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Lettre du Ministre général Fr. Mauro Jöhri OFMCap IDENTITÉ ET APPARTENANCE DES FRERES MINEURS CAPUCINS 4 octobre 2014

IDENTITÉ ET APPARTENANCE DES FRERES MINEURS …  · Web view” pour notre Ordre, comme cela est prévu par nos Constitutions au n. 25,9. Nous avons confié cette tâche aux frères

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IDENTIT ET APPARTENANCE DES FRERES MINEURS CAPUCINS

Lettre du Ministre gnral

Fr. Mauro Jhri OFMCap

IDENTIT ET APPARTENANCE DES FRERES MINEURS CAPUCINS

4 octobre 2014

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Curia Generale dei Frati Minori Cappuccini

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Roma, A.D. 2016

Sommario

INTRODUCTION: Remu par une question41. NOTRE IDENTITE61.1 Notre itinraire dans lhistoire61.2 Priorit de la vie fraternelle61.3 Exprience et signes : les traits de notre identit81.3.1 Les lieux81.3.1 Lessentiel91.3.3 La pauvret rigoureuse91.3.4 L o personne ne veut aller101.3.5 Un grand nombre de saints111.4 A lorigine de tout121.4.1 Intresss la connaissance de notre histoire121.4.2 Saint Franois d'Assise131.4.3A la dcouverte du visage du Christ152. LAPPARTENANCE162.1 Avec Jsus Christ, dans l'Eglise162.2 Una vie intrieure forte162.3 Signes d'appartenance172.3.1 Le rapport l'argent172.3.2 Je suis bien ici, pourquoi devrais-je me transfrer?182.3.3Chemins parallles et double appartenance192.4 Clbrer202.4.1 L'initiation notre vie202.5 En attendant sa venue21Conclusion233.1 Discussion et dialogue23

IDENTIT ET APPARTENANCE

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IDENTIT ET APPARTENANCE DES FRERES MINEURS CAPUCINS

Prot. N.00710/14

A tous les frres de lOrdre

Aux Surs Clarisses Capucines

Chers frres,

Que le Seigneur vous donne la Paix!

INTRODUCTION: Remu par une question

Dans la lettre programmatique que envoye au dbut du sexennat 2012-2018, je vous annonais lintention dlaborer une Ratio Formationis pour notre Ordre, comme cela est prvu par nos Constitutions au n. 25,9. Nous avons confi cette tche aux frres du Secrtariat gnral pour la formation, lesquels ce sont immdiatement mis luvre avec zle et comptence. De plus, les frres de ce Secrtariat mont demand de proposer un texte sur lidentit des Frres Mineurs Capucins aujourdhui. Ma premire raction a t celle de me demander: Mais la Rgle et les Constitutions ne suffisent-elles pas, tout ny est-il pas crit de faon claire et exhaustive?. Quelques jours plus tard, jai compris la ncessit de prsenter aux frres de notre Ordre un texte bref[footnoteRef:1] dcrivant les fondements et les piliers qui soutiennent notre identit et notre appartenance. Je viens donc converser avec chacun de vous afin de partager quelques convictions acquises au cours des annes de mon service l'Ordre. [1: Il est bien clair que cette lettre ne veut en aucune manire remplacer les Constitutions rnoves au cours du Chapitre gnral de 2012 qui ont ensuite t approuves par le Saint-Sige, mais bien plus, je crois qu'elle devrait tre considre comme une invitation pressante les lire et les tudier attentivement.]

Nous, Frres Mineurs Capucins qui sommes-nous ? La question me renvoie ce que le Pape Franois a dclar de manire incisive dans une interview accorde au pre Antonio Spadaro de la Civilt Cattolica: il ny a pas didentit sans appartenance[footnoteRef:2]. Laffirmation du Pape est la cl dinterprtation qui nous permet daffronter la question de lidentit, qui surtout dans les annes post-conciliaires, a interpell, parfois dramatiquement la vie religieuse. L'identit sans la conscience d'appartenance encourt le risque de devenir abstraite, de mme lappartenance sans une identit prcise est susceptible de demeurer vide et sans orientation. Conscient de l'interdpendance souligne par le Pape Franois, je souhaite accueillir ses affirmations comme lignes directrices de cette lettre. Je prsenterai quelques aspects qui se rapportent directement l'identit pour mettre ensuite en vidence quelques caractristiques de l'appartenance. [2: La Documentation catholique, n 2514 (avril 2014).]

1. NOTRE IDENTITE

1.1 Notre itinraire dans lhistoire

Je reprends la question pose ci-dessus: Nous, Frres Mineurs Capucins qui sommes-nous ? A la simplicit de la question, ne correspond pas l'immdiatet de la rponse. Pourquoi? Lune des raisons pourrait tre la diffrence dopinion qui concerne nos origines: certains indiquent saint Franois comme tant notre Fondateur, dautres en revanche, soulignent les vnements de la premire moiti du XVIme sicle, sicle qui vit natre la Rforme Capucine. Je pense que nous devons prendre en compte les deux positions. Personnellement, je prfre partir du contexte historique et ecclsial du XVIme sicle, pour remonter ensuite l'vnement charismatique de Franois d'Assise. Je crois, en effet, que notre cl hermneutique pour interprter Saint Franois et son hritage est profondment marque par la tradition particulire ne au XVIme sicle.

L'histoire de la famille franciscaine a connu de nombreuses rformes et divisions. Nous, Capucins, nous avons travers cinq sicles d'histoire sans avoir t intgrs d'autres agrgations. Si avec une pince de saint orgueil nous pouvons affirmer que nous avons un ADN plutt fort, d'autre part, il est galement vrai que des annes qui suivirent immdiatement le Concile Vatican II jusqu nos jours, nous avons assist de nombreux et rapides changements dans notre Ordre. Quelques-uns des aspects qui caractrisaient sa singularit, ont profondment chang, d'autres ont mme disparu. L'un des signes de cette volution a t la rvision frquente de nos Constitutions qui eurent lieu en 1968, 1982, et au cours du dernier Chapitre gnral clbr en 2012.

