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Il vaut mieux un bon coup d’œil que se creuser les méninges ! 1. L´observation Une femme, âgée de 55 ans, ancienne secrétaire, était hospitalisée pour des douleurs abdominales non spécifiques, et une diarrhée chronique de trois selles pâteuses par jour persistant depuis 8 mois. Elle n’avait pas de fièvre, son appétit était conservé, et son poids stable. Il n´y n’avait pas d´antécédent familial particulier. La patiente mariée, mère de deux enfants en bonne santé, n´avait jamais voyagé hors d´Europe. Il n´y n’avait aucune notion de tabagisme ou d´abus d´alcool. Cette patiente nous apprenait que dès l’âge de 38 ans, étaient survenus des accidents neurologiques déficitaires récidivants : paralysies transitoires répétées du membre supérieur gauche, des accès de vertiges et de troubles de l´équilibre, une paresthésie transitoire de la jambe droite et des céphalées. Trois IRM cérébrales faites en 10 ans avaient montré des hypersignaux de la substance blanche, apparus de manière lentement progressive. Une ponction lombaire avait ramené un liquide céphalorachidien contenant 50 cellules/µL (dont 58% de lymphocytes et 25 % de monocytes) et une hyperprotéinorachie de 75 mg/dL (N : 15-40) sans bandes oligoclonales. On avait conclu à une « sclérose en plaques atypique ». Par la suite une corticothérapie d´une durée de 9 mois s´était avérée temporairement efficace tandis qu´un essai thérapeutique avec l´interféron bêta-1a n´avait pas soulagé les symptômes. Depuis de nombreuses années, elle avait aussi des céphalées, des arthralgies et des myalgies diffuses associées à une fatigue chronique importante, sans syndrome inflammatoire biologique, sans diagnostic précis malgré plusieurs consultations de rhumatologie et de

Il vaut mieux un bon coup d’œil que se creuser les méninges · 2016-11-07 · Il vaut mieux un bon coup d’œil que se creuser les méninges ! 1. L´observation Une femme, âgée

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Il vaut mieux un bon coup d’œil que se creuser les méninges !

1. L´observation

Une femme, âgée de 55 ans, ancienne secrétaire, était hospitalisée pour des douleurs

abdominales non spécifiques, et une diarrhée chronique de trois selles pâteuses par jour

persistant depuis 8 mois. Elle n’avait pas de fièvre, son appétit était conservé, et son poids

stable.

Il n´y n’avait pas d´antécédent familial particulier. La patiente mariée, mère de deux enfants en

bonne santé, n´avait jamais voyagé hors d´Europe. Il n´y n’avait aucune notion de tabagisme

ou d´abus d´alcool.

Cette patiente nous apprenait que dès l’âge de 38 ans, étaient survenus des accidents

neurologiques déficitaires récidivants : paralysies transitoires répétées du membre supérieur

gauche, des accès de vertiges et de troubles de l´équilibre, une paresthésie transitoire de la

jambe droite et des céphalées. Trois IRM cérébrales faites en 10 ans avaient montré des

hypersignaux de la substance blanche, apparus de manière lentement progressive. Une ponction

lombaire avait ramené un liquide céphalorachidien contenant 50 cellules/µL (dont 58% de

lymphocytes et 25 % de monocytes) et une hyperprotéinorachie de 75 mg/dL (N : 15-40) sans

bandes oligoclonales. On avait conclu à une « sclérose en plaques atypique ». Par la suite une

corticothérapie d´une durée de 9 mois s´était avérée temporairement efficace tandis qu´un essai

thérapeutique avec l´interféron bêta-1a n´avait pas soulagé les symptômes.

Depuis de nombreuses années, elle avait aussi des céphalées, des arthralgies et des myalgies

diffuses associées à une fatigue chronique importante, sans syndrome inflammatoire

biologique, sans diagnostic précis malgré plusieurs consultations de rhumatologie et de

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neurologie. Ces symptômes invalidants conduisaient à une cessation de ses activités

professionnelles à l’âge de 49 ans. Par ailleurs, elle était traitée pour une hypertension artérielle

depuis 7 ans, bien contrôlée par lisinopril 5 mg/jour. Il y a 2 mois, un monitoring ambulatoire

de la pression artérielle sur 24 h montrant une pression artérielle moyenne de 150/95 mmHg

conduisait à majorer le lisinopril à 10 mg/j. La patiente ne prenait aucun autre médicament.

À l´admission, l´examen clinique montrait une sensibilité diffuse à la palpation abdominale, pas

de défense, ni contracture, pas d’hépatomégalie ni de splénomégalie. Le reste de l´examen

clinique était normal. L´inspection de la peau et des muqueuses ne révélait aucune anomalie.

Deux mois auparavant, elle avait eu des explorations biologiques (plusieurs coprocultures,

dosage de la calprotectine fécale) et morphologiques (échographie abdominale, scanner thoraco-

abdomino-pelvien, œsogastroduodénoscopie, colonoscopie avec biopsies, IRM de l´intestin

grêle, angio-IRM des artères digestives) qui n’avaient révélé aucune anomalie.

La vitesse de sédimentation était à 22 mm à la première heure et la CRP à 0,7mg/dL (N <

0,5).Tous les autres paramètres biologiques : cholestérol (HDL, LDL), triglycérides, TSH, T4

libre, IgG, A, M, sérologies virales, maladie de Lyme, VIH, TPHA, anticorps anti-

transglutaminase et une PCR CMV dans le sang étaient négatifs ou normaux. Il n’y avait

aucune anomalie auto-immune. La bandelette urinaire et la recherche d´une microalbuminurie

etaient négative. L´échographie des carotides n´avait pas décelé de signes d´athérosclérose.

L’échocardiographie avait montré une cardiopathie hypertensive (épaisseur du septum de 15

mm)

Le diagnostic final de la maladie de cette patiente a pu être fortement orienté par un

examen simple et non invasif.

