16
Université Montpellier I Année Universitaire 2010-2011 Mémoire Master I audiologie et troubles du langage Innervation des cellules ciliées internes en imagerie confocale par Nicolas VANNSON Inserm U1051 – Institut des Neurosciences de Montpellier Equipe « physiologie et thérapies des maladies de l’audition » Directeur : Jean-Luc Puel Responsable de stage : Jérôme Bourien 80, rue Augustin Fliche 34091 Montpellier Cedex 5, France

Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

Université Montpellier I Année Universitaire

2010-2011

Mémoire

Master I audiologie et troubles du langage

Innervation des cellules ciliées internes

en imagerie confocale

par

Nicolas VANNSON

Inserm U1051 – Institut des Neurosciences de Montpellier

Equipe « physiologie et thérapies des maladies de l’audition »

Directeur : Jean-Luc Puel

Responsable de stage : Jérôme Bourien

80, rue Augustin Fliche

34091 Montpellier Cedex 5, France

Page 2: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

2

A mon oncle Denis, tragiquement décédé

Page 3: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

3

REMERCIEMENTS

Je tiens, en premier lieu, à témoigner ma reconnaissance au Professeur Jean-Luc PUEL de

m'avoir donné l’opportunité de travailler au sein de son laboratoire.

Mes premiers remerciements se portent tout naturellement vers le Docteur Jérôme BOURIEN, mon

maître de stage qui ma fait découvrir, non sans passion, le monde de la recherche scientifique. Un

grand merci à lui pour avoir accompagné mes premiers pas dans ce monde totalement inconnu. Je

remercie également le Docteur Régis Nouvian pour ces superbes schémas et images de cellules

ciliées internes et ses explications sur la synapse à ruban.

J’adresse également de vifs remerciements à Christophe MICHEL pour son soutien, ses explications

et surtout les réponses à mes innombrables questions.

Enfin, je remercie l'ensemble des membres de l’équipe 02, « physiologie et thérapies des maladies de

l’audition ».

En-dehors du domaine scientifique, je profite de l’occasion pour remercier la famille Aptel de m’avoir si

bien accueilli à Montpellier, les premiers jours de mon long périple.

Page 4: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

4

Sommaire

Introduction ............................................................................................................................................. 5

2. Matériel et méthode ............................................................................................................................ 6

2.1 Modèle animal ................................................................................................................................ 6

2.2 Acquisition des images confocales ................................................................................................ 6

2.3 Analyse des images ....................................................................................................................... 7

3.Résultats............................................................................................................................................... 9

3.1 Images simulées ............................................................................................................................ 9

3.2 Données réelles ........................................................................................................................... 10

4. Discussion......................................................................................................................................... 13

Bibliographie ......................................................................................................................................... 16

Page 5: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

5

INTRODUCTION

Les cellules ciliées internes (CCI) sont les cellules sensorielles auditives de la cochlée. Elles

assurent la mécano-transduction des ondes sonores en influx nerveux. Chaque CCI est pourvue dans

sa partie baso-latérale de synapses à ruban (Fig.1A) impliquées dans la libération du

neurotransmetteur (le glutamate) dans la fente synaptique (Nouvian, Beutner et al. 2006). Chaque

cellule dispose de 10 et 25 synapses (Fig.1B) selon la position de la cellule le long de la cochlée

(Meyer, Frank et al. 2009). Une synapse est fonctionnelle lorsqu'un ruban fait face à une densité de

récepteurs au glutamate (les récepteurs AMPA)

L’innervation d’une cellule ciliée interne est particulière ((Liberman 1980) et fragile (Kujawa

and Liberman 2009). Dans la mesure où un neurone auditif contacte une seule cellule ciliée interne au

moyen d’un seul contact synaptique, une cellule ciliée interne constitue donc l’unique entrée

sensorielle de 10 à 25 neurones. Lorsque cette innervation est altérée (suite à un traumatisme

acoustique par exemple (Kujawa and Liberman 2009)) , le codage de l’information sonore est dégradé

ce qui induit des déficiences auditives.

Le but de ce travail est de développer un algorithme d'analyse d’images en 3 dimensions (3D)

de l’innervation des CCI à partir d’images confocales. Cet outil permettra, d'une part, d'estimer de

manière fiable et automatique le nombre de synapses par CCI et d'autre part de faire des mesures de

volume du marquage du ruban et de la densité de récepteur AMPA. Les algorithmes ont été mis au

point et étalonnés sur des images simulées puis utilisés sur des images confocales acquises chez des

gerbilles normo-entendantes adultes.

