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Les jeunes sont-ils au- jourd’hui confrontés à des problémaques plus graves et plus fréquentes (violences, échecs sco- laires, addicons, discri- minaons, chômage) ? Est-ce un fantasme ou cela correspond-il à des réalités? Ce ne sont pas un fan- tasme ! D’abord la situa- on globale ne s’amé- liore pas pour les jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans était d’environ 25% en 2015, contre environ 10% en moyenne géné- rale. Les addicons progressent de façon connue : un jeune sur dix est désormais un consommateur quodien de canna- bis. Ensuite la situaon se dégrade en- core plus pour ceux qui habitent les ter- ritoires de la polique de la ville. Tout y est plus concentré : le chômage, l’échec scolaire, les discriminaons, les addic- ons, les problèmes de santé, les vio- lences, etc. Les centres sociaux de notre réseau ont une démarche parculière : former des citoyens, les inscrire dans une démarche collecve et développer leur pouvoir d’agir ? Comment relever ce défi dans le contexte actuel ? Oui, une pare des soluons réside dans cee dimension collecve émancipa- trice, disncte de l’aide individuelle ou familiale. La plupart des professionnels du travail social ne le font plus, beau- coup sont totalement coupés du terrain. Les centres sociaux doivent au contraire se situer au plus près des habitants et les intégrer au maxi- mum dans leur fonc- onnement et leur éva- luaon. Ce n’est qu’ainsi qu’ils peuvent crédibili- ser vraiment leur acon et recréer du collecf chez des gens souvent écrasés par les difficultés de leur vie. Cela consiste à les resolidariser et les forfier dans des résistances collecves, à parr de ce qui touche tout le monde : les condions de vie dans le quarer. Les centres sociaux remplissent égale- ment d’autres missions : la prévenon, l’accompagnement scolaire, la prise en charge des exclusions scolaires tempo- raires, la parentalité. Faut-il connuer à développer cee polique spécifique parfois liée au classement en territoire polique de la ville ? L’un n’exclut pas l’autre. La lue contre l’échec scolaire et l’accompagnement à la parentalité sont des nécessités abso- lues. Toutefois, beaucoup de centres so- ciaux passent la totalité de leur énergie et de leur budget dans une série d’ac- vités thémaques limitées. Il faut aussi garder un temps pour le travail commu- nautaire, qui prend beaucoup d’énergie au début mais créé beaucoup de dyna- mique et de bénévolat à terme. D ans une salle, le calme règne. Le groupe « des débutants » remplit avec aenon et concentraon un formulaire administraf. Les « enseignants » donnent quelques conseils en chuchotant. Il se dégage une impression de sérénité et d’harmonie, malgré les âges, les naonalités et les histoires personnelles très différentes. Tous et toutes ont un seul et même objecf : maîtriser la langue française, pour être plus autonomes dans la vie quodienne et mieux comprendre leur environnement. « Dès 2011, nous avons repéré des demandes à l’accueil du centre social ou avec des associa- ons partenaires, explique Nicole Paoli, chargée d’accueil au centre socioculturel d’Endoume et coordinatrice des ateliers. Nous avons également constaté qu’il y avait de moins en moins de place dans les ateliers linguistes. Un groupe de travail avec des adhérents, des membres du CA, des salariés, et des bénévoles a mené une enquête pour mesurer les besoins, puis nous sommes pars à la chasse aux bénévoles ». Mélange et harmonie. Une vingtaine de bénévoles-en- seignants pour trois groupes de niveau limités à 15 ap- prenants, se retrouvent donc deux fois par semaine. « Les personnes viennent de tous les quarers de Mar- seille. Trois fois par an, nous organisons une vente so- lidaire de gâteaux qui permet d’acheter des ckets de transports, pour faciliter leur déplacement. C’est bête comme choux mais ça fonconne ! » Et Nicole de pour- suivre : « Le mélange, des habitants du quarer, des per- sonnes qui viennent de quarers difficiles, une personne sans abri, un architecte, un analphabète, un