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ARTICLE ORIGINAL Immunothérapie dans l’asthme de l’enfant J. Just *, E. Goudard, A. Grimfeld Polyclinique de pneumologie pédiatrique, hôpital d’enfants Armand-Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France Introduction Dans les pays industrialisés, la prévalence des ma- ladies allergiques s’est considérablement accrue au cours de ces 20 dernières années. Les facteurs responsables de cette augmentation (pollution in- térieure et extérieure, tabagisme passif, ...) res- tent incomplètement élucidés. Parmi eux, la te- neur en allergènes dans notre environnement joue un rôle déterminant. Pour lutter contre la composante allergique, les moyens dont on dispose sont l’éviction des allergè- nes et l’immunothérapie spécifique (ITS), qui reste le traitement spécifique actuel de l’allergie respi- ratoire. L’ITS induit une tolérance accrue à l’aller- gène en modulant la réponse immunitaire et plus particulièrement en modifiant la balance Th1/Th2 (inversée chez l’allergique au profit de la voie Th2) [9]. L’introduction précoce d’un traitement spéci- fique de l’allergie respiratoire par l’ITS (ou d’autres « vaccinations » encore en expérimentation actuel- lement) pourrait modifier l’histoire naturelle de cette affection chez l’enfant. Mécanisme d’action de l’ITS Actuellement, l’inflammation bronchique est considérée comme une constante de la physiopa- thologie de l’asthme. Cette inflammation a une composante allergique chez plus de 80 % des en- fants asthmatiques d’âge scolaire. L’intérêt de l’ITS réside dans une inhibition immunologique spé- cifique de la réponse inflammatoire. Les études sur les mécanismes d’action de l’ITS montrent que l’inhibition de la réponse inflammatoire est la conséquence d’une induction de la réponse Th1 plus qu’une inhibition de la réponse Th2 [3]. L’ITS par voie injectable entraînerait la production d’in- terleukine (IL)–12 (inducteur de la réponse Th1) par les cellules du tissu sous-cutané qui présentent l’antigène [7]. Plusieurs études sur la muqueuse nasale avant et après ITS ont montré une suppres- sion de la réponse inflammatoire tardive au niveau nasal, et une augmentation du nombre de cellules exprimant l’acide ribonucléique (ARN) messager de l’interféron-gamma (IFN-c). Ainsi, l’ITS entraîne- rait une modulation de la réponse lymphocytaire vers une réponse normale, et représenterait une approche thérapeutique plus rationnelle que les traitements anti-inflammatoires (tels que les corti- coïdes) qui inhibent la production des cytokines dérivant des Th2, comme l’IL4 et l’IL5. Chez l’enfant, outre les facteurs génétiques, la maturation du système immunitaire et l’environne- ment déterminent une réponse lymphocytaire de type Th1 ou Th2. Au cours de la vie intra-utérine, le phénotype Th2 serait prédominant, avec une sup- pression du clone Th1 permettant une tolérance immunitaire mère–enfant en évitant les effets toxi- ques des cytokines dérivées des Th1 sur le placenta [21]. Après la naissance, le nourrisson prédisposé à devenir allergique présente un déficit de produc- tion de cytokines dérivées des Th1, comme l’IFN-c ce qui contribue au développement de l’activité Th2 et favorise ainsi l’apparition d’allergie cutanée (eczéma), digestive (intolérance aux protéines du lait de vache), mais aussi la sensibilisation aux pneumallergènes [22]. L’expression phénotypique de type Th2 pourrait aussi être modulée par la charge en pneumallergènes de l’environnement. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Just). Journal de pédiatrie et de puériculture 16 (2003) 299–303 www.elsevier.com/locate/pedpue © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/S0987-7983(03)00019-7

Immunothérapie dans l’asthme de l’enfant

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ARTICLE ORIGINAL

Immunothérapie dans l’asthme de l’enfant

J. Just *, E. Goudard, A. GrimfeldPolyclinique de pneumologie pédiatrique, hôpital d’enfants Armand-Trousseau,26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571 Paris cedex 12, France

Introduction

Dans les pays industrialisés, la prévalence des ma-ladies allergiques s’est considérablement accrue aucours de ces 20 dernières années. Les facteursresponsables de cette augmentation (pollution in-térieure et extérieure, tabagisme passif, ...) res-tent incomplètement élucidés. Parmi eux, la te-neur en allergènes dans notre environnement joueun rôle déterminant.

