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Actes du Colloque international francophone « Expérience 2012 »Expérience et Professionnalisation dans les champs de la formation, de l’éducation et
du travail ; état des lieux et nouveaux enjeux – Lille (France)26, 27, 28 septembre 2012
Immersion d’enseignants du second degré en entreprise : des
représentations du travail en tension.
Sabrina Labbé, UMR EFTS, Université de Toulouse, Sylvain Starck, Proféor-CIREL,
Université Lille 3 et Patricia Champy-Remoussenard Proféor-CIREL, Université Lille 3
Résumé
Nos travaux s'inscrivent dans une recherche nationale associant un partenaire institutionnel, le CERPET (Centre d’Études et de Ressources pour Professeurs de l’Enseignement Technique), organisme relevant de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale. En cours de carrière, les enseignants du second degré en lycée technique ont la possibilité de réaliser un stage d’une année en entreprise pendant lequel ils sont confrontés à une double mission précisée par une convention tripartite : travailler pour l’entreprise dans une logique productive, constituer des ressources pédagogiques à destination du CERPET. Cette recherche vise à identifier ce que révèlent ou produisent de tels stages selon des approches plurielles (analyse de l'activité, didactique et psychosociale).Nous aborderons ici cette question sous l'angle psychosocial et plus particulièrement par l'étude des représentations sociales. Réputées pour être très stables, difficilement modifiables dans leur partie centrale (Abric, 1984, 1989), les représentations entretiennent un rapport dialectique à la pratique : elles sont des guides pour le déploiement des pratiques professionnelles et sont aussi susceptibles d’être transformées par celles-ci (Guimelli, 1994 ; Abric, 1994 ; Flament, 1994). Sur 28 personnes ayant pris part à ce dispositif, 20 ont participé à l’enquête. Les entretiens semi-directifs réalisés visaient à susciter la narration d’épisodes professionnels en entreprise et en classe, donnant accès à l’expérience vécue au cours du stage et lors du retour dans l’établissement scolaire d'origine, et à solliciter la mise en perspective biographique du parcours et à obtenir des enseignants des réflexions en surplomb sur leur expérience.Une première exploration (Labbé et Starck, 2011) des entretiens menés auprès d'un échantillon d’enseignants ayant suivi ces stages nous a permis de dégager 3 classes de discours relatives aux représentations du travail selon trois espaces de pratique identifiés : « le travail dans le stage », « le travail de l'enseignant », « le travail dans le monde de l'entreprise ». En cela, les stages représenteraient un espace expérientiel qui met en jeu le rapport des enseignants au travail et les représentations qui y sont associées selon que l’activité professionnelle soit liée au monde de l’école de l’entreprise. Ces premières données organisent l’exploitation ultérieure du corpus des données qui procède d’une analyse lexicale automatisée, effectuée à l'aide du logiciel libre Iramuteq (Ratinaud, 2009) sur les 20 entretiens réalisés. Les analyses suggèrent que les représentations sur l’activité professionnelle en milieu scolaire et en entreprise se distinguent sur deux aspects : le rapport de l’activité professionnelle au « réel » et les dimensions collégiales du travail.
Mots clés
Représentations sociales - travail enseignant - travail en entreprise – stage - identité
La recherche dont nous exposons ici quelques résultats a pris pour objet les
stages d’une année en entreprise proposés à des enseignants de la filière économie-
gestion. Ce dispositif piloté par le Centre d’Etude et de Recherches des Professeurs
de l’Enseignement Technique (CERPET), organisme rattaché à l'IGEN (Inspection
Générale de l’Éducation nationale), constitue un espace expérientiel original qui
s’inscrit dans un contexte de politiques éducatives cherchant à mieux organiser les
relations entre monde de l’école et monde de l’entreprise (Tanguy, 2005) souvent
qualifiées d’insatisfaisantes (rapport Guégot, 2008).
Les « stages longs en entreprise » sur lesquels porte notre recherche ont
permis à des enseignants du secondaire technologique et professionnel de quitter
pendant un an leur établissement scolaire pour être accueillis à plein temps dans
une entreprise. Durant cette année, ils travaillent pour l'entreprise et doivent
également produire des ressources pédagogiques qui seront mises à disposition de
leurs collègues sur Internet, tout en continuant d’être rémunérés par l’Éducation
nationale. Le CERPET qui fût le maître d’œuvre de ces stages de 2002 à 2011
estime qu'outre cette production de ressources, ces stages mettent les enseignants
en mesure de témoigner auprès de leurs élèves de la « réalité » du travail en
entreprise. La recherche dans laquelle s’inscrit cette communication a fait l’objet
d’une convention avec le CERPET et se donne pour objectif de comprendre les effets
d’un tel dispositif, selon plusieurs perspectives d’analyse, notamment didactique,
sociologique, ingénierie pédagogique, psychosociale. Ce dispositif de stage constitue
pour le groupe de recherche un espace d’analyse privilégié des relations école
entreprise1 telles qu’ont pu les expérimenter les enseignants engagés dans ces deux
espaces professionnels lors des stages longs.
