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1 Influence des pratiques de la Ferme du Bec Hellouin sur la fertilité et la matière organique du sol Auteurs : Valentin Sohy, Félix de Tombeur, Jean-Thomas Cornélis. Rédigé en novembre 2017

Influence des pratiques de la ferme du Bec final · quantitatifs et qualitatifs de l’influence de pratiques de ... Les plantes ont besoin de ... de nutriments sont exportés du

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InfluencedespratiquesdelaFermeduBecHellouin

surlafertilitéetlamatièreorganiquedusol

Auteurs:ValentinSohy,FélixdeTombeur,Jean-ThomasCornélis.

Rédigéennovembre2017

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Remerciementsauxpartenairesdel’InstitutSylva

Partenairesfinanciers:o FondationdeFranceo FondationIriso FondationLemarchandpourl’EquilibreentrelesHommesetlaTerreo FondationLunto FondationPicardo FondationTerraSymbiosiso MairiedePariso MécénatBALT-NEWCOo MécénatCharlottedeMéviuso MécénatGillesGhesquièreo EcoledePermacultureduBecHellouin

Partenariatsscientifiquesettechniques:o UnitéSAD-APT-INRAAgroParisTecho FermebiologiqueduBecHellouino Laboratoired’AnalysesMicrobiologiquesdesSols(LAMS)o UniversitéLibredeBruxelles(ULB)o LiguepourlaProtectiondesOiseaux(LPO)o Carbone4o UniversitédeGemblouxo PurProjeto Ecocerto GroupedeRechercheenAgricultureBiologique(GRAB)o ChambreRégionaled’AgriculturedeNormandie(CRAN)o AssociationFrançaised’Agroforesterie(AFA)o AgroforestryResearchTrusto ActesSud

Merciinfinimentpourleursoutienetleurscontributionsauxprogrammesderecherches

del’InstitutSylva.

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SommaireI. Préambule...............................................................................................................................4

II. Introduction............................................................................................................................4

III. L’étude................................................................................................................................7

Parcellesétudiées.......................................................................................................................8

ParcellesdelafermeduBecHellouin......................................................................................8

Parcelle«Pâture»..................................................................................................................9

Parcelle«Conventionnel»....................................................................................................10

IV. Analyses,résultatsetdiscussion........................................................................................10

V. Conclusion.............................................................................................................................18

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I. Préambule

Cerapportestinspirédelathèsedefind’étude(TFE)deValentinSohyintitulé«Etudedesaspectsquantitatifsetqualitatifsdel’influencedepratiquesdemaraîchagebio-intensifsurladynamiquedelamatièreorganiquedusol».Lebutdecerapportestderendrepluslisibles,plusaccessiblespourgrandpublic,lesrésultatslesplusintéressantsdeceTFE.Pourceuxquivoudraientallerplusloin,leTFE en question est disponible en ligne sur la plateforme MATHEO à l’adresse suivante:https://matheo.ulg.ac.be/handle/2268.2/3048.Leprésentrapportesttoutefoisamplementsuffisantpourcomprendrel’essencedumessagequecetteétudeapermisdemettreenévidence.

II. Introduction

“Themaintenanceofthefertilityofthesoilisthefirstconditionofanypermanentsysteminagriculture.Intheordinaryprocessesofcropproductionfertilityissteadilylost:itscontinuous

restorationbymeansofmanuringandsoilmanagementisthereforeimperative”.

SirAlbertHoward,Anagriculturaltestament,OxfordCityPress,2010,p.5.

Le courant «industriel», voire conventionnel, de l’agronomie a depuis longtemps eu tendance àréduirelesolàunsupportmatériel.Lesolneseraitalors«qu’un»milieuporeuxdestinéàrecevoirles engrais minéraux provenant de l’industrie minière et pétrolière, engrais solubles directementassimilablesparlesracinesdesplantesquel’onveutfairepousser.Seloncettevision,l’essentieldelagestiondes sols se résumeraitdonc,en toute logique,en lemaintiend’unebonneporosité,d’unebonnestructurephysique,parlelabourparexemple.Parailleurs,laphysiologievégétaleetlachimie,deux disciplines-piliers de l’agronomie industrielle, nous ont appris que la disponibilité desnutrimentspourlesplantesdépenddupH(l’acidité)dessolsetqu’elleest,demanièregénérale,plusimportantedans lespHprochesde laneutralité (pH=7).Parconséquent, lessols tropacidessontchaulés afin d’atteindre la neutralité. Labour, chaulage et engrais de synthèse, ceci résume demanière simplifiée et légèrement caricaturale le mode de gestion des sols dans la plupart desexploitationsagricolesdenosrégionsindustrialisées.

Cettevisionsimplisteetlespratiquesqu’elleentraîneontconduitàladégradationdelamajoritédessols agricoles. Selon la FAO (FAO et ITPS, État des Ressources en Sol dans le Monde – Résumétechnique, Rome,2015,p.VIII), lesmenaces lesplus importantesquipèsent sur les sols à l’échellemondialesontl’érosion, laperteencarboneorganiqueetledéséquilibredesélémentsnutritifs.Cemêmerapportavancequelasituationiraens’empirantsidesmesuresconcertéesnesontpasprisesparlesparticuliers,lesecteurprivé,lesgouvernementsetlesorganisationsinternationales.

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Pourquoiprendresoindusol?

