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3:HIKLTA=\UXUUU:?k@n@b@a@a; M 01907 - 310 - F: 3,00 E N°310 - AVRIL 2011 - 3 N°310 - AVRIL 2011 - 3 Il était une fois le judaïsme Il était une fois le judaïsme La soif de Jérusalem La soif de Jérusalem La nouvelle donne du commerce franco-israélien La nouvelle donne du commerce franco-israélien Qui est juif selon Heschel ? Qui est juif selon Heschel ? De Fukushima à Dimona De Fukushima à Dimona Le manuscrit de la Hatikva

Il était une fois le judaïsme franco-israélien La soif de ... · Editorialiste : Josy Eisenberg Chroniqueur : Guy Konopnicki Comité de rédaction : Josy Eisenberg, Michel Gurfinkiel,

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N ° 3 1 0 - A V R I L 2 0 1 1 - 3 €N ° 3 1 0 - A V R I L 2 0 1 1 - 3 €

Il était une foisle judaïsmeIl était une foisle judaïsme

La soifde JérusalemLa soifde Jérusalem

La nouvelle donnedu commerce

franco-israélien

La nouvelle donnedu commerce

franco-israélien

Qui est juif selon Heschel ?Qui est juif selon Heschel ?

De Fukushimaà DimonaDe Fukushimaà Dimona

Le manuscritde la Hatikva

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Editorialiste : Josy Eisenberg

Chroniqueur : Guy Konopnicki

Comité de rédaction : Josy Eisenberg, Michel Gurfinkiel, Victor Malka, Joël Mergui, Philippe Meyer, Clément Weill-Raynal.

Collaborateurs : Armand Abécassis, Albert Bensoussan, Paul Giniewski, Hélène Hadas-Lebel,Carol Iancu, Gérard Israël, André Kaspi, Naïm Kattan, Elie Korchia, Odette Lang, Annie Lelièvre, Daniel Sibony.

Administration : Jessica Toledano

Maquette : Mike Cohen

Photographies : Alain Azria

Edité par S.a.r.l. Information Juive le journal des communautésau capital de 304,90 €Durée de la société : 99 ans

Commission paritaire des journaux et publications : 0708K83580

Dépôt légal n° 2270. N°ISSN : 1282-7363

Impression : SPEI Imprimeur - Tél. : 03 83 29 31 84

Les textes de publicité sont rédigés sous la responsabilité des annonceurs et n’engagent pas Information juive.

Abonnement annuel : 33 €Abonnement de soutien : 46 €Abonnement expédition avion : 37 €

ABONNEMENT EN LIGNE SUR WWW.CONSISTOIRE.ORG

Les manuscrits non retenus ne sont pas renvoyés.

INFORMATION JUIVE17, rue Saint-Georges75009 Paris

Rédaction :01 48 74 34 17 Administration : 01 48 74 29 87Fax : 01 48 74 41 97 [email protected]

Fondateur :Jacques Lazarus

Gérant de la SARL, directeur de la publication :Philippe Meyer

Directeur :Victor Malka

N°310 - AVRIL 2011

AU SOMMAIRE D’NOTRE OPINION

4- La parure des loups Par Philippe Meyer

PESSAH

5- Sortir d'Egypte aujourd'hui Par Claude Riveline

8- Le livre du Séder Un entretien avec le rabbin Jacquot Grunewald

BONNES FEUILLES

9- Il était une fois le judaïsme Par Armand Abécassis

REPÈRES

13- Le manuscrit de la Hatikva

ISRAËL

14- La nouvelle donne du commerce franco-israélien Un entretien avec Nicole Guedj

15- De Fukushima à Dimona...

15- Une nuée d'apocalypse par Ami Bouganim

18- "Au confluent de la nature et de la culture" par Bertrand Delanoë

LA VIE DU CONSISTOIRE - 20/24

DIASPORAS

25- Juifs de Tunisie : fin d'une histoire ? Un entretien avec Albert-Armand Maarek

MÉDIAS

27- Les peuples nous enseignent... par Daniel Sibony

HISTOIRE

28- La langue que parlaient les Juifs du Pape Un entretien avec Michel Alessio

LA CHRONIQUE DE GUY KONONICKI

31- La mémoire, voilà l'ennemi !

JUDAÏSME

33- Qui est juif ? Par Abraham Heschel

35- Eloge du Cantique Par Elie Botbol

LIVRES

37- L'auto-destruction de l'Europe Par Paul Giniewski

CINÉMA

40- Un casting riche pour Bruno Chiche Par Elie Korchia

IN MEMORIAM

41- Hommage à Alfred Zemmour par Jean-Luc Allouche

VERBATIM / CARNET - 42

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et musulmans à Strasbourg l'an dernieront été placés en détention provisoire.Ils encourent cinq ans de prison.

Et que dire du parquet de Moscou quia refusé, il ya quelques semaines de cela,d'interdire à la vente en Russie desProtocole des sages de Sion, l'un des fauxantisémites les plus célèbres, sousprétexte que l'ouvrage " ne contient pasd'éléments appelant à des actions contreles Juifs " ? On croit rêver.

Mais c'est bien sûr le retour en forced'un Front national, certes relooké maistotalement inchangé dans sesconvictions, ses membres, ses dirigeantset sa philosophie, qui doit le plus nousfaire réfléchir et frémir. Et ce n'est pasuniquement la hausse des scores dansles sondages où à l'issue de scrutinslocaux, qui est inquiétante, mais la partcroissante de français considérant, dans

différentes enquêtes réalisées, ce particomme "normal". Normal ce conseillerrégional de Rhône-Alpes et membre dugroupe Front national faisant le saluthitlérien devant un drapeau nazi et dontla photo a été publiée le 25 mars dernierdans la presse nationale ? Cettebanalisation de l'extrême droite porte enson sein les germes du pire. L'Histoire etla Mémoire nous obligent à continuer dedire Non avec obstination etdétermination à tout laxisme en lamatière dont les conséquences seraientincalculables.

Entre l'antisémitisme d'extrême gaucheet l'antisémitisme d'extrême droite, iln'existe aucune hiérarchie dans le risqueencouru, et il ne doit exister aucunepriorité dans la lutte à mener. Qu'il soitvert ou qu'il soit brun, l'antisémitisme voitd'abord dans le juif la source originelledu mal, le danger séculaire pourl'Homme, l'ennemi éternel de la société.La bête immonde ne dort que d'un oeil.

Une menace ne doit pasen cacher une autre.Depuis le début desannées 2000, l'accent aété mis, à juste titre, surl'émergence d'un "nouvel

antisémitisme" issu de certains milieuxd'extrême gauche. Au nom d'unantisionisme politique lié au conflitisraélo-palestinien, d'une défensesubjective des soi- disant victimes contreles soi- disant bourreaux, et d'uneassimilation automatique entre Israël etles juifs de la diaspora qui le soutiennent,c'est la haine anti-juive qui a très vite prisle dessus. Et pourtant, des signestroublants, voire inquiétants,s'accumulent depuis peu d'un retour del'antisémitisme plus traditionneld'extrême droite que l'on croyait museléaprès l'imprescriptible horreur de laShoah.

De quoi parle-t-on ? Fin 2010, unecampagne de collage sauvage d'affichesreproduisant fidèlement la couvertured'un livre signé d'un auteur d'extrêmedroite et portant en toutes lettresl'inscription "mafia juive", accolée auxmots "racket", "meurtre", "drogue" ouencore "escroquerie", étaient organiséeen plein Paris et en proche banlieue. Uneversion imagée de la théorie du complotque les mairies de Paris et descommunes concernées ont très viteeffacé de leurs murs. Rappelons parailleurs qu'il existe toujours à Paris deslibrairies connues de tous, comportantdes rayons entiers consacrés au IIIeReich et les juifs en Europe, ainsi quedes cartes postales avec des caricaturesde juifs et des affiches SS, et fréquentéespar une clientèle aux allures d'un autreâge. De même, certains sites internet etautres blogs continuent à publier destextes puants et ouvertement antisémitesdans la plus fidèle tradition de l'avant-guerre.

Notons également que des skinheads,âgées de 18 à 27 ans, mis en examen àl'issue d'une longue enquête surplusieurs profanations de cimetières juifs

Elle tente une fois de plus de se réveiller,et ne se laisse pas rendormir facilement.Pourquoi ? Parce qu'elle est viscéra-lement ancrée dans ce qu'il y a de plusmauvais dans l'homme et demeure enperpétuelle lutte contre ce qu'il y a demeilleur.

La vigilance de chaque instantdemeure la première étape d'un combatqui ne s'arrêtera pas. Vigilance veut direattention face au moindre signe qui peutparaitre insignifiant ou anodin mais quien réalité cache les prémices de dangersmajeurs. Vigilance veut dire lucidité faceaux pièges qui peuvent être tendus parceux qui veulent nous endormir pourmieux nous dévorer. C'était vrai hier avecun discours pseudo humaniste et tiers-mondiste bien pensant d'une extrêmegauche dont l'antisionisme ouvertementproclamé ne faisait que cacher unantisémitisme larvé. C'est vrai

aujourd'hui avec des habits neufs d'uneextrême droite, traditionnellementantisémite, qui veut se refaire une beauté,peut être plus souriante aujourd'hui queborgne hier, mais toujours aussi haineuseet dangereuse dans sa volonté d'instaurerun ordre nouveau dont on connaît lafinalité. Ce sera vrai demain avec la luttesimultanée contre ce monstre à deuxtêtes

Nul doute que chaque juif, chaquedéfenseur des libertés, de la démocratieet des valeurs de la République, resterasourd et insensible aux chants - ou plutôtaux éructations - de ces maudites sirènes,et continuera de lutter sans compromiscontre les idées nauséabondes qu'ellesvéhiculent. "Les loups sont rentrés dansParis" chantait Serge Reggiani qui avaitfui l'Italie fasciste. Continuons d'agirensemble pour qu'ils n'y rentrent plus,quelle que soit la couleur de leur parure.

--* Directeur de la publication

La parure des loups

PAR PHILIPPE MEYER*

Cette banalisation de l'extrême droite porte en son sein les germes du pire

NOTRE OPINION

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INFORMATION JUIVE Avril 2011 5

PESSAH

Sortir d'Egypte aujourd'hui

PAR CLAUDE RIVELINE*

morgue du souverain s'est effritée,fracturée, effondrée, et comme il finit parobéir, confessant ses fautes et réclamanthumblement la bénédiction de Moïse.

Je montrerai successivement par quelchemin le développement économiquemoderne provient de l'Egypte antique,comment il a engendré les formesmodernes de l'esclavage, commentl'humanité redécouvre l'existence duDieu de la morale, et le rôle de témoinque le peuple juif d'aujourd'hui joue danscette révélation. Je conclurai sur lesrituels de la fête de Pessah'.

L'EGYPTE DES PHARAONS,MATRICE DE LA MODERNITE

Toute la science grecque, celle de sesfondateurs Thalès et Pythagore, a prisnaissance en Egypte. Les Egyptiensantiques n'étaient pas des philosophes,mais de prodigieux ingénieurs. C'estainsi que l'on date les premièrespyramides de 3000 ans avant l'èrechrétienne, c'est-à-dire mille ans avant

Ce n'est pas de l'Egypte deMoubarak ou de sessuccesseurs que l'on veuttraiter ici, mais del'Egypte dont il estquestion dans la Torah,

au cours de la fête de Pessah' et dans letexte de la Haggada. C'est le mondeoccidental entier qui rappelle l'Egypteantique, ce monde du progrès techniquequi triomphait pendant les TrenteGlorieuses, de 1945 à 1975, puis qui s'estpris à douter de son pouvoir sur la naturequand la croissance est tombée enpanne, et qui aujourd'hui panique sousl'effet des catastrophes économiques,financières, naturelles, politiques quis'abattent avec une fréquence et unegravité croissantes. Ainsi le Pharaon deMoïse, la première fois que le prophèteaccompagné de son frère Aaron vint luiparler, lui répondit avec hauteur : je neconnais pas ce Dieu au nom duquelvous me réclamez l'affranchissement desesclaves hébreux. Alors les plaies ontcommencé à s'abattre, et la Torah nousraconte comment de plaie en plaie la

Abraham, exploit technique que l'on n'apas encore tout à fait comprisaujourd'hui. D'où provenait cettehabileté ? A n'en pas douter, de laparfaite régularité des crues du Nil quipermettait de prévoir avec exactitudequelles terres seraient irriguées etquand, de sorte que le pouvoir politique,assisté de ses techniciens, fut en mesurede créer et distribuer la richesse avecexactitude. Il est frappant de constaterque les enseignements de la Bible etceux des découvertes archéologiquesdes égyptologues convergent vers cetteexplication

Ce fut le rôle des Grecs, grandspenseurs et grands écrivains, de faire lathéorie de ces victoires de l'esprit sur lamatière, et par l'intermédiaire dessavants arabes, de nous transmettre cesméthodes qui aboutissent aujourd'hui àune telle prolifération de recherches quel'on a pu dire que de tous lesscientifiques qui ont vécu sur terre, lesneuf-dixièmes sont toujours vivants.

L'ESCLAVAGE AUJOURD'HUI.

Mais cette victoire a un coût élevé. SiSocrate revenait aujourd'hui sur terre,il serait amusé, peut-être émerveillé,par les moyens d'action dont nousdisposons, mais il ne tarderait pas às'informer des relations que les hommesd'aujourd'hui entretiennent avec leurssemblables. Il apprendrait aveceffarement que les principalessouffrances d'aujourd'hui sont liées auchômage, aux souffrances au travail, àl'exploitation des enfants dans le Tiers-Monde, aux conflits armés liés à desenjeux économiques. Des penseurs dedroite lui expliqueraient que les régimescommunistes avaient inventé le Goulag,mais des penseurs de gauche auraientbeau jeu de lui dépeindre l'horreuréconomique engendrée par lamondialisation. Peut-être entendrait-ilaussi des écologistes, qui luiexpliqueraient que l'activité économiquedétruit la nature et que l'hommeOn date les premières pyramides de 3000 ans avant l'ère chrétienne

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PESSAH

de gauche des temps modernes, n'ontpas jeté le bébé avec l'eau du bain, cettetentation des écologistes. S'ils se sontarrachés au travail de construction desvilles d'approvisionnement, ils ontemporté dans leur fuite les produits lesplus parfaits de la technologieégyptienne, de l'or, de l'argent et desvêtements précieux, et ont utilisé cesmatériaux pour construire le Tabernacle,lieu du dialogue avec l'Eternel. Donc,vive la technique la plus perfectionnéetant qu'elle ne fait pas obstacle aurespect du visage humain.

A cet égard, rien n'est plussignificatif que la première phrase duDécalogue : "Je suis l'Eternel tonDieu, qui t'ai fait sortir du paysd'Egypte, de la maison d'esclavage."Au repas pascal du Seder, il arrivequ'un enfant demande, avec cettepointe d'impertinence que l'on trouve

chez les petits Juifs : " Pourquoi onremercie tellement le Bon Dieu denous avoir sortis d'Egypte ? Après tout,c'est lui qui nous y avait mis ! " Trèsjuste, mais pour accomplir la missionassignée à Abraham d'engendrer unpeuple exemplaire, il fallait bien queces humbles bergers apprennent àmaîtriser la matière, et c'est pour celaqu'ils ont fait leur apprentissageauprès des meilleurs industriels, lesEgyptiens. Mais c'est là qu'ils ontaussi appris que la maîtrise del'économie débouche sur l'esclavage,et c'est pour cela qu'ils en sont sortis.

d'aujourd'hui, armé des victoires de lapensée, est une espèce résolumentnuisible.

Il apprendrait sans doute qu'au dix-neuvième siècle, des savants de bonnevolonté avaient inventé les scienceshumaines, la psychologie pour soignerles angoisses, la sociologie pour jugulerles conflits, et la science économiquepour vaincre la misère, que cesdisciplines avaient engendré desmontagnes de bonnes questions, maistrès peu de bonnes réponses.

Alors il entendrait parler de l'ONU,des ONG, des associations qui se sontmultipliées ces dernières années pourporter secours aux vaincus de la guerreéconomique, et un peu d'espoirrenaîtrait. Il apprendrait que desreligions, considérées naguère commedes survivances des temps obscurs,

proliféraient y compris dans des milieuxparfaitement au fait des conquêtes desLumières, et que ces religions sepréoccupaient des souffrances deshommes et qu'elles avaient pour racinelointaine celle d'un petit peuple, les Juifs,descendants et fidèles héritiers desHébreux qui étaient jadis sortis d'Egypte.

LES JUIFS RESISTENT.

Il est frappant de noter que lesHébreux martyrisés par la tyranniepharaonique, de nature économiquecomme les tyrannies de droite comme

Or, le chemin qui conduit àl'esclavage est multiple, caché, et souscouleur de vertueuse recherche del'efficacité, il s'empare sournoisementde ses victimes. Voyez le malheureuxtourneur de boulons du film " Lestemps modernes ". Il s'est battu pourtrouver cet emploi et le voilà transforméen robot. Cette redoutable emprise dela matière sur la liberté est symboliséepar la recherche du h'amets, cetteméticuleuse toilette des foyers juifs quiprécède la fête de Pessah', à lapoursuite de la moindre parcelle depain ou de levain .Autant les Hébreuxdevaient emporter d'Egypte lesprécieux matériaux dont il a étéquestion ci-dessus, autant ils devaientse débarrasser de toute l'histoire del'oppression, car le pain levé contientdes parcelles de tous les pains levésqui l'ont précédé. Le pain azyme, lamatsah, est un pain sans mémoire, unpain d'homme libre.

LE SEDER, FAIT RELIGIEUXTOTAL.

On sait que la foi juive est composéede trois ingrédients, de la pensée,concentrée dans l'étude de la Torah ;du rituel, concentré dansl'accomplissement des mitsvoth ; etd'affects, concentrés dans la viecommunautaire. A cet égard, le repaspascal des Juifs, le Seder, est unconcentré unique dans l'annéeliturgique de ces trois composants. Letexte de la Haggada est lu et chantéau cours de cette longue soirée, desgestes pittoresques échelonnés selonquinze étapes ponctuent ces lectures,et il est prescrit de partager cesévénements en famille et entre amis.Le héros de la fête est le petit enfant,ce qui est attesté par le fait que lecérémonial est initié par les quatrequestions qu'il pose dès qu'il est en âgede parler.

Ainsi, le rituel aboutit à transformerun petit citoyen du monde moderne ,pourvu des dernières richesses de latechnique qui menacent de le ramenersous le joug égyptien, en un sujetaffranchi, prêt à collaborer avec leCréateur pour faire advenir un mondede justice et d'amour.

---* Claude Riveline est ancien élève

de l'Ecole Polytechnique et professeurà l'Ecole des Mines.

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8 INFORMATION JUIVE Avril 2011

PESSAH

Le livre du Séder UN ENTRETIEN AVEC LE RABBIN JACQUOT GRUNEWALD

Notre ami le rabbin Jacquot Grunewald, journaliste et auteur de plusieurs ouvrages, vient deoublier aux éditions Tsipa Laor (diffusion Lichma) une Hagada traduite de l'hébreu et accompagnéede commentaires : "Le livre du Séder". Il répond ici aux questions d'Information juive.

romaine et celle de Rav qui revientd'Érets-Israël et que la Hagada réunit.

I.J : Pourquoi ces éléments n'apparaissent-ils pas clairement dans la Hagada ?

J.G : Parce qu'après la défaite de BarKokhba en 135 et la terriblerépression de l'empereurHadrien, les rabbins vontcanaliser la révolte juivesous forme d'une résistancespirituelle. L'autocensurejuive et la censure dans lespays de l'exil feront le reste.

I.J : Alors votre Hagada est unlivre d'Histoire ?