Approche théorique
Notre communication s'inscrit dans une perspective globale visant la
compréhension des processus de professionnalisation. Dans la continuité de
travaux précédents sur la professionnalité des enseignants du secondaire (Champy-
Remoussenard, Deville, à paraître) nous aborderons cette question sous l'angle
psychosocial et plus particulièrement par l'étude des représentations sociales qui
seront entendue ici comme des « forme[s] de connaissance socialement élaborée[s]
et partagée[s] ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité
1 Aux côtés d’autres dispositifs et pratiques étudiés au sein du CIREL dans le cadre d’un programme de recherche sur les relations école/monde du travail piloté par P. Champy-Remoussenard.
commune à un ensemble social » (Jodelet, 1989). Véritables moyens d'intelligibilité
des processus de professionnalisation, les représentations sociales envisagent non
seulement le sujet comme individu mais aussi comme sujet pris dans un espace
collectif.
Réputées pour être très stables, difficilement modifiables dans leur partie
centrale (Abric, 1984, 1989), les représentations entretiennent un rapport
dialectique à la pratique : elles sont des guides pour le déploiement des pratiques
professionnelles et sont aussi susceptibles d’être transformées par celles-ci
(Guimelli, 1994 ; Abric, 1994 ; Flament, 1994). Ainsi, dans leurs dimensions à la
fois sociales et singulières, les représentations sociales, recueillies dans des formes
discursives, permettent de rendre compte des expériences vécues et de ce qu'elles
ont produit sur le plan cognitif pour un collectif interrogé. Nous ne nous
intéressons donc pas au vécu individuel de l'expérience mais au produit d'une
expérience sociale sur le système représentationnel d'un collectif d'enseignants.
Notre démarche s'attache donc à mettre en évidence l'organisation d'un
ensemble de réponses discursives comme indicateur de structuration de la pensée
sociale. Cette posture entraîne une épistémologie factorielle (Benzecri, 1982) que
nous présentons à l'aide de techniques d'analyses lexicales assistées par
ordinateur. En d'autres termes, notre communication s'attachera à élucider la
complexité des systèmes cognitifs élaborés chez des enseignants ayant vécu une
expérience similaire de stage en entreprise de longue durée.
Méthodologie et description de la population
Nous avons mené une enquête par entretiens semi-directifs auprès de vingt-
et-un enseignants sur les vingt-huit ayant été concernés par ces stages depuis
2002. Ces entretiens ont duré entre une heure pour les plus courts et deux heures
pour les plus longs, le plus souvent leur durée avoisine une heure trente. Les
enseignants concernés sont principalement des certifiés en économie-gestion, on
compte aussi des agrégés dans cette discipline, et quelques enseignants en
hôtellerie-restauration et en informatique. Au moment du stage, ces enseignants
avaient entre une et vingt-huit années d'expérience professionnelle, mais pour la
majorité, cette expérience était d’environ dix ans. Leurs stages se sont effectués
dans des « entreprises » variées : construction automobile, agroalimentaire, grande
distribution, services, du secteur privé, public ou parapublic. Le guide d’entretien
visait à susciter la narration d’épisodes professionnels en entreprise et en classe,
donnant accès à l’expérience vécue au cours de celui-ci et lors du retour dans
l’établissement scolaire d'origine, mais également à solliciter la mise en perspective
biographique du parcours, notamment concernant les conditions de l'engagement
dans le stage et les suites de celui-ci, et à obtenir des enseignants des réflexions en
surplomb sur leur expérience.
Le taux de réponse favorable à cette démarche d’enquête (21 sur 28) et à la
prise de parole que constitue cet entretien laisse supposer un besoin de mise en
mots de l’expérience réalisée lors de ce stage. Nous faisons l’hypothèse que ce
besoin est, en partie, lié au manque d’accompagnement de la fin et des suites du
stage dans le dispositif.
Parmi les 21 entretiens, deux ont été écartés du corpus final analysé ici : l’un
en raison de modifications notables à apporter à la retranscription, l’autre en raison
de la singularité des modalités du stage et de ses objectifs. L’analyse porte donc sur
un ensemble de 19 entretiens.
Après une étape de retranscription des entretiens nous avons choisi d'utiliser
une méthode d'analyse de données textuelles automatisée. Le logiciel Iramuteq
(Ratinaud, 2009) qui propose entre autres analyses, la méthode ALCESTE (Analyse
des Lexèmes Cooccurents dans un Ensemble de Segments de Texte) réalise
plusieurs étapes de traitement. Pour le décrire rapidement, après une préparation
du corpus consistant en sa lemmatisation (réduction des mots en formes réduites à
leur racine) et sa segmentation, il opère en premier lieu une Classification
Hiérarchique Descendante (C.H.D.) permettant à l'analyste de dégager des classes
de discours distinctes qui seront a posteriori reliées statistiquement aux variables
illustratives déterminées par le(s) chercheurs(s). Ces classes de discours
représentent en quelque sorte des thématiques prégnantes dans l'ensemble du
corpus (et donc pour le collectif interrogé) qu'il s'agira d’interpréter. Dans un
second temps, le logiciel réalise une Analyse Factorielle des Correspondances
(A.F.C.) permettant d'extraire la complexité du corpus recueilli et de la représenter
sur un plan factoriel. Nous n'entrons pas ici dans les détails des calculs statistiques
opérés pour obtenir des différents traitements, le lecteur intéressé pourra se référer
à Marchand (1988).