Lesolestuneressourceprécieuse,ilrenddenombreuxservicesécosystémiquesàl’humanité.Outrele fait que le sol est effectivement un support physique qui permet à la biomasse terrestre depousser tout en lui délivrant des nutriments et en conservant l’eau lors des périodes sèches, ilconstitue également un filtre vis-à-vis de certains polluants tels que les métaux lourds et lespesticides,ainsi ilaméliorelaqualitédel’eaudesnappesphréatiquesetdesurface.Parailleurs, ilabriteetnourrituneextraordinairediversitéd’organismesvivants.Onestimequeplusd’unmilliarddebactéries,d’unmilliond’espècesdifférentes,ainsiqueplusd’unmilliondechampignonsdeplusde 10 000 espèces différentes peuvent coexister dans un 1 g de sol. Cette réserve immense debiodiversité est également un service écosystémique important. De plus, les sols représentent leplusgrandréservoirdecarboneaprèslesocéans.OnestimequelaquantitétotaledeCdanslessolsàl’heureactuelleestde2500Pg(unmilliondemilliards)dont1550Pgsousformeorganique(inclusdans les matières organiques du sol). Cela représente 3,3 fois la quantité de CO! présente dansl’atmosphèreen2004(760Pg)et4,5foislaquantitéprésentedanslabiomasseen2004(560Pg).Encela, le sol présente un fort potentiel de séquestration du carbone atmosphérique et donc demitigation du changement climatique. C’est de ce constat qu’est née l’initiative «4 pour 1000»élaboréepar des chercheurs de l’INRA à la fin du XXème siècle et selon laquelle une augmentationannuelle de 4 pour mille du stock global de carbone organique des sols stabiliserait lesconcentrationsdegazàeffetdeserredans l’atmosphère.Acontrario, lesol représenteégalementunesourcepotentielledegazàeffetdeserreimportantes’ilperdlecarboneorganiquequ’ilcontientparlaminéralisationdecelui-ci.

Lesolestuneressourcelimitéeettrèspeu,voirepas,renouvelable.Enmoyenne,onconsidèreque0,1 mm de sol se forme chaque année. Dès lors, même de très faible taux d’érosion peuventconduire à unediminutionde la profondeurdes sols.Onestimequ’à l’heure actuelle et dansnosrégions, lestauxd’érosionsontde100à1000foissupérieursaurythmenatureldeformationdessols.Celaestdûàl’absencedecouverturevégétaleàcertainsmomentsdel’année.Lesolestalorsexposéauxintempériesetilestimportédanslescoursd’eauparleruissellementdel’eaudepluie.C’est également dû à la destruction de la structure du sol causée par la diminution desconcentrations enmatières organiques du sol. En effet, cesmatières organiques jouent le rôle deliantsentrelesparticules,améliorentlastructuredusol,formentsaporosité.Ainsi,unsolprésentantdes teneurs en matière organique importantes aura moins tendance à former une croûte debattance et sera par conséquent moins sensible à l’érosion. La matière organique du sol estégalement source de nutriments pour les plantes et pour lesmicro-organismes, elle constitue leshabitats de ces derniers, elle participe au pouvoir filtrant du sol. On voit donc que cettematièreorganique,associéeà lamatriceminérale, joueunrôlecentraldans les fonctionsdusoletpour lastabilitédecelui-ci.Ilestmalheureusementobservéquelesteneursenmatièresorganiquesdessolsdiminuent depuis de nombreuses années dans les sols agricoles et atteignent maintenant desniveaux inquiétants dans plusieurs régions. Il est donc primordial et urgent de comprendrel’influencedespratiquesagricolessurladynamiquedesmatièresorganiquesdusol.

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Lamatièreorganiquedusol

La matière organique présente dans le sol provient de la décomposition, des déjections et desexsudats des plantes, animaux et micro-organismes. Plusieurs communautés d’organismesdécomposeurssesuccèdentpourdégraderlamatièreorganiqueenparticulesdeplusenpluspetitesjusqu’à devenir des nutriments ou être libérée dans l’atmosphère sous forme gazeuse (ex: 𝐶𝑂!).Cependant, à partir d’une taille suffisamment petite, les molécules organiques deviennent assezréactives pour entrer en interaction avec la phase minérale du sol. On parlera de processusd’adsorption, c’est-à-dire des liaisons chimiques ou électrostatiques entre les minéraux et lesmolécules organiques, les fameuses liaisons organo-minérales (encore souvent appelées argilo-humiques).

Les molécules adsorbées sont dites «protégées chimiquement». En effet, les molécules ainsiprotégées ne vont plus subir les processus de dégradations par la pédofaune et les micro-organismes. C’est ainsi que lesmatières organiques, et donc le carbone, peuvent être séquestrésdanslesolpendantplusieursdécennies,siècles,voiremillénaires!

Unautretypedeprotectiondesmatièresorganiquesintervientlorsquelesmatièresorganiquessontinclues dans les agrégats. Les agrégats sont des assemblages de particules de sol peu ordonnés,formés par demultiples liaisons entre les minéraux et les matières organiques ainsi que par despolymèresd’originemicrobienne(polysaccharides),desmycorhizesouracines.Auseindesagrégats,les pores sont suffisamment petits pour limiter la diffusion de l’oxygène et le passage de certainsorganismes, ce qui ralentira, voire empêchera, la décomposition desmatières organiques.Ondiraalorsqu’ellessont«protégéesphysiquement».

Cette protection physique des matières organiques est particulièrement sensible aux conditionsenvironnementales et donc aux pratiques agricoles, aumode de gestion du sol. L’étude de cettesensibilité a permis de mettre en évidence l’existence de deux «types» d’agrégats. Lesmacroagrégats quimesurent plus de 250 µm (10!! 𝑚), qui sont très sensibles aux perturbationsenvironnementalesetquin’ontpasuneinfluencedirectetrèsimportantesurlaprotectionphysiquedes matières organiques. Lesmicroagrégats qui mesurent entre 50 et 250 µm, qui sont moinssensibles aux perturbations environnementales et qui ont une influence plus importante sur laprotection physique des matières organiques. De plus, il a été observé qu’une partie desmicroagrégats était produite au seinmêmedesmacroagrégats, on parlera alors demicroagrégatsprotégés (présents dans lesmacroagrégats), en opposition auxmicroagrégats libres (non présentdans lesmacroagrégats). Cette production demicroagrégats au sein desmacroagrégats se fera àcondition que le turnover (≈ durée de vie) des macroagrégats soit suffisamment lent. Toutes lesperturbations/pratiquesquiauronttendanceàaccélérerleturnover(àdiminuerletempsdevie)desmacroagrégats diminueront la production de microagrégats et donc la protection physique desmatièresorganiques.