médecin, un adolescent de 12 ans (en aendant que la scolarité se dé- clenche) et une personne de 70 ans, crée une harmonie. » Même diversité du côté des enseignants bénévoles : une vingtaine de jeunes en recherche d’emploi, d’en- seignants à la retraite, de personnes qui ont « envie de transmere » tout simplement. « Là encore, nous mêlons l’audace, la fraîcheur, l’expérience, les connaissances pour arriver à l’harmonie. » « Apprendre une langue c’est aussi parler de cuisine, des fêtes, des tradions, lance Mi- chelle, bénévole-enseignante. Ce sont donc des moments de partage très chaleureux qui me font aussi beaucoup de bien personnellement. » Moktar, apprenant en niveau 2, résume : « Je retrouve comme une deuxième famille, il y a beaucoup de ten- dresse. » Dans le même groupe, Tomoko ajoute « Je veux apprendre le vocabulaire, je veux rencontrer d’autres étrangers, je suis contente de parler avec eux ». Erin pour- suit « Je viens pour l’esprit et pour apprendre la langue. Quand on arrive dans un pays étranger, on vit une crise d’identé et la langue peut aider à changer ça. » La grammaire, l’orthographe et la conjugaison sont au programme de chaque atelier car indispensables pour le passage à l’écrit. Au dernier étage du centre social, le groupe du niveau 3 étudie un extrait d’une nouvelle de Maupassant. Lecture à voix haute, travail sur le vocabu- laire et niveau de langage plus soutenu, « là, on entre dans la culture, chuchote Nicole. Chacun y arrivera à son rythme. » Centre socioculturel Endoume (Marseille 7e ardt) tél. 04 91 52 08 63 - mail : [email protected] Le pet journal lere d’informaon de l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône Resolidariser les jeunes O n a pour habitude de dé- finir les jeunes comme une catégorie d’âge, les 16/25 ans, un ensemble, un tout. Peut-être faudrait-il parler des jeunesses car, malgré des traits communs, les jeunes sont des individus avec des singularités, même si tous sont touchés par les muta- ons du monde dans lequel nous vivons. Les centres sociaux de notre réseau sont des acteurs es- senels pour répondre aux enjeux éducafs, pédago- giques et humains de ces jeunesses. Les professionnels, anima- teurs jeunesse et animateurs de prévenon, s’aachent à développer des projets avec les jeunes au plus près de leur préoccupaon et de leurs envies. Construites avec eux, de ma- nière collecve, ces inia- ves font appel aux valeurs communes comme le faire et le vivre ensemble, l’appren- ssage de la citoyenneté, l’exercice du pouvoir d’agir. Et permeent de résister à la tentaon de la consomma- on d’acvités. Enfin, la proximité, la confiance, la tolérance, la bienveillance, une pédago- gie de l’éducaon populaire et l’approche familiale des centres sociaux permeent d’offrir du rêve, de l’envie, de la découverte des autres et de soi. Jean-Pierre Lévy Président de l’Union des centres sociaux des Bouches-du-Rhône édito 4 [ Le pet journal - # 7 - mai - juin -juillet 2016 ] UCS 13 - 8, bd de Dunkerque 13002 Marseille – tél. 04 96 11 53 60 – mail : [email protected] - site : www.ucs13.fr Directeur de la publicaon : Jean-Pierre Lévy - Comité de rédacon : Malik Benghali, Arlee Konnert, Claudie Larrieu-Clerc, Jean-Pierre Lévy, Eric Serre, Pascale Balian. photos DR initiatives lere d’informaon de l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône # 7 - mai - juin - juillet 2016 Ateliers de français : de l’harmonie et de l’audace A LA UNE Laurent Mucchielli est sociologue, directeur de recherche au Laboratoire méditer- ranéen de Sociologie (CNRS & Aix-Marseille Université). Il vient de publier : Délin- quances, police, jusce. Recherches à Marseille et en région Paca (Presses Universi- taires de Provence). n Jean-Pierre Lévy, président n Didier Lesourd, vice-président n Arlee Konnert, vice-présidente n Maria Thieule, trésorière n Zineb Laïmèche, secrétaire n Andrée Antolini, membre n Kader Berrahma, membre n Tina Dauphin, membre n Véronique Magot-Estève n Sonia Essid n Sandra Lafont n Joël Desrosches n Jeanine Lhermet n Rafik Mousli Nouveau CA de l’UCS 13 n n