Figure 1: Innervation de la cellule

ciliée interne. (A) En réponse à un

signal sonore, les stéréocils se

défléchissent, la cellule se dépolarise,

puis elle libère du glutamate dans la

fente synaptique. Le glutamate capté

par des récepteurs AMPA évoque des

courants post-synaptiques excitateurs

au niveau du bouton synaptique puis

des potentiels d’action dans les

neurones. (B) Un ruban synaptique

(flèche verte) a une forme ellipsoïdale

(longueur~228 nm, largeur~118 nm) et

est entouré d’un halo de vésicules de

glutamate. La flèche rouge désigne la

densité de récepteurs au glutamate.

B A

Ruban

Récepteurs au glutamate

200 nm

10 µm

Page 6: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

6

2. MATERIEL ET METHODE

2.1 Modèle animal Le modèle animal utilisé dans cette étude est celui de la gerbille normo-entendante adulte

(Meriones unguiculatis). La gerbille est un modèle animal utilisé en recherche expérimentale car son

audiogramme est parmi les rongeurs (après le chinchilla), celui qui se rapproche le plus de celui de

l’homme (Ryan 1976). La gerbille adulte dispose d’un audiogramme (Fig.2A) plat entre 1 et 16 kHz

translaté, par rapport à celui de l’homme, de 1,5 octaves vers les hautes fréquences (Muller 1996). Par

ailleurs, une cochlée de gerbille est dotée d’approximativement 1000 cellules ciliées internes (Lenoir

M, Bourien J, données non publiées) et 16 987 ± 3049 (moyenne ± écart-type) neurones auditifs (Earl

and Chertoff 2010). En fonction de la localisation le long de la membrane basilaire, il existe entre 12 et

25 synapses par CCI (Meyer, Frank et al. 2009).

2.2 Acquisition des images confocales Les cochlées de gerbilles adultes ont été prélevées puis marquées en immuhistochimie à

l’aide de l’anticorps anti-CtPB2 (vert) qui reconnaît la protéine ribeye (Nouvian, Beutner et al. 2006) du

ruban synaptique ainsi que le noyau des cellules ciliées internes. Les récepteurs AMPA (GluR2/3) ont

été marqués avec un anticorps anti-GluR2/3 (rouge). L’acquisition des images a été effectuée à l’aide

d’un microscope laser confocal (Microscope inverse 1 Zeiss Axioobserver / LSM 5 LIVE DUO) de

l’apex à la base toutes les 70 CCI (voir Fig. 4). Dans la mesure où une cochlée de gerbille compte en

moyenne 1000 CCI, 12 à 16 points de mesures ont été nécessaire pour échantillonner une cochlée.

Chaque point de mesure contenait entre 5 et 8 CCI. Les images brutes (coupes successives d’un

échantillon) ainsi obtenues forment un stack (pile de plans focaux dont le nombre varie de16 à 32 en

fonction de la position sur l’axe apex-base). Les images confocales sont composées de trois canaux :

Rouge (red), Vert (green), Bleu (blue), format RGB. Chaque plan focal à une dimension spatiale en (x,

y) de 71,43 x 71,43 µm (soit 1024 x 1024 pixels) et une résolution en z de 0,5 µm. Avec ce

paramétrage le volume d’un voxel (pixel en 3D, x y z) est de 0,7 x 0,7 x 0,05 soit 0.0025 µm3.

Figure 2: Audiogrammes et reconstruction 3D d'une cochlée de gerbille. (A) Seuils auditifs en dB SPL (référence: 20 µPa) de l’homme (en bleu) et de la gerbille (en rouge). L’audiogramme de la gerbille a été déterminé par audiométrie comportementale (Ryan 1976).(B) Modélisation 3D d’une cochlée de gerbille adulte réalisée par Bourien J. et Lenoir M. d’après la carte fréquentielle publiée par (Müller 1996). La spirale rouge correspond au contour extérieur de la membrane basilaire estimé à 11,1 mm par M Müller. La cochlée de gerbille compte 3 tours pour une hauteur de 2,2 mm (Harris, Rotche et al. 1990)

A B

Page 7: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

7

2.3 Analyse des images

a. Pré-traitement des images

Au préalable, les stacks d’images confocales ont été analysées manuellement sous ImageJ®

