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Impacts cumulatifs du ddveloppement hydro-dlectrique sur le bilan d'eau douce de la baie d7Hudson FRANCOIS ANCTIL CSSA Consultarzts ltte, 3291, chentin Snirzte-Foy, local 250, Sainte-Foy, QC GIX 3V2, Cnrznda ET RICHARD COUTURE CSSA Corzsultunts ltte, 1334, rue Ontario est, Montr-tal, QC H2L lR9, Cnrzacla R e p le 12 avril 1993 RCvision acceptCe le 18 aofit 1993 Cet article traite des rCpercussions sur le milieu physique marin, notamment sur le bilan d'eau douce, du dCveloppe- ment hydro-Clectrique de plusieurs tributaires de la baie d'Hudson, incluant la baie James et le bassin Foxe. Le bilan d'eau douce est Ctabli en identifiant, a diffkrentes Cchelles, les modifications apportCes par chaque complexe. Les principaux intrants sont la prise et la fonte de la couverture de glace, les eaux de ruissellement et les Cchanges massiques ii l'interface air-eau. Trois Cchelles spatiales ont CtC utilisCes afin d'obtenir la rCsolution nCcessaire pour documenter les effets cuinulatifs de la modification du bilan d'eau douce sur la couche de surface des eaux : la baie d'Hudson, le dCtroit d'Hudson et la mer du Labrador. L'ajout du complexe Grande Baleine est finalement considirk a partir des informations et des privisions disponibles. Mots cle's : dkveloppement hydro-Clectrique, impact, environnement marin, bilan d'eau douce, couverture de glace, eaux de ruissellement, Cchanges massiques. This paper discusses the consequences on the marine environment, more specifically on the fresh water balance, of the hydroelectric development of several tributaries of Hudson Bay, including James Bay and Foxe Basin. The fresh water balance is determined by identifying, at different scales, the modifications caused by each complex. The main inputs are the freezing and thawing of the ice cover, runoff water, and mass exchange at the air-water interface. Three spatial scales were used to obtain the resolution required to document the cumulative effects of fresh water balance modifications on the water surface layer: the Hudson Bay, the Hudson Strait, and the Labrador Sea. Finally, the addition of the proposed Grande-Baleine hydroelectric complex is examined from the available information and forecasts. Key words : hydroelectric development, impact, marine environment, fresh water balance, ice cover, runoff water, mass exchange. [Journal translation] Can. J. Civ. Eng. 21, 297-306 (1994) 1. Introduction La mise en place d'un complexe hydro-Clectrique entraine inkvitablement des modifications environnementales. Leur ampleur varie toutefois considerablement d'un projet i3 l'autre et plusieurs mesures correctives peuvent Ctre apportkes afin d'attknuer les rCpercussions anticipees. Des Ctudes secto- rielles sont alors entreprises afin de quantifier les impacts de chaque projet sur les nombreuses facettes de l'environnement local. Ces Ctudes peuvent Ctre rCalisCes i3 des Cchelles plus ou moins raffinCes, rnais une tendance subsiste : les rCper- cussions s'amenuisent en fonction de la distance. L'attCnua- tion de l'ampleur des impacts au fur et i3 mesure que l'obser- vateur s'kloigne du site d'intervention ne permet plus la diffkrenciation entre la rkpercussion et la variabilitC des phknomknes naturels en cause. A cette Ctape-ci, il faut Cva- luer la possibilitC que les impacts diffus d'un projet se cumu- lent i3 ceux d'autres rkalisations et entrainent alors des modi- fications bien au-deli3 des zones d'Ctudes d'impacts conventionnelles. C'est la globalisation des impacts. autant. Cette Ctude se limite donc aux rCpercussions du dCveloppement hydro-Clectrique sur la couche d'eau de surface de la baie d'Hudson, incluant la baie James et le bassin Foxe (fig. 1). Ces rCpercussions sont directement relikes aux modifications du bilan d'eau douce de la baie d'Hudson et proviennent de la gestion des complexes hydro- Clectriques. Les rCpercussions au-deli3 de la baie dlHudson sont aussi abordCes, la baie Ctant ouverte sur I'ocCan. L'effet de l'ajout du complexe Grande Baleine est finalement consi- dCrC 2 partir des informations et des prCvisions disponibles. Dans une premikre Ctape, le bilan de l'eau douce de la baie d'Hudson est Ctabli en identifiant, 2 diffkrentes Cchelles, les modifications apportCes par chaque complexe. Les prin- cipaux intrants d'eau douce sont la prise et la fonte de la couverture de glace, les eaux de ruissellement et les Cchanges massiques i3 l'interface air-eau. Trois Cchelles spatiales ont CtC utiliskes afin d'obtenir la rksolution nCcessaire pour docurnenter les effets cumulatifs : la baie d'Hudson, le dktroit d'Hudson et la mer du Labrador. - La notion d'impacts cumulatifs n'est pas nouvelle, dCji3 2. Bilan des eaux douces de la baie d'Hudson Neu (1975) se penchait sur les effets de la rCgulation des tributaires du fleuve Saint-Laurent, incluant les Grands Lacs, Le bassin versant de la baie d'Hudson (incluant ici la baie sur l'environnement marin. C1est toutefois une notion trks James et le bassin Foxe) est gigantesque (fig. 2); il s'Ctend, vaste et, en milieu nordique, le territoire ; couvrir llest tout d'ouest en est, des rnontagnes Rocheuses au ~abrador et, du nord au sud, de l'ile de Baffin aux Grands Lacs. Toutes NOT* : Les commentaires sur le contenu de cet article doivent les prCcipitations qui tornbent sur ce bassin SOnt soit canali- &tre envoy& au directeur scientifique de la Revue avant le sCes vers la baie d'Hudson, soit retournkes dans l'atmosphkre 31 aofit 1994 (voir l'adresse au verso du plat supCrieur). par Cvaporation. L'eau qui atteint finalement la baie y Prinlcd in Canada / ln~prirnd au Canada Can. J. Civ. Eng. 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Impacts cumulatifs du développement hydro-électrique sur le bilan d'eau douce de la baie d'Hudson