Pour lutter contre la composante allergique, lesmoyens dont on dispose sont l’éviction des allergè-nes et l’immunothérapie spécifique (ITS), qui restele traitement spécifique actuel de l’allergie respi-ratoire. L’ITS induit une tolérance accrue à l’aller-gène en modulant la réponse immunitaire et plusparticulièrement en modifiant la balance Th1/Th2(inversée chez l’allergique au profit de la voie Th2)[9]. L’introduction précoce d’un traitement spéci-fique de l’allergie respiratoire par l’ITS (ou d’autres« vaccinations » encore en expérimentation actuel-lement) pourrait modifier l’histoire naturelle decette affection chez l’enfant.

Mécanisme d’action de l’ITS

Actuellement, l’inflammation bronchique estconsidérée comme une constante de la physiopa-thologie de l’asthme. Cette inflammation a unecomposante allergique chez plus de 80 % des en-fants asthmatiques d’âge scolaire. L’intérêt del’ITS réside dans une inhibition immunologique spé-cifique de la réponse inflammatoire. Les études sur

les mécanismes d’action de l’ITS montrent quel’inhibition de la réponse inflammatoire est laconséquence d’une induction de la réponse Th1plus qu’une inhibition de la réponse Th2 [3]. L’ITSpar voie injectable entraînerait la production d’in-terleukine (IL)–12 (inducteur de la réponse Th1) parles cellules du tissu sous-cutané qui présententl’antigène [7]. Plusieurs études sur la muqueusenasale avant et après ITS ont montré une suppres-sion de la réponse inflammatoire tardive au niveaunasal, et une augmentation du nombre de cellulesexprimant l’acide ribonucléique (ARN) messager del’interféron-gamma (IFN-c). Ainsi, l’ITS entraîne-rait une modulation de la réponse lymphocytairevers une réponse normale, et représenterait uneapproche thérapeutique plus rationnelle que lestraitements anti-inflammatoires (tels que les corti-coïdes) qui inhibent la production des cytokinesdérivant des Th2, comme l’IL4 et l’IL5.

Chez l’enfant, outre les facteurs génétiques, lamaturation du système immunitaire et l’environne-ment déterminent une réponse lymphocytaire detype Th1 ou Th2. Au cours de la vie intra-utérine, lephénotype Th2 serait prédominant, avec une sup-pression du clone Th1 permettant une toléranceimmunitaire mère–enfant en évitant les effets toxi-ques des cytokines dérivées des Th1 sur le placenta[21]. Après la naissance, le nourrisson prédisposé àdevenir allergique présente un déficit de produc-tion de cytokines dérivées des Th1, comme l’IFN-cce qui contribue au développement de l’activitéTh2 et favorise ainsi l’apparition d’allergie cutanée(eczéma), digestive (intolérance aux protéines dulait de vache), mais aussi la sensibilisation auxpneumallergènes [22]. L’expression phénotypiquede type Th2 pourrait aussi être modulée par lacharge en pneumallergènes de l’environnement.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Just).

Journal de pédiatrie et de puériculture 16 (2003) 299–303

www.elsevier.com/locate/pedpue

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/S0987-7983(03)00019-7

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Efficacité de l’ITS dans l’allergierespiratoire

L’efficacité de l’ITS injectable dans l’allergie res-piratoire est documentée par diverses études, etnotamment de façon récente par une revue de lalittérature [10] et par une méta-analyse [1] sur lesétudes randomisées en double aveugle contre pla-cebo (ERDACP) dans l’asthme. Globalement, desessais contrôlés contre placebo ont prouvé l’effica-cité de l’ITS dans la rhinite allergique, évaluée àplus de 30 % par rapport au placebo. Il est à notercependant que ces essais ont été réalisés pour laplupart chez l’adulte. Dans l’asthme, les résultatsde la méta-analyse montrent une efficacité portantsurtout sur l’hyperréactivité spécifique et les be-soins médicamenteux. Néanmoins, la majorité desauteurs conclut que l’hétérogénéité des popula-tions étudiées incite à réaliser des études contrô-lées complémentaires dans des populations plushomogènes.

Indication de l’ITS

L’indication de l’ITS dans les allergies respiratoiresde l’enfant doit prendre en considération :

• la sévérité et l’ancienneté de la maladie ;• les besoins et les risques des traitements médi-camenteux ;

• le nombre et le type de sensibilisations aller-géniques (immunoglobulines [Ig E] médiées) ;

• le rôle des allergènes dans le déclenchementdes symptômes ;

• l’attitude de l’enfant et de sa famille vis-à-visde l’adhésion à un traitement contraignant etde longue durée.