1.2 Priorit de la vie fraternelle

Le changement le plus vident, survenu aprs le Concile, c'est le passage d'un de notre forme de vie fortement pnitentielle la priorit de la vie fraternelle. La valeur de la vie fraternelle est dsormais un fait acquis. La formation que les frres de l'Ordre ont reue sur cet aspect de notre charisme a t, et continue dtre significatif et solide. En mme temps, nous sommes conscients que la tentation et la fuite vers l'individualisme se rpandent un rythme alarmant. Si autrefois, nous tions moins impliqus par ce qui se passait hors du couvent, aujourd'hui les nouveaux moyens de communication nous proposent de faon insistante, convaincante et raffine une srie de messages et de styles de vie qui favorisent une mentalit purement individualiste. En cela s'orienter et discerner devient difficile. Face cette situation, nous trouvons dans la fraternit un point de rfrence valable. Nous devons cela au renouvellement de nos Constitutions, commenc en 1968. La force et la beaut de la vie fraternelle y ont t mises en vidence comme lments prioritaires. Lindividualit de chaque frre est un don prcieux respecter et soutenir, mais "le moi" de chacun de "nous" devient encore plus prcieux et fcond s'il entre en relation avec le "nous" de la fraternit. L o la vie fraternelle est vcue et cultive avec soin, existent les conditions ncessaires afin que chaque frre puisse affronter sereinement les situations dlicates et difficiles de notre temps. 1968 reprsente donc un tournant providentiel, il s'agit maintenant d'y demeurer fidles et de chercher le rendre actuel dans les changements rapides qui touchent le monde entier. Chaque frre a le droit de profiter du don de la fraternit et de se sentir son tour appel dpenser son nergie pour que ce don puisse dvelopper sa vigoureuse vitalit.

Le tournant auquel je faisais allusion, a ses racines dans une relecture des Sources Franciscaines do mergent, de faon hautement significative, la faon par laquelle Franois d'Assise valorisait le don qu'tait chaque frre et en choisissant dlibrment de dcrire le mouvement - dont il est l'initiateur - comme une fraternitas[footnoteRef:3]. Au nom de cette originalit de Franois, nous pouvons affirmer avec conviction que la vie fraternelle vcue intensment et fidlement est plus exigeante du choix mme de la pauvret. Je m'explique: si la pauvret consiste principalement soustraire le plus grand nombre de choses la vie et rduire mes et nos exigences l'essentiel; la vie fraternelle exige une dynamique continuelle de donation, qui nous engage rendre plus authentique la qualit des relations qui accompagnent notre vie quotidienne. Parfois il s'agit de savoir pardonner et de le faire toujours, parfois encore, il faut faire marche arrire pour faire place l'autre afin que ses dons puissent crotre et fructifier. La vie fraternelle, qui est un don de l'Esprit Saint, grandit si la qualit de nos relations la saveur de l'accueil, du pardon, de la misricorde et de la charit que le Seigneur Jsus nous a prsent comme Batitude pour notre existence. La pauvret, que nombre de nos frres ont vcu et vivent encore avec joie, n'est pas relgue au second plan, mais la lumire du renouveau qui rend toujours jeunes les charismes, elle prend la forme de la solidarit, du partage des biens avec les derniers de la terre, de la responsabilit vis--vis de la sauvegarde de la cration. Fraternit signifie aussi disponibilit dpasser les frontires de la fraternit locale, de la Province ou de la Custodie o nous vivons, pour soutenir des Circonscriptions en difficult ou tre agrgs en fraternits interculturelles o les besoins en personnel sont plus urgents. Avec le Conseil Gnral nous vrifions la possibilit de constituer des fraternits interculturelles dans des lieux o la scularisation est en train d'anantir progressivement tous les signes et les uvres gnres par la foi chrtienne. [3: Cf. PIETRO MARANESI, Il Sogno di Francesco. Rilettura storico-tematica della Regola dei Frati Minori alla ricerca della sua attualit, Assise 2011.]

1.3 Exprience et signes : les traits de notre identit

1.3.1 Les lieux

Les Frres Mineurs Capucins sont ns grce la volont d'un groupe de Frres Mineurs Observants qui souhaitait mener une vie plus austre et plus retire. Les premiers capucins ont choisi des endroits particulirement isols et cette connotation originale caractrisa au long des sicles suivants, l'emplacement de nos couvents, qui s'levaient une certaine distance des zones urbaines. Le choix du lieu contenait un message prcis, qui, dment actualis, transmet une valeur profonde: les frres voulaient vivre retirs dans le but d'affirmer la priorit de la relation avec Dieu dans la prire et la contemplation, mais en mme temps ils ne voulaient pas tre loigns au point de ne pas entendre la voix et le cri de ceux qui avaient besoin de notre prsence, de ceux qui dsiraient couter la Parole de l'Evangile ou de ceux qui, cause de leur situation, devaient bnficier des uvres de misricorde spirituelles et corporelles. Pensons nos frres qui ont donn leur vie afin de secourir et de consoler les pestifrs et qui encore aujourd'hui dans de nombreux pays sont proches des derniers de ce monde.

