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Maladies infectieuses et pratiques agricoles Historiquement, les spécialistes estiment qu’un certain nombre de maladies infectieuses sont passées de l’animal à l’homme à l’époque du néolithique. En effet, l’homme entre 10 000 et 7 000 ans av. J.C. a évolué du statut de chasseur- cueilleur à celui d’agriculteur-éleveur. Il y a ainsi domestiqué les ruminants, le cheval, le chameau, des carnivores… en Mésopotamie, le cobaye et l’alpaga en Amérique du Sud. Pour augmenter le rendement de ses cultures, l’homme a très tôt, imaginé des systèmes d’irrigation, le plus souvent très artisanaux mais idéaux pour la multiplication des moustiques (gites de ponte) vecteurs de maladies infectieuses (paludisme, fièvre jaune, West Nile, fièvre de la vallée du Rift, Chikungunya…) Il faut signaler à titre d’exemple que l’écologie d’une virose comme celle provoquant en Afrique, la Fièvre de la vallée du Rift (FVR) connue depuis 1936 a été modifiée par la construction de barrages. L’aménagement du barrage d’Assouan et le développement agricole qui a suivi le long du Nil (1979) expliquent la survenue d’une épidémie de FVR chez l’homme et d’une épizootie chez les ruminants. Le même évènement s’est produit avec le même virus au sud de la Mauritanie après la construction du barrage de Diama sur le fleuve Sénégal (1987). Très tôt l’homme, toujours lui, a incendié les forêts sèches et les brousses pour chasser. Entrant ainsi en contact avec des virus qui circulaient selon un mode enzootique discret faisant appel aux animaux sauvages (Virus Machupo responsable de la fièvre hémorragique de Bolivie). Il a ensuite persévéré dans cette déforestation pour augmenter ses productions de riz, de maïs ou de soja. Il lui faut, en effet, nourrir de plus en plus, d’individus et d’animaux. En Corée (1978) la mise en valeur des terres pour la culture du riz a favorisé le pullulement d’espèces commensales de rongeurs entrainant alors une fréquence accrue de rencontres homme-rongeur, ce dernier étant le réservoir d’un virus responsable d’une fièvre hémorragique (virus Hantaan) chez l’homme. En Argentine (1953), l’utilisation d’herbicide a favorisé la culture du maïs avec des rendements plus importants, mais aussi a amplifié les populations de rats (callomys) réservoir d’une autre fièvre hémorragique (virus JUNIN) transmissi- ble à l’homme. Au Japon (1924) le développement des rizières et de l’élevage du porc a marqué l’émergence et l’extension géographique en Asie de l’encéphalite japonaise, maladie virale transmise par les moustiques (Culex), avec la participation d’hôtes amplificateurs ou disséminateurs (porcs, oiseaux). En Amérique du Sud à Trinidad (1955) puis surtout au Brésil (1961) d’importantes épidémies d’une infection fébrile associant des céphalées et des arthralgies dues à un arbovirus (virus Oropouche) ont pour origine la dégradation de la forêt tropicale pour permettre la culture du cacao dont les amas de fragments de coquille constituent le gîte favori du vecteur (Culicoïdes). L’homme persiste dans ses erreurs, car la déforestation continue, pour des objectifs divers, exploitation de bois exotiques (Asie), culture de palmiers à huile (Indonésie), production de charbon de bois (Madagascar), élevage extensif de bovins (Brésil)… On ne peut que constater que la réussite démographique humaine débutée au néolithique et due à l’agriculture et au pastoralisme trouve souvent ses limites dans le contact avec des virus responsables de pathologies humaines et/ou animales. Dr Yves MOREAU Dr Jean-François SALUZZO Emergence maladies infectieuses des patho u animales. es ©Fotolia ©Goodshoot

infectieuses des maladies Maladies infectieuses et ... · domestiqué les ruminants, le cheval, le chameau, des carnivores… en Mésopotamie, le cobaye et l’alpaga en Amérique

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Maladies infectieuses et

pratiques agricoles Historiquement, les spécialistes estiment qu’un certain nombre de maladies infectieuses sont passées de l’animal à l’homme à l’époque du néolithique. En effet, l’homme entre 10 000 et 7 000 ans av. J.C. a évolué du statut de chasseur- cueilleur à celui d’agriculteur-éleveur. Il y a ainsi domestiqué les ruminants, le cheval, le chameau, des carnivores… en Mésopotamie, le cobaye et l’alpaga en Amérique du Sud.Pour augmenter le rendement de ses cultures, l’homme a très tôt, imaginé des systèmes d’irrigation, le plus souvent très artisanaux mais idéaux pour la multiplication des moustiques (gites de ponte) vecteurs de maladies infectieuses (paludisme, fièvre jaune, West Nile, fièvre de la vallée du Rift, Chikungunya…)Il faut signaler à titre d’exemple que l’écologie d’une virose comme celle provoquant en Afrique, la Fièvre de la vallée du Rift (FVR) connue depuis 1936 a été modifiée par la construction de barrages.

