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Mémoire Imagerie des syndromes canalaires de lépaule Imaging of the peripheral nerve entrapment syndromes of the shoulder N. Amoretti * , P.-Y. Marcy, E. Hovorka, V. Lesbats-Jacquot, M.-E. Fonquerne, P. Boileau, J.-N. Bruneton Service dimagerie médicale, hôpital de lArchet-II, CHU de Nice, route de Saint-Antoine-de-Ginestière, 06200 Nice, France Résumé Les kystes paraglénoïdiens peuvent comprimer le nerf suprascapulaire ou comprimer le nerf axillaire au niveau de lespace quadrilatère. Cette cause de compression nerveuse est importante à connaître car elle peut être à lorigine dune atrophie des muscles rotateurs externes de la coiffe. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Paraglénoid cysts may compress the distal branches of the suprascapular nerve or compress the axillary nerve in the quadrilateral space inferoposterior to the glenohumeral joint. This nerve compression is important to recognize before it cause shoulder weakness through denerva- tion of external rotator muscles. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Épaule ; Compression nerveuse ; Kyste Keywords: Shoulder; Nerve entrapment; Cyst 1. Introduction Les syndromes canalaires de lépaule regroupent lensemble des processus compressifs du nerf suprascapulaire au niveau de son passage dans léchancrure spinoglénoïdienne ou du nerf axillaire au niveau de lespace quadrilatère (ou trou carré de Velpeau). Les causes sont multiples, la plus fréquente est une lésion du labrum entraînant la formation dun kyste dont la physiopa- thologie est celle des lésions kystiques paraméniscales : une augmentation de la pression intra-articulaire entraîne un pas- sage de liquide articulaire au sein de la fissure du labrum et forme ainsi une hernie puis un kyste. Ces kystes paraglénoïdiens peuvent comprimer les nerfs suprascapulaire ou axillaire selon leur extension et leur locali- sation. Tirman propose de regrouper les termes de ganglion cyst, kyste synovial de lépaule sous le terme de kyste du bourrelet glénoïdien [1]. Les données de la littérature montrent la rareté de cette symptomatologie mais aussi sa sous-estimation [2]. La clinique est très trompeuse, une errance diagnostique à la recherche de lésions cervicales, de lésions de la coiffe des rota- teurs, peut avoir des conséquences fonctionnelles par amyotro- phie irréversible sur compression des nerfs suprascapulaire ou axillaire [3]. Le diagnostic doit être évoqué avant quune amyotrophie ne sinstalle. À travers différents cas cliniques, nous proposons de rappe- ler laspect des kystes paraglénoïdiens de lépaule entraînant un syndrome canalaire par compression nerveuse. Journal de Traumatologie du Sport 24 (2007) 7376 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Amoretti). 0762-915X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jts.2007.03.009

Imagerie des syndromes canalaires de l'épaule

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Page 1: Imagerie des syndromes canalaires de l'épaule

Journal de Traumatologie du Sport 24 (2007) 73–76

Mémoire

Imagerie des syndromes canalaires de l’épaule

Imaging of the peripheral nerve entrapment syndromes of the shoulder

N. Amoretti*, P.-Y. Marcy, E. Hovorka, V. Lesbats-Jacquot, M.-E. Fonquerne,P. Boileau, J.-N. Bruneton

Service d’imagerie médicale, hôpital de l’Archet-II, CHU de Nice, route de Saint-Antoine-de-Ginestière, 06200 Nice, France

Résumé

Les kystes paraglénoïdiens peuvent comprimer le nerf suprascapulaire ou comprimer le nerf axillaire au niveau de l’espace quadrilatère. Cettecause de compression nerveuse est importante à connaître car elle peut être à l’origine d’une atrophie des muscles rotateurs externes de la coiffe.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Paraglénoid cysts may compress the distal branches of the suprascapular nerve or compress the axillary nerve in the quadrilateral spaceinferoposterior to the glenohumeral joint. This nerve compression is important to recognize before it cause shoulder weakness through denerva-tion of external rotator muscles.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Épaule ; Compression nerveuse ; Kyste

Keywords: Shoulder; Nerve entrapment; Cyst

1. Introduction

Les syndromes canalaires de l’épaule regroupent l’ensembledes processus compressifs du nerf suprascapulaire au niveau deson passage dans l’échancrure spinoglénoïdienne ou du nerfaxillaire au niveau de l’espace quadrilatère (ou trou carré deVelpeau).