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Rien ne va plus

Un homme, âgé de 83 ans, étudiant à l’école des Beaux Arts, ancien fumeur, et aimant

séjourner dans sa maison en Normandie, était hospitalisé en juin 2013 pour une altération de

l’état général et de la fièvre. Ses antécédents étaient marqués par une maladie thrombo-

embolique veineuse avec une embolie pulmonaire spontanée en 2010 et une thrombose du

membre supérieur droit en 2012. Le bilan de thrombophilie était négatif. Il était traité depuis

par warfarine au long cours. Ses autres antécédents notables étaient une insuffisance rénale

chronique (créatininémie 140 µmol/L), une cardiopathie ischémique et une primo-infection

tuberculeuse dans l’adolescence. L’histoire avait débuté 3 semaines auparavant par une toux,

une dyspnée d’effort, une fièvre et une asthénie pour lesquelles un traitement par amoxicilline

et acide clavulanique puis lévofloxacine avait été inefficace. A son arrivée, l’examen clinique

notait une perte de 7 kg en 6 mois, une température à 37,5°C, une pression artérielle à 138/83

mmHg, une fréquence cardiaque à 64/min, une saturation en oxygène à 97% en air ambiant.

L’œil gauche était rouge et indolore sans baisse d’acuité visuelle. L’auscultation pulmonaire

ne révélait que quelques râles bronchiques. Le reste de l’examen physique était sans

particularité. Les examens biologiques étaient les suivants : leucocytes 4 500/mm3, dont

neutrophiles 3 230/mm3, éosinophiles 30/mm3, lymphocytes 950/mm3, hémoglobine 9,4 g/dL,

VGM 96 fl, réticulocytes 33 000/mm3, plaquettes 218 000/mm3, INR 2,6, TCK

(malade/témoin) 27/30, ionogramme sanguin normal, créatininémie 133 µmol/L, biologie

hépatique normale, électrophorèse des protéines sériques : albumine 25,6 g/L, alpha-1 3 g/L,

alpha-2 12,5 g/L, béta 10,3 g/L, gammaglobuline 19,5 g/L (aspect polyclonal), protéinurie

0,092 g/mmol de créatinine, CRP 80 mg/L. Les anticorps antinucléaires étaient positifs à 1/80e

sans spécificité, les ANCA étaient positifs avec une fluorescence périnucléaire, sans

spécificité MPO ou PR3. Les hémocultures étaient négatives. La radiographie de thorax ne

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mettait pas en évidence d’anomalie. L’échographie cardiaque transthoracique était normale.

Un scanner thoraco-abdomino-pelvien révélait des images en verre dépoli et des micronodules

parenchymateux pulmonaires à contours flous, associées à une adénopathie hilaire droite. Une

fibroscopie bronchique permettait la réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire (LBA) dont

l’aspect macroscopique était hématique et les cultures bactériologiques stériles. La recherche

de mycobactérie était négative. L’examen cytologique du LBA montrait : 50 éléments/mm3,

>10000 hématies/mm3, 40% de neutrophiles, 1% d’éosinophiles, 17% de lymphocytes, 41%

de macrophages, absence de sidérophages. Une biopsie de l’artère temporale était négative.

L’examen ophtalmologique réalisé 2 jours après l’admission était normal. Un mois après son

admission, l’état général était toujours altéré, et le malade avait perdu 5 kg supplémentaires, le

syndrome inflammatoire persistait (CRP : 106 mg/L) ainsi que des pics de fièvre espacés

n’excédant pas 38,5°C. Les plaintes respiratoires avaient disparu. Sa seule nouvelle plainte

était une douleur modérée de l’oreille gauche dont l’examen clinique et otoscopique ne

révélait aucune anomalie. Un TEP-scan mettait alors en évidence un hypermétabolisme

intense et diffus de la moelle osseuse, de multiples adénopathies médiastinales, latéro-

cervicales gauches, mésentériques, hypermétaboliques, associée à un hypermétabolisme

moins intense hépato-splénique (fig. 1A). Une biopsie ostéo-médullaire trouvait une moelle

de richesse normale, avec une hyperplasie relative de la lignée granuleuse. Il n’y avait aucune

cellule tumorale ni lymphomateuse. Une micro-biopsie ganglionnaire cervicale trouvait dans

une architecture conservée, un foyer granulomateux avec de nombreux polynucléaires dont

certains éosinophiles associé à de rares cellules de grande taille. En immunohistochimie, les

lymphocytes B étaient répartis de façon homogène. La biopsie ganglionnaire médiastinale par

médiastinoscopie était en faveur d’une adénite réactionnelle associant une importante

hyperplasie lymphoplasmocytaire et immunoblastique ainsi que plusieurs micro-abcès à

polynucléaires neutrophiles. Les recherches de BAAR sur ces prélèvements étaient négatives.

Les sérologies syphilis, bartonelles, Coxiella burnetti, VIH, VHB, VHC étaient négatives, et

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les sérologies CMV et EBV en faveur d’infections anciennes. La PCR Whipple dans le sang

et les selles était négative.

Deux mois après l’admission initiale, l’état général restait altéré, la fièvre avait disparu mais

le syndrome inflammatoire persistait. L’anémie s’aggravait à 7 g/dL (VGM: 91 fl,

réticulocytes 30 000/mm3). Un myélogramme trouvait une moelle riche, un caryotype normal.

Les myélocultures et la recherche de leishmaniose étaient négatives. Apparurent alors des

troubles de la marche occasionnant plusieurs chutes. L’examen neurologique mettait en

évidence une abolition des réflexes rotuliens, une manœuvre de Romberg positive, une

hypopallesthésie distale et symétrique aux membres inferieurs avec un déficit discret des

triceps suraux. Un électromyogramme était en faveur d’une atteinte bilatérale des sciatiques

poplités externes au col de la fibula. Devant cette impasse diagnostique, un traitement

d’épreuve par doxycycline pendant 21 jours était décidé collégialement. Malgré une

interruption après 15 jours pour intolérance digestive, l’état général s’était amélioré (+ 3 kg en

1 mois), permettant la reprise partielle de ses activités, de façon parallèle à une disparition

complète du syndrome inflammatoire biologique et une amélioration des images de TEP-scan

(fig. 1B). Un mois après l’arrêt du traitement, le syndrome inflammatoire biologique

réapparaissait associé à la réapparition progressive de l’asthénie.

Un nouveau signe permettait alors de poser un diagnostic définitif. Lequel ?