Résultats
Après l'étape préparatoire de lemmatisation et de segmentation, le logiciel nous
fournit les caractéristiques suivantes concernant notre corpus : 19 UCI (Unités de
contextes Initiales correspondant aux entretiens), 5406 lemmes (issus de 8812
formes initiales). Le logiciel a sectionné le corpus en 3983 Unités de Contexte
Élémentaires (UCE) dont 98,09% vont être utilisées pour l'analyse soit 3907 UCE ce
qui est un taux très représentatif.
La Classification Hiérarchique Descendante
Présentation du dendrogramme
Le schéma ci-dessous représente le dendrogramme de la C.H.D. c'est-à-dire les
oppositions successives des classes constituées par l'analyse lexicale. On notera par
exemple que, dans un premier temps, le corpus sépare la classe 3 de l'ensemble du
corpus puis dans un second temps, il oppose la classe 4 du corpus subsistant et
ainsi de suite. Nous attacherons donc à présenter successivement le contenu de ces
différentes classes en nous focalisant sur leur contenu propre et ce qu'elles
permettent de mettre en tension dans les thématiques ainsi dégagées.
Figure 1 : Dendrogramme de la C.H.D2.
2 Les pourcentages indiquent la proportion d'UCE présentes dans la classe sur l'ensemble des UCE classées
Être et devenir enseignant en économie-gestion (classe 3)
Cette classe de discours est constituée de 539 UCE (sur 3907 soit 13.8% des UCE
classées). Le schéma ci-dessous représente l'analyse de similitude des formes
présentes dans la classe en mettant en avant les co-occurences entre les termes.
Cette représentation nous permet de visualiser une sorte de cartographie de la
classe et l'organisation des termes la constituant.
Figure 2 : Analyse de similitude de la classe 33
Cette classe comporte un vocabulaire spécifique au métier d'enseignant et semble
comporter deux thématiques principales. D'une part l'on retrouve des formes très
significatives (p<.001) telles que « enseigner », « matière », « BTS », « gestion »,
3 La taille des mots est proportionnelle au Chi2 de la forme dans la classe et la taille des arrêtes est proportionnelle à l'indice de cooccurrence (graphe à seuil 3).
« économie », « lycée », « bac », « pro ». Autant de termes permettant aux personnes
interrogées de se définir par rapport à l'interlocuteur et ayant trait à leur identité.
Dans cette classe de discours, ces dernières nous parlent d'elles et plus
particulièrement de leur spécificité (enseignant en lycée professionnel et en BTS
économie-gestion) D'autre part, d'autres ensembles de formes significativement
présentes semblent relater le parcours et la temporalité pour devenir enseignant.
Les branches « an », « années » et « concours » relatent le cheminement pour en
arriver là. Si ces deux thématiques renvoient fortement à deux questions de notre
guide d'entretien il apparaît que le vocabulaire employé, puisque constitutif d'une
seule classe et en opposition (première partition) avec les autres classes, est donc
spécifique d'un discours relatif au travail enseignant.
Extrait d'UCE significatives de la classe :
« Donc majoritairement j'enseigne la communication mais bon j'enseigne en
formation initiale bien sûr en première bon j'ai eu des terminales il y a quelques
années j'enseigne depuis 94 en classe de BTS et donc j'ai toujours une classe de
seconde en parallèle et donc j'ai abordé la réforme du lycée cette année avec donc un
nouvel enseignement qui s'appelle les principes fondamentaux de l'économie et de la
gestion »
« Et donc c'est pour ça que j'ai intégré après l'IUFM j'ai passé mon concours et j'ai
réussi voilà donc après c'était tout tracé du coup hein parce que ... »
L'existence d'un sas institutionnel permettant d'entrer dans le monde de l'entreprise : le
CERPET (Classe 4)
Cette classe de discours est constituée de 1362 UCE sur les 3907 classées soit 34,86 %
du corpus analysé. Elle représente donc la plus grande classe de discours de la
C.H.D.
