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80 III. Le documentaire de demain « Tout est dit. Mais je le dis comme mien. » (La Bruyère, Les Caractères)

III. Le documentaire de demain sommaire, structuré en huit rubriques signalées chacune par une couleur, ou par l’index. Au niveau des ventes, l’ouvrage est loin d’avoir comblé

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III. Le documentaire de demain

« Tout est dit. Mais je le dis comme mien. »(La Bruyère, Les Caractères)

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« La créativité du livre documentaire français pour la jeunesse, longtemps louée à

l’étranger, marque désormais le pas : du renouvellement du genre dépendra pourtant

son attractivité future face aux autres médias, notamment numériques, dans un

contexte fortement concurrentiel. 57»

Françoise Hache-Bissette résume bien la situation à laquelle les éditeurs doivent

faire face. En cette année 2009, il flotte dans l’air une crainte certaine des éditeurs de

documentaires jeunesse face à l’avenir. Et l’on sent que chacun d’entre eux se prépare

à abattre ses dernières cartes en matière d’innovation.

A. Innovations technologiques

Plusieurs options sont aujourd’hui en cours d’expérimentation. Pour contrer la

concurrence des nouvelles technologies, les éditeurs vont en premier lieu tenter

d’introduire la technologie au cœur de leurs projets. À commencer par Internet.

1. Internet dans tous les esprits

En interrogeant les éditeurs, on se rend en effet compte qu’Internet est le premier

mot qui leur vient à l’esprit, à la fois pour justifier le ralentissement du marché et pour

parler des pistes futures d’innovation. Il n’est pas évident d’expliquer cette situation

on ne peut plus paradoxale : Internet serait la cause de la perte de vitesse de la

production documentaire, mais également la solution envisagée unanimement pour

sortir le secteur de ce mauvais pas.

Mais livre documentaire et Internet sont-ils vraiment compatibles ? Est-ce

vraiment dans cette direction qu’il faut chercher une vraie valeur ajoutée au livre, une

vraie innovation ?

57. Françoise Hache-Bissette, Op. Cit., p. 360.

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Internet, cause de la perte de vitesse de la production documentaire

Internet est perçue par les éditeurs comme le premier concurrent du documentaire

jeunesse. Un concurrent sur le terrain de la lecture plaisir : Internet peut être perçu

comme un nouveau loisir qui, après la télévision et les jeux vidéos, vient empiéter sur

le temps consacré à la lecture. Mais c’est également un concurrent qui s’installe dans

le domaine de la recherche d’informations. Internet s’est en effet installé dans les

esprits comme un puits d’informations sans fond.

« “Madame, j’ai des recherches à faire sur la mythologie grecque, les chevaliers, la

Seconde Guerre mondiale... est-ce que je peux aller sur Google, ou sur Wikipédia, s’il

vous plaît ?“ Cette demande, tous les documentalistes de France, et les bibliothécaires

aussi, l’entendent quotidiennement.58 »

La culture de la recherche dans les encyclopédies et la démarche de se déplacer en

bibliothèque lorsque l’enfant a un exposé à préparer s’estompent devant la quantité

de contenus disponibles sur la Toile. En conséquence, l’enfant a de moins en moins

l’idée de se tourner vers un livre documentaire. En revanche, les ouvrages sont

demandés lorsqu’ils portent sur un sujet passion. C’est d’ailleurs aussi pour cette

raison qu’il n’y a que les quelques sujets que nous avons évoqués précédemment qui

fonctionnent de manière atemporelle.

Il serait très intéressant pour les éditeurs de se demander si l’abandon du livre

documentaire au profit d’Internet n’a pas été facilité par la forme qu’avaient adoptée

les documentaires depuis l’arrivée des « Yeux de la découverte » et de leurs multiples

copies. On parlait en effet de leur ressemblance avec ce qu’allait apporter Internet :

l’éclatement de l’information et la lecture « zapping » qu’elle introduit, le mélange des

documents illustratifs…

« Cette méthode inventée par l’éditeur (Dorling Kindersley, NDLR) et reprise

avec succès en France, a été (…) le cheval de Troie qui a facilité l’intronisation de

l’ordinateur dans les lieux de vie familiaux. D’un seul coup, cet ordinateur, dont

l’écran ressemblait au livre qui traînait encore sur la table de nuit, a paru comme un

58. Catherine Gentile et Philippe Godard La disparition programmée du documentaire jeunesse, ou le triomphe

de la gratuité « culturelle ». Publié sur ricochet.org le 5 novembre 2008.

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livre, en mille fois mieux : plus brillant, moins cher, toujours à jour… Exit le livre,

lorsque l’ordinateur paraît…59 »

Internet, la solution

Puisque Internet fonctionne aussi bien auprès des enfants et des adolescents, les

éditeurs sont à la recherche d’un moyen de l’utiliser à l’avantage du documentaire.

Mêler Web et livre documentaire peut en effet être vu comme une solution pour

récupérer le public qui s’est évaporé sur la Toile. L’orientation adoptée par certains

est donc de se lier au Net dans le but de dépasser cette concurrence et d’évoluer avec

son temps. Les méthodes pour se rapprocher d’Internet divergent.

Certains choisissent de concevoir une mise en page qui imite de manière encore

plus poussée le fonctionnement d’Internet. Cela s’opère au sein même du livre, sans

renvoyer sur la Toile et cela a donc le mérite de garder l’enfant au cœur de l’ouvrage.

Nous pouvons citer l’exemple de L’Autre Encyclopédie publié par

Dorling Kindersley en Angleterre et Nathan en France. La

navigation à travers l’ouvrage reprend la logique de circulation en

ligne. Ce projet reflète la volonté d’expérimenter de nouvelles

approches, de nouveaux codes qui se rapprochent de ceux avec

lesquels les jeunes se sont familiarisés sur Internet. Pour « ne pas

fatiguer le lecteur par de grands exposés60 », l’ouvrage ne délivre les informations que

par petits bouts. S’il veut en savoir plus, le lecteur peut se « connecter » sur une autre

page, par un jeu de renvois divers et variés. Le livre est bâti tout entier sur ce

principe de connexions : chaque texte propose des renvois constants, sous forme de

mots-clés soulignés et accompagnés de leur numéro de page, qui représentent autant

de liens hypertextes possibles. Cette construction permet au lecteur de rebondir aux

quatre coins du livre et de choisir son chemin et ses sujets de découverte comme il

l’entend. Chaque page aborde plusieurs thèmes listés par des titres courants de

couleur et possède sa personnalité propre avec son iconographie spécifique et sa

typographie.

59. Philippe Godard in « Harry Potter en enfer. Pan sur la gueule à Google ». Nous voulons lire,

novembre 200660. Véronique Herbold. Entretien réalisé le 18 février 2009. Voir annexe 3 page XXIII.

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On peut entrer dans le livre par n’importe quelle page : chaque sujet attire la

curiosité soit par un ensemble de visuels forts, soit par une accroche qui interpelle,

comme « Où Dieu habite-t-il ? » à la page « Religion » ou « Dix millions d’enfants

vivent dans la rue au Brésil » à la page « Brésil» ». On peut aussi aborder le livre par

le sommaire, structuré en huit rubriques signalées chacune par une couleur, ou par

l’index.

Au niveau des ventes, l’ouvrage est loin d’avoir comblé les espérances de Nathan

qui le perçoit même comme un échec. Peut-être faut-il en conclure que ce n’est pas la

construction du livre qui est en jeu. Il ne s’agit plus aujourd’hui d’empêcher l’enfant

de reposer le livre, mais de l’attirer vers le livre. Le principe de navigation dans les

livres n’est pas suffisant pour reprendre des parts de marché à Internet.

Une seconde démarche s’ébauche chez quelques éditeurs : élaborer des ouvrages

qui renvoient cette fois-ci directement au Web, afin de faire profiter à l’enfant de tout

ce que le livre ne peut a priori lui procurer. Qu’est-ce qu’Internet apporte de plus

qu’un livre documentaire ? La possibilité d’actualiser les données, d’accéder à des

ressources vidéos et sonores, de télécharger des documents directement exploitables

pour des exposés mais aussi un espace ouvert proposant des passerelles entre les

différents sites. Ainsi les éditeurs décident de jouer sur plusieurs tableaux en

exploitant les avantages du livre (espace clos, défini, rassurant) et ceux de la Toile,

d’intégrer ces « plus » à leurs projets éditoriaux. Comment cela se reflète-t-il dans les

projets ?

Curieusement, le premier projet de ce type n’est pas si récent. Il a été mis en place

par Pierre Marchand chez Hachette en 1997. La collection « Big B@ng » articule

livre, CD-rom et site Internet. Des illustrations de l’ouvrage sont reprises sur le CD-

rom pour éventuellement être téléchargées par l’enfant. Le CD-rom propose

également un certain nombre de liens Internet.