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Pour trouver le diagnostic faut-il être Gastro-entérologue, Interniste

ou bien Baudelaire ?

Observation Clinique et Examens complémentaires :

Une femme de 32 ans, française d’origine sénégalaise, en France depuis l’âge de 8 ans,

éducatrice spécialisée, était enceinte de 30 semaines d’aménorrhée (SA). On retrouvait dans

ses antécédents une interruption volontaire de grossesse, une fausse couche spontanée, une

hépatite A guérie et une hépatite B active traitée par tenofovir jusqu’au 3ème mois de

grossesse.

La patiente était hospitalisée à 30 SA en gynécologie pour prise en charge de douleurs

abdominales intenses avec contractions utérines, dans un contexte d’altération de l’état

général évoluant depuis une semaine. L’échographie fœtale retrouvait un col compétent sur 32

mm, une quantité de liquide amniotique normale, un poids estimé à 1500 g et l’échographie

abdominale des signes évocateurs d’iléite terminale.

La numération formule sanguine et la CRP étaient normales. Les sérologies VIH, VHC, VHE,

VHA, VHD, Campylobacter, Salmonella, Shigella, Yersina ainsi que les coprocultures avec

recherche de Clostridium difficile étaient négatives. La charge virale VHB était de 2,2 log.

Devant la persistance des symptômes avec nausées et constipation une bi-antibiothérapie par

ceftriaxone et métronidazole était prescrite par les gastroentérologues. Une première cure de

bétaméthasone était réalisée afin d’avancer la maturation fœtale. Un traitement antalgique de

niveau 2 permettait une amélioration transitoire. Malheureusement, trois semaines après son

hospitalisation, la patiente présentait une majoration des contractions utérines et des

anomalies du rythme cardiaque fœtal. Après une seconde cure de bétaméthasone, une

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césarienne sous anesthésie générale était réalisée en urgence, à 33 SA, permettant la naissance

d’une fille (1600 g, APGAR 10/10/10).

Les suites immédiates étaient marquées par un tableau de sub-occlusion. La patiente était

alors transférée en médecine interne. A l’entrée, elle était très algique, l’abdomen était

difficilement examinable à cause des douleurs, les bruits hydro-aériques étaient présents. Il

existait des oedèmes des membres inférieurs avec un signe du godet positif. L’auscultation

cardiaque et pulmonaire étaient normales. On ne retrouvait pas d’anomalie articulaire,

neurologique ou cutanée. Une sonde naso-gastrique était mise en place, avec aspiration d’un

liquide gastrique abondant (environ 0,7 L/24h). Le bilan biologique montrait : leucocytes

14800 /mm3, PNN 8600 /mm3, PNE 600 /mm3, lymphocytes 2500 /mm3, monocytes 1100

/mm3, Hb 9,1 g/dL, VGM 84 fL, plaquettes 534 000 /mm3, CRP 149 mg/L, albuminémie 13

g/dL, Na+ 137 mmol/L, K+ 3,98 mmol/L, Cl+ 101 mmol/L, urée 4,5 mmol/L, créatinine

45µmol/L, ASAT 26 UI/L, ALAT 22 UI/L, GGT 57 UI/L, PAL 152 UI/L, rapport

protéinurie/créatinurie 0,20 g/mmol, hypoalbuminémie avec gammaglobulinémie à 8g/L

(polyclonale) sur l’électrophorèse des protides, ferritine 882 µg/L, TSH 0,654 mUI/L (0,1-4),

quantiféron négatif. Une hémoculture réalisée de manière systématique retrouvait la présence

de Streptococcus anginosus. Une échographie cardiaque trans-thoracique était réalisée : pas

de trouble de la cinétique, FEVG à 55%, pas d’image de végétation. Une fibroscopie gastrique

retrouvait un aspect de duodénite nécrotique. Un scanner thoraco-abdomino-pelvien était

réalisé (figure 1). Avec ces éléments un diagnostic était évoqué et un traitement débuté.

Malgré cela, le jour même la patiente était transférée en réanimation pour prise en charge

d’une détresse respiratoire (figure 2). L’évolution était rapidement favorable après

intensification thérapeutique, permettant même la sortie de la patiente après 15 jours.

Quel est votre diagnostic et quel traitement proposeriez-vous ?

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Des cellules souches du début à la fin

1. Observation et examens complémentaires

Une patiente de 63 ans est hospitalisée en juillet pour asthénie, amaigrissement (8 kgs en 4 mois) et

syndrome inflammatoire persistant. Les symptômes ont débuté au décours d’un voyage en Inde en

mars. Après quelques épisodes diarrhéiques, spontanément résolutifs, se sont installées en juin des

céphalées, une toux et une fièvre intermittente, non améliorées par une antibiothérapie.

Son conjoint, “naturopathe” a tenté plusieurs traitements homéopathiques, suppléments vitaminiques

et même un traitement par cellules souches embryonnaires de mouton avant de céder à

l’hospitalisation.

Cette ancienne coiffeuse présente comme principaux antécédents une vagotomie avec gastrectomie

partielle pour ulcère en 1990, une pancréatite biliaire avec cholécystectomie en 1996, deux

interventions chirurgicales pour mise en place de prothèse totale de hanche en 1998 et une chirurgie de

genu valgum en 2011 et 2012 avec matériel d’ostéosynthèse en place.

A l’entrée, elle est fébrile à 39°C, son poids est de 54 kg, et sa tension artérielle est à 95/66.

L’auscultation révèle quelques râles crépitants en base droite, il n’y a pas de souffle cardiaque. Les

pouls temporaux sont normaux. La patiente ne se plaint aucunement des hanches ni des genoux et

aucun signe d’arthrite n’est relevé. On note un débord splénique sans hépatomégalie ni adénopathie.

Les examens biologiques montrent une bicytopénie (cf tableau 1) et un syndrome inflammatoire. Les

réticulocytes sont à 111 000/mm3, contrôlé à 56 700/mm3 ensuite. Le bilan hépatique est normal

hormis les phosphatases alcalines à 1,5N. Haptoglobine, ferritine, vitamines B12 et B9 sont normaux.

