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Rev. Fr. Transfus. H6mobiol., 1991, 34, 199-211 199 MEMOIRE ORIGINAL Immunoth6rapie passive dans le SIDA: utilisation transfusionnelle de plasma riche en anticorps anti-p25 (essai de phase I) par J.J. Lefr6re*, D. Vittecoq**, B. Mattlinger**, G. Boulard*, B. de Bruyn*, A.M. Courouc6*, Ch. Rouzioux**, Ch. Doinel*, M. Bary**, Ch. Salmon*, J.F. Bach**, Ph. Rouger* * Fondation Natiollale de Transfusion Sanguine, Institut National de Transfusion Sanguine, 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris. ** H6pital Necker, 149, rue de S~vres, 75015 Paris. RESUME La prdsente ~tude est un essai thdrapeutique de phase I bas~ sur le principe de l'immunothdrapie passive au cours du syndrome d'immu- noddficience acquise (SIDA) ; 18 malades atteints de SIDA ddclard (stade IV C2 du CDC) furent r~partis par randomisation en 2 groupes : 8 recevant toutes les 2 semaines 300 ml de plasma collectds auprds de sujets sdropositifs asymptomatiques (stade H ou III du CDC), et 9 (constituant le groupe tdmoin) recevant 300 ml de plasma standard s~rondgatif au mdme rythme et sur une mdme pdriode de temps. Chaque MallUscrit requ le 4.12.90. Accept6 le 10.12.90. Tir6s/~ part : Dr J.J. Lefrbre, I.N.T.S., 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris.

Immunothérapie passive dans le SIDA : utilisation transfusionnelle de plasma riche en anticorps anti-p25 (essai de phase I)

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Page 1: Immunothérapie passive dans le SIDA : utilisation transfusionnelle de plasma riche en anticorps anti-p25 (essai de phase I)

Rev. Fr. Transfus. H6mobiol., 1991, 34, 199-211 199

MEMOIRE ORIGINAL

Immunoth6rapie passive dans le SIDA:

utilisation transfusionnelle de plasma riche en anticorps

anti-p25 (essai de phase I)

par J.J. Lefr6re*, D. Vi t tecoq**, B. Mat t l inger** , G. Boulard* , B. de Bruyn*, A .M. Courouc6* ,

Ch. Rouz ioux** , Ch. Doinel* , M. Bary**, Ch. Sa lmon*, J.F. Bach**, Ph. Rouge r*

* Fondation Natiollale de Transfusion Sanguine, Institut National de Transfusion Sanguine, 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris.

** H6pital Necker, 149, rue de S~vres, 75015 Paris.

RESUME

La prdsente ~tude est un essai thdrapeutique de phase I bas~ sur le principe de l 'immunothdrapie passive au cours du syndrome d ' immu- noddficience acquise (SIDA) ; 18 malades atteints de SIDA ddclard (stade IV C2 du CDC) furent r~partis par randomisation en 2 groupes : 8 recevant toutes les 2 semaines 300 ml de plasma collectds auprds de sujets sdropositifs asymptomatiques (stade H ou III du CDC), et 9 (constituant le groupe tdmoin) recevant 300 ml de plasma standard s~rondgatif au mdme rythme et sur une mdme pdriode de temps. Chaque

MallUscrit requ le 4.12.90. Accept6 le 10.12.90. Tir6s/~ part : Dr J.J. Lefrbre, I.N.T.S., 6, rue Alexandre-Cabanel, 75015 Paris.

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200 Y.J. LEFRERE et coll.

malade rebut 7 transfusions. Les rdsultats cliniques et biologiques au cours des pdriodes transfusionnelle et post-transfusionnelle sont prdsen- tds.

SUMMARY

Passive immunotherapy in acquired immunodeficiency syndrome (AIDS)

The present study is a therapeutic trial of phase I, based on the principle of passive immunotherapy in acquired immunodeficiency syndrome (AIDS). Eighteen patients with full blown aids (stade IV C2 of CDC) were subdivided into two groups : nine receiving every two weeks 300 ml of plasma collected from HIV-1 seropositive symptomless (stage H or III of CDC) individuals, and nine (control group) receiving 300 ml of seronegative plasma at the same rythm and for the same period. Each patient received seven transfusions. Clinical and biological results during the transfusional and post-transfusional periods are reported.

De notables progr6s ont 6t6 r6cemment effectu6s dans le d6veloppe- ment des chimioth6rapies antivirales : la zidovudine ou azidothymidine (AZT) a trouv6 une indication importante dans le traitement curatif du syndrome d'immunod6ficience acquise (SIDA), forme majeure de l'in- fection par le virus de l'immunodbficience humaine (VIH). Les effets b6n6fiques de I'AZT, li6s h l'inhibition de la replication virale [1], sont cependant lirnit6s, en particulier aux stades avanc6s de l'infection, en raison de ses effets secondaires [2] et de la possibilit6 de s61ection de souches virales r6sistantes [3]. Dans ces conditions, il parait important de d6velopper de nouvelles approches th6rapeutiques de l'infection par le VIH, telle que l'immunoneutralisation passive, bas6e sur la transfusion de plasmas riches en anticorps anti-VIH, collect6s aupr6s de sujets s6ropositifs asymptomatiques. Les premiers r6sultats observ6s apr~s transfusion de plasmas riches en anticorps anti-p25 (une des prot6ines majeures de la capside du VIH) ont 6t6 rbcemment rapport6s [4, 5]. I1 s'agissait toutefois d'essais pr61iminaires, dits de ,, phase I ~ (6rude de la faisabflit6 et de l~6ventuelle toxicit6), qui incluaient un hombre r6duit de malades atteints de SIDA, suivis sur une courte p6riode post-transfusion- neUe.