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Page 1: Impacts cumulatifs du développement hydro-électrique sur le bilan d'eau douce de la baie d'Hudson

Impacts cumulatifs du ddveloppement hydro-dlectrique sur le bilan d'eau douce de la baie d7Hudson

FRANCOIS ANCTIL CSSA Consultarzts lt te, 3291, chentin Snirzte-Foy, local 250, Sainte-Foy, QC GIX 3V2, Cnrznda

ET

RICHARD COUTURE CSSA Corzsultunts l t te , 1334, rue Ontario est, Montr-tal, QC H2L lR9, Cnrzacla

R e p le 12 avril 1993 RCvision acceptCe le 18 aofit 1993

Cet article traite des rCpercussions sur le milieu physique marin, notamment sur le bilan d'eau douce, du dCveloppe- ment hydro-Clectrique de plusieurs tributaires de la baie d'Hudson, incluant la baie James et le bassin Foxe. Le bilan d'eau douce est Ctabli en identifiant, a diffkrentes Cchelles, les modifications apportCes par chaque complexe. Les principaux intrants sont la prise et la fonte de la couverture de glace, les eaux de ruissellement et les Cchanges massiques ii l'interface air-eau. Trois Cchelles spatiales ont CtC utilisCes afin d'obtenir la rCsolution nCcessaire pour documenter les effets cuinulatifs de la modification du bilan d'eau douce sur la couche de surface des eaux : la baie d'Hudson, le dCtroit d'Hudson et la mer du Labrador. L'ajout du complexe Grande Baleine est finalement considirk a partir des informations et des privisions disponibles.

Mots cle's : dkveloppement hydro-Clectrique, impact, environnement marin, bilan d'eau douce, couverture de glace, eaux de ruissellement, Cchanges massiques.

This paper discusses the consequences on the marine environment, more specifically on the fresh water balance, of the hydroelectric development of several tributaries of Hudson Bay, including James Bay and Foxe Basin. The fresh water balance is determined by identifying, at different scales, the modifications caused by each complex. The main inputs are the freezing and thawing of the ice cover, runoff water, and mass exchange at the air-water interface. Three spatial scales were used to obtain the resolution required to document the cumulative effects of fresh water balance modifications on the water surface layer: the Hudson Bay, the Hudson Strait, and the Labrador Sea. Finally, the addition of the proposed Grande-Baleine hydroelectric complex is examined from the available information and forecasts.

Key words : hydroelectric development, impact, marine environment, fresh water balance, ice cover, runoff water, mass exchange.

[Journal translation]

Can. J . Civ. Eng. 21, 297-306 (1994)

1. Introduction La mise en place d'un complexe hydro-Clectrique entraine

inkvitablement des modifications environnementales. Leur ampleur varie toutefois considerablement d'un projet i3 l'autre et plusieurs mesures correctives peuvent Ctre apportkes afin d'attknuer les rCpercussions anticipees. Des Ctudes secto- rielles sont alors entreprises afin de quantifier les impacts de chaque projet sur les nombreuses facettes de l'environnement local. Ces Ctudes peuvent Ctre rCalisCes i3 des Cchelles plus ou moins raffinCes, rnais une tendance subsiste : les rCper- cussions s'amenuisent en fonction de la distance. L'attCnua- tion de l'ampleur des impacts au fur et i3 mesure que l'obser- vateur s'kloigne du site d'intervention ne permet plus la diffkrenciation entre la rkpercussion et la variabilitC des phknomknes naturels en cause. A cette Ctape-ci, il faut Cva- luer la possibilitC que les impacts diffus d'un projet se cumu- lent i3 ceux d'autres rkalisations et entrainent alors des modi- f ications bien au-deli3 des zones d'Ctudes d ' impacts conventionnelles. C'est la globalisation des impacts.

autant. Cette Ctude se limite donc aux rCpercussions du dCveloppement hydro-Clectrique sur la couche d'eau de surface de la baie d'Hudson, incluant la baie James et le bassin Foxe (fig. 1). Ces rCpercussions sont directement relikes aux modifications du bilan d'eau douce de la baie d'Hudson et proviennent de la gestion des complexes hydro- Clectriques. Les rCpercussions au-deli3 de la baie dlHudson sont aussi abordCes, la baie Ctant ouverte sur I'ocCan. L'effet de l'ajout du complexe Grande Baleine est finalement consi- dCrC 2 partir des informations et des prCvisions disponibles.

Dans une premikre Ctape, le bilan de l'eau douce de la baie d'Hudson est Ctabli en identifiant, 2 diffkrentes Cchelles, les modifications apportCes par chaque complexe. Les prin- cipaux intrants d'eau douce sont la prise et la fonte de la couverture de glace, les eaux de ruissellement et les Cchanges massiques i3 l'interface air-eau. Trois Cchelles spatiales ont CtC utiliskes afin d'obtenir la rksolution nCcessaire pour docurnenter les effets cumulatifs : la baie d 'Hudson, le dktroit d'Hudson et la mer du Labrador. -

La notion d'impacts cumulatifs n'est pas nouvelle, dCji3 2. Bilan des eaux douces de la baie d'Hudson Neu (1975) se penchait sur les effets de la rCgulation des tributaires du fleuve Saint-Laurent, incluant les Grands Lacs, Le bassin versant de la baie d'Hudson (incluant ici la baie sur l'environnement marin. C1est toutefois une notion trks James et le bassin Foxe) est gigantesque (fig. 2); il s'Ctend, vaste et, en milieu nordique, le territoire ; couvrir llest tout d'ouest en est, des rnontagnes Rocheuses au ~ a b r a d o r et,

du nord au sud, de l'ile de Baffin aux Grands Lacs. Toutes NOT* : Les commentaires sur le contenu de cet article doivent les prCcipitations qui tornbent sur ce bassin SOnt soit canali-

&tre envoy& au directeur scientifique de la Revue avant le sCes vers la baie d'Hudson, soit retournkes dans l'atmosphkre 31 aofit 1994 (voir l'adresse au verso du plat supCrieur). par Cvaporation. L'eau qui atteint finalement la baie y Prinlcd i n Canada / ln~prirnd au Canada

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Temps, mois

FIG. 3. Hydrogramme de la fonte de la couverture de glace pour l'ensernble de la baie dlHudson, ainsi que pour quatre sous- rCgions.