L’électrophorèse et l’immuno-électrophorèse des protéines sont normales hormis l’albumine à 28 g/L

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(beta2 microglobuline normale). Hémocultures, ECBU, goutte épaisse, sérologies CMV, EBV, VIH,

hépatites, parvovirus, fièvre Q, chlamydia, mycoplasme et leishmaniose notamment sont négatives. La

radiographie thoracique est normale de même que l’échographie cardiaque transthoracique (ETT).

L’échographie cardiaque transoesophagienne (ETO) est refusée par la patiente. Le scanner thoraco-

abdomino-pelvien (photo 1-2) confirme la splénomégalie, homogène, mesurée à 13 cm avec

hépatomégalie, aucune adénopathie profonde n’est retrouvée. Le parenchyme pulmonaire est normal.

Un myélogramme puis une biopsie ostéo-médullaire éliminent une hémopathie. L’absence de bacille

tuberculeux dans les crachats ainsi que la négativité du QuantiFERON ® ne sont pas en faveur d’une

tuberculose évolutive. Un bilan immunologique montre des anticorps anti-nucléaires (ACAN) positifs

à 1/640, isolés et sans spécificité. La protéinurie est négative et le complément normal.

Le TEP-scan, sous optimal du fait d’une rétention du traceur au cathéter (au niveau cervical), ne

montre pas hypermétabolisme spécifique (photo3-4).

La patiente refuse la biopsie de l’artère temporale et quitte l’hôpital.

Elle revient en urgence trois semaines plus tard, en septembre pour malaises, selles molles et anémie

(tableau 1). Elle est subfébrile, il n’y a pas de signe d’hémorragie extériorisée, la coproculture est

négative. Les endoscopies sont normales macroscopiquement, les biopsies montrent une gastrite

chronique avec Hélicobacter pylori qui est alors éradiqué, la PCR Whipple est négative. La biopsie

hépatique met en évidence une stéatose micro-vacuolaire sans infiltration maligne ni granulome.

Une quinzaine de jours plus tard, elle présente des oedèmes douloureux des membres inférieurs,

particulièrement au niveau de la cheville gauche où on note un aspect légèrement ecchymotique et

infiltré (photo 5). Un doppler veineux élimine une thrombose. Une échographie ne montre aucun signe

d’arthrite. Une seconde ETT est normale.

Devant un doute clinique, une échographie splénique est réalisée qui confirme la progression de la

splénomégalie retrouvée à 17 cm.

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Il est alors proposé par les hématologues une splénectomie dans l’hypothèse d’un lymphome de la

zone marginale splénique. La patiente demande réflexion et préfère regagner son domicile pour se

« fortifier » avec les suppléments de son conjoint.

Elle revient une semaine plus tard en urgence pour malaise. Elle est fébrile 39°C, pèse 48 kgs, la

tension artérielle est à 97/56, le pouls à 91/min. On retrouve une hypotension orthostatique. Il n’y a

aucun signe de focalisation neurologique et le scanner cérébral est normal. Les données biologiques

sont stables.

Avant de réaliser la splénectomie, un geste simple permettra d’aboutir au diagnostic et de débuter le

traitement approprié.

Tableau récapitulatif des anomalies relevées sur la biologie standard

Hb

(g/dL)

GB/PNN

(/mm3)

VGM

(fL)

LDH

(U/L)

Ph Alc

(UI/L)

CRP

(mg/L)

ACAN

07/13 9,1 1900/1290 95 300 150 33 1/640

08/13 7,9 2100/1470 102 340 130 30 1/640

09/13 9,5 2400/1850 100 391 127 30 1/160

10/13 10 2700/1850 98 387 204 14

Légendes : ACAN : anticorps anti-nucléaires ; Ph Alc : phosphatases alcalines

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Œdème facial matinal, insuffisance rénale et

anémie : petite cause, grands effets

1- Observation :

Une patiente de 39 ans sans antécédent médical notable si ce n’est une chirurgie de réduction

mammaire à l’âge de 20 ans et une opération des ligaments du genou consultait pour œdème du

visage. Elle ne prenait aucun médicament et était porteuse d’un stérilet hormonal. Elle ne mentionnait

aucune assuétude ni allergie. Elle exerçait un travail administratif et ne possédait pas d’animaux

domestiques. Neuf jours avant l’admission, elle constatait, au réveil, l’apparition d’un œdème

palpébral qui allait s’étendre en cinq jours à l’ensemble du visage ainsi qu’au dos des mains et des

pieds, associé à une prise de poids de 6 kilos (figure). Elle signalait une profonde asthénie et des

céphalées holocrâniennes à prédominance occipitale. Une biologie sanguine ne révélait qu’une anémie

normocytaire normochrome (Hb : 9,3 g/dL). De l’ibuprofène (400 mg) était prescrit (elle ne

consommait au total que deux comprimés). De retour en Belgique, elle était admise dans un autre

hôpital en raison de la persistance des plaintes. A l’admission, les examens biologiques confirmaient

une anémie normocytaire non régénérative (Hb : 9,3 g/dL) associée à une insuffisance rénale

(créatininémie 1,4 mg/dL; urée : 45 mg/dL). Le reste de l’hémogramme, la CRP, les tests hépatiques,

la ferritinémie, l’électrophorèse des protéines sériques et le dosage pondéral des immunoglobulines

étaient normaux. L’échographie des voies urinaires ne montrait pas de dilatation des cavités pyélo-

calicielles et il existait une bonne différenciation des parenchymes rénaux. La récolte d’urines révélait

une protéinurie modérée à 213 mg/24h. La radiographie de thorax était normale. Un traitement par

méthylprednisolone 32 mg/j était instauré pendant trois jours. Trois jours après, la patiente se

présentait dans notre hôpital en raison de l’apparition d’une orthopnée. L’œdème du visage, toujours

plus marqué au réveil, était majoré tout comme la prise de poids. L’examen clinique révélait une

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pression artérielle à 125/75 mm Hg, une fréquence cardiaque à 75/min, une température à 37,7°C.