Thomas Dartige s’est dirigé vers une option différente : utiliser le livre pour

accompagner l’enfant sur la Toile. Il est parti du constat qu’Internet est un univers

très vaste au sein duquel l’enfant peut facilement se perdre. Ce dernier a besoin de

repères. L’éditeur a donc décidé de mettre en place un projet permettant à l’enfant

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d’apprendre à tirer le meilleur parti d’Internet. L’idée était de guider la lecture en

utilisant le savoir-faire de Gallimard, c’est-à-dire en apportant des documents de

toutes sortes pour venir en renfort du texte.

C’est ainsi qu’en 2004, naît

L’Encyclopédi@. Il s’agit d’une encyclopédie

papier doublée d’un site Internet dédié61. La

version papier contient sept cents sujets de

réflexion, répartis dans neuf sections

thématiques : l’espace, la terre, la nature, le corps humain, les sciences, le monde

d’aujourd’hui, religions et société, les arts et les loisirs, histoire du monde. Elle

comporte également trois cent cinquante mots-clés parsemés au fil des pages.

Le site Internet compagnon est réalisé en partenariat avec Google. Il comprend un

moteur de recherche propre dans lequel on peut entrer les mots-clés de l’ouvrage

pour accéder à mille liens Internet fiables. Le site guide de cette manière le lecteur

vers les sites Internet les plus intéressants par rapport au sujet, mais aussi les mieux

adaptés aux enfants. Ils comprennent des animations 3D, des vidéos, des bandes

sonores, des visites virtuelles, des quiz, des bases de données, des chronologies, des

reportages. Chaque lien est préalablement présenté : avant d’entrer sur les sites, on a

accès à une description ainsi qu’à des informations sur son contenu, grâce à différents

critères d’évaluation, notés entre une et trois étoiles : richesse et qualité du texte,

multimédia, images, interactivité et présence ou non de publicité. Cela permet donc

par la même occasion à l’enfant de se familiariser avec les différences de qualité qu’il

peut y avoir entre les sites et avec les critères qui peuvent permettre de se faire une

idée de leur valeur.

Le mot-clé « astronomie » donne ainsi accès :

- au site de L’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides ;

- à un portail canadien qui propose un musée virtuel de l’astronomie ;

- au site du planetarium de Montréal ;

- au site de la Fédération des astronomes amateurs du Québec ;

- au site du Bureau des longitudes ; 61 . http://www.gallimard-jeunesse.fr/encyclopedia

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- à Astrocosmos, un site qui présente l’astronomie au grand public ;

- au site de la TFO, la télévision éducative et culturelle de l’Ontario français.

À chaque fois ce sont des sites dont la présentation est adaptée aux enfants et qui

donnent accès à des ressources complémentaires par rapport à l’ouvrage. Le portail

canadien propose par exemple de nombreuses illustrations et vidéos de phénomènes

astronomiques. Malheureusement, si le texte du site est en français, les commentaires

des vidéos sont en anglais…

En revanche, dans Google, le mot « astronomie » donne en premier lieu accès à des

sites amateurs, à Wikipedia dont la qualité est incertaine et au site de la revue

Astronomie Magazine.

L’ouvrage a connu un très fort succès : selon Livres hebdo62, le 15 septembre 2007,

50 000 exemplaires avaient déjà été vendus. Il a depuis été décliné selon différentes

thématiques. Par ailleurs, chaque titre de la collection « Les Yeux de la découverte »

est à présent construit sur le même modèle : des liens Internet sont dispersés sur

certaines doubles-pages ; il s’agit d’un mot associé au thème à chercher sur le site

dédié.

On relève quelques autres entreprises du même genre au sein de la

production documentaire. Usborne a quant à lui étendu ce principe à

tout son catalogue. Ces ouvrages portent sur leurs couvertures la

mention « Avec liens Internet ». Nous avons pris l’exemple d’un titre :

Le Temps et les changements climatiques. La quatrième de couverture

annonce : « Dans ce livre nous te proposons des sites Web qui te permettront d’en

savoir plus sur la météorologie et les changements climatiques. » Il suffit pour cela de

se rendre à l’adresse : www.usborne-quicklinks.com/fr. Grâce à ce site, l’enfant

pourra fabriquer des instruments météorologiques, en savoir plus sur l’ozone et la

couche d’ozone, se renseigner sur un réchauffement planétaire, voir des animations,

des vidéos, faire des jeux.

62. Claude Combet. « Docs pour tous ». Livres hebdo, 14 septembre 2007.

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Mais chose étrange, sur chaque page du livre, on retrouve

toujours la même adresse. Pourquoi la mentionner à chaque fois ?

C’est sur le site qu’il nous est demandé le titre du livre, puis la page.

Par exemple le fait d’entre « pages 34-35 » dans le moteur de

recherche nous permet d’accéder au site de Météo France et par ce

biais à une information très développée sur El niño, schémas et

photographies à l’appui. Quant à la page 12, elle nous conduit à cinq images à

télécharger, principalement des schémas expliquant des phénomènes

météorologiques. Ci-contre, nous voyons un schéma représentant les reflets du

couchant.

Est-ce vraiment la solution ? Ces sites Internet sont très bien faits et apportent des

données vraiment intéressantes. Ils permettent à l’enfant de s’orienter sur Internet,

d’appréhender et d’évaluer toutes les données qui s’y trouvent. Mais ces sites ont-ils

vraiment besoin d’être liés à des livres ? Qu’apportent-ils au support livre ? Il semble

surtout que ce processus fasse un petit peu plus sortir les enfants du livre

documentaire en leur vantant les mérites de tous les sites consacrés aux mêmes

thèmes.

Dans cette logique, pourquoi ne pas abandonner jusqu’au support même du livre

pour se reconvertir en créateur de moteurs de recherche pour enfants ? Car en

définitive, Internet et livre documentaire sont-ils vraiment compatibles ?

Le livre et Internet répondent en effet à des logiques différentes. Le livre apporte

synthèse et réflexion, ce qu’il est difficile de trouver sur Internet, où l’on jongle avec

une énorme quantité d’informations, sans savoir si l’on a fait le tour de toutes les

problématiques, de tous les aspects du sujet. Pourtant, cette mise en perspective

qu’offre le livre est quelque chose de très important, notamment pour l’enfant qui n’a

pas encore le recul ou les connaissances pour juger, interpréter, lire entre les lignes et

se forger sa propre opinion.

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« Si l’on tape par exemple “Picasso“ dans la barre de recherche de Google, on

obtient 3 600 000 liens en 0,29 secondes ! 63» Cette abondance ne peut que perdre

l’enfant. Pour s’y repérer, il est nécessaire d’acquérir un savoir-faire en matière de tri

et d’évaluation des informations ; il faut en réalité presque déjà savoir ce que l’on

cherche. Ou bien il faut que la recherche porte sur une information précise, comme le

nom du vainqueur du dernier tournoi de Roland Garros ou la date de naissance de

Louis XIV. « L’accumulation d’informations a littéralement dissout le point de vue

encyclopédique où, depuis Diderot et D’Alembert, le savoir est hiérarchisé et

classé.64 »

Lorsque les recherches concernent des sujets sensibles, voire polémiques, c’est

encore plus compliqué pour l’enfant qui va être amené à lire tout et son contraire. Qui

croire ? À l’inverse, le livre apporte une caution qu’Internet n’a pas. Il porte en effet

une double signature (auteur, éditeur). De plus, les sites que Google affiche en

premier sont les plus visités ou les mieux référencés par des stratégies d’achat de

mots-clés, entre autres. Le lien qui apparaît en tête de liste sur Google n’a pas grand-

chose à voir avec la pertinence, ni la fiabilité du site Internet. Ici, nous n’avons pas le

savoir-faire du médiateur (libraire, bibliothécaire) pour opérer un tri.

Ainsi, trois cautions de professionnels disparaissent. Sans elles, il sera très difficile

sur des sujets polémiques ou complexes pour l’enfant, ou l’adolescent – à moins qu’il

ait déjà acquis un certain nombre de connaissances sur le sujet – de trier les

problèmes, de les hiérarchiser et de tirer de cette masse d’informations une vision

claire.

Un bon livre documentaire présente au contraire une logique complètement

opposée à celle d’Internet. Il prend le temps de la réflexion et de la mise en

perspective des problèmes et de leurs solutions. En outre, la Toile ne permet pas la

concentration intellectuelle, car l’œil fatigue plus vite, qu’il est face à mille

sollicitations de part et d’autre du texte informatif. Alors qu’en matière de

documentation, mieux vaut se concentrer et prendre le temps de bien comprendre

tous les enjeux pour ne pas se forger une opinion biaisée.

63. Catherine Gentile et Philippe Godard. Op. Cit.64. Ibid.

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Internet ne semble donc pas être la voie idéale à emprunter. Quelle autre direction

peut-on suivre ? Doit-on s’en remettre aux prédictions des plus pessimistes et

abandonner le support papier ? Ce dernier n’a-t-il pas encore de beaux jours devant

lui ? En effet, en l’an 2000, Anne Sevestre s’interrogeait déjà sur l’éventuelle

disparition du livre documentaire au profit du CD-rom65. On pense notamment à

L’Encyclopædia Universalis qui avait supprimé sa version papier au profit de la version

CD-rom, mais qui vient de ressortir une version papier.