Les causes sont multiples, la plus fréquente est une lésiondu labrum entraînant la formation d’un kyste dont la physiopa-thologie est celle des lésions kystiques paraméniscales : uneaugmentation de la pression intra-articulaire entraîne un pas-sage de liquide articulaire au sein de la fissure du labrum etforme ainsi une hernie puis un kyste.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (N. Amoretti).

0762-915X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésdoi:10.1016/j.jts.2007.03.009

Ces kystes paraglénoïdiens peuvent comprimer les nerfssuprascapulaire ou axillaire selon leur extension et leur locali-sation.

Tirman propose de regrouper les termes de ganglion cyst,kyste synovial de l’épaule sous le terme de kyste du bourreletglénoïdien [1].

Les données de la littérature montrent la rareté de cettesymptomatologie mais aussi sa sous-estimation [2].

La clinique est très trompeuse, une errance diagnostique à larecherche de lésions cervicales, de lésions de la coiffe des rota-teurs, peut avoir des conséquences fonctionnelles par amyotro-phie irréversible sur compression des nerfs suprascapulaire ouaxillaire [3]. Le diagnostic doit être évoqué avant qu’uneamyotrophie ne s’installe.

À travers différents cas cliniques, nous proposons de rappe-ler l’aspect des kystes paraglénoïdiens de l’épaule entraînant unsyndrome canalaire par compression nerveuse.

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Fig. 3. IRM : séquences pondérées en T2 coronale montrant le kyste labralinférieur étendu au niveau de l’espace quadrilatère.

N. Amoretti et al. / Journal de Traumatologie du Sport 24 (2007) 73–7674

2. Patients et méthode

De mai 2002 à novembre 2005, nous avons réalisé uneétude rétrospective portant sur une série de 12 patients (11hommes et une femme) âgés de 20 à 43 ans (moyenne :32 ans).

Ces patients nous ont été adressés pour bilan de douleursmal systématisées de l’épaule associées ou non à des douleursà l’armé du bras (quatre cas) ou des douleurs exacerbées par larotation externe–abduction (un cas).

Chez cinq patients, le diagnostic initial a été celui de névral-gie cervicobrachiale sur conflit discoradiculaire (non confirméepar l’IRM) et c’est l’IRM de l’épaule qui a rétabli le diagnostic.

Bien qu’un déficit musculaire ou une amyotrophie n’aientpas été un motif de bilan, ils ont cependant été retrouvés chezquatre patients.

Tous les patients ont été explorés par IRM et échographie,sept patients ont bénéficié d’un arthroscanner avant l’IRM.

L’IRM ou l’arthro-IRM (Philips gyrascan) a retrouvé danstous les cas les kystes, avec des séquences en pondération T2TSE (1800–2000/20 60) et T2 FAT SAT (annulation du signalde la graisse) en coronales et en pondération T1 3DWATSCdans les trois plans.

Les kystes ont tous été visualisés dans les trois plans, lesséquences pondérées en T2 étant les plus sensibles.

L’imagerie a mis en évidence la présence de lésions kysti-ques de taille variable entre 1 et 4 cm en hyposignal T1, hyper-signal T2 s’étendant au niveau de l’échancrure spinoglénoï-dienne ou de l’espace quadrilatère (Figs. 1–4).

Fig. 1 et 2. IRM coupes coronales pondérées en T2 montrant la formationkystique en hypersignal étendue au niveau de l’échancrure spinoglénoïdienne.

Fig. 4. IRM : coupes coronales pondérées en T2 montrant un kyste multilobuléétendu au niveau de l’échancrure spinoglénoïdien.

Fig. 5. IRM : lésion du labrum postérieur avec développement d’un kyste del’échancrure spinoglénoïdienne.

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N. Amoretti et al. / Journal de Traumatologie du Sport 24 (2007) 73–76 75

Les séquences T1 ont montré un hyperisosignal modéré dela paroi du kyste.

Ces lésions kystiques étaient associées à une fissure labralevisible sur les séquences 3D pondérées en T1 : la communica-tion entre le kyste et l’articulation a été identifiée le plus sou-vent sur les coupes coronales et axiales (Figs. 5–8).

Dans notre série, l’arthro-IRM ou l’arthroscanner n’ont pasopacifié le kyste.

La détection du kyste de l’échancrure spinoglénoïdienne enarthroscanner a été rétrospective, seule l’existence d’un signe

Fig. 6. IRM : coupe sagittale pondérée en T2 montrant la lésion labrale et ledéveloppement du kyste.