L’œdème du visage était particulièrement marqué au niveau palpébral, sans érythème ni cyanose ;

aucune circulation collatérale n’était notée. Le reste de l’examen était sans particularité. La biologie

était peu modifiée : anémie normocytaire non régénérative (Hb : 9,2 g/dL), absence de marqueurs

inflammatoires, créatininémie : 1 mg/dL ; urémie : 47 mg/dL ; ASAT : 79 UI/L ; ALAT : 41 UI/L. Ce

bilan hépatique se normalisait en quelques jours. Une gazométrie à l’air ambiant montrait un pH à

7,46, une PaCO2 à 35 mm Hg, une PaO2 à 79 mm Hg. Les sérologies EBV, CMV, HIV, HCV, HBV,

syphilis étaient négatives tout comme le bilan auto-immun (FAN, ANCA, FR, anti-CCP, anti-GBM,

anti-coagulant lupique, anti-cardiolipine). L’exploration de la cascade du complément était normale en

dehors d’un taux de C3 abaissé à 64 mg/dL (N : 72-156) associé à un C3d à 1,5 mg/dL (N <1,2) avec

un rapport C3d/C3 à 2,4 (N <1,4). Le taux de l’antigène et l’activité de l’inhibiteur de la C1 estérase

étaient normaux. L’acide folique, la vitamine B12, la ferritine et le cuivre étaient normaux. Les d-

dimères étaient à 4419 ng/mL (N <500) et l’albumine sérique à 40 g/L. Une échographie des membres

inférieurs excluait une thrombose veineuse profonde et l’angioscanner pulmonaire ne mettait en

évidence ni thrombose de la veine cave supérieure ni embolie pulmonaire. L’échographie cardiaque

trans-thoracique puis trans-oesophagienne montrait une fraction d’éjection du ventricule gauche

normale, l’absence d’hypertension pulmonaire et une régurgitation mitrale mineure sans prolapsus. Un

myélogramme mettait en évidence une nette hypoplasie de la lignée rouge sans aucune autre anomalie.

Une biologie réalisée six mois plus tôt révélait une hémoglobine et une fonction rénale normales. Un

test complémentaire était demandé et apportait le diagnostic.

Figure

Œdème facial fluctuant particulièrement marqué le matin ; au lever du 5e jour (A) et du 8e jour (B) de

la maladie.

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Du follicule au muscle, il n’y a qu’un poil

1- Observation :

Un patient de 70 ans avait pour antécédent des carcinomes spinocellulaires du nez et du sternum,

et un accident de la voie publique en moto avec des fractures dans sa jeunesse. Il vivait seul à

domicile, sa sœur âgée de 80 ans l’aidant pour les taches ménagères. Il présentait depuis 2009 un

lymphome folliculaire stade IV, traité par R-CHOP puis rituximab en entretien. Fin 2012, il

présentait une transformation agressive de son lymphome folliculaire en lymphome B diffus à

grandes cellules avec une masse dorsale. Dans le bilan d’extension, le scanner cérébral était

normal. Une nouvelle ligne de chimiothérapie par R-DHAC était débutée en janvier 2013 avec un

objectif d’autogreffe par la suite. Son état général était bon et il reçevait uniquement un

traitement par cotrimoxazole 3 fois par semaine, acide folinique 25 mg 3 fois par semaine et

valaciclovir 500 mg 2 fois par jour en prévention des infections, une prescription anticipée

d’Emend, Zophren et Vogalène, en prévention des nausées. A chaque cure il recevait du

Granocyte, Dexaméthasone et Chibrocadron en collyre selon le protocole. La première cure se

déroulait sans problème le 15 janvier mais le patient était hospitalisé 10 jours plus tard pour

thrombopénie, neutropénie et grande altération de l’état général, avec perte de 10 kilos en

8 jours. Le performans status était à 3 à l’entrée mais le patient se disait extrêmement fatigué. Il

était fébrile à 38°C. Il existait une déshydratation extra-cellulaire avec une hémodynamique

conservée. L’examen cardio-pulmonaire et abdominal était normal. Il n’existait aucun point

d’appel infectieux ni trouble du transit. L’examen neurologique retrouvait un très discret

ralentissement idéomoteur, la notion de céphalées ces deniers jours, isolées, aucun signe focal, des

myalgies diffuses modérées sans déficit musculaire. Il n’existait pas de syndrome méningé. Le

bilan biologique montrait : 23 000 plaquettes/mm3, 360/mm3 leucocytes dont 130/mm3

neutrophiles, Hb à 13 g/dL, sodium à 129 mmol/L, potassium à 3,7 mmol/L, créatininémie à

98 µmol/L, ASAT 3,7fois la normale, ALAT, gamma-GT, phosphatases alcalines, bilirubine

normaux ; CRP à 30 mg/L. Les hémocultures étaient stériles tout comme l’EBCU. Il n’existait

pas de réactivation virale ni de primo-infection, la recherche de grippe était négative. La

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radiographie thoracique et l’échographie abdominale étaient normales. La ponction lombaire

n’était pas réalisée car il n’y avait pas de syndrome méningé et que les signes neurologiques

avaient disparus au bout de 24 heures, avec la réhydratation. Il était transfusé en concentrés

plaquettaires. Devant l’aplasie fébrile à 38°C sans aucun point d’appel clinique ni biologique, une

antibiothérapie probabiliste par Augmentin, Ciflox était débutée, avec ajout de vancomycine à

48 heures car le patient était toujours fébrile. Le patient sortait d’aplasie 3 jours après et la fièvre

disparaissait. Il n’avait plus de myalgie, et l’examen neurologique était normal. La renutrition

orale permettait de remonter le poids de 5 kilos, son traitement de base n’était pas modifié pour

sa sortie. Le 11 février, il était revu en consultation. Il était alors apyrétique et présentait à

nouveau une altération modérée de l’état général, des myalgies diffuses importantes, sans déficit

musculaire avec des crampes des cuisses et des bras, gênant le patient. Le bilan biologique

retrouvait une Hb à 11,8 g/dL, 6400 leucocytes/mm3 dont 5312/mm3 neutrophiles, 256/mm3

éosinophiles, 64/mm3 basophiles, 448/mm3 monocytes et 192/mm3 lymphocytes, des plaquettes à

289 000/mm3. La fonction rénale, la calcémie et le ionogramme sanguin étaient normaux. La

