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² SÉCURITÉ & STRATÉGIE N° 110 VEILIGHEID & STRATEGIE Octobre 2011 La coopération structurée permanente (CSP) : débats et hypothèses de mise en oeuvre Monsieur Alain De Neve Chercheur au Centre d’études de sécurité et défense Institut royal supérieur de défense

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²SÉCURITÉ & STRATÉGIE N° 110

VEILIGHEID & STRATEGIE Octobre 2011

La coopération structurée permanente (CSP) : débats et hypothèses de mise en œuvre

Monsieur Alain De Neve Chercheur au Centre d’études de sécurité et défense

Institut royal supérieur de défense

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ISSN : 0770-9005

La coopération structurée permanente (CSP) : débats et hypothèses de mise en œuvre

Monsieur Alain De Neve

Chercheur au Centre d’études de sécurité et défense

Institut royal supérieur de défense

Centre d’études de sécurité et défense

Avenue de la Renaissance 30

1000 Bruxelles

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Executive Summary

Included in the Treaty of the European Union (TEU) signed during the Lisbon Summit (hereafter referred to as the Lisbon Treaty), the Permanent Structured Cooperation (PSC) gives the opportunity to certain member states of European Union (EU) to work more closely in order to develop effective crisis-management capabilities and provide the EU with more autonomy and responsiveness. As stated by the Treaty, “Those Member States whose military capabilities fulfill higher criteria and which have made more binding commitments to one another in this area with a view to the most demanding missions shall establish permanent structured cooperation within the Union framework. […]”. Articles of the Lisbon Treaty dedicated to the PSC are set out in two groups of provisions:

• Article 46 of the TEU is dedicated to the procedure for implementing the PSC;

• Protocol No. 10 annexed to the TEU states de conditions of participation for member states.

Many uncertainties regarding the operability of the PSC have arisen since the adoption of the new TEU. Conditions included in Article 2 of the protocol are considered too vague to be used in order to define quantifiable participation criteria. Since the Lisbon Summit, several presidencies of the EU Council have failed to give the necessary impetus in order to activate the CSP. Many states fear that any implementation of the TEU that would rely on a restrictive reading of its provisions would lead to a discriminatory approach of the PSC. Some observers underline the risk for the treaty signatories to introduce two categories of participants inside the brand new Common Security and Defence Policy (CSDP).

The purpose of this research paper is to proceed to an in-depth analysis of the origins of the PSC in order to provide more insight into its content. Both Article 46 and Protocol No. 10 detailing the CSP date back to the 2004 Intergovernmental Conference that produced a first version of the TEU. It would be wise to reconsider the first visions of the CSP in order to shed light on the way the PSC could be put into practice. Such a method could also prevent us from implementing the PSC in a way that would go against the will of its initiators. At a time when the economic crisis is very likely to have many repercussions on the future of European defence and military budgets, an

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informed reflection regarding the potential of the PSC to improve the CSDP appears as an urgent need.

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Table des matières

EXECUTIVE SUMMARY .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I

TABLE DES MATIÈRES .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . I I I

LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . V

INTRODUCTION .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

CHAPITRE 1 : GÉNÉALOGIE DE LA CSP .. . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Aux origines.......................................................................................................... 9

Dépasser la logique non structurée de la PESD .............................................. 11

Un cheminement progressif .............................................................................. 15 Les travaux du groupe VIII « Défense » de la Convention sur l’avenir de l’Europe...................................................................................................... 15 Du traité constitutionnel au traité de Lisbonne................................................ 20

Les apports du traité en matière de PESC-PSDC ..................................... 22 La CSP dans le traité ................................................................................ 25

Quelle opérationnalité de la CSP ?.................................................................. 29 Le choix et le poids des mots.................................................................... 31 Définir des critères opérationnels ? .......................................................... 33

Conclusion partielle ........................................................................................... 36

CHAPITRE 2 : DONNER CORPS À LA CSP : HYPOTHÈSES DE MISE EN ŒUVRE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

Oser poser le problème de la mise en œuvre de la CSP.................................. 41

