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Influence de la complexation sur la reactivite de nitrates d'halogenes DIDIER GAUDE, GIS~LE GELLON, RAYMOND LE GOALI.ER ET JEAN-LOUIS PIERRE' Laboratoire d'e'tudes dynamiques et structuralesde la se'lectivite', Universite'scientijque, technologique et mtdicale de Grenoble, B.P. 68, 38402, Saint Martin d'Heres CEDEX, France Re~u le 18 janvier 19882 DIDIER GAUDE, GISBLE GELLON, RAYMOND LE GOALLER et JEAN-LOUIS PIERRE. Can. J. Chem. 67, 104 (1989). La reaction du nitrate d'iode ou du nitrate de brome dans 1'acCtonitrile ou le chloroforme avec divers phknols conduit a des melanges de produits halogents et nitres. En presence de complexants forts des ions halonium, aucune reaction n'est observke. En prksence de pyridine ou de triethylamine, seuls sont obtenus des produits halogenes avec un effet ortho-directeur marque de la fonction phenol. Mots cle's : phenols, nitrate d'iode, nitrate de brome, halogknation, nitration. DIDIER GAUDE, GISBLE GELLON, RAYMOND LE GOALLER, and JEAN-LOUIS PIERRE. Can. J. Chem. 67, 104 (1989). Iodine nitrate or bromine nitrate in acetonitrile or in chloroform react with a variety of phenolic substrates to form both halogenated and nitrated products. In the presence of strong complexing agents of halonium ions, no reaction occurs, while in the presence of pyridine or triethylamine, only halogenated phenols exhibiting a strong ortho-directing effect of the phenolic function are produced. Key words: phenols, iodine nitrate, bromine nitrate, halogenation, nitration. Introduction A la suite de nos travaux sur la complexation des ions iodoniums et bromoniums (I), il nous a semblC intiressant d'Ctudier l'influence de cette complexation sur la r6activitC des nitrates d'halogknes. Le nitrate d'iode, obtenu <<in situ>> par riaction de l'iode sur le nitrate d'argent en milieu organique, peut Ctre complex6 par deux molCcules de pyridine et, ainsi isolC, conservC 21 l'abri de l'air. La rCactivitC de ce complexe sur les composCs CthylCniques a CtC Ctudite par Diner et al. (2-4). La rkaction d'addition fournit les nitrates d'iodoalkyles atten- dus, accompagnCs de nitrates d'iodoalcanes pyridinium. Les alcools primaires et secondaires sont oxydCs en dtrivCs car- bonylCs (5). Les systkmes conjuguCs conduisent a la formation de sels de pyridinium (6). Les phCnols conduisent a des dCriv6s polyiodCs; s'ils sont substituCs par une chaine insaturke, ils donnent d'abord la rkaction d'addition, suivie de la substitution Clectrophile sur le noyau (6). A notre connaissance, la rCactivitC des nitrates d'iode et de brome, vis-a-vis des phCnols, n'a jamais CtC CtudiCe en l'absence de pyridine. Les composts du type hypohalogCnites semblent pourtant de bons candidats pour les rCactions d'halo- gination du noyau aromatique, comme en tCmoignent les travaux rCcents sur la fluoration par rCaction de l'hypofluorite d'acttyle (7-9), du fluoroxybifluoromCthane