On peut ainsi dégager une indication consen-suelle qui représente un traitement curatif de l’al-lergie respiratoire. Il s’agit de l’asthme modéré,mais déjà invalidant, nécessitant un traitementpréventif médicamenteux continu, secondaire àune monosensibilisation par un allergène perannuel(comme les acariens de la poussière de maison) ousaisonnier mais invalidant (tel que les pollens degraminées). Dans cette indication, une réductiondes traitements médicamenteux est une perspec-tive réaliste. À l’heure actuelle, une autre indica-tion se dégage de l’étude de la littérature chezl’enfant, dans laquelle l’ITS est plutôt envisagéecomme un traitement préventif de l’allergie respi-ratoire, au même titre que le contrôle de l’environ-nement allergénique. Dans les formes débutantesde l’allergie, comme la rhinite allergique oul’asthme débutant monosensibilisé et modéré, l’ITSpourrait modifier l’histoire naturelle de l’allergie

en évitant les futures sensibilisations allergéniques[5]. Deux études récentes confirment cette hypo-thèse. Une étude rétrospective réalisée chez8396 patients âgés de 14 ans ou plus présentant unerhinite et/ou un asthme modéré monosensibiliséaux acariens ou à un pollen (herbacées, arbres ougraminées), montre qu’une ITS poursuivie pendant4 ans (réalisée chez 7182 enfants) réduit significa-tivement le risque de polysensibilisation ultérieurepar rapport au groupe non désensibilisé (1214 en-fants restants) [19]. Pajno et al. [15] ont observéune cohorte de 134 enfants âgés de 5 à 8 ans, ayantun asthme intermittent et une monosensibilisationaux acariens. Ils constatent que l’apparition denouvelles sensibilisations est significativementmoindre dans le groupe d’enfants recevant l’ITS,par rapport au groupe témoin comparable mais nondésensibilisé (24,6 vs 66,7 % d’apparition de poly-sensibilisation dans le suivi).

L’ITS, en modifiant la réponse Th1/Th2 vis-à-visdes allergènes, pourrait ainsi réduire la destructionde l’épithélium respiratoire et le remodelage tissu-laire consécutif à l’inflammation chronique d’ori-gine allergique. Dans cette indication, l’ITS inter-viendrait comme une vaccination anti-allergique.

Perspectives dans l’immunothérapiespécifique et non spécifique

Les extraits allergéniques

L’efficacité d’une ITS repose sur des indicationsbien posées mais dépend également de la qualitédes extraits allergéniques. Cependant, une allergé-nicité forte augmente le risque de réactions ana-phylactiques graves, ce qui rend compte des réti-cences à la pratique de l’ITS dans l’asthme del’enfant.

Les manipulations génétiques des gènes codantpour les allergènes et/ou l’utilisation de protéinesallergéniques vont permettre dans l’avenir de rem-plir ces 2 exigences : pureté et stabilité des aller-gènes mais aussi disparition du risque anaphylacti-que. C’est ainsi qu’on pourra fabriquer despeptides dérivés des allergènes (peptides recombi-nants) ayant conservé les sites (ou épitopes) recon-nus par les récepteurs des T lymphocytes, maisdélétés de ceux interagissant avec les IgE membra-naires des cellules cibles [17]. Ces techniques per-mettent, par la substitution de plusieurs acidesaminés (par mutagenèse dirigée), d’obtenir de lar-ges quantités de peptides avec un pouvoir immuno-gène ciblé (liaison aux T lymphocytes) et dénué derisque anaphylactique (impossibilité de liaison àIgE). Les iso-allergènes sont également des allergè-

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nes modifiés qui ont conservé la même séquenced’acides aminés, mais dont la structure tertiaire aété modifiée pour ne pas être reconnue des IgEmembranaires. Les iso-allergènes offrent ainsil’avantage d’être reconnus par un grand nombre derécepteurs des cellules T, tout en ayant un risqued’anaphylaxie supposé nul.