Figure 3 : Analyse de similitude de la classe 4
Le terme « stage » est fortement lié au nom de l'entreprise (« institution
d'accueil4 ») dans lequel il se situait et au sigle « CERPET » (via la personnalité de
Mme M. X référent du CERPET au niveau national). La thématique principale de
cette classe concerne le travail réalisé dans le cadre du « stage ». Ici le discours n'est
pas encore axé sur ce qui se passe dans l'entreprise mais davantage sur les
objectifs formels du stage. Nous pouvons identifier trois types de travaux
demandés : il s'agissait d'une part de « voir » « concrètement » comment fonctionne
4 Nous devons ici préciser que la forme « institution d'accueil » est issue d'un recodage opéré par nos soins sur notre corpus, il ne s'agit donc pas des termes exacts employés par les personnes interviewées mais d'un terme générique que nous avons inséré à chaque fois que la personne citait le nom de l'entreprise dans laquelle elle avait réalisé son stage long.
l'entreprise, mais aussi de participer à un « projet » de l'entreprise. Enfin, et
conformément à la commande institutionnelle, l'enseignant devait construire et
déposer sur le « site » du CERPET des « outils » « pédagogiques » pour les autres
enseignants. Le travail dont il est question ici représente en quelque sorte de la
partie « visible » du travail qu'un enseignant peut réaliser en entreprise. Cependant
la demande institutionnelle semble contraignante car, alors que l'activité demandée
en entreprise est détachée de l'acte d'enseigner, il s'agit pour l'enseignant de
construire des ressources qui y sont directement rattachées. Dans cette classe, les
termes « élève » et « enseigner » sont significativement absents5 et questionnent donc
le caractère approprié des objectifs contractuels définis institutionnellement.
Ce discours est en large partie indépendant des autres classes de discours liées
au travail engagé en tant qu’acteur de l’entreprise comme nous allons le voir. Ainsi,
nous voyons dans ce dispositif institutionnel (le CERPET) et la commande formelle
qui en émane (la mise à disposition en ligne de ressources pédagogiques) se
constituer un sas pour les enseignants permettant l’entrée progressive dans le
monde de l'entreprise.
Extraits d'UCE significatives de la classe :
« En fait j'ai fait d'abord une demande auprès du CERPET auprès de Madame M.
qui s'occupe du CERPET »
« Les quatre premiers mois j'étais complètement dedans même si je prenais note
de ce que je faisais parce que je savais ce qui m'attendait à la fin parce qu'il fallait
mettre en place des ressources pédagogiques pour les enseignants »
« Je devais rendre les ressources pédagogiques au ministère elle devait être mise
en ligne mais bon j'avais bien planifié mon travaille j'ai géré »
La découverte d'un espace temps particulier (Classe 5)
Cette classe de discours comporte 626 UCE, soit 16,02% du corpus analysé. A la
lecture des formes les plus significatives de la classe, c'est la forte présence de la
notion de temporalité qui marque l'esprit. Nous trouvons ici par exemple les termes
« heure », « horaire », « temps », « matin », « vacances », « Noël » etc.
Extraits d'UCE significatives de la classe :
« Plus mes heures en entreprise où je faisais plus que 35 heures en moyenne ça
dépendait des dossiers mais je faisais les même horaires que mes collègues de
5 Significativement présents dans l’antiprofil de la classe.
l'entreprise voilà pour moi ça a été un rythme très très important et tout à fait
nouveau par rapport à ce que j'avais l'habitude d'avoir en tout cas ces dernières
années »
« Non mais les autres par contre ils étaient vraiment sur un volume horaire et
donc eux c'était un système de trente neuf heures mais avec durée, durée de travail
ils avaient ils avaient des demi- journées de récupération »
« Aucun souci ouais aucun souci aucun souci moi je trouve que le fait d'avoir
parce que du coup j'ai eu moins de vacances hein puisque j'ai eu que quinze jours à
Noël mais j'ai plus eu du tout les vacances euh finalement c'était pas plus mal »
«C'est pas facile hein parce que vous avez un rythme complètement différent un
travail complètement différent aussi donc euh le retour à la réalité était un peu
difficile mais bon après on s'y fait et puis»
« Donc c'est sûr c'est différent c'est un rythme différent après il y a eu les RTT je
les ai pas pris ça a été un gros scandale c'est comme ça oui voilà oui je pense parce
que j'ai pas ressenti le décalage »
Une forte présence de verbes d'action « bosser », « prendre », « partir », « aller », «
gérer », « reprendre », « fatiguer », « fermer », « retrouver » colore cette classe de
l'expression de l'aspect le plus pragmatique de l'expérience vécue. Le discours
exprimé semble porter sur l'organisation à la fois propre à l'entreprise et celle que la
personne a dû mettre en place pour effectuer ce stage. L'expérience semble
nécessiter un changement de « rythme » en général bien accepté, voire recherché
par les enseignants, ce qui n’est pas sans impacter sur l’équilibre entre vie
professionnelle et la vie personnelle et l'on voit apparaître un ensemble de termes
relatifs à l'entourage (« enfant », « fille », « familial », « privé », « copain », « maison »).