FIG. 2. Limite du bassin versant de la baie d'Hudson, incluant ici le dCtroit d'Hudson. Cette schCmatisation du cycle de la glace hudsonienne

cache une grande variabilitk. Par exemple, 1'Cpaisseur maxi-

sCjourne u n molnent avant de s3Ccou le r vers male de la glace uniforme varie considCrablement d 'une

AtlantiqL,e par le dCtroit d7Hudson, le dCtroit de Fury et annCe B l'autre (Prinsenberg 1988). La concentration des

d7Hecla laissant pCnCtrer arctique (Dunbar 1982; glaces flottantes en fait tout autant. (Le terme concentration

Martini 1986). fait rCfCrence, ici, au ratio de la superficie occupC par les

Le ruissellement des bassins versants n'est pas la seule glaces flottantes et de la superficie d'eau libre entre ces

source d'eau deuce des zones marines, il faut y ajouter le r61e de'nikres.) Wang et Mysak (19g1) ant produi[ un atlas illus-

de la prise et de la fonte de la glace et les Cchanges mas- trant la variation saisonnikre et interannuelle de la concen-

siques llinterface air-eau, sous formes de prCcipitations tration de la glace dans la baie d'Hudson, entre 1953 et

pluviales ou nivales et d'Cvaporation. L'ensemble de ces 1988. A l 'aide d 'une base de donnCes, ils ont Ctabli une

contributions u n effet direct sur la dynamique de la couverture moyenne pour chaque saison ce qui permet l'iden-

touche de mklange, ce qui la distingue nettement des eaux tification des tendances et des anomalies de la distribution

marines sous-jacentes densitC plus ClevCe, Prinsenberg spatiale. L'hiver (dtcembre, janvier et fCvrier), la superficie

(1980, 1984), Prinsenbelg et al. (1987), Loucks et Smith couve'te est presque tOujOurs s u ~ C r i e u r e 90%, sauf en

(1989) et Hydro-QuCbec (1991) pu quantifier 1962 et en 1973 oh la baie Ctait libre, a l'exception de la hydrique de plusieurs de ces sources, qui kt6 glace littorale f i x . Au printemps (mars, et mail, la

il,terprttCes plusieurs autres reprises (Milko 1986; Myers concentration est plus variable mais il y a encore souvent

et al. 1990). de grandes Ctendues avec des concentrations de 90%. Lors des printemps de 1961, 1975 et 1976, de larges secteurs de

2.1. La couvemlre de glace la baie Ctaient libres de glace. C'est 1'CtC (juin, juillet et Vue globalement, la baie d'Hudon est libre de glace en aofit) qui prCsente les plus fortes variations interannuelles, la

CtC; la prise dCbute au nord, au cours de I'automne, puis baie Ctant soit libre, soit couverte localement, gCnCralement progresse vers le sud. A la fin de l'hiver, 1'Cpaisseur maxi- au sud ( g l a ~ o n s du nord poussCs par le vent), B des con- male de la glace uniforme est de 1 m au sud de la baie centrations atteignant souvent 50%. Finalement, l'automne James et atteint 2 m au nord du bassin Foxe, pour une valeur (septembre, octobre et novembre) est presque toujours libre moyenne d'environ 1,5 m (Markham 1981). En gCnCral, les de glace, B l'exception d'occasionnels bancs denses au nord. zones littorales abritCes sont occupCes par une glace fixe Au cours de sa cristallisation, la glace expulse une partie qui s'Ctend perpendiculairement B la rive sur des distances du sel contenu dans l'eau de mer. Par exemple, juste avant variables. tandis que le reste de la baie est couvert de glaces la fonte, Tucker et al. (1984) ont mesurC des concentrations flottantes occupant plus de 90% de la superficie. Le vent halines de l'ordre de 5%0 dans de la glace de premikre annCe. peut provoquer des einpilements de g la~ons dont 1'Cpaisseur La couverture de glace a donc deux effets directs : la cristalli- dCpasse parfois largement celle de la glace uniforme. La sation approvisionne en sels les eaux plus profondes Cjusqu'B fonte debute vers la fin du printemps, les zones mCridionales des valeurs d'environ 33% pour la baie d7Hudson) et la Ctant touchCes en premier. Une plus faible concentration de fonte rellche en surface un important volume d'eau de faible glaces flottantes permet alors au vent de pousser les g l a~ons salinitC. Loucks et Smith (1989) ont estimC le dCbit Cquiva- sur de grandes distances; la glace du nord de la baie vient lent de la fonte de la couverture de glace lisse de la baie donc souvent terminer sa fonte au sud, plus tard dans la d'Hudson B partir des valeurs hebdomadaires d7Cpaisseur saison. Presque toute la glace de la baie d'Hudson est de de la glace recueillies entre 1963 et 1983, B sept stations preinikre annCe (Comiso 1986). rCparties sur le territoire. Le module annuel ainsi obtenu

FIG. I. Carte de localisation des principaux tributaires de la baie d'Hudson, incluant la baie James et le bassin Foxe.