ou du bis(fluoroxy) difluoromCthane (lo), sur la chloration par l'hypochlorite de tetrtiobutyle dCposC sur argile (11) ou sur zColithe (12) ou encore les travaux plus anciens sur l'iodation par le trifluoro- mCthane sulfonate d'iode (1 3). Dans ce travail, nous prksentons les rCsultats obtenus par rkaction du nitrate d'iode ou de brome sur divers phCnols, en prksence ou non de diffkrents com~lexants. Ce traiail s'inscrit Cgalement comme la suite d'une Ctude sur la nitration des phCnols (14). Resultats Rkactions en l'absence de complexant En l'absence de complexant, l'obtention du nitrate d'iode par addition d'une quantitC stoechiomitrique d'iode a du nitrate 1. Auteur i qui adresser toute correspondence. 2. Revision r e y e le 2 aoilt 1988. d'argent dans I'acCtonitrile ou le chloroforme n'est pas quantita- tive. L'addition d'une solution contenant 5 mmoles d'iode a 5 mmoles de AgN0, conduit 2 la formation de 2,5 mmoles de AgI que l'on Climine par filtration. L'addition de 5 mmoles de ph6nol cette solution se traduit par la formation de dCrivCs iodonitr6s et nitr6s du phCnol, en m&me temps qu'apparait un prCcipitC correspondant a 2,5 mmoles de AgI, indiquant la formation in situ du nitrate d'i~de.~ Le nitrate de brome donne lieu aux mCmes observations. De plus, et contrairement 2 INO,, il rCagit sur les hydrocarbures benzkniques (entrkes 9 tableau 1). Le tableau 1 rassemble les rCsultats obtenus avec plusieurs dCrivCs du phCnol et avec le tolukne. Rkactions en prksence de complexant Dans les mCmes solvants, l'addition d'une solution d'iode (5 mmoles) 2 une solution de nitrate d'argent (5 mmoles) conte- nant 10 mmoles de pyridine (II) donne lieu 6 la pricipitation de 5 mmoles d'AgI, ce qui traduit la formation quantitative du complexe IN03,211. Le tableau 2 montre que l'on obtient uniquement des produits iodCs, ce qui confirme les travaux de Lown et Joshua (6). Si on remplace la pyridine par de la tritthylamine, on observe une rCactivitC identique. Les rksultats obtenus avec le nitrate de brome sont Cgalement rapport6s dans le tableau 2. En presence de cryptand [2.2.2], de Kryptofix 5 (1,13- bis(quinoly1-8) pentaoxa-1,4,7,10,13-tridCcane), ou de di- amines linCaires telles que le N,N,N',N1-tCtramCthyldiamino 1,6 hexane, utilisCs a la place de la pyridine, la rCaction est totalement inhibCe et le phCnol integralement recupCrC. Discussion En l'absence de complexant, INO, (ou BrN0,) se comporte a la fois comme agent halogCnant et nitrant. Les rtsultats quantitatifs (tableau 1, premikre ligne) montrent que 5 mmoles de INO, fournissent au minimum, compte-tenu des polymkres, 6,6 mmoles d'Clectrophiles. 11s impliquent qu'une molCcule de X-O-NO2 soit donneur de deux Clectrophiles distincts 3. Nous ne pouvons expliquer ce fait experimental surprenant. Printed in Canada / Imprime au Canada Can. J. Chem. Downloaded from www.nrcresearchpress.com by UNIVERSITY OF MICHIGAN on 11/10/14 For personal use only.

