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Note de présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

Sujets des info-synthèses

L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Deux réalités : l’école francophone et le programme d’immersion française . . . . . . . . . . . . . . 7

Le rôle de l’école francophone en milieu minoritaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Langue/culture/identité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

Le bilinguisme additif et le bilinguisme soustractif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

L’assimilation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21

Le rôle des intervenantes et des intervenants en francisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25

Les modèles d’intervention en francisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

L’approche communicative-expérientielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

L’approche stratégique-constructiviste . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

L’apprentissage coopératif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

La pédagogie différenciée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

L’erreur dans l’apprentissage d’une langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

Les littératies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

La francophonie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53

Annexes

Annexe A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58

Annexe B . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

Table desmatières

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Note de présentation

La présente composante de la trousse de formation, intitulée Info-synthèses, vise à élargir et àexaminer des sujets relatifs à la francisation et au milieu minoritaire. Elle présente un aperçu dechaque sujet en vulgarisant certains concepts et certaines questions et en les mettant en contexte.Elle propose également des références pour approfondir le sujet.

La composante permet ainsi d’appuyer l’exploration des trois domaines : S’approprier son milieu pourmieux intervenir, Pratiques pédagogiques en francisation et Partenariat école-foyer-communauté.

L’enseignante peut ainsi

• affiner ses connaissances en francisation, préciser certains enjeux de la problématique;

• se construire des références;

• disposer de points de repère pour réfléchir sur sa pratique pédagogique, sur son milieud’intervention et sur la francisation;

• se questionner sur les pratiques pédagogiques à privilégier en francisation;

• se positionner par rapport à la francophonie en milieu minoritaire.

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L’article 23 de la Charte canadiennedes droits et libertés

Contexte historique

Les francophones du Canada hors Québec partagent une longuehistoire mouvementée quant à l’accès à une éducation de qualitéen français. L’enseignement en français n’est pas une nouveautédans les milieux francophones minoritaires car il existait déjà des écoles de langue française bien avant la création de laConfédération en 1867. Ce n’est cependant qu’en 1982, avecl’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, que la Constitution canadienne a reconnu aux minorités linguistiquesle droit de faire instruire leurs enfants dans leur propre langue(voir le texte intégral de l’article 23 en Annexe A).

Les ayants droit à l’éducation française

L’article 23 stipule qui a droit à l’éducation française. Pour pouvoir se prévaloir de ce droit, il faut être citoyen canadien, être parent et

1) avoir appris le français comme première langue et le comprendre encore; ou

3) avoir fréquenté une école primaire en français au Canada; ou

4) avoir un enfant qui a reçu ou reçoit son éducation primaire ou secondaire en français au Canada.

L’article 23 accorde donc aux parents en milieu minoritaire une garantie constitutionnelle relative à la langue d’instruction de leurs enfants.

L’exemple suivant illustre, dans un cas concret, la notion d’ayant droit :

Pamela, six ans, est admise en première année à l’école francophone. Elle ne parle pas français.Son père Steve a fait les quatre premières années de son instruction primaire dans une écolefrancophone, mais il vit en anglais depuis l’âge de 9 ans. Il trouve le français très difficile et tient d’ailleurs à parler anglais en famille par égard pour son épouse Shirley.

Steve est un ayant droit et sa fille Pamela est admissible à l’éducation française. Par conséquent,Pamela deviendra ayant droit. Ses enfants pourront être inscrits dans une école francophone.

Cet exemple illustre également pourquoi certains élèves parlent peu ou ne parlent pas français dansdes classes d’écoles francophones en milieu minoritaire : la connaissance du français par l’élève neconstitue pas, aux termes de l’article 23, un critère d’admissibilité en soi.

Jurisprudence liée à l’article 23 pour les communautés francophones

Un jugement de la Cour suprême du Canada (1990) affirme que l’article 23 a trois fonctionsessentielles quant à la protection de la langue et de la culture des minorités de langues officielles :

• l’épanouissement des langues officielles;

• la remédiation de l’érosion des minorités;

• la création de structures institutionnelles.

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Les communautés francophones et acadienne se sont donc appuyées sur l’article 23 pour établir un système éducatif qui leur est spécifique et qu’ils ont le droit de gérer. Par ailleurs, des jugementssuccessifs de la Cour suprême du Canada (Alberta en 1990; Manitoba en 1993; Colombie-Britanniqueen 1996; Île-du-Prince-Édouard en 2000) ont aidé à cerner la nature de l’éducation française enmilieu minoritaire.

L’article 23 et les jugements qui en ont découlé contribuent donc au maintien et au développementde la langue et de la vitalité linguistique et culturelle dans les communautés francophones auCanada.

Quelques défis

L’article 23 a également ouvert les portes de l’école francophone à des élèves ayant des compétencestrès inégales en français. Un grand nombre de ces élèves sont des enfants issus de mariagesexogames où l’un des parents ne parle pas français. Cette grande diversité de bagage linguistique et culturel au sein de l’école francophone, voire d’une même classe, pose des défis pédagogiques.

Pour beaucoup d’élèves en milieu minoritaire (p. ex. : Pamela dans le cas cité plus haut), l’écoleconstitue le seul endroit où se vit l’expérience du français. En effet, dans bien des cas, on ne parlepas français à la maison et, de plus, la communauté dans laquelle ces enfants vivent ne jouit pasd’une vitalité linguistique et culturelle suffisante pour leur permettre de réellement maîtriser lalangue.

Les élèves de l’école francophone, et plus particulièrement les élèves en francisation, ont besoind’un climat scolaire et communautaire qui valorise la langue française et leur donne l’occasion dedévelopper un sentiment d’appartenance et d’identité francophone. Le défi est à la mesure del’enjeu!

Sources consultées

CANADA. COUR SUPRÊME. Mahé et al. c. Sa Majesté, la Reine du Chef de la Province de l’Alberta, le 15 mars 1990.

COMMISSARIAT AUX LANGUES OFFICIELLES. La gestion scolaire : la mise en œuvre de l’article 23 de la Charte, Ottawa, Ministère des travaux publics et services gouvernementaux, 1998.

GOUVERNEMENT DU CANADA. La Charte des droits et libertés : guide à l’intention des Canadiens. The Charter of Rights and Freedoms, Guide for Canadians, 1982.

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Pour en savoir plus

ADAM, D. « La mission de l’instruction dans la langue de la minorité », Allocution prononcée devantles États généraux sur la petite enfance, [en ligne], 2000, [www.ocol-clo.gc.ca/archives/sp_al/2000/2000-01-29_f_1.htm], (octobre 2002).

La Commissaire aux langues officielles présente la mission de l’instruction dans la langue de la minorité que la Cour suprême du Canada a définie dans ses décisions. Elle explique de quelle façon l’article 23 vise à remédier à l’érosion progressive de la langue française et des communautés francophones. Elle souligne l’importance de la mise en œuvre de cetarticle pour l’épanouissement des communautés francophones au Canada et affirme que les gouvernements doivent fournir l’appui nécessaire pour atteindre le but de l’article 23.

MARTEL, A. Droits, écoles et communautés en milieu minoritaire : 1986-2002, Analyse pour unaménagement, Ottawa, Commissariat aux langues officielles, 2001.

Ce document analyse l’évolution des effectifs des écoles francophones et les défis durecrutement, surtout depuis la mise en œuvre de l’article 23. L’école jouant un rôle centraldans le développement des communautés minoritaires, la mobilisation de divers acteurs est cruciale : les dirigeants politiques, les conseils scolaires francophones, les chefs de file des communautés francophones, les professionnels de l’éducation et, surtout, les famillesdoivent être conscientisés à l’importance de la transmission du français d’une génération à l’autre.

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Deux réalités : l’écolefrancophone et le programmed’immersion française

Deux raisons d’être

L’école francophone diffère, malgré certainesressemblances, du programme d’immersionfrançaise. Leur mission respective etl’environnement dans lequel ils se trouventpermettent de les différencier.

L’école francophone, qui valorise le français dans son statut de langue première, vise à développerun élève francophone, bilingue. L’école francophone doit non seulement assurer l’apprentissage de la langue française, mais aussi engager les élèves dans un processus de construction culturelle etidentitaire.

Les trois grands objectifs de l’école francophone en milieu minoritaire sont :

• la maîtrise de la langue française;

• la construction d’une identité francophone positive;

• l’acquisition des savoirs essentiels au développement de la vitalité linguistique et culturelle descommunautés francophones.

L’immersion, quant à elle, a pour principal objectif la communication dans les deux languesofficielles. Plus précisément, il s’agit d’un programme intensif de langue seconde, qui permet auxélèves d’apprendre le français en étudiant un certain nombre de matières en français. L’immersiondonne aux élèves non francophones l’occasion de devenir fonctionnellement bilingues, tout endéveloppant leur appréciation de la langue française et des cultures francophones.

Des clientèles différentes

L’école francophone en général et la francisation en particulier s’adressent aux enfants des ayantsdroit tels que définis par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le français y estenseigné comme langue première, avec un accent particulier sur la construction culturelle etidentitaire.

Les programmes d’immersion, eux, sont destinés à une clientèle d’élèves appartenant au groupelinguistique majoritaire (anglophone) et à d’autres groupes linguistiques.

Fondement juridique et gestion

Dans la plupart des provinces et territoires, aucune loi n’oblige un conseil scolaire à offrir unprogramme d’immersion, quel que soit l’effectif potentiel. Par contre, les parents francophonespeuvent exiger l’établissement d’une école francophone, là où le nombre de demandes d’inscriptionle justifie.

Depuis que les francophones détiennent la gestion de leurs écoles, des conseils scolairesfrancophones établissent les politiques, les programmes et les ressources pour les écolesfrancophones, alors que, pour les programmes d’immersion, les décisions sont prises au niveau des conseils scolaires anglophones.

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Deux milieux d’apprentissage

À l’école francophone, le français est non seulement la langue d’enseignement mais aussi la languede communication. C’est un milieu qui a des caractéristiques spécifiques, dont le personnel estfrancophone, et dont les activités parascolaires se déroulent en français. Très souvent, l’écolefrancophone est située dans un bâtiment qui lui est propre. L’école francophone est donc un lieu où se développe une vitalité linguistique culturelle.

L’immersion, elle, offre dans la plupart des cas un milieu d’apprentissage bilingue. Souvent en effet,les élèves en immersion reçoivent leur enseignement dans un établissement où d’autres élèves sontinscrits à un programme scolaire en anglais. La langue de communication est l’anglais, en particulieravec les parents.

École–foyer–communauté : deux types de partenariat

À l’école francophone, il est important, surtout en francisation, d’établir une étroite collaborationentre l’école et le foyer afin d’encourager l’élève à s’exprimer en français, à adopter une attitudepositive envers la langue et à développer un sentiment d’appartenance à la communautéfrancophone. Ainsi, le foyer et l’école travaillent conjointement à amener l’élève à la pleineréalisation de soi en tant que francophone.

L’école francophone doit veiller à établir et maintenir une collaboration fructueuse non seulementavec le foyer mais avec toute la communauté. L’école n’est pas seulement celle de l’élève, elle estaussi celle du foyer et de la communauté. Les institutions culturelles et communautaires s’associentactivement, autant que possible, à la mission culturelle de l’école en y engageant des ressources etdes activités.

À l’école francophone, c’est souvent le personnel enseignant (au sens large du terme) qui établit etentretient un esprit de partenariat entre la communauté et l’école, alors que le mandat du personnelenseignant en immersion porte surtout sur l’animation qui peut se faire en classe, dans l’école voireà l’extérieur de celle-ci.

Le rôle des parents diffère également suivant que leurs enfants sont inscrits dans une écolefrancophone ou dans un programme d’immersion française. En immersion, les parents appuientl’apprentissage du français langue seconde. Par contre, à l’école francophone, la famille contribue àla vitalité linguistique et culturelle du milieu scolaire pour aider l’élève à se construire une identitéfrancophone.

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Synthèse générale

Le tableau ci-dessous résume de façon schématique quelques différences entre l’école francophone et le programme d’immersion française.

École francophone

• maîtrise du français langue première

• construction culturelle et identitaire

• sentiment d’appartenance à la communauté francophone

• élèves admissibles selon lestermes de l’article 23 de la Chartecanadienne des droits et libertés

• élèves appartenant au groupelinguistique minoritaire(francophone)

• gérée par un conseil scolaire francophone

• obligation d’offrir ce programmescolaire là où les nombres lejustifient

• milieu ayant des caractéristiquesspécifiques (p. ex. : personnelfrancophone, activitésparascolaires en français)

• les parents contribuentactivement à la missionlinguistique et culturelle de l’école

• la communauté s’associeactivement à la missionlinguistique et culturelle de l’école

Programme d’immersion française

• bilinguisme fonctionnel

• appréciation de la languefrançaise et des culturesfrancophones

• élèves en général non francophones

• élèves appartenant au groupelinguistique majoritaire(anglophone)

• géré par un conseil scolaire anglophone

• dans la plupart des instances, pasd’obligation d’offrir ce programme

• milieu scolaire souvent partagéavec un programme en anglais

• les parents, en général nonfrancophones, appuientl’apprentissage du français

• la communauté francophone et francophile sert de ressourcepour l’enseignement de la langueseconde

Raison d’être

Clientèle

Fondementjuridique et gestion

Milieud’apprentissage

Rôle des parents, de lacommunauté

(Adaptation de FEPA, 2001, p. 30)

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Sources consultées

ALBERTA LEARNING. Affirmer l’éducation en français langue première, fondements et orientations, lecadre de l’éducation francophone en Alberta, Edmonton, Direction de l’éducation française, 2001.

ASSOCIATION CANADIENNE DES PROFESSEURS D’IMMERSION. L’immersion et l’interculturalisme :ouverture à la francophonie et aux autres cultures, Nepean, Association canadienne desprofesseurs d’immersion, 1995.

BORDELEAU, L.G. « L’immersion et l’éducation en langue maternelle française : ressemblanceapparente, différence fondamentale », Éducation et Francophonie, vol. XX, no 1, p. 24-29, 1992.

GENESEE, F. Learning Through Two Languages, Studies of Immersion and Bilingual Education,Cambridge, Massachusetts, Newbury House Publishers, 1987.

GROUPE DE TRAVAIL SUR LA CULTURE FRANCOPHONE EN COLOMBIE-BRITANNIQUE. L’école française,un habitat de culture, Victoria, Prin Communications, 1993.

MANITOBA. ÉDUCATION ET FORMATION PROFESSIONNELLE. Politique curriculaire pour le Programmed’immersion française, Winnipeg, Division du Bureau de l’éducation française, 2e éd., 1999.

REBUFFOT, J. Le point sur l’immersion au Canada, Anjou, Centre Éducatif et Culturel inc., 1993.

Pour en savoir plus

ALBERTA EDUCATION ET FÉDÉRATION DES PARENTS FRANCOPHONES DE L’ALBERTA. Tu peux comptersur moi, guide à l’intention du parent pour l’accompagnement de l’enfant dans son éducation enfrançais langue première, Edmonton, Direction de l’éducation française, 1998.

Ce guide à l’intention des parents brosse un tableau de l’école francophone en Alberta,depuis les origines de l’éducation française jusqu’à des témoignages d’élèves et de parents,en passant par le rôle des parents, la culture et le partenariat école/foyer. Le premierchapitre aborde spécifiquement les différences entre l’école francophone et le programmed’immersion française.

FONDATION D’ÉDUCATION DES PROVINCES ATLANTIQUES (FEPA). Actualisation linguistique, guide àl’intention du personnel enseignant, Laval, Groupe Beauchemin, éditeur ltée, 2001.

Ce guide, qui vise à promouvoir l’école francophone au Canada atlantique, décrit les défis de l’actualisation linguistique (la francisation), présente un guide d’activités, suggère despistes pour établir des liens entre l’école et la famille et propose une vaste bibliographieannotée. Il aborde spécifiquement le bilinguisme, l’assimilation et les différences entre lafrancisation et le programme d’immersion française.

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Le rôle de l’écolefrancophone en milieuminoritaire

Mise en contexte

La famille, l’école et l’église ont toujoursjoué un rôle important dans le maintien de la langue et de la culture françaises auCanada. C’est grâce à ces trois institutions,

dans une très large mesure, que la langue et la culture se sont transmises d’une génération à l’autre.Dans les dernières décennies cependant, l’église a progressivement perdu de son influence.Parallèlement, l’évolution économique a amené une grande partie de la population francophone à s’établir dans des centres urbains, où l’influence de l’anglais et de la culture de masse estomniprésente. Cette influence a été renforcée par le développement des technologies del’information et de la communication. En outre, le nombre croissant de mariages mixtes aconsidérablement réduit l’influence de la famille comme lieu principal de transmission linguistiqueet culturelle. Dans un tel contexte, l’école a un rôle très important à jouer dans les apprentissageslangagiers et la construction culturelle et identitaire des jeunes francophones en milieu minoritaire.