Fig. 7. IRM : coupe coronale pondérée en T1 3D montrant le développementd’un kyste labral inférieur au niveau de l’espace quadrilatère.

Fig. 8. IRM : coupe axiale pondérée en T1 3D mettant en évidence le passagedu kyste labral au niveau de l’espace quadrilatère.

indirect : la disparition de la graisse physiologique (hypoden-sité) de l’échancrure spinoglénoïdienne.

L’échographie (Logiq 9 general electric) à l’aide d’unesonde linéaire de 7 MHz a mis en évidence une formation kys-tique au niveau de l’échancrure spinoglénoïdienne chez sixpatients. Une compression du kyste au niveau de l’incisure sca-pulaire à l’aide de la sonde d’échographie a reproduit la dou-leur chez deux patients (cross body test échographique).

3. Discussion

Les syndromes canalaires de l’épaule sont divisés en deuxcatégories : les compressions du nerf suprascapulaire au niveaude l’échancrure spinoglénoïdienne et du nerf axillaire au niveaude l’espace quadrilatère ou trou carré de Velpeau.

Le nerf suprascapulaire issu du plexus brachial (C4–C5–C6)est moteur des muscles supra- et infraspinatus et sensitif del’articulation acromioclaviculaire et de l’articulation glénohu-mérale. Il ne possède pas de territoire cutané.

Ce nerf situé à environ 2 cm de la capsule [4], passe autravers de la fosse supraépineuse, il est fixé par le ligamentscapulaire transverse supérieur et inférieur (inconstant).

Sa compression par un kyste à développement postérieurpeut se faire au niveau de sa portion supérieure, comprimantla branche innervant le muscle sopraspinatus (cf. schéma), oucomprimant au niveau postérieur sa portion innervant le mus-cle infraspinatus.

Le nerf axillaire est issu du plexus brachial C5–C6. Il estmoteur des muscles deltoïde et petit rond et sensitif du terri-toire cutané de l’extrémité supérieure et externe du bras.

Le nerf axillaire passe au niveau de l’espace quadrilatère outrou carré de Velpeau, limité en haut par le petit rond, en baspar le grand rond, en dehors par l’humérus et en dedans par letriceps.

Les étiologies développant les lésions kystiques comprimantces nerfs sont principalement dues à des microtraumatismesrépétés chez le sportif entraînant une lésion labrale postérieureou une instabilité antérieure chronique fissurant le fibrocarti-lage glénoïdien postérieur [5].

Il existe une prédominance masculine confirmée par notresérie. Une des hypothèses est anatomique : une étude a montréla différence entre les hommes et les femmes du ligamentspinoglénoïdien : il est absent ou rudimentaire chez 60 % desfemmes contre 13 % des hommes ; sa taille est très variable [6].

4. Conclusion

Les kystes paraglénoïdiens sont de diagnostic fréquent :l’IRM montre une image ronde en hypersignal T2 située soitdans l’échancrure spinoglénoïdienne, soit dans l’espace quadri-latère de Velpeau.

L’arthro-IRM met en évidence son origine articulaire enrecherchant une lésion du labrum. L’opacification du kystepar le gadolinium est rare.

Devant une symptomatologie frustre de l’épaule, il faut tou-jours penser au diagnostic de syndrome canalaire devant uneamyotrophie à tendon intact. L’IRM et l’arthro-IRM sont les

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examens de référence. L’arthroscanner est souvent négatif, seulle signe indirect de disparition de la graisse de l’échancrurespinoglénoïdienne peut évoquer le diagnostic.

Références

[1] Tirman, PF, et al. Association of glenoid labral cysts with labral tears andglenohumeral instability: radiologic findings and clinical significance.Radiology 1994;190:653–8.

Cormier PJ, Matalon TAS, Wolin PM. Quadrilateral space syndrome: arare cause of shoulder pain. Radiology 1988;167:797–8.Drez Jr. D. Suprascapular neuropathy in differential diagnosis of rotatorcuff injuries. Am J Sports Med 1976;4:43–5.Bigliani LU, et al. An anatomical study of the suprascapular nerve.Arthroscopy 1990;6:301–5.Ferretti A, Cerullo G, Russo G. Suprascapular neuropathy in volleyballplayers. J Bone Joint Surg 1987;69A:260–3.Kaspi A, Yanai J, Pick CG, Mann G. Entrapment of the distal suprascapu-lar nerve. Int Orthop 1988;12:272–5.