Influence de la complexation sur la réactivité de nitrates d'halogènes

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Influence de la complexation sur la reactivite de nitrates d'halogenes

DIDIER GAUDE, G I S ~ L E GELLON, RAYMOND LE GOALI.ER ET JEAN-LOUIS PIERRE' Laboratoire d'e'tudes dynamiques et structurales de la se'lectivite', Universite' scientijque, technologique et mtdicale de Grenoble,

B.P. 68, 38402, Saint Martin d'Heres CEDEX, France

R e ~ u le 18 janvier 19882

DIDIER GAUDE, GISBLE GELLON, RAYMOND LE GOALLER et JEAN-LOUIS PIERRE. Can. J. Chem. 67, 104 (1989). La reaction du nitrate d'iode ou du nitrate de brome dans 1'acCtonitrile ou le chloroforme avec divers phknols conduit a des

melanges de produits halogents et nitres. En presence de complexants forts des ions halonium, aucune reaction n'est observke. En prksence de pyridine ou de triethylamine, seuls sont obtenus des produits halogenes avec un effet ortho-directeur marque de la fonction phenol.

Mots cle's : phenols, nitrate d'iode, nitrate de brome, halogknation, nitration.

DIDIER GAUDE, GISBLE GELLON, RAYMOND LE GOALLER, and JEAN-LOUIS PIERRE. Can. J. Chem. 67, 104 (1989). Iodine nitrate or bromine nitrate in acetonitrile or in chloroform react with a variety of phenolic substrates to form both

halogenated and nitrated products. In the presence of strong complexing agents of halonium ions, no reaction occurs, while in the presence of pyridine or triethylamine, only halogenated phenols exhibiting a strong ortho-directing effect of the phenolic function are produced.

Key words: phenols, iodine nitrate, bromine nitrate, halogenation, nitration.

Introduction A la suite de nos travaux sur la complexation des ions

iodoniums et bromoniums ( I ) , il nous a semblC intiressant d'Ctudier l'influence de cette complexation sur la r6activitC des nitrates d'halogknes. Le nitrate d'iode, obtenu <<in situ>> par riaction de l'iode sur le nitrate d'argent en milieu organique, peut Ctre complex6 par deux molCcules de pyridine et, ainsi isolC, conservC 21 l'abri de l'air. La rCactivitC de ce complexe sur les composCs CthylCniques a CtC Ctudite par Diner et al. (2-4). La rkaction d'addition fournit les nitrates d'iodoalkyles atten- dus, accompagnCs de nitrates d'iodoalcanes pyridinium. Les alcools primaires et secondaires sont oxydCs en dtrivCs car- bonylCs (5). Les systkmes conjuguCs conduisent a la formation de sels de pyridinium (6). Les phCnols conduisent a des dCriv6s polyiodCs; s'ils sont substituCs par une chaine insaturke, ils donnent d'abord la rkaction d'addition, suivie de la substitution Clectrophile sur le noyau (6).

A notre connaissance, la rCactivitC des nitrates d'iode et de brome, vis-a-vis des phCnols, n'a jamais CtC CtudiCe en l'absence de pyridine. Les composts du type hypohalogCnites semblent pourtant de bons candidats pour les rCactions d'halo- gination du noyau aromatique, comme en tCmoignent les travaux rCcents sur la fluoration par rCaction de l'hypofluorite d'acttyle (7-9), du fluoroxybifluoromCthane ou du bis(fluoroxy) difluoromCthane (lo), sur la chloration par l'hypochlorite de tetrtiobutyle dCposC sur argile (11) ou sur zColithe (12) ou encore les travaux plus anciens sur l'iodation par le trifluoro- mCthane sulfonate d'iode (1 3).

Dans ce travail, nous prksentons les rCsultats obtenus par rkaction du nitrate d'iode ou de brome sur divers phCnols, en prksence ou non de diffkrents com~lexants. Ce traiail s'inscrit Cgalement comme la suite d'une Ctude sur la nitration des phCnols (14).

Resultats Rkactions en l'absence de complexant

En l'absence de complexant, l'obtention du nitrate d'iode par addition d'une quantitC stoechiomitrique d'iode a du nitrate

1. Auteur i qui adresser toute correspondence. 2. Revision reye le 2 aoilt 1988.

d'argent dans I'acCtonitrile ou le chloroforme n'est pas quantita- tive. L'addition d'une solution contenant 5 mmoles d'iode a 5 mmoles de AgN0, conduit 2 la formation de 2,5 mmoles de AgI que l'on Climine par filtration.

L'addition de 5 mmoles de ph6nol cette solution se traduit par la formation de dCrivCs iodonitr6s et nitr6s du phCnol, en m&me temps qu'apparait un prCcipitC correspondant a 2,5 mmoles de AgI, indiquant la formation in situ du nitrate d ' i ~ d e . ~

Le nitrate de brome donne lieu aux mCmes observations. De plus, et contrairement 2 INO,, il rCagit sur les hydrocarbures benzkniques (entrkes 9 tableau 1).