On pense tout de même à différentes pistes que les éditeurs pourraient étudier.

Beaucoup d’entre eux se tiennent en effet prêts, pour ne pas avoir à prendre le train

en marche. Si rien n’est encore concret, des idées commencent à germer dans les

esprits. Les éditions La Découverte ont lancé un label, « Zone », qui est couplé avec

un site Internet. La maison offre la possibilité aux visiteurs du site de télécharger

gratuitement des contenus, voir l’intégralité des livres. Les éditeurs ont noté que, loin

de tuer le livre papier, cette démarche a fait augmenter leurs ventes ! Les éditeurs de

documentaires pourraient donc prendre exemple sur ce concept et envisager d’offrir

la possibilité de télécharger ou d’acheter en ligne des extraits des ouvrages ; on pense

notamment aux documents iconographiques, aux schémas, aux chiffres, ou aux

témoignages de la collection « J’accuse » de Syros par exemple.

Plus simplement, les éditeurs pourraient travailler sur le référencement de leurs

sites Internet, afin que les requêtes des jeunes internautes ou de leurs parents

conduisent à la présentation de leurs ouvrages.

Quant au reader, pourrait-il avoir sa place au sein de cette production ? Le gros

atout qu’il présenterait serait la possibilité d’actualisation permanente des contenus.

Mais on se rend bien compte lorsque l’on voit les formes impressionnantes que

prennent aujourd’hui la plupart des documentaires, que le reader n’a pas encore sa

place dans ce secteur. Il est en noir et blanc et ne permet ni jeu sur le format, ni

découpe, ni animation d’aucune sorte.

65 Anne Sevestre. « Le Livre documentaire face au multimédia : mutations des apprentissages » Inter

CDI, 2000.

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Loin de se résigner, les éditeurs vont chercher de plus en plus loin des technologies

de plus en plus sophistiquées afin de séduire leur jeune public. Ainsi, Nathan est en

train de mettre au point un livre documentaire un peu particulier : le premier livre en

réalité augmentée.

2. Le cas Nathan et la réalité augmentée

Qu’est-ce que la réalité augmentée ?

La réalité augmentée est une nouvelle technologie qui mêle réalité et virtuel à

travers un écran d’ordinateur. Un objet (dépliant publicitaire, emballage de jouet,

livre), filmé par une caméra, apparaît sur l’ordinateur. À l’écran, les objets ou les

personnages se détachent alors du livre pour apparaître en 3D et en mouvement sur

les pages. Les éléments en 3D sont complètement liés au livre ; leurs mouvements

sont en osmose avec ceux du livre réel.

La réalité augmentée n’est pas un principe nouveau. Ce qui est inédit, c’est de

mettre ce concept à la portée du grand public. Aujourd’hui, en effet, son utilisation ne

nécessite plus de matériel coûteux. Un ordinateur basique et une webcam suffisent.

Cette technologie a été mise au point en Suisse, par le biais du logiciel D’fusion

EPFL. Celui-ci permet à l’ordinateur de trouver des points de référence sur l’image et

de calculer sa distance par rapport à la caméra. Il comprend ainsi l’orientation 3D de

l’illustration représentée sur le papier et peut alors la mettre en scène sur l’écran.

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En France, le logiciel a été acheté par l’entreprise Total Immersion, créée en 2000.

Elle a le droit d’utiliser le logiciel pour une application commerciale. Le but de Total

Immersion est d’utiliser la réalité augmentée à destination du grand public. Avec ce

principe, l’entreprise pense détenir une technologie susceptible d’impressionner, de

retenir l’attention du consommateur, ce qui n’est plus très aisé de nos jours.

Le partenariat avec Nathan

Total Immersion a obtenu un contrat avec le Futuroscope de Poitiers : l’entreprise

a réalisé sa toute dernière attraction sur les animaux du futur, programmée depuis

avril 2008. L’attraction propose aux visiteurs de s’équiper de jumelles spéciales et

d’embarquer à bord de wagons, pour partir à la rencontre d’animaux du futur qu’ils

peuvent toucher – virtuellement.

« En entendant parler de ça, nous raconte Véronique Herblod, moi je me suis dit

qu’il y avait vraiment quelque chose de très nouveau là-dedans. Je suis allée au

Futuroscope voir l’attraction, j’ai trouvé ça assez génial, assez bluffant. J’ai donc

proposé à Dominique et à Pierre (Dominique Korach et Pierre Ducos,

respectivement directrice et directeur adjoint du pôle jeunesse de Nathan, NDLR) de

rencontrer Total Immersion. C’est une société qui a beaucoup travaillé dans le

domaine militaire, dans le domaine de l’aéronautique. C’est de la modélisation, ça

permet de voir vraiment les avions, les voitures sous tous leurs aspects et de pouvoir

intervenir en cas de problème technique de construction. Et puis ça peut éviter de

faire des crash test… Ils ont aussi fait des boîtes de jeux, pour Lego® par exemple. Il

suffit de passer la boîte sous la webcam, l’ordinateur reconnaît l’image et subitement

on voit le quatrième plat qui s’anime, l’hélicoptère qui sort, le Lego® qui se construit,

c’est assez bluffant.66 »

Un projet en cours chez Nathan a semblé parfaitement approprié pour s’associer à

cette expérience. Il s’agit d’un ouvrage de la collection des dossiers « Dokéo », intitulé

Comment ça marche ?, qui doit paraître au mois d’octobre 2009. Le but de ce livre est de

montrer aux lecteurs ce qu’il y a sous la carcasse d’objets qu’ils utilisent au quotidien

(ordinateur, micro-ondes, rollers, téléphone portable…) et de leur expliquer

comment ces objets fonctionnent, schémas à l’appui. 66. Entretien réalisé le 18 février 2009. Voir annexe 3 page XXIII.

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Le produit sera mis en vente sous deux formes : le client aura la possibilité

d’acheter le livre seul, avec le téléchargement gratuit du logiciel de réalité augmentée,

ou un coffret contenant le livre, une webcam avec un pied de 30 centimètre et le

téléchargement gratuit du logiciel.

Le livre documentaire explique le fonctionnement de cent cinquante objets. Les

objets sont classés par lieu. Il y a quatre grands univers correspondant chacun à une

partie : à la maison, en ville, pendant les loisirs et dans les transports. Tout au long du

livre, deux enfants, Théo et Julia, questionnent le professeur Colza et le professeur

Siphon : « Dis, professeur, comment ça marche ? » L’ouvrage se construit autour

d’une fiche par objet, de visuels variés (schémas, photographies, illustrations

humoristiques…), d’anecdotes, expériences et devinettes, et de fiches qui présentent

les principes scientifiques ou techniques à l’œuvre. À la fin du livre, on trouve le

« dico techno », un lexique d’une centaine de mots liés aux sciences et techniques.

Des mascottes sont disséminées au fil des pages pour animer le propos. L’objectif est

d’expliquer le fonctionnement des objets en rendant ce sujet le plus attractif possible,

par des textes courts et accessibles, des schémas simples et vivants, des zooms sur des

principes récurrents et par un aspect très gai.

Le « plus technologique » est bien adapté au sujet : dix objets donnent lieu à un

développement en animations 3D. Certaines pages signalées par un pictogramme

s’animent sur l’écran de l’ordinateur : l’objet en volume surgit de la page et s’anime

selon un scénario déterminé à l’avance. Cette animation visuelle scénarisée est

commentée et sonorisée. On trouve différentes sortes d’animations :

- Cinq animations interactives permettent à l’enfant de prendre le contrôle de

l’objet avec son clavier. Ainsi, l’enfant peut piloter un hélicoptère ou un bateau à

moteur, jouer avec la grande échelle du camion de pompier, faire de la musique sur le

clavier d’un orgue électronique.

- Deux animations sans interaction : lors de la présentation du téléphone portable,

on assiste à la construction d’un réseau cellulaire et la transmission des ondes entre

deux téléphones cellulaires ; pour illustrer les montagnes russes, on voit le chariot

parcourir à toute vitesse un grand huit.

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- Quatre animations intègrent de la vidéo. Le Professeur Siphon (une des

mascottes du livre), animé en 3D, présente sur un écran, qui surgit de la page, une

séquence vidéo sur la domotique, les fusées, la plongée sous-marine et le tableau

blanc interactif.

Où se situe l’innovation ?

L’objectif revendiqué par Nathan est de renouveler le documentaire jeunesse, de

garder sa place de leader et d’acquérir une image d’éditeur novateur.

L’ouvrage est audacieux et il est vrai que le principe émerveille dans un premier

temps. Il semble que cela soit un premier pas vers le livre 3D, ce livre hologramme

qui permettrait d’exprimer toutes les formes que le reader interdit. C’est un concept

qui s’adapte parfaitement au documentaire : la 3D permet de montrer un

fonctionnement, tout en restant attaché au livre. C’est l’un des plus gros avantages du

projet : lier le livre et la technologie, dépoussiérer le livre, montrer que c’est aussi un

objet du futur. Le livre fait bien partie inhérente de l’ensemble. Sans lui, tout

s’évanouit.