Nous pr6sentons les r6sultats d 'un essai de phase I reposant sur la transfusion r6p6t6e de plasmas riches en anticorps anti-p25 (HIV + P) chez des malades pr6sentant un SIDA, apparifs par randomisation d'autres malades recevant du plasma standard (s6ron6gatif), utilis6 comme produit placebo (HIV-P).

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IMMUNOTHERAPIE PASSIVE DANS LE SIDA

P A T I E N T S ET M E T H O D E S

201

Patients

DONNEURS DE PLASMA

D o n n e u r s de H I V + P : 9 sujets s6ropositifs asymptomat iques (de stade II ou I I I de la classification d u , Center for Disease Control ,, (CDC [6]), dont l ' infection par le VIH avait 6t6 reconnue/~ l 'occasion d ' un don de sang, et qui 6taient suivis par la consultation sp6cialis6e de i ' Insti tut National de Transfusion Sanguine (INTS), ont 6t6 sollicit6s pour donner r6gulibrement en plasmaph6r6se. Les dons de p lasma eurent lieu tous les 28 jours, sur nne p6riode de 6 mois. Ces 9 donneurs avaient 6t6 s61ectionn6s all sein d 'une cohor te de sujets s6ropositifs asymptomat i - ques, c o m m e ayant un taux de lymphocytes CD4 sup6rieur ~t 400 / r am s, l 'absence d 'une antig6n~mie p25 d6tectable dans le s6rum ~ l 'aide d ' un test ELISA Abbott [taux inf6rieur ou 6gal h 30 p i cogrammes (pg)/millili- tre (ml)], et un taux d 'ant icorps anti-p25 61ev6 (test ELISA Abbott), avec un rappor t seuil/6chantillon sup6rieur / t 15. Tous avaient un tanx normal de t ransaminases SGOT et SGPT s6riques et 6talent n6gatifs pour l',anti- g6n6mie HBs, ou positifs pour les anticorps anti-HBs et anti-Hbc. La s6rologie de l 'h6pati te C n '6tai t pas encore possible au m o m e n t du recueil de ces plasmas. Les facteurs de risque de l ' infection par le VIH de ces 9 sujets s6ropositifs 6taient les suivants : homosexuali t6 dans 7 cas, contacts h6t6rosexuels avec des sujets h risque dans 2 cas ; 8 donneurs 6taient de sexe masculin. Leur moyenne dYtge 6tait de 31 ans, avec des extr6mes de 22 et 43 ans.

D o n n e u r s de H I V - P : 56 donneurs en plasmaph6r6se, s6ron6gatifs pour le VIH et sans facteur de risque de cette infection, consti tubrent ce groupe. Tous avaient un taux normal de t ransaminases SGOT et SGPT s6riques, et 6taient n6gatifs pour l 'antig6n6inie HBs et pour l 'ant icorps anti-HBc.

RECEVEURS DE PLASMA

Dix-huit malades atteints de SIDA d6clar6 (stade IV C2 de la classifi- cation du CDC) depuis au moins 6 mois furent inclus dans l 'essai th6rapeutique. Leur pr6c6dente infection opportunis te 6tait survenue au moins 2 mois avant l ' inclusion. Tous avaient moins de 200 lymphocytes CD4/mm 3 et un score de Karnofsky sup6rieur ou 6gal ~ 70. Les taux s6riques d 'ant icorps anti-p25 et d 'ant ig6n6mie p25 ne furent pas pris en compte pour la s61ection des malades receveurs. Les facteurs de risque de l ' infection pa r le VIH de ces 18 malades 6talent les suivantes : homosexualit6 dans 17 cas, contacts h6t6rosexuels avec des sujets risque dans 1 cas ; 17 receveurs 6talent de sexe masculin. Leur moyenne d'fige 6tait de 33 ans, avec des extr6mes de 29 et 41 ans. Tous recevaient au moins 500 m g par jour d 'AZT (8 recevaient 250 m g 2 lois par jour, 10 recevaient 250 m g 3 fois par jour) depuis au moins 6 tools. L 'AZT

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202 J.J. LEFRERE et coll.