Un rôle langagier, culturel et identitaire irremplaçable

Le rôle de l’école francophone en milieu minoritaire dépasse celui d’une école en milieu majoritaire :outre les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être habituellement développés par le système scolaire,l’école francophone en milieu minoritaire doit développer les savoir-vivre ensemble et les savoir-devenir nécessaires à la préparation des gens qui assureront l’avenir des communautés francophones.

L’école francophone en milieu minoritaire doit faire en sorte que l’élève utilise le français nonseulement pour communiquer de façon efficace dans la vie courante et scolaire, mais aussi pourpenser, pour apprendre, pour être critique par rapport à ce qu’il vit et à ce qu’il est, pour seconstruire une identité, pour se créer un espace culturel, pour aménager un territoire, pour exercerun pouvoir d’initiative et pour prendre en main son propre développement. Ce rôle langagier,culturel et identitaire de l’école francophone est affecté d’un enjeu important : former des « bâtisseurs » capables d’assurer la vitalité future des communautés francophones.

École, foyer, communauté : un partenariat nécessaire

Pour assumer pleinement son rôle, l’école en milieu minoritaire doit nécessairement travailler enpartenariat étroit avec le foyer et la communauté. Chacun de ces trois partenaires a certes un rôlespécifique à jouer, mais l’interaction entre les trois crée une dynamique qui a des effets à plusieursniveaux :

• le français se vit à l’école, au foyer et dans la communauté;

• intégrée à sa communauté, l’école est animée par un projet éducatif sous-tendu par des butsqu’elle partage avec la communauté. L’école devient ainsi un outil de développement de la vitalitélinguistique et culturelle d’une communauté;

• l’élève développe un sens d’appartenance à sa communauté;

• l’élève se construit une représentation de la langue comme étant une pratique sociale qui luipermet d’établir un rapport au monde.

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Quelques implications pédagogiques

C’est le rôle langagier, culturel et identitaire assigné à l’école francophone en milieu minoritaire qui est,dans une très large mesure, à l’origine des structures scolaires francophones qui ont été établies dansles années 90. Il importe désormais d’investir pleinement celles-ci d’une vision pédagogique qui soittotalement orientée sur l’épanouissement langagier, culturel et identitaire des élèves.

Par conséquent, l’école francophone doit offrir aux élèves un milieu culturel, un climat d’apprentissageet des situations d’apprentissage qui leur permettent

• de développer une maîtrise de la langue française;

• de développer un sens de l’initiative, de la responsabilité et de l’autonomie;

• de s’engager dans un cheminement culturel et identitaire;

• d’acquérir les savoirs essentiels au développement linguistique et culturel de communautésfrancophones.

Sources consultées

ALBERTA LEARNING. Affirmer l’éducation en français langue première, fondements et orientations, le cadre de l’éducation francophone en Alberta, Edmonton, Direction de l’éducation française, 2001.

CAZABON, B. « De la mission culturelle de l’école et de la pédagogie du français langue maternelle »,Canadian Ethnic Studies / Études ethniques du Canada, vol. XXV, no 2, p. 52-64, 1993.

CANADA. COUR SUPRÊME. Mahé et al. c. Sa Majesté, la Reine du Chef de la Province de l’Alberta, le 15 mars 1990.

CONSEIL DES MINISTRES DE L’ÉDUCATION (CANADA). La francisation : pour un état des lieux, Toronto,CMEC, 2002.

GÉRIN-LAJOIE, D. « L’école minoritaire de langue française et son rôle dans la communauté », The Alberta Journal of Educational Research, vol. XLII, no 3, p. 267-279, 1996.

GROUPE DE TRAVAIL SUR LA CULTURE FRANCOPHONE EN COLOMBIE-BRITANNIQUE. L’école française,un habitat de culture, Victoria, Prin Communications, 1993.

Pour en savoir plus

CAZABON, B. « L’enseignement en français langue maternelle en situations de minorité », Revue des sciences de l’éducation, vol. XXIII, no 3, p. 483-508, 1997.

Cet article a pour objet de dresser un tableau de l’enseignement en français languematernelle en situations de minorité. Quatre volets composent ce tableau : languematernelle et minorité, les aménagements linguistiques, didactique du français languematernelle et minorité, les standards de compétences linguistiques.

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Langue/culture/identité

Langue/culture/identité : au cœur du projetéducatif des écoles francophones en milieuminoritaire

L’école francophone, qui valorise le françaisdans son statut de langue première, vise

• la maîtrise de la langue française;

• la construction d’une identité francophonepositive;

• l’acquisition des savoirs essentiels audéveloppement de la vitalité linguistique etculturelle des communautés francophones.

La dimension culturelle et identitaire revêt une importance capitale dans les apprentissages enmilieu minoritaire, dans la mesure où elle concerne la langue elle-même, conçue comme un vecteurde personnalisation et de socialisation.

Fonctions de la langue dans l’école francophone

Dans l’école francophone en milieu minoritaire, la langue a quatre fonctions :

• instrument de communication : l’élève l’utilise pour recevoir et transmettre des messages, pour partager ses opinions, ses sentiments, ses émotions, ses expériences, à l’oral et à l’écrit ;

• outil de structuration de la pensée : l’élève l’utilise pour explorer, nommer, verbaliser, se représenter la réalité qui l’entoure et, ainsi, s’approprier cette réalité;

• outil d’apprentissage : l’élève l’utilise pour donner du sens à ses apprentissages, pour élargir etaffiner sa compréhension de la réalité qui l’entoure, pour réaliser de nouveaux apprentissages etpour améliorer sa pratique de la langue elle-même;

• vecteur de construction culturelle et identitaire : l’élève l’utilise pour se construire un répertoirede références associées à la langue (p. ex. : chansons, jeux, loisirs, divertissement, plaisir,découverte, interactions), pour s’approprier les valeurs culturelles qu’elle véhicule, pour vivre des expériences riches qui lui permettront de développer son rapport au monde.

La langue française devient donc pour l’élève un facteur qui lui permet d’être lui-même, d’interagiravec autrui, de conceptualiser et d’établir un rapport au monde : c’est ainsi que l’élève s’affirme entant que personne.

Culture et processus de construction culturelle et identitaire

En 1982, l’UNESCO présentait une définition très large de la culture (La francisation : pour un étatdes lieux, 2002, p. 7) :

« Dans son sens le plus large, on peut maintenant dire que la culture est l’ensemble complet descaractéristiques spirituelles, matérielles, intellectuelles et émotives qui distinguent une société ouun groupe social. Cela inclut non seulement les arts et les lettres, mais aussi les modes de vie, lesdroits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances… C’estla culture qui nous fait spécifiquement humains, des êtres rationnels doués d’un jugement critiqueet d’un sens de l’engagement moral. C’est par la culture que nous discernons les valeurs en faisant

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des choix. C’est par la culture que l’homme s’exprime, devient conscient de lui-même, reconnaît qu’ilest incomplet, questionne ses propres réalisations, recherche sans cesse de nouveaux sens et créedes œuvres par lesquelles il transcende ses limites. »

La construction culturelle et identitaire est un processus à plusieurs étapes. Ce processus peut êtrebalisé ainsi :

• réception : conscience, intérêt, volonté de recevoir;

• réponse : assentiment, volonté de répondre, satisfaction personnelle à répondre;

• valorisation : acceptation d’une valeur, préférence pour une valeur, engagement;

• organisation de valeurs et d’un système de valeurs;

• intériorisation d’un système de valeurs.

Le processus de construction culturelle et identitaire accorde à la personne un rôle central, actif voire irréductible. Dans cette perspective, les expériences d’apprentissage et, plus largement, les expériences vécues en français en contexte scolaire doivent permettre aux élèves de s’engagerdans un processus de construction culturelle et identitaire.

La construction culturelle et identitaire au delà de la transmission culturelle

Que les élèves soient exposés, durant leur scolarisation à l’école francophone, à une gamme, aussilarge et aussi diversifiée que possible, de produits culturels (p. ex. : livres, chansons, films, pièces de théâtre et autres spectacles, produits médiatiques) ne constitue qu’une condition nécessaire, maisnon suffisante. Dans une telle situation, les élèves sont récepteurs ou spectateurs. Au mieux, ils sesituent face à des réalités linguistiques et culturelles francophones, en établissant des liens avecleur vécu ou en exprimant une réaction.

Il faut aller plus loin que la consommation d’un « calendrier culturel », aussi séduisant soit-il. Il faut mettre de l’avant la dynamique de la production, l’élan de la création pour que les élèvessoient, en contexte scolaire, des acteurs, des créateurs, responsables et critiques. Ainsi, ilsexpriment des valeurs, manifestent des comportements, s’approprient et partagent des expériencesvécues et des réalisations.

Une telle perspective convoque les types d’expériences que les élèves vivent en langue française encontexte scolaire, les valeurs qu’ils y associent et le processus par lequel ils s’actualisent en tant quepersonnes. « Le défi de l’école française en situation de minorité est de construire une obligation del’agir communicatif. La culture se juge à des opérations, non à la possession de produits. »(Cazabon, 1996a, p. 86)

Référents culturels et rapport à la langue

Les types d’expériences que les élèves vivent en langue française leur permettent de se construiredes référents culturels, c’est-à-dire des associations, des images et des valeurs qu’ils établissent avecla langue.

Les référents culturels

• portent bien sûr sur les produits culturels (p. ex. : livres, chansons, films, spectacles) : l’élève sedéveloppe ainsi un bagage culturel francophone;

• portent sur un vécu et sur des expériences liés à ces produits culturels : consommation maiségalement création, expression de soi en tant que personne;

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• touchent à certaines dimensions des apprentissages vécus en français, telles que la pertinence,l’utilité, le sens, la prise de risque, l’erreur, la célébration;

• touchent à des expériences d’apprentissages, de découvertes, de questionnements, de prises deparole, d’interactions sociales, de divertissement, de plaisir et à toute une gamme d’usages de lalangue correspondants;

• renvoient à des modèles langagiers (p. ex. : adultes, parents, pairs, médias) et aux pratiquessociales associées à la langue (p. ex. : interactions sociales, activités récréatives, sportives etcommunautaires, engagement communautaire);

• touchent à des univers sociaux : l’univers de la scolarisation, de la vie quotidienne, du travail, et des activités humaines au sens large;

• touchent à l’image que l’on se fait de la langue : loin d’être la langue de la stricte scolarisation, la langue française en milieu minoritaire peut être la langue qui permet d’établir un rapport aumonde.

En bref, les élèves se construisent ainsi, progressivement, un répertoire de façons de comprendre, de s’exprimer, de penser et d’agir en français, de façons de faire, de dire, d’être francophones. Ce faisant, ils se construisent une image d’eux-mêmes comme personnes francophones et une image de la francophonie à l’extérieur de l’école. Un rapport affectif et identitaire s’établit ainsi entre lesélèves et la langue, qui leur permet de « penser le monde » en français.

Dans une telle perspective, il est essentiel que les élèves associent les expériences d’apprentissagequ’ils vivent en français en contexte scolaire à des expériences significatives, utiles, pertinentes,plaisantes et que ces expériences leur permettent de se construire un rapport positif à la langue : ce sont là en effet des lieux sur lesquels se (dé)joue, à l’intérieur même de l’école, le processus de l’assimilation.

Sources consultées

CAZABON, B. « De la mission culturelle de l’école et de la pédagogie du français langue maternelle »,Canadian Ethnic Studies / Études ethniques du Canada, vol. XXV, no 2, p. 52-64, 1993.

CAZABON, B. « Vers un modèle holistique de la didactique du français langue maternelle », inCAZABON, B. (dir.) Des mots, à fleurs de pays, les actes du 2e congrès national de l’ACREF [Alliancecanadienne des responsables et des enseignantes et enseignants en français langue maternelle],Ottawa, ACREF, p. 80-98, 1996a.

CONSEIL DES MINISTRES DE L’ÉDUCATION (CANADA). La francisation : pour un état des lieux, Toronto,CMEC, 2002.

GÉRIN-LAJOIE, D. et al. « Le rapport à la langue en contexte scolaire minoritaire », Francophoniesd’Amérique, no 14, p. 71-80, 2002.

JOLY, R. Quand on prend sa langue pour sa culture…réflexion sur les cultures de langue française auCanada, Québec, Association canadienne d’éducation de langue française/Les Éditions « Le livredu pays », 1991.

LEGENDRE, R. Dictionnaire actuel de l’éducation, 2e éd., Montréal/Paris, Guérin/Eska, 1993.

ONTARIO. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION ET DE LA FORMATION. Investir dans l’animation culturelle, guided’intervention, paliers élémentaire et secondaire, Toronto, Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 1994.

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Pour en savoir plus

CAZABON, B. « Pour une pratique de soi ou de la place de l’identité culturelle dans l’éducation delangue française au Canada », L’école française et l’identité culturelle [Symposium régional del’Ouest, cahier de participation], Québec, Association canadienne d’éducation de langue française,p. 53-78, 1996b.

Ce texte envisage l’identité culturelle comme « une construction » et non « une possession ».Le texte se divise en cinq parties :

• un fondement général : comment se développe l’identité personnelle, sociale etculturelle;

• aborder l’identité selon une approche holistique pour « comprendre la pratique de soi comme un geste de libérations humaines »;

• développement de l’identité culturelle : « la mémoire et la volonté s’incarnent dans des activités et des événements »;

• les pratiques culturelles : des actions à réaliser, des opérations à vivre et non desproduits à posséder;

• le contenu éducatif de la culture.

MAHÉ, Y. « La langue, l’identité, la culture et l’intégration communautaire dans l’éducation“francophone” », in CAVANAGH, G. (dir.) Rése@utés au cœur de la pédagogie, les actes du 4e congrès national de l’ACREF [Alliance canadienne des responsables et des enseignantes etenseignants en français langue maternelle], Ottawa, ACREF, p. 23-35, 2000.

Ce texte est composé de deux parties :

• l’éducation francophone actuelle en milieu minoritaire porte-t-elle les fruits escomptésen identité culturelle durable chez les élèves? Se transforme-t-elle en une vitalitécommunautaire francophone forte, positive, authentique?

• quels moyens mettre en œuvre pour entreprendre efficacement la construction desapprentissages et des savoirs identitaires, culturels et communautaires.

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Le bilinguisme additif et le bilinguisme soustractif

Introduction

Les élèves francophones en milieu minoritairesont, dans une très large mesure, bilingues. Est-ilpossible, en milieu minoritaire, d’être bilinguesans que l’une ou l’autre des deux langues n’ensouffre?

Les élèves en francisation vivent-ils une situationsemblable quant à l’apprentissage des deuxlangues?

Deux types de bilinguisme chez les élèvesfrancophones

On fait généralement la distinction entre deuxtypes de bilinguisme :

• le bilinguisme additif : l’élève apprend lalangue seconde sans effets néfastes pour salangue première;

• le bilinguisme soustractif : l’élève devient pluscompétent dans la langue seconde que dans salangue première.

On a observé que, dans le cas du bilinguisme additif chez les jeunes francophones en milieuminoritaire, l’entourage social de l’élève perçoit le bilinguisme comme un enrichissement culturel.L’élève manifeste un haut degré de compétence dans les deux langues et maintient son identité etson sentiment d’appartenance à la communauté francophone, tout en ayant des attitudes positivesenvers la langue de la majorité. Il trouve continuellement des occasions d’utiliser sa langue premièredans un éventail de contextes sociaux et institutionnels.

Par contre, dans le cas du bilinguisme soustractif, l’entourage social de l’élève voit dans lebilinguisme un risque de perte d’identité. L’acquisition de l’anglais n’est plus complémentaire à cellede la langue première, mais en conflit avec celle-ci, et la langue anglaise prend peu à peu le dessus.Le bilinguisme soustractif annonce une transition graduelle vers l’unilinguisme en anglais. Nonseulement l’élève est de moins en moins à l’aise en français, mais il manifeste un plus grand désir de faire partie de la communauté de langue anglaise et perd graduellement son sentiment d’identitéfrancophone.