De plus Comment ça marche ? a été minutieusement construit autour de ce nouveau

principe et se prête parfaitement à l’expérience. L’association de la forme et du fond

est cohérente : c’est un livre qui explique la technologie par la technologie ! Par

ailleurs, la valeur ajoutée ludique et pédagogique est incontestable. Cette première

réalisation ouvre de larges perspectives pour d’autres utilisations. On pense à des

ouvrages sur la géographie ou sur l’architecture, auxquels la réalité augmentée

pourrait également apporter une valeur ajoutée intéressante.

Mais en réalité, qu’y a-t-il de novateur dans ce projet ? L’innovation réside dans le

fait de pouvoir animer des pages sur écran. Le procédé technologique permet encore

une fois d’intégrer au livre des logiques complètement extérieures au livre, d’entraîner

l’enfant vers l’écran.

Les textes sont simples et très réduits pour l’âge du public visé : neuf ans. L’accent

est clairement mis sur l’illustration et sur l’apport de la réalité augmentée.

L’innovation résiderait donc simplement dans le fait de regarder sur écran des objets

sortir d’un livre. Quelle différence avec le fait de visionner des vidéos sur Internet, ou

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de lancer un jeu vidéo ? Cela pourrait aussi être vu comme une nouvelle façon

d’animer le livre. Mais en réalité, tant que le livre ne peut pas se transcender lui-

même pour accéder à quelque chose de supérieur à ce qu’il fait et à ce que fait

Internet, à quoi sert la technologie ? Un véritable livre hologramme, s’il permet de se

passer de l’ordinateur, aurait pu être considéré comme une réelle innovation.

Il est indéniable que le livre doit évoluer avec son temps. Mais est-ce vraiment cela

que les enfants – même les enfants de demain nés avec une souris dans la main et une

webcam au-dessus du berceau – attendent d’un livre ? Des projets de ce type ne

contribuent-ils pas à faire disparaître le livre en tant que livre ?

De plus, ces technologies sont périssables. On ne cesse de se préparer à la mort du

livre papier, alors qu’au fil des ans, c’est lui qui enterre un à un toutes les nouvelles

technologies : vinyle, cassette audio et VHS, CD... Les langages mêmes de ces

supports sont rapidement obsolètes : un CD-rom d’il y a moins de dix ans ne

fonctionnera plus sur une version récente de Windows ou de MacOS ; même le

langage du Web est en perpétuelle évolution et certains sites ne sont déjà plus lisibles.

Reste-t-il des formes à expérimenter qui ne seraient pas du pur gadget ?

L’innovation sur la forme est-elle vraiment nécessaire ? En effet, ce n’est pas elle qui

livrera des concepts de livres novateurs qui feront évoluer la transmission de

l’information documentaire.

Ne devrait-on pas revenir à des formes plus simples et se pencher sur l’élaboration

d’innovations éditoriales ? Cela permettrait également de réduire les coûts de

fabrication et de pouvoir se permettre des ouvrages plus risqués avec des premiers

tirages moins élevés. Actuellement, on ne peut pas se permettre de passer sous un

certain nombre d’exemplaires vendus, sinon le livre n’est pas rentable… Par exemple,

Nathan travaille actuellement sur une collection de documentaires pour les petits,

« Petits dokéo », qui se veulent interactifs. Cependant, l’interactivité ne réside pas

dans la fabrication (volets à soulever, pop-up, etc.) mais dans le concept : l’ouvrage

interpelle le lecteur, le fait participer par le biais de petits jeux, par exemple.

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À travers la poursuite d’innovations technologiques les éditeurs ne vont-ils pas

perdre un peu plus l’essence même du livre ? Du fait de cette crainte ambiante de

disparaître si l’on ne s’adapte pas aux nouvelles technologies, ne subissent-ils pas ces

innovations, plus qu’ils ne les choisissent ? Ne devraient-ils pas revenir à ce qui fait la

spécificité et donc la valeur du livre, pour le faire évoluer au moyen d’innovations

éditoriales ?

B. Innovations éditoriales

Quelles options d’innovation éditoriale a-t-on ?

1. Reste-t-il des sujets non-traités ?

Après avoir étudié la production actuelle et interrogé quelques libraires, il semble

que l’on soit aujourd’hui face à une offre qui propose – de manière très inégale – des

documentaires sur de très nombreux sujets. Les gros manques dont font état

plusieurs publications passées ont à peu près été comblés aujourd’hui.

Pendant un temps, il était difficile de trouver des ouvrages documentaires portant

sur les pompiers, la police, l’art, la philosophie, le sport, la cuisine, les cultures, les

civilisations, ou encore les pays. Ces sujets trouvent à présent un écho dans la

production de documentaires jeunesse.

Néanmoins, il reste quelques pistes à explorer, qui seraient plutôt des points de

détail. Les libraires de l’Herbe Rouge67 déplorent par exemple l’absence quasi totale

d’ouvrages sur les moyens de transport en général et plus particulièrement sur les

voitures ou les motos.

De nombreuses périodes historiques restent peu traitées. On avance souvent la

raison qu’en histoire, dès que l’on sort de l’escarcelle des programmes scolaires, les

livres ne trouvent plus de public. Pourtant, il semble que cette explication soit un peu

limitée : on note ainsi un gros vide autour du thème de la Révolution française qui

représente pourtant une grosse partie du programme du cycle 3.

67. Gégène et Françoise Tribollet tiennent une librairie jeunesse dans le XIXe arrondissement de Paris.

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Un autre manque reste criant, celui de l’explication de l’histoire de la création. Il

n’existe pas d’ouvrage qui l’explique d’une manière accessible aux jeunes enfants, en

restant en marge de toutes religions. Un seul ouvrage la met vraiment en scène : Il y a

très très longtemps68, qui explique la formation du monde par la théorie du big bang et

non par le mythe d’Adam et Ève. Il propose d’aborder des notions difficiles telles que

la formation des proto planètes autour du soleil, à travers de magnifiques illustrations.

On observe également des manques autour des thèmes de l’éducation à Internet et

aux médias en général ; de moins en moins d’ouvrages portent sur les sciences pures ;

très peu sont consacrés à la politique ; le monde végétal est souvent mis à l’écart au

profit du monde animal ; enfin, après avoir mis la philosophie à la portée de jeunes

enfants, il serait intéressant de faire de même avec les notions de sociologie, de santé,

de justice.

Marie-Claude Réau est également à la recherche de nouveaux publics, un peu

niches, pour « faire quelque chose d’honorable » en direction de nouvelles

populations.

Cependant, l’idée de se tourner vers des sujets peu traités reste problématique.

Comme l’explique Sandrine Mini, « c’est difficile d’exister dans les rayons

documentaires jeunesse avec des thématiques moins habituelles. Mais il y en a quand

même beaucoup plus qu’avant. (…) Maintenant on peut trouver des documentaires

sur tout ou presque. Les bibliothécaires se plaignent beaucoup des manques et du fait

qu’on trouve toujours les mêmes sujets, mais en fait il existe quand même des choses.

Le problème c’est que ce n’est pas assez mis en valeur, pas assez mis en avant. Et

peut-être qu’il n’y a pas non plus dans la démarche des professionnels un soutien

assez fort à ces collections qui ont beaucoup de mal à exister. »

Pour combler les manques restants, il serait nécessaire que les éditeurs qui

s’aventurent sur des terrains glissants reçoivent un soutien conséquent de la part des

médiateurs. Car, comme nous le faisaient remarquer les libraires de l’Herbe Rouge,

les documentaires les plus novateurs sont principalement achetés par des

bibliothèques et des écoles et non par le client lambda…

68. Album publié dans la collection « Archimède » de l’École des loisirs.

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Quelles autres perspectives d’avenir peut-on envisager pour le livre

documentaire ?

2. Une tendance aux livres hybrides

Il semble que l’on ait tendance à s’orienter vers des livres hybrides. On se dirige

vers un concept de documentaire qui se dissimule, qui a pour objectif d’apprendre

aux enfants le plus discrètement possible69. Ainsi construit-on des jeux ou des fictions

autour des informations afin de les rendre plus désirables. L’avenir sera-t-il fait de ce

type d’ouvrages ? Le documentaire brut ne va-t-il pas disparaître au profit d’une

information diffusée à travers le jeu, la fiction, le beau-livre, l’objet ?

Les livres-jeux documentaires commencent déjà à envahir les librairies. On a déjà

parlé plus haut de livres interactifs qui dévient vers le jeu. Mais il existe également

des livres construits comme des jeux qui tentent par ce biais de diffuser quelques

données documentaires.