CRP était à 13 mg/L. Il persistait d’une cytolyse sur les ASAT (4×N), avec gamma-GT à 3×N et

des phosphatases alcalines à 1,5 ×N. Les CPK étaient normales à 162 UI/L. Le 19 février il se

présentait pour sa deuxième cure de chimiothérapie, avec un PS à 1-2, une perte de poids de

5 kilos, il était apyrétique. Il décrivait une surdité rapidement progressive depuis 3 jours avec

hypoacousie quasi complète bilatérale pour laquelle il avait consulté la veille en ORL. L’examen

était alors normal, et un audiogramme retrouvait une surdité de perception. Une IRM

encéphalique était programmée. Il décrivait à nouveau des myalgies intenses avec des crampes

dans les bras et les cuisses, avec un testing musculaire normal. On ne retrouvait aucun signe

cutané évocateur de dermatomyosite. Il n’avait par ailleurs aucun antécédent familial musculaire

et n’avait fait aucun voyage. Il avait chuté à domicile plusieurs fois sans traumatisme cérébral,

par « difficulté à trouver son équilibre » selon lui, mais l’examen neurologique ne retrouvait

qu’une altération très modérée de la proprioception mise sur le compte de possible toxicité de la

chimiothérapie. Depuis ces chutes, il ne sortait plus de chez lui par peur de tomber, surtout par

ces températures froides. Le patient était hospitalisé pour surveillance et exploration de la

cytolyse hépatique. Les sérologies hépatites A, B, C, HSV, HIV étaient négatives, sérologies EBV

et CMV anciennes, échographie abdominale normale. Par ailleurs, il n’existait pas de toxicité

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médicamenteuse, pas de prise d’alcool. Cette cytolyse restait donc inexpliquée mais stable. La

TSH était normale (2,24 µUI/mL), par contre on notait une augmentation de la myoglobine à

248 µg/L (normale entre 28-72), avec des urines foncées, des LDH à 802 UI/L, une CRP à

13 mg/L. Les anticorps anti-nucléaires étaient négatifs, le complément normal, l’électrophorèse

des protides sériques normale. Son état général s’améliorait, les myalgies diminuaient, les crampes

disparaissaient mais la surdité persistait. La cure de chimiothérapie était validée, en supprimant le

carboplatine dans l’hypothèse d’une toxicité neurologique et auditive aux sels de platine. Le

retour au domicile était possible, avec l’aide de sa sœur, qui passait le voir tous les jours et qui

promettait de rester avec lui après les cures de chimiothérapie le temps de la mise en place des

aides. On décidait d’une biopsie musculaire, programmée pour sa prochaine venue en hôpital de

jour d’oncologie, malheureusement le lendemain de sa sortie, une triste nouvelle dans la presse

nous informait du diagnostic…

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«Un vent de panique et de questions»

1. L’observation clinique

Un homme de 58 ans, chauffeur routier, était hospitalisé pour des douleurs abdominales

paroxystiques prédominant en fosse lombaire gauche. L’examen clinique retrouvait une

altération de l’état général avec une perte de 5 kilos en 1 mois, une asthénie modérée, des

douleurs à l’ébranlement de la fosse lombaire gauche et à la palpation profonde du flanc gauche.

Le patient décrivait des douleurs abdominales irradiant vers la face antérieure de la cuisse

gauche. Le reste de l’examen clinique était sans particularité. Le patient avait pour principaux

antécédents un lymphome B à grandes cellules de localisation gastrique en rémission complète

depuis 10 ans (traitement par antrectomie, anastomose gastro-jéjunale, radio-chimiothérapie

post opératoire), une mucinose papuleuse depuis 7 ans et un AVC ischémique il y a 4 ans.

Les examens biologiques standard, le bilan hépatique, le bilan d’hémostase et les LDH

étaient normaux. La CRP était à 15mg/L, l’électrophorèse des protéines sériques était normale.

La numération formule sanguine montrait une anémie à 11g/dL, un VGM à 76fL, des

plaquettes à 426G/L, des leucocytes à 6,45G/L et une formule normale. Le scanner abdominal

(figure 1) montrait de multiples adénopathies rétro-péritonéales para-aortiques avec

compression urétérale gauche et dilatation des cavités pyélocalicielles. Il existait également une

infiltration du muscle psoas gauche. L’examen notait enfin un anévrysme de l’aorte abdominale

de 4cm. Après pose d’une sonde urétérale, un PET scanner (figure 2) était réalisé montrant un

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hypermétabolisme gastrique et un hypermétabolisme intense (SUV max : 7,3) et très

hétérogène d’une infiltration ganglionnaire rétro-péritonéale lombo-aortique gauche. Il n’existait

pas d’adénopathie à l’étage thoracique. La biopsie ostéo-médullaire était normale. La biopsie

scanno-guidée de la masse ganglionnaire révélait une large nécrose acidophile centrant une

réaction inflammatoire granulomateuse. Il n’était pas mis en évidence de bacille acido-alcoolo-

résistant à la coloration de Ziehl ni d’élément fongique sur les colorations de PAS et de

Grocott. Le PAS ne colorait pas les macrophages. Dans l’hypothèse d’une tuberculose

ganglionnaire, une quadrithérapie anti tuberculeuse était instaurée. Quinze jours plus tard le

patient présentait une très violente douleur abdominale déclenchant un vent de panique et de

questions. Le patient décèdait quelques minutes plus tard. Une analyse supplémentaire aurait

permis de faire le diagnostic.

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« Infiltration cutanée : une grande galère après 4 biopsies… »

1ère partie : observation clinique et examens complémentaires

Une patiente de 58 ans était adressée pour un avis thérapeutique sur des lésions cutanées

du visage et des membres. Dans ses antécédents, on notait une urticaire avec angioedeme et une

rhinite allergique dans l’enfance. Elle n’avait pas de traitement, pas d’antécédents familiaux

notables et ne possédait pas d’animaux familiers. En dehors d’un tabagisme à 17 paquets-années

sevré, elle n’avait pas d’exposition à des toxiques particuliers et travaillait comme agent des

douanes.