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Le tableau suivant résume les différences entre les deux types de bilinguisme :

(Adaptation de FEPA, 2001, p. 10)

Bilinguisme additif

• permet d’acquérir la langue seconde sans qu’il n’y ait d’effets néfastes sur la languematernelle

• permet d’atteindre un haut degré decompétence langagière dans les deux langues

• pour atteindre ce type de bilinguisme, l’élèvedoit avoir des contacts fréquents avec lefrançais dans son milieu familial, scolaire et communautaire

Bilinguisme soustractif

• permet d’acquérir la langue seconde et a pour effet d’affaiblir la langue maternelle

• mène à l’assimilation dans la langue seconde

• ce type de bilinguisme est commun chezl’élève qui vit dans un milieu familial, scolaire et communautaire où le français n’est pas la langue privilégiée

Par ailleurs, les recherches montrent clairement que les élèves atteignent le plus haut degré debilinguisme additif lorsqu’ils sont scolarisés entièrement en français. Le bilinguisme additif esttoujours davantage assuré si on privilégie la langue qui a le moins de vitalité dans la communauté.En outre, il semble que l’approche pédagogique choisie soit déterminante. Une approche qui metl’accent sur la communication et sur les expériences significatives vécues en français paraît la plusappropriée.

L’action combinée de la famille, de l’école et de la communauté

Vivre exclusivement en anglais peut mener à l’assimilation et à l’acculturation. Par contre, s’enfermerdans la communauté minoritaire en refusant tout contact avec la communauté dominante conduiraità se priver d’une grande richesse de ressources et d’idées. Les jeunes francophones peuvents’épanouir dans les deux communautés. Toutefois, pour que l’élève construise et maintienne unbilinguisme additif, il est important qu’il trouve des contacts avec la langue française dans sonmilieu familial et dans sa communauté aussi bien qu’à l’école et qu’il développe un sentimentd’appartenance à la collectivité francophone dans son milieu.

L’école ne peut compenser seule l’influence du milieu anglophone. Sans un milieu communautairequi favorise vigoureusement la langue première et sans l’appui d’un milieu familial qui valorise lefrançais, le type de bilinguisme développé sera fortement soustractif et ne constituera qu’une étapede transition vers l’assimilation.

Pour résumer l’importance de l’action combinée de la famille, de l’école et de la communauté dans ledéveloppement d’un bilinguisme additif, deux chercheurs, Rodrigue Landry et Réal Allard, ont crééle modèle des « balanciers compensateurs », présenté ci-dessous :

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(Adaptation de FEPA, 2001, p. 10)

Ce modèle illustre l’importance, en milieu minoritaire, de l’action combinée du milieu familialfrancophone, du milieu scolaire francophone et du milieu communautaire francophone. La flècheillustre l’intensité de cette action combinée. Cette intensité

• accroît le bilinguisme additif;

• augmente la vitalité linguistique et culturelle;

• compense les effets assimilateurs du milieu anglophone socio-institutionnel.

Le développement du bilinguisme chez les élèves en francisation

Les points présentés ci-dessus sur la situation de bilinguisme que vivent les élèves francophones en milieu minoritaire sont-ils applicables aux élèves en francisation?

• Pour bien des élèves en francisation, le français est, à leur entrée à l’école francophone, unelangue seconde. La langue première de l’élève (l’anglais dans la très large majorité des cas) n’estpas en situation de perte potentielle. Cette situation ne changera sans doute pas au fur et àmesure que l’élève s’engage dans son cheminement linguistique, culturel et identitaire, en languefrançaise.

• Une scolarisation intensive en français dans une école francophone, doublée d’une approchepédagogique qui met l’accent sur la communication et les expériences significatives vécues en français, ne peut être que bénéfique pour les élèves en francisation.

• Les parents des élèves en francisation valorisent assurément le bilinguisme pour leurs enfants etle perçoivent sans doute comme un enrichissement culturel, à tout le moins; ils posent des gestesconcrets qui vont dans ce sens, à l’intention de leur enfant.

• La vitalité francophone de la communauté représente assurément un facteur facilitant, demanière importante, la francisation de l’élève. Celui-ci peut ainsi avoir une pratique sociale du français, hors du milieu scolaire, et développer un sens d’appartenance à la communautéfrancophone du milieu où il vit.

• Enfin, l’action combinée de l’école, de la famille et de la communauté ne peut être que bénéfiquepour l’apprentissage du français par l’élève en francisation et la construction culturelle etidentitaire de celui-ci.

MilieufamilialfrancophoneMilieuscolairefrancophone

MilieucommunautairefrancophoneMilieu anglophone

socio-institutionnel

Individu ou groupe minoritaire francophone

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Sources consultées

CAZABON, B., S. LAFORTUNE et J. BOISSONNEAULT. La pédagogie du français langue maternelle etl’hétérogénéité linguistique, Toronto, ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario, 1993.

CONSEIL DES MINISTRES DE L’ÉDUCATION (CANADA). La francisation : pour un état des lieux, Toronto,CMEC, 2002.

FONDATION D’ÉDUCATION DES PROVINCES ATLANTIQUES (FEPA). Actualisation linguistique, guide àl’intention du personnel enseignant, Laval, Groupe Beauchemin, éditeur ltée, 2001.

LANDRY, R. « Éducation bilingue en situation minoritaire : pour une identité culturelle » in Dvorak,M. Canada et bilinguisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 151-166, 1997.

LANDRY, R. « Déterminisme et détermination : vers une pédagogie de l’excellence en milieuminoritaire », La Revue canadienne des langues vivantes / The Canadian Modern Language Review,vol. 49, no 4, p. 887-927, 1993.

LANDRY, R. et R. ALLARD. « L’exogamie et le maintien de deux langues et deux cultures : le rôle de la francité familioscolaire », Revue des sciences de l’éducation, vol. XXXIII, no 3, p. 561-592, 1997.

LANDRY, R. et R. ALLARD. « Vitalité ethnolinguistique : une perspective dans l’étude de lafrancophonie canadienne », in ERFURT, J. (dir.) De la polyphonie à la symphonie : méthodes,théories et faits de la recherche pluridisciplinaire sur le français au Canada, Leipzig, LeipzigerUniversitätsverlag, p. 61-87, 1996.

LANDRY, R. et R. ALLARD. « L’assimilation linguistique des francophones hors Québec, le défi del’école française et le problème de l’unité nationale », Revue de l’Association canadienned’éducation de langue française, vol. XVI, no 3, p. 38-53, 1988.

Pour en savoir plus

LANDRY, R. et R. ALLARD. « L’éducation dans la francophonie minoritaire », in THÉRIAULT, J. Y.(dir.) Francophonies minoritaires au Canada : l’état des lieux, Moncton, Les Éditions d’Acadie, p. 403-433, 1999.

Ces deux chercheurs présentent d’abord une analyse de l’éducation des minoritésfrancophones en s’appuyant sur le concept de vitalité ethnolinguistique, qui se définitcomme étant les facteurs structuraux et sociologiques qui influencent la survie et ledéveloppement d’une minorité linguistique. La deuxième partie de l’article est consacrée àla présentation de modèles éducatifs et des ressources essentielles à un système d’éducationqui contribue au développement linguistique et culturel d’une minorité. Enfin, la troisièmepartie établit les conditions pour que l’éducation française devienne un véritable projetcommunautaire.

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L’assimilation

Mise en contexte

La crainte des francophones vivant en milieuminoritaire d’être assimilés remonte sans doute au fameux rapport de lord Durham qui, en 1839,recommandait au gouvernement britannique « l’assimilation des Canadiens français enprocédant à l’union du Haut et du Bas-Canada ».Aujourd’hui cependant, la politique linguistiqueet culturelle du Canada à l’égard des minorités de langues officielles a pour objectif principal de préserver et développer la langue et la culturede la minorité.

Pourtant, malgré d’importants efforts pourmaintenir et revitaliser les communautésfrancophones en milieu minoritaire, le nombre de jeunes qui utilisent le français comme languepremière diminue dans des proportionsimportantes. Malgré l’obtention du droit à lagestion scolaire et l’influence positive de l’écolefrancophone, le nombre de francophones à

l’extérieur du Québec diminue de recensement en recensement. Bien des facteurs expliquent unetelle situation : une population francophone dispersée, l’omniprésence de l’anglais dans la vie detous les jours, les mariages mixtes, l’attirance des jeunes francophones pour les produits culturelsanglo-américains. En bref, l’assimilation (c’est-à-dire le passage à l’utilisation de l’anglais audétriment du français) est un phénomène important dans la situation linguistique que vivent lesfrancophones à l’extérieur du Québec.

La vitalité ethnolinguistique d’une minorité : facteurs sociostructuraux et facteurs subjectifs

La vitalité ethnolinguistique – définie comme ce qui favorise le maintien d’une minorité linguistiquecomme entité distincte et active dans ses contacts avec d’autres groupes – couvre trois grandescatégories : le statut de la langue, la démographie et le support institutionnel.

Plus précisément, quatre dimensions du « capital linguistique » jouent les unes sur les autres pour créer une dynamique qui a un impact sur la vitalité ethnolinguistique d’une minorité :

• le capital démographique : le nombre, la proportion, la concentration, le territoire, le taux de natalité, l’exogamie, l’immigration et l’émigration;

• le capital politique : les droits linguistiques, les services gouvernementaux, le nombre dereprésentants élus, le pouvoir hiérarchique, le pouvoir de lobbying;

• le capital économique : le contrôle et la propriété des entreprises, la langue de travail, la languedes échanges commerciaux, la langue du marketing, le pouvoir d’achat;

• le capital culturel : le contrôle des institutions éducatives (préscolaire, scolaire, postsecondaire et alphabétisation), médias et technologies de l’information et de la communication, institutionsreligieuses, services culturels et communautaires.

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À ces facteurs sociostructuraux s’ajoutent des facteurs subjectifs :

• perceptions et croyances éprouvées par les individus au sujet de la vitalité ethnolinguistique de leur propre groupe;

• perception de la langue de son propre groupe;

• perception de la langue du groupe majoritaire (p. ex. : la langue anglaise est souvent perçuecomme étant la langue de « la modernité »);

• perception de son comportement langagier, influence des perceptions et des croyances sur lecomportement langagier;

• perception de soi comme personne vivant en milieu minoritaire;

• perception de soi comme personne pouvant contribuer à la vitalité ethnolinguistique de sonpropre groupe;

• perception des dynamiques entre individus pouvant contribuer à la vitalité ethnolinguistiqued’un groupe.

Entre ces deux ordres de facteurs, existent de nombreuses dynamiques :

• des dynamiques internes entre les facteurs sociostructuraux;

• des dynamiques internes entre les facteurs subjectifs;

• des dynamiques entre les facteurs sociostructuraux et les facteurs subjectifs.

Ces nombreuses dynamiques jouent, à des degrés divers, sur le phénomène de l’assimilation.

La situation linguistique de la francophonie minoritaire canadienne : quelques tendances lourdes

La population de langue minoritaire francophone est en décroissance. À l’exception du Nouveau-Brunswick où les francophones forment à eux seuls le tiers de la population de la province, le nombre de francophones dans les autres provinces et territoires ne dépasse pas, selon lerecensement de 2001, 5 p.100 de la population. De plus, moins de francophones qu’auparavantparlent le français le plus souvent à la maison. Ils étaient 73 p. 100 en 1971 et 62 p. 100 en 2001.De manière générale, la vitalité ethnolinguistique des communautés francophones minoritaires estmenacée à bien des égards.

Les données du recensement de 2001 montrent également que l’exogamie est en hausse. Près dedeux tiers des enfants se trouvent aujourd’hui dans des familles où seulement l’un des deux parentsest de langue maternelle française.

La transmission de la langue française aux enfants est un facteur crucial pour l’avenir descommunautés francophones minoritaires. Selon les données du recensement de 2001, ce taux variede 81 p. 100 dans la région Atlantique à 39 p. 100 dans l’Ouest. Une lecture des données durecensement montre que, lorsque les deux parents sont francophones, le taux de transmission dufrançais est très élevé. Dans le cas de familles exogames, le taux de transmission du français baisse à plus de la moitié. Cependant, lorsque le parent non francophone parle le français, le taux detransmission du français augmente significativement.

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Deux lieux stratégiques d’intervention : la famille et l’école

Trois milieux de vie constituent les sources de socialisation langagière chez les enfants d’âge scolaire :le milieu familial, le milieu scolaire et le milieu socio-institutionnel. Dans de nombreux contextes dela francophonie minoritaire canadienne, la famille et l’école sont appelées à être les principauxendroits de socialisation dans la langue minoritaire.

En effet, les élèves qui vivent une forte « francité familioscolaire » (ambiance française forte dansla famille et à l’école) ont des compétences en français plus élevées, désirent davantage s’intégrer à la communauté francophone et ont une identité francophone plus forte que les élèves qui viventune francité familioscolaire plus faible. De plus, les premiers ont des compétences en anglais aussiélevées que les derniers. Autre fait intéressant, les élèves de foyers exogames qui parlent le françaisavec le parent francophone et qui fréquentent l’école francophone ont des compétences en françaisaussi élevées que les élèves de foyers francophones endogames. En d’autres termes, ce n’est pasl’exogamie en tant que structure sociale qui contribue à l’assimilation mais c’est plutôt la dynamiquelangagière familiale qui a tendance – ou non – à favoriser le développement du français. Pourrésumer, comme le dit le chercheur Rodrigue Landry, « on ne naît pas francophone, on le devient ».

Le type d’expérience scolaire, en français, de l’élève constitue un autre facteur stratégiquementimportant pour le développement du français. Les expériences d’apprentissage que les élèves vivent,en français, en contexte scolaire doivent être significatives, utiles, pertinentes et plaisantes. Cesexpériences constituent un processus par lequel les élèves s’affirment en tant que personnes et seconstruisent des valeurs. C’est aussi par le biais d’expériences scolaires que les élèves se construisentune image de la langue française – langue de la stricte scolarité ou langue de la constructionculturelle et identitaire – ainsi qu’un rapport – positif ou non – à la langue.

Il serait ironique, alors que des structures scolaires francophones ont été mises en place, durant lesannées 90, pour assurer le maintien et le développement de la francophonie en milieu minoritaire,que l’école francophone mette en place, même involontairement, des moyens pédagogiques quis’ajoutent aux facteurs d’assimilation.

Sources consultées

CAZABON, B., S. LAFORTUNE et J. BOISSONNEAULT. La pédagogie du français langue maternelle etl’hétérogénéité linguistique, Toronto, ministère de l’Éducation et de la Formation de l’Ontario, 1993.

COLOMBIE-BRITANNIQUE. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. L’art du langage, français langue maternelle,aperçu de la recherche, Victoria, Imprimeur de la Reine pour la Colombie-Britannique, 1993.

LANDRY, R. « Déterminisme et détermination : vers une pédagogie de l’excellence en milieuminoritaire », La Revue canadienne des langues vivantes / The Canadian Modern Language Review,vol. 49, no 4, p. 887-927, 1993.

LANDRY, R. et R. ALLARD. « L’exogamie et le maintien de deux langues et deux cultures : le rôle dela francité familioscolaire », Revue des sciences de l’éducation, vol. XXXIII, no 3, p. 561-592, 1997.

LANDRY, R. et R. ALLARD. « Vitalité ethnolinguistique : une perspective dans l’étude de lafrancophonie canadienne », in ERFURT, J. (dir.) De la polyphonie à la symphonie : méthodes,théories et faits de la recherche pluridisciplinaire sur le français au Canada, Leipzig, LeipzigerUniversitätsverlag, p. 61-87, 1996.

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LANDRY, R. et R. ALLARD. « L’assimilation linguistique des francophones hors Québec, le défi del’école française et le problème de l’unité nationale », Revue de l’Association canadienned’éducation de langue française, vol. XVI, no 3, p. 38-53, 1988.

LENTZ, F. « La didactique du/en français langue maternelle en milieu minoritaire : réflexions surquelques points critiques », in Cazabon, B. (dir.) Des mots, à fleurs de pays, les actes du 2e

congrès national de l’ACREF [Alliance canadienne des responsables et des enseignantes etenseignants en français langue maternelle], Ottawa, ACREF, p. 145-172, 1996.

MARTEL, A. Droits, écoles et communautés en milieu minoritaire : 1986-2002, analyse pour unaménagement, Ottawa, Commissariat aux langues officielles, 2001.

STATISTIQUE CANADA, « Profil des langues au Canada : l’anglais, le français et bien d’autres langues »,Recensement de 2001 : série « analyses », catalogue no 96F0030XIF2001005, Ottawa, StatistiqueCanada, 2002.

Pour en savoir plus

LANDRY, R. et R. ALLARD. « L’éducation dans la francophonie minoritaire », in THÉRIAULT, J. Y.(dir.) Francophonies minoritaires au Canada : l’état des lieux, Moncton, Les Éditions d’Acadie, p. 403-433, 1999.