J.G : Absolument pas. Lesproblèmes de guerre et depaix, de résistance et deconciliation sont d'uneactualité criante. Et si, bien

évidemment, pas un mot de la Hagadade nos grands parents n'est changé, on

ne peut plus, comme je le dis dans lapréface, lire la Hagada seulement commeon le faisait hier. Le retour de lasouveraineté juive sur la terre ancestrale,la Shoah, l'émergence de la Kabbale, le

Pourquoi une Hagada nouvelle? Pourquoiune traduction nouvelle alors qu'il en existede très bonnes ?

Jacquot Grunewald : La traduction estlinéaire, elle permet de lire d'un seul coupd'œil l'hébreu et le français. Elle se veutaussi proche que possiblede l'original. Il fallait doncqu'elle soit nouvelle.L'hébreu comporte aussides difficultés: matraduction indique lessources qui la justifient. Ilm'arrive également deproposer l'une ou l'autreformule mieux adaptée. Parexemple : "Outretemps"pour le'olam que l'on rendgénéralement par "àjamais", sans que l'on tiennecompte ni de l'étymologiehébraïque ni de l'associationd'idées trompeuses que suggère lefrançais. Et puis la thèse que cetteHagada soutient exige parfois l'une oul'autre inclinaison.

I.J : Quelle est cette thèse ? J.G : Les premiers éléments de la

Hagada, c'est-à-dire les formules et lestextes que l'on disait en accompagnantle repas ou la veillée pascale, se sontagrégés, toujours sous forme orale, autemps de l'occupation romaine deJérusalem et de la Palestine. En évoquantla libération de leurs ancêtres d'Egypte,les Judéens pensaient à leur libération,celle de l'occupation romaine. Certainsdes textes qui ont alors été introduits,d'abord à Jérusalem où seul avait lieu lerepas pascal, puis ailleurs en Judée et enGalilée, visaient le Romain sous couvertdu Pharaon, sans porter atteinte, pourautant, au drame de nos ancêtres enEgypte et à la signification de la Sortied'Egypte. De là aussi, la différence desversions de Shemouel en Babylonie oùl'on ne souffrait pas de l'occupation

féminisme, les orientations de lachrétienté -née d'un lointain Séder- etcelles de l'islam -face à ses extrémistes-le regard du monde sur Israël et celuid'Israël sur le monde, impriment denouveaux accents aux mélodies duSéder. Et je n'ai garde, bien sûr, d'oublierqu'au Séder, l'enfant est roi: la nuit dePessah est celle du dialogue desgénérations.

I.J : Votre version est-elle sefarade ouashkénaze ?

J.G : Le recours à la quadrichromiepermet de réunir l'une et l'autre. Lesdifférences sont d'ailleurs mineures.Chacun, autour d'une même table, peutainsi célébrer le Séder selon sa traditiontout en faisant connaissance de celle deson voisin. J'ajoute que le commentaireest à deux niveaux: de courtes phrasesassistent le lecteur pour lier l'un à l'autreles passages du Séder alors que d'autrescommentaires proposent d'autres

réflexions. Les premières pages du"Livre du Séder" évoquent l'universalitéde la Sortie d'Egypte mais aussi, ce quePessah veut dire, dans la préparationfamiliale de la fête.

La nuit de Pessah est celle du dialogue des générations.

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INFORMATION JUIVE Avril 2011 9

Il était une fois le judaïsme

PAR ARMAND ABÉCASSIS

l'influence du christianisme ou de l'islam,dont les fondateurs n'ont jamais cachéqu'ils se situaient dans le prolongementde son message. Nous nous abreuvonsà la source juive au moins autant qu'à lagrecque dont on oublie d'ailleurs tropsouvent ce qu'elle doit elle-même àl'apport du judaïsme : plusieurscommunautés juives florissantes étaientinstallées dans les cités grecquesimportantes.

Cette seule raison suffirait à justifierque chacun, croyant ou non, s'intéresseau judaïsme. Mais à ce motif s'enajoutent bien d'autres. Nous avons tousà apprendre du message spirituel et desœuvres que les grandes religionsportent, même si nous n'y croyons pas :elles sont dépositaires d'un fond desagesse des civilisations et, en donnant

les clés d'autres visions du monde, ellesnous aident à décentrer notre point devue, à élargir notre pensée, donc à entrerdans une relation plus constructive etpacifique avec autrui. En outre, lejudaïsme n'a pas seulement préfigurénos idées morales, il a puissammentinfluencé notre histoire, en imprimantnotamment de son empreinte

La civilisation dans laquellenous vivons aujourd'huiplonge une part essentiellede ses racines dans lejudaïsme : que l'onprofesse l'athéisme le plus

radical ou qu'on adhère à l'une ou l'autredes grandes religions monothéistes, ilirrigue, souvent à notre insu, nosconceptions et nos représentations.Apprendre à le connaître, c'est nousdonner les moyens de nous mieuxcomprendre et, en ce sens, d'être plusclairvoyants et libres dans nos choix.L'ignorer serait nous méconnaître, avectous les errements que cela peutentraîner.

Les valeurs les plus fondamentalesdont se réclament nos sociétés laïqueset démocratiques ne sont, à bien deségards, que les valeurs bibliques"sécularisées" : on y retrouve lesexigences de justice, d'égalité, d'aide etde partage, de fraternité, de liberté tellesque la religion juive avait su les formuleren les équilibrant dans une visiond'ensemble simple et cohérente. Certes,nous les fondons désormais sur l'idée deliberté humaine et non plus sur larévélation divine, renversement deperspective qui change, à certainségards au moins, radicalement la donne:reste que la matrice de nos conceptionsmorales et de nos plus hautes aspirationsremonte à la tradition hébraïque, qu'ellese soit transmise directement à traversles communautés juives présentes en denombreux pays ou, indirectement, via

l'Humanisme, les Lumières et, plusencore, la culture contemporaine. Onpeut moins que jamais s'en désintéresseraprès la tragédie de la Shoah dontl'horreur a bouleversé notre civilisationjusque dans ses fondements.Aujourd'hui, c'est aussi le long et terribleconflit du Moyen-Orient, avec les effetsqu'il induit dans la plupart des pays dumonde, qui requiert l'attention de tous.

LLee lleeggss uunniivveerrsseell ddee llaa ttrraaddiittiioonn jjuuiivvee

Dans le monde païen, l'apport le plusévident du judaïsme fut le monothéisme,qui eut pour conséquence directe, etradicalement novatrice, la sécularisationde l'univers. Il peut paraître paradoxalque la concentration de tous les pouvoirsdivins en une seule entité débouche sur

un "désenchantement du monde" avantla lettre : mais le paradoxe n'estqu'apparent. Dès lors, en effet, que leDieu unique, universel, tout puissant dela Bible est absolument transcendant,inconnaissable, irreprésentable, il estau-delà de tous les êtres de l'univers qui,par conséquent, et contrairement à ceque croyaient les religions polythéistes,

Le judaïsme n'a pas seulement préfiguré nos idéesmorales, il a puissamment influencé notre histoire, enimprimant notamment de son empreinte l'Humanisme,

les Lumières et, plus encore, la culturecontemporaine.

Notre ami Armand Abécassis est professeur émérite dephilosophie générale et comparée à l'université Michelde Montaigne à Bordeaux. On lui doit nombred'ouvrages tous consacrés à l'histoire du judaïsme et àla pensée juive. Il publie ces jours-ci sous le titre " Ilétait une fois le judaïsme ", une véritable histoire des

juifs des origines à nos jours.Avec l'autorisation de l'auteur et desPresses de la Renaissance, nous avonschoisi de publier ici, en bonnes feuilles,l'introduction que M.Abécassis donneà son livre.

BONNES FEUILLES

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10 INFORMATION JUIVE Avril 2011

BONNES FEUILLES

on l'a vu, n'en affirme pas moins savocation universelle. D'abord liée à unenation et à un territoire, elle s'est ensuiteappuyée sur la tradition du Livre alorsque les Juifs, privés d'une terre qui soitleur, vivaient dans des pays où ils étaientminoritaires. Aujourd'hui, la diasporajuive prolonge ce mouvement, selon unlarge éventail de pratiques qui vont dela plus stricte observance des rites etcoutumes à l'assimilation aux modes devie locaux, tandis que les Israéliensrenouent avec l'idée originelle d'unpeuple juif témoignant pour tous lespeuples de ses valeurs à traversl'inspiration spirituelle qu'il a l'ambitiond'insuffler à la construction de son proprepays.

De ce point de vue, il estindispensable d'avoir à l'esprit lerenversement qui s'opère dans latradition juive à partir de l'Exil : le Livreprend la place du territoire,l'interprétation argumentée supplante

cas, se considèrent et se revendiquent"juifs". Comme si "la judéité" demeuraitprésente et active même quand elle avaitperdu jusqu'à la mémoire de la Torah,un peu à la façon de la culture dontEdouard Herriot disait plaisamment quec'était "ce qui restait quand on avait toutoublié" ! Signe de la puissanced'adaptation de la culture juive, apte auxtransformations les plus inattenduespour se combiner aux cultures danslesquelles elle est amenée à sedévelopper ? Problème difficile etpassionnant sur lequel nous aurons àrevenir.

DDee ll''hhéébbrraaïïssmmee aauu jjuuddaaïïssmmee

Face aux bouleversements si souventtragiques qui ont scandé leur histoire,les Juifs ont été obligés de repenser sanscesse leur tradition dans le respectscrupuleux des textes fondateurs.

Attachée à un peuple, la religion juive,

la vision prophétique, l'articulation entrela vie "laïque" et la dimension religieusedevient une question centrale.

Il faut donc distinguer la sociétéhébraïque de la société juive. La sociétéhébraïque - l'histoire des Hébreux -s'étend sur plusieurs siècles, de 1600avant l'ère courante à la destruction duTemple par Nabuchodonosor en 586 avant l'ère courante. Elle a produitla Torah. Elle a été gouvernée par des rois ; elle était organisée religieusementautour du Temple et des Prêtres, et lesprophètes y avaient la fonction decritique des deux pouvoirs politiques etreligieux mais aussi de garants du projetdivin pour leur peuple. Quand Cyrus leGrand, devenu maître de la Babylonie,permit aux Judéens exilés de rentrerchez eux et de reconstruire le Temple àla fin du VIe siècle avant l'ère courante,l'expérience de l'exil et la découverte dela civilisation babylonienne poussèrentles déportés à reconsidérer leursprincipes et leurs conduites : c'est alorsque le judaïsme se constitua et succédaà l'hébraïsme.

La société juive était bien sur la Terrepromise, mais occupée par les Perses,puis par les Grecs, puis par les Romains.Les rabbins remplacèrent alors lesProphètes dont ils furent réduits àinterpréter les écrits. Quand, en 70 del'ère courante, le second Temple futdétruit, et le territoire perdu, ilsrédigèrent le Talmud qui devint lecomplément indispensable de la Torahpour les Juifs. Celui-ci conserve lesréponses qu'ils donnèrent à leurnouvelle situation. Ils furent en chargede communautés éparpillées de par lemonde, sans terre, sans roi et sansTemple.

Quand on étudie la religion desHébreux, on se réfère à la Torah, mais,quand on parle des Juifs, on doit donnertoute son importance au Talmud, qui,certes fidèle à la Torah, l'interprètecependant en fonction de la situationnouvelle. Il faut donc distinguer deuxmodèles de la religion juive, l'un relevantde l'hébraïsme, l'autre s'incarnant dansle judaïsme.

(Copyright Presses de la Renaissance)

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aux autres cultures dans le momentmême où elle se soucie de préserver etfaire vivre sa propre spécificité. Ledialogue, pour elle, ne prend sens etvaleur que si chaque culture conserveson identité : ce qui est fécond, c'est lacapacité d'intégrer la vision des autresà la sienne sans se renier. Cela suppose

un effort constant d'évolution etd'adaptation, qui se garde néanmoinsde toute tentation syncrétique.L'ouverture ne doit pas conduire à unesorte de confusion qui ne laisserait plusplace à des traditions différentes, où l'onse dispenserait de reconnaître chacundans son originalité.

C'est pourquoi le judaïsme considèreque les Juifs ont à porter leur projetéthique et spirituel non seulement entant que personnes mais, chaque foisque possible, en tant que peuple. Cefaisant, ils ne doivent pas chercher àfaire du prosélytisme, à "convertir" lesautres (ce qui serait manquer au respectdû à la diversité des cultures) mais àdonner l'exemple d'une vie individuelle

ne peuvent jamais être ni devenir divins.Comme le rappelle le premier chapitrede la Torah, les végétaux, les animaux,les hommes, les astres, les forces de lanature n'appartiennent pas à l'ordre dela divinité et, pour cette raison, nedoivent pas être adorés. Rien dans lanature n'est divin, l'homme y compris.On ne saurait trop soulignerl'extraordinaire révolution que représentecette première "laïcisation" de la nature : elle acquiert ainsi, et les sociétéshumaines avec elles, une véritableautonomie par rapport au Créateur.

L'autre rupture majeure introduite parle judaïsme réside dans l'affirmation quel'homme fut créé à l'image de Dieu etnon formé, comme le pensaient lesBabyloniens, à partir du sang d'un angedéchu. Point essentiel : c'est l'homme engénéral qui est à l'image de Dieu, et passeulement le Juif, ni le croyant, ni le"civilisé" ou celui qui croit pouvoir seproclamer tel.

Sur cette base, le judaïsme a étéamené à développer les fondementsmétaphysiques du respect de ladifférence et de l'altérité : chaque groupehumain, chaque culture, chaque hommedoivent être appréciés comme autant demanifestations de la richesse despotentialités humaines. De là,l'originalité de la culture juive, si ouverte

et collective fondée sur l'éthique et lesens de la transcendance. Jusqu'à lafondation d'Israël, en 1948, ils ont ainsimontré leur capacité à préserver lacontinuité de leur tradition tout entémoignant de la valeur qu'ilsaccordaient aux cultures au seindesquelles ils vivaient, à telle enseigne

qu'ils étaient souvent tentés de s'yassimiler. La création de l'Etat d'Israël aredonné corps, au moins à titre d'idéal,au projet biblique : être un peuplecapable de témoigner devant les autrespeuples que le politique, l'économiqueet le social peuvent être fondés sur lamorale portée par une aspirationspirituelle.

QQuu''eesstt--ccee ""qquu''êêttrree jjuuiiff"" ??

Par leur diversité même, les traitsincroyablement changeants qui ontcaractérisé la manière dont les Juifs onteu à vivre leur "condition" selon lesépoques ou les lieux expliquent, aumoins en partie, qu'il n'y ait aucunedéfinition simple de la judéité qui fasseconsensus. Au point que cette énigmeest au cœur de "la question juive". D'oùla distinction moderne entre le"judaïsme", qui désigne une religion, etla "judéité", qui renvoie au faitd'appartenir au peuple juif ou d'avoirdes parents, voire des ascendants juifs.Ces deux termes recoupent le parallèleentre religion et laïcité. Reste à savoirce que signifie la "judéité" d'un Juifathée, français ou anglais par exemple,surtout si ses parents, eux-mêmesathées, ne l'ont pas élevé dans latradition juive. Depuis l'Exil, les Juifsont les origines ethniques les plusvariées et ne constituent pas unepopulation biologiquement homogène,encore moins une "race", en quelquesens qu'on entende le mot, à supposerqu'il en ait un. Ils n'ont pas tous la mêmehistoire, loin de là. Et pourtant denombreux Juifs athées, qui sont dans ce

BONNES FEUILLES

Reste à savoir ce que signifie la " judéité " d'un Juifathée, français ou anglais par exemple, surtout si ses

parents, eux-mêmes athées, ne l'ont pas élevé dans latradition juive.

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REPÈRES

4 millions de noms à Yad Vachem

Au cours des dix dernières années, nous avonsréussi à ajouter environ 1,5 million de noms devictimes dans notre base de données", a déclaréle président de Yad Vashem à Jérusalem, AvnerShalev, dans un communiqué annonçant quela base de données dépassait désormais lesquatre millions de noms.

"Les Allemands ont cherché non seulement àdétruire les juifs, mais aussi à effacer toutsouvenir d'eux", a-t-il ajouté. Il a par ailleursrappelé que l'une des missions essentielles deYad Vashem était de "retrouver le nom etl'histoire personnelle de chaque victime".

Cela "nous a conduits à un travail sans relâchepour rendre un nom et une identité à autant quepossible des six millions de juifs assassinés parles nazis et leurs complices", a-t-il ajouté.

Sur les quatre millions de noms retrouvés,environ 2,2 millions ont été fournis par desproches ou des amis des victimes. Les autresproviennent des archives et du travail deshistoriens.

A Yad Vachem, on continuera d'enquêter sur l'identitédes deux millions de victimes restées anonymes etprincipalement celles tuées en Europe de l'Est, dansl'ancienne URSS et en Grèce.

Vie juive en Iran

"Trois mille ans de vie juive en Iran" : c'est le titre del'exposition ouverte depuis le 31 décembre à BethHatfousoth à Tel Aviv.

Cela fait trente ans qu'aucun Israélien n'a pu mettre lespieds en Iran. Mais il ne faut pas oublier qu'il y eut despériodes où les deux pays furent proches sur bien desplans. Il y eut même une école israélienne à Téhérandestinée aux enfants des diplomates israéliens. Leresponsable de cette exposition Haggaï Segev indiqueque le judaïsme d'Iran est une des plus anciennes cultures

juives en diaspora. Nous possédons des documents écritsen hébreu 570 ans avant l'ère chrétienne et qui témoignentd'une présence juive dans le pays.

Un des documents les plus précieux de l'exposition estla copie du manifeste de Cyrus qui constitue la premièredéclaration des droits de l'homme (l'original se trouve auMusée britannique). Cyrus autorisait les juifs à rentrerdans leur pays et à y construire le deuxième temple.

Segev insiste sur l'importance de la culture des juifsperses telle qu'elle s'est manifestée durant des siècles :"Les juifs otn exercé une grande influence sur la musiqueet sur la littérature du pays"

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REPÈRES

Le manuscrit de la Hatikva

En 1886 a paru à Jérusalem le premier recueil de poèmes de Naftali Inbar, celui qui a composé les paroles dela Hatikva, l'hymne israélien Inbar avait composé ce texte en 1878 alors qu'il était âgé de 23 ans. Plus tard, cetexte servit de base à l'hymne du mouvement sioniste puis à celui de l'Etat d'Israël. C'est à cette époque qu'on luidonna le nom de Hatikva.

Entre temps, il dut subir une très légère modification. Le Congrès sioniste décida - dans le but de renforcer lanostalgie des juifs pour Jérusalem - de transformer le dernier vers en citant explicitement la ville de Jérusalem.

C'est en 1933 que la Hatikva fut déclarée hymne officiel du sionisme.Dans le nouveau monument de la bibliothèque nationale de Jérusalem, le texte d'Inbar figure parmi les 70.000

manuscrits précieux que le public peut désormais admirer. On trouve parmi ces manuscrits des textes célèbres retrouvés dans des pays de diaspora.Ainsi ( voir la photo en bas à droite ) le livre " La couronne de Damas", un livre consacré à la Torah , aux prophètes

et aux hagiographes qui a été écrit en Espagne en 1260. Son auteur est Menahem fils d'Abraham ben Malek quivivait à Burgos, en Castille. Ce manuscrit fut retrouvé à la synagogue de Damas d'où il fut volé en 1940 . C'est en1962 que la Bibliothèque nationale d'Israël en fit l'acquisition.

Dans la photo de gauche un des rares manuscrits que le grand écrivain israélien Chmouël Yossef Agnon, prixNobel de littérature , réussit à sauvegarder des différents incendies qui ont ravagé sa maison notamment celui de

1924 alors qu'il habitait à Hambourg en Allemagne.