devait 8tre maintenu g la m6me posologie quofidienne pendant la p6riode transfusionnelle, saul en cas de survenue d'effets secondaires li6s /t la prise de l'antiviral (complications hfmatologiques ou toxicit6 muscu- laire), auquel cas I'AZT eflt 6t6 interrompu durant 2 semaines, avec, si possible, reprise/~ demi-dose au terme de cette p6riode d'arr6t et h pleine dose 2 semaines plus tard. Tous les malades, sauf un, en raison d'une mauvaise tol6rance au produit, re~urent une th6rapeutique prophylacti- que contre la pneumopathie /~ Pneumocyst is carinii par des a6rosols de pentamidine (300 mg d'isothi6nate de pentamidine par mois /~ l'aide d'appareils Respigard II). Dans le cas o/t serait survenue une infection opportuniste n6cessitant une traitement prolong6, comme une toxo- plasmose c6rfbrale, une tuberculose ou une infection par le cytomfgalo- virus (CMV), les m6dicarnents utilis6s devaiem 8tre ceux des consensus internationanx [7]. Si la tol6rance h6matologique des m6dicaments avait 6t6 mauvaise, la prise d'AZT efit 6t6 transitoirement interrompue par priorit6 face anx sulfarnides ou au D-hydroph6nylguanine (DHPG). La survenue d'une infection opportuniste durant la p6riode transfusionnelle ne devait pas 6tre cause d'une interruption des transfusions.

Dans cet essai contr616 et ouvert (une 6tude en aveugle ayant 6t6 r6cus6e pour des raisons de s6curit6), les 18 malades receveurs furent rfpartis (par randomisation) en 2 groupes : 9 recevant des HIV + P (,~ groupe trait6 ,,), et 9 des HIV-P (~, groupe comr61e ,,). Le tableau I

Tableau I

Caract~ristiques des dix-huit malades atteints de S1DA avant le debut de ta pdriode trans[usionneIle, r~partis en deux groupes : malades recevant des H I V + P (~ groupe traitd ~) et malades recevant des

HIV-P (~ groupe contr6l~ '0,

Groupe trait6 Groupe contr61e

Nombre de malades 9 9

Param¢tres cliniques : - Score de Kamofsky (moyerme) - Poids (moyenne en kg) - Ant6c6dents li6s au VIH :

• Nombre moyen par patient d'infections opporttmistes*

• D61ai (mois) depuis la 1 ~ infection opportuniste (moyenne par patient)

• Nombre de malades avec tun sarcome de Kaposi

Param~tres biologiques : - Nombre de malades ~t antigone

p25 s6rique positff** - Taux moyen par malade de l'anti-

g6n6mie p25 (pg/rnl) - Nombre de malades avec un taux

d'anticorps anti-p25 d6tectable (Elisa Abbott)

- Taux moyen de lymphocytes C D 4 / r a m 3)

88 (70-100 66 (54- 89)

1,5 ( 1- 3)

13,2 ( 7- 25)

4

6

160

3

55

85 (60-100) 64 (55- 83)

1,3 ( 1- 3)

13,6 ( 8- 26)

3

NS NS

NS

NS

NS

6 NS

97 NS

2 NS

24 NS

NS ~ non significatif. * Pneuraopathie /~ Pneumocystis carinii, tocoplasmose c6r6brale, tuberculose, r6tinite ~t cytom6galovi-

ILLS. ** Taux inf6rieur ou 6gal ~t 30 p g / m l (Elisa Abbott).

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IMMUNOTHERAPIE PASSIVE DANS LE SIDA 203

donne les caract6ristiques de ces 18 malades imm6diatement avant le d6but de la p6riode transfusionnelle. Aucune diffbrence significative n 'apparnt/ t cette 6poque au niveau des parambtres cliniques et biologi- ques entre les 2 groupes de malades receveurs. En particulier, l'intervaUe de temps entre la i r~ infection opportuniste ayant conduit ~ la d6finition du SIDA et le d6but de la p6riode transfusionnelle 6tait le m6me dans ces 2 groupes.

M6thodes

RECUEIL DES PLASMAS (HIV + PET HIV-P)

Le recueil des plasmas provenant des 9 sujets s6roposififs asympto- matiques fut effectu6 par plasmaph6rbse (apr~s un examen physique et un contr61e des examens biologiques r6cents) tousles 28 jours, sur une p6riode de 6 mois; 600 inl de HIV +P furent recueillis ~t chaque plasmaph6r6se, permettant 2 transfusions de 300 ml. Les plasmaph6r~- ses furent accomplies stir double poche triple Macopharma en circuit clos. Chaque unit6 plasmatique fut conserv6e /t moins 800 C. Dans les 5 heures pr6c6dant son utilisation transfusionnelle, chaque plasma fut trait6 par chauffage ~ 600 C pendant 30 minutes (pour inactivation virale), puis centrifug6 (afin d'61iminer la fibrine produite par chauffage). Les plasmas collect6s ne furent pas pool6s, chaque malade recevant durant toute l'6tude les plasmas provenant du m6me donneur, en respectant la compatibilit6 ABO.

Cinquante-six HIV-P (300 ml) furent recueillis aupr6s des 56 don- neurs s6ron6gatifs pour le VIH et sans facteur de risque de l'infection.