(open software) afin de vérifier le bon alignement des plans focaux. Toute image non alignée a été

systématiquement recalée et réalignée a posteriori sous Matlab®. Le logiciel ImageJ® a ensuite

permis d’extraire les images par canal, et par plan, tout en supprimant le canal bleu du fait de

l’absence de marquage. Pour chaque canal restant (rouge et vert), une série de prétraitements a été

réalisée manuellement dans l’ordre suivant : i) filtrage médian 4x4, ii) sous-échantillonnage d’un

facteur 2, et iii) correction gamma, iv) seuillage manuel guidé par l’histogramme d’intensité des

couleurs (pour le canal vert, le marquage des noyaux étant plus clair que celui des rubans,

l’histogramme d’intensité est bimodal).

b. Algorithmes d’analyse 3D

L’analyse des images confocales à proprement parlé s’est faite en 3 étapes :

Détection des noyaux et des éléments synaptiques : Les structures anatomiques

Figure3: Points d’acquisition d’images confocales. (A-D) Exemple d'acquisition de quatre stacks d’images, projetées en z, de l’apex, à la base). (C-B) indiquent respectivement les points de mesures à 2 kHz (point 5) et à 8 kHz (point 8). En outre, une cochlée peut avoir entre 12 et 16 points de mesures. Au centre, projection en (x, y) d’une cochlée de gerbille adulte d’après la carte fréquentielle publiée par M. Müller 1996

A

B C

D

Page 8: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

8

recherchées (ruban synaptique et noyau cellulaire dans le canal vert ou densité de récepteurs dans le

canal rouge) apparaissent dans des images confocales sous la forme d’amas de voxels adjacents

d’intensité forte. Pour détecter ces amas, nous avons développé un algorithme de classification

ascendant hiérarchique qui agrège, de proche en proche, les voxels en contact latéral. Cet algorithme

commence tout d’abord par agréger les voxels voisins (voxels qui partagent une face) ; dès que

l’algorithme commence à agréger des voxels distants (voxels qui ne partagent par une face), le

programme informatique considère que l’amas de voxels est circonscrit et clos. Appliqué séparément

sur le canal vert et sur le canal rouge, cet algorithme permet donc de détecter indépendamment les

noyaux cellulaires, les rubans synaptiques et les densités de récepteurs (voir Fig. 4).Dans cette étude,

les seuils en intensité ont été déterminés qualitativement sur le canal rouge et le canal vert pour retenir

les voxels les plus intenses. Le choix des seuils était guidé par l’histogramme des intensités. La

détection des rubans synaptiques et des densités de récepteur nécessite une valeur de seuillage alors

que la détection des noyaux nécessite 2 valeurs de seuillage (une valeur haute et une valeur basse).

Pour détecter la colocalisation d’un ruban synaptique et d’une densité de récepteurs, nous

avons utilisé la propriété de diffusion des marqueurs synaptiques qui tend à marquer la structure cible

bien au-delà de ses limites anatomiques. En combinant les canaux vert et rouge, la colocalisation

apparait donc en jaune (voir Fig 4B). La détection du nombre de synapses dites « complètes » peut

ensuite se faire avec l’algorithme de classification hiérarchique ascendant cité précédemment mais

cette fois-ci sur le canal mixte jaune. Cette procédure est appelée étape de détection dans la Fig. 4.

Association synapses-CCI : La position 3D de chaque ruban synaptique, de chaque densité

de récepteurs et de chaque synapse complète est ensuite calculée automatiquement en moyennant en

x, y, et z les coordonnées des voxels constituant chaque amas détecté. Avec cette information, il est

possible d’associer chaque synapse complète au noyau de cellule ciliée interne le plus proche. Cette

procédure est appelée l’étape de clustering dans la Fig. 4.

Mesure de volume des éléments synaptiques: Pour finir l’analyse, chaque synapse

complète est isolée en 3D en prélevant un petit volume de 9 x 9 x 4 voxels centré sur la position

centrale de la synapse (voir Fig 4B). Une fois isolé, le volume du marquage du ruban synaptique, de la

densité de récepteurs ou du volume de la colocalisation peut aisément être réalisé. La forme d’un

ruban synaptique étant ellipsoïdal en première approximation, son volume vaut 4

3𝜋 × 𝑙𝑜𝑛𝑔𝑒𝑢𝑟 ×

𝑙𝑎𝑟𝑔𝑒𝑢𝑟 × ℎ𝑎𝑢𝑡𝑒𝑢𝑟 (Nouvian, Beutner et al. 2006). Les synapses coupées car situées sur les bords du

stack ont été exclues de cette analyse. Il faut noter que ces mesures ont été faites sur les données

brutes sans sous échantillonnage. Cette procédure est appelée l’étape d’isolation et reconstruction

3D dans la Fig. 4.