Influencedespratiquessurlaprotectionphysiquedesmatièresorganiques

L’étudede l’influencedespratiques agricoles sur la dynamiquedesmatièresorganiques amontréque certainesde cespratiquesont tendanceàdétruire les agrégatsdu sol. Il a étémontréque lelabour, en exposant le sol aux aléas climatiques, augmente l’amplitude des températures et del’humidité,augmenteletauxdedécompositiondelamatièreorganiqueenmodifiantlesconditions

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microclimatiques du sol, affecte les communautés microbiennes et diminue la prolifération deshyphes mycéliens qui contribuent à la formation et à la stabilité des macroagrégats. Dès lors, lelabour aura tendance à diminuer la protection physique des matières organiques du sol (enaugmentantleturn-overdesmacroagrégats)etdiminueralesstocksdematièreorganique.

Lesplantesontbesoindenutrimentspourpousser.Danslessolscultivés,desquantitésimportantesdenutrimentssontexportésdusystèmesol-plantevialesrécoltes.Ilestdoncsouventnécessairederamenerdesnutrimentsausolafinquecelui-cines’appauvrissepas.Cesapportspeuventêtrefaitssousformeminérale,provenantderochesrichesencesnutrimentsoudeprocédés industrielstelsqueleprocédéHaberpourlesengraisazotés.Ilspeuventégalementêtrefaitssousformeorganiqueparapportsd’engraisanimaux(lisier,fumier,…)ouvégétaux(résidusdeculture,purins,…).L’apportd’engraisexclusivementsousformeminéralediminueraitledéveloppementdeshyphesmycéliensetaurait,parconséquent,uneinfluencenégativesurl’agrégationdanslesoletdoncsurlaprotectionphysiquedesmatièresorganiques.

Faceauconstatdeladiminutiondesteneursenmatièreorganiquedanslessols,plusieurspratiquesbénéfiques pour ces stocks ont été mises en évidence. Ces pratiques ont en commun soitd’augmenterlesapportsdematièreorganiquefraîche(agroforesterie,couvertsvégétaux,utilisationd’engraisorganiques…),soitdediminuer lesperturbationsdusol (couverturevégétale,non-labour,prairiestemporaires…).

La ferme Biologique du Bec Hellouin fonctionne selon un système de gestion qui s’inspire de lapermacultureetdumaraîchagebio-intensif.Entrèsbref,celasetraduit:

• par l’utilisation presque exclusive et importante d’engrais organiques (résidus de culture,fumierdecheval...),

• paruneprotectiondusolimportanteetquasipermanente(paillages,culturesdenses…),• parunedensitéde cultureainsiqu’unnombrede rotationsannuelles importants (cultures

relais,associationsdecultures,stratificationverticaledescultures…).

Dès lors, lespratiquesmisesaupointà lafermeduBecHellouinrespectentplusieursdesprincipesqui induisent une augmentation de la protection desmatières organiques dans le sol et donc desstocks. D’une certaine manière, les pratiques qui y sont mises en œuvre sont extrêmes dansl’application de ces principes. En effet, c’est une agriculture spatialement très intensive et il estdifficile d’imaginer un système de gestion qui densifierait plus encore la production et les soinsapportés(tempsdetravail/m²cultivé)auxsurfacescultivées.L’étudedecettefermepermetdoncdedonnerdesindicationssur:«jusqu’où»,dansunsolcultivé,est-ilpossibled’augmenterlesstocksdematièreorganiqueetsousquellesformes?

III. L’étude

Afind’étudier l’influencedespratiquesde la fermeduBecHellouinsur ladynamiquedesmatièresorganiqueset,parlamêmeoccasion,surlafertilitédesparcellescultivées,plusieurséchantillonsdesol ont donc été prélevés. La ferme est constituée de plusieurs «jardins», qui sont des unités de

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production relativementhomogènes. Les jardinsde la fermen’ontcependantpas tousétéétudiéspourdesraisonslogistiquesetparsoucidefiabilitédesrésultats.

Selonlesprincipesdu«zonagepermaculturel»,lafermeestdiviséeenplusieurszonesnumérotéesde0, lazonelapluscentraleoùonestprésentleplussouvent, l’atelieràoutilsdanscecas,à5, lazone la plus excentrée laissée à elle-même et ne demandant pas d’intervention humaine, la forêtenvironnante pour la ferme du Bec Hellouin. Cette notion de zone est intéressante car elle estindicatrice de l’intensité des soins prodigués aux parcelles ou, en d’autres termes, du temps detravailparunitédesurfacecultivé.Afindepouvoirobserverl’influencedel’intensitédecessoinssurl’étatdusol,leséchantillonsontétéprélevésdansdeszonesdifférentes.

Pour évaluer au mieux les effets de ces pratiques, les sols de la ferme du Bec Hellouin ont étécomparés à une pâture située à quelques dizaines demètres des parcelles de la ferme et à uneparcelle en agriculture conventionnelle située à environ 2 km de la ferme, dans des conditionsenvironnementalesetpédologiquesrelativementsimilaires.

L’échantillonnageaétéréalisésur les20premierscentimètresdesol. Ilaétéeffectué les29et30juillet2016.Troiséchantillonsontétéprélevéssurchaqueparcelle.Cesprélèvementsdesolontétéfaitsdemanièreàreprésenter leplus fidèlementpossible lesvariationspouvantexisterauseindechaqueparcelle.