Les éditions Palette, spécialisées dans le domaine du livre

d’art pour enfants, proposent une collection de livres-jeux pour

découvrir l’art en s’amusant. Ils éditent par exemple Mais où est

donc or ni k’art, un ouvrage construit sur le principe des livres Où

est Charlie ? Il présente dix-neuf tableaux, accompagnés d’une

liste d’objets à retrouver sur chacun d’entre eux. Le but est de développer le sens de

l’observation chez le jeune enfant. Didier Baraud pense en effet que le jeu force

l’observation et que l’enfant, en s’amusant avec les œuvres de Calder, Matisse ou

Archimboldo, se voit délivré une sorte d’enseignement visuel. Grâce à une

mémorisation rétinienne, lorsque plus tard il recroisera ces tableaux, il se sera déjà

familiarisé avec eux. Ici, le principe du jeu a également comme objectif de désacraliser

l’art, de le mettre à la portée de l’enfant, ce qui est important dans un domaine

entouré d’une aura qui le fait paraître inaccessible.

69. Voir entretien avec Céline Charvet, réalisé le 4 février 2009, annexe 5 page XLIX.

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Chaque ouvrage de la collection « Sur un plateau » de Nathan propose huit grands

plateaux de jeux variés (jeux de parcours, jeux d’adresse, devinettes, labyrinthes…)

sur une thématique. Des informations sont disséminées sur le plateau, pour que

l’enfant s’approprie les connaissances de base sur le thème proposé.

Le titre consacré à l’Europe propose de se familiariser avec son histoire, son

fonctionnement, les principaux monuments et artistes européens ainsi qu’avec les

différents pays qui la composent.

L’objectif est d’apprendre en s’amusant, ce qui est louable en soi. Mais cela donne

en définitive des jeux peu palpitants. On est d’autant plus déçu que les informations

sont intéressantes et vaudraient la peine d’être communiquées d’une manière plus

judicieuse. Quelqu’un qui veut des informations sur ce sujet ira-t-il acheter ce type de

livre ? Quelqu’un qui souhaite se procurer un jeu lira-t-il les informations

complémentaires, et s’amusera-t-il avec le jeu ? Le principe du livre hybride lui-même

est très compliqué. Cela rejoint ce que nous disions plus haut au sujet des livres-DVD

ou de la réalité augmentée. Si l’assemblage des deux formes n’amène pas, grâce à

cette fusion, à quelque chose de différent, s’il s’agit uniquement d’un rapprochement

entre deux formes différentes qui restent deux formes différentes mises côte à côte,

sans donner naissance à une troisième forme, l’ensemble paraît artificiel.

À partir du moment où l’on s’avance sur le terrain des livres hybrides, on entre

dans des débats sans fin. Témoin celui qui porte sur un autre genre hybride : le docu-

fiction. Comme nous avons déjà eu l’occasion de le préciser, ce genre a vu le jour au

XIXe siècle, mais la volonté actuelle d’enjoliver les documentaires jeunesse nous amène

à penser qu’il pourrait se généraliser dans le futur.

« Les fées, qui n’ont servi jusqu’à ce jour qu’à faire ouvrir tout grands les beaux

yeux des petits enfants, (…) pourraient donc servir même à la science70 ».

La collection « Le Roman des bêtes » du Père Castor est souvent considérée

comme l’un des premiers exemples de fiction documentaire. Elle a été créée en 1934 ;

ses premiers textes étaient illustrés par Rojankovsky et écrits par Lida Durdikova. Ils

se présentaient sous la forme d’une fiction qui s’appuyait sur des éléments

documentaires. « Chacun des albums de la série fait découvrir un animal et son milieu 70. Extrait de la préface rédigée par Hetzel pour L’Arithmétique du grand-papa de Jean Macé.

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naturel : le canard sauvage et l’étang, le martin-pêcheur et la rivière, l’ours et la forêt.

Tandis que l’illustration affiche un réalisme rigoureux et lyrique à la fois, fondé sur

une observation attentive, le récit de Lida (Durdikova, l’auteur, NDLR), parfois

proche du conte, joue sur l’anthropomorphisme et la relation affective qui unit

spontanément l’enfant et l’animal. Le lecteur se reconnaît d’autant plus facilement

dans le héros de l’histoire que c’est presque toujours la première année de la vie de

l’animal au sein du groupe familial qui est racontée. L’identification est encore

renforcée par l’utilisation fréquente d’une terminologie plus adaptée au monde des

humains qu’à l’éthologie animale : Lida parle de calendrier, d’école, de discipline,

d’obéissance, d’éducation…71 »

On se rend bien compte ici que, dans la théorie, il s’agit d’une démarche tout à fait

honorable. Elle a en premier lieu l’avantage de mettre en scène l’information d’une

manière qui est plaisante, mais qui n’implique ni prouesses de fabrication, ni

ordinateur ou procédés technologiques souvent inaccessibles aux éditeurs. De plus,

elle réintroduit la littérature dans ce secteur de livres pour enfants. Et enfin, elle

présente l’information de manière à ce qu’elle soit mieux comprise, assimilée, retenue

par l’enfant, à travers des personnages qui rapprochent les événements lointains de sa

petite personne.

Mais la mise en pratique est-elle réussie ? Voici quelques exemples de tout ce que

l’introduction de la fiction peut permettre de mettre en place.

Deux collections chez Gallimard ont tenté le pari d’un vrai mélange entre

documentaire et fiction. « Sur les traces de » (Gallimard) raconte une histoire. Des

doubles-pages documentaires, maquettées de manière à être tout de suite

reconnaissables, viennent s’intercaler entre les différents chapitres, interrompant la

lecture pour apporter des informations relatives à l’histoire.

« Le Journal d’un enfant », série Histoire72 a été lancée en novembre 2004. Cette

collection vise un public d’enfants à partir de huit ans. Elle s’inscrit dans la lignée de

« Sur les traces de », mais cherche en même temps à s’en démarquer. Elle mêle

71. Michel Defourny. De quelques albums qui ont aidé les enfants à découvrir le monde et à réfléchir.

Archimède, 2003. p. 1872. On a déjà eu l’occasion de mentionner la série Monde de cette collection, consacrée à la géographie.

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journal intime et vie quotidienne. Elle se base donc sur deux principes : l’un narratif,

l’autre thématique. Il s’agit d’un récit sous forme de journal intime qui comprend des

informations documentaires sur le côté des pages. Les ouvrages requièrent deux

illustrateurs différents, deux types d’illustrations pour le documentaire et pour la

narration.

Le récit permet au lecteur de s’identifier, de découvrir une période de l’histoire de

manière concrète et intime, répondant au principe selon lequel les enfants acquièrent

beaucoup d’informations sans s’en rendre compte.

Sur la couverture n’apparaît que le nom de l’enfant qui écrit son journal ; sur la

page de titre, on note tout de même la présence du nom de l’auteur précédé de la

mention « raconté par ». L’identification est donc poussée au maximum. Ce n’est qu’à

la fin de l’ouvrage, avant les sources, qu’il est indiqué que « L’histoire de … aurait pu

être celle d’un enfant vivant à la période… »

La structure est toujours identique : l’ouvrage fonctionne par doubles-pages

séparées en deux parties. Sur la majeure partie de la double-page, on trouve le récit,

accompagné d’une illustration. Quant au reste de la double-page, elle propose des

informations documentaires complémentaires, parfois au moyen de volets à soulever.

La typographie, le fond de couleur et la maquette particulière permettent de bien

différencier ces informations du récit.

Ainsi la lecture, qui aurait eu tendance à se faire de manière linéaire, est sans cesse

contrariée par des éléments documentaires. La démarche peut donc sembler un peu

contradictoire.

L’histoire présentée sous forme de journal est plus réussie que la fiction des « Sur

les traces de ». Dans l’ensemble, le journal est plutôt bien construit. Il permet de

mettre en scène la vie quotidienne d’un enfant à l’époque décrite, mais également de

rendre l’histoire plus vivante, et de donner une dimension humaine à des événements

qui se sont produits il y a bien longtemps. Cependant, on notera que les personnages

ne sont pas du tout étudiés ; ils n’ont aucune profondeur, se contentant de décrire ce

qui se passe autour d’eux, sans vraiment se poser de questions. La dimension

psychologique du personnage n’est pas du tout présente. Par ailleurs, le cheminement

entre les différents événements paraît souvent un peu artificiel. L’écriture est assez

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plate, le ton un brin naïf. Et en définitive, la vie de l’enfant nous paraît bien irréelle

tant il lui arrive de mésaventures. Ce sont des fictions dont la piètre qualité littéraire

retire le caractère passionnant : en soi, la vie d’un enfant au moment de la Révolution

industrielle ou de la Première Guerre mondiale pourrait être captivante. Ce n’est pas

le cas dans ces collections auxquelles il manque cruellement une dimension affective.