Les trois algorithmes ont été implémentés sous Matlab®.

Page 9: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

9

3. RESULTATS

Les algorithmes ont été mis au point et étalonnés sur des images simulées puis utilisés sur

des images confocales acquises chez des gerbilles normo-entendantes adultes.

3.1 Images simulées

Pour évaluer les algorithmes, nous avons développé une librairie de fonctions sous Matlab®

permettant de distribuer dans un volume des sphères de rayon, de couleur, et de position variables.

Dans cette simulation, le canal vert contient 4 sphères alignées, de couleur vert pâle (niveau 138/255)

de rayon 5 µm pour modéliser les noyaux de cellules ciliées internes, et 20 sphères alignées de

couleur vert vif (190/255), de rayon 1 µm, pour modéliser 20 rubans synaptiques (Fig. 5A). Le canal

Figure 4 : Les trois étapes de la méthode d’analyse (détection, clusterisation et de mesure de volume) illustrées sur des données simulées. (A) Seuls les canaux vert et rouge du stack d’images confocales (raw data) sont analysés par l’algorithme de détection 3D. Dans le canal vert, les noyaux des CCI sont marqués en vert pale alors que les rubans synaptiques sont marqués en vert vif. L’algorithme de détection appliqué séparément sur le canal vert et le canal rouge permet de circonscrire les contours des noyaux cellulaires, des rubans synaptiques et des densités de récepteurs. Dans cet exemple, 8 densités de récepteurs en rouge, 3 noyaux cellulaires en vert pâle et 9 rubans synaptiques en vert vif. Après fusion des canaux vert et rouge, l’algorithme détecte 8 synapses complètes (en jaune). (B), L’algorithme de clusterisation, à défaut de marquage membranaire, associe les synapses complètes au noyau cellulaire le plus proche. A l’issue de cette étape, l’association noyau-synapses est représentée avec une même couleur. Dans cet exemple, une des 9 densités de récepteurs ne colocalise pas avec un ruban synaptique. (C) L’algorithme d’isolement des synapses complètes permet de faire des mesures de volume des éléments pré et post-synaptiques.

Page 10: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

10

Figure 6: Analyse du point de mesure n°8. (A) Projection en z du point de mesure n°8 (zone codant pour le 8 kHz). (B) Après détection 3D et clusterisation ce point de mesure analysé comporte en moyenne 21± 4.8 synapses/CCI (moyenne ± écart-type). Les axes sont orthonormés et exprimés en µm. De plus, chaque synapse associée au noyau le plus proche est de la même couleur que ce dernier (ex: noyau rouge et ses 25 synapse rouges). Il y a au total 144 synapses complètes pour 7 noyaux

rouge comporte 17 sphères alignées de couleur rouge (226/255) de rayon 0,5 µm pour modéliser les

densités de récepteurs (Fig. 5B). Dans cette simulation, les rubans synaptiques et les densités de

récepteurs ont été placés aux mêmes emplacements, seules 2 densités de récepteurs sont absentes.

L’algorithme de détection 3D (Fig. 5C) retrouve parfaitement les 17 synapses colocalisées

(synapses complètes). Après clusterisation (Fig. 5D), les synapses complètes sont correctement

associées au noyau cellulaire le plus proche (synapses et noyau de même couleur). Le nombre moyen

de synapses par cellule ciliée interne peut ensuite aisément être calculé: 4 ± 1,26 (moyenne ± écart-

type).

3.2 Données réelles

Détection et clusterisation

A

Figure 5: Exemple d'analyse par algorithmes de détection et de clusterisation. Les données simulées dans le canal vert contiennent 20 rubans (vifs) et 4 noyaux (pâles) et 17 récepteurs AMPA (Ampar) dans le canal rouge. Après passage de l’algorithme de détection on retrouve bien nos 4 noyaux et nos 20 rubans (A) et nos 17 récepteurs AMPA (B). La densité de récepteur AMPA et les rubans sont parfaitement superposés donc l’algorithme doit donc trouvé 17 synapses colocalisées. (C). L’algorithme de clusterisation (D) donne le nombre de synapses colocalisées/noyau. Les axes sont en µm et non orthonormé pour faciliter la lecture.