Parcellesétudiées

ParcellesdelafermeduBecHellouin

Parcelle«Plancheplate»Au sein de la ferme, ce jardin est appelé « Pommiers ». Il est constitué de 8 planches platespermanentes.Lesplanchesplatespermanentessontdessurfacesrectangulairescultivéesde80cmdelargesurunevingtainedemètresdelong.Ellessontplanesetlégèrementsurélevéesparrapportaux allées adjacentes. Le sol y est aéré par une sorte de grelinette améliorée (la Campagnole) oudécompactéensurfaceentrechaquecultureouapportdecompost.Cesplanchesplatessontsituéesdanslazone1.Dèslors,ellesreçoiventuneattentionsoutenuequipermetuneintensificationimportante.Ladensitédeplantationyestélevée,jusqu’à1rangtousles6,5cm,voire2rangstousles6,5cmdanslecasdeculturesassociées.Lesassociationsdeculturesysontfréquentes(ex:radis-carottes-fèves;navets-panais-fèves;carottes-poireaux;etc.).Cetteparcelle faitpartiedesparcelles lesplus intensément travaillées (1,48hde travail/m²cultivéselonGuéganetLéger(2015)).C’estégalementlaparcelleétudiéequireçoitlaquantitédematièreorganique fraîche (compost, fumier, résidus de culture, etc.) la plus importante. En 2016, desquantitésimportantesdefumierdechevalyontétéapportées.Autotal,lapartieéchantillonnéedecetteparcelleareçuenviron58kgdeMOfraîcheparm²cultivélorsdecetteannée.Environ10cmde vieux fumier de cheval composté avaient également été appliqués à sa création en 2012. Endehors de ces 2 années au cours desquelles les apports furent particulièrement importants, lesapportssontestimésà5à10kgparm²cultivéetparan.

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Parcelle«Butte»Auseindelaferme,cejardinestappelé«Grande-île»carilalaparticularitéd’êtreinstallésuruneîleartificielle(aumilieud’unemare).Lesbuttessontdesmonticulesallongésde0,8mà1,20mde largeetd’unedizainedemètresdelong(pasforcémentrectilignes).Ellesfontde30à50cmdehaut(lahauteurvarieaufildutemps)etsontfréquemmentrecouvertesd’unpaillage(plusdelamoitiédel’année).Lesbuttesfontégalementpartiedelazone1,ellesreçoiventuneattentionparticulière.Lesdensitésy sont un peumoins importantes que sur les planches platesmais l’association de cultures y estégalement de mise (choux-fèves-salade ; ails-mâches ; haricots-épinards). L’apport en matièreorganique y est important bien quemoins intense que sur les planches plates. Environ 51 kg deMO/m²cultivéontétéapportésen2016.Environ10cmdevieuxfumierdechevalcompostéavaientégalementétéappliquésàsacréationen2009.Endehorsdeces2années, lesapportsdematièreorganiquese résumentàdespaillages importantset réguliersenquantités indéterminéesetàdesapportsdecompostminimesetoccasionnels.

Parcelle«Forêt-Jardin»Laforêt-jardinestsituéedanslazone3,elleestdoncl’objetderelativementpeudesoins.Implantéeen2009etd’unesuperficiede1160m²,c’estunsystèmeculturalquitendversl’autonomie(c’est-à-direlemoinsd’interventionsextérieurespossible).Dèslors,letempsdetravailparunitédesurfaceestbeaucoupmoinsimportant(chiffresnondisponibles).Leseulapportimportantquecetteparcelleaitreçuestunecouchede10cmd’épaisseurdevieuxfumierdechevalcompostélorsdelamiseenplacedelaparcelle.La forêt-jardin est composée d’une petite dizaine d’îlots cultivés en strates verticales. La stratearboréeest clairseméeet composéedequelques arbres (pommiers, sureaux, poiriers, cornouillerssanguins,etc.).Lastratearbustiveestlaplusdéveloppéeetlaplusdense(groseilliers,framboisiers,cassis, noisetiers, etc.). La strate grimpante comprend quelques mûres sans épines. La strateherbacéeestprincipalementspontanéeetlargementreprésentéeparlaconsoudeetl’ortie.

Parcelle«Pâture»LepâturageestuneparcelleappartenantàlafermeduBecHellouinégalement.Cependant,lemodede gestion de celle-ci relève d’un pastoralisme, certes peu intensif, mais somme toute assezconventionnel. C’est pourquoi, dans la présentation des résultats (graphes), cette parcelle ne serapas présentée comme extérieure à la ferme. Sur une surface totale de 3,4 ha, une vingtaine demoutonsypâturentdemarsànovembreainsiqu’unchevaletunâne.Aucunapportparticuliern’aétéeffectuésurcepâturagedepuislelancementdelafermeduBecHellouin.LeBec(ruisseau)passedans son canal en bordure du pâturage. Entre le Bec et la pâture s’élève une rangée d’arbres(merisiers,aubépinesetsaules).L’échantillonnageaétéeffectuéàdesdistancesentre10et30mduruisseau.L’intérêtde lapâtureestqu’elleest représentativede la situationdesparcellesde la fermeavantleurmiseenculture: lessurfacescultivéesdelafermeduBecHellouinétaientleprolongementdecepâturage.

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Parcelle«Conventionnel»Cetteparcelleestgéréeselondespratiquesagricolesassezintensivesorientéesverslaproductiondecéréalesetdeprotéagineux (blé tendre,orge, colza,pois,etc.). La rotationqui s’yeffectue leplussouventestlarotationtriennaleblé/pois/blé.L’échantillonnagedecetteparcelles’estfaitlorsdelatroisièmeannéederotation(sousculturedeblédonc).Lesolestlabouréentrechaquecultureselonun labour peu profond. La fertilisation est minérale. L’utilisation de pesticides est courante,notammentdesfongicidessurlesculturesdeblé(3passagesparsaison).

IV. Analyses,résultatsetdiscussion

LesélémentsbiodisponiblesUndesgrandsobjectifsdecetteétudeétaitdevérifierquelespratiquesdelafermeduBecHellouininduisentunefertilitédessolssuffisantepourpermettreauxculturesdepoussercorrectement.Undesmoyensd’évaluercettefertilitéestlaquantificationdes«élémentsbiodisponibles»,c’est-à-diredesélémentsdisponiblespourlevivant(cultures,micro-organismes…).Lesélémentsbiodisponiblesquantifiéssontlephosphore,lepotassium,lemagnésiumetlecalcium.Chacundecesélémentsestindispensableaubonfonctionnementdesplantes.

