 Ibn Tamiya et la philosophie

    5/6

    Ibn Tamiya et la philosophie(Partie II)

    E-Shihristn (m. 548 h.) pour sa part, tait lun des adeptes du Kalm (cole qui

    devance la raison aux textes rvls), les plus verss en hrsiographie. Malgr cela, ilreste perplexe devant certaines nigmes que soulve la thologie. Cest pourquoi, il lesexpose sans faire de choix.19 Par ailleurs, il ntait pas familiaris la pense dAristote etdes anciens Grecs. Il sappuie uniquement sur les livres dibn Sn pour tmoigner deleurs ides20. Sil est vrai quil rpond certaines ides fausses des philosophes, il leurconcde nanmoins certains principes tout aussi faux. En cela, son dbat avec cesderniers est sans grande consistance21. E-Raz (m. 606 h.) ressemble dans une largemesure el Ghazl dans sa versatilit et ses contradictions. Quoi que ces deux penseursne soient pas des exceptions, car bien que les scolastiques en gnral sadonnent despolmiques sans fin, ils ne se tournent quasiment jamais vers les textes scripturaires de

    lIslam22

    . E-Rz avait un penchant pour les philosophes athes, bien que leur pense luift principalement transmise par lintermdiaire dibn Sn et dAb el Barakt ibnMulk23. Le plus vers dans les sciences du Kalm et de la philosophie son poque, elmd (m. 631 h.) tait le penseur dont la croyance tait plus proche des principes delIslam24. Comme la plupart des Mutakallimn, ibn Sn tait la rfrence traverslaquelle il avait accs la pense grecque.25

    El Abhar (m. 663 h.) tait trs laise dans le domaine de la philosophie et delobservation. Ces contemporains le prfraient son coreligionnaire el Armaw (m. 682h.). El Abhar a pris plus quun autre, la dfense de la philosophie contre les Asharites etles Mutazilites26. Mais il ne concde pas ces devanciers que le monde est ancien, et

    rfute ce concept travers une analyse qui reprend les mmes arguments que les ntres.Il avait donc plus daffinit avec la religion musulmane27. Son contemporain el Armawrfutait souvent les ides de Rz, en utilisant ses propres paroles contre lui tant donnquil se contredisait normment dun livre lautre. Cela lui fut donc chose facile, maisil est noter que parfois el Armaw comprenait mal les intentions de son adversaire. Ilarrivait mme que ses rfutations manquent de consistance et quelles passent carrment ct de la vrit.28

    [En dfinitive], el Frb, ibn Sn, e-Sahrawand, Ab Bakr ibn e-Sigh, et ibn Rushd

    sinspiraient uniquement des pripatticiens qui furent les disciples dAristote, leur

    matre penser qui est lorigine de lessor du Mantiq (la logique grecque). Ces idessont reprises par el Ghazl dans Maqsid el Falsifa et sa rfutation e-Tahfut ; elles sontreprises galement par e-Rz dans el Murakhkhas et el Mabhis el Mashraqiya, et par el

    19Manhj e-Sunna (5/269-270).

    20E-Rad al el Mantiqyn (105).

    21Bayn Talbs el Jahmiya (1/8).

    22Dar Tarrudh el Aql wa e-Naql (1/325-375).

    23Majm el Fatw (5/570).

    24Nagdh el Mantq (156).

    25Dar Tarudh baynal Aql wa e-Naql (3/66).

    26

    Idem. (1/385).27

    Idem. (1/387).28

    Idem. (1/345).

    - 5 -

  • 7/31/2019 Ibn Tamiya et la philosophie

    6/6

    md dans Daqiq el Haqiq wa Rumz el Kunz29. Pour cerner la philosophie, il nestdonc pas suffisant de regarder dans les uvres des penseurs musulmans tant donnque la philosophie est bien plus vaste et elle ne sarrte pas la pense dAristote,surtout si lon se penche sur la pense des anciens Grecs30. Le fait est quils nen avaientaucune connaissance et quils ne lont pas rapport dans leurs uvres. Cest pourquoi, il

    convient lobservateur de se tourner vers les uvres des historiographes musulmanspour mieux apprhender lvolution de la philosophie et avoir accs aux diverses colesde pense31.

    El Maqlt dAb s el Warrq (m. 247 h.) est lun des premiers livresdhrsiographie. Bon nombre dopinions philosophiques quil recense sont inexistanteschez les auteurs qui sinspirent dibn Sn tels quel Ghzl, e-Shihristn, et de-Rz32. Ilinspira les hrsiographes qui vinrent aprs lui linstar de-Nbakht, el Ashar, et de-Shihristn.33 Malgr la multitude dopinions quelles rapportent, les uvres du genre nese penchent jamais vers les opinions des prdcesseurs musulmans non quils naient pas

    voulu les citer, mais tout simplement parce quils ne les connaissaient pas34

    . e-Nbakht(m. 310 h.) a crit el r wa e-Diynt dans lequel il rfute intelligemment la logiquearistotlicienne35. Ab el Hasan el Ashar (m. 324 h.) est lauteur de Maqlat ghar elIslmiyn, qui est plus volumineux que Maqlat el Islmiyn.36 Il y rapporte certainesopinions et divergences des philosophes grecs dans les mathmatiques et les sciences dela nature, omises par des grands auteurs comme el Frb et ibn Sn. Son uvre est plusenrichissante que celle de-Shihristn (m ; 548 h.) auteur delMilal wa e-Nihal, car il taitplus prcis et plus scrupuleux dans sa retranscription des textes originaux37. Il tait plusrudit dans le domaine de lhrsiographie sans compter quil connaissait mieuxlorthodoxie musulmane, et quil avait un savoir plus tendu en gnral que cedernier38

    VoirMawqif Shekh el Islam ibn Tamiya min el Falsifa par le D. Slih el Ghmid

    Traduit et adapt par :Karim ZENTICI

    Relu par Abu Hamza Al-Germny

    Publi par le bureau de prche de Rabwah (Ryadh)

    29Idem. (1/157).

    30Idem. (1/57).

    31Voir :Manhj e-Sunna (5/283).

    32Idem. (5/283-284).

    33Idem. (2/516).

    34Idem. (5/268).

    35Idem. (5/268).

    36

    Idem. (2/224).37

    Idem. (5/383).38

    E-Nubuwwt (220).

    - 6 -

    http://www.islamhouse.com/