TRANSFUSIONS DES PLASMAS

Les unit6s plasmatiques (HIV + P et HIV-P) furent transfus6es toutes les 2 semaines, chaque receveur des 2 groupes recevant 7 transfusions. La ,, p6riode transfusionnelle ,, fut donc de 14 semaines, se terminant 2 semaines apr6s la 7 e transfusion de plasma.

SUIVI CLINIQUE DES MALADES RECEVEURS

Les param6tres cliniques des malades receveurs furem 6tudi6s g la 4 e et/t la 8 e semaine pr6c6dant la ye transfusion de plasma, puis une fois par semaine durant la p6riode transfusionnelle, et une lois par mois au-del/~ pendant 4 mois; 4 crit6res cliniques furent retenus: 1) le nombre d'infections opportunistes e t /ou l'6volution du sarcome de Kaposi ; 2) le poids ; 3) le score de Karnofsky ; 4) le d6c~s. Des tests cutan6s furent r6alis6s/~ l'inclusion darts l'6tude et/~ la fin de la p6riode transfusionnelle.

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204 J.Z LEFRERE et coll.

PARAMETRES BIOLOGIQUES ETUDIES

Les parambtres biologiques suivants furem pris en compte :

- ]e taux de lymphocytes CD4 et CD8 fut exprim6 en valeur absolue par m m 3. La num6rat ion - formule sanguine et le taux de plaquettes furent d6terminSs ~ l 'aide de techniques standards ;

- le taux s6rique de l 'antig6n6mie p25 fur d6termin6 h l 'aide d 'un test ELISA Abbott et exprim6 en pg /ml par rappor t h la r6f6rence de I'OMS (un chiffre sup6rieur ~t 30 pg /ml fur consid6r6 comme le reflet d 'une antig6n6mie positive) ;

- le taux s6rique d 'ant icorps anti-p25 fur d6termin6 h l 'aide d 'un test ELISA Abbott utilisant le principe de la compStition.

Ces parambtres biologiques furent d6terminSs ~ l 'inclusion dans l 'Stude, avant chaque transfusion de plasma, puis 1 fois par mois durant la p6riode post-transfusionnelle. L'antig6n6mie p25 et le taux d 'anticorps anti-p25 s6riques furent aussi quantifi6s chez t o u s l e s malades 2 jours apr~s la 1 re transfusion.

COMITE D'ETHIQUE

Le principe de cet essai de phase I fut approuv6 par le comit6 d '6thique de l 'h6pital Necker-Enfant Malades. Chaque sujet s6ropositif inclus dans l '6tude (donneurs et receveurs de plasma) fut inform6 des modalit6s de l'essai th6rapeutique et signa un document de consente- ment 6clair6 avant de donner ou de recevoir un plasma HIV + P ou HIV-P.

RESULTATS

EVOLUTION DURANT LA PERIODE TRANSFUSIONNELLE

Param~tres cliniques (Tab. II)

Les transfusions de plasma furent parfai tement tol6r6es dans les 2 groupes : aucune r6action f6brile, aucun rash cutan6, aucune chute tensiormelle ne furent signal6s pendant ou au d6cours des transfusions. Le nombre d'infections opportunistes au cours de cette p6riode fiat moindre dans ]e groupe trait6 que dans le groupe contr61e (1 versus 7). Les fr6quences des infections opportunistes par patient dans le groupe trait6 et dans le groupe contr61e furent respect ivement 0,05 et 0,34. Chez les malades pr6sentant avant l 'inclusion dans l '6tude un sarcome de Kaposi, l 'extension 6ventueUe de ce sarcome fut la m6me dans les 2 groupes. Aucun nouveau cas de Kaposi ne fut not6 dans les 2 groupes pendant cette p6riode transfusionnelle. L'6volution du taux moyen du score de Karnofsky fiat la m6me dans les 2 groupes durant cette pbriode.

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IMMUNOTHERAPIE PASSIVE DANS LE SIDA 2 0 5

T a b l e a u I I

Paramdtres cl iniques des dix-hui t malades atteints de SIDA r~partis en deux groupes (malades recevant des H I V + P = ,, groupe traitd ~, et malades recevant des HIV-P = ~ groupe contr6le ~0, duran t les

p~riodes transfusionnelle (PT) (14 premidres semaines) et post- transfusionnelle (PPT).

Nombre de ma lades

- Type d ' infec t ions oppor tunis tes : • Pneulnocytose pu lmona i r e • Toxop lasmose c6r6brale • D6but d ' u n e cryptospor id iose • HerpEs ou zona extensifs • Infect ion diss6min6e tt CMV • Pneulnopath ie bac t6r ienne • Tuberculose • Sept ic6mie ~ campylobact6r ie • My61opathie vaculolaire

Total :

Nombre d ' infec t ions oppor tunis tes p a r arm6e et pa r m a l a d e • D6but d ' u n s a r c o m e de Kaposi • D6c~s

Groupe trait6

PT PPT

9 8

0 1 0 3 0 0 0 0 1 5 0 0 0 1 0 0 0 2

1 12

0,05 0,4

0 1 1 4

Groupe contr61e

PT PPT

9 8

1 3 2 0 2 1 0 3 1 3 1 1 0 0 0 1 0 0

7 10

0,34 0,32

0 1 1 1

Aucune variation significative de la courbe moyenne de poids ne fut not6e dans le groupe trait6 (valeurs moyenne ~ l 'inclusion : 66,5 kg ; ~ la 14 e semaine : 6 6 kg), tandis qu 'une diminution significative fiat observ6e dans le groupe contr61e (respectivement 64,4 et 60,4 kg aux m6mes temps). Aucune modification ne fut observ6e au niveau des tests cutan6s pour les malades des 2 groupes.