Figure1-Moyennesdesquantitésdephosphore,depotassiumetdemagnésiumbiodisponiblesmesurées.

0,00

10,00

20,00

30,00

40,00

50,00

60,00

70,00

Convenyonnel Pâture Forêt-jardin Buze Planche

FermeduBec-Hellouin

mg/100g

Elémentsbiodisponibles

Phosphorebiodisponible Potassiumbiodisponible Magnésiumbiodisponible

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Figure2-Moyennedesquantitésdecalciumbiodisponiblemesurées.

Lestableauxci-dessusmontrentque,demanièregénérale,laquantitéd’élémentsbiodisponiblesestbeaucoupplus importantedans lesparcellesde la fermeduBecHellouinquedans lapâtureet laparcelle en agriculture conventionnelle. Les quantités mesurées dans les sols de la parcelle enagricultureconventionnellesontquantàellesassezsimilairesàcellesdelapâture.

Cettedifférencetrèsclaireentrelesquantitésd’élémentsbiodisponiblesdanslessolsdelafermeduBecHellouinetlesautressolsvientenpartiedufaitqueceux-cireçoiventouontreçudesquantitésimportantesdematièresorganiquesqui,ensedécomposant,libèrentcesnutriments.Sil’ongardeàl’espritque les solsde la fermeduBecHellouinétaient semblablesà lapâtureavant leurmiseenculture, on voit que la gestion des résidus de culture et l’apport de matières organiqueslocalesmontrentdoncunfortpotentieldefertilisationdessols.

Cependant, si cela n’était dû qu’aux apports, la parcelle butte afficherait systématiquement desvaleurs plus élevées que la forêt-jardin puisqu’elle reçoit des quantités de matière organiquebeaucoupplus importantes.Onpeut supposerque laquantitéd’unélémentbiodisponibleprésentdanslesoldépenddelabalancedecetélémentauseindecelui-ci.C’est-à-diredeladifférenceentreles apports (inputs) et lesexports (outputs). Le schémaci-dessous résume lesdifférentsprocessusquiinfluencentcettebalance.

0,00

200,00

400,00

600,00

800,00

1000,00

1200,00

1400,00

1600,00

Convenyonnel Pâture Forêt-jardin Buze Planche

FermeduBec-Hellouin

mg/100g

Calciumbiodisponible

Cabiodisponible

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Figure3-Processusprincipauxinfluençantlabalancedesélémentsauseindusol.CPP=croissancedesplantespérennes.

Dans lecasde la forêt-jardin les récoltesnesontpas importantes,beaucoupmoins intensivesquedansles2autresparcellesdelafermeduBecHellouin.Deplus,lalixiviation(lessivagedesélémentssousformedissoute)estcertainementréduiteparlaprotectionconstantedusolgrâceàlalitièreetgrâce aux prélèvements importants et en profondeur des arbres, arbustes, plantes herbacées etautres. La croissance des plantes pérennes ne doit pas influencer énormément la balance étantdonné que les arbres et arbustes sont déjà de taille mâture ou presque. Les exports sont doncglobalement limités, au contraire des deux autres parcelles de la ferme du Bec Hellouin où lesrécoltessonttrès importantesparunitédesurfacecultivée.Lesapportsserésument,quantàeux,aux retours d’éléments dans la litière via la chute des feuilles ainsi que via les exsudats et ladégradationdesracinesetà l’apport importantquiavaitétéfaità lacréationde la forêt-jardin. Ilssontdonclimitéségalementmaissuffisantspourquelabalancedesélémentssoitpositive(qu’ilyaitplusd’apportsqued’exports). Cequi conduit les solsde la forêt-jardin àdes teneursenélémentsbiodisponibles plus importants que la parcelle butte, malgré les apports de matière organiqueimportantsquecelle-cireçoit.

Lacapacitéd’échangecationique(CEC)La capacité d'échange cationique (CEC) représente le potentiel d'un sol à stocker des élémentsnutritifs chargés positivement (les cations tels que le Ca, le Mg, le K et le Na) sur le complexed’échange, c’est-à-dire la fraction de sol la plus en interaction avec l’environnement (surface desminérauxetdesmatièresorganiquesassociéesauxminéraux).Sioncomparelecomplexed’échangeà un frigo, la CEC est la taille de ce frigo. Plus la CEC sera grande, plus le sol pourra contenir denutriments. Les études réalisées sur la CEContmontré qu’elle est proportionnelle aux teneurs enargiledessolsainsiqu’auxteneursenmatièreorganique.

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Figure4–Lecarrérougereprésentelesvaleursmoyennesdelaparcelleenconventionnel,letrianglevertreprésentelesvaleursmoyennesdelapâtureetlesrondsbleusreprésententlesvaleursmoyennesdesparcellesdelafermeduBec

Hellouin.Lalignerougeestunerégressionpolynomialededegrédeuxréaliséesurl’ensembledecespoints.

Danslecadredecetteétude,aucunecorrélationentrelateneurenargileetlaCECn’apuêtremiseen évidence. Par contre, le graphique ci-dessusmontre bien l’influence des quantités de carboneorganique(etdoncdelamatièreorganique)surlesvaleursdelaCEC.Lamatièreorganiquesemblejouerunrôleplusimportantquelesargilesdanslefonctionnementdusol.

TauxdesaturationenbaseAufuretàmesurequ’unsol s’altèreets’acidifie, lesnutriments (Ca,Mg,KetNa)contenussur lecomplexed’échange(lefrigo)sontremplacéspardesionsacidesprotons(𝐻!)etaluminium(𝐴𝑙!!).Le tauxde saturationenbasesexprimequantà lui lepourcentageducomplexed’échangequiestoccupépardesbases(etdoncpaspardesionsacides).Onpeutcomparercetauxdesaturationenbasesauniveauderemplissagedufrigo.