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Temps, mois Temps, mois

FIG. 4. Hydrogramme (a) de la precipitation (ligne continue) et de l'kvaporation (ligne briske) et (b) du bilan des Cchanges massiques de la baie d'Hudson. ModifiC d'aprks Prinsenberg (1980).

atteint 58 000 m3/s pour l'ensemble de la baie dlHudson. Cet apport d'eau douce est massif : l'hydrograrnrne prCsente une forte concentration des valeurs avec des pointes men- suelles pouvant dCpasser 250 000 m3/s. L'hydrogramme global de la baie d'Hudson est reproduit B la figure 3, ainsi que ceux des quatre sous-secteurs suivants : baie James, est et ouest de la baie d'Hudson et bassin Foxe. Ces valeurs n'incluent toutefois pas l'eau de fonte des empilements de g l a ~ o n s . Prinsenberg (1988) estime cette source addition- nelle d'eau douce B 30% de celle de la couverture de glace uniforrne, ce qui porterait la contribution totale de la fonte de la glace ti plus de 70 000 m3/s, sur une base annuelle.

2.2. Le ruissellement sur le bassin versant Seule une partie des precipitations pluviales et nivales

qui chutent sur le bassin versant de la baie d'Hudson s'Ccoule ultimement jusqu'h celle-ci. Une section irnportante de ce bassin se trouvant en territoire nordique, l'eau s'y accumule sous forme de neige et de glace l'hiver, pour &tre rel2chCe subitement au printemps, crCant ainsi une importante crue. La pCriode de crue varie d'une rivikre a l'autre, principale- rnent en fonction de la latitude du bassin versant; en gCnCral, les rivikres d e la baie James ont leur crue en rnai ou en juin, celles de la baie d'Hudson en juin et celles du bassin Foxe en juillet. Ce phCnornkne induit un certain laminage lorsque l'on considkre la baie d'Hudson dans son ensemble. Dans bien des cas, une seconde crue est dCtectCe i l'automne, B cause des prCcipitations plus abondantes qui suivent 1'Ctiage estival. A la contribution des rivikres s'ajoute celle des bassins &tiers qui rejettent directement leurs eaux de ruis- sellement dans la baie.

L'hydrogramme moyen de chaque rivikre et de chaque bassin c6tier a CtC Ctabli par Hydro-QuCbec (1991). (Prinsenberg et al. (1987) ont Cgalernent fait un exercice sernblable.) Le module total de toutes les rivikres qui se dCversent dans la baie d'Hudson (excluant le bassin Foxe), et qui coulent autant au QuCbec, en Ontario, au Manitoba, qu'aux Territoires du Nord-Ouest, atteint 19 300 rn3/s. Si on ajoute la contribution des bassins cstiers, soit un module de 4200 rn3/s, le module total est de 23 500 m3/s (Hydro-Quebec 1991). Ce module total reprCsente le tiers de la contribution associte B la fonte de la couverture de glace (70 000 m3/s).

La distribution spatiale du module de ruissellement de la baie d'Hudson n'est pas uniforme : 61% des eaux proviennent de la c6te ouest contre 39% du QuCbec; et 46% des eaux

arrivent d'abord par la baie James, contre 54% par la baie d9Hudson. A cette variabilite spatiale s'ajoute une varia- bilitC interannuelle. Selon Prinsenberg (1988), cette variabilitk peut atteindre jusqu3B 7500 m3/s sur une pCriode de 20 ans (1962-198 I), le plus grand Ccart pour deux annCes consecu- tives Ctant de 5000 m3/s, mesurC entre 1963 et 1964.

2.3. Les Pcharzges tnassiques ci I'interface air-eau Le bilan des eaux douces de la baie dlHudson serait incorn-

plet sans l'inclusion des Cchanges massiques ti l'interface air-eau, sous forme de prCcipitations pluviales et nivales et d'tvaporation. Prinsenberg (1980) prCsente de tels rCsultats pour la baie d'Hudson, estimant 17Cvaporation B partir de la vitesse moyenne rnensuelle des vents et des humiditCs moyenne et saturke, tandis que la precipitation est dCduite des cartes climatiques.

Les vents d6minants Ctant orientes ouest-est, 1'Cvaporation de la baie d'Hudson dCcroit selon cet axe mesure que l'air emmagasine I'humiditC et se refroidit. L'Cvaporation dCcroPt aussi du sud au nord, A cause des plus grandes capacitks d'accumulation d'eau de l'air plus chaud des rCgions mCri- dionales. Sur une base mensuelle, les dCbits affichent deux creux reprksentatifs d'une Cvaporation accrue (figure 4a) : un premier au printemps alors que les radiations solaires con- tribuent au rkchauffement de l'air, et un second j. l'automne alors que la ternpCrature de l'air est maintenue par celle de l'eau. Dans ces deux cas, la capacitC de l'air B accumuler l'humidite est non seulement supCrieure, mais les vents favorisent egalernent 1'Cvaporation.

Peu importe la saison, le taux de pricipitation croit du nord au sud, l'air chaud mCridiona1 pouvant transporter davantage dlhumiditC. Par exernple, les precipitations de la baie James, CvaluCes en hauteur d'eau, sont deux fois plus abondantes que celles de la baie d3Hudson. Les chutes les plus importantes surviennent I'CtC (fig. 4a), alors que l'air du sud, humide en comparaison de l'air plus sec du nord et de l'hiver, est graduellement refroidit par l'eau de surface.

Globalement, i l'instar des oceans, la baie dlHudson perd de l'eau par Cvaporation (fig. 4b), cette perte etant particu- likrement significative au printemps et B l'automne. Sur une base annuelle, elle se chiffre B un peu plus de 6000 rn3/s, soit 11 fois rnoins que l'apport de la fonte de la glace et 4 fois rnoins que l 'apport des eaux de ruissellement. Ce prClkvernent s'effectue toutefois en surface, et contribue bonc B l'augrnentation de la salinitC de la couche de surface.