Le tableau 1 rassemble les rCsultats obtenus avec plusieurs dCrivCs du phCnol et avec le tolukne.

Rkactions en prksence de complexant Dans les mCmes solvants, l'addition d'une solution d'iode

(5 mmoles) 2 une solution de nitrate d'argent (5 mmoles) conte- nant 10 mmoles de pyridine (II) donne lieu 6 la pricipitation de 5 mmoles d'AgI, ce qui traduit la formation quantitative du complexe IN03,211. Le tableau 2 montre que l'on obtient uniquement des produits iodCs, ce qui confirme les travaux de Lown et Joshua (6).

Si on remplace la pyridine par de la tritthylamine, on observe une rCactivitC identique. Les rksultats obtenus avec le nitrate de brome sont Cgalement rapport6s dans le tableau 2.

En presence de cryptand [2.2.2], de Kryptofix 5 (1,13- bis(quinoly1-8) pentaoxa-1,4,7,10,13-tridCcane), ou de di- amines linCaires telles que le N,N,N',N1-tCtramCthyldiamino- 1,6 hexane, utilisCs a la place de la pyridine, la rCaction est totalement inhibCe et le phCnol integralement recupCrC.

Discussion En l'absence de complexant, INO, (ou BrN0,) se comporte

a la fois comme agent halogCnant et nitrant. Les rtsultats quantitatifs (tableau 1, premikre ligne) montrent que 5 mmoles de INO, fournissent au minimum, compte-tenu des polymkres, 6,6 mmoles d'Clectrophiles. 11s impliquent qu'une molCcule de X-O-NO2 soit donneur de deux Clectrophiles distincts

3. Nous ne pouvons expliquer ce fait experimental surprenant.

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TABLEAU 1 . Rtactions de IN03 et BrN03 sans complexants (% isolt par rapport au substrat)

5 mmoles

9"

I I NO, 2 28 mmoles 0,18 mmoles 1,48 mmoles

qH

NO, ko,

5 ' $ / N ~ : ~ ) + $ N ~ ~ (25 )

et que le mecanisme soit autre qu'une substitution Clectrophile classique mettant en jeu X+ et NO2+.

Nous avons montrC anterieurement (1) que le cryptand [2.2.2] en presence de nitrate d'iode forme un cryptate d'halonium (K = 3,2 x lo6). Un complexe encore plus stable (K = 3,5 X lo7) est Cgalement form6 avec Br+. Au contraire, la trikthylamine et la pyridine foment des complexes beaucoup moins stables. Ainsi, le complexe iodC avec la trikthylamine implique un Cchange rapide devant 1'Cchelle de temps RMN entre espkces libres et complexCes, m&me 2 -90°C dans CHFC12 (15) alors que dans le cas des cryptands 1'Cchange est lent B tempCrature ordinaire.

L'inhibition de rCaction induite par le cryptand [2.2.2] que nous observons, implique sans nu1 doute la complexation de l'espkce X+ : compte-tenu de la valeur de la constante d'equi- libre on peut considCrer qu'il n'y a pas de X+ libre et que le X+ complexC est soustrait au milieu par cryptation.

Bien qu'il n'ait pas CtC fait d'Ctude fondamentale correspon- dante, nos rCsultats montrent qu'il doit en &tre de m&me lorsque l'on utilise le Kryptofix 5 ou le diamino-1,6 hexane.

Lorsque X+ est soustrait au milieu par un complexant fort, on n'observe pas non plus de nitration. Ce rCsultat suggkre fortement que l'haloge'nation pre'c2de la nitration et lui est ne'cessaire.