Cette prégnance des discours liés au changement de rythme sont à mettre selon
en regard du déficit de reconnaissance du métier d’enseignant relativement au
travail en entreprise. Les conditions et l’organisation de travail, le statut de
fonctionnaire, le manque de visibilité de l’ensemble des activités professionnelles
pèsent sur la reconnaissance sociale des enseignants qui trouvent ici un espace
d’expression visible de leur investissement professionnel. Ainsi, le fait de venir
travailler à 4 heures du matin ou de rester jusque tard sur le lieu de travail est
toujours présenté comme un épisode professionnel privilégié accentuant le
changement de regard posé sur eux au sein de l’entreprise.
Ce changement de rythme qui bouscule bien des équilibres (familiaux,
professionnels, identitaires) est vécu positivement selon nous pour une autre
raison : les enseignants lors de cette expérience peuvent rompre avec la forme
scolaire qui discipline leur corps et leurs vécus professionnels. En quittant la
classe, en sacrifiant leurs routines, ils échappent à un espace de travail dont
certains disent avoir « fait le tour ».
L’investissement en temps et en déplacements qu’exige cette expérience est
finalement bien accepté du fait d’une reconnaissance identitaire et d’une
« oxygénation » dans un nouvel espace professionnel.
Figure 4 : Analyse de similitude de la classe 5
Le stage : une opportunité de carrière (Classe 1)
Cette classe de discours est composée de 415 UCE soit 10,8 % du corpus analysé. Les
termes les plus significatifs « regretter », « carrière », « opportunité », « culture »,
« aimer » posent d'entrée l'aspect positif exprimé de l'expérience vécue lors du stage
long. Le verbe « regretter » associé à des formes négatives (« je ne regrette pas »)
renvoie à une relecture globale du parcours professionnel opérée à l'occasion de
l'entretien. L'expérience vécue en entreprise semble offrir des éléments de
comparaison renforçant le choix professionnel initial de l'enseignant.
Figure 5 : Analyse de similitude de la classe 1
Extrait d'une UCE significative de la classe :
« Et je n'ai pas regretté non non c'est vrai que le métier d'enseignant c'est un beau
métier non non c'est un métier difficile mais c'est un beau métier je ne regrette pas
d'avoir choisi cette carrière. Là franchement de découvrir l'entreprise (...) »
Replacé dans une perspective existentielle, le stage constitue une étape clé dans
le parcours professionnel pour faire retour sur celui-ci remet en sens les
engagements professionnels antérieurs et poser de nouvelles perspectives. Le terme
d’opportunité associé au stage est à distinguer selon deux espaces de sens :
- le stage est en lui-même une opportunité pour diversifier et amplifier son expérience
professionnelle, repenser son parcours professionnel en termes de carrière – il
existe finalement peu de perspectives pour les enseignants de transiter vers une
autre activité professionnelle,
- après avoir rejoint leur établissement, le stage est instrumentalisé comme une
ressource pour répondre ou provoquer de nouvelles opportunités pour amplifier ou
diversifier son action professionnelle.
Extraits d'UCE significatives de la classe :
« Effectivement je pense que j'avais besoin de faire un break dans ma carrière
d'enseignante euh parce que je trouvais plus que je m'épanouissais
professionnellement donc j'avais déjà effectué plusieurs stages en entreprise courts
toujours par le biais du CERPET et euh à chaque fois je restais un peu sur ma faim
en me disant c'est super j'apprends beaucoup de choses mais c'est dommage »
« Il fallait que je m'en aille et je disais d'ailleurs je disais il faut que je m'en aille
parce que la franchement je n'en peux plus et bon ben voilà s'est trouvée cette
opportunité et donc j'ai saisi cette opportunité»
Au regard des trajectoires professionnelles qui ont fait suite au stage, celui-ci
semble tracer une ligne de crête qui oriente sur le long terme les choix futurs des
personnes interviewées soit vers l’espace de l’enseignement soit vers d’autres
fonctions professionnelles. Cinq des enseignants ont en effet changé de métier, et
une partie significative des enseignants en poste lors de l’enquête ont d’ores et déjà
engagé un processus de changement professionnel ou disent rester à l’affût de
nouvelles opportunités. Les autres enseignants considèrent leur choix vers
l’enseignement comme le plus adapté à leurs souhaits professionnels.
Le stage en entreprise, une expérience révélatrice (Classe 2)
Cette classe comporte 965 UCE soit 24,7 % du corpus analysé et nous intéresse tout particulièrement
pour plusieurs raisons : d'une part parce qu'avec 24,7 % du corpus analysé elle représente la
seconde classe en terme de taille et d'autre part parce que nous y voyons l'expression de
changements de représentations en lien avec la réalité du travail en entreprise et/ou
enseignant. Nous insisterons donc davantage sur son analyse.
En premier lieu nous voyons que le terme « entreprise » est fortement lié au terme
« chose ». Ce dernier significativement présent dans la classe marque l'absence de
clarté, la représentation d’un objet flou, abstrait et indéfini. Le terme « penser »
constitué principalement par l'expression « je pense » marque le fait que la personne
va exprimer une opinion personnelle : nous sommes donc résolument dans une
dimension cognitive du vécu de l'expérience.