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La nouvelle donne du commerce franco-israélien

UN ENTRETIEN AVEC NICOLE GUEDJ*

Information juive : Il y a quelques jours,vous avez tenu, à l'OCDE, une grande conférencesur les relations commerciales entre la France etIsraël. Quel en était le but ?

Nicole Guedj : La fondation France-Israël, créée en 2005 sur l'impulsion duprésident de la République Jacques Chiracet du Premier ministre israélien Ariel Sharon,a pour vocation d'établir des liens, de jeterdes ponts et de faire vivre l'amitié entre lespeuples français et israélien. En marge dela politique ou de la diplomatie, notrefondation veut donner une chance auxFrançais et aux Israéliens, particulièrementaux jeunes générations, de construire unepart de leur avenir ensemble. Apres avoiragi sur le champ de la culture, de la mémoire(avec le voyage des 20 petits-enfantsfrançais de justes parmi les nations) de lascience et de la technologie, nous avonsrécemment abordé le champ économique.

C'est à l'OCDE, dont Israël fait désormaispartie, que nous avons choisi de réunir 350chefs d'entreprises français et israéliens, enprésence du Secrétaire général de l'OCDE

et du ministre français de l'économie, desfinances et de l'industrie Mme ChristineLagarde. Ce fut notamment l'occasion dedonner le coup d'envoi de notre nouveauréseau social Isralink et de faire connaître,par la voix de Christine Lagarde, l'ambitiondu gouvernement français, de faire desrelations économiques entre la France etIsraël un enjeu concret. Les propos de notreministre des finances à cet égard, ont étéélogieux pour Israël, optimistes sur ledéveloppement économique, prometteurssur les investissements des deux Etats.Shimon Peres a dit à la tribune des NationsUnies "qu'Israël est le produit d'un étatd'esprit pionnier".

I.J : Comment définiriez-vous l'état de cesrelations aujourd'hui entre les deux pays ?

N.G : De part et d'autre, une volonté existemais elle est loin de se concrétiser à hauteurdes espérances des chefs d'entreprisesfrançais et israéliens. Il faut donc donner denouvelles impulsions, des encouragements,pour traduire cette volonté en actes et dans

le commerce. Les grandes entreprisesinternationales ne s'y sont pas trompées.C'est sur les routes israéliennes que lespremières voitures électriques conçuespar Renault-Nissan et Better Placecirculeront dans les prochains mois. Desgéants américains ont également saisil'opportunité israélienne : IBM, Intel,Microsoft, HP ou encore Google. EnFrance ce sont Alcatel-Lucent et Orange-France Télécom qui misent sur lescompétences des Israéliens. L'Oréal y adéjà installé son siège Moyen-Orientalavec plus de mille salariés et un chiffred'affaire annuel de 110 millions dedollars !

I.J : Que proposer-vous de faire pour développerces relations ?

N.G : Pour aller plus loin, il nous estapparu utile de faciliter la mise en relationentre les chefs d'entreprises français etisraéliens par la mise en ligne d'Isralink, e-carrefour d'affaires franco-israélien. Ceréseau social d'entreprises est inédit, gratuitet facile d'utilisation. Avec ISRALINK,chaque entreprise peut créer sa fiche enprésentant son activité professionnelle(secteur d'activité, zone géographique,réalisations, chiffre d'affaire, masse salariale.),constituer son réseau d'entreprises (accédergratuitement à un annuaire professionnelfranco-israélien), entrer en contactdirectement en envoyant des messages auxmembres d'ISRALINK via son inbox,partager ses actualités (relayer sesinformations, ses photos, ses vidéos auprèsde son réseau) . Les utilisateurs peuventégalement préparer leur mission à l'étrangeren consultant un guide adapté aux attentes des chefs d'entreprises (transport,hébergement, business center, interprètes.).

I.J : Est-ce que le blocage politique d'unesolution au Proche-Orient ne pèse pas sur ledéveloppement de ces relations ?

N.G : On ne peut pas exclure une formede frilosité liée pour partie à la peur durisque de s'engager durablement dans unerégion en proie au conflit que nousconnaissons. On ne peut hélas pas exclurenon plus le boycott de certains… même sije doute qu'il ait une réelle influence. Unechose est sûre : il nous appartient de mieuxfaire connaître le génie de ce petit pays etde ses habitants qui peuvent donnernaissance à de grandes aventures.

Propos recueillis par Jessica Toledano

--*Présidente de la Fondation France -Israëlet ancienne ministreSuivez l'actualité de la Fondation FranceIsraël sur : www.fondationfranceisrael.org

Nicole Guedj

350 chefs d'entreprises français et israéliens réunis à l'OCDE

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De Fukushima à Dimona…

tsunami dans sa terrible cavalcade.Ce qui s'est passé au Japon marquela limite des prétentions de l'hommede dominer et d'exploiter la nature.Désormais, la virtualité se glissederrière la réalité, la nature estsollicitée de toutes parts par desinterventions intempestives, lesmaladies dégénératives, sans cessenouvelles, guettent l'allongement dela durée de vie, les protectionssociales sont en train de craquer.

Ce qui s'est passé au Japon n'est niun accident ni une série d'accidents,mais un phénomène naturel ou si l'oninsiste contre-naturel. Une réactionde la nature que les humains ne sontplus en mesure de contenir pour lasimple raison que leur domination decelle-ci se retourne contre eux engénérant des réactions de plus en plusimprévisibles et incontrôlables. On nepeut empêcher les plaques architec-toniques de se déplacer ou arrêter un

L'homme ne détient plus les rênes deson destin, c'est la science qui ledétermine et celle-ci, livrée à salogique, se révèle de plus en plusdévastatrice. Les catastrophesnaturelles ne sont aussi sensation-nelles que parce qu'elles seproduisent sous les caméras. Lesvictimes ne sont aussi nombreusesque parce que les villes sontgigantesques, que les côtes sontsurpeuplées et que les villages sont

Aux lendemains de l'accident nucléaire au Japon et de lacatastrophe du Fukushima, de nombreux milieuxpolitiques et écologistes à Tel Aviv ont posé la questionde savoir si une catastrophe similaire pouvait frapper l'Etatd'Israël. Les antinucléaires du pays, en particulier, ont, encette occasion, posé la question de la sécurité du réacteurde Dimona, situé dans le désert du Néguev. De mêmeont-ils remis en cause le consensus officiel concernantla construction d'une centrale nucléaire civile.Les grands journaux internationaux observent que,désormais, le débat sur l'avenir de l'atome n'est plus tabou.Les experts notent que les conditions naturelles entre leJapon et Israël n'ont rien de commun. Depuis 1927 (voirencadré), Israël n'a pas subi de tremblement de terremajeur.Le gouvernement de M.Netanyahou a annoncé à cetteoccasion la mise en place d'un dispositif permettantd'alerter la population de l'imminence d'un séisme. Lepremier ministre a ajouté qu'Israël av reconsidérer sadécision de construire une centrale civile pour produirede l'électricité.Les quotidiens israéliens organisent des débats entre lesexperts autour de questions telles que : est-ce que lacentrale nucléaire destinée à produire de l'électricité estla seule solution pour Israël ? Israël doit-il tirer des leçonsde ce qui vient de se passer au Japon ? Dans quellemesure les centrales d'aujourd'hui sont-elles plus sûresque celles qui ont été construites par le passé.

Le quotidien de Tel Aviv Maariv (18 mars 2011) a envoyéun de ses reporters interroger les habitants de la ville deDimona, dans le sud du pays, à quelques kilomètres dela centrale israélienne.Le journal rappelle que la ville a été fondée - en mêmetemps que la centrale voisine - en septembre 1955 par 36familles d'immigrants tous venus d'Afrique du Nord. " Ilsn'avaient pas le choix. écrit le journal. Personne ne leura demandé leur avis. Ils ignoraient tout de la situation etde plus, ils n'avaient pas la possibilité de décider ".

56 ans ont passé depuis. La ville compte aujourd'hui40.000 habitants dont quelques centaines travaillent à laCentrale. Certains d'entre eux sont morts jeunes. La justicea reconnu plus tard que les radiations étaient responsablesde leurs décès.

Une nuée d'apocalypse PAR AMI BOUGANIM

Réacteurs nucléaires de Fukushima

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de civilisation dont elle est uncorollaire. La croissance à tout prixcreuse la tombe où l'humanité risquede se précipiter et à moins que celle-ci ne régule sa croissance, la natures'en chargera. D'une manière ou d'uneautre.

Une éthique écologiqueOn a été davantage bouleversé par

l'impuissance générale devant cettecavalcade de catastrophes que par lenombre des victimes, somme toutelimité comparé aux précédentstsunamis. On ne pouvait rien contre

le tsunami ; on ne pourra rien contrelui dans l'avenir. On était désarmédevant la menace nucléaire ; oncontinuera de l'être. Pour desdécennies si la nature accorde ce délaià l'humanité pour se ressaisir,reconsidérer sa domination et sonexploitation de la nature et luipermette de se donner une éthiqueécologique qui, contrairement auxpositions des membres des comitésd'éthique, ne sera pas la même quecelle, aristotélicienne et kantiennesurtout, qui domine le débat éthiquesinon sa pratique. Il n'est passeulement question de se multiplieret de conquérir la terre (Genèse, 1,

de petites villes. Désormais, lescatastrophes dites naturelles secompliquent d'écroulements de tours,de déraillements de train, d'incendiesd'usines pétrochimiques etd'explosions dans des centralesnucléaires.

Dans ce qui s'est passé au Japon,c'est encore et surtout toute la visionde l'économie qui privilégie lacroissance à tout prix qui est remiseen question. C'est la croissance quel'on doit incriminer. Dans tous lesdomaines. La démographie.

L'économie. La nanotechnologie. Onne peut continuer de préconiser lacroissance pour satisfaire les besoinsd'une population sans cessegrandissante. Or la croissance est lanotion économique la plus sacro-sainte. Elle se rencontre dans lesdoctrines communistes autant quelibérales. On ne recule devant rienpour assurer une croissance positive.Ni devant l'exploitation des ressourcesnaturelles ni devant la mise en placede sources d'énergie à grands risquesde pollution ou de destruction. Malgréles menaces et les dangersécologiques ; malgré les lourds tributsen victimes ; malgré les catastrophesqu'on contrôle de moins en moins. Ilne s'est pas encore trouvé un dirigeantpour déclarer : "Plutôt ralentir lacroissance que courir à lacatastrophe." On ne saurait, il est vrai,préconiser une croissance négativesans entrer dans un processus derécession qui compromettrait lesacquis des sociétés où prévalent desprotections sociales. Les retraitésseraient dans la rue, les travailleurs,les gâtés par la croissance. Le Japon,troisième puissance économiquemondiale, a été le chantier d'undésastre et ce désastre a été provoquépar un déraillement de la logiquecivilisationnelle occidentale qui aconquis les esprits sinon le monde. Leplus désolant était le désarroi descommentateurs. On s'est arrêté aunucléaire, on n'a pas remis enquestion la logique économique quile réclame et derrière elle, le modèle

28), mais d'en préserver autant quepossible les charmes paradisiaques(Genèse 2, 15). L'homme n'est chargéde dominer la nature que pour laprotéger et se perpétuer. Or il ne seperpétuera pas sans la préserver etsans réguler sa maîtrise et sonexploitation.

Un avant-goûtPour un moment - des journées

interminables - on a eu comme unavant-goût de ce que pouvait être uneapocalypse. On n'échappe pas autremblement de terre qu'on succombeau tsunami ; on n'échappe pas autsunami qu'on s'expose à desradiations nucléaires ; on n'évacuepas des zones irradiées qu'on netrouve ni eau ni lait à consommer. Onne peut rien ; on tente tout. On résistepeut-être, on lutte peut-être, maisavec le sentiment que l'on devras'incliner. On ne peut continuer de selivrer sans distinction à la logique dela recherche et de la découverte sansse perdre. On comprend de moins enmoins le monde à mesure que lascience progresse et qu'elle meublenotre univers de toutes sortes deprothèses, à l'instar du portable, quicréent elles-mêmes leur besoin. Nousne connaissons pas à proprementparler les instruments desquels nousdépendons davantage que nous neles maîtrisons. Nous ne comprenonspas à proprement parler ni la théoriede la relativité ni celle du Big Bang.On ne cherche plus à comprendre ;

C'est un trait de l'histoire juive, partagée entre le sensde l'apocalypse et le sens de la rédemption.

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on ne s'entend qu'à l'autre. Israël - jene cesserai de le répéter - n'est pas unEtat comme les autres et c'est ce quifait son charme et son malheur, lui

donne sa pugnacité et sa précarité, lesort de l'Histoire telle que l'onsouhaiterait tant le voir s'y inscrire.

En Israël, on considère le nucléaired'abord et avant tout comme arme dedissuasion et ce n'est pas par hasardque dans les jours incertains de laguerre de Kippour, en octobre 1973,on envisagea de recourir à "l'armeextrême". Sa possession recouvre unemenace de représailles destinée àparer aux menaces de destructiond'Israël et d'extermination de sapopulation. Elle garantirait uneprotection irraisonnée contre unemenace irraisonnée dans uneambiance hantée par la Shoah. Lerecours à l'arme nucléaire participerait

de l'esprit de Samson davantage quede l'esprit de Massada : "Que je meureavec les Philistins" (Juges 16, 30). Lesilence sur le nucléaire s'inscrit danscette ambiance. Le nucléaire estd'abord une arme et ensuite unesource d'énergie. On ne peut débattreouvertement de ces questions sans

on s'en remet aveuglément à unescience qui technologiseprogressivement notre vie.

Situé du nord au sud sur la faillesyro-africaine, Israël est une zonesismique et un tremblement de terren'est qu'une question de temps. On sepréparerait au pire pour parler dedizaines de milliers de victimes. Maisdans ce domaine comme dans nombred'autres, Israël serait obnubilé par soncaractère miraculeux au point demiser sur le miracle pour le soutirer àla menace sismique ou à la menacegéostratégique. Ce n'est pas nouveau; c'est un trait de l'histoire juive,partagée entre le sens de l'apocalypseet le sens de la rédemption. Bien sûr,on se prépare ; bien sûr, on consolideautant que possible les bâtisses lesplus vulnérables ; bien sûr, nombre decommissions planchent sur les piresscenarii. Mais en Israël, on n'estjamais prêt aux scénarii qui débordentla bonne voie messianique surlaquelle on est engagé et que rien, pasmême une catastrophe qui laisseraittoujours la place à des poches de

miracles, ne viendrait nous endétourner. Israël est une créationquasi-messianique, pour le meilleuret pour le pire. Ses dirigeants, les laïcsautant que les religieux, nes'entendent qu'à une politique où semêlent inextricablement l'apocalypseet la rédemption. On redoute l'une ;

s'aliéner la censure militaire et l'on nepeut débatte du nucléaire sansprendre en considération le nucléairemilitaire. Sinon, le nucléaire civil - on

envisageait jusqu'à ces dernièressemaines l'installation d'une centraleà Shivta - convainc d'autant moinsque le territoire est trop exigu pourne pas exposer l'ensemble de lapopulation à des radiations en casd'accident ou de bombardement de lacentrale : on ne voit pas Israëlévacuer l'ensemble de sa population.Bien sûr, les sirènes du nucléaire sonttelles qu'Israël finira par succomberà leurs séductions. Pour diversifier sessources d'énergie, pour faire partie duclub des Etats qui misent sur l'énergienucléaire. Bien sûr, on ne parle demiser que sur des centrales qui neprésenteraient pas de risques. Lenucléaire civil, en Israël davantagequ'au Japon, constitue une menacequi risque de se retourner contre ceuxqui le préconiseraient. Malheureu-sement, le nucléaire n'est pas unevulgaire source d'énergie que l'onpeut exploiter ou écarter. Il pointe uneère que nul, je le crains, ne pourraarrêter dans le processus irréversiblede la croissance dans lequel le mondeest engagé. Pour le pire davantageque pour le meilleur.

Mais on dit que les ressources degaz découvertes au large des côtesisraéliennes pourraient couvrir lesbesoins en énergie d'Israël pour unsiècle.

En Israël, on considère le nucléaire d'abord et avanttout comme arme de dissuasion

On dit que les ressources de gaz découvertes au largedes côtes israéliennes pourraient couvrir les besoins

en énergie d'Israël pour un siècle.

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18 INFORMATION JUIVE Avril 2011

ISRAËL

"Au confluent de la nature et de la culture"

PAR BERTRAND DELANOË

génie de Jérusalem. Il part à larecherche de l'aqueduc de Salomon ;il suit, pour finalement les précéder,les traces des grands voyageurs du19ème siècle ; il décèle lesV

oici un livre quimanquait. À traversune étude extraordi-nairement minutieuse,savante, documentée,Vincent Lemire

ouvre de nouvelles fenêtres surl'histoire d'une ville qui, à forced'être trop connue, a fini parêtre, à tant d'égards, méconnue.Et, au fil de ces pages où serejoignent au plus haut degréles vertus exigeantes del'érudition et un rare sens de lasynthèse, le lecteur se confronteà l'Histoire dans ce qu'elle a deplus fondamental, au confluentde la nature et de la culture.

Jérusalem, c'est d'abord unesource, au sens le plus littéral.C'est, à l'ombre du sacré, unemontagne aux pieds de laquellejaillit l'eau. Et en retrouvantcette source descommencements, l'auteur nousconvie à retracer et àcomprendre les tours et lesdétours d'une ligne de crête etde partage des eaux, oùs'exprime d'une façonirremplaçable et singulière le

permanences qui courent,imperturbables, sous lessouverainetés successives, ottomaneou britannique. Et, en contrepoint decette somme de science, c'est

l'universalité de l'eau qui apparaît,c'est-à-dire sa capacité de relier,par de secrètes convergences, nonseulement des peuples entre eux,mais le mythe à la réalité, etl'histoire à la géographie.

Mais l'eau, c'est aussi la clef detant de conflits, non pas en germe,comme on le dit trop souvent,mais passés, et non passurmontés, mais inscrits dans latrame et dans la conscience despeuples. L'histoire des guerres quiont, en un siècle, déchiré tant defois ce petit morceau de terre, c'estaussi à la lumière du combat vitalpour l'eau qu'il faut les lire. L'eauest, décidément, une arme et,pour cette raison comme pour tantd'autres, on ne la verra plus coulerde la même manière après avoirlu Vincent Lemire.

Comment, si l'on ose dire,désaltérer Jérusalem ? Par quelsmoyens, avec quels instruments,

Vincent Lemire est ancien élève de l'Ecole normalesupérieure de Fontenay-Saint-Cloud et maître deconférence en histoire contemporaine à l'universitéParis- Est Marne-La-Vallée.Il travaille depuis de longues années sur l'histoire deJérusalem "au prisme de la question de l'eau". "Perchéeà plus de 700 mètres d'altitude, Jérusalem manquecruellement d'eau potable, surtout entre les années1840, moment du décollage démographique, etl'inauguration en 1936 de la monumentale canalisationde Ras-el Aïn.C'est l'histoire d'une longue quête hydraulique que

Vincent Lemire tente deretracer dans le livre qu'ilpublie sous le titre "La soifde Jérusalem. Essaid'hydrohistoire. 1840-1948"(Publications de laSorbonne).Nous publions ci-dessousl'avant propos que le mairede Paris, M. BertrandDelanoë a donné à cetouvrage.