1.3.1 Lessentiel

La dimension de nos maisons tait un autre lment significatif auquel on attribuait une grande attention. Les espaces communautaires, ce qui tait destin chaque frre, les objets disposition de la fraternit avaient la caractristique de l'essentiel et de la sobrit. Chaque chose suivait une rgle pdagogique prcise. L'essentiel, l'austrit et la sobrit tait la mmoire quotidienne qui permettait au frre de se considrer plerin et tranger[footnoteRef:4]. De mme, les rserves alimentaires devaient suffire pour peu de jours, de sorte que la confiance en la Providence ne puisse se rduire d'difiants discours ou de belles paroles. Dans nos glises, on ne devait pas utiliser de marbre ou de dorure, mais uniquement le bois et la terre cuite. Le minimum ncessaire, rien de plus ! Voil l'image vraie et relle que les frres capucins ont offert pendant des sicles, et, nous apprenons par plus d'un tmoignage que tout cela tait vcu dans la joie franciscaine. Pourquoi ? Quelle tait la motivation de tout cela ? Les frres travers la pauvret, l'austrit et la confiance en la Providence dsiraient annoncer et tmoigner la primaut de Dieu, qui est le Bien et la Richesse la plus grande de la vie de l'homme. Le tmoignage tait minemment eschatologique. La vie et le comportement des frres, tout parlait d'une patrie et d'un accomplissement qui sont au-del de la vie dans la pleine communion avec Dieu. La vie, les choses, les biens, les lieux appartiennent un passage, un plerinage qui aura un terme[footnoteRef:5]. [4: Deuxime rgle, Cap. VI. (FF 90)] [5: Cfr. A ce sujet GIOVANI POZZI, Lidentit cappuccina e i suoi simboli. Dal Cinquecento al Settecento, in: I Cappuccini in Emilia-Romagna. Storia di una presenza, de G. POZZI (a cura), de P. PRODI (a cura), Bologne 2002, 48 77.]

1.3.3 La pauvret rigoureuse

Quand je vais San Giovanni Rotondo, je suis toujours impressionn par une phrase que l'on peut lire dans l'ancien rfectoire du couvent o vcut saint Pio de Pietrelcina: Si non est satis, memento paupertatis (Si ce n'est pas assez, rappelez-vous la pauvret!). Dans nos fraternits, il pouvait arriver (et c'est arriv!) que la nourriture ne soit pas abondante ou varie, la citation rappelle qu'il n'tait pas permis de se lamenter, parce que la table sobre et essentielle tait en accord parfait avec le Conseil vanglique de la pauvret. Elle permettait aussi de partager un tant soit peu le sort de ceux qui sont rellement pauvres et n'ont pas de quoi remplir leur estomac. Face une pauvret croissante qui touche de plus en plus de personnes et l'afflux migratoire de tant d'hommes et de femmes qui cherchent une existence plus digne, nous sommes appels rendre plus simple notre style de vie et trouver des moyens de partage, des espaces et des maisons que nous n'utilisons pas[footnoteRef:6]. [6: Au n. 62,2 nos Constitutions affirment: La pauvret exige un niveau de vie sobre et simple. Nous devons donc nous efforcer de rduire au minimum nos exigences matrielles, nous contentant du ncessaire et rejetant fermement la mentalit et la pratique consumriste.]

De mme, les modalits de prire taient rduites l'essentiel. L'office divin tait clbr avec simplicit et rarement chant, afin que chaque frre puisse consacrer plus de temps l'oraison, dans le silence intime avec le Seigneur, dans un angle obscur de l'glise ou du couvent. Le renouveau liturgique post-conciliaire a certes port de nouvelles et significatives formes de clbrations, mais en mme temps je constate amrement que de nombreux frres ont abandonn la pratique de l'oraison.

1.3.4 L o personne ne veut aller

Le tmoignage d'une vie austre et pauvre suscitait admiration et dification. Les frres capucins taient recherchs par les vques et des personnes de toute condition sociale. Bien vite cela leur valut le titre de " frre du peuple". Le Concile de Trente, clbr au XVIme sicle - alors que naissait notre Ordre - se rendit compte de l'efficacit de nos prsences. Les instances hirarchiques de l'Eglise, cardinaux et vques nous confirent le ministre de la prdication pour rpandre l'esprit et le renouveau du Concile de Trente tous les baptiss et rfuter les thses de la rforme protestante. Pour pouvoir prcher il fallait tre prpar; cela ncessitait de consulter des manuels de prdication qui proposaient des moyens d'annoncer l'vangile, travers des exemples fulgurants puiss la solide thologie des pres de l'Eglise. C'est la raison qui permit d'introduire dans les Constitutions la possibilit davoir dans nos couvents une pice o les livres ncessaires taient conservs pour le service de la prdication. De cela, nous pouvons en dduire que nous tions loin d'tre condamns l'immobilisme!

Encore plus significatif tait notre tre plerins et trangers qui nous donnait les moyens de vivre l'itinrance. Le changement de lieu ou de service auquel le frre tait appel et qui drivait de l'obissance tait un fait normal. Soutenus par cette conscience, nos frres ont crit des pages merveilleuses dans l'vanglisation, riches d'hrosme et de saintet. Nos frres partaient. Avec d'autres Ordres nous avons t des acteurs vivants pour donner naissance la Propaganda Fide. Saint Joseph de Lonisse partit pour la Turquie, Saint Fidle de Sigmaringen prcha en Rthie. Combien de frres sont partis en 1600 pour le Congo, lAngola ou se dirigrent vers la Gorgie! Au sicle suivant nous sommes arrivs sur les monts du Tibet. Ils partaient soutenus par le zle de qui se sent appel une mission. Ils partaient et beaucoup mouraient en route cause des maladies, de l'assaut des bandits, des perscutions. Ils partaient pour aller l o personne ne voulait aller ! Je prie le Seigneur afin que ce dsir brulant de zle ne disparaisse jamais de notre Ordre[footnoteRef:7]. [7: Cfr. MAURO JHRI, Lettre circulaire tous les frres de l'Ordre sur la Mission, au coeur de l'Ordre la Mission, Rome 2009. ]