Ces deux chercheurs présentent d’abord une analyse de l’éducation des minoritésfrancophones en s’appuyant sur le concept de vitalité ethnolinguistique, qui se définitcomme étant les facteurs structuraux et sociologiques qui influencent la survie et ledéveloppement d’une minorité linguistique. La deuxième partie de l’article est consacrée àla présentation de modèles éducatifs et de ressources essentielles à un système d’éducationqui contribue au développement linguistique et culturel d’une minorité. Enfin, la troisièmepartie établit les conditions pour que l’éducation française devienne un véritable projetcommunautaire.

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Le rôle des intervenantes et des intervenants enfrancisation

Mise en contexte

L’école francophone en milieu minoritaire joue un rôle très important dans les apprentissageslangagiers et la construction culturelle et identitairedes élèves. En outre, pour que l’école puisse assumerpleinement son rôle, elle doit nécessairementtravailler en partenariat étroit avec le foyer et la communauté.

Quant aux élèves en francisation, leur succèsdépend largement des occasions qui leur permettentde vivre des expériences signifiantes en français, à l’intérieur de la salle de classe et à l’école, maisaussi à l’extérieur de celles-ci, au foyer et dans lacommunauté.

Le rôle du foyer

La responsabilité de l’éducation d’un enfant revient, en très grande partie, aux parents. Il en est demême pour le développement langagier de l’enfant. Dans l’acquisition de la langue, les parents sontles principaux modèles de l’enfant. Les parents, par leur attitude, leurs paroles, leurs actions et leurengagement dans l’apprentissage du français de leur enfant, exercent une influence déterminantedans la réussite du processus de francisation.

L’enfant utilise la langue pour apprendre à l’école. Mais, bien plus encore, la langue doit être, pourlui, un outil de communication personnel et social. Pour ce faire, les parents s’assurent que l’enfantvit, en français, des activités familiales et sociales.

Comment actualiser ce rôle? Voici quelques exemples :

• dans une famille exogame, faire en sorte que le parent francophone parle constamment français à l’enfant, et que l’autre accepte positivement, voire valorise, cette situation;

• soutenir la francisation de l’enfant en adoptant des attitudes positives vis-à-vis de ce qu’il vit en français à l’école;

• assurer le suivi du travail scolaire en français, en donnant à celui-ci un but pratique, dans le contexte de la vie de tous les jours;

• participer activement au partenariat école–foyer mis en place par l’école;

• renforcer ce que l’enfant apprend à l’école par toutes sortes d’activités quotidiennes;

• exposer l’enfant, autant que possible, au français, par des livres, des jeux, des vidéos;

• lire avec l’enfant des livres en français et visionner avec lui des émissions de télévision, des films;en discuter avec lui;

• accompagner l’enfant à un maximum d’activités communautaires en français;

• encourager l’enfant à être fier de parler français dans la communauté, à l’école et à la maison;

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• montrer un intérêt en participant aux activités scolaires et communautaires en français;

• utiliser autant que possible les services offerts en français dans la communauté et les ressourcesque celle-ci offre.

Le rôle de la communauté

La communauté a un rôle important à jouer dans le processus de francisation. Les expériences que l’élève vit en français en dehors du cadre scolaire sont en effet déterminantes

• pour qu’il se rende compte que la francophonie est vivante et active dans sa communauté;

• pour qu’il se construise une image positive de la pratique du français et, plus particulièrement, de la vie francophone dans son milieu immédiat;

• pour qu’il se construise une image de la langue française qui ne soit pas exclusivement associéeau contexte scolaire.

Si la communauté exerce un rôle d’accompagnateur et de facilitateur dans le processus defrancisation, elle a également un autre rôle à jouer, d’ordre plus attitudinal : l’intégration, dans son sein, des enfants en francisation et de leur famille.

Comment actualiser ce rôle? Voici quelques exemples :

• tenir le personnel enseignant au courant des activités qui se passent en français en dehors de l’école (p. ex. : événements sportifs ou culturels, clubs ou services);

• participer aux activités de l’école en proposant des projets, petits ou grands, pour enrichirl’expérience scolaire des élèves et la relier à la vie en dehors de l’école;

• faire valoir les ressources, les expertises, disponibles en français à l’extérieur de l’école;

• aider les familles à découvrir la vie francophone de la communauté, et à s’y insérer;

• faciliter l’intégration, dans son sein, des enfants en francisation et de leur famille, valoriser le processus de francisation.

Le rôle de l’école

L’école joue, de toute évidence, un rôle essentiel dans les apprentissages scolaires. Elle doit s’assurerqu’elle fait vivre aux élèves en francisation des expériences significatives en français dans lecontexte scolaire.

Comment actualiser ce rôle? Voici quelques exemples :

• mettre les élèves en contact avec une gamme diverse de textes (au sens large du terme) et avecun environnement qui met en valeur la vie francophone dans la classe, dans l’école et dans lacommunauté;

• inciter les élèves à prendre part à des situations d’échanges et de partages, de communicationorale et écrite, d’interactions;

• créer des situations d’apprentissage qui donnent un contexte signifiant aux apprentissages;

• faire vivre aux élèves des expériences d’apprentissage où ils observent, découvrent, explorent,créent, produisent, réfléchissent, partagent, en français;

• engager les élèves dans des tâches significatives;

• instaurer un climat stimulant et sécurisant pour les apprentissages, valorisant la prise de risque;

• célébrer les réussites, valoriser la contribution de chaque élève;

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• valoriser le plaisir associé aux apprentissages;

• développer chez les élèves une attitude d’ouverture et d’acceptation d’autrui.

Au delà de ce rôle d’apprentissage, l’école doit, pour assurer le succès du processus de francisation,établir nécessairement un partenariat avec les familles des enfants en francisation et, plus largement,avec la communauté. L’école doit en particulier valoriser le rôle des parents dans le processus defrancisation et les considérer comme des partenaires essentiels. Plus précisément, elle doit

• accueillir chaleureusement les parents des enfants en francisation, en particulier ceux qui parlentpeu ou ne parlent pas français;

• donner aux parents toute l’information pertinente sur le processus de francisation;

• maintenir avec les parents une communication régulière portant sur les progrès de leurs enfants;

• appuyer le rôle des parents dans le processus de francisation, en leur suggérant ressources, aides,moyens;

• valoriser, auprès des parents, les réussites de leurs enfants.

Les avantages d’une dynamique de collaboration

L’école, le foyer et la communauté sont des partenaires nécessaires au succès du processus defrancisation. Chacun de ces trois partenaires a certes un rôle spécifique à jouer, mais l’interactionentre eux crée une dynamique qui est avantageuse

• pour les élèves, parce qu’en apprenant une langue qui se vit à l’école, au foyer et dans lacommunauté, ils se construisent une image de la langue française qui n’est pas exclusivementassociée à l’univers scolaire;

• pour l’école, parce que, ne pouvant à elle seule assurer le succès de la francisation, elle doit, pour assumer pleinement son rôle, associer le foyer et la communauté au processus de francisation;

• pour les parents, parce que, considérés comme des partenaires essentiels dans le succès de lafrancisation, ils sont responsabilisés dans leur rôle d’accompagnateurs principaux de leurs enfantsdans le processus de francisation;

• pour la communauté, parce qu’en faisant valoir ses ressources dans le processus de francisation,elle considère celle-ci comme un investissement potentiel pour accroître sa vitalité francophone.

Sources consultées

DIVISION SCOLAIRE FRANCO-MANITOBAINE. Guide d’intervention en phase d’accueil, Lorette, Division scolaire franco-manitobaine, 2002.

GÉRIN-LAJOIE, D. « Les partenariats entre l’école et la communauté en milieu francophoneminoritaire » in ALLARD, R. (dir.) Actes du colloque pancanadien sur la recherche en éducation en milieu francophone minoritaire : bilan et prospectives, [en ligne], 2000,[www.acelf.ca/publi/crde/articles/06-gérinlajoie.html], (décembre 2002).

FONDATION D’ÉDUCATION DES PROVINCES ATLANTIQUES (FEPA). Actualisation linguistique, guide àl’intention du personnel enseignant, Laval, Groupe Beauchemin, éditeur ltée, 2001.

MANITOBA. ÉDUCATION, FORMATION PROFESSIONNELLE ET JEUNESSE. Le français, sois de la partie! : une brochure destinée aux parents sur l’enseignement du français langue première, 2e éd., [en ligne], 2002, [www.edu.gov.mb.ca/frpub/fc/fl1/partie/], (décembre 2002).

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SASKATCHEWAN. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Francisation scolaire, document d’orientation portantsur les mesures spéciales de francisation dans les écoles fransaskoises, Regina, Bureau de laminorité de langue officielle, 2000.

Pour en savoir plus

ALBERTA EDUCATION ET FÉDÉRATION DES PARENTS FRANCOPHONES DE L’ALBERTA. Tu peux comptersur moi, guide à l’intention du parent pour l’accompagnement de l’enfant dans son éducation enfrançais langue première, Edmonton, Direction de l’éducation française, 1998.

Ce guide à l’intention des parents brosse un tableau de l’école francophone en Alberta,depuis les origines de l’éducation française jusqu’à des témoignages d’élèves et de parents,en passant par le rôle des parents, la culture et le partenariat école/foyer.

FÉDÉRATION PROVINCIALE DES PARENTS FRANCOPHONES DE L’ALBERTA. I’m with you!: Exogamousfamilies’ guide to the world of francophone education, Edmonton, FPFA, 2002.

Ce guide, rédigé en langue anglaise à l’intention du parent anglophone au sein d’un foyerexogame, présente, de manière claire et souvent humoristique, de nombreux renseignementssur l’éducation francophone en milieu minoritaire et, plus largement, sur la francophonie. Il propose également des suggestions destinées aux parents pour que ceux-ci puissentaccompagner leurs enfants dans leur éducation en langue française.

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Les modèles d’interventionen francisation

Introduction

Comment intervenir auprès des élèves enfrancisation : à l’intérieur ou, au contraire, à l’extérieur de la classe régulière? Ces deuxmodèles d’intervention comportent-ils desavantages et des inconvénients? Selonquelle intensité faut-il intervenir?

Il importe de réfléchir à ces questions carles modèles d’intervention en francisationconstituent un facteur non négligeable dansle succès de la francisation.

Deux types de modèles d’intervention

À partir des nombreux modèlesd’intervention en francisation qui ont étémis en œuvre dans les milieux francophonesminoritaires au Canada, on peut dégagerdeux types de modèles :

• le modèle d’intervention en classe régulière : l’élève en francisation est alors intégré à la classerégulière de l’aide lui est apportée pendant les activités d’apprentissage qui se déroulent en classe;

• le modèle d’intervention hors de la classe régulière. L’élève en francisation est alors retiré de saclasse régulière pour une rencontre individuelle ou en petit groupe, d’une durée variable, avecune aide-enseignante ou toute autre personne qui s’occupe de la francisation. Ce modèled’intervention semble être surtout mis en place lorsque le nombre d’élèves en francisation estsuffisant pour pouvoir les regrouper.

Réfléchir sur les modèles d’intervention

Le modèle d’intervention en classe régulière et le modèle d’intervention hors de la classe régulièreinvitent à se poser des questions telles que :

• est-il avantageux de retirer l’élève en francisation de sa classe régulière au risque de le priver del’important échange naturel avec ses pairs franco-dominants?

• n’est-il pas plus avantageux que l’élève en francisation reste en classe régulière pour qu’il puissevivre pleinement les mêmes activités d’apprentissage que ses pairs et être ainsi intégré à la mêmecommunauté d’apprentissage?

• ne vaut-il pas mieux créer des classes homogènes, soit d’élèves franco-dominants, soit d’élèvesanglo-dominants (surtout si les élèves en francisation sont en nombre suffisant pour êtreregroupés), pour des raisons à la fois d’efficacité et d’intégration?

Peut-on affirmer qu’un modèle d’intervention donne de meilleurs résultats qu’un autre? Lesrecherches n’apportent guère de réponses précises à cette question. Par ailleurs, les documentspubliés par les divers ministères de l’Éducation insistent en général sur la souplesse. Les équipesd’école devraient, à la lumière de leur contexte spécifique, mener une réflexion sur les modèlesd’intervention en francisation, à leur pertinence et à leur efficacité en fonction des élèves.

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Un continuum d’intensité

Qu’ils soient mis en place à l’intérieur ou à l’extérieur de la classe régulière, les modèlesd’intervention en francisation s’inscrivent dans un continuum d’intensité, allant d’un soutienintensif à un soutien partiel, voire ponctuel, différencié en fonction du temps passé en francisationet du niveau de compétence acquise en français.

Ainsi, l’intervention intensive s’adresse à l’élève qui ne parle pas ou qui parle peu français et qui doit acquérir rapidement une compétence en français. Quant aux élèves qui possèdent uneconnaissance générale du français mais qui ne sont pas encore prêts à fonctionner pleinementcomme leurs pairs francophones dans la classe régulière, ils bénéficieront d’un soutien partiel.D’autres élèves n’auront besoin que de mesures transitoires pour assurer leur intégration en classerégulière. Certains élèves enfin ne recevront que de l’aide occasionnelle pour résoudre des difficultésspécifiques.

Un processus flexible et continu

Le processus de la francisation engage l’élève dans un cheminement vers l’apprentissage autonomeen classe régulière. Dans ce cheminement, l’élève bénéficie d’un soutien dans la classe régulière ouen dehors de celle-ci. L’aide accordée diminue graduellement.

Mais, quels que soient le modèle d’intervention adopté et l’intensité de sa mise en œuvre, le processus doit être flexible, en particulier quant à sa durée, puisque ce sont les besoinsparticuliers de chaque élève qui priment.

Enfin, il est important de noter qu’un élève qui passe en apprentissage autonome dans la classerégulière aura encore besoin d’encouragement et de soutien de la part du milieu scolaire et dumilieu familial, afin qu’il puisse poursuivre son cheminement linguistique et culturel.

Sources consultées

CAZABON, B. et A. COSSETTE. Modèles de francisation : études de cas portant sur différentesexpériences de francisation, Ottawa, Commission nationale des parents francophones, 1991.

CONSEIL DES MINISTRES DE L’ÉDUCATION (CANADA). La francisation : pour un état des lieux, Toronto, CMEC, 2002.

FONDATION D’ÉDUCATION DES PROVINCES ATLANTIQUES (FEPA). Actualisation linguistique, guide à l’intention du personnel enseignant, Laval, Groupe Beauchemin, éditeur ltée, 2001.

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Pour en savoir plus

DIVISION SCOLAIRE FRANCO-MANITOBAINE. Guide d’intervention en phase d’accueil, Lorette, Division scolaire franco-manitobaine, 2002.

Ce guide d’intervention en francisation destiné au personnel des écoles explique le modèlefranco-manitobain et le rôle des intervenants en francisation. Il propose également denombreuses stratégies d’enseignement et d’évaluation.

SASKATCHEWAN. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. Francisation scolaire, document d’orientation portantsur les mesures spéciales de francisation dans les écoles fransaskoises, Regina, Bureau de laminorité de langue officielle, 2000.

En plus de définir les fondements juridiques, la politique provinciale, la clientèle et lesobjectifs de la francisation, ce document présente le modèle provincial pour la mise enœuvre et les différents types d’intervention. Le document explique également les différentesphases du processus de la francisation, les choix pédagogiques, la dotation en personnel etl’évaluation.

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L’approche communicative-expérientielle

Introduction

Comment faire apprendre la langue aux élèves en francisation? Quelle approche pédagogique privilégier?

L’approche communicative-expérientielle est une approche quiprésente un fort potentiel en francisation. Comment peut-on ladéfinir? Pourquoi est-elle essentielle en francisation?

Une telle réflexion sur le type d’approche pédagogique à privilégieren francisation fait valoir l’importance des choix pédagogiques etl’impact qu’ils peuvent avoir sur les apprentissages des élèves.

Pour une définition de l’approche communicative-expérientielle

Dans l’approche communicative-expérientielle, on place les élèves dans des situations decommunication authentique qui répondent à leur vécu, à leurs intérêts et à leur vie de tous lesjours. On met l’accent sur la communication plutôt que sur des mots ou des structuresgrammaticales.

La plupart du temps, la communication prend la forme d’échanges entre les élèves, à l’intérieur de la classe, entre ceux-ci et l’enseignante, entre ceux-ci et d’autres élèves de l’école ou d’ailleurs.En outre, ces échanges gagnent à s’établir, aussi souvent que possible, avec la communauté et lessituations de vie réelle que celle-ci offre.