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ISRAËL

est un bien non seulement public,mais vital, au même titre que l'air,elle ne peut être détenue que par lacollectivité. L'eau, c'est ce minimumcommun que le service publicincarne par nature. J'ai eu le plaisir

et la curiosité de voir, dans lestravaux de l'ingénieur municipalGeorges Franghia dont VincentLemire retrace les péripéties, unesorte d'écho, proche et lointain à lafois, à ces préoccupations de maireeuropéen du 21ème siècle. À traversl'eau, c'est la question du vivreensemble qui se trouve posée. Toutmaire de grande ville qui abrite unemultiplicité d'hommes et de femmes

selon quels modes d'opération, doit-on gérer l'eau, ce bien fondamental,qui n'appartient à personne et à toutle monde ? Chacun comprendraque, comme maire de Paris, j'aiaccordé une attention

particulièrement complice à ladeuxième partie de cet ouvrage :"L'administration de l'eau" et plusprécisément au chapitre consacré à"L'eau municipale". J'y retrouve,transposées sous d'autres cieux eten d'autres temps, les interrogationsqui m'ont conduit, en 2008, àdécider, dans ma ville, laremunicipalisation du service publicde l'eau. L'idée était simple : l'eau

venus d'horizons différents sait quecette question est essentielle.

Il est piquant qu'elle ait été posée- et partiellement résolue - àJérusalem au 19ème siècle, alorsqu'elle ne l'est hélas plusaujourd'hui.

À Vincent Lemire, nous devonsdonc de redécouvrir Jérusalem, sousun angle que l'historiographie avaitjusqu'à présent, et de façonétonnante, à peu près ignoré outraité de façon latérale. La soif deJérusalem est l'oeuvre d'un grandhistorien qui, en même temps quele souci des choses exactes, a le sensde la façon dont leur évocation peutrésonner dans le coeur des hommes.Je veux ici lui dire mon admiration,et l'espoir que je place dans sonoeuvre à venir.

B.D

Jérusalem, c'est d'abord une source, au sens le plus littéral.

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Pourim dans les hôpitaux de Paris et de ProvincePour la deuxième année, l'aumônerie Israélite des Hôpitaux de Pariset de France n'a pas oublié nos sœurs et frères hospitalisés loin deleur famille, loin de la synagogue. Deux manifestations se sont tenuesavec la bénédiction du Grand Rabbin de France Gilles Bernheim etdu Grand Rabbin de Paris David Messas et avec le soutien duPrésident des Consistoires Joël Mergui.Tout d'abord, une lecturede la Meguila a étéorganisée et plus de 500 Michloah Manotedistribuées par lesAumôniers Israéliteshospitaliers le jour dePourim dans lesprincipaux hôpitaux etcliniques de Paris et deFrance. Cette action apermis d'associer auxMitsvot de Pourim de nombreux coreligionnaires. D'autre part le dimanche 20 Mars 2010 à 14 heures, s'est tenu àl'amphithéâtre de l'hôpital Necker Enfants - Malades une fête dePourim en présence du Grand Rabbin de France, du Grand Rabbinde Paris et du Président des Consistoires ainsi que du SecrétaireGénéral de l'ACIP.Une très belle fête de Pourim organisée par le Rabbin Acher MarcianoAumônier de l'Hôpital et le Rabbin Mikael Journo Aumônier Généraldes Hôpitaux de France, au programme : un magicien, un DJ, unbuffet sucré, des cadeaux pour tous les enfants, une lecture de laMeguila et plein de surprises… le tout, dans une belle ambiancesolidaire et émouvante.Organiser une fête sur le site même de l'Hôpital relevait aussi dusymbole et nous savons combien notre tradition accorde de valeuraux symboles.Ces actes forts en termes de fraternité et de solidarité à l'égard desplus vulnérables de notre communauté ont été salués par l'ensembledes personnalités présentes.

L'Assemblée Générale ordinaire du Congrès Juif Européen (CJE) C'est à Budapest que s'est tenue les 2 et 3 avril dernier, l'AssembléeGénérale ordinaire du Congrès Juif Européen. 40 présidents etdélégués de communautés juives européennes étaient présentsdont Joël Mergui, Président du Consistoire, et Richard Prasquier,Président du Crif. A cette occasion, Joël Mergui a pu s'entreteniravec le Président du CJE Moshé Kantor ainsi qu'avec plusieursprésidents de communautés notamment ceux d'Angleterre etd'Allemagne, nouvellement élus.

Invité à faire le point sur la chehita au niveau européen, le Présidentdu Consistoire a rendu compte de l'ensemble des travaux effectuéspar le Consistoire avec le Grand Rabbin de France Gilles Bernheimet le Grand Rabbin Fiszon. Il a conclu en appelant les différentsresponsables communautaires à se mobiliser sur ce thème pour

sensibiliser leurs communautés et leurs pouvoirs publics respectifs et a réaffirmé une position commune contre l'étourdissementpréalable et l'étiquetage.

Manifestation devant le siègede Canal + Lundi 21 mars 2011, plusieurs centaines depersonnes se sont rassemblées à Issy-les-Moulineaux, devant le siège de Canal +, afin deprotester contre la diffusion d'une série anti-israélienne : "Le Serment".Des responsables communautaires étaientprésents, tels que le Président du Consistoire,Joël Mergui, qui a évoqué "le climat de hainequ'allait certainement entrainer la diffusion decette série, alimentant ainsi de futurs actesantisémites sur le territoire national". Sontégalement intervenus Richard Abitbol, Présidentde la confédération des Juifs de France et d'Israël,Claude Goasgen, Président du groupe d'amitiéà l'Assemblée Nationale, Meyer Habib, Vice-Président du Crif, Sammy Ghozlan, Président duBNVCA, Gladys Tibi, Président du Libi, ClaudeBarouch, président de l'UPJF et Gil Taïeb, vice-président du FSJU.

Gala de l'ABSICette année encore, c'est au pavillond'Armenonville que Gil et Karen Taïeb ontaccueilli plus de 600 personnes dont le GrandRabbin de France, le Grand Rabbin de Pariset le Président du Consistoire pour fêter les20 ans d'action de l'ABSI aux côtés des soldatsde Tsahal.Les fidèles et généreux donateurs ont pu voirun film très émouvant retraçant les 20 ans del'ABSI.Invité d'honneur de la soirée, Gabi Ashkenazi,19ème Chef d'Etat Major de Tsahal a soulignéque les soldats de l'armée israélienne sedoivent d'être un modèle de comportementet de moralité.Il a conclu en espérant la libération de GuiladShalit et de tous les soldats en captivité.

Joël Mergui et Moshe Kantor, Président du Congrès juif européen

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Séminaire annuel de formation de la 'HazacComme le veut désormais la tradition, c'est au Château de Chaumont ques'est déroulé le séminaire annuel de formation de la 'Hazac soutenu par lafondation pour la mémoire de la shoah et la fédération sépharade mondiale.La mission des jeunes de la 'Hazac est de parcourir la France pour sortir deleur isolement les petites communautés qui luttent au quotidien contrel'assimilation.Ce chabbat, qui s'est tenu du 11 au 13 mars dernier, a rassemblé plus desoixante membres de la 'Hazac dans le but de débattre sur les problématiquesrencontrées sur le terrain.Les jeunes engagés envers la communauté ont pu suivre un programmeintensif, tout en bénéficiant de l'expérience et de l'engagement du GrandRabbin de France Gilles Bernheim, du président du Consistoire Joël Mergui,du Av Beth Din Jermiyahu Kohen et du journaliste Daniel Haïk, intervenantsexceptionnels impliqués dans ce projet porté à bout de bras par MenahemEngelberg, Directeur de la 'Hazac.

Visite du Ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Liberman et de son épouse au consistoireDans le cadre de sa visite officielle en France, le 24 et 25 mars, le Ministre israélien des Affaires Etrangères, AvigdorLieberman et son épouse, l'ambassadeur d'Israël en France Yossi Gal et le Ministre Plénipotentiaire Sammy Ravelont été reçus au Consistoire par le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim, le Grand Rabbin de Paris David Messasainsi que le Président Joël Mergui et les Vice-Présidents et Administrateurs du Consistoire.Après une visite de la Grande Synagogue de la Victoire, le Ministre israélien s'est entretenu avec le Président duConsistoire, les Grands Rabbins et les membres du Conseil du Consistoire.Avigdor Lieberman a d'abord rappelé "que la France a été le premier Etat dans l'Histoire à avoir reconnu l'existencepleine et entière d'une communauté juive" et insistésur le rôle historique de la France dansl'émancipation et la reconnaissance officielle desjuifs, grâce à la Révolution Française et au rôle deNapoléon 1er dans la création du Consistoire.Le ministre israélien a largement insisté sur la lutteà mener conjointement avec les communautéscontre le fléau de l'assimilation, rejoignant sur cepoint le Président du Consistoire et les GrandsRabbins de France et de Paris, lesquels ont rappeléleur solidarité avec les victimes des récents actesterroristes perpétrés en Israël.Pour conclure, le Ministre a indiqué qu'Israëlaccorde une immense importance à la mission desresponsables du Consistoire, dont le rôle essentielest de maintenir une identité et un attachement fortaux valeurs juives, avec tous les juifs, de tous lesâges, de tous les milieux, sur tous les plans qu'offrela diversité et la richesse du Judaïsme.

Le Consistoire lance son application Iphone

Cette applicationpermet d'accéderaux principalesinformations duConsistoire etd'avoir toujours sursoi la dernièremise à jour de laliste des produitsautorisé et uncalendrier deshoraires, fêtes etévènements desc o m m u n a u t é sjuives. En un clic, on obtient : lesrestaurants, traiteurs, pâtisseries,boucheries, écoles, mikvaot, talmudétorah, hôtels, maisons de retraite, etbien sûr les synagogues, dans toutela France, et avec géo localisation. Lestextes fondamentaux n'ont pas étéoubliés : Le Tanakh (Torah, Neviim,Ketouvim) complet, toute la Michnaet un siddour sépharade et ashkénazeavec les principales prières.

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Le Ministre israélien de l'Education, Gideon Saar, au ConsistoireDans le cadre de sa visite au Consistoire le 4 avril dernier, le Ministre israélien de l'Education a pu admirer laGrande Synagogue de la Victoire avant de s'entretenir avec le Président Joël Mergui et plusieurs membres duConseil dont le Grand Rabbin René Samuel Sirat, Jack-Yves Bohbot et David Amar. Méir Moaty, directeur du serviceéducatif de l'Acip et Menahem Engelberg, directeur de la 'Hazac, ont présenté les actions de leurs départementsrespectifs. Le ministre israélien a mis en avant son programme d'éducation destiné à transmettre à chaque enfant israélienles traditions juives et les valeurs sionistes : "savoir qui ils sont leur permettra de savoir pourquoi ils doivent défendreleur pays." En France, la question de la transmission répond davantage au défi de l'assimilation, d'où l'importance des TalmudéTorah et des écoles juives. Les élèves des Talmudé Torah apprennent ainsi dès leur plus jeune âge les traditionsjuives et l'amour d'Israël.Guideon Saar a évoqué la situation d'instabilité dans la région qui montre à quel point Israël doit rester vigilant."Le changement de la situation ne dépend pasd'un accord, d'une signature ou d'un papier,c'est une question d'éducation"a proclaméGidéon Saar." Il faut que tous les enfantssoient éduqués suivant la devise 'aimer sonprochain' et peut-être qu'alors, les générationsprochaines vivront en paix". Le Grand Rabbin René Samuel Sirat a insistésur l'importance de la langue hébraïque et ademandé au Ministre israélien d'intervenirauprès de son homologue français pourdévelopper l'enseignement de l'hébreu.Sur le modèle de la coopération franco-israélienne, le Président Joël Mergui a concluen prônant une "coopération entre leConsistoire et Israël", celle-ci pouvant prendrenotamment la forme d'un voyage annuel pourtous les enfants des Talmudé Torah et dedifférents projets éducatifs particulièrementavec les Talmudé Torah.

Débat sur la laïcité

Lors des auditions en vue depréparer le débat sur lalaïcité, le Grand Rabbin deFrance, Gilles Bernheim, etle Président du Consistoire,Joël Mergui, avaientrencontré le Ministre del'Intérieur, Claude Guéant,ainsi que le SecrétaireGénéral de l'UMP, Jean-François Copé.A la question "qu'est-ce quela laïcité selon vous ?" qui aouvert le débat de l'UMP

le 5 avril, le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim a apporté une réponse"morale" et non politique : "la laïcité ne peut être une doctrine. Elle n'a pas deraison d'être sans les religions. C'est un art de vivre ensemble." Le Président du Consistoire, Joël Mergui a quant à lui soutenu que "la laïcité,c'est le bien vivre en soi pour mieux vivre ensemble". Appelé à se prononcer sur un régime d'autorisation préalable à l'abattageselon le rite religieux en fonction de la consommation effective, Joël Merguia affirmé qu' : "il n'est pas normal qu'avec le Grand Rabbin de France et lesreprésentants du CFCM, on soit dans un combat avec l'Union européennepour pouvoir continuer à manger casher".

Gala du Casip CojasorLe gala de la Fondation CASIP COJASORs'est tenu le 28 mars dans le cadreprestigieux de l'hôtel particulier Salomonde Rothschild, sous le haut patronage deCarla Bruni Sarkozy, en présence denombreuses personnalités parmi lesquellesl'Ambassadeur d'Israel Yossi Gall, le GrandRabbin de France Gilles Bernheim, leGrand Rabbin de Paris David Messas,Mesdames Nicole Guedj, ancien ministreet Véronique Dubarry , adjointe au mairede Paris, en charge du handicap. Lesprésidents du Consistoire Joël Mergui, duCRIF Richard Prasquier et de l'OSE JeanFrançois Guthman étaient égalementprésents.L'invité d'honneur de cette soirée, leProfesseur Arnold Munnich - conseillerrecherche biomédicale et santé à laprésidence de la République - a misl'accent sur la dépendance des personnesâgées, un dossier qui est l'une despréoccupations centrales au sein duCASIP-COJASOR.

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Rencontre avec la communauté juive de Béziers

En tant que Président, présentez-nousen quelques mots la Communauté de Créteil…

Maurice Abitbol : La CommunautéJuive de Béziers est actuellementcomposée de 180 familles soit environ 400 personnes. Elle rayonne sur lesnombreux villages environnant quicomptent tous des familles juives.

C'est une communauté qui dans saforme actuelle existe depuis plus de 70 ans après avoir connu une èreparticulièrement florissante au Moyen-Age où la ville de Béziers était surnommée"La Petite Jérusalem" et de nombreuxvestiges et écrits attestent d'une présencejuive et influente à cette époque. Dans lapériode contemporaine, elle a connu uneaffluence record après 1962 avec l'arrivéedes rapatriés d'Algérie avec plus de 400familles. Dans les archives nous trouvonsune collecte auprès d'une cinquantainede familles pour venir en aide à la créationde l'Etat d'Israël !

I.J : Quelles sont les grandes dates et lesgrands événements qui ont marqué votreCommunauté ?

M.A : La communauté a été frappée parla Shoah et une vingtaine de familles ontété déportées internées et exterminées.Dans les années 30 et après la guerre, laviticulture et le commerce étaient florissantet des familles de tous les pays de l'Est etde la Turquie se sont installées ici.

La communauté est Consistoriale etpendant plus de 30 ans jouissait du serviced'un Rabbin qui avec leurs épouses et les

bénévoles assumaient l'ensemble desservices et activités communautaires tellesle Gan et le Talmud Thora, les Oulpanims.Actuellement, ce sont les responsables etles fidèles qui assurent l'ensemble desPrestations Consistoriales.

I.J : Parlons de l'actualité de votreCommunauté…

M.A : Le Consistoire est ici lereprésentant du judaïsme. Outre le Gan etle Talmud Thora, qui bénéficient dusoutien du Consistoire Central, la viecommunautaire est intense et presquecomplète.

En effet un Minian est assuré duranttout le Chabbat et les Roch Hodech, lelundi matin et bien sûr pour toutes lesfêtes. Les animations ne manquent pasautour des Hannoucah, Pourim, repasChabbatiques, cours des Rabanims. La

Hevra Kadicha hommes et femmesassure le dernier Devoir. Lesinhumations ont lieu dans le carré Juifdans lequel nous venons de construireun nouveau caveau communautairedestiné aux coreligionnaires n'ayantou ne pouvant disposer d'un caveaufamilial.

Le Consistoire est ici aussil'interlocuteur auprès des autoritésciviles qui ne manquent pas demarquer leur attachement à notrecommunauté en participant auxcélébrations telles que YomHaatsmaout, Yom Kippour , ou encorel'allumage de Hanoucah. Nous faisonspartie des communautés qui ont lachance de recevoir très régulièrementune formidable équipe de la Hazac'qui est un soutien indispensable ànotre action et à nos jeunes. Nousdisposons d'un Mikvé pour dames et

gérons une belle coopérative de produitscachers dans laquelle rien ne manque etqui nous permet une entière autonomiepour nos approvisionnements.

Nous sommes propriétaires de nosmagnifiques locaux et venons de fairel'acquisition de deux appartements au seinde notre copropriété, ce qui nous permetde jouir de l'ensemble du premier étagede l'hôtel particulier dit du conte de laCASSAGNE.

Nous hébergeons le Centre CulturelJuif du Biterois qui, avec notre soutien,celui du FSJU et des collectivités localesassure les animations culturelles commeles oulpanims, le Ciné Club, lesconférences et distribue aussi de l'entraide.Notre Consistoire reste le principalpourvoyeur et interlocuteur des famillesen difficulté. La sécurité de la communautéa été renforcée grâce aux aides despouvoirs publics. Ici, l'entente avec lesautres religions est excellente aux traversd'actions communes. Nous ne connaissonspas d'acte antisémite et aussi bien la mairieque la préfecture sont très attentives ànotre épanouissement dans la sécurité.

I.J : Quels sont vos souhaits et vos projetspour votre Communauté ?

M.A : L'ACIB disposera trèsprochainement de son site en ligne.

Par Ailleurs, nous comptons loger notrefutur dirigeant spirituel qui devraits'installer dès le mois de mai avec sonépouse et son bébé.

Nos principaux soucis sont d'assumernos besoins de finances et d'assurer à longterme l' existence d'un judaïsme vivant etstructuré autour de notre consistoire seulcapable de réaliser ce projet.

Nous espérons avec notre futur rabbinrecevoir et héberger pour des cyclesannuels cinq jeunes bahour qui seront lespiliers des minyanim de tous les offices etmaintiendront nos lumières allumées enfaisant de notre communauté une plaquetournante pour des jeunes en recherchede formation.

Nous recherchons des sponsors pour ceprojet car au travers de l'ACIB ici commeailleurs seul le Consistoire est à même parson action et ses projets de maintenir unevie juive et de lutter contre l'assimilationen proposant tous les services demandéspar nos coreligionnaires de toute unerégion.

Propos recueillis par Jessica Toledano

Maurice Abitbol, Président de la Communauté de Béziers

Synagogue de Béziers

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Rencontre avec la communauté juive de La Roquette

En tant que Président, présentez-nous enquelques mots la Communauté de la Roquette…

Serge Benhaim : D'après ce qu'on entend,la Synagogue de la Roquette est une des plusfréquentées d'Europe. Le samedi matin, nousavons des offices qui tournent avec environ500 personnes et les cours et offices de l'après-midi 150 à 200 personnes. Avec lafréquentation hebdomadaire, on arrive à 1500à 2000 personnes qui passent par lasynagogue dans la semaine. Nous sommesdonc une des synagogues les plusfréquentées hors cérémonies religieusespuisque nous n'avons pas de mariages etc.La synagogue de la roquette est à l'originecréée par des juifs de Turquie et c'est en réalitéun transfuge d'une extension d'unesynagogue qui était initialement ruePopincourt. Les Juifs de Turquie, voyant quela synagogue avait des besoins plus grandsen volumes, ont eu l''idée de construire lasynagogue de la Roquette, qui a pour nomDon Isaac Abravanel. Cette synagogue, quia l'origine était fréquentée par des Turcs, atrès vite été remplie majoritairement des juifsdu Maroc dès l'arrivée des Juifs d'Afrique dunord. A l'heure actuelle, la liturgie pratiquéeest Andalo-Orientale. Nous avons la chanced'avoir un hazan, le rabbin Haïm Soudry, quiest un spécialiste de la lecture très précise dela Torah formé dans des grandes écoles deMeknès et qui attire des gens qui viennentl'écouter. En ce qui concerne la démographiede notre synagogue, elle est composée biensur des anciens c'est-à-dire des 3ème âge,des personnes autour de la soixantaine, quidepuis plusieurs décennies habitent lequartier. Nous avons aussi, de par nos activitéset une approche un peu plus moderne dansles discours, un public quadragénaire appelé"jeunes familles" c'est-à-dire des parents entre30 et 40 ans qui sont intéressés par les courset les conférences que nous organisons dansla synagogue. Enfin nous avons la jeunesseavec les ados de 17 à 24 ans, qui sont trèsnombreux et dont la notoriété a été portée parla Team Roquette qui a été la base d'unevolonté des jeunes d'une synagogue d'allerraviver les foyers de synagogue très peufréquentées ou en voix d'extinction.