Les propositions des présidences espagnole, belge et hongroise .................... 43 L’initiative espagnole ............................................................................... 44 La tentative belge de relance des débats................................................... 46

Hypothèses et scénarios de mise en œuvre....................................................... 48 Sortir des termes du traité ?............................................................................. 49 Une CSP élargie ? ........................................................................................... 50 L’AED comme incarnation de la CSP ?.......................................................... 52 La Lettre d’Intention : forme d’expression d’une CSP d’avant-garde ?.......... 54

Conclusion partielle ........................................................................................... 56

CONCLUSION GENERALE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

La CSP est la solution et non le problème ....................................................... 61

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La CSP ne vise pas l’établissement d’un directoire ........................................ 62

La mise en œuvre de la CSP appelle des initiatives nationales ...................... 63

ANNEXES .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65

Annexe 1 : Articles du traité sur l’Union européenne relatifs à la coopération structurée permanente ................................................................. 67

Annexe 2 : Protocole numéro 10 sur la coopération structurée permanente établie par l’article 42 du traité sur l’Union européenne.......... 73

Annexe 3 : Part des dépenses consacrée à des projets collaboratifs de R&T européenne rapportée au total des dépenses de R&T des États membres participants de l’Agence européenne de défense (chiffres exprimés en pourcents)...................................................................................... 79

Annexe 4 : Tableau comparatif du produit intérieur brut, des dépenses gouvernementales et des dépenses de défense des 27 États membres participants de l’AED (montants exprimés en milliards d’euros) ............................................................................................................... 83

Annexe 5 : Tableau comparatif du produit intérieur brut par habitant et du montant des dépenses de défense par habitant pour l’ensemble des États membres participants de l’AED (montants exprimés en euros)................................................................................................................... 87

Annexe 6 : Répartitions des dépenses de défense parmi les États membres participants de l’AED (exprimés en pourcents) ............................. 91

Annexe 7 : Montants des dépenses consacrées par les 27 États membres participants de l’AED en faveur d’acquisitions d’équipements de défense dans le cadre de coopérations multinationales................................................................................................... 95

Annexe 8 : Nombre de troupes déployées par rapport à l’ensemble du personnel militaire pour les États membres participants de l’AED.............. 99

BIBLIOGRAPHIE .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

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Liste des acronymes et

abréviations

ABNL Amiral Benelux

AED Agence européenne de défense

CMUE Comité militaire de l’Union européenne

COPSUE Comité politique et de sécurité de l’Union européenne

CSP Coopération structurée permanente

EMP États membres participants (de l’Agence européenne de défense)

EMUE État-major de l’Union européenne

HR Haut représentant

LdI Lettre d’Intention

OCCAR Organisation de coopération conjointe en matière d’armement

OG Objectif global

ONU Organisation des Nations unies

OTAN Organisation du traité de l’Atlantique Nord

PESC Politique étrangère et de sécurité commune

PESD Politique européenne de sécurité et de défense

PSDC Politique de sécurité et de défense commune

R&T Recherche & Technologie

RCA République centrafricaine

SEAE Service européen d’action extérieure

TCE Traité sur la Communauté européenne

TDL Traité de Lisbonne

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TUE Traité sur l’Union européenne

UE Union européenne

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UEO Union de l’Europe occidentale

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Avertissement : les propos et réflexions exprimés dans cette étude n’engagent que la responsabilité de leur auteur et aucunement celle des institutions.

