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II. Stratégies des grands groupes en Chine

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Quelles sont les stratégies des grands groupes pour faire

un « made in China » de luxe ? de Lucia Fesselet-Comina, Mars 2011

Suite au titre du dernier chapitre de mon article précédent « Pour l’instant, les Chinois

achètent des marques de luxe occidentales », des articles originaux ou contrefaits, car pour

eux ils sont signes de reconnaissance sociale, de luxe, de mode et de modernité. Mais la

créativité est bouillonnante en Chine. Des écoles, souvent françaises, de stylisme y ouvrent

des succursales et beaucoup de stylistes chinois vont faire leurs études à l’étranger. Fin mars

2010, s’est tenu le « Salon International des vêtements et des accessoires de Chine, CHIC

2010 » dont le maître mot était la créativité.1 Et les vedettes du salon étaient les vêtements

conçus par les lauréats du « Concours de création de mode en Chine ». La protection de

l’environnement était également un thème très présent et de nouveaux tissus ont étés présentés

lors de cette foire, ainsi que des matériaux recyclables.

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Afin d’anticiper l’émergence de nouvelles marques chinoises de luxe ou des tendances

nationalistes, qui pousseraient les Chinois à se recentrer sur leurs propres marques ou

afin simplement d’occuper un terrain encore prendre et ou la course aux parts de

marché est effrénée - à l’image de la formidable croissance économique chinoise, en

particulier dans la consommation des produis de luxe – les grands groupes de luxe prennent

des décisions stratégiques diverses. Nous allons étudier deux exemples de plus près, tout

d’abord le groupe Richemont avec sa marque Shanghai Tang, puis le groupe Hermès et sa

toute nouvelle marque Shang Xia.

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I. Le groupe suisse Richemont et la marque Shanghai Tang

Cette marque, créée en 1994, par David Tang un riche Hongkongais, a été rachetée par le

groupe Richemont en 1998 qui en a gardé les codes : les couleurs vives et la laque de Chine,

le qipao (vêtement féminin qui remonte à la période glamour des années Trente à Shanghai),

les matières nobles chinoises, comme la soie et le cachemire de Mongolie et le sur mesure

« Imperial tailor service « (dans la plus grande tradition des tailleurs shanghaïens)2.

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Dans un article3 très récent, Raphaël Le Masne de Chermont, le président exécutif de la

marque, nous explique que : « A ses débuts, la société ne possédait qu’une seule boutique.

Aujourd’hui, nous disposons d’un réseau de 45 points de vente dans les grandes capitales du

monde, dont 17 en Chine populaire et 9 à Hongkong…Cette année nous avons ouvert Moscou

et Koweït City. La Chine reste toutefois la première priorité.»

La marque joue donc sur plusieurs tableaux, profiter de la croissance à deux chiffres de la

consommation de luxe chinoise, valoriser le « made in China » et l’authenticité de ses

racines chinoises (savoir faire, matières nobles, etc..) ; tout en augmentant son

internationalisation pour renforcer son statut de marque de luxe mondiale. Cependant 17

points de vente en Chine à ce jour, si ce pays est une priorité, cela peut paraître assez peu et la

plupart de ces points de vente sont dans les aéroports ou les grands hôtels de luxe. Les

Chinois semblent penser que la marque Shanghai Tang s’adresse plutôt aux étrangers et pour

les occidentaux les vêtements ont un style plutôt ethnique et très chinois…

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II. La maison Hermès et la marque Shang Xia

Cette marque de luxe vient d’être créée par Hermès et la styliste chinoise Jiang Qionger avec

la mission de revitaliser l’artisanat chinois et de promouvoir le savoir-faire du luxe. La

première boutique Shang Xia a été inaugurée à Shanghai en septembre 2010. Cette nouvelle

marque joue sur l’image de l’héritage de l’élégance, un design ultra contemporain très épuré

en bois naturel ou blanc et propose des vêtements, des chaussures et des objets de décoration.

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La marque Shang Xia, qui signifie « haut-bas » en chinois, est née de la stratégie de Patrick

Thomas, PDG d’Hermès, de développer son groupe, sans faire d’acquisition. « Nous

fonctionnons par croissance organique et l’idée était de transférer la philosophie de Hermès en

Chine, faire un Hermès chinois »4

Le choix stratégique d’Hermès de se développer en Chine via une nouvelle marque (mais dont

tous savent qu’elle est très proche d’Hermès) lui donne surtout la possibilité de toucher une

cible plus large de consommateurs chinois qui ne peuvent pas encore se payer la marque

Hermès. A travers sa mission de revalorisation du savoir-faire artisanal chinois, la marque

Shang Xia va participer à faire monter en gamme le « made in China ». Cependant le style

très épuré de cette nouvelle marque correspondra-t-il au goût quelque fois un peu « bling

bling » des consommateurs de luxe chinois…

Dans le futur…

L’ouverture de la Chine, son incroyable développement, son émergence économique

fulgurante - l’Eldorado du luxe - et la mondialisation du marché du luxe ont obligé les

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grands groupes à prendre des décisions stratégiques et à se développer sur ce marché

désormais « émergé ». Tous ces facteurs ont conduit à une course effrénée aux parts de

marché. Mais ce qui fait la différence de nos jours, ce n’est plus tellement « de partir à

temps », mais plutôt d’avoir les moyens de ses ambitions, et les grands groupes du luxe,

comme LVMH, Richemont, Hermès, PPR sont en première ligne de cette bataille qui

fait rage. Aujourd’hui quasiment toutes les marques de luxe sont déjà en Chine et luttent aux

coudes à coudes pour se répartir les meilleurs emplacements. Et cette différence se fait, de

plus en plus, sur la ligne de démarcation de la publicité et du marketing (visibilité dans les

médias) et, vu la taille du pays, cela coûte très cher.

C’est à ce niveau-là que les plus petites entreprises ont de la peine à trouver leur place, et

comme l’expliquent certaines marques chinoises (Ne-Tiger, page 4 de l’article I), elles n’ont

pas toujours les moyens de combattre aux cotés de ces géants. Et si, de plus, les Chinois eux-

mêmes privilégient les marques occidentales, car elles peuvent rapporter plus dans un avenir

immédiat, la situation reste encore problématique pour les créateurs chinois.

Cependant, le savoir-faire ancestral chinois, le sentiment de nationalisme, la vitalité

incroyable que l’on ressent sur place, en Chine, et la créativité de tous ces jeunes

stylistes qui commencent à être formés, déboucheront peut-être sur une nouvelle vision

chinoise de la mode et du luxe…

Site et références

www.commodityonline.com/news

http://fr.cctv.com/program/journaldelaculture

http://fr.modefix.com

www.hermes.com

www.letemps.ch

www.liberation.fr/societe/

www.richemont.com

www.toutpourlesfemmes.com

1 http://fr.cctv.com/program/journaldelaculture/20100331/101174.shtml consulté le 24.02.2011 2 SALEZ, Nicole, « Shanghai Tang: un vent de mode chinois haut de gamme », in toutpourlesfemmes.com, 1er août 2008

3 BUSS, Bastien, « Shanghai Tang ou le luxe « made in China » », in LeTemps.ch, 22 février 2011

4 AFP, « Hermès - Lancement de sa marque chinoise », in L’Agefi, 17 septembre 2010