Extraits d'UCE significatives de la classe :
« Je disais pourquoi j'étais là mais à institution d’accueil c'était une autre
dimension quand même mais ça s'est bien passé j'avais des représentations sur le
monde de l'entreprise donc certaines oui d'autres non »
« Et bien oui quand même oui il a changé ma perception puisque je l'ai vécu avec
les gens dans l'organisation ce n'est pas la même chose que d'être à l'extérieur si si
bien sûr je me suis frottée aux gens j'ai vu les limites de certaines personnes enfin ce
sont des choses que je pouvais quand même imaginer mais si bien sur que ça change
la représentation que l'on a d'une organisation »
La présence dans cette classe des termes « élève » et « «étudiant » rappelle la
mission de l'enseignant, il doit préparer l’élève au monde de l'entreprise. Cette
préparation semble alors possible par la reproduction de l'expérience cognitive
vécue (ils doivent alors inciter à leur tour leurs élèves à changer de représentation).
« Et puis mais par contre ça apporte des choses nouvelles parce que parfois il y a
des des représentations notamment des étudiants notamment la vision de
l'employeur qui viserait que la rentabilité etcétéra donc là on peut avoir grâce à mon
expérience je peux un peu un peu nuancer les représentations qu'ils peuvent avoir de
l'entreprise de la direction, du personnel etcétéra »
Cette « chose » est donc un objet flou pour les « élèves » et les « étudiants » et la
mission de l'enseignant est de rétablir une certaine « vérité » sur la « réalité » de ce
monde.
Contrairement à ce que l'on pouvait attendre, le changement de représentation
opéré ne va pas seulement dans le sens d'un changement de représentation du
travail en entreprise chez les enseignants. Le regard porté par les salariés sur les
« profs » qu'ils sont, a également provoqué un changement de représentation de
leur propre métier d'enseignant. Ainsi, c'est en entreprise et dans le regard de
l'autre que l'on se rend compte de la réalité du monde enseignant, on réalise qu'il
s'agit d'un « vrai » « métier » et d'un « vrai » travail. Le stage semble alors susciter
un processus inattendu et renforcer une certaine identité professionnelle.
Extraits d'UCE significatives de la classe :
« Etre enseignant c'est un vrai métier et c'est un métier c'est pas une vocation ni
un sacerdoce ou quoi que ce soit pour moi c'est un métier qui a ses codes qui
s'apprend qui est très intuitif aussi c'est un métier »
« Métier comme un autre et on n'a pas à rougir de notre métier pas du tout pas du
tout à rougir des conditions dans lesquelles on l'exerce parce que finalement on est
beaucoup moins bien lotis que dans beaucoup d'entreprises par les conditions de
travail »
« La 1ère c'est que moi j'étais totalement décomplexé j'avais quand même ce
complexe de l'enseignant qui entend régulièrement qu'être enseignant ce n est pas
un vrai métier et je suis ressorti de là en me disant et bien si c'est un vrai métier
avec des vraies compétences c'est-à-dire que didactiser enseigner adapter à un
public c'est quelque chose qui s'apprend »
Enfin, il semble au final, qu'un autre changement de représentation ait pu être
opéré. Cette fois-ci, il ne s'agit plus des représentations des enseignants mais des
représentations des professionnels rencontrés dans les entreprises sur le métier
d'enseignant. Tout d'abord, les enseignants font état de l'aspect négatif des
représentations de l'enseignant à leur entrée en entreprise.
Extraits d'UCE significatives de la classe :
« Je n ai pas tellement cherché à parler de mon métier parce que je me suis rendue
compte en arrivant dans l'entreprise que l'image des enseignants quand même n'était
pas toujours très très reluisante »
« C'est-à-dire que pour certains collaborateurs de l'entreprise l'enseignant c'est la
personne qui a beaucoup de vacances scolaires qui fait cours mais bon qui n est pas
débordée qui ne connaît pas le stress enfin bon parce que en magasin c’est vrai il y a
le stress il y a effectivement je pense que je donnais une autre image je donnais une
autre image mais en tout cas au début je n ai pas vraiment parlé de mon métier »
Mais au fil du stage, il semblerait que peu à peu, une autre transformation
s'opère chez les professionnels rencontrés.