I.J : Quelles sont les grandes dates et les grandsévénements qui ont marqué votre Communauté ?

S.B : Nous faisons tous les ans un chabbattunisien (où les hazanims tunisiens viennentpour l'occasion, la liturgie est alors tunisienne,ainsi que le kiddouch), un chabbat ladino(avec également hazanims,…) et un chabbatmarocain, quoique tous les chabbatot soientmarocains. Nous inscrivons également desévénements pour tout ce qui est des rendez-vous de la communauté comme YomHatzmaout sachant que de par mes origines

et mon attachement à Israël, nous sommestrès proches de l'Agence Juive et del'ambassade d'Israël au point que souvent lesambassadeurs viennent prier dans notresynagogue pour les fêtes. En ce qui concernel'agence juive, nous mettons nos locaux à leurdisposition pour y héberger les cours deformation et d'équivalence pour ce qui est dela préparation des futurs émigrants de l'Alyaen Israël.

I.J : La Team Roquette rassemble des jeunesmotivés ayant en eux l'amour et la ferme volontéd'aider leur prochain. Un seul objectif : soutenir lespetites Communautés de France et raviver la flammejuive de ces petites villes. Quelle est l'action de laTeam Roquette au quotidien ?

S.B : Si au début, la Team Roquette étaittout simplement un groupe de jeunes garçonset filles qui allaient animer et visiter des petitescommunautés de province, la résonnance decette action a fait qu'il y a eu unrapprochement, des noyaux qui se sont créésau quotidien avec d'une part des activités deformation pour les filles au niveau des coursde cuisine et de halakha, et pour les garçons,des cours de Torah et de Guemara. La plupartdu temps, les formations se passent enparallèle, ce qui fait que le même soir pendantque les garçons étudient, les fillesconfectionnent un repas qu'ilsconsomment tous ensemble parla suite. Ça crée une certainefraternité et une certaine amitié.Et pourquoi pas des formationsde couples puisque à la fin del'année, nous auront célébré 4mariages intra Team Roquette.Au quotidien, la Team Roquettevit avec le 2eme étage de lasynagogue, paré d'installationsmodernes (ordinateurs, wifi…).Tous les Teamer (c'est-à-diretous les membres) ont la clé dela synagogue et peuvent yaccéder quand bon leursemble. La Team Roquette qui

était au départ une mission ponctuelle pourla vie des synagogues est devenue uneactivité au quotidien avec des échanges Noussommes très fiers de la Team Roquette de parses déplacements en province soldés par descontacts avec des jeunes qui se poursuiventen permanence. Notre communauté est trèsfière de ces jeunes par leur action auquotidien qui est de vivre une vie juivepresque dans une sorte de foyer universitaire.

I.J : Quels sont vos souhaits et vos projets pourvotre Communauté ?

S.B : Avec une synagogue d'une qualitételle que celle de Don Isaac Abravanel, laqualité des fidèles ainsi que le comité de genstrès dévoués avec qui j'ai le plaisir de travailler,nous n'avons pas de limites à nos objectifs cartout est faisable. Nous avons un public quiest très généreux, très solidaire, trèsconnaisseur dans les liturgies, très sensibleà la cause israélienne, très fier de la jeunessequi évolue tous les jours. Nos projets demanière architecturale sont de "relifter" laRoquette qui a été construite avec le systèmedes années 50 pour la rendre un peu plusmoderne, un peu plus "XXIème siècle" pourpeut-être pouvoir recevoir des mariages, entout cas plus qu'à l'heure actuelle. Au niveaude l'activité intérieure, nous sommes trèsattachés à la transmission de la liturgie, àl'étude de la torah. Notre programme est dedévelopper comme il se doit une étude de latorah en l'ameneant au niveau des genscompétents dans la torah aussi bien qu'auxdébutants. Que chacun puisse venir et auniveau où il est en pouvant y trouver unenseignement de torah qui lui convienne.D'autre part nous développons au quotidience qui est la caractéristique des juifs deTurquie : l'aide aux nécessiteux. Nousperpétuons cette tradition avec fierté et fidélitéà l'exemple que nos prédécesseurs nous ontdonné.

Propos recueillis par J.T.

Serge Benhaim, Président de la Communauté de La Roquette

Synagogue de La Roquette

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Juifs de Tunisie : fin d'une histoire ?

UN ENTRETIEN AVEC ALBERT-ARMAND MAAREK

Certes, la recherche reste toujoursouverte et on peut toujours l'enrichir etl'alimenter par des apportscomplémentaires.

Quelles ont été, dans cette histoire, lespériodes les plus dures pour les Juifs deTunisie ?

A-A.M : Si l'on déborde cette histoireen amont de la période allant de 1857à 1958, les époques les plus dures pourcette communauté, ont été :

- Celle datant de la christianisationde cette partie de l'Afrique romaine dèsl'année 310 par l'édit de l'empereurConstantin (persécutions et mesuresdiscriminatoires contre les Juifs)

- Celle marquant l'établissement del'islam en Tunisie au VIIe siècle etl'imposition du statut de "dhimmi" etégalement le déferlement des tribusfanatiques des Almohades au XIesiècle.

- Celle de la malheureuse affaireBatou Sfez en 1857, caractérisée par la

condamnation et l'exécution de cetIsraélite, au nom de la "Chariâa".

- Celle de l'occupation allemande dela Tunisie (de Novembre 1942 à Mai1943) avec son cortège de mesures anti-juives (travail forcé, prises d'otages,déportations.)

Vous semblez penser que l'histoire desJuifs de Tunisie, c'est d'abord celle “d'uneémancipation”.

Albert-Armand Maarek : Maréponse est à replacer dans l'espacechronologique fixé par l'étude présentéedans mon ouvrage : la période allantde 1857 à 1958 et qui encadrel'établissement du protectorat français.

Dans cette optique, il s'agit bien de"l'histoire d'une émancipation" pour lesJuifs de Tunisie, émancipation surtoutscolaire. Par ailleurs, l'évolution de lasociété juive se manifestera égalementsur le plan politique et son éclatemententre deux tendances : l'assimila-tionnisme français et le sionismeidéologique.

Dans ce livre, vous faites appel auxtémoignages et aux documents. Si modestessoient - ils, ils vous paraissent essentiels ?

A-A.M : Ces témoignages et surtoutces documents sont d'une importancefondamentale ; la consultation des

archives tunisiennes, celles du Quaid'Orsay, de l'Alliance israéliteuniverselle, pour ne citer qu'elles,constituent la matière incontournablepour la compréhension des grands axesdes mutations qui ont affecté les Juifsde Tunisie en cette période cruciale.

- Celle enfin suivant de prèsl'indépendance du pays en 1958 etcaractérisée par l'expropriationarbitraire par le pouvoir tunisien duCimetière israélite de Tunis et ladissolution du Conseil élu de laCommunauté israélite.

Y a-t-il eu un “âge d'or” ? A-A.M : Bien que cette période ne

soit pas concernée pas l'étudespécifique développée dans monouvrage, je pourrais en effet signalerun "âge d'or" pour les Juifs de Tunisieà l'époque pré-coloniale : il se situeaux Xe et XIe siècles avec comme lieuprincipal la ville de Kairouan ; celle -ci devint à l'époque l'un des centres lesplus vivants de la culture juive dansl'Occident musulman.

Vous avez évoqué l'affaire Batou - Sfez.Elle semble avoir eu de grandesconséquences ?

A-A.M : Batou Sfez était un cocherisraélite qui eut le malheur, en août1857, de renverser dans une rue deTunis unenfant musulman. La foulearabe s'empara de lui et le traînajusqu'au tribunal religieux du "Charâa",l'accusant également d'avoir blasphémél'islam, grave accusation dans un payscomme la Tunisie dominée par la loicoranique. Batou Sfez fut condamné àmort et exécuté malgré les efforts duconsul de France pour le sauver.

Cette affaire déborda largement lesfrontières tunisiennes et devint uneaffaire internationale. En Europe,divers gouvernements déplorèrent cettecondamnation "fanatique". Le consul

Le nouveau régime est encore plongé dans tropd'incertitudes pour qu'on puisse y déceler des

signes quelconques de son attitude à l'égard desJuifs du pays .

Professeur d'histoire , Albert-Armand Maarek a consacréde nombreuses années à l'étude de l'histoire des juifsde Tunisie. Il a soutenu un master d'histoire sur le thèmeLes revendications des Israélites de Tunisie.

Il vient de publier aux éditions Glyphe ( 85 avenueLedru-Rollin 75012 Paris ) un ouvrage intitulé " LesJuifs de Tunisie. Histoire d'une émancipation ". Il s'estconfié à la rédaction d'Information juive.

DIASPORAS

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combat des "assimilationnistes" pourun plus large accès à la naturalisationfrançaise et développement de plus enplus accentué de l'idéologie sioniste.

L'indépendance survint en 1956 etpour les Juifs du pays , commença unlong mouvement de départ de cette

Tunisie où ils avaient été présentsdepuis près de 2000 ans.

En 1958, deux événementsconsacrèrent la rupture de cettecommunauté avec l'histoire tunisienne:l'expropriation arbitraire par lesautorités tunisiennes du terrain duCimetière juif de Tunis et la dissolutiondu Conseil élu de la communautéisraélite par les mêmes autorités.

Ces deux dates - clés ont doncconstitué dans mon étude les repèreschronologiques incon-tournables decette période fondamentale.

Vous écrivez qu'à un moment donné, lacommunauté juive s'est trouvée divisée “cequi entraînera, ajoutez - vous, sa sortieprogressive de l'histoire tunisienne”. Quevoulez - vous dire ?

A-A.M : La phase du protectoratfrançais avait complètement transforméla nature et le destin de la communautéjuive : d'une part, un phénomène detransculturation avait abouti à safrancisation par l'instruction diffusée àl'école de l'Alliance et à l'école publique ; d'autre part, l'influence dusionisme avait orienté une partie de lasociété juive vers son établissement en

de France obtint du "bey", souverain dupays, l'octroi du "Pacte fondamental"qui accordait, pour la première fois, enTunisie l'égalité absolue entremusulmans et non - musulmans devantla loi, l'impôt et la justice. Cettegénéreuse déclaration de principes

devait malheureusement avorter à lasuite d'une insurrection des tribus del'intérieur, soulevées également contrecertaines mesures fiscales.

Cette affaire marqua l'échec de cette"émancipation éphémère" dans uneTunisie encore indépendante.

Vous vous êtes intéressé essentiellementà l'histoire des années entre 1857 et 1958.Pourquoi ?

A-A.M : Ces deux dates encadrentl'établissement du protectorat françaisqui s'est installé en 1881 et qui a faitplace à l'indépendance de la Tunisie en1956.

L'affaire Batou Sfez en 1857, ainsique je l'ai indiqué, a constitué ladernière chance pour le pouvoirbeylical d'émanciper les "dhimmis"(Juifs et chrétiens) sous la pression del'Europe , en pleine période coloniale.Ce fut un échec qui persuada la Franced'établir son régime de protectorat. Pourles Israélites, le nouveau contextepolitique marqua le début d'unepériode d'émancipation avec lascolarisation de masse (écoles del'Alliance israélite et écoles publiques)et la politisation de la société juive :

"Terre Promise". Cette communauté setrouvera donc divisée, presque à partségales entre deux nouveaux destinsl'amenant à s'établir soit en France soiten Israël.

Ces nouvelles orientationscontribuèrent à "sa sortie progressivede l'histoire tunisienne."

Pourquoi on ne prend l'initiative deraconter l'histoire des Juifs de ce pays quequand elle semble toucher à sa fin ?

A-A.M : L'histoire des Juifs deTunisie a été relatée et analyséescientifiquement par divers travauxuniversitaires depuis une certainnombre d'années; moi - même, j'avaisdéjà passé une Maîtrise sur ce sujet dès1970 en Tunisie et obtenu un D.E.A. àParis il y a quelques années. Moi-même, je fais partie de la S.H.J.T.(Société d'histoire des Juifs de Tunisie).La consultation d'archives estégalement très contraignante et imposede lourdes disponibilités.

Croyez - vous à la permanence d'une petitecommunauté juive en Tunisie sous le nouveaurégime ?

A-A.M : J'ai eu l'occasion de merendre en Tunisie en mai de l'annéedernière. La communauté juive estréduite à 1500 personnes (sur un effectifde 100 000 âmes dans les années 1950).Elle ne se plaignait pas du régime deBen Ali qui avait même accordé le titrede sénateur à son président RogerBismuth ; en fait, il n'y a presque plusde jeunes qui vivent dans le pays : onpeut donc penser que c'est unecommunauté en voie d'extinction. Lenouveau régime est encore plongé danstrop d'incertitudes pour qu'on puisse ydéceler des signes quelconques de sonattitude à l'égard des Juifs du pays.

Des Israéliens pourront - ils encore, parexemple, venir en pèlerinage à la synagoguede Djerba ?

A-A.M : Je pense que oui car letourisme est l'activité essentielle de laTunisie et le pèlerinage de Djerbaconstitue un élément très important decette ressource économique.

J'ai moi - même vu des Israéliensprésents à Tunis et en visite notammentau cimetière juif du "Borgel".

DIASPORAS

Portrait de Félix AlloucheDirecteur-fondateur du réveil juif

©Albert Maarek

Réprésentation du grand rabbinYaacov Boccara (Gouache)

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Les peuples nous enseignent... PAR DANIEL SIBONY

tirer. C'est par ce point de fraternité,essentielle et précaire que passe lavictoire des ces peuples; et quel'insistance de leurs foules a porté sesfruits; en attendant le retour sur eux dela question d'identité qu'ils se poserontdans le secret des urnes: qui sommes-nous? que voulons-nous? Et gare auxégarements identitaires.

Le peuple libyen aussi donne unesacrée leçon. Il s'est soulevé pourbalayer le tyran - lequel a tiré sur lafoule, massivement: arme lourde etaviation. Mais ils ont insisté, comptantsur l'appui des peuples frères (en vain),et de l'Europe humaniste si proche (envain). Ils nous rappellent l'idéefameuse: ne compter que sur sespropres forces, mais le dire quand il n'ya plus de force, et qu'autour c'est le

Aujourd'hui, ce sont lespeuples qui nousdonnent des leçonsd'éthique (et non lesspécialistes en lamatière). A croire que

"les foules" ne sont pas aussi "primitives"qu'on l'a dit bien souvent.

Celui du Japon nous montre ensilence ce que c'est qu'être à la limite,devant la ruine générale, dans laquelleon peut dire qu'on n'y est pour rien, onn'est pas responsable des secoussessismiques, des tsunamis, des explosionsqui en résultent, et pourtant, on doitintégrer cette altérité absolue, cechavirement où tout ce qu'on a bâtisemble un décor de théâtre pourenfants, balayé par la vague.

Intégrer une cassure radicale danssa vie, et reprendre les gestes simples,faire la queue avec les autres, sanscrier; repartir comme avant, qu'on aitde la résilience ou pas; le rappel de viedoit s'imposer tout seul. Certes, lesdonneurs de leçons abondent, on leslaisse parler et on scrute son destinpour voir s'il y a de la suite. Et voircomment intégrer le fait qu'après deuxbombes atomiques, on abrite dans sonsein une troisième, nucléaire celle-là.Les premières, on les a reçues pours'être incliné devant les chefs quihurlaient que le bonheur passe par lemassacre des autres. La troisième, àretardement, parce qu'il faut bien vivre,trouver de l'"énergie" comme on peut,avec des risques inévitables.

Les peuples arabes eux aussi, deTunisie et d'Egypte, nous enseignentqu'on peut décoller de son carcanidentitaire et s'avancer dans l'existence;décoller de son narcissisme figé etprendre le risque de vivre. Un vrairisque puisqu'il leur a fallu à tous deuxtrouver le point sensible, l'extrêmefragilité où l'armée accepte de ne pas

désert humain, c'est autre chose. Biensûr, si ce peuple est battu, il ne sera pasanéanti: déjà on réapprend à mentirdans les zones "libérées" par lesmercenaires (l'argent est essentiel danscette histoire: on paie des gens pourtuer, et ils y vont, ils n'ont pas mieux àfaire), les gens répètent à qui veut: "ona toujours été pour Kadhafi".

Quant à l'Europe, elle va digérercomme elle peut sa manie de l'alibi etdu bc-bg en politique, fondé sur ce saleargument: quand on ne peut pas fairel'essentiel, on ne fait rien. Cette sortede perversion, elle risque de la payer.

Et nous autres, on doit apprendretout ça d'un coup, d'un bloc, de cespeuples courageux qui en saignentsous nos yeux.

MÉDIAS

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28 INFORMATION JUIVE Avril 2011

La langue que parlaientles Juifs du Pape

UN ENTRETIEN AVEC MICHEL ALESSIO

et en yiddish : on imagine que ladiffusion a dû être confidentielle, tanten Amérique qu'en Europe.

Mais surtout :longtemps les questionslinguistiques sont restéesun impensé de la viesociale et intellectuelle,elles n'étaient pas perçuescomme pouvant donnerlieu à recherche et àdébat ; on n'en voyait pasl'intérêt. On pouvaitétudier un groupehumain sous tous sesaspects sans même sedemander quelle(s)langue(s) il parlait.Pourquoi traduire un livredont le sujet est hors duchamp de vision du plusgrand nombre ?

Comment en êtes-vousvenu à prendre l'initiative dele traduire ?

M.A : Je voulais lire celivre, que je voyaismentionné dans quelquesouvrages, mais, pour cela,je me suis vite aperçu queje devais le traduire. Car

Comment expliquez-vous que le livre deZosa Szajkowski - malgré son intérêthistorique - n'ait jamais été traduit enfrançais jusque là ?

Michel Alessio : Il y a d'abord lescaractéristiques de l'édition originale :c'est un travail manifestement artisanal,tapé à la machine, " publié par l'auteuravec l'aide du YIVO (Institut juif derecherche) ", sans véritable éditeurdonc, à un petit nombre d'exemplaires,

j'ai appris le yiddish, mais pas au pointd'accéder à une lecture cursive etimmédiate de l'original. Il fallait donc

fixer par écrit, en français, ce que jelisais. Et cette traduction que j'avaisfaite simplement pour lire Szajkowski,il m'a semblé qu'elle pouvait être utileà d'autres, et je l'ai publiée.

Pourquoi s'est-on peu préoccupé jusqu'àprésent de l'histoire linguistique des Juifscomtadins ?

M.A : Jusqu'à ces derniers temps,donc, les questions langagières n'étaientpas prises en charge par la pensée à titrede questions de société. On s'intéressaitaux langues en elles-mêmes, à leurstructure grammaticale, leurmorphologie, leur lexique, mais pas auxrapports sociaux que traduit l'usageconcret de telle langue dans tellesituation. C'était un angle aveugle dessciences sociales.