initiatives Ateliers de français : de l’harmonie D Le petit journalucsfrsgprp.cluster011.ovh.net/wp-content/uploads/UCS-13... · 2016-06-28 · Sandra Lafont n Joël Desrosches

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Page 1: initiatives Ateliers de français : de l’harmonie D Le petit journalucsfrsgprp.cluster011.ovh.net/wp-content/uploads/UCS-13... · 2016-06-28 · Sandra Lafont n Joël Desrosches

Les jeunes sont-ils au-jourd’hui confrontés à des problématiques plus graves et plus fréquentes (violences, échecs sco-laires, addictions, discri-minations, chômage) ? Est-ce un fantasme ou cela correspond-il à des réalités?Ce ne sont pas un fan-tasme ! D’abord la situa-tion globale ne s’amé-liore pas pour les jeunes. Le taux de chômage des 15-24 ans était d’environ 25% en 2015, contre environ 10% en moyenne géné-rale. Les addictions progressent de façon continue : un jeune sur dix est désormais un consommateur quotidien de canna-bis. Ensuite la situation se dégrade en-core plus pour ceux qui habitent les ter-ritoires de la politique de la ville. Tout y est plus concentré : le chômage, l’échec scolaire, les discriminations, les addic-tions, les problèmes de santé, les vio-lences, etc.

Les centres sociaux de notre réseau ont une démarche particulière : former des citoyens, les inscrire dans une démarche collective et développer leur pouvoir d’agir ? Comment relever ce défi dans le contexte actuel ? Oui, une partie des solutions réside dans cette dimension collective émancipa-trice, distincte de l’aide individuelle ou familiale. La plupart des professionnels du travail social ne le font plus, beau-

coup sont totalement coupés du terrain. Les centres sociaux doivent au contraire se situer au plus près des habitants et les intégrer au maxi-mum dans leur fonc-tionnement et leur éva-luation. Ce n’est qu’ainsi qu’ils peuvent crédibili-ser vraiment leur action et recréer du collectif chez des gens souvent écrasés par les difficultés de leur vie. Cela consiste

à les resolidariser et les fortifier dans des résistances collectives, à partir de ce qui touche tout le monde : les conditions de vie dans le quartier.

Les centres sociaux remplissent égale-ment d’autres missions : la prévention, l’accompagnement scolaire, la prise en charge des exclusions scolaires tempo-raires, la parentalité. Faut-il continuer à développer cette politique spécifique parfois liée au classement en territoire politique de la ville ?L’un n’exclut pas l’autre. La lutte contre l’échec scolaire et l’accompagnement à la parentalité sont des nécessités abso-lues. Toutefois, beaucoup de centres so-ciaux passent la totalité de leur énergie et de leur budget dans une série d’acti-vités thématiques limitées. Il faut aussi garder un temps pour le travail commu-nautaire, qui prend beaucoup d’énergie au début mais créé beaucoup de dyna-mique et de bénévolat à terme.