L’aménagement du barrage d’Assouan et le développement agricole qui a suivi le long du Nil (1979) expliquent la survenue d’une épidémie de FVR chez l’homme et d’une épizootie chez les ruminants. Le même évènement s’est produit avec le même virus au sud de la Mauritanie après la construction du barrage de Diama sur le fleuve Sénégal (1987). Très tôt l’homme, toujours lui, a incendié les forêts sèches et les brousses pour chasser. Entrant ainsi en contact avec des virus qui circulaient selon un mode enzootique discret faisant appel aux animaux sauvages (Virus Machupo responsable de la fièvre hémorragique de Bolivie). Il a ensuite persévéré dans cette déforestation pour augmenter ses productions de riz, de maïs ou de soja. Il lui faut, en effet, nourrir de plus en plus, d’individus et d’animaux.

En Corée (1978) la mise en valeur des terres pour la culture du riz a favorisé le pullulement d’espèces commensales de rongeurs entrainant alors une fréquence accrue de rencontres homme-rongeur, ce dernier étant le réservoir d’un virus responsable d’une fièvre hémorragique (virus Hantaan) chez l’homme. En Argentine (1953), l’utilisation d’herbicide a favorisé la culture du maïs avec des rendements plus importants, mais aussi a amplifié les populations de rats (callomys) réservoir d’une autre fièvre hémorragique (virus JUNIN) transmissi-ble à l’homme. Au Japon (1924) le développement des rizières et de l’élevage du porc a marqué l’émergence et l’extension géographique en Asie de l’encéphalite japonaise, maladie virale transmise par les moustiques (Culex), avec la participation d’hôtes amplificateurs ou disséminateurs (porcs, oiseaux).

En Amérique du Sud à Trinidad (1955) puis surtout au Brésil (1961) d’importantes épidémies d’une infection fébrile associant des céphalées et des arthralgies dues à un arbovirus (virus Oropouche) ont pour origine la dégradation de la forêt tropicale pour permettre la culture du cacao dont les amas de fragments de coquille constituent le gîte favori du vecteur (Culicoïdes). L’homme persiste dans ses erreurs, car la déforestation continue, pour des objectifs divers, exploitation de bois exotiques (Asie), culture de palmiers à huile (Indonésie), production de charbon de bois (Madagascar), élevage extensif de bovins (Brésil)…

On ne peut que constater que la réussite démographique humaine débutée au néolithique et due à l’agriculture et au pastoralisme trouve souvent ses limites dans le contact avec des virus

responsables de pathologies humaines

et/ou animales.

Dr Yves MOREAUDr Jean-François SALUZZO

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Il faut et faudra nourrir ces populations. A côté d’une agriculture intensive de blé, de riz, de maïs, de soja et d’une arboriculture également développée, l’homme a sélectionné au fur et à mesure du temps des espèces animales de rente à performances zootechniques très améliorées.

L’objectif est de permettre l’accessibilité à tous de denrées alimentaires d’un coût modéré. On a vu en quelques années les poulaillers de poulets de chair, de dindes, de canards et de poules pondeuses rassembler plusieurs milliers de sujets. Ces derniers, le plus souvent entretenus en semi-claustration montrent des qualités sanitaires améliorées au regard de la santé humaine mais développent leurs propres pathologies infectieuses. La densité de population animale, la promiscuité, une rusticité défaillante favorisent la multiplication rapide d’agents pathogènes qui pouvaient paraître anodins sur les poulaillers d’antan. Ainsi la bronchite infectieuse, les maladies de Marek, de Gumboro, de Newcastle, le virus de la chute de ponte ont nécessité la mise au point de vaccins administrables soit dès le jeune âge au couvoir (vaccination dans l'œuf avant l'éclosion), soit au moment du transfert en parquet de ponte. Lorsque ces élevages sont pratiqués en extérieurs, ils peuvent jouer un rôle important d’amplificateur de pathologies pour l’homme. Nous l’avons vu avec les élevages de canards au Vietnam et de poules à Hong Kong lors des épisodes de grippe dite aviaire à virus H5N1.

Le porc dit industriel, dont la filière comporte, aussi des unités de sélection, de reproduction et d’engraissement, a développé lui aussi ses propres pathologies infectieuses.

Chez les bovins, il n’est pas rare, désormais de voir des fermes laitières de plusieurs centaines d’animaux dont l’alimentation est supplémentée en permanence.

C’est sur ce type d’animaux que l’encéphalite spongiforme (vache folle) s’est manifestée au Royaume Uni et d’autres pays européens comme la France. On sait que cette maladie dont l’agent est encore peu connu (prion) a posé de sérieux problèmes de santé humaine.

Tout rassemblement d’animaux peut donc représenter un risque de foyer infectieux grave pour l’espèce mais aussi pour l’homme. On peut ainsi citer l’exemple de la fièvre de la vallée du Rift, qui atteint ruminants et humains via la transmission par le moustique Aedes. Le suivi sanitaire des animaux de rente est donc une obligation primordiale.

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Les oiseaux aquatiques, réservoir des virus de la grippe.

Dans ce schéma épidémiologique, l'homme peut être directement infecté

par des virus aviaires provenant d'élevage. Situation actuelle en Asie

Nous sommes sur la planète

6 milliards 900 millions d’habitants, peut-être

9 milliards en 2050

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