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2.4. Le bilarz Le bilan d'eau douce est la somme des trois intrants dCcrits :

la prise et la fonte de la glace (= 70 000 m3/s), le ruisselle- ment des eaux (= 23 500 mqs) et les Cchanges massiques (= 2 6000 mqs). La prise et la fonte de la glace ont pour principal effet de stratifier la colonne d'eau; mais sur une base annuelle, le bilan d'eau douce rCsultant Ctant nul, le volume d'eau reste inchangC, si I'on ntglige le dkplacement des g la~ons par le vent. Par contre, le ruissellement des eaux est un apport neuf en volume, tandis que les Cchanges massiques contribuent pour environ 6% du bilan annuel.

Pour que I'intCgritC haline d e la baie d 'Hudson soit prCservCe, ces intrants appellent un extrant. La variabilitC spatiale et temporelle de tous ces phCnomknes est grande, mais cela n'empeche pas, qu'en moyenne, sur plusieurs annCes, il faut assurer le maintien du volume et de la salinitC de la baie. Par exemple, les eaux de ruissellement crCent un gradient de pression hydrostatique qui favorise un Ccoule- ment vers I'ocCan, via le dCtroit d'Hudson. En simplifiant, on peut affirmer que le volume total des intrants entraine 1'Cvacuation d'un volume equivalent par l'exutoire de la baie. Toutefois, la salinitC des eaux de surface croit le long de son parcours vers l'exutoire, essentiellement par un bras- sage et un entrainement vertical activC par le vent, les courants de marCe et de densitC, les ondes internes, les irrCgularitCs bathymetriques, etc. La diffCrence de salinitC entre les eaux d'intrant et d'extrant ne permet donc pas d'assurer 1'intCgritC haline de la baie par seul Ccoulement gravitationnel. I1 doit y avoir d'autres Cchanges entre la baie et I'ocCan, un troc d'eau de surface saumstre et d'eau pro- fonde 2 salinitC plus ClevCe. Ainsi, c'est le taux de salinitC de l'eau de surface j. l'exutoire de la baie qui imposera le volume d'eau ii Cchanger. Vu globaleinent, on peut affirmer que l'eau de ruisselleinent agit un peu comme une pompe d'eau de mer. Cette vision simpliste du bilan des eaux de la baie d'Hudson illustre, tout de mCme, la complexit6 et surtout l'interaction entre tous les phCnomenes en cause. I1 n'en demeure pas moins que inalgrC le voile qu'impose la variabilitC naturelle, le bilan global de toutes les eaux de la baie doit Ctre nu].

3. Effets cumulatifs des ouvrages hydro-klectriques Plusieurs rivikres qui s'Ccoulent dans les baies James et

d'Hudson sont dCja amCnagCes et plusieurs autres font l'objet dlCtudes d'avant-projet. Les rCpercussions de ces rkalisations et projets sur le milieu marin sont d'abord ressenties locale- ment B cause d'une modification de l'hydrogramme nature1 de la rivikre, mais aussi par une modification du module de celle-ci, suite 5 un dktournement. Ces rCpercussions sem- blent souvent petites par rapport j. I'immensitC de la baie d'Hudson, mais prises collectivement, elles pourraient avoir un impact sur la couche de surface et sur le gradient de pression de la baie.

Dans un premier temps, les projets hydro-Clectriques mis en place sur le bassin versant de la baie dlHudson, ainsi que le prqjet Grande Baleine (dont le promoteur prCvoit la coilstruction d'ici une dizainne d'annke), sont dkcrits avec une emphase sur les modifications hydriques. Les rCpercussions collectives sur le milieu marin de ces rkalisations et projets sont ensuite CvaluCes 5 1'Cchelle de la baie d'Hudson, du dCtroit d'Hudson et de la iner du Labrador.

3.1. Description des complexes Izydro-klectriq~ies Une des premieres rivikres amCnagCes du bassin versant de

la baie d'Hudson est la rivikre Churchill dont les plus vieux ouvrages datent de 1928. Par la suite, vers 1960, la rivikre Nelson a Cgalement CtC ainCnagCe, l'ensemble Ctant main- tenant connu sous le nom de complexe Nelson-Churchill. Aujourd'hui, une partie importante des eaux du bassin versant de la rivikre Churchill est dCtournCe dans la rivikre Nelson, et une partie importante des eaux de la rivikre Saskatchewan, un affluent de la rivikre Nelson, est utilisCe a des fins agri- coles. La figure 5a montre l'hydrogramme combink de ces deux rivikres avant et aprks amknageinent, tel que calculC par Hydro-QuCbec (1 99 1).

En Ontario, deux complexes hydro-Clectriques ont CtC mis en place sur le bassin versant de la baie James : la rivikre Albany en 1939 et la rivikre Moose en 1963. Ces projets ne comprennent aucun dktourneinent de rivikre; leur module respectif demeure donc le meme. Les hydrogrammes de ces rivikres sont prCsentCs aux figures 50 et 5c, respectivement. Ces complexes se composent de centrales au fil de l'eau, leur laminage est donc relativeinent faible.

Au QuCbec, sur le bassin versant des baies James et d'Hudson, plusieurs complexes hydro-Clectriques ont fait l'objet d'Ctudes d'avant-projet et, ii ce jour, seul le com- plexe La Grande a CtC CrigC (1973-1985). C'est toutefois une rCalisation d'envergure qui a iinpliquC l'agrandissement du bassin versant de La Grande Riviere, par l'addition des bassins versants supCrieurs des rivikres Eas tmain et Caniapiscau. Le module de La Grande Rivikre est ainsi pass6 de 1703 2 3364 mvs , tandis que ceux des rivikres Eas tmain et Caniapiscau ont CtC rCduits d e 825 e t de 836 m3/s, respectivement (Hydro-QuCbec 1991). I1 est impor- tant d e noter que les eaux dCtournCes de la rivikre Caniapiscau appartenaient au bassin versant de la baie d'ungava. La figure 5d montre l'hydrogramine coinbin6 des rivikres Eastmain et La Grande Riviere, avant et aprks amC- nagement; on y remarque un fort laminage.