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Introduction

La coopération structurée permanente (CSP) survivra-t-elle aux débats qui étaient censés définir sa mise en œuvre ? Cette question mérite très certainement, aujourd’hui, d’être posée à l’aune de l’impossibilité pour la présidence belge de l’Union européenne d’avoir été en mesure de convaincre ses partenaires européens de trouver un accord sur les critères de son opérationnalité. La déclaration franco-britannique du 2 novembre 2010 témoignait d’un état d’esprit particulièrement éloigné des préoccupations qui, en leur temps, avait guidé le président français Jacques Chirac et le Premier ministre Tony Blair dans l’établissement de capacités européennes autonomes et crédibles en 1998. Sans nul doute, l’initiative du Triangle de Weimar a-t-elle récemment participé à enterrer un peu plus encore les efforts de la présidence belge sur ce dossier en éloignant la perspective d’une convergence multilatérale des efforts en matière de défense au sein de l’UE. Il n’est pas interdit de penser que les diverses tentatives engagées en vue de clarifier les termes sibyllins du traité de Lisbonne (TDL) dans le secteur de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) se sont toutes heurtées à la cacophonie des capitales qui, dans un contexte de crise et face aux incertitudes que comporte le traité, ont choisi de se réapproprier le pouvoir d’initiative. Alors qu’il s’agissait là d’un objectif initialement prêté à la CSP, la relance d’une dynamique européenne constitue une ambition que le Triangle de Weimar entend se réattribuer. Dans la lettre que les ministres des Affaires étrangères et de la Défense des trois pays (France, Allemagne et Pologne) ont rédigée à l’intention de la haute représentante de l’Union européenne, la baronne Catherine Ashton, l’évocation de la CSP se résume à sa plus simple expression ; tout au plus les capitales du Triangle rappellent-elles que la CSP « pourrait constituer un outil utile pour réaliser des progrès en matière de renforcement des capacités européennes. » « Pourrait », donc… Le temps où étaient vantées les qualités fédératrices du traité de Lisbonne semble donc révolu. La mise en œuvre du traité de Lisbonne ne semble pas, comme cela put être affirmé, libérer le potentiel de l’Union européenne. Jusqu’à présent, la coopération structurée permanente n’a pas encore permis « de réunir les pays les plus motivés pour impulser le développement général » dans le domaine de la défense1.

Comment, dès lors, expliquer qu’une initiative conceptuelle comme la CSP, originellement développée en vue de garantir une meilleure efficacité et

1 Propos du vice-amiral d’escadre Jean-Pierre Tiffou. TIFFOU, J.-P., « Le merveilleux destin de la Politique de sécurité et de défense commune », Défense nationale et sécurité collective, numéro 7, juillet 2008.

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visibilité des capacités de défense européennes, en soit venue à devenir l’objet d’une controverse entre les États membres de l’Union européenne ? Comment comprendre, par ailleurs, que cet instrument apparaisse aujourd’hui, aux yeux même d’anciens responsables européens chargés de la mise en œuvre de la PESD/PSDC, comme le centre de polémiques risquant de retarder l’action concrète de l’Union européenne dans le domaine de la défense ? Comment analyser le fossé qui s’est creusé entre, d’une part, l’inspiration novatrice à la base de la CSP et la réception mitigée de ce concept qu’aucun État membre de l’Union ne semble actuellement se réapproprier ? C’est à ces diverses questions que la présente étude entend offrir des éléments de réponse.

En guise d’introduction et en prémisses des analyses plus poussées auxquelles nous nous livrerons, il pourrait être affirmé, avec Fréderico Santopinto, que la CSP constitue tant une « énigme introduite par le traité de Lisbonne » que la principale inconnue des débats institutionnels européens2. En effet, il est particulièrement intéressant de remarquer que tant les campagnes qui ont précédé les référendums français, néerlandais et irlandais entre 2004 et 2005 autour du texte de projet de Constitution pour l’Europe, que les débats qui ont pu entourer la ratification du traité de Lisbonne (version consolidée et épurée du projet de Constitution) entre 2005 et 2007 ont fait l’impasse sur les conséquences et le processus de mise en œuvre de la CSP. Sans doute, est-ce là la principale fragilité congénitale qui a touché la CSP : l’absence d’une véritable controverse entre les États membres de l’Union européenne. L’absence d’une telle controverse a empêché que la coopération structurée permanente ne soit mise, selon les termes de Bruno Latour, préalablement « en question »3. En d’autres termes, il pourrait être dit que, postérieurement à son inscription dans le projet de Constitution et dans le traité de Lisbonne, la CSP n’a pas été « réinventée » par les acteurs qui l’ont portée sur les fonts baptismaux. Or, les controverses, les oppositions structurantes naissant des divergences entre les acteurs sont, précisément, les éléments qui cimentent le concept dans une certaine réalité opérationnelle.