1.3.5 Un grand nombre de saints

De nombreux frres provenant de l'Observance ont suivi la rforme des Capucins. Ceux-ci, ont t rejoint par des personnes de tout rang et de condition sociale: de l'humble frre Flix de Cantalice, au noble Ange de Joyeuse[footnoteRef:8], qui commandait les armes du Roi de France. Dans les sicles passs, nous trouvons les Capucins dans les milieux les plus pauvres ainsi que dans les cours impriales. Nos frres recouvrirent des missions diplomatiques (Laurent de Brindes) ou auprs des soldats. Ils taient en premire ligne dans les batailles dcisives comme celle de Lpante et Vienne (Marc dAviano). Je me demande pourquoi nos frres taient impliqus dans les situations les plus disparates, tant sur le plan social, politique que religieux? Voici la rponse qui me vient l'esprit: il nous tait fait confiance car nous n'avions pas d'objectifs cachs. Je pense nos frres prdicateurs qui duquaient et formaient le Peuple de Dieu. Je tiens rappeler la formation la pit eucharistique, soutenue par la publication de manuels et de livres de pit. Intense a toujours t notre animation spirituelle et nombreuses les publications qui incitaient la pratique de la mditation et de l'oraison.[footnoteRef:9] Dieu merci, cette attention a t renouvele plusieurs reprises au sein de notre Ordre. Je ne mentionne ici que Fr. Ignacio Larraaga, fondateur des Talleres de Oracin y Vida, rcemment disparu.[footnoteRef:10] [8: Cfr. Angelus de Joyeuse in Lexicon Capuccinum, Rome 1951, 73s.] [9: Pour une brve prsentation de cet aspect de notre histoire, cfr. MARIANO DALATRI, I Cappuccini. Storia di una famiglia francescana, Rome 1994, 73 76.] [10: Pour en savoir davantage consulte: www.tovpil.org]

Que de gestes de charit, d'amour, de bienveillance ont sem nos quteurs. Tout en fournissant le ncessaire pour les frres et pour les pauvres, ils menaient avec simplicit et force, une intense animation vocationnelle. Combien de vies ont t donnes, pour assister les pestifrs, consoler les malades dans les hpitaux, aider les jeunes militaires au cours des diffrents conflits! Combien d'heures passes administrer le sacrement de la rconciliation, une activit qui nous a valu la rputation de frres bons et misricordieux! Vraiment l'Esprit du Seigneur accompagne notre histoire en suscitant des confrres en qui sest manifeste une saintet lumineuse; celle que nous vnrons publiquement; mais je suis certain que nous avons galement une multitude de confrres qui ont donn leur vie pour le Seigneur et pour leur prochain dont la mmoire est moins bien connue. Cependant, tout ce qu'ils ont vcu est crit dans le Livre de la Vie et constitue un exemple prcieux pour nous tous.

ct de ces signes de saintet, le capucin tait caractris par une srie de signes extrieurs: il portait une bure d'toffe grossire, laquelle tait attach un capuchon, les sandales aux pieds et normalement une barbe hirsute. J'ai mentionn ci-dessus le choix des lieux, la dcoration simple de nos glises et notre mode de vie. Des signes qui communiquaient une histoire, une exprience et exprimaient un dsir de suivre le Seigneur Jsus, accompagns et soutenus par la beaut du charisme de Franois d'Assise. Qui sommes-nous aujourd'hui? A quoi nous reconnat-on?

1.4 A lorigine de tout

1.4.1 Intresss la connaissance de notre histoire

A ce point, plus d'un frre me dira: Notre Ministre gnral est un peu nostalgique! Vous pouvez le penser, mais permettez-moi de justifier ce que j'ai crit. Notre identit s'est forme au fil du temps, les sicles de notre histoire ont t habits par des hommes qui, par leur vie et leur dvouement au Christ et l'Eglise ont donn un visage notre Ordre. Notre identit nous pouvons la trouver dcrite dans les divers documents et les textes de l'Ordre, mais elle apparat encore plus clairement travers l'exprience humaine et spirituelle des confrres qui nous ont prcds. Je me suis attard sur certains dtails extrieurs, car ils rvlaient une manire d'tre, de penser la vie et cela est important pour donner un visage notre identit. Nous avons un hritage spirituel fort et prcieux qui nous a t donn, qui demande d'tre actualis et vcu. Pour cela, il est fondamental de connatre notre histoire: Qui sommes-nous, d'o venons-nous? Je me souviens de certaines dynamiques familiales: les petits-enfants veulent savoir qui taient leurs arrires grands-parents, ou souhaitent approfondir l'histoire de la rencontre de leurs grands-parents. C'est ainsi que nat le dsir de reconstituer l'arbre gnalogique, de visiter les lieux o vivaient les anctres. Cette connaissance renforce le sentiment d'appartenance notre famille et nous en sommes fiers. Ce qui m'inquite, c'est de rencontrer des jeunes frres qui se prparent la profession perptuelle et qui ont une connaissance trs superficielle de notre histoire ou de la Circonscription laquelle ils appartiennent. Pire encore, quand certains disent que ces choses-l ne sont pas importantes! Je crois que notre histoire et notre tradition doivent tre une source d'inspiration pour les choix et les orientations futures.

1.4.2 Saint Franois d'Assise

Notre rforme a eu pour rfrence initiale saint Franois, son exprience et son charisme ont inspir les premires Constitutions de l'Ordre. Elles ont t crites en peu de temps parce que les frres savaient trs clairement ce qu'ils voulaient vivre, et ces quelques pages montraient une volont d'observer plus spirituellement la Rgle et le Testament. Le mot spirituellement peut trs bien tre remplac par intgralement. Aujourd'hui, pour nous, il est plus immdiat et plus facile de tout faire remonter saint Franois, et d'oublier notre histoire et les vnements qui ont faonn notre propre tradition. Sombrer dans un galitarisme o tout devient identique serait une grave erreur historique. Dailleurs, au nom de quoi cela se ferait-il, on ne le comprend pas. Chaque charisme devient richesse s'il est compris, vcu et tmoign; cela est galement vrai dans la grande famille franciscaine o la source est unique, mais les cours d'eau provenant de cette source ont form, des fleuves et des torrents divers. A l'origine, les Capucins comprirent que Franois avait vcu une vie austre, faite de privations et ils voulurent l'imiter. Ils virent en lui le Saint qui alternait l'annonce de l'Evangile, de longues priodes de retraite solitaire en prire; en cela aussi ils voulurent l'imiter. Ils reconnurent en lui un homme riche d'une grande libert intrieure, en mesure d'approcher tous les hommes, de franchir le seuil des demeures des riches, des puissants et partageant pleinement le drame des lpreux. Nombreux furent conquis par le Poverello qui alla parmi les infidles et ils voulurent en faire autant.