Cette indifférence en générals'aggravait ici du mythe du français seulelangue légitime, ce qui n'encourageaitpas la curiosité pour nos autres langues,dédaignées sinon ignorées oucombattues. Dans ces conditions, lespratiques linguistiques de quelques Juifsméridionaux dans des temps reculés nepouvaient même pas être posées en objetde réflexion. Aujourd'hui, on prend

HISTOIRE

Michel Alessio travaille depuis de longues annéessur les langues et sur l'histoire culturelle. Il a prisl'initiative de traduire du yiddish lelivre que ZosaSzajkowski avait publie dans les années 4O du siècledernier sur la langue que parlaient - ou plusexactement qu'étaient censés parler - les Juifs duPape. Cet auteur - un juif polonais - était arrivé par

les hasards de la guerre à séjourner dans leVaucluse.Dans l'entretien qu'on va lire, Michel Alessio nousraconte l'histoire de ce manuscrit et l'intérêt qu'ilprésente pou r l'histoire des juifs de ce que l'on aappelé dans la tradition juive " Arba kéhillot " (lesquatre communautés).

La dénomination de “Juifs du Pape” a quelque chosed'un slogan promotionnel, mais c'est une trouvaille,

synthétique, incisive.

Le Sermon des Juifs Salon Alaren (cf. p. 61-64)

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INFORMATION JUIVE Avril 2011 29

culte, mais aussi pour les statuts etrèglements intérieurs de lacommunauté, ou pour le mémorial(pinqas) de Carpentras. Voici ce que çadonnait : Séma Ifrael… Veaaouta efAdonaï… ou'hfaoutam al mevouvofbefe'ha oubichare'ha. La maison : bef ;le cheval : fouf …

mieux conscience de ce qui est en jeudans les rapports entre langues.

Dans quelles circonstances historiquesen est-on venu à cette dénomination : "Juifsdu pape" ?

M.A : C'est assez récent. Dans lestitres d'ouvrages ou d'articles qui leursont consacrés, l'appellation n'apparaitpas avant 1975 (Georges Brun, Les Juifsdu Pape à Carpentras). Jusque là, iln'est question que de Juifs comtadins(c'est le choix de Szajkowski), de Juifsd'Avignon, Juifs d'Avignon et duComtat, des États français du Saint-Siège, etc.

La dénomination de "Juifs du Pape"a quelque chose d'un sloganpromotionnel, mais c'est une trouvaille,synthétique, incisive. Significativement,elle a été adoptée par l'Associationculturelle des Juifs du Pape, créée en1992.

Historiquement, elle correspond àune époque où l'antagonisme des deuxtermes qui la constituent estsuffisamment désamorcé pour laisserla place à un regard apaisé, distancé,un brin ironique.

A quand remonte - pour autant qu'on lesache - la présence juive en Provence et auLanguedoc ?

M.A : A l'Antiquité. Une traditionorale, invérifiable mais indicative, veutqu'après la prise de Jérusalem en 70,un bateau chargé de réfugiés ait abordéen Provence. Plus sûrement, on aretrouvé à 20 km d'Avignon une lampeà huile du 1er siècle décorée d'unchandelier à sept branches, qui pourraitbien attester une présence juive dèscette époque. L'auteur de la biographied'Hilaire d'Arles, au Ve siècle, racontequ'à la mort de l'évêque, les Juifs dulieu mêlaient leurs "chants en languehébraïque" aux lamentations deschrétiens, et les Juifs que rencontre auXIIe siècle Benjamin de Tudèle, à Arlestoujours et à Marseille, il les décritcomme anciennement et solidementinstallés.

L'auteur observe que dans les quatrecommunautés juives (Avignon, Carpentras,l'Isle sur Sorgue et Cavaillon), l'hébreu étaità l'époque langue du culte et de la viespirituelle. Mais il y avait aussi - dit-il - dansces communautés une prononciationsingulière des hébraïsmes.

M.A : Prononciation des hébraïsmeset de l'hébreu lui-même, utilisé pour le

A vrai dire, cette prononciationsingulière, avec quelques emprunts duprovençal à l'hébreu, c'est tout ce quiconstitue la supposée langue des Juifs.Ils parlaient en fait le provençalcommun à tous les Comtadins,simplement émaillé d'hébraïsmes,phénomène classique quand la langue

HISTOIRE

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30 INFORMATION JUIVE Avril 2011

Si je glisse les mots souccoth ouhanoucca dans notre conversation,dira-t-on pour autant que je parlejudéo-français ? Avec les Juifs duComtat Venaissin, nous restonspleinement au sein de l'occitanprovençal ; ce n'était pas une langue àpart

Une judéo-langue, c'est une brancheséparée du tronc : l'espagnol que lesJuifs ont emporté en exil par exemple,coupé du foyer de départ. Il a conservédes traits qui se sont perdus enEspagne, il en a acquis d'autres quel'espagnol d'Espagne ne connait pas,bref, il a évolué de manière autonomeet s'est ainsi constitué en judéo-espagnol, langue distincte. Mais en

Espagne, avant 1492, il n'y avait pas dejudéo-espagnol. De même, pas dejudéo-provençal en Provence, puisqueles Juifs sont toujours restés sur placeau cours des siècles.

Sait-on avec exactitude d'où viennent cesJuifs comtadins, les Bédarrides, les Lunel,les Crémieux et autres Carcassonne ?

M.A : Ils viennent des villes ouvillages dont ils portent le nom, etlongtemps d'ailleurs celui-ci est restéprécédé de la particule "de" : Abram deBeaucaire, Isac de Baze (ou de Bèzes,c'est-à-dire de Béziers), Mossé deCarcassonne, de Digne, de Lunel, deLattes. Ce sont tous des noms de lieuxdu Languedoc, de Provence,quelquefois des régions voisines : leplus porté de tous, Crémieu, égalementgraphié Crémieux, est peut-être celuid'un chef-lieu de canton de l'actueldépartement de l'Isère ; mais un douteplane à ce sujet : comme patronyme, iln'a jamais été précédé de la particulequi dit l'origine géographique, et saforme constante en hébreu est Carmi.Parmi les plus courants, il faut citerMilhaud (Millau, Millaud), d'une petitecommune du Gard plutôt que deMillau dans l'Aveyron, Monteux(Montel, Monteil), Roquemartine etValabrègues, localités situées dans unrayon de 100 km autour d'Avignon.

Mais il faut citer aussi commereprésentatifs des Juifs du Pape des

de tous les jours se trouve en contactavec une langue savante prestigieuse.

Il n'en a pas fallu davantage àSzajkowski pour s'imaginer qu'ilsavaient eu une langue à eux.

Cette langue des Juifs du pape n'a pas denom. Cecil Roth proposait de l'appeler lejudéo-provençal ? Quelle est votre propreopinion ?

M.A : Il n'y a pas lieu de parler dejudéo-langue pour quelques traits deprononciation et quelques emprunts.

noms qui ne sont pas des noms delieux, tels Mossé, à la significationévidente, Vidal (Haïm occitanisé),Naquet (surnom), Astruc (né sous unebonne étoile), Ravel, Alphandéry.

Qu'est-ce que l'auteur appelle "les Noëlsjuifs" qu'Armand Lunel considérait commedes "conversions en musique" ?

M.A : Les noëls provençaux sontchantés pour célébrer la naissance deJésus, et sont l'occasion de mettre enscène des évènements familiers, la viequotidienne populaire. Rien d'étonnantque dans le Comtat Venaissin, des Juifsy aient parfois figuré. On parlait alorsde "noëls juifs". Curieuse ambiguïté :il n'y a là rien d'autre que de la

propagande de conversion, ArmandLunel a bien caractérisé le genre, touten signifiant que la méthode étaitcertes plus douce que le recours àl'Inquisition.

Le noël "juif" se présente sous laforme d'un dialogue entre un chrétienet un juif, entre un rabbin et un prêtreou entre deux Juifs dont l'un est déjàconverti. C'est chaque fois l'occasionde faire valoir la supériorité de la visionchrétienne, et souvent le juif se déclarefinalement prêt à recevoir le baptême.Précisons que chez les auteurs desnoëls c'est l'expression d'un fantasme,car dans la réalité les conversionsvolontaires ont été rarissimes

A quelle époque cette langue va-t-ellepéricliter et disparaître ?

M.A : Stricto sensu, comme usagespécifique du provençal dans lecontexte particulier des "carrières"(rues-ghettos) des États pontificaux, ceque Zosa Szajkowski appelle la languedes Juifs a disparu au cours du XIXesiècle avec les derniers habitantsdesdites carrières, désertées après lerattachement d'Avignon et du ComtatVenaissin à la France en 1791. Mais leprovençal commun, forme régionalede la langue d'oc ou occitan, seperpétue, avec les difficultés querencontre toute langue minoritaire, etmanifeste une créativité culturellemultiforme.

HISTOIRE

Une tradition orale, invérifiable mais indicative, veutqu'après la prise de Jérusalem en 70, un bateau

chargé de réfugiés ait abordé en Provence.

Synagogue de Carpentras, Le fauteuil d’Elie

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INFORMATION JUIVE Avril 2011 31

Il semble toujours hasardeuxd'établir des liens entre un certainesprit du temps et les résultatsélectoraux. Pour un nombreimportant d'électeurs, lesréférences au sinistre passé de

l'extrême droite française ont perdu toutepertinence. Ils votent pour une imagenouvelle, celle de Marine Le Pen, quiparle de la République et de la laïcité etpasse même pour la dernière prêtresse del'État providence, promettant lerétablissement de l'ancienne monnaienationale et la distribution massive d'aidesaux jeunes, aux vieux, aux familles, auxpaysans et aux industries nationales.Marine Le Pen n'a pas de passé, elle nerépond pas des incartades de son proprepère et moins encore des antécédents ducourant politique dont elle est issue. Ellea la bonté de tenir la Shoah pour unechose bien affreuse et non pour un pointde détail. Les juifs, qui savent quel'histoire de l'extrême droite française seconfond avec celle de l'antisémitisme,sont invités à saluer la rupture, puisquel'ennemi, l'étranger est désormais unautre.

Les juifs devraient cesser de toutconsidérer à partir de leur obsessionmémorielle, pour, enfin, réagir au présent.

Par bonheur, d'excellents esprits sechargent de laver la mémoire, ou, dumoins, de lui rendre un certain équilibre,avec le recul et l'objectivité de l'historien.Nous avons échappé de justesse à lacélébration de Céline, nousn'échapperons pas à l'évocation des"victimes" de la Libération. La critique duprocès de Robert Brasillach par l'avocatgénéral Philippe Bilger a été encenséepar la quasi-totalité de la presse.Juridiquement, le magistrat ne peut setromper. Le procès Brasillach a été menérondement, par des juges qui avaientbesoin de donner quelques gages auxvainqueurs, parce qu'ils avaient servi,sans trop d'états d'âmes, le gouvernementde Vichy. Certes Bilger se garderéhabiliter Brasillach. Mais sacondamnation à mort, le refus opposé parle général De Gaulle à la demande degrâce, seront désormais considéréscomme des actes de vengeance plus quede justice.

La mémoire, voilà l'ennemi !

On pourrait regarder de la mêmemanière la totalité des procès de laLibération, et, pourquoi pas, chercher lesfailles juridiques du procès de Nuremberg.Comme si la justice existait hors ducontexte historique. Ceux qui furent jugéslongtemps après les faits, comme KlausBarbie ou Maurice Papon, trouvèrentdevant eux une justice plus sereine, etmême, plus professionnelle. Contrai-rement à Robert Brasillach, ilsn'encouraient pas la peine de mort, quiavait été abolie. Les cours de Lyon et deBordeaux jugeaient Barbie et Papon pourl'histoire. Brasillach a été jugé dans l'action.Quelques mois plus tôt, il dirigeait l'infâmeJe suis partout, hebdomadaire depropagande nazie et organe de délation.

Brasillach et son équipe ne prenaient pasde recul, ils appelaient à assassiner lesrésistants, ils incitaient à la délation desjuifs et la pratiquaient directement. Etqu'on le veuille ou non, Robert Brasillachest directement responsable de ladéportation et de l'assassinat des enfantsjuifs de France. Il a simplement écrit letexte le plus abject de toute l'histoire de lacollaboration, le fameux "N'oubliez pasles petits", demandant aux Allemands nepas laisser les enfants juifs sur le sol deFrance.

Robert Brasillach aurait fort bien pu êtreexécuté sommairement, comme soncompère Philippe Henriot, avant laLibération, que l'on ne pourrait parlerd'injustice. Il a eu droit à un procès en

LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI

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32 INFORMATION JUIVE Avril 2011

LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI

bonne et due forme, lui qui appelait aumeurtre sans jugement. La justice de laLibération n'était pas au-dessus despassions, Philippe Bilger n'a pas tort surce point, et elle n'était pas non plusexempte d'arrière-pensées politiques.Mais ni les passions, ni les considérationspolitiques de 1945 ne sont obsolètes. Lemonde commençait à peine à mesurerl'ampleur du crime, celui que l'on chercheaujourd'hui à relativiser. De Gaulle refusade gracier Brasillach, parce qu'il avait

donné au crime la noblesse de lalittérature. Depuis, nombre d'écrivains,qui ne sont pas tous, loin s'en faut, desfascistes, n'ont de cesse de pleurer RoberBrasillach, de le traiter en martyr, parcequ'il était écrivain. Or, c'est à ce titre, qu'ilméritait le châtiment, parce que les motsont tué, les siens et ceux de toute lalittérature antisémite parue avant etpendant l'occupation nazie.

La tendance à relativiser l'occupation,dont Le Pen disait encore il y a peu qu'ellen'avait pas été inhumaine, n'a de cesse derefleurir. Vieille antienne ! Il y aurait eudes injustices des deux côtés, etd'insupportables débordements à laLibération. Nous connaissons cetterengaine. Et voici que les descendants deLouis Renault se lancent dans une bataillede réhabilitation de l'industriel, qui, seloneux, aurait collaboré avec les nazis sousla contrainte. Or, à Billancourt, laproduction de matériels militaires del'année 1942 représentait le double decelle de 1939. Renault avait deux fois plusd'ardeur quand il travaillait pour laWehrmacht que lorsqu'il devait équiperl'armée française. Ses usines n'ont pas étéconfisquées par caprice, ni sous lapression des ministres communistes. DeGaulle connaissait mieux que personneles problèmes d'équipements en blindésde l'armée française et les réticences desindustriels comme Louis Renault. Lequelétait connu pour son antisémitismeobsessionnel, qui se fixait sur sonconcurrent, André Citroën, dans sonlangage, "le petit youpin du Quai deJavel". Encore une victime, Louis Renault! Mais il est bien dans l'air du temps dejouer avec la mémoire et de triturerl'histoire.

Au passage, Éric Zemmour recueille lesapplaudissements d'une partie desdéputés UMP en proposant d'abroger "les

lois mémorielles". Quelles lois ? Aucuneloi française n'interdit la recherchehistorique. La législation que l'on voudraitabroger définit les délits de racisme etd'antisémitisme. Ces délits ont été définisdans un premier texte, dû à René Pleven,qui n'était pas exactement un homme degauche. En 1990, au cours d'un débatportant sur le renforcement de la loi,l'Assemblée nationale a adopté unamendement du communiste Jean-Claude Gayssot par lequel la négation de

crime contre l'humanité est assimilée audélit d'incitation à la haine raciale. Ce texten'entrave nullement la liberté de rechercheet d'expression des historiens. Il interditseulement de répandre cette ignominieconstituée par la négation de la Shoah.Supposons, qu'au nom de la liberté

d'expression, il devienne licite de publiern'importe quelle œuvre, démontrant queles fosses communes d'Ukraine et lescamps de la mort ne sont que lesaffabulations des juifs. Il y auraitimmédiatement dix ou quinze ouvrages,et, pourquoi pas, des films. Nous aurionsdroit, dans une émission de télévision,entre variétés et numéros de comiques, àl'interview de bons auteurs, démontrantl'énormité du mensonge juif et, bien sûr,son but, la justification de l'État d'Israël.Et l'absence de loi permettrait, enfin, cettebelle comparaison qui affleure en certainsdiscours, entre sionisme et nazisme. Letout au beau milieu des paillettes et desrires gras d'une belle soirée télévisée.

On nous dira, naturellement, qu'ilimporte de passer de la mémoire àl'histoire, ce que suggèrent certains hautsfonctionnaires de l'Éducation nationale,qui proposent de substituer "l'étude desgénocides", à l'évocation de la Shoah.Question de climat.

La mémoire est encombrante. Surtoutcelle des juifs ! Ce rejet de mémoiren'est pas étranger à la poussée du

Front national. Il est au centre del'offensive de charme menée par MarineLe Pen. Oubliez mon père, oubliez lepassé récent. Dieudonné à la fête du Fontnational, c'est vieux, c'était l'année dernière! Jean-Marie Le Pen, parrain du filsDieudonné ? De l'histoire ancienne ! Alorsle point de détail, date d'un autre siècle,comme la Shoah elle-même. Quant à lagenèse du Front national, à la présencedans sa direction, d'un ancien auxiliairede la Gestapo, d'un engagé volontaire dela Wehrmacht, du secrétaire général duPPF de Doriot, d'un ancien des jeunessesde Marcel Déat, c'est de l'archéologie. Lesliens entre les sites antisémites et le siteofficiel du FN n'ont jamais existé. Pas plusque ces militants, toujours présents dansle parti de Marine Le Pen, qui tissaientdes liens entre les "nationalistesrévolutionnaires" et les mouvancesradicalement antisionistes du Proche-Orient. Le Pen, défenseur de SaddamHussein, c'était Jean-Marie et nonMarine, même si Jean-Michel Dubois,qui présida une étrange chambre decommerce Franco-irakienne, figure dansl'organigramme du staff personnel deMarine.

Marine Le Pen peut bien donnerune interview insipide àHaaretz, se découvrir une

empathie pour Israël, son parti a toujoursentretenu des liens avec les ennemisd'Israël, volontiers pourvoyeurs delittérature antisioniste. Commentpourrions-nous, en une campagnemédiatique, oublier ce que fut toujours leFront national ? Il faudrait abandonnertout ce que nous sommes, pour le suivredans la désignation d'un autre boucémissaire. Et plus encore pour accepter,en politique, qu'un parti prétende faireabstraction de sa propre mémoire. En cettepériode où les juifs transmettent lesouvenir de leurs pères, étrangers etesclaves en Égypte, il semble pour lemoins difficile d'accepter les dénégationsd'une femme qui prétend effacer sonpropre père, pourtant bien vivant à sescôtés.

GK

Qu'on le veuille ou non, Robert Brasillach estdirectement responsable de la déportation et de

l'assassinat des enfants juifs de France.

Brasillac a écrit le texte le plus abject de toute l'histoire de la collaboration

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Qui est juif ? PAR ABRAHAM HESCHEL

ni alliés, ni amis, ni territoire, niorganisation apparente susceptiblede nous garder intacts, fidèles ànous-mêmes, sains et saufs.

La réponse souvent fournie et selonlaquelle nous aurions gardé notrecohésion grâce à la force de l'idéed'un Dieu unique ; que notreallégeance à ce Dieu auraittranscendé le pouvoir des rois et des

tyrans ainsi que le mépris et la hainede nos voisins - tout cela n'est quepure affabulation. Les juifs ont étésouvent attaqués au nom de mytheset d'idées séduisants et puissants etcependant ils ont résisté à latentation de laconversion et del'assimilation. Enoutre, l'hommeest fait de chairet de sang ; il aun cœur et unesprit. Commentpourrait-il vivresur de simplesabstractions ?