Un d6cbs survint dans chaque groupe durant cette p6riode transfu- sionnelle. Chez ces 2 malades, la mor t 6tait due ~t une infection r6cur- rente par le CMV associ6e h u n syndrome cachectique, et survint au-delh de la 7 e transfusion de HIV + P et la 5 e de HIV-P. Aucune modification de prise d'AZT ne fut n6cessaire durant cette p6riode dans aucun des 2 groupes de malades.

Paramdtres biologiques A l'inclusion dans l '6tude, le hombre de malades ayant une antig6-

n6mie p25 s6rique d6tectable 6tait de 6 dans chaque groupe. Chez les malades ~ antig6n6mie p25 positive avant le d6but des transfusions, une brutale n6gativation de l 'antig6n6mie survint dans le groupe trait6 (Tab. III), constat6e d6s le pr616vement du 2 e jour qui suivit la 1 re transfu- sion de HIV +P. Aucune modification du taux de l 'antig6n6mie p25 s6rique ne fut not6e dans le groupe contr61e. A la fin de la p6riode transfusionnelle, le hombre de malades ~t antig6n6mie p25 s6rique positive dans le groupe trait6 et dans le groupe contr61e 6tait respective- ment 0 et 4.

Page 8: Immunothérapie passive dans le SIDA : utilisation transfusionnelle de plasma riche en anticorps anti-p25 (essai de phase I)

206 J.J. LEFRERE et coll.

Tableau III

Evolution chez les 9 malades du groupe traitd (Hill" + p) et les 9 malades du groupe contr6le (HIV-P) du taux s&ique d'antigdne p25 exprim~ en pg/ml* et du taux s~rique d'anticorps anti-p25 exprim~ en prdsence (+) ou absence ~) de l'anticorps** durant la pgriode transfusionnelle (inclusion -- >

semaine 14) et la pdriode post-transfusionneUe (au-del~ de la semaine 14).

1. Patients du g r o u p e H I V + P

Patient Semaine

N o 0"**

1 2 4 3 / - 2 3 5 / - 3 6 1 / - 4 7 8 / - 5 1 5 7 / - 6 < 3 0 / - 7 < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + 8 < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + DCD 9 3 1 0 / - < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 30/ +

4 8 12 14"** 18 22 26 30

< 3 0 / + < 30/ + < 3 0 / + < 30/ +1 274/ + 6 3 6 / - 5 2 2 / - 1 9 0 / - < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + 3 8 / + 5 3 / ~ 285/ < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + ! < 3 0 / + < 3 0 / + 2 5 5 / - 4 1 8 / - < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 30/ + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 30/ +! < 3 0 / + 1 9 0 / - 1 9 3 / - 4 3 / -

< 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / + < 3 0 / +

Tau_x moyen de l 'antig6n6mie p25 s6rique

< 3 0 / + < 3 0 / ~ ! DCD

108 < 30 < 30 < 30 < 30 61 127 159 147

2. Patients d u g r o u p e H I V - P

10 < 30/ + < 3 0 / + 11 4 4 3 / - 3 3 4 / - 12 < 3 0 / + < 3 0 / + 13 5 2 5 / - 2 1 4 / - 14 < 3 0 / + < 3 0 / + 15 5 7 / - 1 2 7 / - 16 , 1 3 9 / - 1 5 1 / - 17 3 5 / - 1 1 1 / - 18 i 2 4 6 / - 1 5 0 / -

< 3 0 / + 4 0 4 / -

< 3 0 / + 3 1 1 / -

< 3 0 / + 1 7 9 / - 1 6 2 / - 4 0 / -

2 0 6 / - i

< 3 0 / + 2 7 3 / -

< 3 0 / + 2 9 6 / - 3 9 6 / -

< 3 0 / - DCD

< 30/ + 1 8 8 / -

< 30/ + 2 1 4 / -

i 1 9 4 / - < 3 0 / -

i

< 3 0 / + 3 2 8 / -

< 3 0 / + 1 9 8 / - 232/

6 9 / -

< 30/ + 400 -

< 30/ + 222 -

< 3 0 / + 211/ 1 8 8 / - DCD

< 3 0 / + 2 1 9 / -

< 3 0 / + 2 9 5 / -

< 3 0 / + 2 5 3 / - 1 3 1 / -

< 3 0 / + 3 9 8 / -

< 3 0 / + 3 6 2 / -

< 3 0 / + 9 0 / -

129 / -

Taux moyen de l 'antig6n6mie p25 s6rique

170 131 155 194 139 188 159 141 152

* Elisa. Un taux sup6rieur ou 6gal h 30 pg/ml fut consid6r6 comme le reflet d 'une antig6n6mie positive, ** Elisa.