Les « extraits allergéniques futurs » feront inter-venir des techniques de manipulations génétiquesutilisées dans les vaccinations. On peut ainsi incor-porer des fragments d’acide désoxyribonucléique(ADN) codant pour des allergènes reconnus (clonésà partir de librairies d’ADN génomiques) dans desplasmides ou des vecteurs viraux. L’injection àl’homme de ces vecteurs porteurs d’ADN entraîneraune réplication du matériel génétique et la produc-tion de protéines allergéniques intracellulaires ca-pables d’activer les lymphocytes T. La réponselymphocytaire induite par ces ADN in vivo est detype Th1. Ce type de réponse Th1 est le résultatd’une stimulation antigénique particulière : anti-gène intracellulaire présenté par les antigènesd’histocompatibilité de type I et produit en faiblequantité. D’autres fragments d’ADN induisant defaçon non spécifique une réponse lymphocytairedérivée des Th1 ont été proposés. Ce sont desséquences immunostimulantes (immunostimularysequences : ISS) constituées de séquences répétéesriches en dinucléotides cytosine et guanine nonméthylés, encore appelées motifs CpG. Ces motifsCpG sont retrouvés chez les bactéries et sont res-ponsables de la sécrétion par les cellules présenta-trices d’antigène, de cytokines (telles que IL12,IFN-a/b, tumor necrosis factor [TNF]–a, et IL18facteur induisant la sécrétion de IFN-c) qui orien-tent vers une réponse de type Th1 à l’antigène.L’ADN riche en CpG peut encore potentiellementsupprimer la réponse de type Th2 par l’inductiond’IFN-c ou d’IL10, ou encore par l’expansion delymphocytes CD8 suppresseurs. Ces motifs d’ADNpeuvent être administrés seuls ou comme des adju-vants immunitaires, en association avec des frag-ments d’ADN codant pour des allergènes spécifi-ques. Ainsi, l’injection chez la souris d’ADN codantpour l’antigène majeur du pollen d’ambroisie, lié àdes séquences CpG, entraîne une réponse de typeTh1 et la formation d’anticorps d’isotypes IgG2a etIgG2b. Néanmoins, si ces voies de recherche sonttrès séduisantes, il faut les évaluer par des étudesportant sur :

• les indications, notamment dans l’asthme, endéterminant pour chaque patient le type deréponse Th1/Th2 à l’allergène ;

• et à long terme l’activation non spécifiqued’ADN potentiellement dangereux (tel que desoncogènes) ou encore d’induction d’une mala-

die auto-immune par la fabrication d’anticorpsanti-ADN.

Les voies d’administration des allergènes

Parmi les voies d’administration utilisées actuelle-ment, la voie injectable (sous-cutanée) a fait lapreuve de son efficacité par de nombreuses ERDACP[1,10]. Un des problèmes de l’ITS injectable estqu’il s’agit d’un traitement relativement invasif,contraignant et de longue durée. Les méthode d’ITSen « rush » permettent de réduire la phase d’ascen-sion des doses et donc d’améliorer l’adhésion, maisle risque de réaction syndromique systémique estaccru. Plusieurs autres voies d’administration ontdonc été proposées pour éviter la voie injectable :bronchique, orale, nasale et sublinguale. L’effica-cité et l’innocuité de l’ITS par voie nasale n’ont pasété démontrées chez l’enfant. Les voies orale etsublinguale sont actuellement les voies les plusutilisées. Les doses cumulées d’allergènes utiliséesdoivent être équivalentes à 200 voire 300 fois cellesutilisées par voie injectable. L’efficacité et la tolé-rance de l’ITS sublinguale sont diversement appré-ciées, et les résultats des premières études souventcontradictoires. Pour Malling [11], la réduction deseffets systémiques va de pair avec une efficacitémoindre de la voie orale par rapport à la voieinjectable. Pour l’Organisation mondiale de lasanté (OMS) :

• la voie orale n’est pas recommandée car l’ac-tion du traitement n’est appréciable qu’aprèsau moins 12 mois de traitement et le risque desurvenue de réactions secondaires sévères ;

• l’efficacité de la voie sublinguale, en revan-che, a été démontrée dans les conjonctivitesallergiques, les rhinites saisonnières et peran-nuelles [13].