2 SANTOPINTO, F., Le traité de Lisbonne et la défense européenne : bataille diplomatique sur fond de Coopération structurée permanente, Bruxelles, Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, Note d’analyse, 4 novembre 2009, p. 1. 3 LATOUR, B., La science en action – introduction à la sociologie des sciences, Paris, La Découverte, 2005.

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Expression ou forme spécifique de coopération renforcée4 dans le domaine de la défense (innovation introduite dans le traité de Lisbonne), la CSP repose sur le constat selon lequel les États membres de l’Union européenne progressent, dans le domaine de la défense, selon des vitesses variables. La CSP est, dans une certaine mesure, – pour paraphraser André Dumoulin –, un compromis entre les principes d’approfondissement et d’élargissement. En d’autres termes, conscients que l’accroissement des membres de l’Union européenne ne saurait conduire à une implication égale de ceux-ci dans chacun des domaines de l’Union, les États ont accepté de débattre de la possibilité d’autoriser un certain nombre de pays qui le souhaitent à développer une intégration plus poussée en nombre restreint. De même, il pourrait être affirmé que le concept des coopérations renforcées constitue la réponse « mécanique » à l’existence, au sein, de l’UE d’États ne souhaitant pas consentir à une pleine participation dans l’ensemble des politiques mises en œuvre à l’échelle de l’Union européenne. Comme nous aurons l’occasion de l’observer dans les pages qui suivent, c’est sans doute faire un mauvais procès aux coopérations renforcées que de dire qu’elles sont de nature à générer une Europe à plusieurs vitesses. L’opting-out dont peut se prévaloir le Danemark dans les affaires de défense a participé à l’émergence d’une Europe à deux vitesses.

Aussi, convient-il sans doute de percevoir dans les coopérations renforcées la formulation d’une réponse syncrétique visant à concilier l’idéalisme d’une pleine participation de tous et le réalisme de contributions différenciées. Tant les coopérations renforcées que la CSP ne conduiront pas inéluctablement à une fragmentation de l’Europe. En vérité, les coopérations renforcées et la CSP seront avant tout ce que les États membres auront choisi d’en faire. Soit, elles permettront d’aspirer vers le haut ceux qui parmi les membres de l’Union européenne ne souhaitent pas immédiatement s’engager sur la voie d’une intégration plus poussée, soit elles dissocieront un groupe pionnier du reste des États membres, avec le risque de créer une « Union au cœur de l’Union ». Face à ces opportunités et risques de dislocation, il est sans nul doute heureux que la possibilité d’établir des coopérations renforcées et une coopération structurée permanente dans le domaine de la défense ait été expressément prévue par le traité. Cette insertion permet, dans une certaine mesure, de ramener la constitution de « groupes pionniers » dans l’architecture de l’Union européenne, même si des modalités de rapprochements ad hoc ne sont jamais exclues.

4 On soulignera, cependant, que la CSP s’avère plus flexible que la « coopération renforcée » puisque les critères d’admission à une CSP sont beaucoup plus souples. Ainsi, l’édification d’une CSP n’exige pas au préalable un nombre minimal de participants. Cf. ANGELET, B., VRAILAS, I., European Defence in the Wake of the Lisbon Treaty, Brussels, Egmont Paper 21, May 2008, p. 33.