Rue du monde publie « Histoire d’histoire ». Les livres de cette

collection comportent chacun trois récits en parallèle. L’un met en

scène un enfant de l’âge du lecteur dans la vie de tous les jours. Le

second conte les souvenirs d’un des proches de l’enfant, souvenirs se

rapportant à une période particulière de l’histoire. Enfin, chaque page

comporte un récit documentaire chronologique des événements rapportés par ce

second récit. De grandes illustrations, réalisées par des artistes reconnus de la

littérature jeunesse, embellissent les deux histoires, tandis que les informations

documentaires sont accompagnée de petites photographies de l’époque.

Cette construction permet de voir comment des événements peuvent avoir des

conséquences pendant toute une vie. De plus, les ouvrages réunissent des auteurs et

des illustrateurs reconnus afin de fournir des ouvrages de qualité tant au niveau du

texte que de l’illustration. On déplore cependant que ces allers-retours entre les

fictions et la réalité, entre hier et aujourd’hui, donnent un côté un peu surfait à ces

livres.

Ces ouvrages permettent « d’interroger l’histoire de l’humanité » et ils le font

souvent au travers de sujets peu traités, comme la guerre d’Algérie, la Révolution

française, ou 1936 et les premiers congés payés.

Dans « La Vie des enfants »73, il s’agit plutôt de la démarche inverse. Ce sont des

pages de fiction contant la vie quotidienne d’un enfant qui viennent interrompre le

texte continu du documentaire.

Ainsi, au cœur du livre Paris à la fin du XIXe siècle, on fait la connaissance de Joseph,

qui vient d’arriver à Paris, de Jules le maçon, de Louison le petit ramoneur et de

Suzette la marchande d’allumettes. Ces interruptions apportent des morceaux de vie,

des preuves d’existence aux données historiques. Elles sont une seconde illustration

du propos. Par ailleurs, comme ces récits surviennent à la fin de chaque chapitre, ils 73. Publiée par La Martinière jeunesse.

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n’interrompent pas la lecture, permettant ainsi une fusion plutôt réussie entre

documentaire et fiction.

Cependant, la démarche de mêler fiction et documentaire peut paraître un peu

risquée. Ce mélange est-il clair pour l’enfant ? Beaucoup d’éditeurs interrogés jugent

que le docu-fiction est à manier avec une grande prudence, pour que l’enfant puisse

s’y retrouver et bien faire la différence entre ce qui est du registre de l’information et

ce qui est inventé. Ces précautions se reflètent dans la segmentation très nette opérée

au sein des docu-fictions que nous venons d’analyser.

De plus, à partir du moment où l’on ne se range pas dans une catégorie bien

définie, cela peut provoquer de l’hésitation de la part de l’acheteur, qu’il s’agisse du

parent ou de l’enfant.

En réalité, le bien-fondé de la démarche éditoriale dépendra de l’utilisation que

l’enfant voudra faire de l’ouvrage. S’il est à la recherche d’informations pour un

exposé par exemple, il a besoin d’une grille d’informations claires. S’il veut apprendre

sur un sujet pour son plaisir personnel, la fiction pourra être une bonne méthode.

C’est pourquoi les éditeurs considèrent souvent cette démarche comme risquée : à

partir du moment où le livre ne sera pas bien identifié, où l’on ne verra pas bien ce

qu’il est censé être, il y a un risque de rebuter l’acheteur. Cela rejoint la définition que

Marie-Claude Réau donne du documentaire : « [Un bon documentaire] doit être un

livre qui affiche clairement ce qu’il est, qui offre ce qu’il promet en couverture74. » À

partir du moment où un ouvrage se présente comme un documentaire, il doit fournir

des informations que l’enfant peut distinguer en tant que telles, même s’il passe par la

fiction.

Mais il est vrai que la frilosité des éditeurs donne à penser qu’ils ont parfois

tendance à sous-estimer les capacités de l’enfant.

Selon Sandrine Mini, il faut aussi se méfier de l’ajout de la fiction dans le

documentaire, car cela peut nuire à la qualité littéraire du livre. La littérature a une

valeur en soi, elle existe en dehors du temps, en-dehors du réel. C’est pourquoi, avant 74. Marie-Claude Réau, in « Le documentaire : entre savoir et plaisir ». Page, avril 2008.

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de se préoccuper de la clarté de la présentation, faut-il s’interroger sur la qualité de

ces textes. La littérature « coincée » dans un certain nombre de contraintes de citation

d’informations peut-elle être de bonne qualité ? Nous avons vu à travers les différents

exemples énoncés que c’est loin d’être toujours le cas.

Ce n’est pas un hasard si le remplacement de la fiction par un témoignage fut l’un

des points de départ de la refonte de la collection « J’accuse » de Syros en 2005. Il

régnait une certaine confusion quant au positionnement de la collection. Elle ne

trouvait sa place ni en documentaire, ni en fiction. De plus la fiction donnait un

caractère un peu artificiel à l’ouvrage : pour que toutes les problématiques aient une

chance d’être abordées, le malheureux personnage traversait un nombre considérable

de drames !

La réalisation d’un docu-fiction pose effectivement un autre problème, celui de

l’auteur. Comme nous l’avons vu, nous sommes sur un marché de commande. Mais

ici, quel auteur choisir ? Un spécialiste de la fiction ou du documentaire ? Marie-

Claude Réau se dit très intéressée en théorie par la démarche du docu-fiction. Mais

en pratique, « pour l’instant on n’a jamais trouvé personne qui sache en tant

qu’auteur documentaire passer à un récit qui se tienne au niveau fiction et

documentaire.75 »

En somme, on entend beaucoup dire que ce sont des ouvrages attrayants, mais

plus intéressants pour les bons lecteurs, qui sauront y piocher des informations et

faire la différence et le lien entre le récit et les informations documentaires ajoutées,

entre les deux niveaux de lecture, et à qui le récit plaira. Mais chez les moins bons

lecteurs, la fiction peut être un frein ; ils auront du mal à y trouver les informations

recherchées. Pour les défenseurs de la lecture « zapping », la non-linéarité permet un

texte jamais trop long, qui n’effraie donc pas, au sein duquel on ne risque pas de

rester coincé76.

75. Entretien réalisé le 12 mars 2009. Voir annexe 4 page XXXIV.76. Voir entretien avec Céline Charvet, réalisé le 4 février 2009, annexe 5 page XLIX.

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Pourtant, ces ouvrages ont le mérite de retourner à une lecture linéaire au sein du

documentaire et d’ainsi retrouver l’essence du livre, de s’affirmer dans leur différence

par rapport à Internet.

Ainsi, la fiction ne serait-elle pas une solution pour l’avenir du documentaire ? Ne

peut-elle pas venir au secours du documentaire ?

Est-ce un hasard si la réorganisation des équipes du pôle jeunesse de Nathan opère

un rapprochement entre les éditeurs de fiction et les éditeurs de documentaires sous

une même direction éditoriale ? Est-ce un hasard si au moment où le Père Castor voit

sa principale collection documentaire s’éteindre, se développe la collection

« Découvreurs du monde », qui se base sur le principe de faits réels romancés77 ?

Mais il faudrait adopter une démarche différente de celles des ouvrages présentés

plus haut : expliquer les informations documentaires contenues dans une fiction,

plutôt que de construire une fiction artificielle autour d’informations documentaires.

3. Au commencement était l’auteur

« Comme ses lecteurs, le livre de jeunesse est en pleine évolution : utilisation de

matériaux nouveaux comme des films transparents, livres sonores grâce à une “puce ”

électronique, adaptation d’albums en cassette audio ou vidéo et, plus spectaculaire

encore, le livre interactif, où la présence d’un compact disc vient enrichir l’illustration

imprimée, raconter l’histoire de mille façons. Toutes ces nouvelles technologies

réservent certainement de belles surprises, mais quelle technique pourra remplacer le

livre, disponible à tout moment, dans n’importe quelles conditions, d’une durée de vie

beaucoup plus longue, moins cher et plus facile à fabriquer ? 78»

La solution pour renouveler le documentaire serait de se tourner vers quelque

chose qui se distingue de ce qu’offre Internet, d’arrêter d’essayer de le copier, de

s’affirmer vraiment de manière différente, dans sa différence. La manière actuelle de

77. Présentation de l’éditeur sur son catalogue : « Des romans forts, inspirés d’une découverte

historique et doublés d’un carnet documentaire pour prolonger l’aventure. »78. « Les livres de l’an 2000 » in Histoire du livre de jeunesse d’hier à aujourd’hui, en France et dans le monde,

Gallimard jeunesse, Paris, 1993, p.64.

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concevoir le documentaire – l’éditeur a l’idée et va demander à un auteur de la mettre

en forme dans un cadre très strict – bâillonne la création et donc l’innovation. Ne

serait-il pas plus intelligent de rendre la parole à l’auteur ? D’entrer dans une

nouvelle démarche où l’on accueille le projet d’un auteur et où l’auteur écrit parce

qu’il a compris quelque chose et qu’il veut le transmettre. Nous pensons que c’est à

présent de l’auteur que pourra naître l’innovation. Cette démarche pourrait permettre

de concevoir des livres présentant à la fois de réelles qualités littéraires et un potentiel

transmissif fort. Grâce aux différents avantages du docu-fiction énumérés plus haut

(mise en scène plaisante de l’information, introduction de la littérature, meilleure

assimilation des données documentaires par le biais de l’affect et de l’identification),

l’enfant pourra accéder à des connaissances étendues qui le marqueront davantage.