Extraits d'UCE significatives de la classe :
« Est ce que ça a changé leur regard sur l'enseignement ou en tout cas l'enseignant
je ne sais pas je serais présomptueuse si je disais ça mais je pense c'était aussi une
façon de voir les profs autrement certainement »
« Un an dans une entreprise ça n'est pas neutre un prof un an dans une entreprise
n'est pas neutre la construction au quotidien c'est de démonter les préjugés oui
quand on me dit ah bon il est 21 heures tu es encore là »
« Ils ont complètement changé le regard et il n'y a plus du tout eu cette vision
éducation nationale là on n'a plus cherché à avoir un … ce que je pensais au début
les gens vous regardent en disant ben c'est le prof »
Pour synthétiser le propos, les personnes interrogées expriment dans cette classe
4 types de changements de représentations rendus possibles grâce à l'expérience de
stage long :
− les représentations du travail en entreprise chez les enseignants ayant suivi
le stage
− les représentations du travail en entreprise à transmettre aux élèves et aux
étudiants
− les représentations du travail et du métier d'enseignant chez les enseignants
eux-mêmes
− les représentations du travail et du métier d'enseignant chez les
professionnels rencontrés.
Figure 6 : Analyse de similitude de la classe 2
Autre élément frappant de cette classe de discours : le terme d’entreprise est
significativement relié aux termes « vrai, vraiment, concret, évident, situation,
environnement, extérieur ». Cette association s’interprète selon à partir du concept
de forme scolaire et de clôture de l’espace scolaire. En regard de l’espace de
l’enseignement, le monde de l’entreprise semble doté d’un surcroît de réalité.
L’espace scolaire est lui affecté d’un déficit de réalité. Cela est particulièrement
visible dans l’un des entretiens où l’enseignante ayant précédemment travaillé dans
le monde de l’entreprise et ayant participé au stage long ne sait comment qualifier
l’espace professionnel de l’école en regard de ce qu’elle nomme « la vraie vie ». Le
graphe ci-dessous qui relie les termes élève, comprendre, apprendre, idées au terme
« entreprise » par l’intermédiaire du terme « chose » indique selon nous la difficulté
(aussi bien conceptuelle que pratique) à relier l’espace de la classe à l’espace de
l’entreprise et donc à faire circuler ce que nous appelons la double référence (Zaid,
Champy-Remoussenard, 2012). L’expérience du stage long sous la forme adoptée
jusqu’à présent met en évidence les tensions entre ces deux mondes mais ne
semble pas avoir d’impact sur la reconfiguration des représentations – entendus ici
comme des guides pour la pratique - liées aux relations à développer dans travail
scolaire et travail en entreprise.
L'Analyse Factorielle des Correspondances
A présent que nous avons décrit les classes de la CHD, nous allons tenter de
comprendre comment s'organise la complexité apparente des discours recueillis.
Dans cette étape de l'analyse, le chercheur doit tenter de comprendre les tensions
mises à jour par les analyses statistiques et de redonner du sens aux droites de
régression (les facteurs) constituées. Il est bien évident qu'à cette étape de notre
travail, la subjectivité des chercheurs entre en jeu, c'est pourquoi nous ne
prétendons pas poser des résultats mais plutôt des hypothèses qu'il s'agirait de
tester dans une autre étape de notre recherche.
Ainsi dans la partie qui suit et que nous exposerons en deux temps, nous
proposons de nommer les 4 facteurs de l'AFC. Dans un premier temps nous
présenterons l'interprétation des facteurs 1 et 2 qui nous semblent relever d'une
organisation des représentations du travail chez les enseignants. Dans une seconde
partie, nous présenterons les facteurs 3 et 4 relatant selon nous davantage le
rapport à l'expérience du stage long.
Les représentations du travail d'enseignants ayant vécu un stage long en entreprise
Figure 7 : schématisation de l'A.F.C.
Le schéma ci-dessus nous permet d'observer la répartition des classes de
discours décrites précédemment dans l'espace factoriel des trois premiers facteurs.
Le premier facteur (facteur 1 horizontal représentant 34,26% de l'inertie totale)
semble opposer dans le discours deux mondes distincts : le monde enseignant
représenté à gauche avec la classe 3 et le monde de l'entreprise à droite avec les
autres classes. La classe 3 se trouve logiquement sur la face « monde enseignant »
du premier facteur, ainsi l'on entrevoit que sur la totalité du corpus analysé, 15,8%
sont consacrés à cette thématique et s'oppose aux autres thématiques. Il semblerait
donc que lorsque l'on évoque le stage long avec les enseignants, ils aient besoin de
resituer d'où ils parlent et d'où ils viennent. On entrevoit ici la fonction identitaire
des représentations que l'on trouve donc dans la représentation du travail.
Ainsi, la représentation du travail dans le monde de l'entreprise peut-elle
s'exprimer par comparaison au travail dans le monde enseignant. Il est toujours
plus aisé de décrire une chose en la comparant à une autre plus connue devenant
ainsi élément de référence. Ainsi, par un jeu d'allers-retours, ce que l'on ne connaît
pas vient re-questionner ce que l'on connaît et que l'on ne réinterrogeait plus.
Cette première tension mise en avant, nous allons à présent aborder le second
facteur (vertical - 29,65% de l'inertie). Celui-ci semble préciser les oppositions que
l'on peut entrevoir dans les représentations du travail en resserrant cette fois sur le
travail dans le cadre du stage. En son sommet s'expriment les aspects formels et
visibles de la commande prescrite et institutionnelle et en sa base, la partie moins
visible, concernant ce que l'enseignant a vécu lors de cette expérience singulière.