*** Semaine 0 =inclusion darts l'6tude. Semaine 14 =deux semaines aprbs la derni~re transfusion.

L'anticorps anti-25 s6rique, ind6tectable chez 7 malades du groupe HIV + P ~ l'inclusion, devint d6tectable chez tous d6s le pr616vement du 2 e jour apr6s la 1 re transfusion de HIV + P, et resta d6tectable tout au long de la p6riode transfusionnelle.

Aucune modification significative des param6tres h6matologiques et immunologiques (d6taill6s par le tableau IV) ne fiat not6e dans les deux groupes durant cette pf r iode transfusionnelle.

E V O L U T I O N DURANT LA PERIODE POST-TRANSFUSIONNELLE

Paramdtres cliniques Le ph6nom6ne le plus remarquable durant cette p6riode post-trans-

fusionnelle fiat la survenue, dans le groupe trait6, d 'une grave alt6ration

Page 9: Immunothérapie passive dans le SIDA : utilisation transfusionnelle de plasma riche en anticorps anti-p25 (essai de phase I)

IMMUNOTHERAPIE PASSIVE DANS LE SIDA 207

Tableau IV

Valeurs moyennes des paramdtres hdmatologiques et immunologiques durant les p~riodes transfu- sionnelle (14 semaines) et post-transfusionnelle darts le groupe trait~ (HIV + P)

et le groupe contr6le (HIV-P).

Malades recevant des plasma HIV + P :

Inclusion Semaine 14 Semaine 30

H6moglobine (g/dl) Neutrophiles ( / r am 3) Plaquettes ( x 10°/1) Lymphocytes totaux (mm 3) Lymphocytes CD4 ( / ram 31 Lymphocytes CD8 ( /mrn 3)

11,7 11,5 l 428 t 282

212 180 962 986

55 47 662 600

10,8 1 586

217 890 38 663

Malades recevant des plasmas HIV - P :

Inclusion Semaine 14 Semaine 30

H6moglobine (g/dl) 12,7 12 11,8 Neutrophiles ( / r am 3) 1 813 1 635 1 396 Plaquettes ( x 100/1) 222 237 214 Lymphocytes to taux (ram 3) 884 571 591 Lymphocytes CD4 ( / m m 3) 24 12 9 Lymphocytes CD8 ( / m m 3) 609 343 317

de l'6tat clinique, survenant entre le 2 e et le 3 e mois qui suivit la derni6re transfusion. Cette alt6ration, qui se caract6risait par de la fi6vre, tree diarrh6e, une perte de poids et une pancytop6nie, fut contempora ine d'une brusque r6augmentat ion du taux d'antigbne p25 s6rique. En fonction de ces observations cliniques et biologiques, il fut d6cid6, avec le consentement 6clair6 des malades, de reprendre les transfusions de HIV + P chez les receveurs du groupe initialement trait6 : cette 2 e s6rie de transfusions cornmen~a ~t la 34~'semaine de l'6tude chez tous les malades du groupe trait6 ; les transfusions ne furent pas reprises pour les malades du groupe contr61e. Les r6sultats observ6s au cours et au d6cours de cette 2 e p6riode transfusionnelle seront pr6sent6s ult6rieure- ment.

Durant la p6riode post-transfusionnelle, 4 d6c~s survk.n_rent dans le groupe trait6 ( toxoplasmose c6r6brale dans un cas, p n e u m o c y t o s e dans tm cas, enc6phalite dans un cas, sarcome de Kaposi dans un cas). Dans le groupe contr61e, tm malade d6c6da de Kaposi pulmonaire ~t la 20 ~ semaine. Les parambtres cliniques des 2 groupes de malades pendant cette p6riode post-transfusionneUe sont d6taill6s dans le tableau II. Le hombre d'infections opportunistes fut de 12 dans le groupe trait6 et de 10 dans le groupe contr61e, ce qui repr6sente une fr6quence respect ivement de 0,4 et 0,32 par ann6e et par malade. Aucune diff6rence ne survint dans l'extension des sarcomes de Kaposi, not6e chez 3 des 4 malades HIV + P et chez 2 des 3 malades HIV-P, et responsables de d6cbs chez un malade de chaque groupe. L'apparition d'un sarcome de Kaposi fut observ6e chez un malade de chaque groupe.

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La perte de poids fut plus notable (mais de mani6re non significative) dans le groupe trait6 (valeurs moyennes : 66,3 kg/~ la semaine 14 ; 60 kg /~ la semaine 34) que dans le groupe contr61e (respectivement 60,4 et 59,4 kg aux m6mes temps). L'6volution du score de Karnofsky fiat plus p6jorative dans le groupe trait6 que darts le groupe contr61e ;

ParamOtres biologiques

Les taux s6riques d'antig6ne p25 sont d6taill6s dans le tableau III. Dans le groupe trait6, l'antig6n6mie se repositiva durant cette p6riode post-transfusionnelle chez la plupart des malades/i antig6n6mie pr6c6- demment positive. Le taux moyen d'antig6ne p25 s6rique de ce groupe rut m6me plus ~lev6 qu'avant le d~but des transfusions, sugg6rant l'existence d 'un ph6nom6ne de rebond. Chez les malades du groupe contr61e, aucune positivation ou n6gativation de l'antig6n6mie p25 s6rique ne rut observ6e tout au long de la p6riode d'6tude.