Le taux de saturation en bases des 3 parcelles de la ferme du Bec Hellouin est de 100%. Ce quisignifiequelecomplexed’échangeestsaturéenbases(quelefrigoestplein).Celuidelaparcelleenagricultureconventionnelleestde95%tandisqueceluidelapâtureestde90%.Touteslesparcellesprésententdoncuntauxderemplissageassezélevé.Celaestdûàlaprésenceimportantedecalciumquiestlibérélorsdel’altérationdesminérauxrichesencetélément(roche-mèrecarbonatée).Si lapâture présente des valeurs de taux de saturation en bases moindres, c’est certainement dû àl’absenced’apportd’engrais,minérauxouorganiques,quiremplissentlecomplexed’échangelorsdeleurapplication.

y=-0,0073x2+0,9493x+1,8208R²=0,97038

0,00

5,00

10,00

15,00

20,00

25,00

30,00

35,00

40,00

0,00 10,00 20,00 30,00 40,00 50,00 60,00 70,00 80,00

CEC[m

eq/100g]

Concentra_onencarboneorganique[g/kg]

CECenfonc_ondesteneursencarboneorganique

Convenyonnel Pâture FermeduBec-Hellouin

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Figure5-LahauteurtotaledesbarresreprésentelavaleurdelaCEC.Laquantitédenutrimentsprésentedanslecomplexed’échange(danslefrigo)estégaleàlahauteurtotaledesbarresmoinslebleuclair(ionsacides).LetauxdesaturationenbasesestleratioentrelaquantitédenutrimentsdiviséeparlaCEC.K=Potassium(bleu);Mg=Magnésium

(rouge);Na=Sodium(vert);Ca=Calcium(mauve).

Le tableau ci-dessus donne la valeur de la CEC (hauteur totale de la colonne) et la nature deséléments qui remplissent le complexe d’échange. On voit que la parcelle en agricultureconventionnelle présenteun taux de saturation enbases (K,Mg,Na et Ca) important (le frigo estrempli)maisuneCECbeaucoupmoinsimportantequedanslesautresparcelles(lefrigoestpetit).Cedernierpointestdûauxconcentrationsencarboneorganique(matièreorganique)beaucoupmoinsimportantesdanscetteparcellequedanslesautres(voirplusbas).Onvoitégalementquelaquasi-totalitéducomplexed’échangeestoccupéparducalcium(𝐶𝑎!!). Ilestcourantderencontrerdessituationssemblablesdanslessolsnonacidifiés.

LaquantitédecarboneorganiqueAfindepouvoircomparerlesstocksdecarboneorganiquedanslessols,ilestnécessairedecalculerla densité des sols échantillonnés. En effet, lesmesures des concentrations en carbone organiquedonnentlesquantitésparunitédemassedusol.Pourestimerlesstocksdecarboneorganiquedansunsol, il fautdoncconnaître lamassedusoldans laprofondeuréchantillonnée.Lecalculdecettedensitéapparentedoitégalementexclurelachargecaillouteusequin’intervientpasdanslestockageducarbone.Unefois lesdensitéscalculées, ilsuffitdemultipliercelles-cipar lesconcentrationsencarboneorganiquepourobtenirlesstocks.

Comme on pouvait le supposer avant les mesures, les pratiques de la ferme du Bec Hellouinfavorisent bel et bien le stockage de carbone organique dans les sols. L’histogramme ci-dessousmontrelesvaleursdecesstockscalculéespourles10premierscentimètresdessolséchantillonnés.

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Convenyonnel Pâturage Forêt-jardin Buze Planche

Permaculture

meq

/100g

CECettauxdesatura_onenbases

KCEC MgCEC NaCEC CaCEC ionsacides

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Figure6-Lesbarresvertesreprésententlesvaleursmoyennesdesstocksdecarboneorganiqueprésentsdanslesoldesparcellesétudiées.Lesintervallesnoirsreprésententlesintervallesdeconfiancesdecesmoyennes.

Onvoitquelestockdelaparcelleenagricultureconventionnelleestnettementinférieurauxstocksdesautresparcelles (avecunevaleurplusde5 fois inférieureàtoutes lesparcellesde la fermeduBec Hellouin).Deplus, lestockde lapâtureestégalement inférieurauxstocksdesparcellesde lafermeduBecHellouin.Celaestplusétonnantétantdonnéquelalittératurescientifiqueàtendanceàmontrerquelepassagedumilieunaturel(forêtoupâture)àdessurfacescultivéess’accompagned’unediminutiondesstocksdecarboneorganique.EnconsidérantquelesparcellesdelafermeduBecHellouinétaientàl’étatdepâtureavantleurmiseenculture,lespratiquesdelafermeontdoncentraîné une accumulation du carbone organique, contrairement à la tendance générale des solscultivés.

En prenant en compte l’année demise en culture de chacune des parcelles de la ferme, on peutcalculer lestauxdestockagedecelles-ci.Laforêt-jardinprésenteuntauxdestockagede1,57Tdecarboneorganiqueparhectarecultivéetparan,soituneaugmentationannuellemoyennedustockde2,96%,soitplusde7fois l’objectifdes«4pourmille».Laparcellebutteprésentequantàelleuneaugmentationdutauxdestockagemassiquede2,93Tdecarboneorganiqueparhectarecultivéet par an, soit une augmentation annuelle moyenne du stock de 5,16%, soit presque de 13 foisl’objectif des «4 pourmille». La parcelle plancheprésente le taux de stockage le plus importantétantdonnéquelestockdecarboneorganiqueyestleplusimportant,etcemalgréladatedemiseencultureplusrécente.Letauxdestockagemassiqueannuelestde5,90Tdecarboneorganiqueparhectarecultivé, soituneaugmentationannuellemoyennedustockde10,41%, soitplusde26 foisl’objectif des «4 pour mille». Les pratiques de la ferme présentent donc un fort potentiel destockagedecarboneorganiquedanslessols.