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Bien sûr, s’agissant plus spécifiquement de la CSP, les articles du traité ainsi que le protocole dédié qui l’accompagne se révèlent particulièrement réservés sur la définition exacte des contours que devrait prendre une telle coopération. En d’autres termes, le contenu précis de la CSP – notamment sur le plan des critères – reste entièrement à définir. On constatera, en outre, que les considérations – certes à débattre – qui se situent à la base de cette forme particulière de coopération entre États membres de l’Union européenne s’inscrivent en contre-courant des aspirations qui avaient jusqu’alors assuré la dynamique de l’Union européenne. Avec, à partir du Conseil d’Helsinki, la création de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), les États membres semblaient s’être entendus sur le parachèvement de l’intégration européenne au travers de rapprochements de vue sur la défense. Face aux sensibilités des opinions publiques européennes et à une demande forte de convergences entre les États membres, ces derniers avaient avancé, certes de manière prudente et pragmatique, vers l’édification d’une certaine entente intergouvernementale sur les objectifs opérationnels de l’UE dans le domaine de la défense5. Cette coopération dans le volet opératoire avait, d’ailleurs, conduit, ainsi que pouvaient l’exprimer André Dumoulin, Raphaël Mathieu et Gordon Sarlet, à l’émergence d’une certaine expression identitaire commune à l’ensemble des États membres de l’Union. Or, l’approche qui, comme nous le verrons, se situe au cœur de la CSP consiste à fédérer une catégorie d’États membres, ceux « qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires » et qui entendent s’associer sur la base d’« objectifs agréés concernant le niveau des dépenses d’investissement en matière d’équipements de défense. »

La présente étude a pour objectif de revenir sur les fondements de la coopération structurée permanente pour tenter d’en dégager les formes d’expression possibles sur la base des éléments que comporte le traité de Lisbonne. Il est sans nul doute un truisme d’affirmer que face aux lacunes des dispositions du traité à son endroit, la CSP a pu faire l’objet de multiples interprétations ; certaines d’entre elles s’étant écartées de la philosophie qui avait présidé à son inscription dans le traité. Aussi, la première partie de ce rapport consistera à revenir sur l’historique de la CSP en considérant comme point de départ les travaux conduits dans le cadre de la Convention sur l’avenir de l’Europe et, plus spécifiquement, sur les propositions développées par le groupe « Barnier ». Dans une seconde partie du rapport, nous nous attarderons sur les dispositions du traité relatives à la CSP et tâcherons d’en dégager quelques

5 CHARILLON, F., « Européaniser la défense : les enjeux sociologiques, politiques et intellectuels d’un projet inédit », Les Champs de Mars, Cahier du Centre d’études en sciences sociales de la défense, Dossier L’européanisation de la défense (sous la direction de CHARILLON, F.), deuxième semestre 2004, numéro 16, p. 20.

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interprétations. Enfin, dans une troisième et dernière partie, il sera temps d’évaluer la mise en œuvre de la CSP et, face aux réserves et blocages constatés à son propos, d’émettre des scénarios sur l’avenir de cette innovation institutionnelle du traité.

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Chapitre 1

Généalogie de la CSP

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Comprendre et mesurer les facteurs qui ont graduellement conduit au développement de la CSP implique de revenir à une rapide généalogie de la construction européenne et du traité de Lisbonne. L’évaluation des enjeux de la CSP suppose un détour obligé par l’une des caractéristiques structurelles fortes de cet assemblage politique « hors-norme » que constitue la politique européenne de sécurité et de défense (PESD), aujourd’hui politique de sécurité et de défense commune (PSDC) : il s’agit de l’intégration différenciée. Car, comme le font remarquer Thierry Chopin et Jean-François Jamet, « l’histoire montre […] que l’Union européenne a déjà connu de nombreuses formes d’intégration différenciée, à la fois dans et hors des traités. La politique spatiale, la coopération intergouvernementale en matière industrielle, l’euro, l’espace Schengen en sont des exemples. Ils figurent parmi les symboles de l’intégration européenne et ont souvent permis des processus de convergence, d’autres États rejoignant progressivement les premiers participants et certaines politiques étant tout simplement communautarisées.6 »