Ce qui nouspermit de resterintacts fut unengagement ducœur et del'âme, l'amour

Qui est Juif ? Untémoin de latranscendance et dela présence de Dieu; une personne dansla vie de laquelle

Abraham se sentirait chez lui, unepersonne pour laquelle le rabbinAkiba éprouverait des sentiments deprofonde affinité, une personne dontles martyrs juifs de toutes lesépoques n'auraient pas à rougir.

Qui est juif ? Celui dont l'intégritése dégrade s'il ne se sent pas ému parla connaissance des torts causés àd'autres peuples. Qui est Juif ? Celuique préoccupent les rêves et lesdesseins de Dieu ; celui pour quiDieu est une réalité et non uneabstraction. Celui à qui il estdemandé de connaître la contributionde Dieu à l'Histoire ; de participer àla sanctification du temps et àl'édification de la Terre Sainte, denourrir une véritable passion pour laJustice, de pouvoir considérercomme un véritable événement leretour, chaque semaine, du vendredisoir. Qui est juif ? Celui qui saitcomment rappeler et maintenir en viece qu'il y a de sacré dans le passé denotre peuple et de chérir la promesseet la vision de la rédemption dans lesjours à venir.

Comment assurer la survivancedes juifs ? Le meilleurprophète de notre avenir est

notre passé. Comment avons-nousréagi aux assauts et aux défis duchangement et de la décadence, dela persécution et du mépris, etcomment avons-nous survécu en tantque peuple à travers tant de siècles ? Nous n'avions ni puissance,

qui va de pair avec le caractère et laconviction.

La réponse la plus sage qui puisseêtre apportée au mystère de notresurvivance peut être trouvée dans laparole célèbre : Dieu, Israël et laTorah ne font qu'un. Ces trois réalitéssont inséparables, interdépendantes,et y souscrire signifie appréciationet amour.

Toute vie à laquelle manquel'engagement à une seule de ces troisréalités ressemble à un trépied quin'aurait que deux jambes etcependant, ces trois notions ne sontpas d'égale valeur et doivent être

Qui est juif ? Celui qui sait commentrappeler et maintenir en vie ce qu'il y ade sacré dans le passé de notre peupleet de chérir la promesse et la vision de

la rédemption dans les jours à venir.

Nous publions ci-dessous un des textes qui ont fait laréputation d'Abraham Heschel. On sait qu'il fut un éruditet philosophe de la religion. Né en Pologne au sein d'unefamille de rabbins hassidiques, il fut déporté par les nazis.

Ses travaux couvrent pratiquement tous les domaines dela pensée juive. Le texte que nous publions ici est extraitd'un discours prononcé par le docteur Heschel lors duCongrès sioniste mondial de 1972.

JUDAÏSME

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JUDAÏSME

vigilante. Pendant plus de 1 800 ansnous avons été un peuple sans terre.Maintenant nous courons le risqued'être une terre sans peuple.

Aujourd'hui, nous nous trouvonsplacés devant deux catégoriesd'individus ; d'une part, ceux quifouillent avidement le passé à larecherche de ce qui reste del'héritage d'un peuple disparu ou decommunautés éteintes, d'autre partceux qui ne se sentent absolumentpas troublés par l'angoisse des milleannées écoulées et des âmesinnombrables dont nous avons étéséparés, de ceux qui pensent que leprésent est tout et que l'homme peutvivre sans passé.

Il pourrait y avoir une petite partde vérité dans l'affirmation quele secret de notre survivance

réside dans notre volonté de vivre.Mais la volonté de vivre ne sauraitpersister si nous ne savons pourquoinous vivons.

Une véritable passion anime l'âmejuive, à savoir une quête éperduepour la signification ultime de toutechose. Aussi sacré et précieux qu'ilsoit de lutter pour que notre peuplevive dans la dignité et la sécurité, la

considérées dans un ordred'importance approprié. Uneconception erronée de cet ordre devaleurs - et une telle erreur a souventété commise à travers l'Histoire -conduit à une déformation desperspectives fondamentales. Desvaleurs vitales.

Le judaïsme réformé classiqueest fondé sur une éthiquemonothéiste considérée comme

l'essence même du judaïsme, et ilignore la Torah et Israël.

Le nationalisme laïque, parailleurs, a fait du peuple d'Israël sonobjectif essentiel, ignorant Dieu et laTorah.

Enfin, l'orthodoxie ultra-moderne, dans son ardeur àdéfendre l'observance des rites,tend à souligner la suprématiede la Torah, plaçant celle-ci surle même pied que le ShulchanArouch, le code des loisrabbiniques, dans laméconnaissance de Dieu etd'Israël, et conduisantfréquemment à une sorte de"m'as-tu vuisme" religieux.

Implicite est la nécessité devivre en accord avec nostraditions ; de vivre autant quepossible - et peut-être même unpeu plus que possible - selon ladiscipline de la foi et de laHalacha.

L'idéal sioniste n'est passeulement circonscrit à la terremais aussi au peuple et parpeuple nous entendons la réalitébiologique mais aussi lespensées et les engagementsfondamentaux que ce peuplereprésente. Le sionisme est le retourau judaïsme avant même le retour àla terre des juifs, avait déclaré Herzldans son discours d'ouverture dupremier congrès.

En vérité, le judaïsme sansHalacha est comme un arbrecoupé de ses racines. En fait,

dénigrer la foi et la Halacha c'estmenacer l'existence même de notrepeuple. C'est là un danger quirequiert notre attention la plus

question qui tourmente nos jeunesest la suivante : finalement, quesignifie vivre dans la sécurité et ladignité ? Quelle orientation devraitdéterminer notre mode de vie ?Quelles valeurs devons-nous chérir ? Quelles qualités devons-nouscultiver ?

Je crois que la signification ultimede l'existence c'est d'être un témoinreligieux. Pourquoi un témoin ? Parceque le rétablissement de l'Etatd'Israël est un événement incroyableet sans précédent dans l'histoirespirituelle de l'humanité. L'existencemême de cet Etat est une affirmationdu pouvoir de la spiritualité juive surle chaos de l'Histoire. Ceux qui

assistent ou participent audéroulement d'un fait aussimerveilleux doivent portertémoignage devant le mondeet devant les générations àvenir. Quelle est lasignification que j'attache à lanotion de témoin religieux ?Compassion pour Dieu etrespect pour l'homme,célébration du caractère sacrédu temps, sensibilité aumystère d'être juif, sensibilitéà la présence de Dieu dans laBible.

Pour l'amour de Dieu, pourl'amour d'Israël et du monde,le peuple d'Israël et l'Etatd'Israël doivent s'affirmercomme témoins religieux afinde maintenir vivants dans lemonde la conscience du Dieud'Abraham et le respect pourla Bible. Oui, ceci est notretâche. Nous, juifs, sommes des

messagers mais des messagers quiont oublié le message ? Comment leproclamer ? Comment le vivre ? Voicivenue l'heure d'or de l'Histoire juive.Les jeunes attendent, désirent,cherchent ardemment le messagespirituel. Et nous sommes incapablesde répondre, de guider, d'éclairer.Avec Sion comme preuve et commesource d'inspiration, comme témoinet comme exemple, une régénérationde notre peuple pourrait se produire.

A.H

Le sionisme est le retour au judaïsme avait déclaré Herzl

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Eloge du Cantique PAR ELIE BOTBOL

âme, le chant de la vie et de la libertérecouvrée. Le chant est ici expression del’âme au service de l’Ineffable qu’elleperçoit et qu’elle célèbre dans le mêmeélan.

Le roi David choisira ce genre littérairecantilé pour rédiger son unique ouvrage,

Après le miracle de latraversée de la MerRouge, les Hébreuxentonnèrent le Cantiquede Moïse dans lequel ilss’écrièrent : “Ceci est

mon Dieu“. Bien qu’invisible et indicible,l’ tre divin devenait à leursyeux une réalité sensible.L’emploi du pronomdémonstratif ceci suggèrequ’ils pouvaient presque lemontrer du doigt. Ils leglorifièrent ensuite enclamant son unicité et sasuprématie en ces termes:“Qui est comme toi parmiles puissants, ô Yhvh !“.

Le Midrash (Mekhilta)assimile ce sentiment deproximité de Dieu à uneperception prophétique degrande lucidité. Il déclare,en effet, que “la vision qu’aeue une simple servante aubord de la Mer Rougedépassait celles duprophète Ezéchiel (duChar céleste) et des autresprophètes”.

La clarté de cette visionne transparaît passeulement dans la subtilitédes expressions formuléespar les Hébreux à la gloirede Dieu. Elle se révèleaussi par le mode musicaladopté pour les énoncer.Car la Chira est, certes, unepoésie mais c’est aussi unchant. Ces esclaveshébreux fraîchementlibérés d’Egypte ne sontpas des poètes. Ils nes’expriment pas ainsi envertu d’un art dont ilsignorent tout, mais de lacommunion, à ce momentprécis, avec la puissancedivine. Dieu leur a tendu lamain, “la grande mainqu’Il a mise en œuvre enEgypte”, et eux lui offrenten retour leur cœur, leur

les Psaumes. Certes, sa sensibilité à lamusique l’y prédisposait, même si,contraint par les événements, il étaitdevenu aussi guerrier et tenace. Maisil aurait pu, comme tant d’autres,dédier son art aux thèmes traditionnelsde la poésie lyrique : l’amour, la mort,

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JUDAÏSME

du vrai et du juste était de tous lesinstants.

Une sensibilité au mondeLa connaissance de la Tora et

l’intelligence requise pour sonapplication sont, certes, indispensablesà une vie conforme au judaïsme. LeTalmud et le Code de la loi juive en sontles références naturelles. Mais sont-ellessuffisantes pour animer une vie, pour larendre passionnante ?

La vie est d’abord une sensibilité aumonde, aux choses, aux hommes ; c’estun chant, un chant à la gloire de l’ tre de qui procèdent tous les êtres. Cettedimension sensible de la vie n’en est pasla moindre, ni dans la vie religieuse nidans la vie tout court. Elle constitue lemoteur de toute démarche humaine.D’ailleurs, une bénédiction assezsingulière lui est consacrée dans le rituelmatinal. Elle consiste à bénir Dieu pour“avoir donné au coq le discernementpour distinguer le jour de la nuit”. Plusque pour sa promptitude à distinguer,le premier, la lumière du jour, le coq est

promu du fait qu’il célèbre l’aurore parun chant, le chant du coq. Cettebénédiction suggère à l’homme dedécouvrir, à son tour, avec fraîcheur etémerveillement, la lueur qui point àl’aube tous les matins. Aucune aurorene ressemble, en effet, à une autre pourcelui qui sait l’observer et l’apprécier.

Aucune science ni autre savoir ne peutse substituer à cette dimension sensible.Elle occupe une place toute particulièreen l’homme ; elle relève de l’expérience,de l’indicible. Un exemple presque banal : Einstein aurait déclaré après unconcert de Yéhoudi Ménuhin :“Maintenant, je sais que Dieu existe”.

Dans l’histoire religieuse juive, lesCabalistes au Moyen-âge puis lesHassidim au 18ème siècle l’ont remiseà l’honneur lorsque le manque s’en estfait sentir au sein du peuple. Lespremiers la célébrèrent par l’approchemystique ; elle ne pouvait, en effet, êtreintellectualisée sans recours au champlexical et au registre du divin. Ilsconstituèrent le Zohar et rédigèrent de

la solitude, la nature ou la rêverie. Ilchoisit d’évoquer dans les Psaumes sesdifficultés existentielles, ses contrariétés(avec son fils Avshalom et avec le roiShaoul), son aspiration à mieuxcomprendre les chemins de vie, sareconnaissance envers Dieu, Sesconseils avisés pour accéder à la voiedes Justes, etc. Il prit souvent Dieu àtémoin pour cautionner ses bonnesactions et intentions ou pour faire œuvrede pénitence pour ses errements et sesimpatiences (notamment pourBethsabée). Et, fait remarquable, toutcela, il l’a chanté avec l’éloquence dupoète et l’épanchement spontané del’âme.

Un apologue talmudiqueCes vertus de sincérité et de sérénité

joyeuse manifestées par David dans lesPsaumes sont mises en valeur par unapologue talmudique qui confère à saharpe une certaine connivence avecl’interprète, comme si elle devinait sespropres sentiments: “Une harpe pendaitau-dessus du lit de David. A minuit, un

vent du nord y soufflait, et la harpe jouaittoute seule” (Berakhot 3b). Ces qualitéssont, nous semble-t-il, à l’origine de lapromesse qui lui a été faite d’êtrel’ascendant du « Messie fils de David”,lors de la rédemption finale d’Israël. Acontrario, un de ses descendants, le roiEzéchias, qui avait été pressenti pourêtre le Messie, a été récusé parce qu’iln’avait chanté les louanges de Dieu nià la suite de sa guérison ni après avoiréchappé miraculeusement à l’empereurassyrien Sennachérib venu le combattre(Sanhédrine 94a).

Le style poétique et spontané adoptépar David dans les Psaumes et parMoïse dans le Cantique de la mertémoigne de leur rapport vivant ettoujours renouvelé au monde et à Dieu.Malgré les lourdes charges liées à leurfonction royale, ces deux personnalitésont su préserver leur humanité et leurhumilité intactes. Et, dans leur servicedivin, ils ne se sont pas abandonnés à laroutine, source de fossilisation de larelation du fidèle à Dieu, car leur quête

nombreux ouvrages mystiques. Mais ilscomposèrent aussi des chantsliturgiques, Zemirot, Piyoutim et Séli’hot,dans lesquels seule l’âme des hommesavertis saisit la profondeur, les nuanceset les allégories sous-jacentes. Citonspour mémoire deux Zemirot assezconnues, composées en l’honneur duChabat par deux cabalistes de Safed du16ème siècle, R. Isaac Louria, dit le Ari,et R. El’azar Azkiri : respectivement,Azamer bichva’hine et Yedid néfesh. Ilva sans dire que les Cabalistes accordentune haute importance à la cantillationdes chants et louanges contenus dansles Psaumes. Ils sont assimilés, pour eux,à des “nuées d’habits précieux” quienveloppent la Chekhina pour la fairemonter jusqu’au Dieu suprême. Pourtémoigner sa reconnaissance à l’orant,Dieu fait accompagner l’âme de celui-ci, à sa mort et jusqu’au monde à venir,par des cantiques, “comme Israël sortitd’Egypte enveloppé de nuées de gloireet en musique” .

Quant aux Hassidim, ilspopulariseront cette approche en yrajoutant leurs mélodies ou Nigounimet leurs fameux contes allégoriques.

Conscients de l’importance de cettedimension sensible, les hommes de laGrande Assemblée ont institué, dés ledébut de la prière quotidienne du matin,la récitation de Psaumes, des extraitsdes Chroniques et de Néhémie, et duCantique de Moïse, et encadré cecrescendo de louanges par deuxbénédictions. L’expression qui clôturecette section de l’office illustre bien sahaute valeur religieuse : Habo‘herbéchiré Zimra. Elle signifie que Dieuprend en affection particulière ceux quilui adressent leurs chants harmonieux.

Chabat Chira nous rappelle, une foisl’an, lors du Chabat Béchala’h, jourprédisposé au recueillement, lanécessité d’être à l’écoute du chant dela vie et de raviver cette dimensionsensible qui tend à s’éteindreinsidieusement.

De même, le septième jour de lafête Pessah, ce Cantique est lu dansle Séfer Tora car il célèbrel'anniversaire de la traversée de laMer Rouge.

---(1)Zohar Hadach, Tiqounim, 62b

selon la traduction de Charles Mopsik,Les grands textes de la Cabale, Verdier,Collection "les dix paroles", 1993, page172.

Cette bénédiction suggère à l'homme de découvrir, àson tour, avec fraîcheur et émerveillement, la lueur

qui point à l'aube tous les matins.

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L'auto-destruction de l'Europe

PAR PAUL GINIEWSKI

"reconquête" du monde. Et le monde, objetde la conquête, collabore à sonasservissement, s'auto-détruisant enremplissant les exigences de ceux quitravaillent à le déconstruire.

Le mécanisme de cette collaboration etde cette auto-inféodation est bien rodé.

Ainsi, l'OCI (Organisation de laConférence Islamique) veut "obtenir del'ONU une résolution interdisantl'islamophobie et invitant les Etatsmembres à promulguer des lois assortiesde sanctions dissuasives pour lacombattre". L'Europe obtempère enfondant "sa politique et sa propagandeanti-Bush sur la condamnation du combatmilitaire contre le terrorisme, privilégiantla recherche de ses causes profondes".

L'OCI trouve urgent "de travailler avecla communauté internationale pourimposer des contraintes à Israël" et faireadopter son idéologie, selon laquelle "toute

Dans son terrifiant essaiL'Europe et le spectre ducalifat (1), Bat Ye'or,l'histo-rienne de l'islam,s'est remémoré "laquestion qui m'avait

hantée voici vingt ans. Comment despeuples chrétiens, dotés d'Etats, de fortesarmées et des plus riches cultures de leurtemps, se désintègrent-ils dans leursconfrontations avec le jihad et ladhimmitude du VIe au XVe siècle ?Maintenant, je ne me pose plus cesquestions. Ces processus dedécomposition que j'étudiais dans devieilles chroniques, je les ai vus se déroulerdans l'Europe actuelle. Alors que jescrutais le passé, je le voyais se répéterdans le présent".

En effet, le spectre d'un nouveau califatne hante pas simplement l'Europe. Il estdéjà en train de s'installer. L'Europe estdéjà profondément engagée dans leprocessus de sa dhimmisation et setransforme en vassale obéissante etsoumise. C'est à ce processus que Bat Ye'ornous fait assister.

L'expansion de l'empire musulmans'était opérée jadis par je jihad, la guerrede conquête, qui a transformé divers paysen "terre d'islam". Les populations localesont été converties, décimées, dotées d'unstatut d'infidèles inférieurs, soumis àvexations et tribut, la dhimma.

Cette expansion était fondée sur uneidéologie : le monde appartient aux fidèleset toute résistance à la conquêteterritoriale, politique et spirituelle est unerébellion illégitime contre l'ordre naturelet doit être légitimement réprimée.

Or, on voit l'islamisme, au XXIe siècle,renouer avec son passé guerrier etmilitant, lancé à la conquête ou

entreprise visant à étendre le domaine del'islam est jugée 'résistance'. Ainsi, lesjihadistes palestiniens sont appelés'résistants' dans tous les textes officiels del'OCI. Par contre, des attentats commiscontre des musulmans en Irak,Afghanistan, Pakistan, Maroc, Algérie etdans d'autres pays musulmans, sontassimilés au terrorisme. Autrement dit,les mobiles définissent le terrorisme etnon la violation du droit humanitaireuniversel".

L'Europe s'y plie et condamne "lespratiques d'auto-défense d'Israël contrele terrorisme comme agression oudisproportionnées". Et un "groupe de hautniveau" constitué par le Secrétaire généralde l'ONU préconise une "solution juste"du conflit israélo-arabe : Israël devrait"faciliter l'établissement d'un Etatpalestinien", "se sacrifier, se mutiler, sesupprimer - comme l'Europe d'ailleurs lefait par elle-même - au nom de la morale

LIVRES

Notre collaborateur rend compte ci-dessous du nouveaulivre de Mme Bat Ye'or réputée spécialiste de l'histoire del'islam et notamment du concept de dhimmitude. De son

vrai nom Gisèle Litamn, elle est née en Egypte et elle aconsacré un certain nombre d'ouvrages notamment à lasituation des chrétiens d'Orient.

L'ONU préconise une "solution juste" du conflit israélo-arabe : Israël devrait "faciliter l'établissement d'un Etat palestinien"

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LIVRES

administratives et des changements dansles mœurs.