Finalement, le proinoteur du projet Grande Baleine prCvoit le dktournement de la Petite rivikre de la Baleine dans la Grande rivikre de la Baleine, puis 1'Cvacuation des eaux turbinCes directement dans la baie dlHudson, via le passage de Manitounuk. Le module global des rivikres reste donc inchangC, soit de 849 m3/s, mais le module de la Petite rivikre de la Baleine est rCduit de 21 1 j. 12 m3/s, tandis que celui de la Grande rivikre de la Baleine passe de 639 5 106 m3/s. Le module t u r b i d 2 la centrale GB 1 est donc de 735 m3/s. L'hydrogramme combink de la Petite rivikre de la Baleine, de la Grande rivike de la Baleine et de l'exutoire de la centrale GB I est prCsentC h la figure 5e. Le laminage anticipC ici (Hydro-QuCbec 1991) a CtC estimC a l'aide d'un modkle d'exploitation.

Le tableau 1 prCsente la rCpartition gkographique des dCbits, ainsi que les modifications apportCes aux inodules par les amknagements hydro-Clectriques (incluant le projet Grande Baleine). La baie James est amCnagCe h 58%, la c6te ouest de la baie dlHudson a 35%, et la c6te est de la baie d'Hudson sera amCnagCe 2 33% si le projet Grande Baleine se rCalise.

3.2. Rkperc~issions sur In 0nie dlHlidson Les eaux de la baie d'Hudson peuvent Ctre divistes en

deux catCgories en regard de leurs propriCtCs haline et ther- mique. La majorit6 provient de I'ocCan Arctique (en partie via 1'Atlantique nord) : ce sont des eaux froides et denses q ~ ~ i ne sont pas mClangCes avec les eaux locales de plus faible densitC. La deuxikme partie occupe la couche de surface et

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FIG. 5. Hydrogramme avant (ligne continue) et aprks (ligne briske) amknagement pour (a) le complexe Nelson-Churchill, (b) la rivikre Albany, (c) la rivikre Moose, (d) le complexe La Grande et (e) le complexe Grande Baleine.

provient d'origines diverses : les eaux de ruissellement, la fonte de la glace, les Cchanges massiques 21 l'interface air-mer et les eaux profondes. Entre ces deux couches, B des pro- fondeurs de 30 h 60 m (Prinsenberg 1986), existe une pycno- cline dont le gradient varie en fonction des saisons.

La couverture de glace et les eaux de ruissellement ont une profonde influence sur 1'Cvolution temporelle de la couche de surface des baies James et d'Hudson, car elles contribuent conjointement a un apport massif et brusque

d'eau douce. Une nouvelle pycnocline trks marquee est alors constituee prks de la surface, une pycnocline dont le gradient s'attknue graduellement suite au mClange, au profit d'un accroissement de son Cpaisseur. Cette action se stabilise lors de la formation d'une nouvelle couverture de glace qui rCduit significativement la capacite de melange du vent, et B un moindre degrC celle de la maree. C'est la periode de l'exten- sion maximale en profondeur de la couche de surface alors que la rCcente pycnocline vient rejoindre la pycnocline qui

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s6pare la couche de surface des eaux profondes ockaniques. La formation de la glace a aussi pour effet de reliicher en surface du sel qui approvisionne les eaux sous-jacentes.

I1 y a peu de raisons de croire que l'implantation des complexes hydro-Clectriques d e l a baie d 'Hudson ait bouleversC 1e bilan des Cchanges massiques B l'interface air-eau ou encore llCpaisseur et la concentration de la cou- verture de glace. La variabilitC interannuelle de ces deux phCnomenes ne permet d'ailleurs pas la tenue d'une Ctude fine des rtpercussions a ce niveau. I1 est toutefois clair que les complexes, par leur gestion, modifient l'hydrogramme nature1 des rivikres harnachies. Sur le milieu physique marin, les rCpercussions locales de ces modifications sont bien con- nues : agrandissement du panache sous couverture de glace et riduction de la zone dlCpanchement en eau libre. A 1'Cchelle rigionale ou globale, ces rCpercussions se font sentir dans la couche de surface des eaux, en combinaison avec les autres intrants d'eau douce.

L a baie d 'Hudson peut s e d iv iser en quat re e n t i t t s rkgionales : le bassin Foxe, la c6te est, la c6te ouest et la baie James. Les hydrogrammes de chacune de ces rCgions, avant et aprks amknagement, sont prCsentCs aux figures 6a-6d, en y incluant la contribution des bassins c6tiers. Les bar- rages de la c6te ouest de la baie d'Hudson sont situCs sur les rivikres Nelson et Churchill. Les rivikres harnachkes de la baie James sont les rivikres Albany, Moose, Eastmain et La Grande Rivikre (incluant une partie de la rivikre Caniapiscau). Finalement, seul le projet Grande Baleine se situe sur la c6te est de la baie d'Hudson; il modifierait 1'Ccoulement de la Grande rivikre de la Baleine et de la Petite rivikre de la Baleine. Prise globalement, la figure 6e illustre l'hydro- gramme de la baie dlHudson avant et aprks amknagement, les modifications anticipCes assocites au complexe Grande Baleine Ctant identifiCes sCparCment. On constate que malgrC le fort laminage de certaines rivikres amCnagCes, l'hydro- gramme global de la baie n'est pas bouleversk. Si on ajoute B ce dernier la contribution trois fois suptrieures de la fonte de la couverture de glace, les modifications des complexes hydro-Clectriques su r le bilan d 'eau douce d e la baie d'Hudson restent donc limitkes. Notons de plus que la con- tribution du complexe Grande Baleine B ces rCpercussions est petite par rapport B l'ensemble des centrales existantes.