Ainsi, l’OMS a considéré l’ITS sublinguale commeune alternative acceptable à la voie injectable pources indications [3]. Cependant, la majorité desorganisations d’allergologie et d’immunologie auxÉtats-Unis ne reconnaissent pas ce mode d’adminis-tration dans le traitement des maladies allergiques[20]. Les ERDACP les plus récentes ont permis dedémontrer l’efficacité et la bonne tolérance del’ITS sublinguale, principalement dans les conjonc-tivites et les rhinites notamment d’origine pollini-que. Dans l’asthme de l’enfant associé à une aller-gie aux acariens, les études sont encore peunombreuses [4,13,16]. Bousquet et al. [4] ont ob-servé dans leur étude une amélioration significativedu score global symptomatique et médicamenteux,sans différence significative entre le groupe rece-vant le traitement actif et le groupe recevant leplacebo. Trois études menées chez des enfantsasthmatiques [2,13,16] ont montré une diminution

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significative des scores médicamenteux et sympto-matiques (diminution du nombre de crisesd’asthme, diminution de symptômes nocturnes) enfaveur du groupe recevant le principe actif. Pajnoet al. [15] ont observé, dans une ERDACP réaliséechez 24 enfants asthmatiques légers à modérés,allergiques aux acariens, à la fin de la deuxièmeannée de traitement, une amélioration significa-tive du score symptomatique et médicamenteux,une augmentation du seuil de réactivité nasale etbronchique. De même, dans une ERDACP, Bahceci-ler et al. [2] montrent une amélioration significa-tive des besoins médicamenteux, une augmenta-tion significative du débit expiratoire de pointe surune période d’observation de 6 mois chez 15 en-fants désensibilisés par voie orale par rapport augroupe recevant le placebo.

Le taux d’IgG4 spécifiques est significativementaugmenté par rapport au groupe placebo, de façoninconstante suivant les études [2,13,16]. Les effetssecondaires rapportés sont le plus souvent modérés(prurit local, rhinorrhée, obstruction nasale) maisune urticaire [18] voire des signes respiratoiresallant jusqu’à la crise d’asthme [4] ont été décrits.Une étude de surveillance « post marketing » [6]portant sur 268 enfants désensibilisés et observésdurant une période allant de 3 mois à 7 ans relèvedes effets indésirables légers chez seulement 8 en-fants, ayant motivé une reprise d’un antihistamini-que oral pour une urticaire modérée.

Une seule étude comparant la voie injectable etla voie sublinguale a été réalisée [14]. Trente-sixsujets présentant un asthme, une rhinite et unesensibilisation aux acariens ont reçu soit un pla-cebo, soit une ITS par voie sublinguale, soit une ITSpar voie injectable. La voie sublinguale entraînepar rapport au groupe placebo, une amélioration duscore symptomatique et médicamenteux de larhinite, alors que la voie sous-cutanée est efficacepar rapport au placebo aussi bien sur la rhinite quesur l’asthme. D’autres études de même type por-tant sur une population plus large sont donc néces-saires pour situer la place de l’ITS par voie sublin-guale dans l’asthme de l’enfant avec allergie auxacariens.

L’avenir de l’ITS

L’avenir de l’ITS chez l’enfant est de la concevoircomme un traitement préventif de l’allergie respi-ratoire.

Ainsi, l’étude de Möller et al. [12] montre quel’ITS peut modifier l’histoire naturelle de l’allergie.Ainsi une ITS réalisée chez une cohorte de 191 en-fants, sensibilisés aux pollens de bouleau et/ougraminées, souffrant d’une rhinite ou d’uneconjonctivite saisonnière, réduit très significative-

ment (odds-ratio 2,5) le risque de développer unasthme, par rapport à un groupe comparable clini-quement non désensibilisé.

Ces études, en mettant en avant le rôle à la foiscuratif et préventif de l’ITS dans le traitement del’allergie respiratoire, pourraient modifier nos stra-tégies thérapeutiques. « L’ITS du futur » doit êtreappréhendée comme une vaccination qui utiliserades extraits allergéniques modifiés, introduits audébut voire avant l’induction d’une réponse spéci-fique IgE-médiée chez des nourrissons à risque.

Enfin, Kuehr et al. [8] montrent que l’on peutpotentialiser l’action de l’ITS par la combinaison del’ITS et d’un traitement « passif » non spécifique del’allergie respiratoire : les anticorps anti-IgE. Ainsi,chez 221 enfants âgés de 6 à 17 ans atteints derhinite allergique et polysensibilisés à différentspollens, le traitement par les anticorps anti-IgE enassociation avec l’ITS apporte un effet protecteursupplémentaire (par rapport à l’ITS seule) durant lasaison pollinique concernée par l’ITS, mais aussipendant celle non couverte par ce traitement spé-cifique. Ce type de traitement pourrait donc dansl’avenir faire étendre les indications de l’ITS auxpatients polysensibilisés.

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