Elle présentait depuis maintenant six ans un placard érythémato-papuleux malaire

gauche, très prurigineux, évoluant par poussées. La lésion mal circonscrite, mesurant environ 25

x 100 millimètres, infiltrait la lèvre supérieure et les paupières. Elle s’était secondairement

bilatéralisée il y a 4 ans (photo 1) et depuis quelques mois étaient apparues des lésions

érythémateuses infiltrées identiques du coude et de la face postérieure des avant-bras. Le reste de

l’examen physique était sans particularités, en dehors de rares adénopathies juxta-centimétriques

cervicales. Il n’y avait pas d’hépato-splénomégalie. L’examen neurologique, abdominal,

cardiovasculaire et pulmonaire était normal. L’état général était conservé.

La biologie ne montrait pas de syndrome inflammatoire (CRP < 3 mg/L, ferritine à 35

µg/L). L’hémogramme, la formule sanguine, les bilans hépatique et de coagulation, les CPK,

étaient normaux. L’électrophorèse des protides sériques montrait une hypergammaglobulinémie

polyclonale modérée à 14g/l sans pic monoclonal. Les ACAN et les ANCA étaient négatifs en

immunofluorescence. On notait une consommation très modérée du complément avec CH50 à

80% (N : 82-102), C3 à 747 mg/l (N : 825-1140) et C4 à 159 mg/L (N : 157-257). Les sérologies

VIH, hépatite B, hépatite C, Borrelia, syphilis, Bartonella et, Leishmania étaient négatives. Il

existait une cicatrice sérologique pour l’EBV et le CMV. L’immunophénotypage lymphocytaire

sanguin réalisé à de multiples reprises ne montrait pas de populations lymphocytaires anormales.

La tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne était normale, et l’IRM faciale ne mettait en

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évidence qu’une infiltration cutanée isolée malaire bilatérale. La scintigraphie au 18-FDG ne

révélait pas d’hyperfixation localisée, et le myélogramme était sans particularité.

La première biopsie cutanée réalisée il y a 6 ans, ne montrait qu’une hyperplasie

folliculaire réactionnelle au sein du tissu sous-cutané adipeux, mais sans prélèvement dermique ni

épidermique. Les anti-histaminiques et les antipaludéens de synthèse prescrits dans l’hypothèse

d’une panniculite lupique se soldaient par un échec thérapeutique. Une deuxième biopsie malaire

droite retrouvait un infiltrat lymphoïde péri vasculaire ou interstitiel sans atypie particulière et

quelques plasmocytes. L’immunohistochimie mettait en évidence un contingent cellulaire

exprimant les marqueurs B et T. L’étude du réarrangement du TCR et du BCR ne retrouvait pas

de population clonale. La décision d’un traitement par rituximab, puis par chloraminophène était

néanmoins retenue dans l’hypothèse d’un lymphome cutanée B après relecture des lames, mais

sera sans effet. Une nouvelle biopsie cutanée était finalement réalisée sur le malaire, puis sur le

coude et retrouvait une prolifération lymphoïde et plasmocytaire (photo 2) en nodules péri-

vasculaires, sans anomalies phénotypiques. Les granulocytes étaient rares voire absents. L’étude

immunohistochimique ne retrouvait pas de monotypies plasmocytaires, le contingent

lymphocytaire était mixte, avec des lymphocytes B et T essentiellement CD3+ et CD4+, avec

perte partielle de l’expression de CD7.

Devant ce tableau, vous complétez la prise de sang et le biologiste vous appel l e

quelques heures après pour vous informer d’un résultat anormal qui vous permet

d’évoquer le diagnostic. Quel est cet examen biologique ?

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Une anémie à n’y voir que du feu

Partie 1

Madame M. née en 1982 avait pour seul antécédent une stérilité primaire d’origine ovarienne

nécessitant le recours à la fécondation in vitro pour ses 4 grossesses (2003, 2005, 2008, 2013).

L’histoire commencait en 2003 par la découverte au cours de sa grossesse d’une anémie

microcytaire associée à une splénomégalie après un épisode fébrile inexpliqué ayant duré 10 jours.

La patiente avait voyagé dans son pays (Tunisie) 2 mois auparavant. Elle décrivait une douleur

intermittente de l’hypochondre gauche. Il n’y avait pas d’autre anomalie à l’examen qu’une

pointe de rate. La biologie (au décours de l’épisode fébrile) montrait : hémoglobine 10,6 g/dL,

VGM 73 fL, plaquettes 140 G/L, leucocytes 6,2 G/L, formule normale, ferritinémie 97 µg/L, CRP

15 mg/L. L’électrophorèse de l’hémoglobine était normale et la recherche par biologie

moléculaire d’une alpha-thalassémie négative. Le myélogramme montrait une moëlle riche sans

anomalie morphologique, une recherche de translocation t(9,22) était négative.

La patiente était revue 3 mois plus tard. Il n’y avait pas eu d’événement clinique dans

l’intervalle, la biologie retrouvait l’anémie (Hb 11,3 g/dL) microcytaire (VGM 73 fL), avec une

ferritine à 36 µg/L. A l’échographie, la splénomégalie était stable (15 cm) et homogène. Il était

décidé de donner un traitement martial d’épreuve (Fumafer® 3 cp/j pendant 2 mois). La patiente

accouchait par voie basse à 32 SA. Elle était ensuite perdue de vue jusqu’en 2005, où elle était

hospitalisée à l’occasion de sa deuxième grossesse. A nouveau, on observait une anémie (Hb

9,9 g/dL) microcytaire (VGM 72 fL), la ferritinémie était à 11 µg/L. Les LDH étaient augmentées

à 560 U/L (N=160-500), les enzymes hépatiques étaient normales. Un traitement martial était à

nouveau prescrit. Elle développait un tableau d’appendicite aiguë et était opérée en urgence. La

patiente accouchait quelques semaines plus tard à 34 SA par voie basse. On ne la revoyait qu’en

2008 à nouveau enceinte à 30 SA, elle présentait alors un tableau de menace d’accouchement

prématuré associé à une dyspnée ; à l’examen, pression artérielle 133/49 mm Hg, fréquence

cardiaque 130/min, fréquence respiratoire 34/min, SpO2 97%, température 37,9°C. On retrouvait

la pointe de rate et il existait une diminution du murmure vésiculaire des bases. La biologie