3.3. Rkpercussions sur le de'troit d'Hudsotz Le dCtroit d'Hudson est le principal lieu d'Cchanges entre

la baie d'Hudson et 1'ocCan Atlantique. Myers et al. (1990) prtsentent des mesures de salinitC provenant d'un mouillage par 40 m d'eau (la station fait 137 m) situC au centre du dCtroit d'Hudson, prks de la c6te quCbCcoise. Sur une pCriode de 11 mois, la variation de salinitC observCe est de 2%0, le minimum se produisant en novembre et dCcembre. Cette periode correspond B peu prks au temps requis pour que I'eau douce des crues des rivikres du sud de la baie d'Hudson atteigne le site de mesures. Myers et al. (1990) associent cette baisse de salinitk B l'eau douce de la baie. les sources locales d'eau douce Ctant taries B cette Cpoque. Ces mesures peuvent donc faire preuve des Cchanges entre la baie et 1'ocCan. I1 ne faut toutefois pas croire que toute l'eau de ruissellement quitte la baie dans les mEmes dClais. Le temps de sCjour de chaque particule est une valeur plut6t alkatoire qui doit Etre abordCe de f a ~ o n statistique. La fonte de la g lace coi'ncide de plus avec la crue des r ivikres; e l le reprCsente un volume trois fois supCrieur et peut expliquer ces observations.

TABLEAU 1. Synthkse par region du module des rivikres avant et aprks amtnagement

Dtbit (m3/s)

Rtgion Nature1 Amtnagk

Bassin Foxe Total

Baie d'Hudson (c6te est) Grande rivikre de la Baleine Canal de fuite GB 1 Petite rivikre de la Baleine Rivikre Nastapoca Bassins c6tiers Total

Baie dlHudson (c6te ouest) Chesterfield Inlet Rivikre ThleWiaza Rivikre Tha-Anne Rivikre Seal Rivikre Churchill Rivikre Nelson Rivikre Hayes Rivikre Severn Rivikre Winisk Bassins c6tiers Total

Baie James Rivikre Ekwan Rivikre Attawapiskat Rivikre Albany Rivikre Moose Rivikre Harricana Rivikre Nottaway Rivikre Broadback Rivikre Rupert Rivikre Eastmain La Grande Rivikre Bassins catiers Total

Grand total

En fait, la principale rCpercussion des projets hydro- Clectriques sur le dCtroit d7Hudson est le laminage de l'hydro- gramme global de la baie d'Hudson, car ce laminage diminue le gradient de pression hydrostatique qui est a l'origine d'Cchanges entre la baie et I'ocCan. Comme le montre la figure 6e, l'hydrogramme global de la baie n'est pas dCformC par les complexes hydro-tlectriques existants; B ce niveau, les rtpercussions du complexe Grande Baleine sont faibles. I1 faut aussi considtrer que la circulation dans le dCtroit est largement regie par des phtnomknes locaux (Drinkwater 1986).

3.4. Rkpercussions sur la mer du Labrador En moyenne, la salinitC des 50 premiers metres de la

couche de surface des Grands Bancs de Terre-Neuve varie de 1,5%0 au cours d'une annCe, les valeurs minimales slCtendant entre septembre et novembre. Ces mesures ont CtC effectuCes B la station ocCanographique no 27, situCe 2 km au large de St. Johns, qui est visitCe au moins deux fois par mois depuis 1950. Certaines Ctudes (par exemple, Sutcliffe et al. 1983) ont associC cette baisse de salinitC aux eaux de ruissellement de la baie d'Hudson. Une modification de l'hydrogramme global des rivikres de la baie d 'Hudson aurait donc des

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FIG. 6. Hydrogramme avant amknagement (ligne continue), actuel (tirets) et aprks amCnagement du complexe Grande Baleine (tirets alternCs) pour (a) le bassin Foxe, (b) la cbte est de la baie d'Hudson, (c) la cbte ouest de la baie d'Hudson, (d) la baie James

oions. et (e) I'ensemble de ces quatre ri,'

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rCpercussions jusque dans l 'Atlantique, affectant m$me potentiellement les riches bancs de poissons de Terre-Neuve. Qu'en est-il vraiment?

Myers et al. (1990) ont effectui des intercorrilations entre les mesures de salinit i de la station no 27 et diffkrentes sources d'eau douce : les eaux de ruissellement des baies James et dlHudson, les eaux de la fonte de la couverture de glace de la baie d'Hudson, les eaux de ruissellement de la baie d'Ungava et les eaux de fonte de la couverture de glace de la c6te du Labrador. Ici, Myers et al. cherchent une corrilation nigative entre la salinit i et l'eau douce, dont le dilai pourrait correspondre au temps de transport

de l'eau douce de sa source jusquh la station no 27; si elle est significative, une telle correlation relierait la source d'eau douce 5 la variation de saliniti observie. Les resultats mon- trent, en effet, une corrilation nigative significative, de l'ordre de 60%, entre les eaux de ruissellement de la baie James et la saliniti de la station no 27. Le dklai est alors de 9 mois, ce qui, selon Myers et al. respecterait les esti- mations de la vitesse des courants des secteurs parcourus. I1 faut toutefois admettre qu'il y a relativement peu de chances que toute l'eau de crue qui se diverse dans la baie James fasse le parcours jusqu'h St. Johns dans un meme temps; au mieux, une petite quantiti le fera. La relation entre ces

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deux phCnomknes est d'ailleurs tellement diffuse qu'une corrClation positive significative est obtenue pour un dClai de 6 mois, ce qui est, de l'aveu m&me des auteurs, inexplicable. Si la baie d7Hudson est prise globalement, aucune corrCla- tion nCgative significative est identifiCe; il en est de m&me pour l'eau de fonte de la couverture de glace de la baie d lHudson et pour les eaux de ruissellement de la baie d'ungava. Par contre, une corrklation nCgative significative, de l'ordre de 60%, a CtC identifike avec les eaux de fonte des glaces de la c6te du Labrador, dont le dClai de 3 mois correspond bien 2 la circulation locale.