Dans une salle, le calme règne. Le groupe « des débutants » remplit avec attention

et concentration un formulaire administratif. Les « enseignants » donnent quelques conseils en chuchotant. Il se dégage une impression de sérénité et d’harmonie, malgré les âges, les nationalités et les histoires personnelles très différentes. Tous et toutes ont un seul et même objectif : maîtriser la langue française, pour être plus autonomes dans la vie quotidienne et mieux comprendre leur environnement. « Dès 2011, nous avons repéré des demandes à l’accueil du centre social ou avec des associa-tions partenaires, explique Nicole Paoli, chargée d’accueil au centre socioculturel d’Endoume et coordinatrice des ateliers. Nous avons également constaté qu’il y avait de moins en moins de place dans les ateliers linguistes. Un groupe de travail avec des adhérents, des membres du CA, des salariés, et des bénévoles a mené une enquête pour mesurer les besoins, puis nous sommes partis à la chasse aux bénévoles». Mélange et harmonie. Une vingtaine de bénévoles-en-seignants pour trois groupes de niveau limités à 15 ap-prenants, se retrouvent donc deux fois par semaine. « Les personnes viennent de tous les quartiers de Mar-seille. Trois fois par an, nous organisons une vente so-lidaire de gâteaux qui permet d’acheter des tickets de transports, pour faciliter leur déplacement. C’est bête comme choux mais ça fonctionne ! » Et Nicole de pour-suivre : « Le mélange, des habitants du quartier, des per-sonnes qui viennent de quartiers difficiles, une personne sans abri, un architecte, un analphabète, un médecin, un adolescent de 12 ans (en attendant que la scolarité se dé-clenche) et une personne de 70 ans, crée une harmonie. » Même diversité du côté des enseignants bénévoles : une vingtaine de jeunes en recherche d’emploi, d’en-seignants à la retraite, de personnes qui ont « envie de

transmettre» tout simplement. « Là encore, nous mêlons l’audace, la fraîcheur, l’expérience, les connaissances pour arriver à l’harmonie. » « Apprendre une langue c’est aussi parler de cuisine, des fêtes, des traditions, lance Mi-chelle, bénévole-enseignante. Ce sont donc des moments de partage très chaleureux qui me font aussi beaucoup de bien personnellement. » Moktar, apprenant en niveau 2, résume : « Je retrouve comme une deuxième famille, il y a beaucoup de ten-dresse. » Dans le même groupe, Tomoko ajoute « Je veux apprendre le vocabulaire, je veux rencontrer d’autres étrangers, je suis contente de parler avec eux ». Erin pour-suit « Je viens pour l’esprit et pour apprendre la langue. Quand on arrive dans un pays étranger, on vit une crise d’identité et la langue peut aider à changer ça. »La grammaire, l’orthographe et la conjugaison sont au programme de chaque atelier car indispensables pour le passage à l’écrit. Au dernier étage du centre social, le groupe du niveau 3 étudie un extrait d’une nouvelle de Maupassant. Lecture à voix haute, travail sur le vocabu-laire et niveau de langage plus soutenu, « là, on entre dans la culture, chuchote Nicole. Chacun y arrivera à son rythme. »

Centre socioculturel Endoume (Marseille 7e ardt) tél. 04 91 52 08 63 - mail : [email protected]

Le petit journallettre d’information de l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône

Resolidariser les jeunesOn a pour habitude de dé-finir les jeunes comme

une catégorie d’âge, les 16/25 ans, un ensemble, un tout.Peut-être faudrait-il parler des jeunesses car, malgré des traits communs, les jeunes sont des individus avec des singularités, même si tous sont touchés par les muta-tions du monde dans lequel nous vivons.Les centres sociaux de notre réseau sont des acteurs es-sentiels pour répondre aux enjeux éducatifs, pédago-giques et humains de ces jeunesses. Les professionnels, anima-teurs jeunesse et animateurs de prévention, s’attachent à développer des projets avec les jeunes au plus près de leur préoccupation et de leurs envies. Construites avec eux, de ma-nière collective, ces initia-tives font appel aux valeurs communes comme le faire et le vivre ensemble, l’appren-tissage de la citoyenneté, l’exercice du pouvoir d’agir. Et permettent de résister à la tentation de la consomma-tion d’activités.Enfin, la proximité, la confiance, la tolérance, la bienveillance, une pédago-gie de l’éducation populaire et l’approche familiale des centres sociaux permettent d’offrir du rêve, de l’envie, de la découverte des autres et de soi.