Aux origines

Le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007, est avant tout le résultat d’un abaissement du niveau d’ambition institutionnel des États membres de l’UE puisqu’il incarne une réécriture du projet de Constitution européenne abandonné à la suite des échecs des référendums français et néerlandais de 2005. Le texte du traité de Constitution européenne qui, à l’origine, devait fusionner le traité sur l’Union européenne (TUE) et le traité sur la Communauté européenne (TCE) a donc cédé la place à un document de facture plus modeste seulement destiné à introduire un ensemble de modifications du TUE et du TCE. Le traité sur l’Union européenne conserve son appellation tandis que le TCE est rebaptisé « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » (TFUE). Bien que l’ensemble du traité modificatif de Lisbonne ne vise pas à s’élever au niveau de changement originellement exprimé dans le cadre du traité avorté de Constitution européenne, les dispositions relatives à la politique étrangère et de sécurité et commune (PESC) et à la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) – désignation succédant à la PESD –, ont été reprises en l’état par les États membres lors des négociations relatives au projet de traité de Lisbonne7. Le traité de Lisbonne n’offre cependant pas une lecture plus aisée des dispositions relatives aux politiques et au fonctionnement de l’Union européenne. Ceci vaut tout spécifiquement dans le cadre de la PSDC puisque le

6 CHOPIN, T., JAMET, J.-F., La différenciation peut-elle contribuer à l’approfondissement de l’intégration communautaire ?, Fondation Robert Schuman, Questions d’Europe numéros 106 & 107, 15 & 21 juillet 2008, disponible depuis l’adresse http://www.robert-schuman.eu/doc/questions_europe/qe-106_et_107-fr.pdf consultée en date du 28 mai 2010. 7 “The Impact of the Lisbon Treaty on CFSP and CSDP”, European Security Review, ISIS Europe, No. 37, March 2008.

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traité évoque des modalités de coopérations (renforcées et permanente) très proches et souvent au centre de confusions quant à leurs portées politiques spécifiques.

Pour Bastien Hirondelle, l’articulation proposée par le TDL entre, d’une part, des clauses de solidarité et, d’autre part, des schémas de coopération spécifiques, atteste d’une fragmentation réelle du processus d’institutionnalisation de la défense européenne alors même, serait-on tenté de dire, que le traité visait originellement à fournir des fondements solides à la défense européenne. Il semble, en effet, que la préoccupation des États membres de l’Union européenne a principalement consisté à déterminer un équilibre subtil entre le principe d’unanimité et de flexibilité8. En d’autres termes, la confection du traité a, une fois de plus, résidé dans le maintien d’une « ambiguïté constructive » consistant à concilier des binômes a priori opposés : permanence/volatilité, solidarité/spécificité, civil/militaire, etc. Ne dit-on d’ailleurs pas, aujourd’hui, à propos de la mise en œuvre de la CSP que cette dernière devrait idéalement concilier deux principes presque contradictoires : inclusivité de tous et ambitions de quelques-uns. Nous aurons l’occasion de revenir sur cet aspect.

L’ambition d’établir une coopération structurée permanente entre les États membres de l’Union européenne impliqués en matière de défense européenne résulte, d’une certaine façon, d’un constat sur les limites de la politique européenne de sécurité et de défense telle que développée entre 1999 et 2003. Bien que l’initiative franco-britannique issue du sommet de Saint-Malo, en novembre 2008, avait permis à l’Europe occidentale de comprendre l’importance de la conduite d’actions concertées et coordonnées à l’échelle de l’Union européenne en matière de défense, la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) se révélait insuffisamment structurée, car trop souvent tributaire des élans politiques nationaux ou, à l’inverse, des réticences marquées par certains États membres de l’UE. Par ailleurs, la PESD ne disposait d’aucune assise institutionnelle dédiée puisque son inscription formelle dans les traités faisait défaut.