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montrait : Hb 5,8 g/dL, VGM 68 fL, plaquettes 110 G/L, GB 7,5 G/L, CRP 148 mg/L, ECBU et

hémocultures négatives. La patiente était transfusée de 2 concentrés érythrocytaires permettant

de rétablir une hémoglobine à 8,5 g/dL et une césarienne était réalisée en urgence pour suspicion

de chorio-amniotite dans ce contexte de menace d’accouchement prématurée, l’évolution

clinique était ensuite rapidement favorable. Elle était revue un mois après l’accouchement en

consultation : il n’y avait pas eu d’événement clinique, l’examen était identique. La biologie

montrait : Hb 10 g/dL, VGM 78 fL, plaquettes 198 G/L, ferritinémie 90 µg/L, coefficient de la

saturation en transferrine 5%, fer sérique 3 µmol/L, folates 5 µg/L, vitamine B12 115 pg/mL

(N=208-964), CRP 15 mg/L. Des explorations digestives étaient alors réalisées: la fibroscopie

oeso-gastrique montrait une minime duodénite non spécifique sans atrophie villositaire et une

gastrite sans Helicobacter pylori ; la coloscopie et la vidéocapsule étaient normales. La TDM

abdominale montrait de multiples adénopathies de petite taille de siège lombo-aortique,

mésentérique et inguinal et une splénomégalie homogène. Les anticorps anti-gliadines étaient

négatifs. La patiente sortait avec un traitement martial. En 2012, alors qu’elle prenait

régulièrement le traitement martial, la splénomégalie était stable ; Hb 11 g/dL, ferritinémie

90 µg/L. Il est décidé de ne pas faire d’investigation complémentaire et de poursuivre le

traitement par fer oral.

La patiente était enceinte pour la 4e fois en 2013. Elle était hospitalisée à 28 SA pour altération

de l’état général avec asthénie, absence de prise de poids pendant la grossesse, anorexie. L’examen

clinique était pauvre, la patiente est apyrétique. L’hémoglobine était à 8,3 g/dL, VGM 72 fL, il

existait une CRP à 105 mg/L alors que la patiente avait reçu 8 jours d’une antibiothérapie

probabiliste par amoxicilline. Un nouvel avis interniste était demandé.

Une reprise de l’interrogatoire et un examen permettront de faire le diagnostic.

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Un foie, deux reins … Trois raisons d’être exploré

Observation

Un homme, âgé de 42 ans, vivant en concubinage, employé aux espaces verts, était hospitalisé

en novembre 2011 pour altération de l’état général et asthénie associés à des douleurs

abdominales. Il avait consulté un an plus tôt pour une toux chronique connue depuis 5 ans

dont le bilan était resté négatif. Il était traité par fénofibrate pour une dyslipidémie et recevait

de la fluoxétine et de l’alprazolam pour un syndrome dépressif modéré. Il décrivait depuis 15 jours des douleurs abdominales péri-ombilicales, une anorexie, un prurit,

une perte de 2 kg et des urines foncées. En septembre 2011, un bilan biologique au cours d’un

syndrome fébrile à 39°C avait montré une inversion de formule sanguine sans autre anomalie de

l’hémogramme : GB 5,34 G/L, polynucléaires neutrophiles 1,33 G/L, lymphocytes 3,2 G/L, Hb

13,8 g/dL, VGM 88 fl, VS 8 mm à la première heure, ASAT 38, ALAT 84, gamma-GT 115,

sérologies EBV, IgM VHA, AgHBs, AcVHC négatives, CMV IgG 18, indice IgM 2,1 en faveur

d’une infection récente. L’échographie abdominale était normale.

Examen à l’admission : 37,2°C, TA 120/70 mmHg, saturation 97%, nausées sans

vomissements, douleurs abdominales mais abdomen souple, pas d’organomégalie palpable, ni

d’adénopathie, de subictère conjonctival ou de sueurs nocturnes. Le reste de l’examen ne

montrait qu’une éruption, discrète initialement, érythémateuse maculopapuleuse, du tronc et

de la racine des bras, prédominant au décolleté et dans le dos avec des lésions d’acné des

régions trapéziennes (fig. 1).

Le bilan biologique montrait : hémogramme normal (GB 5,1 G/L, Hb 12,9 g/dL,

polynucléaires neutrophiles 2,5 G/L, lymphocytes 1,7 G/L, plaquettes 338 G/L), CRP 27

mg/L, créatininémie 77 µmol/L, calcémie 2,19 mmol/L, bilirubine 28 (directe : 25), ASAT 97

UI/L, ALAT 131 UI/L, gamma-GT 768, phosphatases alcalines 1138 UI/L, albumine 26 g/L,

alpha2 10 g/L, gammaglobulines 14 g/L, sans monoclonalité, TP 100 %, TCA-T/P 30,6/44,2,

indice de Rosner 13,6 douteux, TCK-T/P 29,3/36,6, facteurs VIII, IX, XI, XII normaux,

temps de thrombine T/P 16,4/18,5, fibrinogène 7,36 g/L, protéinurie +++ à la bandelette,

confirmée ensuite à 8,8 g/j, sans hématurie ni leucocyturie.

L’échographie abdominale révélait deux lésions nodulaires de 19 et 24 mm pédiculaires

hépatiques en faveur d’adénopathies, et une lésion non kystique du segment VII, à limites

irrégulières, de 16 mm, sans dilatation des voies biliaires, sans autres anomalies des organes

explorés. Le scanner abdomino-pelvien confirmait les adénopathies hilaires hépatiques et un

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aspect un peu hétérogène des segments VI et VII sans masse individualisée, le pancréas était

normal, pas d’anomalie à l’étage thoracique. Le bilan immunologique et sérologique montrait : anticorps antinucléaires 1/320ème mouchetés,

anti-ECT négatifs, anticorps antimitochondries 1/160ème, autres anti-tissus négatifs,

anticardiolipine 108 U GPL/mL, sérologies virales identiques à celles réalisées avant

l’hospitalisation, IgG CMV 202, IgM 2,47.

Un examen a permis d’aboutir au diagnostic.