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Convenyonnel Pâture Forêt-jardin Buze Planche

FermeduBec-Hellouin

tonn

esdecarbon

eorganiqu

e/he

ctarecul_vé

Stocksdecarboneorganique

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FormessouslaquellelecarboneorganiqueeststockéAu-delà de la vérification que ces pratiques augmentent les stocks de carbone organique, il estégalement important de vérifier sous quelle forme ce carbone est stocké. En effet, si le carboneorganique stocké n’est pas, ou peu, protégé chimiquement (par adsorption sur les minéraux) ouphysiquement (par occlusion dans les agrégats), il risque de se minéraliser (d’être libéré dansl’atmosphèresousformede𝐶𝑂!)àlamoindreperturbation.

Pourcefaire,leséchantillonsontétéséparésenplusieursfractionsselonuneméthodebiendéfinie.Lapremièreétapedecetteséparationconsisteenuntamisagehumideà250µmpuisà50µm,cequisignifie qu’on immerge et ressort le tamis 50 fois dans de l’eau déminéralisée afin de briser lesparticuleslesmoinsrésistantes.Celapermetdeséparerlesmacroagrégatsdesmicroagrégatslibres(non-contenusdans lesmacroagrégats)ainsiquedes limonsetargiles libres.Cettepremièreétapeestreprésentéeparlesflèchesnoiresduschémaci-dessous.

Figure7-Etapesetfractionsdufractionnementdesmatièresorganiques.Lesflèchesnoiresreprésententlapremièreétapedufractionnement(voirtexte),lesflèchesbleuesreprésententlasecondeétapedufractionnement(voirtexte).

Lasecondeétapeconsisteàbriserlesmacroagrégatsenlespercutantavecdespetitesbillesdeverredans de l’eau déminéralisée. Cette destruction des macroagrégats est suivie à nouveau d’untamisage humide à 250 µm puis à 50 µm. Cela permet de séparer les matières organiquesparticulaires,c’est-à-direlesgrossesparticulesdematièreorganiquepeudégradéesetpeuassociéesà lamatriceminérale,desmicroagrégatsprotégés(occlusdans lesmacroagrégats)etdes limonsetargilesprotégés(égalementocclusdanslesmacroagrégats).Cettesecondeétapeestreprésentéeparlesflèchesbleuesduschémaci-dessus.

Ces6différentesfractionsontensuiteétépeséesetlesconcentrationsencarboneorganiqueontétémesuréesdansles3fractionsprincipales(découlantdelapremièreétapedelaséparation),ainsiquedans la fractiondesmicroagrégatsprotégés.Cequiapermisdecalculer la répartitiondu stockdecarboneorganiquedanschacunedecesfractions.

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Figure8-Moyennesdespoidsdecarboneorganiquedanslesfractionsprincipalesainsiquedanslesmicroagrégatsprotégés.Lesintervallesnoirsreprésententlesintervallesdeconfiancedecesmoyennes.

Legrapheci-dessusmontre les résultatsdecetterépartitiondesstocksauseindechaqueparcelleétudiée.Onvoittoutd’abordquelafractionquiprésentelesstockslesplusvariablesestlafractiondesmacroagrégats(enbleu).Làoùlaparcelleenagricultureconventionnelleprésenteunevaleurde2,16 g/kg, les parcelles buttes et planche présentent des valeurs supérieures à 30 g/kg. Cetteimportante variabilité semble confirmer le fait que la fraction des macroagrégats (= matièreorganique protégée physiquement) est particulièrement sensible aux perturbationsenvironnementales/pratiquesagricolescommeilaétéditplushaut.

Acontrario, lafractiondes limonsetargiles libres(vert)présente lavariabilité lamoins importante(de 2,15 g/kg à 4,91 g/kg). Lesmatières organiques présentes dans cette fraction sont fortementliéesàlamatriceminéralepardiversprocessusd’adsorption,ellessontprotégéeschimiquement.Iladéjàétéobservédansplusieursexpériencesquecetteformedeprotectionestmoinssensible,plusrésistanteauxperturbations.Dèslors,unsolquiperddelamatièreorganiqueverrad’abordcellequiestprotégéephysiquement(fractionsdesmacroagrégatspuisdesmicroagrégats)diminueravantdevoircelleprotégéechimiquement(fractiondeslimonsetargileslibres)diminuer.Inversement,unsolquivoitsonstockdematièreorganiqueaugmenteraccumulerad’aborddanslafractiondeslimonsetargiles,puisdanslafractiondesmicroagrégats,puisdanslesmacroagrégats.SilesparcellesdelafermeduBecHellouinainsiquelapâtureneprésententpasdesstocksdanslafractiondeslimonsetargiles plus importants que dans la parcelle en agriculture conventionnelle, c’est parce que cettefractionestdéjàsaturée.Onvoitdoncquesicettefractionàl’avantagedeprotégerintensémentlamatièreorganique,ellemontrecependantunecapacitédestockagelimitéeetbienmoindrequelesfractionsdeplusgrandetaille.

Parrapportàlapâture,l’accumulationdecarboneorganiquequialieudanslesparcellesdelafermeduBecHellouinsefaitpourainsidireexclusivementdanslafractiondesmacroagrégats,engrande

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Convenyonnel Pâture Forêt-jardin Buze Planche

FermeduBec-Hellouin

PoidsdeCorgdanslesdifférentesfrac_ons

Macroagrégats(>250µm) Microagrégatslibres(50à250µm)

Limonsetargileslibres(<50µm) Microagrégatsprotégés(50à250µm)

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partiesousuneformepeuassociéeàlamatriceminérale.Celasignifiequecettematièreorganiqueaccumulée supplémentaire sera assez sensible aux perturbations environnementales, comme leréchauffementdestempératuresparexemple.Ilestégalementimportantdenoterqueplusde30%del’accumulationdematièreorganiquedanslesmacroagrégatsseretrouvedanslesmicroagrégatsprotégés.Celasignifiequelespratiquesdelafermepermettentunturnoversuffisammentlent(uneduréedeviesuffisammentlongue)desmacroagrégatspourpermettrelaformationdemicroagrégatsprotégésauseindeceux-ci.Cespratiquesontdoncuneffetpositifsur laprotectionphysiquedesmatièresorganiques.Acontrario, laquasi inexistencedestockauseindesmicroagrégatsprotégésdanslaparcelleenagricultureconventionnellemontrequelespratiquesquiysontimplémentéesnepermettentpaslaformationdemicroagrégatsprotégés.