Les taux sbriques d'anticorps anti-25 sont d6taill6s dans le ta- b leau III. Dans le groupe trait6, l'anticorps resta d6tectable chez les malades /~ anticorps d6tectable avant l'6mde, disparut chez ceux anticorps pr6c6demment ind+tectable. Chez un malade g anticorps ind6tectable avant le d6but de l'6tude, le taux d'anticorps resta 61ev6 distance des transfusions.

Le taux des param~tres h6matologiques et immunologiques (en particulier le taux de lymphocytes CD4) ne rut pas significativement diff6rent entre les 2 groupes durant la p6riode post-transfusionnelle. Le tab leau I V donne les valeurs observ6es. Le taux de lymphocytes CD4 chuta dans les 2 groupes/~ tous les temps observ6s. Le taux des lympho- cytes CD8 fut globalement conserv6 dans le groupe trait6 par HIV-P.

D I S C U S S I O N

Cette fitude de phase I sugg6re une efficacit6 clinique et biologique des HIV + P durant la p6riode transfusionnelle, se traduisant, en compa- raison avec le groupe contr61e, par un maintien de poids et un hombre moindre d'infections opportunistes. Cependant, comme dans les 6tudes de Jackson [4] et de Karpas [5], qui incluaient respectivement 6 et 10 malades, le faible hombre de patients de notre essai th6rapeutique n'autorise pas de conclusions d6finitives. En outre, la courte dur6e de la p6riode transfusionnelle et le faible nombre de transfusions regues par nos malades comme par ceux de Jackson (1/t 3 transfusions par malade) ou ceux de Karpas (4 transfusions mensuelles par malade) ne permet d'affirmer que l'efficacit~ de ces plasmas riches en anticorps anti-VIH est durable.

L'antig6n6mie p25 s6rique est consid6r6e coInme un marqueur de la replication virale et, darts notre 6tude, l'efficacit6 clinique 6tait corr616e

la diminution puis/~ la n6gativation de cette antig6n6mie. En effet, la rar6faction des infections opportunistes fut observ6e chez les malades du

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IMMUNOTHERAPIE PASSIVE DANS LE SIDA 209

groupe trait6 quand cette antig6n6mie p25 s6rique rut n6gativ6e. Comme l'observbrent 6galement Jackson [4] et Karpas [5]i l'antig6n6mie p25 devint n6gative dans les 48 heures qui suivirent la I re transfusion du plasma riche en anticorps anti-p25, et resta n6gative durant toute la p6riode transfusionnelle. Darts une publication r6cente [8], Karpas rapportait qu'apr~s transfusion de HIV + P, I'ADN viral devenait ind6tec- table par la technique de ~( Polymerase Chain Reaction (PCR) ,, chez les malades receveurs. Quant /~ l'6volution du taux s6rique d'anticorps anti-p25 chez les malades de notre 6tude, elle fut identique g celle des malades des deux s6ries publi6es jusqu'ici [4, 5].

Dans l'histoire naturelle de 1'infection VIH, la baisse du taux des anticorps anti-p25 annonce la r6apparition d'une antig6n6mie p25 d6tectable dans le s6rum (cornme lors de la primo-infection par le VIH), et cette derni6re pr6c6de l'entr6e dans le SIDA [9]. La transfusion de plasma fiche en anticorps anti-p25 reconstitue l'6tat immunitaire humo- ral du malade asymptomatique avant la disparition naturelle de ces anticorps anti-p25. La reconstitution d'une certaine immunit6 humorale pourrait ainsi 6tre b6n6fique.

A la fin de la p6riode transfusionnelle, nous n'avons pas observ6, de m6me que Karpas [5], une augmentation significative du taux de lym- phocytes CD4 chez nos malades (dans l'6tude de Jackson [4], aucune pr6cision n'6tait donn6e sur ce taux). Nous avons seulement not6 que les malades recevant des HIV + P ne connaissaient pas une baisse du taux des lymphocytes CD8 comme les malades du groupe contr61e. L'inter- vention des lymphocytes CD8 dans l'infection par le VIH n'est cependant pas encore bien 6claircie. Ces lymphocytes CD8 joueraient un r61e dans le contr61e de la replication virale [10].