B

A B

C D

Page 11: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

11

La Fig.6A représente la projection en z d’un stack d’images confocales (point de mesure n°8 à

8 kHz). Après détection 3D et clusterisation, le point de mesure n°8 comporte 7 cellules ciliées internes

et 144 synapses soit 21± 4,8 synapses/CCI (moyenne ± écart-type). On peut observer que le nombre

de synapses par cellule ciliée interne peut varier du simple au double pour un même point de mesure

(n=14 pour la 3ème CCI en bleu ciel et n=27 pour la cellule voisine en vert).

Cette analyse a été menée sur 3 cochlées de gerbilles normo-entendante adulte. Les

paramètres de correction gamma et de seuillage des images confocales ont été ajustés

qualitativement pour chaque point de mesure. Le nombre moyen de synapses par cellule ciliée interne

a été représenté dans la Fig. 7 en fonction de la position du point de mesure par rapport à l’apex

(position exprimée en mm) et de la fréquence de codage du point de mesure (exprimé en kHz). Cette

distribution suit clairement une courbe en cloque légèrement asymétrique avec une densité de

synapses par CCI faible à la base et à l’apex (n=12 synapses/CCI à l’apex et n=13 synapses/CCI à la

base) et forte entre 1 kHz et 16 kHz. Cette distribution a été ajustée par un polynôme du second degré

pour une qualité d’ajustement R2=0.7 (voir Fig. 7). Il faut noter que certains points de mesure n’ont pas

pu être exploités en raison de problèmes de marquage de la densité de récepteurs (1 seul point de

mesure dans la zone du 4 kHz et du 8 kHz). La mesure est également incomplète pour les hautes

fréquences car la préparation des cochlées est plus difficile à la base.

Estimation des volumes

Chaque synapse détectée a été isolée puis reconstruite en 3 dimensions sans sous-

échantillonnage.

La Fig.8 représente 4 synapses en 3D prélevées dans 4 zones différentes de la cochlée (de

Figure7:Nombre de synapses/CCI.

Les cercles évidés rouges

correspondent à la moyenne du

nombre de synapses/CCI par point de

mesure de l'apex à la base. 12,5 à 15

en passant par le maximum à 23 à 4

kHz.(n=3cochlées).

Dans cette représentation, la fréquence

de codage (axe des abscisses en gris)

a été rajoutée à la position des points

de mesure (axe des abscisses en noir)

pour faciliter la lecture.

Figure 8: Exemple de reconstruction de synapses en 3D. Reconstruction en 3D par l'algorithme d'isolation et de reconstruction 3D. Les axes (x, y, z) sont orthonormés et exprimés µm. (en rouge, le volume du marquage de la densité de récepteurs et en vert celui du ruban synaptique).

Apex < 200 Hz Point 5 à 2kHz Point 8 à 8kHz Base à 32 kHz

Page 12: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

12

l’apex à gauche à la base à droite). Le vert correspond au marquage du ruban synaptique et le rouge

au marquage de la densité de récepteurs. Les volumes sont représentés en semi-transparence pour

permettre la visualisation de la colocalisation. Ces représentations permettent d’estimer facilement le

volume du marquage du ruban synaptique et de la densité de récepteurs. Les volumes moyens sont

donnés dans le Tableau 1.

Le tableau 1 fait apparaître deux résultats intéressants : i) le volume du marquage du ruban

synaptique est toujours inférieur à celui de la densité de récepteurs (Student, p<0.05), ii) le volume du

marquage des éléments pré et post synaptiques augmente pour les cellules ciliées de l’apex vers la

base. Ce résultat soutient l’existence d’un gradient apex-base, les cellules ciliées internes de l’apex

seraient dotées de synapses plus petites alors qu’en revanche les synapses de la base seraient en

moyenne plus volumineuses.

Localisation Apex

f<200 Hz

Point de mesure 5 f=2 kHz

Point de mesure 8 f=8 kHz

Base f=32 kHz

Volume marquage ruban (µm3)

0.082 ± 0,007 0.167 ± 0,071 0.168 ± 0,069 0.172 ± 0,054

Volume marquage densité de récepteurs AMPA (µm3)

0.126 ± 0.052 0.264 ±0.129 0.281 ± 0.112 0.339 ± 0.109

Tableau 1 : Estimation des volumes des marquages pré et post-synaptique. Ce tableau indique les valeurs numériques correspondant aux points de mesure de la figure précédente (voir Fig. 8). Le volume du marquage du ruban synaptique semble toujours inférieur à celui de la densité de récepteurs AMPA. Pour exemple, à 32 kHz, le volume du marquage de la densité de récepteur est deux fois plus grand que le volume du marquage du ruban synaptique. Il semble également que le volume du marquage dépende de la position de la cellule ciliée interne le long de cochée. Plus la cellule ciliée interne est proche de la base, plus le volume du marquage des éléments pré et post-synaptiques augmente. Les moyennes sont exprimées moyenne +/- écart-type.