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TABLEAU 2. RCactions de IN03 et BrN03 en prCsence de complexants (% is016 par rapport au substrat)

OH OH 0 H OH OH

pas d e reaction

C2.2.21

pas de reaction

Kryptofix 5

pas de reaction Diamino - l ,6 hexane

En prCsence de pyridine ou de triethylamine, I'halogCnation n'est pas inhibCe, mais la nitration n'est pas observCe. Le complexant doit donc interdire cette demibe reaction.

11-faut enfin noter la valeur du rapport de substitution ortho/para, supCrieur a 1,8, dans le cas du phCnol. Ce rapport reste constant lorsque les rCactions sont effectuCes dans une gamme de tempirature allant de -40°C a +80°C.

Ces observations nous amknent a proposer les mCcanismes rCactionnels suivants :

1. En l'absence de complexant, on peut envisager un schCma rkactionnel en plusieurs Ctapes, dont la premihe est une substitution Clectrophile suivant :

[ a ] ArH + XN03 + [ArHX' NO3-] + ArX + H N 0 3

Pour ce qui concerne les Ctapes suivantes, il est possible d'envisager plusieurs processus expliquant la nitration et l'iodation ultCrieure Cventuelle :

suivi d'une substitution Clectrophile mettant en jeu les espkces NO2+ ou X+.

Ce processus peut &tre exclu car aprks la premikre Ctape il ne reste que 50% des molCcules de X N 0 3 , or les exemples 1, 5 , 6 et 7 du tableau 1 montrent qu'il s'est form6 des produits nitrCs qui nCcessitent de 60 80% des molCcules de X N 0 3 mises en rtaction.

De plus, les tentatives faites pour mettre en Cvidence

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1'6ventuelle formation de NO2+ se sont revelCes nCgatives. Cette espece est susceptible de rCagir sur les amines (16). Des expCriences menCes en presence d'un exces de trikthylamine ou de pyridine n'ont pas permis de dCtecter les adduits attendus.

H+ [b2] ArH + HN03 + ArN02 + Hz0

H20 + XN03 -+ HOX + HNO,

Ce processus autocatalytique nous semble tres peu probable. En effet, dans nos conditions opkratoires, les protons ne peuvent provenir que de la reaction de la premiere Ctape. De ce fait le milieu n'est probablement pas assez acide pour que l'equilibre d'autoprotolyse de l'acide nitrique soit dCplacC dans le sens de la protonation.

Nous n'observons d'ailleurs pas de nitration du toluene ni du para-nitrophenol qui devraient rCagir avec une telle espece.

Les processus [b,] et [b2] ne nous semblant pas expliquer correctement nos resultats, nous avons CtC amenCs a envisager un mCcanisme faisant intervenir un transfert monoClectronique s'effectuant suivant l'une ou l'autre de ces Cquations :

[b,] ArH + H2N03+ -+ [ArH? f102] + H20 -+ ArN02 + H30f

[b4] ArH + HN03 -+ [ArH +, f102] + OH- - - ArN02 + Hz0

Dans les deux cas la nitration peut se faire sur ArH ou ArX present dans le melange reactionnel.

Bien que l'acide nitrique proton6 devrait &tre un meilleur accepteur d'electron, nous pensons que le processus [b4] est plus vraisemblable pour les raisons invoquCes prCcCdemment (milieu trop faiblement acide).

Penin (17) a kt6 le premier a proposer, pour des rCactions de nitration, un mecanisme faisant intervenir un transfert d'tlectron entre le noyau benzenique et NO2+ conduisant a la paire ccradical cation du noyau aromatique - radical NO2>>.

Laszlo et coll. (18) ont invoquk une interaction du m&me type entre phenol et ions mttalliques pour expliquer la nitration de phenols par des nitrates metalliques dCposCs sur argile.