Les contenus d’apprentissage, que ce soit le français ou d’autres matières, s’enseignent de façon intégrée,à travers des situations d’apprentissage reliées au vécu ou aux intérêts des élèves.

Cette approche rend les élèves actifs dans l’apprentissage de la langue et leur permet de construireou de négocier le sens de ce qu’ils apprennent. Ils sont ainsi invités à manipuler des idées, desconcepts et la langue elle-même, à exprimer leurs opinions, leurs goûts, leurs sentiments, dans desactivités signifiantes qui donnent lieu à un emploi authentique de la langue dans des situationsinteractives de communication. Ces situations donnent un sens à l’apprentissage d’une langue etsont source de motivation.

Pour résumer, voici quelques caractéristiques essentielles de l’approche communicative-expérientielle :

• donner à l’élève l’occasion de vivre et de pratiquer la langue dans le cadre d’expériencescommunicatives authentiques, liées à son vécu et à ses intérêts;

• créer des contextes d’interactions qui favorisent la négociation du sens;

• fournir à l’élève des contextes où il peut donner un sens à son apprentissage en ayant l’occasiond’inférer, à partir de son vécu, le sens de ce qu’il apprend, en établissant des liens entre sesexpériences antérieures et les nouvelles situations d’apprentissage;

• fournir à l’élève des contextes où il découvre qu’il peut utiliser des indices non verbaux tels queles gestes et l’intonation pour comprendre et se faire comprendre;

• permettre à l’élève de comprendre et de respecter les usages culturels de la pratique de la langue(p. ex. : l’usage du tu et du vous);

• amener l’élève à utiliser la langue correctement sans avoir recours à des exercices répétitifs etartificiels;

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• encourager l’élève à planifier, à échanger, à faire des choix, à faire preuve d’initiative, bref à être responsable de son propre apprentissage;

• permettre à l’élève de se représenter la langue comme n’étant pas exclusivement associée à l’univers scolaire mais, au contraire, comme étant une pratique sociale, qui permet decommuniquer, de penser, d’apprendre et, ainsi, d’établir un rapport au monde.

Communication et précision de la langue

L’approche communicative-expérientielle n’exclut pas la précision de la langue et l’acquisition, parl’élève, des mécanismes de la langue. On peut en effet combiner cette approche avec une démarcheanalytique qui permet à l’élève de réfléchir au fonctionnement de la langue en se basant sur safaçon de communiquer. Dans une telle perspective, l’accent mis sur les mécanismes de la langue esttoujours subordonné au sens du message. C’est donc dans un contexte réel et significatif, de façonintégrée et non par des exercices isolés, que l’élève apprend la langue et ses mécanismes.

Une approche essentielle en francisation

En francisation, l’approche communicative-expérientielle prend une dimension particulièrementimportante. Apprise dans un contexte communicatif-expérientiel, la langue permet aux élèves de vivre des expériences de communication, liées à leur vécu et à leurs intérêts. Ces expériencesdonnent lieu à une pratique de langue authentique et significative.

En mettant l’accent sur les interactions, l’approche communicative-expérientielle ouvrenaturellement la porte vers l’extérieur de la salle de classe. Cette approche contribue donc à l’interaction dynamique entre l’école et la communauté, en mettant à profit les possibilités de communication qui existent entre l’école et la communauté, voire en en créant.

Par ailleurs, dans la mesure où l’approche communicative-expérientielle fait vivre aux élèves enfrancisation des expériences d’apprentissage, elle les conduit à établir des liens avec leur vécu et àmobiliser leurs connaissances antérieures pour rendre leurs apprentissages signifiants. En effet, cebagage antérieur des élèves constitue pour eux un facteur facilitant l’apprentissage de la langue. Ce n’est pas parce que les élèves en francisation sont en train d’apprendre la langue qu’ils « partent de zéro »!

En somme, parce qu’elle valorise la pratique communicative de la langue et les expérienceslangagières vécues par les élèves, l’approche communicative-expérientielle crée des situationsd’apprentissage où les élèves en francisation utilisent la langue pour communiquer, penser etapprendre. Ainsi, ils découvrent et s’approprient l’univers de la langue française, dans sesdimensions langagières et culturelles.

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Sources consultées

CAZABON, B. « De la mission culturelle de l’école et de la pédagogie du français langue maternelle »,Canadian Ethnic Studies / Études ethniques du Canada, vol. XXV, no 2, p.52-64, 1993.

CAZABON, B. « Vers un modèle holistique de la didactique du français langue maternelle », inCazabon, B. (dir.) Des mots, à fleurs de pays, les actes du 2e congrès national de l’ACREF [Alliancecanadienne des responsables et des enseignantes et enseignants en français langue maternelle],Ottawa, ACREF, p. 80-98, 1996.

COLOMBIE-BRITANNIQUE. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. L’art du langage, français langue maternelle,aperçu de la recherche, Victoria, Imprimeur de la Reine pour la Colombie-Britannique, 1994.

LENTZ, F. « La didactique du/en français langue maternelle en milieu minoritaire : réflexions sur quelques points critiques », in CAZABON, B. (dir.) Des mots, à fleurs de pays, les actes du 2e congrès national de l’ACREF [Alliance canadienne des responsables et des enseignantes etenseignants en français langue maternelle], Ottawa, ACREF, p. 145-172, 1996.

Pour en savoir plus

GERMAIN, C. Le point sur l’approche communicative en didactique des langues, 2e éd., Anjou, CentreÉducatif et Culturel inc., 1993.

Cet ouvrage synthèse présente un tour d’horizon de l’approche communicative : sonhistoire, la conception de la langue qu’elle véhicule (un savoir-faire à utiliser dans dessituations de communication), les conceptions de l’apprentissage et de l’enseignement quilui sont sous-jacentes et, enfin, quelques pistes d’élargissement.

LEBLANC, R. Étude nationale sur les programmes de français de base. Rapport synthèse. Ottawa,Association canadienne des professeurs de langue seconde, M. éditeur, 1990.

Cet ouvrage synthèse présente, entre autres choses, l’essentiel des quatre composantes d’un « curriculum multidimensionnel » : le syllabus langue, le syllabus communicatif/expérientiel, le syllabus culture, le syllabus formation langagière générale. Le chapitre 3,consacré spécifiquement au syllabus communicatif/expérientiel, présente quelquesorientations de l’approche communicative/expérientielle.

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L’approche stratégique-constructiviste

Un contexte général d’apprentissage en pleine mutation

Le contexte général d’apprentissage est actuellement en pleine mutation :

• Le profil des élèves d’aujourd’hui est bien différent de celui des élèvesd’hier : l’école n’est plus le seul lieu où les élèves peuvent acquérirdes connaissances. Ils sont désormais plus sensibles au monde del’image et du son qu’au monde de l’écrit. Ils possèdent davantage deconnaissances dans des domaines de plus en plus variés mais il s’agitd’un savoir peu intégré et peu hiérarchisé. Les élèves consommentl’information mais ne semblent guère la traiter;

• Les élèves vivent dans une conjoncture sociale en pleine transformation : développement accélérédes technologies de l’information et de la communication, augmentation et diversification del’information, transformation et diversification du mode de vie sur le plan familial et social,diversification des valeurs;

• Les nouvelles découvertes sur le fonctionnement de la pensée conduisent à une modification de laconception de l’apprentissage. On passe de l’apprentissage d’un savoir qui se transmet à celui d’unsavoir qui se construit. L’apprentissage est désormais envisagé comme un processus où l’élève joueun rôle actif, où il s’approprie de nouveaux savoirs en établissant des liens avec ses connaissances/expériences antérieures. Il s’agit là d’un changement important qui touche à la fois aux croyancespédagogiques et aux actions pédagogiques. « Bref, la connaissance ne se donne pas; elle ne peutêtre élaborée que par la personne qui apprend. C’est pourquoi (…) il faut placer les élèves, et nonle contenu, au centre du processus d’apprentissage. » (Morissette, 2002, p. 17)

Construire son savoir : six principes d’apprentissage

L’apprentissage est un processus cognitif, affectif et social par lequel l’élève construit et reconstruitses savoirs (habiletés, connaissances et attitudes) en les utilisant dans des contextes de plus en plusvariés et complexes. L’apprentissage s’effectue par le biais d’expériences nombreuses, variées etsignificatives. C’est en cheminant dans ce processus que l’élève élargit progressivement son champd’autonomie et qu’il se donne les moyens d’apprendre à apprendre la vie durant.

L’approche stratégique-constructiviste repose sur six principes d’apprentissage. L’apprentissage est plus efficace et plus durable lorsque l’élève

• est actif dans la construction de son savoir : l’élève traite l’information, c’est-à-dire il l’observe,l’explore, la découvre, l’analyse, l’évalue, réalise une création à partir d’elle;

• établit des liens entre les nouvelles connaissances et ses connaissances/expériences antérieures :apprendre, c’est en effet transformer ce que l’on sait déjà par l’apport d’informations nouvelles;

• organise ses connaissances en réseaux (p. ex. : liens organisant les connaissances, systèmesd’organisation) : ces réseaux favorisent l’intégration et la réutilisation fonctionnelle desconnaissances;

• est en mesure de transférer ce qu’il a appris dans d’autres situations : pour ce faire, l’élève doitdéterminer quelles connaissances utiliser, comment, quand et pourquoi les utiliser;

• met en œuvre des stratégies cognitives (qui portent sur le traitement de l’information), desstratégies métacognitives (qui portent sur une réflexion sur le processus d’apprentissage) et des stratégies socio-affectives (qui portent sur la disposition à entreprendre des tâches et surl’interaction avec d’autres apprenants lors du processus d’apprentissage);

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• a une perception positive de ses compétences et de ses chances de réussite ainsi que du sens desapprentissages : ces facteurs, auxquels s’ajoute l’interaction sociale avec les pairs, influent sur lamotivation de l’élève; cette dernière, à son tour, détermine l’engagement de l’élève, le degré de saparticipation et la persévérance qu’il apportera à ses apprentissages.

Le rôle des connaissances/expériences antérieures des élèves

Les connaissances/expériences antérieures des élèves – le bagage cognitif et affectif qu’ils se sontconstruit depuis leur naissance – constituent la façon avec laquelle ils perçoivent leurenvironnement. Ces connaissances/expériences antérieures des élèves agissent comme des filtresdans le processus de construction des savoirs. Elles déterminent en effet la compréhension del’information que les élèves reçoivent, la représentation qu’ils se font de tel phénomène, de tellesituation ou de telle notion.

Il est donc essentiel de s’appuyer explicitement sur les connaissances/expériences antérieures desélèves dans les situations d’apprentissage qu’on leur propose. Cela est d’autant plus important avecles élèves en francisation. Leur bagage antérieur constitue en effet un facteur facilitantl’apprentissage de la langue; ce n’est pas parce que les élèves en francisation sont en traind’apprendre la langue qu’ils « partent de zéro»!

La démarche d’apprentissage à trois temps

L’approche stratégique-constructiviste s’actualise, entre autres choses, par une démarched’apprentissage à trois temps, qui permet à l’élève, avec l’appui de l’enseignant, de préparer, puis de réaliser, enfin d’intégrer ses apprentissages.

Premier temps : préparation de la démarche d’apprentissage

Durant ce premier temps, les élèves construisent la situation d’apprentissage. Ils posent desquestions, s’appuient sur leurs connaissances/expériences antérieures, anticipent le déroulement des apprentissages et leur rôle, se font une représentation, et se construisent une perceptionpositive du sens des apprentissages.

Parallèlement, l’enseignante

• met en place un contexte d’apprentissage signifiant :

❍ présente l’intention pédagogique de la situation d’apprentissage;

❍ présente le déroulement de la situation d’apprentissage;

❍ suscite l’intérêt des élèves, crée une motivation pour les apprentissages;

• active et organise les connaissances/expériences antérieures des élèves pour leur permettre de faire des liens avec les nouveaux apprentissages;

• met les élèves en « projet d’apprentissage » :

❍ invite les élèves à formuler des questions ou des hypothèses à propos des apprentissages à réaliser;

❍ invite les élèves à anticiper les résultats et le déroulement de la démarche d’apprentissage;

❍ outille les élèves de moyens ou de stratégies pour qu’ils puissent vivre la situationd’apprentissage.

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Deuxième temps : réalisation de la démarche d’apprentissage

Durant ce deuxième temps, les élèves réalisent des tâches liées aux apprentissages à réaliser. Ils observent, explorent, découvrent, discutent, négocient, sollicitent des rétroactions, traitentl’information, produisent.

Parallèlement, l’enseignante

• observe, anime, guide, oriente et soutient les élèves dans la réalisation de leurs tâches;

• favorise le développement des habiletés personnelles et sociales de coopération (p. ex. : partage,mise en commun, entraide, respect, confiance, écoute, résolution ou conflits);

• apporte aux élèves un soutien méthodologique (p. ex. : planification et exécution des tâches,gestion du travail, moyens de résoudre des problèmes);

• met en œuvre des pratiques d’évaluation formative (p. ex. : critères de réalisation d’une tâche,critères de réussite d’une tâche);

• aide les élèves à se constituer un répertoire de stratégies cognitives (traitement de l’information),métacognitives (réflexion sur l’apprentissage lui-même) et socio-affectives (disposition àl’apprentissage et interactions sociales avec d’autres apprenants) par modelage, pratique guidée,pratique coopérative et pratique autonome;

• guide les élèves dans leur construction d’une conception positive de leur capacité d’apprendre (p. ex. : importance de la rétroaction, de l’objectivation, de la mise en œuvre de stratégiesefficaces, de la verbalisation du processus d’apprentissage).

Troisième temps : intégration de la démarche d’apprentissage

Durant ce troisième temps, les élèves partagent les tâches réalisées et célèbrent les apprentissagesaccomplis, font un retour sur le processus d’apprentissage et réinvestissent, dans d’autres situationsd’apprentissage, les connaissances, les habiletés, les stratégies et les attitudes acquises.

Parallèlement, l’enseignante

• facilite et valorise le partage des réalisations et la célébration des apprentissages;

• anime le retour sur le processus d’apprentissage en amenant les élèves à en prendre conscience età le verbaliser (p. ex. : ce qu’ils ont appris, comment ils l’ont appris, les difficultés rencontrées etles moyens utilisés pour les surmonter, l’efficacité des stratégies mises en œuvre);

• favorise le transfert des connaissances en proposant de nouvelles situations d’apprentissage, enamenant les élèves à généraliser des concepts, des habiletés;

• aide les élèves à se construire une image positive de leur capacité d’apprendre et d’apprendre àapprendre, une image positive de soi.

Pour ne pas conclure

« [C]e sont les élèves qui construisent eux-mêmes leurs savoirs. Pour cela, ils doivent être engagéscognitivement et affectivement. » (Morissette, 2002, p. 31)

« S’il est un domaine où l’enseignant a du pouvoir, c’est bien en ce qui a trait au climat de sa classe. »(Morissette, 2002, p. 208)

« Apprendre, c’est quelque chose que l’on fait et non quelque chose qui nous arrive. » (Dalceggio,cité dans Morissette, 1997, p. 25)

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Sources consultées

ALBERTA, COLOMBIE-BRITANNIQUE, MANITOBA, SASKATCHEWAN, TERRITOIRES DU NORD-OUEST et YUKON. Cadre commun des résultats d’apprentissage en français langue première (M-12),Winnipeg, Protocole de collaboration concernant l’éducation de base dans l’Ouest canadien (de la maternelle à la douzième année), 1996.

DEVELAY, M. Donner du sens à l’école, Paris, ESF éditeur, 1996.

LEGENDRE, R. Dictionnaire actuel de l’éducation, 2e éd., Montréal/Paris, Guérin/Eska, 1993 (en particulier les pages 321 à 323).

MORISSETTE, R. « Vers une pratique cohérente de l’évaluation ou une goutte d’eau de plus dansl’océan des écrits sur l’évaluation », Vie pédagogique, no 103, p. 23-27, 1997.

OUELLET, Y. « Un cadre de référence en enseignement stratégique », Vie pédagogique, no 104, p. 4-11, 1997.

SAINT-ONGE, M. Moi j’enseigne, mais eux apprennent-ils?, 2e éd., Laval, Éditions Beauchemin ltée,1993.

TARDIF, J. Pour un enseignement stratégique. L’apport de la psychologie cognitive, Montréal, Les Éditions Logiques inc., 1992.

TARDIF, J. « Pour un enseignement de plus en plus stratégique », Québec français, no 89, p. 35-39, 1993.