Mes trs chers frres, comment nous interpellent aujourd'hui les valeurs qui constituent notre identit? Que voulons-nous faire des propositions fortes qui sont propres notre identit?

mener une vie simple qui se limite au minimum ncessaire et non pasaumaximumpermis.

vivre une prire prolonge alterne aux diverses formes de services qui nous sont confis.

garder un cur ouvert tous les hommes sans distinction de classe, de race et de nationalit.

tre disponible aller l o personne ne veut aller.

Tout cela, vcu en communion fraternelle, qui donne saveur, valeur et beaut notre vie et tout ce que nous faisons.

Nous sommes appels vivre notre condition sociale et ecclsiale, en utilisant tout ce que l'ingniosit humaine a produit et produira. Cependant, nous devons aussi conserver et vivre l'aujourd'hui avec l'esprit qui a guid nos pres. Notre Ordre est n au cur de l'Italie et pendant plusieurs sicles s'est propag principalement en Europe. Dans le vieux continent, nous assistons une forte baisse des vocations, alors que nous voyons une volution rassurante de notre Ordre en Asie, en Afrique et en Amrique latine. Notre charisme et notre identit entrent en dialogue avec des cultures et des socits diffrentes: la belle et sainte entreprise consiste faire en sorte que les frres de ces jeunes Circonscriptions puissent accder et connatre les contenus et les valeurs qui ont inspir notre vie et on gnr notre identit en partant de l'Evangile de Notre Seigneur Jsus Christ et de son serviteur Franois. Cette transmission de nos valeurs aux jeunes gnrations, ainsi qu tous les frres, un long chemin parcourir. Afin que l'Evangile et le charisme atteignent et pntrent les ralits concrtes de la vie et de la culture, il faut absolument un dialogue continu. De mme, l'exemple de frres - sereins et joyeux - qui montrent aux nouvelles gnrations que ce qui est dit et tudi peut tre vcu demeure ncessaire.

1.4.3 A la dcouverte du visage du Christ

Nous, Capucins, par notre rforme, nous avons dvelopp une faon particulire d'aller Franois; en mme temps, nous devons tre conscients du fait que prs de 500 ans se sont couls depuis que fr. Matthieu de Bascio et ses compagnons ont commenc l'histoire dont nous faisons tous partie. Au cours des derniers sicles, la connaissance de saint Franois, de son charisme et de son message - qui continuent provoquer et fasciner - ont fait l'objet d'tudes approfondies. En cela nous bnficions d'un excellent patrimoine. L'laboration de ce prcieux trsor est due de nombreux chercheurs qui, par leur travail nous permettent d'avoir une approche beaucoup plus prcise du Pre Sraphique et de son temps. Outre la connaissance historique des sources, il est essentiel que chaque frre ait une approche existentielle la figure de saint Franois, et cela nous conduit invitablement aller au-del. O, me direz-vous? Cet au-del a un nom et un visage: Notre Seigneur Jsus Christ[footnoteRef:11]. Du berceau la croix, de la naissance la mort, Franois a parcouru le chemin de tous les mystres de la vie humaine de Jsus. [11: RANIERO CANTALAMESSA, Osserviamo la Regola che abbiamo promesso (FF Test. 127, in: Atti del Capitolo internazionale delle Stuoie. VIII. Centenario delle origini (1209 2009), Rome 2009, 35 52.]

Le capucin regarde vers Franois dans toute son originalit et sa beaut, mais Franois mne la rencontre de Jsus de Nazareth. La suite du Christ ne se fait pas d'une manire abstraite, mais en dsirant de tout notre tre vivre comme le Christ. Le dsir le plus authentique que nous sommes appels maintenir ardent et vigoureux, est toujours celui de "vivre selon la forme du saint Evangile" , en acceptant l'invitation tout laisser, en renonant nous-mmes et en acceptant de purifier nos affections, de sorte qu'Il ait toujours la premire place. Et quand Lui occupe la premire place, tout devient plus authentique, mme notre capacit d'aimer et d'tre avec des gens. En Jsus de Nazareth, le Fils de la Vierge Marie, le Pre nous a rvl son grand amour, il nous a donn sa misricorde, il a rvl son dsir de se faire tout tous (lettre au Chapitre gnral et tous les frres). Franois contemplait tout cela et en lui naissait une dvotion mue et merveille pour le mystre de l'Incarnation et de l'Eucharistie.

2. LAPPARTENANCE

2.1 Avec Jsus Christ, dans l'Eglise

Le Pape Franois a rappel que la catgorie existentielle de la fraternit rappelle immdiatement celle de l'appartenance. Avant de poursuivre ma rflexion sur les signes qui distinguent lappartenance de chaque frre l'Ordre, je dsire rappeler qui est la mre de toute appartenance: nous appartenons au Christ et son Eglise. La grce de notre baptme fait de nous des membres du peuple de Dieu, et, avec lui nous partageons la joie et la gratitude pour le salut que l'amour fidle de Dieu nous offert par le Seigneur Jsus. Notre vie, tout ce que nous faisons personnellement et communautairement se fait au sein de l'Eglise. Saint Franois, mais aussi les premiers Capucins voulurent soumettre le charisme et tout ce qui en dcoule l'autorit de l'Eglise. Le VII CPO rsume bien la qualit de notre appartenance l'glise et nous incite : nous maintenir sincrement disponibles au service de l'Eglise locale et universelle, en travaillant en harmonie avec les pasteurs.

Accordons la priorit aux ministres qui sont les plus adapts notre vocation de mineurs et assumons les fonctions pastorales de frontires, les ministres les moins recherchs dans l'glise et dans les priphries, c'est dire l o nous pouvons le mieux manifester la compassion et la proximit: qu'il s'agisse de paroisses de priphries, aumneries d'hpitaux, assistance aux malades e aux exclus, parmi les anciennes et les nouvelles formes de pauvret"[footnoteRef:12]. Le Pontificat du Pape Franois, son insistance pour l'annonce du salut dans les priphries du monde, nous confirme et nous offre une opportunit de conversion de notre service dans l'glise. [12: N. 38.]