De la m&me faqon, nous pensons qu'il est possible d'envisa- ger que HN03 molCculaire, m&me a faible concentration, est assez oxydant pour accepter un electron du phenol et conduire a une paire de radicaux suivant le processus [b4]. Ce mecanisme permet egalement d'expliquer que le toluene (tableau I, lignes 8 et 9) et le p-nitrophenol (tableau 1, ligne 4), moins oxydables que les autres phenols, ne soient pas nitres dans nos conditions reactionnelles. Nous avions deja avancC une telle hypothese pour expliquer la nitration de phenols en milieu biphasique (14).

En resume, le mCcanisme qui nous semble le plus probable comporte les deux etapes [a] et [b4].

Cette interpretation justifie bien les faits observes : ( i ) une mole de XN03 peut fournir plus d'une mole d'Clectrophile; (ii) on observe toujours la formation d'au moins un produit halogCnC, la nitration ultCrieure pouvant se faire sur le phenol ou sur I'halogCnophCnol dCjB form6 (tableau 1, lignes 5 et 6).

2. En presence de complexants, les resultats dependent de l'interaction XN03-complexant :

Une forte complexation de Xf inhibe I'halogenation et la nitration ne peut avoir lieu (tableau 2, lignes 5-8).

Dans le cas d'une faible complexation par la triethylamine ou la pyridine, l'ion X+ n'est pas masqu6 et I'halogCnation peut avoir lieu, mais le proton libere est captC par l'amine et la nitration ne peut plus avoir lieu (tableau 2, lignes 1-4).

Conclusion Nos rCsultats montrent qu'il est possible d'obtenir des nitrates

d'halogenes in situ en l'absence de pyridine. Dans ce cas ils se comportent vis-a-vis des phenols comme des agents halogCno- nitrants. En presence d'amines telles que la pyridine ou la trikthylamine, on obtient uniquement des halogCnophenols, et en prCsence de complexants plus forts tels que les cryptands, la reaction est totalement inhibCe par cryptation de l'ion halonium. A notre connaissance, contrairement au nitrate d'iode, le nitrate de brome n'avait pas CtC utilis6 a de telles fins. En l'absence de complexants, il s'est rCvClC plus rCactif que le premier, et permet I'halogCnation des hydrocarbures aromatiques.

Partie experimentale L'iode commercial bisublimi et le nitrate d'argent ont CtC utilisCs tels

quels. L'acCtonitrile sCchC sur CaS04 est distill6 deux fois et conservC sous azote. Les produits de reactions sont sCparCs sur colonne de silice (Merck Kieselgel 60, 230-400 mesh; Cluant : hexanelacetate d'Cthyle). Les rendements indiquCs dans les tableaux 1 et 2 correspon- dent aux quantitCs de produits sCparCs. Ces produits ont Cte identifiCs par comparaison de leurs spectres en infra-rouge (appareil Perkin- Elmer 397) et en rksonance magnCtique nuclCaire du proton (appareil Bruker WP80 SY) avec ceux d'Cchantillons authentiques, commer- ciaux ou obtenus par synthkse. Leurs masses molaires ont CtC dCterminCes par spectromttrie de masse (70 eV) sur un appareil MS30 Kratos-AEI.

Rkaction de /NO3 en l'absence de complexant On dissout 5 mmol de AgN03 dans 15 mL d'acktonitrile auxquels on

ajoute goutte B goutte une solution contenant 5 mrnol d'iode dans de l'acCtonitrile, en maintenant le ballon B 0°C. On filtre I'iodure d'argent obtenu (2,5 mrnol) et on ajoute ensuite au filtrat 5 mmol de substrat dissout dans 10 mL d'acktonitrile. On poursuit l'agitation B tempCra- ture arnbiante pendant 2 h. L'iodure d'argent qui prCcipite (2,5 mmol) est filtrC. On Cvapore le solvant et on sipare les produits sur colonne.