Cette fois, nous observons que la classe 4, relative au discours sur le stage et le
CERPET s'oppose aux trois autres classes. En effet, nous avons pu constater que
dans cette classe, c'est la commande formelle qui est exprimée : le stagiaire ayant à
produire des ressources pédagogiques. Il semble donc que dans les représentations
des enseignants, deux types de travaux soit envisagés, il existerait d'un part ce qui
est prescrit, déclaré et visible et d'autre part ce qui est moins visible, plus personnel
mais demandant aussi un réel effort, un travail. Cette remarque ne sera pas sans
rappeler au lecteur la distinction travail prescrit/travail réel issue des travaux de
l’ergonomie cognitive de langue française.
Ainsi, lorsque l'on évoque le stage long avec les enseignants interrogés, il semble
que ce soit les représentations du travail qui s’expriment en premier lieu. Le stage
s'inscrit dans une période de travail, dans une activité dont les dimensions ne sont
pas détachées de l'activité professionnelle : il ne s'agit pas d'une période de congés,
ni même de formation mais bien d'une mission professionnelle (et
professionnalisante) permettant d'interroger l'identité de métier et d'analyser la
production qui lui est inhérente.
L'expression d'une expérience singulière
Les deux autres facteurs de l'AFC semblent davantage opposer des typologies de
discours propres à l'expérience singulière vécue lors du stage long en entreprise.
Ainsi nous proposons infra un nouveau schéma nous permettant de synthétiser les
tensions révélées par les facteurs 3 et 4. Rappelons ici, que nous faisons une focale
sur la partie basse et droite du schéma précédent. Ainsi, ces distinctions sont à
considérer comme secondaires et donc consécutives de celles opérées en amont et
distinguant les représentations du travail.
Ici, le discours sur l'expérience vécue semblerait s'organiser autour d'un premier
facteur (facteur 3 horizontal – 20,46 % de l'inertie) opposant à droite un discours
pragmatique, très concret et relatant des conséquences comportementales de
l'expérience. Ici la rigueur, la temporalité contraignent le stagiaire à une
réorganisation, qu'elle soit matérielle ou familiale. A gauche de ce facteur le
discours se révèle davantage intimiste et questionne la personnalité toute entière.
Nous avons nommé les pôles de ce facteur « le rapport existentiel à l'expérience »
versus « le rapport pragmatique à l'expérience ».
Enfin, le 4ème facteur (15,6% de l'inertie) oppose deux types de traitement de
l'expérience a posteriori, deux manières d'appréhender l'après stage. D'un part à la
base du facteur les paroles relatent les changements de représentations (classe 2) et
l'accès à la réalité. Le facteur 4 semble davantage concerner les changements
opérés lorsque l'expérience surprend et est contraire aux attentes. Nous nommons
donc ce pôle « une expérience contre attitudinale ». A l'opposé s'expriment les
renforcements, les effets d'une expérience conforme aux attentes : nous nommons
donc cette extrémité du facteur « une expérience pro attitudinale ».
Ainsi, la représentation de ces deux facteurs pris isolément nous permet
d'entrevoir une modélisation des composantes attitudinales de l'expérience de
stage. En effet, ces trois dimensions exprimées dans les trois classes et reparties
ainsi sur ces deux facteurs renverraient aux dimensions conative (la classe 5
exprime les aspects pragmatiques et les comportements émis lors du stage),
affective (la classe 1 exprime le non regret, le plaisir ressenti lors du stage) et
cognitives (la classe 2 les changements de représentations) des attitudes (Rosenberg
& Hovland, 1960 ; Eagly & Chaiken, 1993).
Figure 8 : Focale sur les facteurs 3 et 4 de l'AFC : les dimensions attitudinales du vécu de l'expérience
Conclusion
Il ressort des analyses menées ici que l’expérience du stage met en évidence dans
les représentations des enseignants ayant participé au stage long les tensions déjà
identifiées entre espace scolaire et espace de l’entreprise, notamment la perception
de l’existence de deux mondes et un déficit de reconnaissance du travail
enseignant. Toutefois, le dispositif dans la forme adoptée jusqu’à présent ne permet
pas de résoudre ces tensions. Il est raisonnable de supposer qu’un
accompagnement à la suite du stage qui susciterait une mise en mots de
l’expérience influerait de manière significative sur cette situation.
L’expérience du stage permet aux enseignants de transformer leur représentation
sociale de l’entreprise en une représentation professionnelle ou de réactiver une
représentation professionnelle antérieure du monde de l’entreprise. Cependant, ce
processus crée un certain trouble pour l’activité d’enseignement. Il serait donc
intéressant de comprendre comment l’expérience du stage et la représentation
professionnelle qui en résulte peuvent être transposées dans l’espace de la classe.
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