Jean-Pierre LévyPrésident de

l’Union des centres sociaux des Bouches-du-Rhône

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[ Le petit journal - # 7 - mai - juin -juillet 2016 ]UCS 13 - 8, bd de Dunkerque 13002 Marseille – tél. 04 96 11 53 60 – mail : [email protected] - site : www.ucs13.frDirecteur de la publication : Jean-Pierre Lévy - Comité de rédaction : Malik Benghali, Arlette Konnert, Claudie Larrieu-Clerc, Jean-Pierre Lévy, Eric Serre, Pascale Balian. photos DR

initiatives

lettre d’information de l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône

# 7 - mai - juin - juillet 2016

Ateliers de français : de l’harmonie et de l’audace

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Laurent Mucchielli est sociologue, directeur de recherche au Laboratoire méditer-ranéen de Sociologie (CNRS & Aix-Marseille Université). Il vient de publier : Délin-quances, police, justice. Recherches à Marseille et en région Paca (Presses Universi-taires de Provence).

n Jean-Pierre Lévy, présidentn Didier Lesourd, vice-président n Arlette Konnert, vice-présidente

n Maria Thieule, trésorièren Zineb Laïmèche, secrétairen Andrée Antolini, membre

n Kader Berrahma, membren Tina Dauphin, membren Véronique Magot-Estèven Sonia Essidn Sandra Lafont

n Joël Desrosches n Jeanine Lhermetn Rafik Mousli

Nouveau CA de l’UCS 13

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Frédéric Kessalis, responsable de l’accueil jeunes et animateur de prévention au centre social de La Capelette (Marseille 10e ardt), est désormais un habitué des rencontres du Réseau Jeunes des centres sociaux de la Fédéra-tion des centres sociaux de France (FCSF). En octobre dernier, il y par-ticipait pour la troisième fois, avec un groupe d’ados.

« Pendant 4 jours lors des vacances de la Toussaint, 200 jeunes venus

des quatre coins de France se re-trouvent pour échanger, débattre et agir ensemble sur un thème proposé, par un groupe de travail, qui en amont, définit et construit le contenu pendant l’année qui précède. »Débats et échanges sont au programme de ces rencontres mais également la dé-couverte d’une association locale et la par-ticipation à une action, -repeindre un mur, ranger une bibliothèque, former à l’utili-sation de tablette dans une maison de re-traite-, sans oublier l’indispensable fête de fin de rencontre organisée par les centres sociaux de la ville accueillante. « En 2013, le thème était le voyage, en 2014, les médias et les réseaux sociaux et en 2015, le vivre-ensemble. Nous ame-nons un groupe différent chaque année, pour faire découvrir cette démarche au plus grand nombre, rencontrer des centres sociaux différents du nôtre, des projets, d’autres jeunes, d’autres mentalités. Et je vois bien les effets sur les jeunes du centre social. »Des effets qui ont été suivis de faits : « Les jeunes ont vu très concrètement ce qu’on pouvait faire, notamment avec de l’auto-financement. Ça les a fait rêver ! En 2014, ils ont initié un projet de solidarité inter-nationale avec le Cap Vert. Ils se sont im-pliqués pour récolter de l’argent (vide-gre-nier, vente de crêpes…). Malheureusement nous n’avons réuni que la moitié du bud-get, nous avons donc organisé un voyage de découverte culturelle du Portugal. Nous avons visité un quartier difficile à Lisbonne et une favela, et ça a été un électrochoc pour les jeunes. Certains ont relativisé leur situation sociale, d’autres se sont sentis chanceux. »Cette année, ils ont franchi une nouvelle

étape et créé une Junior association : l’association des jeunes de la Capelette, AJC, dédiée à l’organisation d’événements culturels dans le quartier.Frédéric voit d’autres effets sur les jeunes qu’il suit au quotidien : « Ils ont acquis des compétences sociales, leur comporte-ment a changé. Ils se sentent plus libres, se prennent en charge, avec des répercus-sions sur leur vie personnelle. Le regard des autres sur ce qu’ils font est valorisant pour des jeunes qui sont parfois en rupture sociale et scolaire. Le Réseau Jeunes des centres sociaux m’a également enrichi en tant que professionnel », conclut Frédéric à demi-mots.