Figure 9: Histogramme de distribution des volumes pour le point de mesure 5. (A) Distribution du volume du marquage des rubans synaptiques. (n=106). Le volume moyen est de 0,1552 µm3

±0,077 (moyenne± écart-type). (B) Distribution du volume du marquage des densités de récepteurs AMPA. (n=106). Le volume moyen est de 0,2173 µm3 ±0,1299 (moyenne± écart-type). Pour ce point de mesure, 143 synapses ont été détectées mais seules 106 (73,6%) ont été retenues en raison des effets de bord et de la vérification manuelle post analyse.

Page 13: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

13

Pour aller plus loin dans l’analyse morphologique des synapses, nous avons représenté dans

la Fig. 9 l’histogramme des volumes du marquage des rubans synaptiques (histogramme vert) et

l’histogramme des volumes du marquage de la densité de récepteur (histogramme rouge) du point de

mesure n°5 (zone codant pour le 2 kHz). L‘histogramme vert est caractérisé par un mode centré sur le

0,15 µm3 et une faible dispersion des valeurs par rapport à la valeur moyenne (Fig. 9A).

L’histogramme rouge est caractérisé par un mode centré sur 0,22 µm3 mais avec une dispersion des

valeurs 1,6 fois plus grande que pour l’histogramme vert (0,13 µm3 versus 0,08 µm3). Ce résultat

suggère que dans la zone de codage du 2 kHz, le volume des rubans synaptiques est plus petit que

celui de la densité de récepteur mais aussi plus homogène. Autrement dit, ce résultat laisse penser

qu’il existe une plus grande diversité volumique au niveau post que présynaptique (Fig. 9B).

Pour conclure cette étude, nous avons souhaité corréler le volume du marquage des éléments

pré et post-synaptiques en confocale avec la mesure directe faite en microscopie électronique par

(Meyer, Frank et al. 2009). Pour le point de mesure n°5, le rapport des volumes du ruban synaptique

est estimé à 11,02. Ce résultat indique qu’en microscopie confocale, le marquage du ruban synaptique

surestime approximativement d’un facteur 10 son volume exact. En supposant que la diffusion des

marqueurs est isotropique, la distance entre le centre du marquage du ruban synaptique et le centre

du marquage de la densité de récepteurs est de 183,3± 6,1 nm (moyenne +/- écart-type), soit 8,2 nm

(<5%) de moins que la valeur exacte estimée en microcopie électronique de 191,5 nm (voir Fig. 1).

Cette mesure de distance pourrait devenir un excellent indicateur anatomique de la synapse à ruban.

4. DISCUSSION

Les travaux de M. Charles Liberman menés initialement chez le chat (Liberman, 1980), ont

montré que l’innervation des cellules ciliées internes est constituée de 3 contingents de neurones

afférents : des neurones à seuil d’activation bas caractérisés par une activité spontanée supérieure à

18 potentiels d’action par seconde (HSR : high spontaneous rate), des neurones à seuil d’activation

moyen caractérisés par une activité spontanée intermédiaire comprise entre 0,5 et 18 potentiels

d’action par seconde (MSR : medium spontaneous rate), et des neurones à seuil d’activation haut

caractérisés par une activité spontanée inférieure à 0,5 potentiel d’action par seconde (LSR : low spike

rate). Cette classification a ensuite été confirmée chez d’autres espèces dont le guinea-pig (Brown,

Kujawa et al. 1998) et la gerbille (Schmiedt, Mills et al. 1990). Cette diversité neurofonctionnelle est à

l’origine de l’incroyable dynamique de codage de l’intensité acoustique permise par une cochlée de

mammifère (120 dB). Le rôle des neurones activés à forte intensité de stimulation (neurones LSR)

seraient aussi essentiel pour la détection des sons dans le bruit (Costalupes, Young et al. 1984). Sur le

plan anatomique, des travaux récents menés par le même groupe (Liberman, Wang et al. 2011)

semblent indiquer que les neurones HSR, MSR et LSR disposent d’une synapse à ruban

anatomiquement différente avec pour les HSR, des petits rubans synaptiques et des grosses densités

de récepteurs et pour les LSR, des gros rubans synaptiques et des petites densités de récepteurs.