2.2 Una vie intrieure forte

Notre appartenance doit tre vcue dans la vie quotidienne concrte sinon, elle serait simplement idologique et formelle. Le frre Capucin qui appartient une fraternit et donc l'Ordre, prie, mange, travaille, partage tout ce qu'il vit avec ses confrres; avec eux il passe les moments de bonheur, de joie et accepte les moments de fatigue et de conflits qui viennent invitablement nous visiter. Comme un enfant dans les premires annes de sa vie, il apprend de ses parents, un ensemble de rgles de comportement assimiler et faire siennes, ainsi celui qui est accueilli notre vie devrait tre initi aimer et intrioriser les valeurs fondamentales de notre charisme.

Je souhaite ce point rappeler un trait de la spiritualit bndictine: si un moine se trouve dans les champs, loin du monastre et entend la cloche appelant la prire commune laquelle il ne peut participer cause de la distance, il suspendra son travail et s'unira spirituellement la prire de sa communaut. Le sentiment d'appartenance se rvle surtout quand personne ne me voit et que je suis appel faire des choix cohrents avec les conseils vangliques que j'ai profess publiquement. Je sanctifie ma journe par la prire ou bien je me dispense car pour diverses raisons je ne suis pas avec mes confrres? Ou bien, pire encore, je thorise que la prire est une chose personnelle, et je ne dois en rendre compte personne? Si ce genre d'attitude n'est pas corrig fraternellement, il gnre long terme une mentalit individualiste et opportuniste. Le sentiment d'appartenance cultiv et nourri de la relation Dieu et aux frres, nous aide vivre la beaut d'une vie donne Dieu et l'humanit et nous soutient dans les moments d'preuve.

2.3 Signes d'appartenance

Il y a quelques lments qui permettent de constater si le sentiment d'appartenance est ancr dans notre existence. Je les indique ci-dessous, en soulignant les ennemis de ce processus d'enracinement. Personne ne doit se sentir jug, au contraire si cela s'avrait ncessaire, honntement et en vrit, il faut en faire l'objet d'une rvision qui offrirait certainement l'occasion d'uneconversion salutaire.

2.3.1 Le rapport l'argent

Outre la participation aux actes communs, un signe de notre appartenance est donn par la relation avec l'argent. Je rappelle ce qui est crit dans nos Constitutions: En raison de notre profession religieuse, nous sommes tenus de livrer la fraternit tous les biens, y compris les salaires, les pensions, les subventions, les assurances qui d'une faon ou d'une autre nous parviennent[footnoteRef:13]. Je m'adresse maintenant au frre qui possde des comptes bancaires, ou qui gre de l'argent l'insu de son Ministre et de son gardien, celui qui ne donne pas la fraternit les offrandes ou les paiements rsultant de son ministre ou de son travail, en proie au souci de "quoi sera fait demain", quand je serai g, malade etc. J'cris aussi au frre qui dcide d'utiliser l'argent pour amliorer son niveau de vie, pour bnficier des privilges qui n'ont rien voir avec la minorit pauvret. A ces frres je dis: convertissez-vous et retrouvez la confiance en la Providence, vivez ce que vous avez librement choisi et profess; ayez confiance dans votre fraternit! Je vous offre les paroles que le Pape Franois a adress aux religieux le 16 aout 2014 au cours de son voyage apostolique en Core du Sud: Lhypocrisie de ces hommes et femmes consacrs qui font le vu de pauvret et cependant vivent comme des riches, blesse les mes des fidles et abime lglise. Pensez aussi combien est dangereuse la tentation dadopter une mentalit purement fonctionnelle et mondaine, qui conduit mettre notre esprance seulement dans les moyens humains et dtruit le tmoignage de la pauvret que Notre Seigneur Jsus Christ a vcu et nous a enseign. Le rapport serein et responsable avec l'argent se manifeste aussi dans la participation attentive et constructive aux chapitres locaux au cours desquels est labor le budget annuel ou bien est prsent le bilan[footnoteRef:14]. [13: N. 64, 2] [14: Ce qu'affirmait le VI Conseil Plnier de l'Ordre, Vivre la pauvret en fraternit, N. 31 est toujours actuel: Les chapitres locaux sont des occasions idales pour faire participer tous les frres la prparation du budget de la fraternit et la vrification de la manire dont on dpense largent. Nous pouvons exprimer notre esprit de fraternit par notre faon de grer largent et le chapitre local est vraiment le lieu o vrifier que nous le faisons dans le respect des valeurs vangliques, de la minorit, etc. ]

2.3.2 Je suis bien ici, pourquoi devrais-je me transfrer?

Un autre appel, je l'adresse au frre qui refuse obstinment toute forme de transfert: cette attitude n'est pas seulement un manquement l'obissance, mais il manifeste le manque de coopration et de bonne volont envers les projets et les objectifs que la communaut souhaite atteindre. Par exemple: un chapitre provincial dcide de former une nouvelle fraternit ou une activit rpondant mieux aux valeurs de notre charisme et aux besoins de l'Eglise locale, et, un frre qui est jug qualifi et adapt pour cette nouvelle prsence refuse d'y aller car il se considre indispensable et irremplaable ou encore parce qu'il dit: Je suis bien o je suis. Tirez vous-mme la conclusion. Demandons-nous: Que signifie pour nous tre bien?