Centre social La Capelette (Marseille 10e ardt) tél. 04 91 79 66 01

mail : [email protected]

Le centre social, c’est mon point d’ancrageA tout juste 20 ans, Kévin Teissier a déjà une grande expérience des centres sociaux. Administrateur du centre social de La Capelette pendant 3 ans et demi, -il a arrêté parce qu’il a déménagé à Aix-en-Provence où il termine ses études-, bé-névole, -il a animé un atelier sociolinguistique-, membre du groupe de jeunes du centre social, « on n’est pas qu’une bande d’amis, ici on s’est construit une culture commune autour de la même chose, on a les mêmes délires », enfin, il est président de l’Association des Jeunes de La Capelette. Kévin a participé aux trois réunions du Réseau Jeunes de la FCSF. « Dans ces rencontres, il y a à la fois le côté enfantin, on s’amuse, on s’éclate, on sort de Marseille, c’est une coupure avec la réalité, dans de beaux endroits, on vit de belles expériences, mais c’est aussi l’échange et les débats qui sont passion-nants.»«Le voyage au Portugal était une expérience humaine enrichissante pour cha-cun de nous, raconte Kévin, on s’est remis en question, on a relativisé ce qu’on vit. On a visité un quartier très pauvre, réputé très dangereux mais les gens nous ont accueillis, parlé, offert à boire. On a visité le centre social qui sans aucun moyen, propose beaucoup d’activités. Ce voyage a été un électrochoc, une rencontre humaine à laquelle on ne s’attendait pas, comme une claque d’émotion. On apprend tellement de choses des autres ! »

Depuis des mois, un groupe de 25 jeunes du centre social Mosaïque (Salon-de-Provence) se prépare : vidéo d’hu-moristes, brain-storming, écriture de textes, spectacle, stage avec David et Gino, deux professionnels du Djamel Comedy Club.

Un programme dense pour être à la hauteur du défi. Dans le cadre du projet Regards Jeunes (financé par la Poli-

tique de la Ville), les 12/18 ans se lancent dans le stand-up, ce spectacle humoristique basé sur l’autodérision où un co-mique fait son show, debout, seul sur scène. « Il n’est pas question de faire de l’humour entre eux mais de parler de sujets d’actualité qui les intéressent », explique Kader, coor-dinateur du secteur jeunes et animateur de prévention au centre social, pour qui l’objectif du projet sonne comme une évidence : « former des citoyens et développer leur pouvoir d’agir. »Le mélange stand-up et pouvoir d’agir peut sembler inatten-du. « C’est un travail de longue haleine sur la citoyenneté, une des missions du centre social, répond Kader. Travailler sur le pouvoir d’agir dans son quartier, dans son environ-nement scolaire et dans sa famille, permet de les amener à s’impliquer dans la vie de leur ville, d’y trouver une place, d’être actifs et acteurs. »Citoyens en devenir. Cette méthode qui mêle débat et ex-pression artistique, est éprouvée depuis 6 ans par Kader, pour chaque projet : « Une fois par mois, nous organisons un débat sur un sujet d’actualité ou un thème (sexisme, intergé-nération, cinéma, BD, santé) pour aiguiser leur sens critique et leur curiosité, développer leur capacité à argumenter, à prendre la parole, à s’exprimer, à écouter l’autre. On ne porte