En Grande-Bretagne et dans d'autrespays, on délègue à des intermédiairesmusulmans "le soin de faire respecter par

leurs coreligionnaires les lois nationales.Ce procédé qui délègue à des musulmansle pouvoir sur d'autres musulmansémigrés entérine l'une des lois principalesde la dhimmitude qui interdit à l' 'infidèle'd'exercer une autorité sur un musulman".

Un véritable jihad juridique sévit. Unecondamnation prononcée dans un paysarabe peut entraîner " une demandeinternationale d'arrestation à Interpol (…)Le risque d'extradition d'une personneinnocente dans un pays musulman qui lajugerait coupable selon la charia restreintla liberté de voyager".

De même, dans certaines écoles, "lesprofesseurs ne parviennent pas àenseigner l'histoire de la Shoah ni d'autressujets écartés par des élèves musulmanshostiles. Cette situation scolaire estgénéralisée dans toute l'Europe (…) Lesuniversitaires qui osent écorner la doxa

jihadiste de la paix et de la sécuritéaccordées dans l'univers de ladhimmitude". De même, "de ladécolonisation de la Sicile, de l'Espagne,du Portugal, de la Serbie, de la Grèce etdes Etats balkaniques anciennes coloniesottomanes".

Ou encore, quand l'OCI réclame "unebase" construite par les penseurs, capablede guider les pays non-musulmans etsauver les générations futures, "unexemple pour ceux qui désirent endiguerle flot d'aberrations et de perdition afin deprotéger les fils des générationscontemporaines contre l'aveuglement etles façons bornées et insensées desmœurs, des coutumes et des concepts desnon musulmans", les parlementaireseuropéens réunis à Strasbourgobtempèrent encore. Ils réclament " lareconnaissance historique de la culturearabe au développement européen "etdemandent aux gouvernementseuropéens " d'aborder le secteur cultureldu dialogue euro-arabe dans un espritconstructif et d'accorder une plus grandepriorité à la diffusion de la culture arabeen Europe".

Et ainsi de suite.

Est-il trop tard ?L'avertissement des sociétés d'Occident,

l'imposition du califat se traduisent d'oreset déjà en Europe par des mesures

dictée par l'OCI, sont assaillis par leurscollègues". Un professeur françaisd'histoire de l'Ecole normale supérieurede Lyon en a fait l'expérience quand ilpublia une étude savante sur la

transmission de la culture grecque pardes canaux grecs et latins au Moyen-Age.Il avait osé démentir "la transmissionexclusivement musulmane de la sciencegrecque aux Latins. Désormais la diversitéd'opinion est assimilée au blasphème,l'information objective taxée de racisme,tandis que la défense des valeurs judéo-chrétiennes et des identités nationales etculturelles devient de la xénophobie".

Devant cette accumulation de faits,cette transformation déjà profonde dessociétés occidentales, le mot "pessimisme"est inapproprié pour qualifier le livre deBat Ye'or. Il pose la question de savoir sila descente aux abîmes est encoresusceptible d'être arrêtée. ( Bat Ye'or,L'Europe et le spectre du califat, Ed. Lesprovinciales, 38510 st-Victor-de-Mor, 216p, 18 Euros )

P.G.

Dans certaines écoles, les professeurs ne parviennentpas à enseigner l'histoire de la Shoah ni d'autres

sujets écartés par des élèves musulmans hostiles.

Terrorisme à Jérusalem

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EN BREF

Recettes pour l'anéantissement du peuple juifAlexandre Feigenbaum - Kébir Jbil -Bernice Duboid

Par le biais de quelles apologies etamalgames les antisémites de tout bordarrivent-ils à semer troubles, violenceset terreur ? Qui sont-ils, de quellesobédiences politiques ? Sous quelsprétextes agissent-ils ? Pour y répondre,les auteurs se sont livrés à une analyseméthodique, appuyée sur l'étude dedifférents éléments : les parti-pris etpensées closes, le cloisonnementcommunautaire, le négationnisme defaits avérés sur lesquels raison et réalitén'ont plus prise. Celui également de lajalousie (pourquoi eux, les juifs, ont-ilsdroit à .. et pas nous ?), de la peur, dela documentation littéraire àcommencer par le plus indestructibleet pernicieux d'eux tous : Les Protocolesdes Sages de Sion de Golovinski,"véritable plagiat" du Dialogue auxenfers de l'avocat Maurice Joly décédéen 1878, en lutte contre la politique deNapoléon III !

La première partie du texte traite,entre autres, de la responsabilité des"Alterjuifs", de Michel Warschavsky àOlivia Zemor, de la soi-disantculpabilité des victimes pour leursdétracteurs, de l'immense responsabilitéde la presse dans la diffusion decertaines informations, car même si unscoop se révèle a posteriori erroné etinfondé, son démenti n'aura jamaisl'impact du scoop lui-même : AffaireEnderlin-Al Dura-Philippe Karsentypar exemple. Critique aussi ducomportement de la communauté juive,bien trop modéré pour eux à certainségards.

La seconde partie aborde, textes àl'appui, le négationnisme etl'antisémitisme de l'après-guerre, avecentre autres, celui des groupes néo-nazis, de l'extrême- droite, de l'ancienunivers stalinien, de l'amalgameShoah/Palestiniens, des pernicieuxmanuels scolaires dans certaines écolespalestiniennes et de l'attitude de paysmusulmans comme l'Iran.

Un livre documenté, soutenu parl'Association Hevel. (Editions L'APART- 18€)

Œuvres 2Par Emmanuel Levinas

Le numéro 2 des Œuvresd'Emmanuel Levinas vient de paraîtresous le titre "Parole et silence et autresconférences inédites" (Editions Imec,Grasset) Entre 1947 et 1964, lephilosophe avait prononcé un certainnombre de conférences au Collègephilosophique créé par Jean Wahl aulendemain de la guerre. Neuf de cesconférences ont été réunies dans cevolume. Ce collège était une universitéen marge de l'université. Levinas leconsidérait comme " l'endroit où le nonconformisme intellectuel - et même cequi se croyait tel - était toléré etattendu". Le mot collège lui-même "ditqu'il s'agit d'un rassemblement dediversités ".Les deux préfaces de celivresont signées Rodolphe Calin etCatherine Chalier (23 E)

L'horreur oubliée. La Shoah roumaine

C'est à ce thème que la Revued'histoire de la Shoah consacre sonnuméro 194 ( janvier-juin 2011. Notreami Georges Bensoussan qui dirigecette revue note que la Shoah enRoumanie a pu être caractériséecomme uns Shoah oubliée et sonhistoriographie comme "un trou noir".

Bensoussan termine sa présentationdu numéro en écrivant : "Il fautattendre les années 2002-2004 pourassister à un tournant significatif dansle regard porté par la Roumanie surelle-même. Plusieurs initiativesgouverne-mentales y contribuent,comme la création d'un institutd'histoire et la mise en place d'unejournée de commémoration desvictimes de la Shoah. La prise deconscience semble cette fois au rendez-vous, même si les analyses sur lesspécificités radicales de la Shoahrestent encore l'exception parmi lesintellectuels de ce pays. Sur le planpolitique et historiographique, laRoumanie semble donc toujourscamper aux portes de l'Europe". (Revuedu Centre de documentation juivecontemporaine. 700 pages. 19 euros)

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CINÉMA

Et le synopsis débute au momentoù, victime d'un malaise lié à ladécouverte progressive de la maladied'Alzeihmer qui le frappe, Conrad metle feu à la résidence secondaire qu'ilse devait de protéger et se retrouve,dès lors, hébergé avec unebienveillance aussi troublante quesuspecte par la matriarche de lafamille, Elvira (Françoise Fabian).

Inutile d'en dire plus sur les fils decette intrigue policière et provincialeà base de lourds secrets familiauxenfouis, de trahisons morales et demeurtre caché, si ce n'est qu'onregrettera de deviner un peu tropfacilement certains ressortsdramatiques.

Il est par ailleurs intéressant derelever que le traitement de lamaladie d'Alzeihmer n'a pas donnélieu à beaucoup d'histoires portées aucinéma, même si Zabou Breitmanavait joué un rôle précurseur avec sontrès beau premier film Se Souvenirdes belles choses et que ce nouveau

Choisissant toujours avecintelligence les avant-premières qu'elleorganise au célèbrecinéma parisien LeBalzac, l'association Yad

Layeled France, qui œuvre aux finsd'encourager à travers de nombreuxoutils pédagogiques l'enseignement dela Shoah en milieu scolaire, présentaitle 29 mars écoulé devant un publicnombreux et ému le tout nouveau filmde Bruno Chiche, qui a décidé d'adapterle roman de Martin Suter, Small World.

Toutefois, si le scénario concocté parcelui qui est aussi le producteur ami desréalisateurs Toledano et Nakache,reprend fidèlement la trame du livre qu'ilentend adapter, il en a modifié de façonradicale la structure, délaissant lanarration éclatée de l'ouvrage original,pour lui préférer une chronologielinéaire, au risque d'atténuer les effetsde surprise.

Ainsi, même si la forme de cetteadaptation peut laisser à désirer, BrunoChiche réussit ce mois-ci à tirer sonépingle du jeu grâce à un opus qui estporté par un casting impressionnant,entre une nouvelle performance deGérard Depardieu (énorme dans tousles sens du terme), de Françoise Fabian(qui livre un second rôle majestueux degrandeur et de froideur) ou par le jeu decelui qui est devenu depuis cesdernières années le roi des secondsrôles, Niels Arestrup.

L'histoire est celle d'un célibataire de60 ans, Conrad Lang (Depardieu) quivit aux crochets d'une riche familled'industriels, les Senn, et leur sert degardien dans leur maison de vacances,alors même qu'il a vécu depuis son plusjeune âge auprès d'eux.

long métrage apporte une pierre deplus à la description de cette maladiequi fait chaque jour plus de victimes,entre la destruction totale de lamémoire instantanée et laréminiscence de très ancienssouvenirs, comme ceux qui vontservir de véritables détonateurs ausein de cette famille richissime aubord de la crise de nerfs.

Et si tout le film tourne bienévidemment autour de la façon dontGérard Depardieu porte ce petit mondesur ses épaules, apportant unetendresse et une douceur incroyable àson personnage, et le faisant ainsiévoluer non pas vers l'aspect sordidede la maladie mais bien plus vers unesorte de poésie qui rappellel'insouciance et la candeur du mondede l'enfance, les autres acteurs sontaussi au diapason et jouentparfaitement leur partition.

Que dire enfin du plaisir de retrouverunis à l'écran le géant Depardieu et la(toujours) étonnante Nathalie Baye, quiformaient déjà il y a près de trente ansun couple épatant dans certains filmsinoubliables tels que Le Retour deMartin Guerre ou encore Rive Droiterive gauche.

Ainsi, même si d'aucuns nemanqueront pas de critiquer l'aspectconventionnel et trop académiqued'une mise en scène qui nous rappellebien plus le travail très classique d'unJean Becker que les chefs d'œuvreteintés de vitriol d'un Claude Chabrol,il n'en reste pas moins vrai que l'onprend un plaisir certain à découvrir cefilm au charme évident, porté par uncasting réussi, qui donne tout sonintérêt à cette émouvante étuderomanesque.

Un casting richepour Bruno Chiche

PAR ELIE KORCHIA

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IN MEMORIAM

Hommage à Alfred Zemmour

PAR JEAN-LUC ALLOUCHE

ancien élève de l’école normaled’instituteurs de Constantine, lui qui aexercé comme professeur demathématiques – de là, sans doute, sarigueur – en même temps qu’ilmanifestait son profond attachement àla vie juive ? L’auteur de ces lignes, lui-même natif de Constantine, a eu lebonheur d’avoir de semblables maîtresdans son enfance.

Comme beaucoup d’hommes de sagénération, il a connu les champs debataille de la Deuxième Guerremondiale, dans “l’Armée d’Afrique”, etil l’a terminée avec les honneursmilitaires : cité à l’ordre du 23e régiment

d’infanterie coloniale en 1945, il étaittitulaire de la croix de guerre. Plus tard,il sera fait chevalier des Palmesacadémiques et chevalier de l’ordrenational du Mérite.

Quand l’exode de 1962 jette les“pieds-noirs” sur le sol de France, luiquitte Constantine pour se retrouver àLyon. C’est là qu’une nouvelle aventure

Alfred Zemmour estdécédé le 23 mars,besséva tova, comme ditla Tradition, dans “unebienheureuse vieillesse”,repu de jours. Il devait

fêter ses 91 ans, le 30 mars. Sesfunérailles, le 25 mars, au cimetièreintercommunal de Clamart, ontrassemblé une foule nombreuse.Témoignage, s’il en était besoin, de sonrayonnement, voire de sa popularité, àen juger par l’assistance émue quiregroupait les fidèles de la communautéBoulogne-Billancourt, dont il futlongtemps président, et ses anciens

collaborateurs du Fonds social juif unifié.Alfred Zemmour, à la modestie bien

connue et, surtout, à l’humour jamaisdémenti, a dû sans doute, “là où il setrouve”, comme l’a exprimé l’un des sespetits-fils, se montrer quelque peu gênépar la douleur exprimée ce jour-là. Et ilaurait exigé que la vie reprenne vite sesdroits. Autour de sa fidèle compagne devie, Rosette, de ses enfants et de sespetits-enfants, ses amis tenaient à luirendre le juste hommage pour son actionet son dévouement hors du communpour la communauté. Ce que n’ont pasmanqué d’évoquer le rabbin HaïBelhassen, le président de lacommunauté de Boulogne-Billancourt,Robert Ejnes, auquel il avait transmis leflambeau, de même que les grandsrabbins René Samuel Sirat et AlainGoldman. Tout comme Pierre-Christophe Baguet, député-maire, et leconseil municipal de Boulogne-Billancourt.

Né à Sétif, Alfred Zemmour avait étéfaçonné dans la merveilleuse pâte dujudaïsme du Constantinois, ce judaïsmeresté fidèle à ses antiques traditions touten osant affronter les nécessités de la viemoderne et de la citoyenneté française.Pouvait-il en aller autrement pour un

commence : la rencontre avec le FSJU.Ou, plus exactement, d’abord avec unhomme, Adam Loss, qui lui feraconfiance et qu’il accompagnerajusqu’au bout, jusqu’à sa dernièredemeure, il y a un peu plus de trois mois(voir Information juive N° 307, décembre2010). Avec Maurice Arama, nousavions eu le bonheur de déjeuner aveclui, un mois presque jour pour jour avantson décès, et c’est peu de dire que lamort de son ami l’avait profondémentaffecté.

Car Adam Loss lui confia, sansbarguigner, responsabilité aprèsresponsabilité : centre communautairede Lyon, grâce au truchement de soncousin, Edgar Guedj (“Lynclair”). “Ilm’a embauché en cinq minutes”,s’étonnait-il encore, des décennies plustard. Puis, en 1965, il est appelé ausiège de Paris, où il doit déjouercertaines méfiances , dans ce haut-lieu,jusque là, de la notabilité ashkénaze.Là encore, Adam Loss l’a encouragé.Alfred Zemmour en a conçu uneestime, voire une admiration qui nes’est jamais démentie. “S’il n’avait pasété là”, soupirait-il encore, il y a peu.

Nommé directeur général adjoint duFSJU, Alfred Zemmour a exercé unevigilance sourcilleuse sur les finances,souvent bancales, de l’Arche. Il auraété aussi l’un des principaux artisansde la création de Radio Communauté(qu’on me permette de me souvenir denos séances d’apprentissage dans leslocaux d’Europe 1, afin de nousfamiliariser avec le fameux phraséradiophonique de cette station,qu’Alfred Zemmour nous avaitorganisées).

Puis, toujours fidèle à sesengagements, il œuvrera pour sacommunauté de Boulogne-Billancourt.Comme pour mieux obéir, encore ettoujours, à l’immémorial enseignementdu Traité des Pères : “Là, où il n’y a pas d’homme, efforce-toi d’être unhomme.”

Aucune mort n’est belle. En revanche,il est de belles vies. La sienne le fut.

Aucune mort n'est belle. En revanche, il est de belles vies. La sienne le fut.

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CLAUDE IMBERT.Editorialiste du Point :"Dans toute guerre, ce que l'on sait lemieux c'est le commencement "

JEAN-CLAUDE BALMER. Comédien :"Je suis un grand acteur "

MARC DUGAIN.Ecrivain :"En matière de terrorisme, Kadhafi n'estpas une oie blanche. Si cet inculte notoiremérite bien un doctorat, c'est celui de laviolence aveugle "

JACQUES ATTALI. Essayiste :"Quand j'arrive dans un pays, je regardesa démographie et sa musique. Avec ça,je sais déjà énormément de choses sur cequ'il est et va devenir "

VALÉRIE PÉCRESSE. Ministre de l'Enseignementsupérieur :" Il n'y a pas en France de grand institutde recherche dédié au monde arabe et àl'islam "

ERIC ZEMMOUR. Chroniqueur :"La gloire du journalisme à la française estun mélange de commentateur,d'idéologue, d'intellectuel qui sort de sasphère pour donner son avis sur les affairesde la cité "

CLAUDE GUÉANT. Ministre de l'Intérieur :" Il est constitutionnellement impossibled'interdire le prône en arabe. On n'interditpas les messes en portugais ou l'hébreudans les synagogues ".

CHANTAL DELSOL. Philosophe :"Depuis la fin de la Seconde Guerremondiale, fleurit ce qu'on appelle à présentle catastrophisme. Les deux événementsterribles que furent la Shoah et Hiroshimaont évidemment contribué à la naissance

de courant dont l'écologue aujourd'hui senourrit : on attend la fin du monde "

ALEXANDRE ADLER.Historien :" Il nous faut réinventer notre monde ".

JEAN-LUC MARION.Philosophe. De l'Académiefrançaise :"Comme la prière, le " je t'aime " est uneparole qui ne dit rien, mais qui le dit àquelqu'un "

FABRICE LUCHINI.Comédien :"Essayons d'être dans l'immanence del'instant "

HUGO CHAVEZ.Président du Venezuela :"Bachar Al Assad est un président arabesocialiste, un humaniste, un frère "

VERBATIM

ROBERT BADINTER. Ancien ministre de la justice :" Celui qui pense devoir sa fonction à sesseuls mérites est perdu "

CARNET

MariageNous adressons tous nos voeux de Mazal Tov à M. Alberto Gabai, vice-

Président du Consistoire de Paris ainsi qu'à son épouse, pour le mariage deleur fille Myriam avec M. Jimmy Bensoussan qui a été célébré par le GrandRabbin de Paris à la Synagogue de la Victoire.

NécrologieNous apprenons avec tristesse le décès, le 26 janvier 2011, de Janine

Lifshitz, née Kahndans sa 91ème annéeElle était la mère de Danielle Malka et de Anne Krams

Ancienne élève des Beaux Arts de Marseille, elle s'engage en 1941 à l'OSEoù elle est recrutée par Julien Samuel comme assistante sociale. Elle estchargée de s'occuper des familles juives d'Afrique du Nord vivant dans levieux quartier de Marseille qui sera détruit par les Allemands lors de leurarrivée en 1943. Elle part ensuite pour Limoges où elle rejoint le réseau Garel.Elle est alors chargée du suivi social de nombreuses familles juives cachéesdans la région et du " planquage " des enfants dans les Cévennes. Arrêtée àLyon fin juillet 1944, par la Gestapo et des miliciens, elle est internée au fortMontluc, où elle reste jusqu'à la Libération. Après la guerre, elle épouse Josué Lifshitz, responsable de la Sixième adulte,puis directeur adjoint du COJASOR par intérim, connu dans la Résistancesous le pseudonyme de Henri Champagnac. A nos amis Danielle et Salomon Malka et leurs enfants Ilan et LaurenA Anne et Martin Krams et leurs enfants Benjamin et Thomas,nous présentonsnos sincères condoléances.

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