L’objectif de ce travail était de développer une bibliothèque d’algorithmes d’analyse d’images

Page 14: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

14

confocales dans le but de caractériser l’innervation des cellules ciliées internes. Cette bibliothèque,

testée et étalonnée préalablement sur données simulées, permet de déterminer : i) le nombre de

synapses à ruban par cellule, ii) le volume du marquage du ruban synaptique et de la densité de

récepteurs au glutamate, iii) la distance ruban synaptique/densité de récepteurs. L’estimation du

nombre de synapses est l’opération la plus délicate à mener car l’utilisateur doit choisir des seuils en

intensité dans le canal vert pour isoler les noyaux (2 seuils) et les rubans synaptiques (1 seuil) et dans

le canal rouge pour isoler les densités de récepteurs (1 seuil). L’utilisateur peut objectiver le choix des

seuils d’après les histogrammes d’intensité. L’intensité du canal rouge doit aussi être préalablement

ajustée à l’aide d’une correction gamma (amplification non-linéaire𝑦 = 𝑥𝛾) comprise entre 0,2 et 1 dans

cette étude. Les 3 résultats de cette étude sont discutés ci-dessous.

Nombre de synapses à ruban par cellule ciliée interne Dans cette étude, le nombre de synapses à ruban par cellule ciliée interne a été mesuré sur

trois cochlées de gerbille normo-entendante, de l’apex à la base, toutes les 70 cellules (voir Fig. 7).

Comme observé par l’équipe de Tobias Moser (Meyer, Frank et al. 2009), le nombre de synapses par

CCI fait clairement apparaitre une distribution en cloche (polynôme d’ordre 2), en fonction de la

fréquence de codage de la CCI, avec un maximum de 23 synapses par cellule à 4 kHz. La forme de

cette courbe correspond à l’audiogramme inversé (audiogramme en miroir) de la gerbille présenté en

Fig. 2A. En effet, on peut constater que la partie plate de l’audiogramme comportemental (1-16 kHz,

(Ryan 1976) de la gerbille correspond à la région de la cochlée dans laquelle l’innervation des cellules

ciliées interne est la plus dense. Cette correspondance, déjà mentionnée par Moser et ses

collaborateurs chez la gerbille, est également observée chez la souris (Meyer, Frank et al. 2009). Pour

renforcer l’estimation du nombre de synapses par cellule ciliée interne, il sera indispensable à l’avenir

de procéder à un marquage du cytoplasme des cellules ciliées internes à l’aide de l’anticorps myosine

7A. Ce triple marquage aura deux avantages : i) il permettra de séparer les rubans synaptiques

fonctionnels proches de la membrane plasmique des rubans synaptiques en cours de recyclage qui

flottent dans le cytoplasme (ces derniers représenteraient 5% de rubans synaptiques selon (Meyer,

Frank et al. 2009). ii) il permettra d’associer avec certitude chaque synapse à sa cellule ciliée interne

d’origine. En absence de triple marquage dans cette étude, nous avons associé chaque synapse à la

cellule ciliée interne la plus proche ce qui semble être, a posteriori, un choix acceptable puisque nos

résultats sont parfaitement corrélés avec ceux du groupe de Tobias Moser.

Volume des éléments pré et post-synaptiques Dans cette étude, un soin tout particulier a été accordé à la caractérisation des éléments pré

(ruban synaptique) et postsynaptique (densité de récepteurs) qui constituent une synapse à ruban

« complète ».. Cette investigation fait suite à l’article publié récemment par le groupe de M. Charles

Liberman (Liberman, Wang et al. 2011). La Fig.8 montre un gradient croissant du volume du

marquage des rubans synaptiques et du volume de la densité de récepteurs de l’apex vers la base. Ce

résultat est surprenant au vu de l’hypothèse du groupe de Liberman puisque l’évolution du volume des

éléments pré et post-synaptiques devrait se faire en sens inverse.

Ce résultat est d’autant plus étonnant que les enregistrements unitaires réalisés chez la gerbille

Page 15: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

15

((Schmiedt, Mills et al. 1990); (Ohlemiller and Echteler 1990) ; (Muller 1996)) montrent que la

proportion de neurones HSR diminue de l’apex à la base ce qui laissait penser, en respect de

l’hypothèse de Liberman, que le volume du marquage pré-synaptique devait en effet augmenter de

l’apex à la base mais pas celui du marquage de la densité de récepteurs. Cette discordance nous

mène à penser que l’hypothèse du groupe de Liberman est peut-être vraie mais que la technique du

confocale n’est peut-être pas la plus adaptée pour la démontrer. Il serait sans doute plus pertinent

d’utiliser la technique STED qui offre une meilleure résolution (150 nm en z ; (Meyer, Frank et al.