pas de jugement, nous n’avons pas de position tranchée, on recherche et on vérifie les infos s’il le faut, on les amène à la réflexion. On a d’ailleurs souvent utilisé le théâtre-fo-rum. »Leur premier spec-tacle de stand-up sur le pouvoir d’agir sera joué lors d’un conseil citoyen de la ville. A l’automne, ils espèrent le jouer au Festival du rire à Salon-de-Provence.Kader porte un regard à la fois bienveillant et exigeant sur les ados : « Je fais le lien avec les parents, je les aide à relativiser. Je me mets souvent à la place des ados, ce n’est pas une pé-riode facile pour eux. Il faut le dialogue, la compréhension, la confiance, le cadre aussi. » Il en parle d’ailleurs avec une certaine fierté : « C’est enri-chissant et passionnant de les voir évoluer, devenir des per-sonnes respectables, qui s’expriment bien et se mélangent aux autres. Des citoyens en devenir ! »

Centre social Mosaïque (Salon-de-Provence)tél. 04 42 86 03 14 - mail : [email protected]

Une Junior Association d’utilité locale

Echanges de bons procédés Depuis près de 6 ans, le centre social Mer et Colline à

Marseille développe des projets d’échanges internatio-naux entre 2 ou 3 pays. L’échange permet à un groupe de 8 jeunes encadré par deux animateurs de séjourner dans les pays, pendant l’été. Bosnie, Berlin, Hambourg, Turquie, les projets se construisent longtemps à l’avance en partenariat avec l’association Une Terre Culturelle, le programme, les modalités, les règles de vie communes, les temps collectifs, tout est prévu dans les moindres détails. Pas de place pour l’improvisation.Découvrir l’autre, d’autres cultures, d’autres lieux, une nourriture, une langue, permet de s’enrichir, d’être plus tolérants. « Pour les ados, les barrières de langue posent rarement des problèmes, ils se débrouillent. Passé le temps de l’observation, ils lient des amitiés qu’ils entretiennent facilement grâce aux réseaux sociaux, explique Mohamed Issimaïla, responsable du secteur jeunes au centre social. Je vois les jeunes changer, être plus ouverts, plus spontanés. Apprendre l’altérité, les pousse à se poser des questions sur leur identité aussi. Là encore le temps de préparation est important. Les jeunes savent pourquoi ils y vont dans tel ou

tel pays et savent pourquoi ils re-çoivent.»Pour le centre social, ces projets fidélisent les jeunes et per-mettent de mener un travail tout au long de l’année, pour « en faire des citoyens res-ponsables. Depuis de nombreuses années, pendant les vacances d’hiver en décembre et février, les jeunes distri-buent des repas chaud aux personnes sans abri du quartier. Ils font les courses, cuisinent et livrent une trentaine de re-pas.» Toujours présent, Mohamed montre la voie, les guide, les aider à tendre la main, dire bonjour, sourire. Des échanges constructifs et enrichissants.

Centre social Mer et Colline (Marseille 8e ardt) tél. 04 91 72 22 91 mail : [email protected]

lettre d’information de l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhônelettre d’information de l’Union des Centres Sociaux des Bouches-du-Rhône

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Stand-up et pouvoir d’agirUne Junior Association est un dispositif qui permet à tout groupe de jeunes, âgés de 12 à 18 ans, de créer une association selon plusieurs critères. Le projet doit, entre autres être porté par les jeunes et le fonctionnement démocra-tique. La Junior Association peut être épaulée par un ac-compagnateur local (relais départemental du Réseau national des Juniors asso-ciations). Elle n’est créée qu’au terme d’une procédure d’habilita-tion qui permet de vérifier que le projet présenté est bien à l’initiative du groupe de jeunes, qu’ils en ont le contrôle effectif, et qu’il comporte une dimension associative à but non lucratif. Accordée pour une année scolaire, l’habilitation en Junior Association est re-nouvelable chaque année.

Pour en savoir +www.juniorassociation.org

source : Réseau national des Juniors associations