La nécessité de l’établissement d’une CSP résulte, par ailleurs, des blocages rencontrés sur la question de l’opérabilité des euroforces. Celles-ci ont véritablement proliféré depuis les années 1990 sans que de véritables cadres de mise en œuvre rationalisés aient été élaborés. La plus représentative de ces euroforces est sans nul doute l’Eurocorps, institué en 1992 par la France et

8 HIRONDELLE, B., « L’institutionnalisation de l’Europe de la défense », dans SCHWOK, R., MERAND, F., (dir.), L’Union européenne et la sécurité internationale. Théories et pratiques, Louvain-la-Neuve, Académia – Bruylant & Université de Genève, 2009, p. 92.

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l’Allemagne (rejoints plus tard par l’Espagne, la Belgique et le Luxembourg), et dont la vocation ultime est la constitution d’un premier embryon d’armée européenne. La structure de l’Eurocorps s’articule autour des contributions nationales à un état-major conjoint. On mentionnera aussi, toujours dans le registre des euroforces et des coopérations limitées en matière de défense, l’existence de l’Eurofor (état-major permanent de 100 personnes pouvant, le cas échéant, puiser dans un réservoir de forces terrestres appartenant à l'Espagne, l'Italie, la France et le Portugal) et de l’Euromarfor (force navale non permanente constituée par l'Espagne, la France, l'Italie et le Portugal), de l’amiral Benelux, de l’initiative amphibie européenne (réunissant l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la France), ou encore du Groupe aérien européen (Royaume-Uni, France, Italie, Allemagne, Pays-Bas, Belgique et Espagne). Ces euroforces ont davantage rempli un rôle de « vitrine politico-militaire » que celui de dispositif opérationnel et déployable. Soulignons encore qu’elles constituent le produit d’initiatives principalement introduites par les États membres de l’ouest et du sud de l’Union européenne puisque les États nordiques et les anciens pays d’Europe centrale et orientale restent absents des processus décrits. Une distinction très claire doit être opérée entre la CSP prévue par le traité de Lisbonne et les coopérations limitées qui viennent d’être décrites. En aucune façon, les euroforces ne pourraient venir se substituer à la CSP. Toutefois, les dispositions du traité de Lisbonne relatives à la CSP mentionnent explicitement les forces multinationales qui sont, dans ce contexte précis, des moyens au service la CSP.

Les diverses entreprises de concertation et de coopération amorcées au lendemain du sommet de Saint-Malo et du Conseil européen d’Helsinki du mois de décembre 1999 ont eu pour but de fédérer les États membres autour de dispositifs destinés à renforcer les moyens d’action collective de l’Union et de ses États membres. L’objectif global de 2003 reposait sur la génération d’une force d’intervention de 50.000 à 60.000 hommes susceptible d’être mobilisée en deux mois et capable de soutenir une opération pour une durée d’un an. Toutefois, cet objectif ne sera jamais atteint faute d’avoir pu mobiliser de la part des États membres des moyens suffisants. On soulignera encore que la lenteur des processus décisionnels a trop souvent affecté le niveau pourtant ambitieux d’engagement pris par les États. En 2003, lorsque les États membres de l’Union durent se résoudre à prendre acte de l’impossibilité de mettre sur pied une semblable capacité, l’idée d’établir une coopération structurée permanente entre certains États de l’UE prit forme.

Dépasser la logique non structurée de la PESD

La suite des évolutions de la PESD allait rapidement confirmer la nécessité pour les États européens de réfléchir à une logique nouvelle pour l’élaboration de capacités communes dans le domaine de la défense (sans pour autant tendre vers une réflexion en matière d’intégration). En effet, lors des opérations conduites – souvent avec succès – par plusieurs États européens