2.3.3 Chemins parallles et double appartenance

Sujet sensible et controvers, mais parlons-en sans exasprer les nuances comme cela arrive souvent. Je puise ma propre exprience: je me rappelle des situations, des histoires, des confidences recueillies au cours des huit annes de service en tant que Ministre gnral de l'Ordre. J'ai rencontr des frres qui pour leur ministre ou les propositions reues ont t en contact avec la spiritualit et l'exprience d'autres ralits ecclsiales, je pense en particulier aux associations, aux mouvements, aux groupes de prire. Dans certains cas s'est ralise une dynamique bnfique que l'on appelle le "dialogue entre les charismes, gnratrice de richesse et de soutien mutuel pour les vocations respectives. Ces frres vivent leur prsence en toute libert, tmoignant de notre charisme. Chez d'autres, une dynamique d'identification la ralit avec laquelle ils sont entrs en contact s'est dclare au point d'arriver prtendre que la fraternit accepte tout ce qui vient du mouvement ou du groupe rencontr. Psychologiquement et motionnellement, ces frres vivent dtachs des dynamiques de la fraternit locale et provinciale; tout en eux est absorb par la ralit ecclsiale qu'ils disent de suivre et au sein de laquelle ils ont dvelopp un sens d'appartenance trs fort. Le dialogue entre les charismes gnre richesse, accueil et il n'est pas rare de constater que cette synergie ait fait natre des chemins de foi, des uvres caritatives et de promotion humaine. La double appartenance gnre conflictualit, tension et fait perdre de vue l'originalit de sa propre vocation. A qui demande de devenir Capucin et provient d'un mouvement, je n'impose pas de renier son pass (comment pourrais-je demander une personne de renier la ralit qui lui a permis de rencontrer le Seigneur?), je demande en revanche de s'identifier la proposition belle et sainte gnre par le charisme de Franois d'Assise, et par la tradition de notre Ordre, en accueillant toutes les modalits et les dynamiques qui permettent une appartenance concrte et relle la fraternit. Dans les sujets qui touchent au thme de la double appartenance, je ne cache pas que parfois je me pose une question que je partage avec vous: Pourquoi nos frres vont-ils chercher ailleurs quelque chose qui les aide donner un sens leur vie?

Il existe ensuite, d'autres situations qui crent des sparations et des divisions dans l'individu et dans les relations avec les frres; je fais allusion aux relations affectives vcues dans le secret, pour lesquelles on ne veut demander aucune aide et qui conduisent invitablement avoir la tte et le cur hors de la fraternit. Il peut aussi arriver qu'un religieux s'identifie avec son ministre ou sa charge, rduisant ainsi sa prsence et son engagement en faveur de la fraternit. Dans de tels cas, l'humble recherche du soutien d'un chemin bnfique de rvision de notre appartenance, peut devenir l'occasion d'un renouveau intrieur qui permettra de vivre la propre vocation avec une conscience renouvele. Mes frres, quand la crise vient frapper notre porte, n'hsitons jamais demander de l'aide!

2.4 Clbrer

Nous avons besoin de nous rappeler que notre vocation la vie de fraternit caractrise notre vie: cela nous aide renforcer notre sentiment d'appartenance. Les Ministres provinciaux, les Custodes et les Gardiens ont le devoir d'informer et de partager les orientations et les propositions qui viennent de l'Ordre, des choix faits par le Chapitre provincial et de comment lon est arriv les formuler. Le sentiment d'appartenance est cultiv par les moments de fte, loccasion des anniversaires importants dans la vie des communauts et des individus. Normalement, dans les provinces et les fraternits, on critique beaucoup, un peu d'autocritique bnfique, trop de rcriminations et de lamentations. Essayons de bnir le Seigneur, pleins de reconnaissance pour tout ce quil a cr de bon et de beau en nous et parmi nous. Il serait vraiment triste et inquitant si nous perdions le sens de la reconnaissance. N'attendons pas qu'un frre soit mort pour raconter le bien qu'il a fait, mais soyons reconnaissants au Seigneur car ce saint homme appartient mon Ordre, il est l'un des ntres!

2.4.1 L'initiation notre vie

L'initiation notre vie implique une srie d'tapes qui doivent tre vcues progressivement. Les formateurs avec la fraternit sont appels discerner et vrifier si le candidat est idoine. Introduire des jeunes en formation notre vie implique galement la formation cette dimension profonde et cache que nous appelons l'intriorit que j'ai dj mentionne au paragraphe 2.2 de cette section. Les jeunes et les adultes qui souhaitent embrasser la vie religieuse dans notre forme de vie doivent exprimenter la dynamique Pascale de mort et de rsurrection, en se conformant au chemin du Seigneur Jsus et y goter la beaut d'une vie donne par amour. En se conformant Jsus-Christ, en mditant sur sa vie, sa mort et sa rsurrection, nous sommes peu peu introduits dans le mystre du salut. Chers frres, ce chemin n'est pas exclusivement rserv aux jeunes en formation initiale, mais c'est le modle existentiel auquel nous devons tous sans cesse nous inspirer. Contempler le Mystre pascal qui vient habiter notre existence, garde le cur jeune et avide de bien, nous permet d'oser, nous rend audacieux et nous empche de sombrer dans la logique du compromis, de la compensation et du dcouragement. Il faut que nous aimions et dfendions une vie sacramentelle intense, o l'Eucharistie et la rconciliation trouvent une place d'honneur dans le programme de vie de chacun et de la fraternit. Lisez encore ce que le Pape Franois a dit aux religieux corens: "Cest seulement si notre tmoignage est joyeux que nous pourrons attirer des hommes et des femmes au Christ ; et une telle joie est un don qui se nourrit dune vie de prire, de mditation de la parole de Dieu, de la clbration des sacrements et de la vie communautaire. Quand tout cela manque, apparaissent les faiblesses et les difficults qui obscurciront la joie que nous avons connue si intimement au dbut de notre chemin.

Il faut que nos jeunes en formation soient encourags laisser le vieil homme et toutes ses habitudes afin de vivre une nouvelle appartenance au Christ qui se ralise dans la vie consacre. Le dtachement de la famille, des habitudes et des lieux d'origine sont le signe de cette nouvelle appartenance. Les temps prolongs de prire et de silence, les contacts externes limits au strict ncessaire, sont les lments qui aideront ceux qui embrassent notre vie s'enraciner dans l'amiti avec le Seigneur qui donne au centuple ceux qui l'aiment par dessus tout. Dans ce travail formatif l'exemple des formateurs et de la fraternit est indispensable.