Unautrepointàmettreenévidenceestlestockmoinsimportantdanslafractiondesmicroagrégatslibresdanslesparcellesenpermaculturequedanslapâture.Celapeutsemblercontre-intuitifétantdonnéquelesparcellesdelafermereçoiventdesquantitésdematièreorganiqueplusimportantesquelapâture.Celapeutpeut-êtres’expliquerparlefaitquelesapportsdematièreorganiquesonttellement importants sur les parcelles de la ferme que l’activité biologique y est excessivementboostée,d’unpointdevuedustockagedelamatièreorganiquedanslessolsdumoins.Dèsqu’unesituationdecarenceenmatièreorganiquefraîcheapparaît,mêmedemanièrelocale,ilestpossibleque lesmicro-organismes semettent alors à consommer les liensqui stabilisent lesmicroagrégatslibres (polysaccharides), comme source d’énergie. Leur stabilité diminue alors et entraîne à longtermeunediminutiondes stocksdans cette fraction. Si cettehypothèse se révélait véridique, celasignifierait qu’une diminution des apports dematière organique pourrait peut-être entraîner uneaugmentationdesstocksprotégésphysiquement.

V. Conclusion

L’étudedessolsde lafermeduBecHellouinet lacomparaisonavecunepâtureetuneparcelleenagricultureconventionnelleontdonnédesrésultatsclairsetmarqués.Toutd’abord,lespratiquesdela ferme du Bec Hellouin ont un effet positif sur la fertilité du sol. Les quantités d’élémentsbiodisponiblesysontbeaucoupplusimportantesquedanslaparcelleenagricultureconventionnelleetlaparcellepâture.Deplus,laCEC(capacitéd’échangecationique)yestégalementbeaucoupplusimportante que dans la parcelle en agriculture conventionnelle. Elle n’est toutefois pas différentequedanslapâture.Parcontre,letauxdesaturationenbasesestplusimportantdanslesparcellesdela fermeduBecHellouinquedans laparcellepâture.Dans tous lescas, cela semblepermispar lagestiondesrésidusdecultureet lesapportsdematièreorganique fraîchesur lessolsde la ferme.Cespratiquesproposentdoncunmoyend’amenerlessolsàunexcellentétatdefertilitétoutenprônantl’utilisationexclusivedefertilisantsorganiques.

D’autrepart, lespratiquesde la fermemontrentun fortpotentield’augmentationdes stocksdecarboneorganiquedans lessolsavecdes tauxdestockageallantde7à26 fois l’objectifdes«4pourmille»dans les10premiers centimètresde sol et cemalgrédes concentrationsencarboneorganiquedanslessolsdéjàimportantesavantlamiseenplacedescultures.Acontrario,lesoldelaparcelle en agriculture conventionnelle présente des concentrations en carbone organique

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particulièrementbasses,cequiestenaccordaveclatendancegénéraleobservéedanslessolsgéréssuivantcespratiques.

Les quantités de carboneorganique accumuléesdans les parcelles de la fermeduBecHellouin seretrouventenmajoritésousformedematièreorganiqueparticulaire,cequisignifiequecesstocksseront sensibles aux perturbations environnementales éventuelles. Toutefois, une partie de cesstocksaccumulésseretrouventauseindesmicroagrégatsprotégés.Cequisignifieque,d’unepart,lespratiquesentraînentuneduréedeviedesmacroagrégatssuffisammentlonguepourpermettrelaformationdemicroagrégatsprotégés. Etque,d’autrepart, cespratiques favorisent la stabilisationphysiquedesmatièresorganiques.

Loind’avoir laprétentiond’évaluer lapertinencede l’entièretédusystèmeproposépar lafermeduBecHellouin,cetteétudemontretoutefoisque lespratiquesquiysont implémentéesontunfort potentiel bénéfique sur l’état des sols et sur l’augmentation des services écosystémiquesrendusparceux-ci.

Afindepouvoirévaluerlesystèmeselonunegrilledelecturepluscomplète,ilseraitintéressant:

• D’analyserlecycledeviedesmatièresorganiquesexternesapportéesauxsolsdelaferme.Eneffet,ilfaudraitestimersilesquantitésapportéesseraientsoutenablesdanslecasoùlemodèleproposéparlafermeduBecHellouinsegénéralisait.

• D’analyser les lixiviats sous les parcelles cultivées afin de s’assurer que les niveaux defertilitéetlesapportsimportantsn’entraînentpasunepollutiondesnappesphréatiques.

• D’étudier les effets d’unediminutiondes apportsdematièreorganiquedans lesparcellesplanche et butte afin de vérifier si les quantités de matière organique protégéesphysiquementaugmenteraientbeletbiencommecelaaétésuggéréplushaut.

• Demanièreplusgénérale, ilserait intéressantdevérifierqueladiminutiondesapportsdematière organique, en particulier sur les parcelles planche et butte, entrainerait uneréductiondesbénéficesengendrésparcesapports.Eneffet,ilestpossiblequemêmeavecuneréductiondesapports,lesoldecesparcellesprésentedesqualitésagronomiquesetdesstocksdecarboneorganiqueaussiimportants.

Ainsiseulement,etenassociantlesrésultatsdecetteétudeauxrésultatsdesautresétudesquiontdéjà été réalisées et seront réalisées sur la ferme du Bec Hellouin, nous pourrons évaluer avecjustesse lapertinencedecesystèmeetsonpotentielàapporterdessolutionsauxproblématiquesquenoustraversonsettraverserons.