VIAU, R. La motivation en contexte scolaire, Saint-Laurent, Éditions du Renouveau Pédagogique Inc.,1994.

Pour en savoir plus

MORISSETTE, R. Accompagner la construction des savoirs, Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2002.

Cet ouvrage, accompagné d’affiches et d’une vidéocassette qui illustre pédagogiquement lescontenus du livre, vulgarise les concepts essentiels de l’approche stratégique-constructiviste :la construction des savoirs et l’apprentissage, le transfert, la tâche, l’évaluation, le travailen équipe, le climat de la classe. L’ouvrage présente une variété d’outils sous formed’activités, de texte explicatifs, de tableaux, de schémas, de grilles de réflexion,d’illustrations et d’exemples de tâches.

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L’apprentissage coopératif

Principes de base de l’apprentissage coopératif

L’apprentissage coopératif favorise l’apprentissage en petits groupes hétérogènes. Dans ces groupes organisés de façon rigoureuse, les rôles de chaque coéquipier sontsoigneusement établis d’avance et les tâches planifiéesavec soin. Les membres du groupe doivent non seulementeffectuer les tâches assignées mais aussi s’entraider ets’encourager pour les réussir, individuellement etcollectivement.

L’apprentissage coopératif repose sur quatre principesimportants :

• Les groupes sont hétérogènes, en particulier quant à la diversité des niveaux de compétence et des stylesd’apprentissage;

• Les tâches exigent, pour être réalisées, une interaction sociale entre les membres du groupe. Lesélèves ont chacun un rôle à jouer pour réaliser une tâche commune. Chacun contribue activementau fonctionnement du groupe. La réussite ou l’échec dans la réalisation de la tâche dépend del’engagement et de la responsabilisation de chacun. La contribution de chaque membre n’est pasnécessairement égale, mais elle est individuelle, spécifique et significative;

• Les tâches à accomplir donnent lieu à une riche interaction langagière entre les élèves;

• Le groupe crée une dynamique d’apprentissage qui produit des bénéfices pour le groupe dans son ensemble et pour chacun de ses membres. Chaque membre est en effet responsable del’apprentissage de tous, profite du soutien du groupe et contribue au succès du travail de celui-ci.

Il est recommandé que la composition du groupe reste stable pendant un certain temps, pour queses membres apprennent à cheminer ensemble. Il est également recommandé que chaque élève aitl’occasion de travailler avec différents élèves au cours d’une année.

Aux résultats d’apprentissage par discipline viennent s’ajouter des habiletés sociales : écouteractivement, prendre la parole à son tour, accepter les idées des autres, partager, s’entraider.L’apprentissage coopératif améliore l’estime de soi, le goût pour l’étude, la pensée complexe et le rendement scolaire. Il développe également chez les élèves l’empathie, l’adaptabilité, laresponsabilité, l’initiative et la créativité, plutôt que le strict succès individuel. Il développe enfinchez les élèves un rapport positif envers les autres, perçus comme une source d’enrichissementpersonnel.

Les rôles à l’intérieur du groupe

Les rôles attribués à chaque élève permettent d’éviter la domination ou la passivité de certainsélèves. Les rôles peuvent être répartis ainsi :

• le vérificateur s’assure que le travail est compris et fait;

• le facilitateur rappelle les consignes, s’assure que chacun joue son rôle;

• l’harmonisateur encourage, félicite, cherche des solutions;

• le porte-parole demande de l’aide au nom de l’équipe, expose ce qui a été essayé, rapporte lesconseils à l’équipe;

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• l’observateur note comment la tâche a été accomplie et comment la coopération s’est déroulée;

• le « gardien du temps » s’assure que le temps accordé à la réalisation de la tâche est respecté.

Il est essentiel que chaque élève puisse assumer chacun de ces rôles au cours de l’année.

Apprentissage coopératif et francisation

En francisation, l’apprentissage coopératif prend une dimension particulièrement importante :

• il crée des situations d’interaction, de dialogue, de communication, dans un but précis;

• il crée des « communautés d’apprentissage » : les membres des groupes s’entraident dans la réalisation d’une tâche, dans un climat d’interdépendance positive;

• il renforce les habiletés interpersonnelles : savoir écouter, interagir, tenir compte des idées des autres;

• il valorise la responsabilité individuelle et collective, le sens de l’initiative, l’estime de soi;

• il permet la réflexion critique, de groupe et individuelle : l’élève analyse le processus de réalisation de la tâche accomplie et évalue son progrès et celui du groupe;

• il valorise, aux yeux des élèves, la langue française comme un facteur de personnalisation et de socialisation.

Sources consultées

LANDRY, R. « Déterminisme et détermination : vers une pédagogie de l’excellence en milieuminoritaire », La Revue canadienne des langues vivantes / The Canadian Modern Language Review,vol. 49, no 4, p. 887-927, 1993.

COLOMBIE-BRITANNIQUE. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. L’art du langage, français langue maternelle,aperçu de la recherche, Victoria, Imprimeur de la Reine pour la Colombie-Britannique, 1994.

CHAMBERS, B., PATTEN, H. M., SCHAEFF, J., WILSON MAUD, D. (adapt. franc. DOYON, M.). Découvrir la coopération, activités d’apprentissage coopératif pour les enfants de 3 à 8 ans,Montréal, Les Éditions de la Chenelière, 1997.

REID, J., FORRESTAL, P., COOK, J. (adapt. franc. LANGEVIN, L.). Les petits groupes d’apprentissage,Laval, Éditions Beauchemin ltée, 1993.

MORISSETTE, R. Accompagner la construction des savoirs, Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2002.

Pour en savoir plus

HOWDEN, J., MARTIN, H. La coopération au fil des jours. Des outils pour apprendre à coopérer.Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 1997.

Ce guide pratique propose des outils pour créer en classe un milieu de vie et de travailcoopératif. Ces outils illustrent les principes de l’apprentissage coopératif.

ABRAMI, P. C. et al. L’apprentissage coopératif. Théories, méthodes, activités. Montréal, Les Éditionsde la Chenelière, 1996.

Cet ouvrage présente l’apprentissage coopératif sous trois aspects : les principales théorieset les recherches les plus récentes, des conseils pratiques et, enfin, des modèles d’activitéscoopératives adaptables en fonction des niveaux scolaires.

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La pédagogie différenciée

Il n’y a pas deux apprenants qui progressent à la même vitesse.Il n’y a pas deux apprenants qui soient prêts à apprendre en même temps.Il n’y a pas deux apprenants qui résolvent les problèmes exactement de la même manière.Il n’y a pas deux apprenants qui possèdent le même répertoire de comportements.Il n’y a pas deux apprenants qui possèdent le même profil d’intérêt.(D’après Burns, cité dans Przesmycki, 1991, p. 70)

Pourquoi différencier?

Les élèves en francisation arrivent à l’école francophone avec desexpériences de vie, des besoins et des compétences en langue françaiseextrêmement variés. C’est ainsi que, dans une même classe parexemple, peuvent être rassemblés des élèves qui ne parlent pasfrançais, d’autres qui le parlent peu, d’autres qui communiquentpassablement mais pour qui la langue est encore un obstacle àl’apprentissage, et encore, dans le cas d’une classe hétérogène, desélèves francophones. Différencier les interventions pédagogiquespermet de tenir compte du cheminement langagier propre à chaqueélève et, plus fondamentalement, de la grande diversité linguistique et culturelle des élèves en francisation.

Par ailleurs, comme on l’observe quotidiennement dans les classes,chaque élève apprend à partir d’un vécu personnel, selon un rythmeparticulier et selon un style propre. Différencier les interventionspédagogiques permet de tenir compte de ces différences entre lesélèves, de cette hétérogénéité constitutive de tout grouped’apprenants.

Définition et fondements théoriques

La pédagogie différenciée est une pédagogie des processus : elle met en œuvre un cadre souple pourque les élèves apprennent selon leurs propres itinéraires d’appropriation des savoirs. Elle s’organise àpartir d’un ou de plusieurs éléments caractéristiques de l’hétérogénéité des élèves, tels que :

• les différences cognitives des élèves (p. ex. : modes de pensée, stratégies d’apprentissage, stadesde développement);

• les différences socioculturelles des élèves (p. ex. : valeurs, croyances, histoires familiales, types desocialisation);

• les différences psychologiques des élèves (p. ex. : vécu, personnalité, volonté, attention,curiosité, rythmes).

La pédagogie différenciée se définit donc comme

• une pédagogie individualisée qui reconnaît l’élève comme une personne ayant des itinérairesd’apprentissage et une représentation des apprentissages qui lui sont propres;

• une pédagogie variée, qui propose un éventail de démarches, s’opposant ainsi au mytheidentitaire de l’uniformité selon lequel tous les élèves doivent travailler au même rythme, dans la même durée et par les mêmes itinéraires;

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• une pédagogie responsabilisante, qui offre aux élèves la possibilité d’être actifs dans leursapprentissages en se prenant eux-mêmes en charge;

• une pédagogie qui promeut l’égalité des chances pour tous par la reconnaissance du droit à ladifférence de l’individu-élève ainsi que l’éducabilité de l’être humain par la reconnaissance dupotentiel de chaque élève.

Même si le concept de différenciation pédagogique a pris de plus en plus d’importance au fur et àmesure que l’on reconnaissait de plus en plus le rôle de l’élève dans les apprentissages, il importe de signaler que la pédagogie différenciée existe – depuis longtemps – dans certains contextesd’apprentissage, tels que la classe unique d’une école en milieu rural, qui regroupe des élèves d’âgeet de compétences hétérogènes.

Éléments de mise en œuvre

La différenciation peut s’opérer sur trois niveaux, comme l’illustre le schéma suivant (adapté decelui présenté dans Przesmycki, 1991, p.16) :

• La différenciation des processus d’apprentissage : les élèves sont répartis en plusieurs groupes qui travaillent chacun simultanément sur les mêmes contenus selon des processus différents misen œuvre par des modalités de travail différentes;

• La différenciation des contenus d’apprentissage : les élèves sont répartis en plusieurs groupes quitravaillent chacun simultanément sur des contenus différents; ces contenus ont été sélectionnéssuite à un diagnostic initial révélant l’hétérogénéité des compétences des élèves;

• La différentiation des structures : les élèves sont répartis dans des structures différentes de la classe, ce qui leur permet de vivre, au sein de groupes différents, des interactions socialesdifférentes propices aux apprentissages.

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La mise en œuvre d’une pédagogie différenciée requiert :

• un inventaire, exhaustif et précis, des savoirs que les élèves ont à acquérir;

• un diagnostic initial : cette étape est fondamentale, puisque la différenciation ne peut s’opérerqu’à partir de la collecte de renseignements les plus précis et les plus complets sur lescompétences des élèves; ces renseignements permettent de cerner la variété des besoins desélèves et de mieux y répondre;

• une planification pédagogique, tenant compte, entre autres choses, de la fonction de ladifférenciation (façon de remédier aux difficultés rencontrées par les élèves au cours desapprentissages antérieurs ou moyen d’aborder de nouveaux apprentissages), de sa durée, de saplace dans la progression pédagogique générale, des tâches à effectuer, du rôle régulateur quejoue l’évaluation (p. ex. : repérage des acquis, points à travailler davantage).

Un exemple de pédagogie différenciée

Contexte de la séquence de différenciation :

• niveau scolaire : classe de 2e année;

• encadrement : enseignante et enseignante-bibliothécaire;

• lieu : à la bibliothèque de l’école et non dans la salle de classe;

• objectif : établir les caractéristiques physiques des oiseaux;

• place dans la progression générale : établir des liens entre les caractéristiques physiques et l’habitat.

Différencier les contenus d’apprentissage :

Suite au diagnostic initial, les élèves ont été rassemblés en deux groupes :

• groupe 1 : les élèves ayant des habiletés de recherche pouvant être mises en œuvre de manièrerelativement autonome;

• groupe 2 : les élèves ayant des habiletés de recherche nécessitant l’aide d’un adulte pour êtremises en oeuvre.

Différencier les processus :

• première étape : exploration initiale du sujet, sous la forme d’une discussion de classe animéepar l’enseignante, pour établir des catégories (p. ex. : bec, tête, corps, pattes).

• deuxième étape : travail autonome différencié en ce qui concerne les stratégies et les supports :

❍ des supports différents :

� le groupe 1 dégage les caractéristiques physiques des oiseaux pour chacune des catégoriesétablies, en s’appuyant sur de courts textes descriptifs;

� le groupe 2 dégage les caractéristiques physiques des oiseaux pour chacune des catégoriesétablies, en s’appuyant sur des illustrations et sur des textes imagés.

❍ des stratégies différentes :

� le groupe 1, réparti en dyades, réalise la tâche avec l’aide de la bibliothécaire-enseignante;

� le groupe 2, réparti en dyades, réalise la tâche en s’appuyant sur un modelageméthodologique de recherche effectué par l’enseignante et sur des interactions entre les élèves et l’enseignante.

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• troisième étape : synthèse collective, animée conjointement par l’enseignante et labibliothécaire-enseignante, en deux temps :

❍ partage en groupes de quatre (deux du groupe 1 et deux du groupe 2) sur lescaractéristiques dégagées et sur le processus de réalisation de la tâche;

❍ réinvestissement sous la forme d’un jeu de devinettes avec illustrations.

Différencier les structures :

• première étape : classe entière pour l’exploration collective initiale;

• deuxième étape : travail en deux groupes;

• troisième étape : classe, répartie d’abord en groupes de quatre puis entière, pour la synthèsecollective finale.

Cet exemple illustre les niveaux de différenciation et la variation des démarches pédagogiques de l’enseignante. Celles-ci conduisent les élèves à traiter l’information selon des démarchesdifférenciées elles-aussi; elles favorisent également des interactions sociales entre les élèves, sur l’objet même de l’apprentissage.

Sources consultées

CAZABON, B., S. LAFORTUNE et J. BOISSONNEAULT. La pédagogie du français langue maternelle etl'hétérogénéité linguistique, Toronto, ministère de l'Éducation et de la Formation de l'Ontario,1993.

COLOMBIE-BRITANNIQUE. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. L’art du langage, français langue maternelle,aperçu de la recherche, Victoria, Imprimeur de la Reine pour la Colombie-Britannique, 1994.

DEVELAY, M. Donner du sens à l’école, Paris, ESF éditeur, 1996.

MANITOBA, ÉDUCATION ET FORMATION PROFESSIONNELLE. Le succès à la portée de tous lesapprenants : manuel concernant l’enseignement différentiel, Winnipeg, Division des programmesscolaires, 1997.

Pour en savoir plus

MEIRIEU, P. L’école mode d’emploi, des « méthodes actives » à la pédagogie différenciée, Paris, ESFéditeur, 1991.

La seconde partie de cet ouvrage examine spécifiquement la pédagogie différenciée : à partir de la prise en compte du « défi à relever » que constitue l’hétérogénéité, lapédagogie différenciée est examinée sous l’angle de ses enjeux pour les apprentissages des élèves et sous l’angle de sa mise en œuvre pédagogique.

PRZESMYCKI, H. Pédagogie différenciée, Paris, Hachette, 1991.

Comment mettre en œuvre la pédagogie différenciée? Cet ouvrage, conçu comme un guidepratique, propose des éléments de réponse à cette question, à partir d’interrogations sur leconcept de pédagogie différenciée lui-même, sur les manières d’élaborer un diagnostic, surles façons de mettre en place des stratégies d’apprentissage et sur la mise en oeuvrepratique.

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L’erreur dansl’apprentissage d’une langue

Introduction

Pour les enfants en francisation,apprendre, c’est prendre le risque defaire des erreurs, à tout moment. Pouréviter les erreurs, les élèves se limitentd’abord à une syntaxe très simple, sansprendre le risque de s’aventurer au delà.

Et puis, un beau jour, si le climat est propice à la prise de risque, ils s’aventurent à essayer denouvelles structures. Ils feront sans doute encore des erreurs, mais ce sera un signe de progrès.L’erreur n’indique-t-elle pas un apprentissage qui est en train de se faire? En effet, de même que,selon le proverbe, c’est en forgeant que l’on devient forgeron, c’est en parlant que l’on apprend àparler et en écrivant que l’on apprend à écrire.

Comment envisager l’erreur? Peut-on mettre en évidence des types d’erreurs? Comment mettre àprofit l’erreur?

L’erreur : des conceptions pédagogiques différentes

À l’école, l’erreur est souvent considérée comme une faiblesse à éviter à tout prix, comme la traced’un échec, alors qu’en dehors de la classe, dans les sports ou les jeux sur ordinateur, par exemple,elle est perçue comme une étape positive, comme un défi faisant partie du progrès, comme uneoccasion de se dépasser.