Myers et al. (1990) mettent donc en doute le lien entre la salinitC au large de Terre-Neuve et les intrants d'eau douce de la baie d7Hudson, tel que suggCrC par Sutcliffe et al. (1983). Si un tel lien existe, il est trop faible pour &tre identifie avec les donnCes actuellement disponibles. Les fluctuations de la salinitC des bancs de Terre-Neuve sont d'ailleurs probablement rCgies par une multitude d'apports, dont la fonte de la glace des c6tes du Labrador, mais aussi les mouvements massiques dans 1'Atlantique Nord.

4. Conclusion La plupart des complexes hydro-Clectriques CtudiCs ici

induisent un important laminage de la crue des rivikres amC- nagCes. I1 s'ensuit une uniformisation de 1'Ccoulement de ces rivikres ou, en d'autres termes, l'aplatissement de leur hydrogramme; il y a donc redistribution de l'eau dans le temps. Certains complexes modifient de plus le module de la rivikre amCnagCe en y dCtournant l'eau de ruissellement de bassins versants voisins : une redistribution de l'eau dans l'espace. Prise localeinent, la modification apportCe aux hydrogrammes des rivikres touchCes est majeure; elle boule- verse les phCnomknes physiques ayant cours dans les estuaires. Ceci est bien documentC. Mais, qu'en est-il a plus vaste Cchelle? Lorque l'on Ctudie l'apport des eaux de ruis- sellement pour des secteurs ou pour l'ensemble de la baie d'Hudson, on constate que le laminage effectuC n'est pas assez important pour modifier de f a ~ o n significative la forme des hydrogrammes. La question est alors : est-ce que le laminage cumulatif a des rCpercussions sur l'ensemble de la baie d7Hudson et m&me en aval de celle-ci?

Au niveau de la baie d'Hudson, l'impact du laminage de la crue des rivikres amCnagCes se fait sentir sur le bilan d'eau douce, c'est-&dire sur la couche de surface de la baie. Pour Ctudier ce phCnomkne, il faut relativiser l'apport des eaux de ruissellement en fonction des autres sources d'eau douce, notamment la fonte de la couverture de glace et les Cchanges massiques a l'interface air-eau. L'eau de fonte de la glace reprCsente prks du triple de l'apport des eaux de ruissellement. De plus, la fonte assure un apport sur l'en- semble de la surface de la baie, tandis que l'eau de ruisselle- ment atteint la baie par les c6tes. I1 reste toutefois difficile dlCtudier a rebours les modifications induites par les projets existants, la documentation sur les mCcanismes de mClange et de circulation de la baie d'Hudson Ctant beaucoup trop restreinte. I1 semble plut6t prCfCrable d'employer les tech- niques disponibles de modClisation numCrique afin de repro- duire les conditions actuelles et alors, dans un second temps, d'estimer les conditions antCrieures et futures. Cette tBche est toutefois imposante car de nombreux relevCs de terrain devront &tre effectuCs avant d 'avoir en main toutes les donnCes nCcessaires 2 la bonne marche d'une telle entre- prise : les conditions aux limites et les repkres de validation

h I'intCrieur du domaine. I1 faudra de plus apporter un grand soin a l'identification de la variabilitk interannuelle des principaux phCnomknes rCgissant autant la circulation et le mClange que les apports d'eau douce. Cette Ctude devra finalement aborder numkriquement la production primaire du dCtroit d'Hudson et de la baie dlHudson. afin de servir d'indicateur des rCpercussions des modifications du milieu physique sur la biomasse et ultimement sur les habitants. I1 est en effet insuffisant d'Cvaluer les impacts des projets hydro-Clectriques sur la circulation gCnCrale et le mClange des eaux, si on n'inclut pas Cgalement l'influence des modifi- cation des masses d'eau sur l'apport d'C1Cinents nutritifs en surface et l'habitat des espkcei marines.

Lorsque l'on compare le r61e des eaux de fonte et de ruis- sellement, il existe un point pour lequel ces dernikres ont une influence prCpondCrante : llCtablissement d'un gradient de pression hydrostatique qui favorise 1'Ccoulement par l'exutoire de la baie, le dCtroit d'Hudson. Les eaux de ruis- sellement sont la principale source, avec les grands systkmes mCtCorologiques, j. l'origine du pompage d'eau profonde de mer via le dCtroit, un phCnomkne assurant I'intCgritC haline de la baie. Une modification de l'hydrogramme global peut donc induire un dCphasage et une dCmodulation de ce &canisme. I1 est toutefois difficile d'Cvaluer les rCuercussions des complexes hydro-Clectriques sur ce phCnomkne cause du peu de donnCes disponibles. Plusieurs auteurs ont tent6 sans succks de relier les fluctuations de salinitC sur les bancs de Terre-Neuve aux apports d'eau douce de la baie d7Hudson. Si une telle relation existe vraiment, les donnCes actuelles ne permettent pas de l'identifier clairement. La prCpondCrance des eaux d e ruissellement n'exclut pas, par contre, tout r61e a la prise et a la fonte de la couverture de glace. On sait dCji que cette couverture contr6le largement les propriCtCs des eaux de surface de la baie. Ce qui est moins clair, c'est la possibilitC que la rkpartition non uniforme, dans le temps et l'espace, de la prise et de la fonte de la couverture puisse Cgalement favoriser le dCveloppement d 'un gradient de pression hydrostatique significatif vers le dCtroit d'Hudson.

5. Remerciements Cette Ctude a CtC rCalisCe pour le compte de la vice-

prCsidence Environnement d'Hydro-QuCbec, dans le cadre de l'avant-projet phase I1 du complexe hydro-Clectrique Grande Baleine. Les auteurs remercient G. Brosseau, A. Guerrero et J.P. Lardeau pour les calculs hydrologiques, N. Couture, M. Lacroix et R. Milewsky pour leurs contributions tech- niques au document et D. Messier, J.T. Nzakimuena et J.F. Rougerie pour leurs commentaires

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