Par rapport aux travaux pr6c6demment publi6s [4, 5], notre 6tude prend son int6r6t sur un double aspect : l'existence d 'un groupe contr61e et un suivi post-transfusionnel. Ces 2 points nous paraissaient en effet indispensables pour l'appr6ciation de l'6ventuelle efficacit6 des HIV + P. Etant donn6 que les 2 groupes de malades recevaient la m6me th6rapeu- tique antivirale, la constitution (par randomisation) de ce groupe contr61e ne soulevait pas de difficult6s 6thiques. Ce groupe contr61e a permis de mieux comprendre le b6n6fice que l'on pouvait attendre des HIV + P durant la p6riode transfusionneUe. Le suivi post-transfusionnel a fourni par ailleurs des informations nouvelles, notamment la repositiva- tion de l'antig6n6mie p25 avec effet rebond, survenue h l'arr6t des transfusions de HIV + P, et contemporaine de la disparition de l'anti- corps anti-p25 s6rique transmis de manibre passive.

Jackson [4] d6crit une relation entre le volume de plasma transfus6 (de 55 h 500 ml dans son 6tude) et le d61ai pr6c6dant la r6apparifion d'une antig6n6mie p25 positive et /ou la disparition de l'anticorps anti-p25 s6rique. Dans notre 6tude, le volume de plasma transfus6 6talt le m6me chez tons les malades. Dans l'6tude de Karpas [5], aucune information n'6tait fournie sur la repositivation de l'antigbne p25 lors du sewage de la th6rapeutique transfusionnelle.

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Dans notre essai th6rapeutique, le taux s6rique d'antig~ne p25 au cours de la phase post-transfusionnelle atteignit des valeurs tr~s 61ev6es chez certains malades receveurs de HIV + P. Ces valeurs furent m~me parfois sup6rieures g celles not6es lors de la phase pr6transfusionnelle. L'existence de cet effet rebond pourrait t6moigner de l'existence d'un contr61e efficace de l'antig~ne pendant la p6riode transfusionnelle. Un tel ph6nom~ne de rebond clinique g l'arr~t brutal de la th6rapeutique est connu avec I'AZT et d'autres antiviraux tels que l'acyclovir lorsqu'il est interrompu pr6coc6mem dans le cadre de la prophylaxie des infections herp6tiques lors des greffes de mofille [11].

Ace jour, la place de l'immunit6 humorale dans l'infecfion par le VIH n'est pas parfaitement 6claircie. Dans notre 6tude, la baisse de l'antig6- n6mie p25 s6rique parait directement li6e /~ l'apport transfusionnel d'anticorps sp6cifiques. Le meiUeur statut clinique des malades quand l'antig6n6mie p25 &ait n6gative, de m~me que la r6apparition d'une symptomatologie en rapport avec le VIH de la repositivation de cette antig6n6mie, sugg~rent une intervention directe des anticorps anti-VIH dans le contr61e de la replication virale.

Quoiqu'il en soit, les ph6nom~nes biologiques observ6s, en particu- lier ce rebond de l'antigfn6mie p2S/~ l'arrSt des transfusions, sugg~rem fortement qu'une th6rapeutique transfusionnelle bas6e sur ces plasmas riches en anticorps anfi-VIH, peut entralner une d~pendance chez le receveur et n6cessiter de ne pas interrompre brutalement de telles transfusions.

Pour ~tre d6monstrative, une 6tude sur l'efficacit6 du plasma fiche en anticorps anti-VIH au cours du SIDA n6cessitera d'une part l'6tude randomis6e et en double aveugle d 'un nombre de malades suffisant pour permettre une interpretation statistique, d'autre part que les p6riodes transfusionnelle et post-transfusionneUe soient de longue dur6e. La parfaite tolerance durant la p6riode transfusionnelle des plasmas inject6s, constat6e 6galement par Jackson [4] et Karpas [5] autorise une telle 6tude. Celle-ci a commenc6 en France en juin 1990, emre I'INTS et diff~rents services hospitaliers.de l'Assistance Publique. Cet essai th6ra- peutique de phase II incluera au moins 50 Malades dans chaque groupe et la p6riode de suivi sera d'une ann6e.

Si l'efficacit6 de cette th6rapeutique transfusionnelle est d6montr6e, il se posera alors le probl6me de l'obtention de grandes quantit6s de plasmas riches en anticorps anti-VIH. I1 est en effet douteux que les sujets s6ropositifs asymptomatiques h taux 61ev6 d'anficorps anti-VIH puissent fournir un nombre de plasmas suffisants. L'indication d'une telle th6ra- peutique transfusionnelle au moment off s'installe le d6ficit de l'immunit6 humorale sp6cifique (perte de l'anticorps anti-p25), g u n stade plus pr6coce de l'infection VIH pourrait m~me accroitre les besoins en ces plasmas ~ taux 61ev6s d'anticorps anti-VIH. Dans ces conditions, l'utilisa- fion d'anticorps monoclonaux humains, actuellement en cours de d6ve- loppement, pourrait constituer un relai envisageable de ces plasmas riches en anticorps anti-p25.

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IMMUNOTHERAPIE PASSIVE DANS LE SIDA 211

Enfin, la d6monstration de l'effet b6n6fice de l ' immunoth6rapie passive marquera une 6tape irnportante dans le d6veloppement de la vaccination anti-VIH. L'utilisation de mol6cules vaccinales chez les sujets s6ropositifs asymptomatiques aura pour but de renforcer l ' immunit6 humorale anti-VIH afin de pr6venir l 'entr6e dans la maladie.

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