2.5 En attendant sa venue

Notre appartenance au Christ, l'glise et l'Ordre se rfre la dimension eschatologique de la vie religieuse. La vie sobre, essentielle et joyeusement simple, nous met dans une position d'attente confiante et heureuse de la plnitude qui n'appartient pas ce monde mais l'accomplissement que Dieu a prpar pour ses enfants quand nous jouirons de la pleine communion avec Lui. Comme elle est vraie et profonde la dimension de l'attente qui rend plus authentiques et essentiels nos jours! Cultivons le dsir de voir le visage du Seigneur par des temps prolongs de veille et de prire. La vie fraternelle qui a aussi toutes ses difficults et ses retards est vraiment le tmoignage de la communion sans fin du monde qui va venir.

Conclusion

Chers frres, je vous remercie de m'avoir lu. Au dbut de la lettre j'ai utilis le mot "converser" et maintenant que je suis arriv la fin, je me rends compte de n'avoir t ni exhaustif ni systmatique. J'ai voulu vous dire ce que je pense tre essentiel sur notre identit appartenance. Dans cette essentialit, j'espre que chacun de vous pourra trouver un espace afin d'entrer et confronter sa vie avec la beaut et l'actualit de notre charisme. Je pense aux dynamiques mmes qui rgissent la rencontre avec l'vangile: il n'est pas ncessaire de le connaitre dans son ensemble immdiatement, le lecteur est touch par un passage, par une parole et il dsire approfondir, vivre, et c'est partir de l qu'il pourra ensuite avoir accs la totalit et la plnitude de la Bonne Nouvelle. C'est pourquoi j'ose insister sur la vie fraternelle: je suis conscient que, tt ou tard, soutenu par la grce de Dieu, la fraternit pourra tre le signe de relations humaines authentiques qui respirent l'air pur et vivifiant de l'Evangile. Le frre qui vit son appartenance l'Ordre avec joie et reconnat son identit dans la vie fraternelle, devient attrayant et capable d'une grande fcondit spirituelle.

3.1 Discussion et dialogue

Je demande tous les frres de travailler sur cette lettre et je confie aux Prsidents des Confrences, aux Ministres provinciaux, aux Custodes et aux gardiens la responsabilit de la diffuser. Frres retrouvez-vous ensemble, parlez, dialoguez, discutez sur les ides que j'ai dveloppes dans cette lettre. Je serai heureux de recevoir la lettre ou le message de poste lectronique du frre qui voudra me communiquer ses propres rflexions, ses commentaires et ses critiques

La discussion et le dialogue sur notre identit et appartenance pourront tre un sujet important pour la formation permanente et pour cela je vous propose des questions qui pourront guider vos rencontres:

1. Quels sont les lments constitutifs de notre identit franciscaine - capucine que vous retenez prioritaires dans la situation actuelle de notre Ordre et dans votre contexte socio-culturel? Qu'est-ce qui vous fait dire cela?

2. A propos du sentiment d'appartenance quelles sont les difficults que vous percevez plus prsentes dans la ralit dans laquelle vous vivez: les attaches la famille d'origine? l'activisme dans le ministre? le manque de transparence dans l'utilisation de l'argent? Autres?

3. Dans votre Fraternit, Circonscription, Confrence, quelles sont selon vous les priorits ncessaires pour renforcer notre identit de Frres Mineurs Capucins, et un sentiment d'appartenance l'Ordre?

Comme salut final je vous propose nouveau les paroles que le Pape Franois a adress aux Suprieurs Gnraux le 29 novembre 2013. Laissons-nous interpeller, n'ayons pas peur de convertir nos comportements, notre mentalit, nos affections Celui qui en nous faisant participer du charisme de saint Franois nous a prpar un chemin de saintet, qui ralisera pleinement notre vie s'il est parcouru.

Rveillez le monde! Soyez tmoins dune manire diffrente de faire, dagir, de vivre!Il est possible de vivre diffremment en ce monde! Nous parlons d'un regard eschatologique, des valeurs du Royaume incarns ici, sur cette terre. Il sagit de tout laisser pour suivre le Seigneur. Vous devez tre vraiment tmoins dune manire diffrente dagir. Mais dans la vie, il est difficile que tout soit clair, prcis, nettement dessin. La vie est complexe, faite de grce et de pch. Nous faisons tous des erreurs et nous devons reconnatre notre faiblesse. Un religieux qui se reconnat faible et pcheur ne contredit pas le tmoignage quil est appel donner, mais il le renforce, et cela fait du bien tout le monde. Ce que j'attends cest donc le tmoignage. Jattends des religieux ce tmoignage spcial."[footnoteRef:15] [15: ANTONIO SPADARO S.I., Rveillez le Monde ! entretien du Pape Franois avec les suprieurs majeurs des Instituts religieux masculins, in La Documentation catholique, n 2514 (avril 2014).]

Avec toute mon affection fraternelle dans le Seigneur.

Fr. Mauro JhriMinistre gnral OFMCap.

Rome, le 4 octobre 2014Solennit de saint Franois d'Assise.

Sommario

INTRODUCTION: Remu par une question41. NOTRE IDENTITE61.1 Notre itinraire dans lhistoire61.2 Priorit de la vie fraternelle61.3 Exprience et signes : les traits de notre identit81.3.1 Les lieux81.3.1 Lessentiel91.3.3 La pauvret rigoureuse91.3.4 L o personne ne veut aller101.3.5 Un grand nombre de saints111.4 A lorigine de tout121.4.1 Intresss la connaissance de notre histoire121.4.2 Saint Franois d'Assise131.4.3A la dcouverte du visage du Christ152. LAPPARTENANCE162.1 Avec Jsus Christ, dans l'Eglise162.2 Una vie intrieure forte162.3 Signes d'appartenance172.3.1 Le rapport l'argent172.3.2 Je suis bien ici, pourquoi devrais-je me transfrer?182.3.3Chemins parallles et double appartenance192.4 Clbrer202.4.1 L'initiation notre vie202.5 En attendant sa venue21Conclusion233.1 Discussion et dialogue23

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