Dans les apprentissages langagiers et, plus largement, scolaires, pourrait-on envisager l’erreur dansune perspective positive et la considérer comme une trace d’apprentissage, qui indique là où l’élèveest dans son apprentissage, ce qu’il a compris?

Un bref survol historique montre que les conceptions pédagogiques de l’erreur ont évolué, selon que l’onenvisage l’apprentissage comme un produit (faute) ou comme un processus (étape d’apprentissage) :

• selon l’approche transmissive, l’erreur est une faute inacceptable car elle constitue unmanquement à une norme : elle doit être éliminée;

• selon l’approche béhavioriste, l’erreur est également vue comme une faiblesse : elle constitue undéfaut qu’on doit prévenir au niveau de la planification pédagogique, afin de l’éviter en prenantdes mesures préventives;

• enfin, selon l’approche constructiviste, l’erreur acquiert un statut beaucoup plus positif : les erreurs commises ne sont plus des fautes regrettables, elles deviennent des symptômesintéressants qui indiquent les processus intellectuels en jeu dans les apprentissages et quiméritent d’être analysés. Il s’agit, pour l’enseignante et pour l’élève, de trouver la logique derrièrel’erreur et d’en tirer parti pour améliorer les apprentissages. Reconnaître une erreur et sa causeest une manifestation d’apprentissage. Chaque fois qu’un élève se risque à essayer un motnouveau ou une nouvelle structure, qu’il commet une erreur et qu’il tente d’en identifier la cause,seul ou aidé de l’enseignante, il y a apprentissage.

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Quelques types d’erreurs

On peut classer les erreurs en divers types selon leurs causes. Voici quelques types d’erreurs parmiles fréquentes :

1. Erreurs imputables à l’interférence avec la langue anglaise

Exemples :

I am hungry Je suis faim

I am 12 Je suis 12

You look like my sister Tu regardes comme ma sœur

She sleeps in her bed Elle dort sur sa lit

I know this boy Je sais ce garçon

2. Erreurs imputables à des surgénéralisations

Certaines erreurs résultent d’une généralisation d’une règle bien comprise dans un contexte à un autre contexte où cette règle ne s’applique pas.

Exemples :

Ils attendent Ils attendaient

Ils courent Ils couraient

Ils sont Ils sontaient

La forme verbale « sontaient » résulte d’une surgénéralisation de la règle de formation morphologiquede l’imparfait. Il est intéressant de noter que des erreurs de ce type sont faites par des élèves, quelleque soit leur langue première semble-t-il, et que le jeune enfant fait la même erreur dansl’apprentissage de sa langue maternelle. L’hypothèse avancée est la suivante : l’apprenant applique une règle du système linguistique de la langue cible déjà maîtrisée dans une autre situation, maiscette fois-ci la règle qu’il a déduite ne s’applique pas, c’est une exception ou une situation irrégulière.

3. Erreurs imputables à des créations spontanées

Certaines erreurs sont des formes produites, non pas à partir d’un modèle connu de l’apprenant,mais plutôt pour pallier l’absence de la forme correcte par une autre plus immédiatementdisponible ou encore par pure invention.

Exemples :

Quand j’ai tout petit, je ne parle pas français.

Mon papa et ma maman aller en ville.

Elle donne un visage de sourire.

Les deux premiers exemples d’erreur peuvent être interprétés comme la mobilisation parl’apprenant de formes disponibles pour communiquer un message. Le dernier exemple d’erreurpeut être interprété comme un indice des risques que prend l’apprenant, lorsqu’il utilise la languequ’il est en train d’apprendre.

Il existe d’autres types d’erreurs qui ne sont pas spécifiquement liées à l’apprentissage d’une langue(p. ex. : erreurs liées aux opérations intellectuelles, erreurs causées par la fatigue, par l’énervementou par une complexité excessive du contenu).

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Comprendre et analyser les erreurs

Il faut sans doute comprendre que les erreurs se produisent de façon systématique, souvent à partird’une règle que l’apprenant s’est forgée. Les erreurs révèlent que l’élève est en train d’apprendre unelangue, de découvrir son fonctionnement, bref elles font partie du processus d’apprentissage. C’est àpartir de l’analyse des erreurs qu’il est possible de savoir où en est l’élève dans son apprentissage etde l’aider à faire des progrès.

Quand l’élève apprend, il teste un nouvel « outil » (une règle) dans une situation nouvelle. Celareprésente un risque, car il ne connaît pas encore les limites à la règle qu’il utilise et ne sait pasqu’il y a peut-être des cas particuliers, des exceptions. Dans ce cas, l’erreur peut révéler lesstratégies d’apprentissage de l’élève. L’enseignante peut ainsi découvrir le cheminement qu’il a suivipour arriver à cette erreur, donc mettre en évidence non pas seulement la faiblesse qui l’a causée,mais aussi la force qui se cache derrière. L’élève a tenté d’appliquer une règle, mais laquelle?

L’étape suivante est de permettre à l’élève d’observer d’autres exemples, de faire de nouvelleshypothèses et de raffiner la règle qu’il s’était formulée.

En participant à l’analyse des erreurs, l’élève pourra ensuite développer des stratégies d’autocorrectionafin de réduire le nombre d’erreurs, surtout celles qui nuisent à la compréhension du message.

Corriger les erreurs

Les principes suivants devraient orienter les interventions visant la correction des erreurs :

• ne pas corriger quand l’élève s’exprime; différer le moment de l’intervention correctrice est unerègle fondamentale si l’on ne veut pas brimer l’élève;

• pour être efficace, la correction doit se faire de façon sélective, suivie, cohérente et systématique;

• les erreurs qui devraient recevoir le plus d’attention sont celles qui reviennent régulièrement,fréquemment, dans plusieurs contextes et qui risquent par le fait même de se fossiliser :

❍ celles qui mettent en danger la communication (souvent au niveau du lexique et de laprononciation);

❍ celles qui sont susceptibles d’irriter l’interlocuteur;

❍ celles qui reflètent un besoin immédiat de nouvelles formes linguistiques;

❍ celles qui sont liées aux objectifs d’une activité en cours;

• la situation d’apprentissage oriente l’intervention correctrice : celle-ci sera différente si l’élève estengagé dans une activité communicative qui vise à développer l’aisance ou si l’élève est engagédans une activité qui vise la précision linguistique;

• l’intervention correctrice doit être limitée en nombre et adaptée au niveau des connaissances desélèves;

• une intervention correctrice qui conduirait, même involontairement, à humilier l’élève qui faitune erreur risque d’anéantir chez celui-ci la spontanéité et le goût du risque, deux conditionsessentielles à l’apprentissage d’une langue.

Quant aux techniques de correction, celles qui semblent les plus efficaces sont dans l’ordre :

• l’autocorrection;

• la correction par les pairs;

• la correction indirecte (p. ex. : faire produire la forme souhaitée à l’aide d’indices);

• la correction systématique par l’enseignante.

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Remarques conclusives

Envisagées comme des traces d’apprentissage, les erreurs peuvent être mises à profit et aider àconstituer des activités d’apprentissage riches et significatives. Lorsque l’élève comprend ses erreurs, ildevient plus conscient de ses stratégies d’apprentissage. Parallèlement, l’enseignante prend consciencede son attitude face à l’erreur et des modalités de ses interventions correctrices. « Si, comme l’a sijustement dit quelqu’un, “mieux vaut l’erreur que le silence”, il est aussi vrai qu’entre le silence etl’erreur, il y a place pour une correction constructive, positive et suivie. » (Calvé, 1992, p. 467)

Sources consultées

CALVÉ, P. « Corriger ou ne pas corriger, là n’est pas la question », La Revue Canadienne des languesvivantes / The Canadian Modern Language Review, vol. 48, no 3, p. 458-471, 1992.

MARQUILLÓ LARRUY, M. L’interprétation de l’erreur, Paris, CLE International/VUEF, 2003.

MORISSETTE, R. Accompagner la construction des savoirs, Montréal, Chenelière/McGraw-Hill, 2002.

Pour en savoir plus

ASTOLFI, J.-P. L’erreur, un outil pour enseigner, Paris, ESF éditeur, 1997.

Cet ouvrage retrace l’évolution de la conception pédagogique de l’erreur. Autrefois objetd’une sanction, les erreurs sont désormais considérées comme des indices pour mieuxcomprendre les processus d’apprentissage des élèves. Sans nier que des erreurs liées àl’inattention ou au désintérêt existent, l’auteur montre avec précision qu’il est possible des’appuyer sur les erreurs commises pour mieux intervenir pédagogiquement. Mettre l’erreurau cœur des apprentissages conduit à questionner le sens des activités scolaires.

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Les littératies

De la littératie aux littératies

Apparu un peu avant les années 1970, le terme « littératie » a d’abord désigné un processusindividuel qui permet à l’enfant de développer leséléments psycholinguistiques essentiels àl’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Cetteperspective de la littératie axée sur la maturation aconduit à la mise en œuvre de programmes scolairescentrés sur les préalables et qui visaient à préparerl’enfant à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

Très vite cependant, on a constaté que la littératie necommençait pas au moment où l’enfant entrait àl’école mais bien avant, au cours de la petite enfance.L’expression « émergence de l’écrit » a fait alors sonapparition et un grand nombre de recherches ontporté sur des thèmes tels que le développement del’intérêt de l’enfant envers l’écrit de l’environnement,la construction de ses connaissances au sujet del’écrit, l’influence de la famille dans le développementde la littératie et les conditions favorables àl’apprentissage de la lecture et de l’écriture.

Le terme « littératie » s’est ensuite élargi pour inclure une dimension culturelle (enfant/famille/milieu)et socioculturelle (valeurs véhiculées par un groupe socioculturel, pratiques et relations sociales).Avec l’élargissement du sens attribué au mot « texte » qui ne renvoie plus seulement au texteimprimé, avec l’influence de plus en plus grandissante des sciences humaines en éducation et dansle cadre plus large d’une société où les technologies de l’information et de la communication jouentun rôle de plus en plus grand, la littératie prend aujourd’hui un sens beaucoup plus englobant : elledésigne des façons de parler, de lire, d’écrire, d’agir, des habiletés, des attitudes, des comportements,des actions, des valeurs, bref une façon d’être dans le monde.

Pour ce faire, l’élève doit faire appel, non pas à une littératie, mais à des littératies multiples :

• la littératie personnelle : celle-ci donne à l’élève les moyens de se définir, de devenir, de donner unsens à sa façon d’être, à travers les textes (entendus au sens large, c’est-à-dire dans leurs dimensionsécrite, orale, visuelle, médiatique et informatique), de se construire une vision du monde;

• la littératie scolaire : celle-ci donne à l’élève les moyens d’acquérir les langages des diversdomaines d’apprentissage (les disciplines scolaires par exemple) ainsi que les stratégiesd’exploration des concepts liés aux apprentissages scolaires; ces langages et ces stratégies sontnécessaires à la réussite scolaire;

• la littératie communautaire : celle-ci donne à l’élève les moyens de s’inscrire dans sa communautéet, plus largement, dans la société, de la comprendre, d’y apporter une contribution, d’être unacteur social, bref de participer au processus du développement humain;

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• la littératie critique : celle-ci donne à l’élève les moyens d’utiliser les trois littératies précédentes,au bon moment et à bon escient; plus fondamentalement, la littératie critique a trait à la mise enœuvre d’un sens critique, qui permet à l’élève de participer à la construction de son monde, defaçon active, créative et positive.

En somme, par la construction de ses littératies multiples, l’élève apprend à se lire, à lire les autreset lire le monde qui l’entoure; il apprend ainsi à se donner une voix qui lui permettra de devenir uncitoyen autonome, responsable, critique et engagé.

Rappelons enfin que la construction des littératies multiples est un processus que l’élève vitconjointement avec sa famille et sa communauté, que ce processus s’étend sur toute la vie et que ce cheminement est unique à chaque élève, compte tenu de qui il est, des expériences qu’il vit et du milieu dans lequel il évolue.

Des littératies multiples en français

L’école francophone en milieu minoritaire a un rôle langagier, culturel et identitaire irremplaçable :elle doit faire en sorte que l’élève utilise le français non seulement pour communiquer de façonefficace dans la vie courante et scolaire, mais aussi pour penser, pour apprendre, pour être critiquepar rapport à ce qu’il vit et à ce qu’il est, pour se construire une identité, pour créer un espaceculturel, pour aménager un territoire, pour exercer un pouvoir d’initiative et pour prendre en mainson propre développement.

L’école francophone en milieu minoritaire est donc concernée pleinement par le développement deslittératies multiples, en français. Dans cette perspective, la langue joue un rôle spécifique selon lesdiverses littératies :

• la littératie personnelle : la langue pour s’affirmer et agir positivement en tant que citoyenfrancophone;

• la littératie scolaire : la langue pour assurer la réussite scolaire;

• la littératie communautaire : la langue pour s’inscrire dans la francophonie;

• la littératie critique : la langue pour établir un rapport au monde.

Une telle perspective convoque le type d’expériences que les élèves vivent en français, les valeursqu’ils y associent et le processus par lequel ils s’actualisent comme personnes. Les élèves seconstruisent ainsi, progressivement, un répertoire de façons de comprendre, de s’exprimer, de penseret d’agir en français, de façons de faire, de dire, d’être francophones. Ce faisant, ils se construisentune image d’eux-mêmes comme personnes francophones. Un rapport affectif et identitaire s’établitainsi entre les élèves et la langue, qui leur permet de « penser le monde » en français.

Le rôle de la famille dans la construction des littératies multiples chez le jeune enfant

La famille joue un rôle très important dans le développement des littératies multiples chez le jeuneenfant. Voici un aperçu de quelques moyens utilisés par les parents pour permettre à l’enfant deconstruire ces littératies :

• devenir un modèle de lecteur pour enfant : intérêt, questions, appréciations, intégration de la lecture aux activités de la famille, éveil aux dimensions fonctionnelle et formelle de l’écrit,interactions langagières sur les livres et la lecture elle-même, présence de l’écrit dansl’environnement familial et communautaire;

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• lire régulièrement des histoires : découverte du plaisir de la lecture, moment d’intimité,développement du schéma du récit, apprentissage de connaissances sur le monde, apprentissagede concepts liés à l’écrit, apprentissage de structures de langue et de vocabulaire, interactionsverbales entre enfants et parents portant sur le sens des histoires et sur la lecture, apprentissagede mots et d’expressions permettant de « parler » des livres et de la lecture, réinvestissement desunivers narratifs dans le jeu symbolique;

• exploiter les types de langage utilisés dans les divers contextes des activités sociales :enrichissement du langage des enfants et enrichissement de leurs connaissances sur leurenvironnement, apprentissage des variations sociolinguistiques du langage;

• faire vivre des activités variées et significatives : activités familiales, sportives, culturelles, deplein-air, activités mettant à profit les technologies de l’information et de la communication,éventail de mots et d’expressions permettant de « parler » de cette gamme d’activités.

Avant d’entrer à l’école, les enfants ont donc réalisé un grand nombre d’apprentissages liés auxlittératies multiples.

Littératies et francisation

L’école francophone en milieu minoritaire a tout avantage à valoriser les apprentissages que lesélèves ont réalisés sur les littératies (quelle que soit la langue dans laquelle ces apprentissages ontété réalisés), avant leur entrée à l’école : de nombreux transferts peuvent ainsi s’effectuer etaccélérer le développement des littératies en français.

En outre, en francisation, le développement des littératies en français est favorisé par des facteurstels que :

• créer un environnement où la langue est un outil de communication, et non un ensemble demots et de règles;

• varier l’éventail des situations de communication où les élèves peuvent utiliser la langue, à différentes fins;

• créer un environnement sécurisant, stimulant, valorisant le vécu des élèves et leur permettant de vivre des expériences d’apprentissage significatives et plaisantes;

• valoriser le rôle actif des élèves dans leurs apprentissages : explorer, créer, réfléchir, etc.;

• promouvoir la pratique de l’interaction sociale, où les élèves peuvent combler leurs besoinspersonnels et sociaux;

• exposer les élèves à d’excellents modèles langagiers, exemplifiant des comportements littératiés;

• valoriser les progrès des élèves, leurs succès;

• valoriser la dimension culturelle de la pratique de la langue;

• valoriser les comportements littératiés des familles des élèves;

• œuvrer, de concert avec les familles et la communauté, au développement des littératies enfrançais.

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Sources consultées

ALBERTA LEARNING. Programme d’éducation de maternelle, français langue première, Edmonton,Direction de l’éducation française, 1999.