Riaction de /NO3 en prisence de complexant On dissout 5 mmol de nitrate d'argent dans 15 mL dlacCtonitrile

contenant 2 mL du complexant (pyridine ou tritthylamine). On ajoute 5 mmol d'iode en solution dans l'acCtonitrile, en maintenant le bain a 0°C. L'iodure d'argent (5 mmol) est ensuite filtrC, et on ajoute au filtrat 5 mmol de substrat en solution dans 1'acCtonitrile. La rCaction est terminCe en 2 h B la tempkrature ambiante. Les produits sont isolCs comme prbckdemment.

Dans les manipulations effectuies avec le cryptand [2.2.2], le Kryptofix 5 ou le diamino-1,6 hexane, le complexant est ajoutC en quantitC stoechiomCtrique.

Les rkactions utilisant le nitrate de brome ont t t t effectuCes suivant les mCmes modes optratoires.

Exemple type : riaction de /No3 sur le phinol (a) En prisence de pyridine La reaction, menCe sui 5 mmol de phenol, conduit B un mClange dont

les constituants sont CluCs sur colonne de silice par un melange hexane - acCtate d'Cthyle (4: 1). Les produits isolts sont

( i ) ortho-IodophCnol (SO%), identifie par comparaison de ses spectres avec ceux d'un Cchantillon authentique obtenu selon la reference 19. RMN (CDC13) 6 (ppm) : 5,62 ( lH, s) et 6,81-8,01 (4H, m).

(ii) para-IodophCnol (4,5%) dont les spectres sont identiques a ceux d'un Cchantillon commercial. RMN (CDC13) 6 (ppm) : 6,62-7,50 (spectre AB, J = 8,s Hz, 4H). Spectre de masse (intensit6 relative) : 220 (loo), 93 (24, 4) 65 (29, 6).

On isole un melange de deux produits (6,5%) qui ne peuvent Ctre sCparCs. Ces produits sont le triiodo-2,4,6 phCnol. RMN (CDC13) 6 (ppm) : 7,91 (s); et le diiodo-2,4 phCnol. RMN (CDC13) 6 (ppm) : 6,75 (d, lH), 73.5 (dd, lH), 7,95 (d, IH). Dans le spectre de masse

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du melange on trouve les masses molaires de ces deux produits : 346 (100%) et 472 (56%).

(b) En l'absence de pyridine La reaction, effectuee sur 5 mmol de phCnol, fournit, aprks les

traitements dCcrits precedemment, les compos&s suivants : Iodo-4 nitro-2 phCnol(50%). RMN (CDCI,) S (pprn) : 6,95 (d, IH),

7,75 (dd, lH), 8,45 (d, 1H). Spectredemasse: 265 (loo), 219 (8, 17), 92 (44, 92).

Diiodo-4,6 nitro-2 phCnol(4%). RMN (CDCI,) 6 (ppm) : 8,34-8,39 (spectre AB). Spectre de rnasse : 391 (100), 345 (2, 6), 2 18 (15, 15), 189 (13, 34), 91 (16, 6).

para-Nitrophenol (29%) : spectres identiques A ceux d'un Cchantil- Ion commercial.

1. R. LE GOALLER, H. HANDEL, P. LABBE et J . L. PIERRE. J . Am. Chem. Soc. 106, 1694 (1984).

2. U. E. DINERet J. W. LOWN. J . Chern. Soc. Chem. Commun. 333 (1970).

3. U. E. DINER et J . W. LOWN. Can. J . Chern. 49, 403 (1971). 4. U. E. DINER, M. WORSLEY et J. W. LOWN. J . Chern. Soc. (C),

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5. U. E. DINER. J. Chem. SOC. (C), 676 (1970). 6. J . W. LOWN et A. V. JOSHUA. Can. J. Chem. 55, 122 (1977). 7. S. ROSEN et M. BRAND. Synthesis, 665 (1985). 8. 0 . LERMAN, Y. TOR, D. HEBEL et S. ROZEN. J . Org. Chem. 49,

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