2009)) ou la microscopie électronique 3D.

La distance ruban synaptique/densité de récepteurs

Dans ce travail, nous avons montré que l’imagerie confocale surestime approximativement le

volume du ruban synaptique d’un facteur 11. En revanche, le calcul de la distance qui sépare le centre

du marquage du ruban synaptique du centre du marquage de la densité de récepteurs est très fiable

(erreur relative inférieure à 5% par rapport à la mesure directe en microscopie électronique). Ce critère

pourrait donc devenir pertinent dans le contexte de la classification des neurones selon la morphologie

de leur synapse.

En conclusion, ce travail a montré qu’il était possible d’estimer de façon fiable, à partir

d’images confocales en double marquage (anti-CtPB2 et anti-GluR2/3), le nombre de synapses à

ruban par cellule ciliée interne. Le critère fondé sur le volume des éléments pré et post-synaptique

proposé par le groupe de Liberman ne semble pas robuste chez la gerbille car le marquage surestime

largement le volume de la structure cible (> à un facteur 11 pour le ruban synaptique et sans doute

davantage pour la densité de récepteurs). Nous avons toutefois mis au point un indicateur de distance

qui pourrait permettre de classifier les neurones selon la distance ruban synaptique/densité de

récepteur de leur synapse. La bibliothèque de fonctions développée pendant ce stage permettra à

terme d’étudier l’impact du traumatisme acoustique sur l’innervation des cellules ciliées interne. Il a en

effet été montré qu’un trauma réversible entraine une désafférentation de plus de à 50% des synapses

sans effet sur le seuil audiométrique tonale. L’équipe pourra ainsi étudier plus précisément le type de

neurones préférentiellement atteint par le traumatisme sonore. Il est probable qu’il s’agisse du

contingent des neurones à haut seuil (neurones LSR).

Page 16: Innervation des cellules ciliées internes en imagerie

16

BIBLIOGRAPHIE

Brown, M. C., S. G. Kujawa, et al. (1998). Single olivocochlear neurons in the guinea pig. II. Response plasticity due to noise conditioning. J Neurophysiol. 79: 3088-3097.

Costalupes, J. A., E. D. Young, et al. (1984). Effects of continuous noise backgrounds on rate response of auditory nerve fibers in cat. J Neurophysiol. 51: 1326-1344.

Earl, B. R. and M. E. Chertoff (2010). Predicting auditory nerve survival using the compound action potential. Ear Hear. 31: 7-21.

Harris, D. M., R. Rotche, et al. (1990). "Postnatal growth of cochlear spiral in Mongolian gerbil." Hear Res 50(1-2): 1-6.

Kujawa, S. G. and M. C. Liberman (2009). Adding insult to injury: cochlear nerve degeneration after "temporary" noise-induced hearing loss. J Neurosci. 29: 14077-14085.

Liberman, L. D., H. Wang, et al. (2011). Opposing gradients of ribbon size and AMPA receptor expression underlie sensitivity differences among cochlear-nerve/hair-cell synapses. J Neurosci. 31: 801-808.

Liberman, M. C. (1980). Efferent synapses in the inner hair cell area of the cat cochlea: an electron microscopic study of serial sections. Hear Res. 3: 189-204.

Meyer, A. C., T. Frank, et al. (2009). "Tuning of synapse number, structure and function in the cochlea." Nat Neurosci 12(4): 444-453.

Muller, M. (1996). The cochlear place-frequency map of the adult and developing Mongolian gerbil. Hear Res. 94: 148-156.

Nouvian, R., D. Beutner, et al. (2006). Structure and function of the hair cell ribbon synapse. J Membr Biol. 209: 153-165.

Ohlemiller, K. K. and S. M. Echteler (1990). Functional correlates of characteristic frequency in single cochlear nerve fibers of the Mongolian gerbil. J Comp Physiol A. 167: 329-338.

Ryan, A. (1976). "Hearing sensitivity of the mongolian gerbil, Meriones unguiculatis." J Acoust Soc Am 59(5): 1222-1226.

Schmiedt, R. A., J. H. Mills, et al. (1990). Tuning and suppression in auditory nerve fibers of aged gerbils raised in quiet or noise. Hear Res. 45: 221-236.

.