COLOMBIE-BRITANNIQUE. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. L’art du langage, français langue maternelle,aperçu de la recherche, Victoria, Imprimeur de la Reine pour la Colombie-Britannique, 1994.

MASNY, D. « Le développement de la littératie chez les jeunes enfants », Interaction, vol. 6, no1, p. 21-24, 1995.

MASNY, D. « Les littératies : un tournant dans la pensée et une façon d’être », Communicationprononcée au Colloque pancanadien sur la recherche en éducation en milieu francophoneminoritaire : bilan et prospectives, [en ligne], 2000, [www.acelf.ca/publi/crde/articles/14-masny.html], (décembre 2002).

Pour en savoir plus

MASNY, D. (dir.) La culture de l’écrit : les défis à l’école et au foyer, Outremont, Les ÉditionsLOGIQUES inc., 2001.

Cet ouvrage collectif explore les dimensions sociales, culturelles, politiques et pédagogiquesdes littératies multiples chez les jeunes enfants en milieu minoritaire.

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La francophonie

La francophonie : un bref survol de 1880 à nos jours

Le terme « francophonie » est apparu en 1880.C’est un géographe français, Onésime Reclus, qui,le premier, l’a utilisé pour décrire les collectivitésqui parlent français et, d’une façon plus large,l’ensemble des personnes parlant français. Leterme a ensuite été oublié pendant plus de 80 ans.

C’est le poète et politicien sénégalais LéopoldSédar Senghor qui, en 1962, a repris le terme etlui a donné une nouvelle vie, associée à unenouvelle vision. Les années 60 ont été des annéesd’affirmation nationale dans de nombreusesrégions de la planète, particulièrement en Afriqueoù d’anciennes colonies européennes ont accédé à l’indépendance. Les populations de ces paysparlent de nombreuses langues. La languefrançaise apparaît comme une plate-forme deralliement, d’unité, de force politique mais aussile vecteur d’une coopération technique etculturelle avec la France en particulier.

Parallèlement, au début de cette même décennie, la province de Québec affiche et proclame sonidentité particulière. Elle recherche dans les autres pays de langue française un soutien, au moinsculturel, à son affirmation identitaire.

La France profite aussi de ces ententes et de ces associations entre pays francophones, qui, entreautres, lui permettent d’assurer la promotion de sa langue et de sa culture à l’échelle internationale.

Bientôt, grâce à des contacts de plus en plus fréquents et nombreux et par la formation de liensentre divers organismes internationaux, les francophones d’Afrique et d’Amérique prennentconscience de leur vitalité et de leurs possibilités d’avenir. Des réseaux de collaboration se forment.Un ensemble structuré et cohérent se dessine au sein des pays francophones. La francophonies’apprête à donner le jour à la Francophonie, c’est-à-dire à un ensemble d’organismes ayant pourmission de resserrer les liens qui unissent les États francophones.

Le plus ancien de ces organismes est l’Association des universités partiellement ou entièrement delangue française, dont l’objectif principal est d’encourager l’échange d’information et de ressourcesentre universités francophones. La fondation en 1970 de l’Agence de coopération culturelle ettechnique a marqué le véritable essor de l’institutionnalisation de la Francophonie. La mission decette agence est de promouvoir la coopération multilatérale entre ses membres dans les domaines se rapportant à l’éducation, à la formation, à la culture, aux sciences et aux techniques et, ainsi, le « rapprochement des peuples ». Cette institutionnalisation s’incarne désormais dans les Sommetsde la Francophonie, qui rassemblent, de façon régulière et dans un pays différent à chaque occasion,les chefs d’État et de gouvernement des pays francophones. Ces sommets donnent à la Francophonieun but, des orientations, des projets et des moyens de les mettre en œuvre.

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La Francophonie a permis de créer un espace francophone (voir l’Annexe B), où des associationsjouent un rôle important pour l’intensification des échanges entres pays francophones, où desprojets se réalisent dans divers domaines (p. ex. : les Jeux de la Francophonie, la chaîne detélévision TV5, le Centre international pour le développement de l’inforoute en français et, bienentendu, la Journée internationale de la francophonie qui a lieu le 20 mars).

La francophonie : buts et nature

La francophonie a une fonction de relation, d’animation, de rencontres, d’enrichissement mutuel des peuples, par des échanges fréquents et des intentions communes. Elle est un moyen decompréhension réciproque et de solidarité entre les peuples. Elle veut favoriser le « dialogue des cultures ».

La francophonie est avant tout de nature linguistique. La langue française est au cœur de sonexistence et de son projet. Elle a aussi une signification géographique, culturelle et sociale. Le mot renvoie à des espaces précis sur la planète où des femmes et des hommes s’affirment dans leur francité quotidienne. À mesure que la francophonie réussit à préciser ses buts, à étendre sonorganisation et à renforcer ses interventions, elle offre une solidarité politique. Enfin, à mesure que ses réalisations se font connaître, s’ajoute une dimension éthique. La francophonie permet à des peuples divers et éloignés les uns des autres de vivre le même sentiment d’appartenance à une même communauté. Elle brise l’isolement, invite à la solidarité et met en relief des valeurscommunes, telles que la diversité, le respect de l’autre, la valorisation des différences, l’affirmationde soi, le pluralisme, les droits de la personne, la liberté, la démocratie et la justice.

La francophonie : unité et diversité

« 125 millions de locuteurs francophones, répartis sur les cinq continents. (…) On doit parler d’unfrançais pluriel », déclare M. Alain Rey, le maître d’œuvre des dictionnaires Le Robert (cité dansPayot, 2002, p. 54). La langue française est internationale, chacun se l’approprie, l’accommode,l’intègre dans ses mœurs. Ouverte à toutes les variations, inventive, elle ne cesse d’évoluer. Des motsse créent en fonction des contextes, des particularités, des pratiques culturelles. La diversité lexicaleet phonétique est une richesse de la francophonie. Comme le proclamait Mme Antonine Maillet(citée dans ACELF, 1993, p. 1), « nous avons tous la grande culture francophone, mais chacun a un ton, une tonalité, un accent qui le distingue, le différencie, qui le diversifie et l’enrichit… »

Cette diversité linguistique se double d’un multilinguisme et d’une pluralité culturelle. Dans laplupart des états membres de la francophonie, le français n’est pas la langue de la majorité. Ladiversité des pratiques culturelles des personnes parlant français (la chanson en constitue sansdoute un des exemples les plus frappants) est aussi caractéristique de la francophonie que l’unitélinguistique qui la rassemble.

La francophonie : forces du présent et défis de l’avenir

La francophonie est riche, d’une richesse qui ne se mesure pas uniquement au nombre de sesmembres, mais à l’étendue de son influence. Des événements artistiques internationaux, desentreprises de recherche scientifique et des rencontres d’associations professionnelles témoignent de sa vitalité et de sa créativité et font connaître ce que la francophonie a à offrir au monde entier.

Son image est globalement forte et positive. Le français demeure le symbole d’une « grandecivilisation », comme aime à le rappeler Mme Antonine Maillet.

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En Afrique, le français est un instrument de promotion sociale. C’est une langue d’affaires quipermet de faire du commerce avec les pays voisins. Au Vietnam, elle est la langue des étudessupérieures comme la médecine.

Dans les organisations internationales, le français bénéficie habituellement d’un statut de langueofficielle et de langue de travail. Le français est une des six langues officielles de l’Organisation desNations-Unies. Il conserve, depuis la Révolution française, son prestige de langue de la liberté et desdroits de la personne.

La Francophonie est en pleine évolution. Au départ, elle s’était ancrée à un certain postcolonialisme.Mais elle s’en est assez vite dégagée pour accéder maintenant à une dimension plus universelle,empreinte d’autodétermination.

La Francophonie fait également face à des défis de l’avenir, entre autres choses : concrétiser uneambition plus politique, élaborer de nouvelles formes de coopération internationale, résoudre lesproblèmes (économiques particulièrement) auxquels continuent d’être confrontés bien des paysfrancophones, valoriser davantage la diversité culturelle au sein de l’espace francophone, promouvoirdavantage le pluralisme culturel, au moyen notamment du plurilinguisme.

« La francophonie n’est pas un projet achevé : elle est un combat culturel permanent par lequel il convient d’assumer notre identité, qui est toute d’indépendance et de solidarité mais aussid’originalité et de refus du nivellement. » (Deniau, 2001, p. 116)

Francophonie et francisation

Unité

La francophonie mondiale est composée d’une multitude de membres dont l’origine ethnique etculturelle varie, mais qui partagent la même langue. C’est une langue qui a donné naissance à uneriche littérature. C’est une langue dans laquelle on exprime des idées complexes; c’est une languedans laquelle on chante et dans laquelle on s’amuse.

En francisation, on veut que les élèves vivent le français, qu’ils célèbrent ce patrimoine unique,partagé par tant de communautés très différentes. Pour célébrer cette unité, on peut par exemple :

• mettre en place une approche communicative-expérientielle par laquelle les élèves vivent la langue;

• exposer les élèves à différents modèles exemplaires de l’usage du français;

• utiliser en classe des référents culturels et linguistiques qui ne sont pas forcément communs à tous, mais qui peuvent être partagés;

• donner du plaisir aux élèves en les faisant chanter en français, en partageant avec eux descomptines et des rondes qui se sont transmises de génération en génération et qui ont traversédes océans et des continents sans pour autant avoir perdu de leur charme;

• s’amuser avec la langue : on joue, mais, comme pour presque tous les jeux d’enfant, le jeu c’estune affaire sérieuse;

• aspirer à l’excellence en manifestant un certain respect pour la langue : l’erreur est acceptable,une erreur peut se produire une fois, même plusieurs fois, mais elle doit toujours s’inscrire dansun processus de progrès ;

• célébrer les efforts, les progrès et les réussites;

• exposer les élèves à diverses pratiques du français et les amener à les apprécier;

• faire participer des membres de la communauté dans le processus de francisation : les multiplesfaçons d’utiliser une même langue ne manqueront pas d’étonner.

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Diversité

Les élèves qui fréquentent l’école francophone proviennent de différents milieux culturels qui ont en commun la musique d’une même langue. Qu’importent l’aspect extérieur et la tonalité de chaqueinstrument, si on joue la même symphonie et que le résultat est harmonieux. Les élèves enfrancisation doivent avoir l’occasion de trouver leur place dans l’orchestre. Les avantages qu’ils en tirent sont multiples. En faisant assumer par l’enfant cette identité culturelle diversifiée,l’enseignante le stimule de façon exceptionnelle dans son développement personnel.

En francisation, pour permettre aux élèves de développer un sentiment d’appartenance à leurcommunauté francophone et, plus largement, à la francophonie internationale, on peut par exemple :

• adopter une pédagogie coopérative afin d’accroître chez les élèves un sens de coopération et de collaboration;

• mettre en place une approche communicative-expérientielle par laquelle les élèves vivent la langue;

• favoriser un enseignement interculturel et interdisciplinaire qui valorise la diversité culturelle;

• encourager les échanges entre élèves venant de contextes culturels variés;

• inviter les élèves à célébrer les pratiques culturelles différentes;

• réaliser des projets qui concernent la famille et la communauté, des projets porteurs d’identitéculturelle;

• faire participer les parents venant de différentes communautés culturelles aux activités de la classe;

• créer des situations d’apprentissage où l’élève peut développer sa pensée critique et construireson propre apprentissage;

• organiser des activités d’affirmation personnelle;

• cultiver chez les élèves une attitude d’ouverture sur l’autre : l’écouter avec respect et s’enrichiren tenant compte de ses opinions.

En résumé, que ce soit sous l’angle de l’unité ou de celui de la diversité, il importe de construireavec les élèves une image de la langue française qui ne soit pas exclusivement associée à l’universscolaire.

En conclusion

Vivre repliés sur nous-mêmes dans notre communauté, refuser d’accepter d’autres cultures seraitpriver nos jeunes d’une richesse incomparable. Ce serait aussi aller à contre-courant de la modernité.Ce serait fermer les yeux sur le monde d’aujourd’hui, un monde où, que nous le voulions ou non, lesvaleurs aussi bien que les intérêts se croisent, se partagent et parfois entrent en conflit. Célébrons,avec les enfants en francisation, l’unité linguistique et la diversité culturelle de la francophonie etouvrons notre fenêtre vers le monde au delà de notre village et même de notre pays.

Laissons à M. Gilles Vigneault (2001, p. 13, 14, 15) le mot de la fin :

Je pense qu’il ne faut pas considérer la langue française comme une perdante ou comme uneperdue d’avance. Je pense qu’il faut la présenter comme un outil extraordinaire de vie etd’identité, parce qu’une langue ne fait pas seulement aider quelqu’un à vivre; elle garde la cultureet, aussi, l’identité des gens. Le langage est une manière de se nommer à l’autre. Mais c’est aussiune manière de nommer l’autre. (…) Il pourrait être comparé à un drapeau au haut d’un mâtd’un voilier. On sait de quel pays il est. Après, si on s’approche davantage, on en apprenddavantage sur la cargaison.

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(…)

La francophonie est un immense territoire à conquérir et elle est à la disposition de tout lemonde. Le territoire, le pays profond, il est à l’intérieur des gens. C’est-à-dire : il me reste un pays à te dire; le pays de chacun est au tréfonds de soi. L’immense pays à quoi correspond lafrancophonie, c’est le pays intérieur. Le conquérir, étonnamment, est à la disposition de chacun.Il s’agit de lire, de parler et d’écrire le plus parfaitement la langue française. Je dis souvent à desjeunes étudiants qui me demandent d’écrire un mot dans un livre d’école : apprends bien tonfrançais, c’est un grand professeur, il t’apprendra tout le reste.

(…)

Ce que j’aime dire à des plus jeunes qui sont à l’école aujourd’hui, c’est : apprenez votre langue et après, avec votre langue, apprenez l’univers.

Sources consultées

ASSOCIATION CANADIENNE D’ÉDUCATION DE LANGUE FRANÇAISE (ACELF). Cahier de la francophoniecanadienne, Québec, ACELF, 1993.

DENIAU, X. La Francophonie. 5e éd. mise à jour, Paris, Presses universitaires de France, 2001.

LE SCOUARNEC, F.-P. La Francophonie. Montréal, Les Éditions du Boréal, 1997.

PAYOT, M. « Les trésors de la francophonie », L’Express international, no 2640, p. 53-57, 7-13 février 2002.

TÉTU, M. La Francophonie. Histoire, problématiques, perspectives. 3e éd. revue et corrigée, Montréal,Guérin, 1992.

VIGNEAULT, G. « Il me reste une langue à te dire », Nouvelles CSQ, vol. 21, no 6, p. 13-15, janvier-février 2001.

Pour en savoir plus

NOUVELLE-ÉCOSSE. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION. La Francophonie d’hier à demain. Halifax, Directiondes services acadiens et de langue française, 2000.

Ce document raconte « l’aventure de la langue française », examine les défis auxquels elle doit faire face, présente la francophonie internationale, retrace l’évolution de laFrancophonie et discute de l’avenir de la francophonie. Le document est accompagné d’un guide d’activités.

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Annexe A

L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés

« 23 (1) Les citoyens canadiens :

a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minoritéfrancophone ou anglophone de la province où ils résident,

b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province,

ont, dans l’un ou l’autre cas, le droit d’y faire instruire leurs enfants, aux niveauxprimaire et secondaire dans cette langue.

(2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveauprimaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.

(3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province :

a) s’exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont cedroit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l’instruction dans la langue de la minorité;

b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruiredans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés à mêmeles fonds publics. »

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Annexe B

Le français dans le monde

Burkina FasoCommunauté française de FranceMonaco

BurundiCamerounCanadaComoresDjiboutiGabonHaïti

AlgérieBulgarieCambodgeCap-VertDominiqueÉgypteÉtats-Unis (Louisiane)Guinée équatorialeIsraëlLaosLiban

Val d’Aoste

BéninCentrafriqueCongoCôte d’IvoireGuinéeMaliNigerRépublique du CongoSénégalTogo

LuxembourgRoyaume de BelgiqueRwandaSeychellesSuisseTchadVanuatu

MadagascarMarocMauriceMauritanieMoldavieRoumanieSainte-LucieSaint-Thomas-et-PrinceSyrieTunisieVietnam

Pays francophonesà unilinguisme officiel

Pays francophonesà bilinguisme ou plurilinguisme officiel

Pays où le français se parle sans statut officiel

Pays où le français se parle avec statut officiel

Pays multilingues où lefrançais est une langueofficielle

(adapté de La Francophonie d’hier à demain, Ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse, Directiondes services acadiens et de langue française, 2000, p. 59)

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