En lisant Claudine de Lyon, par exemple, on apprend une quantité d’informations

sur la vie des canuts à la fin du XIXe siècle, sur les bouleversements que produit la

Révolution industrielle sur ce petit milieu et sur les lois Ferry qui vont rendre l’école

obligatoire. De la même manière, après avoir lu et écouté Pierre et le loup, la clarinette

n’aura plus aucun secret pour nous.

Tout réside en réalité dans la manière d’aborder la réalisation du livre

documentaire. Écrit-on un ouvrage sur le violon et y ajoute-t-on une dimension

fictive, narrative pour faciliter la transmission ? Ou avons-nous un projet d’ouvrage

qui raconte une histoire au sein de laquelle le violon prend une grande importance et

souhaitons-nous donner la possibilité à l’enfant de prolonger sa lecture en en

apprenant un peu plus sur le violon ? Dans ce cas un petit dossier peut être ajouté en

fin d’ouvrage.

La collection « Ceux qui ont dit non » d’Actes Sud propose des romans historiques

sur des figures emblématiques de l’histoire qui se sont un jour révoltées pour faire

triompher la liberté ou la justice. Ce sont de vrais romans, présentés comme tel. Un

petit dossier historique présente en fin d’ouvrage des données plus documentaires.

Selon Mureille Szac, directrice de la collection, « le choix du roman, plutôt que du

documentaire, a pour but de permettre aux lecteurs de se projeter dans les

personnages et d’accompagner l’esprit de révolte et d’indignation propre à leur âge.

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Les auteurs sont tous des passionnés de leur personnage et nous font revivre leur

engagement de l’intérieur.79 »

Mais ce dossier documentaire lui-même est-il indispensable ? On peut justifier sa

présence par le fait que l’enfant, s’il a apprécié l’histoire, s’il a découvert un certain

nombre d’éléments nouveaux, pourra se poser des questions et en poser à ses parents.

L’idée est donc de tenter de répondre à ces questions au sein même du livre, pour

éviter de l’envoyer lui ou ses parents chercher des réponses sur Internet.

De plus, l’absence totale d’informations documentaires pose le problème de

l’identification de l’ouvrage en tant que documentaire. Pour qu’il soit reconnu en tant

que tel, pour qu’un enfant ne l’écarte pas au cours de ses recherches, il semble plus

judicieux d’opérer ainsi. Aux éditeurs de trouver la meilleure façon de procéder…

« Archimède » est une collection de documentaires qui se présentent sous la forme

d’albums. Ils mettent en scène un récit, exactement de la même manière que dans un

album de fiction. À la fin de l’ouvrage une ou deux pages viennent fournir des

éléments documentaires à propos de l’histoire qui vient d’être racontée. On notera

qu’il n’est pas rare de trouver une partie documentaire à la fin d’un livre de fiction :

les éditeurs ajoutent souvent une touche pédagogique pour justifier la lecture aux

yeux des parents. Mais ce qui est intéressant dans ce cas, c’est que Marcus

Osterwalder, le responsable éditorial d’« Archimède » considère cette collection

comme une collection de documentaires80.

« Avec une histoire, je comprends ! » Tel est le slogan de cette collection unique.

« “Archimède”, ligne d’albums de L’École des loisirs vouée à l’observation de la vie

naturelle et du monde concret, veut allier la rigueur documentaire au respect du

grand principe maison : celui du livre d’auteur.81 ». Le but est de communiquer en

grande partie à travers les illustrations : les images en séquence doivent pouvoir

raconter l’histoire à elles seules. La collection est reconnue pour la qualité de ses

illustrations autant que pour le sérieux des informations transmises (caution

scientifique). Les ouvrages se basent en effet à la fois sur un important support

scientifique et sur des dessins minutieux qui apportent beaucoup d’informations.

79. In La disparition programmée du documentaire jeunesse, ou le triomphe de la gratuité « culturelle ». Publié sur

ricochet.org le 5 novembre 2008.80. Entretien réalisé le 23 avril 2009. Voir annexe 8 page LXXV.81.Muriel Tiberghien, Livres Jeunes aujourd’hui. novembre 1995.

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L’objectif est de rendre le lecteur plus actif, de développer son esprit critique en

l’invitant à prendre de la distance.

La collection a été créée en 1992 au sein d’une maison d’édition reconnue pour sa

politique d’auteur. L’objectif était très simple : publier des projets proposés par des

auteurs. Pour lancer la collection et montrer à quel type d’ouvrages il voulait la

consacrer, Marcus Osterwalder a dans un premier temps réalisé plusieurs achats

d’ouvrages japonais. La priorité était de se différencier des ouvrages documentaires

« à la Dorling » qui pullulaient sur le marché, en prônant la place centrale de l’histoire

dans l’apprentissage de l’enfant. Une fois cette ligne éditoriale définie, Marcus

Osterwalder a proposé aux auteurs de L’École des loisirs de venir vers lui s’ils

avaient des projets plus orientés « documentaires ». Encore récemment, les auteurs

pouvaient choisir le format, le papier et le nombre de pages de leur ouvrage. Mais

face aux multiples critiques des libraires et bibliothécaires qui avaient beaucoup de

mal à faire entrer ces ouvrages dans leurs « classements », Marcus Osterwalder a

décidé de standardiser un peu la forme, à travers un format et un nombre de pages

moyen.

Depuis peu, Marcus Osterwalder propose de décomposer certaines images en

séquences, à la manière d’une bande dessinée, afin de multiplier les illustrations, pour

poursuivre son objectif de faire visualiser des choses difficilement visualisables.

Ces livres-là n’ont pas à craindre la même concurrence d’Internet. L’émotion mise

dedans n’a pas d’équivalent dans Google.

« Observer, mettre en mots et retranscrire en images… et à partir de là s’étonner

et s’interroger, voilà la démarche d’Archimède de l’école des loisirs. Cela s’appelle une

démarche… scientifique », a ainsi écrit Michel Defourny82.

82. Michel Defourny. Le Ligueur, novembre 1993.

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Les Évadés du Mont Saint-Michel de Fabian Grégoire, est mis en

images par l’auteur. Augustin, le narrateur revient au Mont

Saint-Michel, les souvenirs remontent : il revit un moment

difficile de son enfance. À la fin du XVIIIe siècle, il vient

s’installer au Mont Saint-Michel pour se rapprocher de sa mère,

enfermée dans l’abbaye, utilisée à cette époque comme prison.

Lorsqu’elle tombe gravement malade, l’un des gardiens

aide Augustin à la faire évader et est tué au cours de

l’évasion. Les très belles illustrations pastel sont

composées de petites touches de couleurs. Leurs

contours sont estompés, comme si elles émergeaient des

pages du livre. Elles apparaissent parfois en pleine page,

parfois elles sont plusieurs par page. Elles sont très

fortes, très émouvantes.

La fin de l’ouvrage propose quatre pages

documentaires qui permettent d’en savoir plus sur le Mont Saint-Michel et sur son

ancienne prison. Les informations sur l’histoire du Mont et les précisions

géographiques sont agrémentées de différents documents : photographies du Mont

Saint-Michel sous différents angles, reproduction d’une enluminure représentant

l’archange saint Michel combattant le dragon au-dessus du mont, de la une d’un

journal de 1833 affichant comme titre « Pour la prison de Saint-Michel », ainsi qu’une

carte géographique datant de 1705.

L’histoire est extrêmement touchante. Elle rappelle également que les monuments

que nous voyons figés dans leur aura patrimoniale peuvent avoir connu un passé

mouvementé. Les illustrations dépeignent les différents paysages et donnent une âme

au récit. En somme, on apprend beaucoup sur ce sujet peu traité. L’enfant, marqué

par l’histoire, retiendra certainement que le Mont Saint-Michel abritait autrefois une

prison.

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Les ouvrages réalisés par Peter Sìs chez Grasset jeunesse sont

très souvent classés en rayon documentaire. En effet, ce sont des

ouvrages qui évoluent entre albums, bandes dessinées et romans

graphiques, mais qui regorgent d’informations. On pense

notamment à l’ouvrage portant sur l’enfance de l’auteur durant la

Guerre froide. Le Mur est un livre qui se situe entre mémoire et histoire. De sa

naissance en 1948 à la chute du mur de Berlin en 1989, l’auteur écrit et dessine son

histoire et sa vie à Prague pendant la Guerre froide. Le but de Peter Sìs était

d’expliquer à ses enfants, qui ont grandi aux États-Unis et ont toujours connu une

grande liberté, que ce n’est pas – et n’a pas été – toujours le cas. L’ouvrage met en

scène un enfant aimant le dessin, puis un adolescent passionné par les groupes de

rock, influencé par les modes et les groupes venus de l’Ouest et qui rêve de liberté.

On y perçoit la manière de vivre sous l’emprise du régime soviétique, avec son lot

d’interdits, de délations et d’obligations, les frontières qui se referment et les tensions

qui grandissent, l’espoir du Printemps de Prague, puis la désillusion et le retour de

l’autoritarisme pour terminer par la chute du mur. Au fil de ce voyage à travers

l’histoire, Peter Sìs nous rappelle ici tout le pouvoir de l’art et de l’imagination contre

ces régimes totalitaires.

Entre l’album et la bande dessinée, l’ouvrage

propose de petites vignettes et de grandes doubles-

pages qui fourmillent de détails. Il y a glissé

quelques pages de son carnet personnel, des

définitions, et bien des repères pour alimenter son

témoignage sur l’histoire. Les illustrations jouent

sur le symbolisme des couleurs pour traduire les

sentiments de l’auteur. Le rouge du communisme et

le gris de la vie quotidienne dominent. On note

l’intervention ponctuelle de couleurs à l’évocation

de ce qui vient de l’Ouest. Le Printemps de Prague

fait quant à lui son apparition dans une explosion

de couleurs. Puis le rouge et le gris reviennent et

accompagnent le récit jusqu’à la chute du mur.

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Ambitieux et riche, ce livre, empli de références, incite le lecteur à reprendre la

lecture à plusieurs reprises pour y chercher à apprendre davantage sur la vie du côté

communiste pendant la Guerre froide. C’est donc un ouvrage beaucoup plus efficace

du point de vue de l’appréhension de l’information qu’un documentaire classique

portant sur la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences. C’est un ouvrage

d’autant plus riche qu’il suscite aussi le plaisir de la lecture, et de s’informer, sous une

forme qui ne dévie pas vers le jeu ou le numérique.

Le dernier ouvrage dont nous aimerions parler ici est le livre-

CD Ici Londres que nous avons déjà rapidement présenté. La

Seconde Guerre mondiale y est abordée de façon poétique à

travers des illustrations qui tentent de mettre en images quelques

phrases codées, diffusées sur Radio Londres au début des années

1940. Ces illustrations figurent ainsi la forme que prenaient ces

messages dans l’imaginaire du narrateur, un petit garçon qui se cachait pour

espionner les adultes écouter la radio.

Grâce au talent d’Anne Herbauts, qui crée des univers symboliques, des paysages

épurés où chaque élément est pensé, les petites phrases énigmatiques de la radio

délivrent de vraies histoires. Les images défilent devant nos yeux comme elles défilent

dans la tête du petit garçon imaginé par Vincent Cuvellier.

Un CD accompagne l’album, redonnant vie à un passé historique grâce aux

archives sonore de l’INA. Un document encarté dans l’ouvrage apporte les

informations nécessaires pour comprendre le sens de ces messages et le contexte

historique dans lequel ils ont été délivrés. L’explication de cette situation semble

effectivement indispensable pour redonner toute leur importance et toute leur

grandeur à ces phrases en apparence dénuées de sens. L’éditeur a donc choisi de

solliciter une spécialiste de la question, Aurélie Luneau, pour rédiger, sous la forme

d’un journal, des textes courts expliquant la guerre des ondes, le rôle de la BBC, ces

messages personnels, ou encore l’appel du 18 juin. Ce journal est glissé dans le livre-

disque comme un document historique.

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L’ouvrage restitue ainsi une ambiance et les sensations de l’enfant à l’écoute de ces

phrases. C’est une autre manière d’apprendre, qui se fait en pénétrant au cœur des

pensées et du ressenti provoqués par des événements dont les enfants ne mesuraient

pas tout à fait la portée. On entre dans l’histoire d’une toute autre manière. Ensuite,

on peut mettre des noms, des dates sur ces émotions, sur ces images étranges, sur ces

mots poétiques.

Tous ces ouvrages peuvent être classés au rayon documentaire des librairies et

bibliothèques. Ils côtoient des livres qui se veulent plus scientifiques, mais qui

oublient souvent la dimension humaine qui figure en chaque chose, que ce soit dans

l’appréhension de la vie animale, de la science, de l’histoire ou de sujets d’actualité. La

retranscription de cette humanité est pourtant bien ce qui guidera l’enfant tout au

long de ses découvertes, sur son chemin pour comprendre la vie et le monde qui

l’entoure.

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Conclusion

On a ainsi pu observer que le secteur du documentaire jeunesse a la particularité

d’être un domaine éditorial économiquement très risqué. La réalisation des ouvrages

met souvent en jeu de grosses sommes d’argent. Dans ce contexte, les éditeurs

s’aventurent difficilement en-dehors des recettes connues pour fonctionner auprès des

enfants. C’est ainsi que l’on se retrouve face à une production très standardisée, tant

au niveau du traitement des sujets, qu’au niveau de la mise en forme de l’information.

Pourtant, c’est un domaine où l’on pourrait voir naître des démarches

extrêmement variées, tant le champ de la connaissance est étendu. Et effectivement,

au détour des rayons, on rencontre parfois des concepts intellectuellement novateurs,

qui font la richesse de la production. Ils renouvellent la transmission de l’information

aux jeunes lecteurs, en la faisant entrer dans le champ de la création littéraire et

artistique.

Aujourd’hui, les éditeurs de livres documentaires sont indéniablement

concurrencés par Internet et les nouvelles technologies. Tant et si bien qu’ils

commencent à craindre la disparition de cette production. Pour faire face, nous avons

vu que quelques éditeurs tentent d’intégrer ces mêmes nouvelles technologies à leurs

livres. Mais n’est-ce pas une erreur ? En faisant un pas dans cette direction, les

éditeurs ne rejettent-ils pas définitivement l’intérêt propre au livre ? La solution ne

serait-elle pas plutôt de se tourner vers quelque chose de différent de ce qu’offre

Internet, d’arrêter d’essayer de le copier, de s’affirmer vraiment dans sa différence ?

« La clé du livre, c’est de rester fidèle à ses fondamentaux, ce que la presse n’a pas

su faire, tombant dans une sorte de course à l’échalote stérile avec les médias et

perdant ses lecteurs en voulant en conquérir d’hypothétiques. 83» déclare Benoît

Yvert84.

83. Benoît Yvert in « On a prédit la mort du livre. Or il est toujours là. ». Le Monde, 12 juin 2009.84. Benoît Yvert était depuis le 25 août 2005 directeur du livre et de la lecture, et président du Centrenational du livre (CNL). Il vient de démissionner de son poste.

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Selon ce dernier, le livre papier ne restera que pour la lecture « plaisir » et cèdera

« sa place à d’autres supports pour la lecture professionnelle, informative. (…) Il est

possible que cela soit une bonne nouvelle, que cela rende le livre au magistère de la

littérature.85 »

C’est un point de vue très intéressant, car il s’applique très bien à ce qui est en

train de se passer dans le secteur du documentaire jeunesse. Tout ce qui est pure

information s’éteindra peut-être au profit du Web, mais cèdera alors sa place à tous

les ouvrages dont la valeur littéraire n’a pas d’équivalent sur la Toile.

« Tout est dit, écrit La Bruyère, mais je le dis comme mien.86 » N’est-ce pas là

qu’est la clef de toute innovation éditoriale ? Entre les mains de cet auteur qu’en

documentaire on a tendance à oublier ?

85. Benoît Yvert, Op. Cit.86. La Bruyère. Les Caractères.

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Bibliographie

LIVRES

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- Sur l’édition jeunesse

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DEFOURNY Michel. De quelques albums qui ont aidé les enfants à découvrir le monde et àréfléchir. Archimède, 2003

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- Sur l’innovation

BELLON Bertrand. L’innovation créatrice. Economica. 2002.

DUMONT Alain. Innover dans les services : de l’évident à l’impensable. VillageMondial, 2001.

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TABATORI Pierre. Innovation : désordre, progrès. Economica, 2005

PÉRIODIQUES

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INTERNET

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GODARD Philippe. « Une machine chauffée à blanc (quelques réflexions surl’édition jeunesse) ». Publié en juillet 2004. Disponible sur : http://lsj.hautetfort.com.

HUCHETTE Valérie. « Rencontre avec Lucette Savier : les Petits Débrouillards ».Publié le 4 janvier 2005. Disponible sur : http://lsj.hautetfort.com.

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« Aspects et fonctions du documentaire pour les petits ». Conférence organisée lorsdes Parcours professionnels du livre de jeunesse du 11 janvier 2005.Retranscrit par Anne-Claire Chevalier.

ROCHEFORT-TURQUIN Agnès. « Le documentaire : quelles tendances en2008 ? ». Conférence organisée par le Syndicat de la presse des jeunes, lors du salondu livre de Montreuil, 1er décembre 2008.

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TRAVAUX UNIVERSITAIRES

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MOULIN Sarah. « Entretien avec Anne-Laure Witschger », in Les ÉtonnantsVoyageurs. Dossier de littérature, Université de Paris X Nanterre, 2005.