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agissant sous la bannière de l’UE, des difficultés récurrentes dans le processus de génération des capacités font leur apparition. Celles-ci découlent, pour l’essentiel, de l’absence d’un véritable processus d’affectation préalablement établi entre les capitales. Les raisons qui expliquent cette impossibilité de mise en commun des moyens selon un schéma coordonné à l’avance tiennent principalement à la simultanéité des affectations des moyens sur divers théâtres de crise et sous les auspices d’organisations tierces à l’instar de l’OTAN, de l’ONU ou de coalitions ad hoc (telles que les opérations militaires conduites en Irak à l’initiative des États-Unis). L’analyse des interventions menées depuis 2003 par l’Union européenne au titre de la PESD a conduit l’ancien directeur de l’Agence européenne de défense, le Britannique Nick Witney, à qualifier les opérations militaires européennes de « triomphe de l’improvisation ». En dix ans, souligne Nick Witney, l’Union européenne a été en mesure de conduire une vingtaine d’opérations (dont une fut une reprise de commandement d’une opération de l’OTAN). Si ces diverses interventions sur des théâtres relativement distants ont atteint les buts militaires et les objectifs politiques qui leur avaient été assignés, elles n’en ont pas moins constitué les produits d’échafaudages politico-militaires complexes âprement négociés à Bruxelles selon des considérations parfois très distantes des motifs urgents nécessitant, sur le terrain, l’envoi d’une force. Sans doute, cette situation est-elle principalement due au fait que les États membres ont été contraints, dans bien des contextes, de conjuguer leurs forces et leurs moyens dans le cadre d’un vide stratégique béant. Aucun plan d’action coordonné n’offre, il est vrai, d’indicateurs clairs à l’élaboration d’une mission ou d’une opération conduite sous l’étendard de l’Union européenne. Chaque génération de forces pour les besoins d’une opération extérieure procède d’une logique de mise en œuvre incrémentale. Une telle méthodologie – pour autant qu’un tel terme puisse être employé dans les cas considérés – est sur le point de présenter de nombreuses insuffisances au regard de la complexité nouvelle des conflits.

Si la génération de forces militaires se heurte, nous l’avons observé, à des impasses au niveau de la méthode, elle connaît également des difficultés importantes sur le plan des niveaux d’engagement nationaux et, plus généralement, de l’aptitude à la mobilisation des moyens requis pour la conduite des missions et opérations extérieures. Sur la vingtaine d’opérations menées dans le cadre de PESD entre 1998 et 2008, seules cinq missions ont impliqué un niveau de contribution égal ou supérieur à 1.000 hommes. Neuf d’entre elles se sont appuyées sur un niveau d’engagement humain inférieur ou égal à une centaine d’hommes. De telles structures d’engagement sont très insuffisantes au regard des exigences que poseront les missions et opérations militaires dans le futur (Annexe 8 : Nombre de troupes déployées par rapport à l’ensemble du personnel militaire, p. 99). L’une des principales raisons pour lesquelles de tels niveaux de déploiement semblent ne pas avoir affecté la conduite des missions et opérations tient principalement au fait que les objectifs assignés aux forces

concernées ont été particulièrement circonscrits que ce soit au niveau du degré

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d’engagement, de la durée de l’opération ou encore de l’étendue de la zone d’intervention. Le cas le plus illustratif est sans nul doute la mission Artemis/Mamba en Ituri durant l’été 2003. On indiquera encore que la majorité des missions et opérations conduites sous les auspices de l’Union européenne ont été décidées avec une précaution toute particulière qui a consisté à engager des hommes et moyens sous drapeau européen là où s’agissait essentiellement de « reprendre le flambeau » pour éventuellement dans un second temps le retransmettre à d’autres autorités politico-militaires.

La PESD a fini par souffrir d’un manque de structuration évidente puisqu’il n’existe pas un processus d’affectation systématique des capacités militaires mises à la disposition par les États membres. Idéalement, de telles capacités sont supposées servir les interventions extérieures de l’Union européenne, qu’il s’agisse de missions civiles, d’opérations militaires ou encore – comme c’est souvent le cas – d’une combinaison des deux catégories d’instruments. Cette absence d’affectation conduit à des impasses capacitaires qui peuvent freiner, sinon paralyser, le déploiement ou le soutien d’une intervention en zone de crise. De nombreux moyens promis par les États membres s’avèrent, très souvent, mobilisés pour des opérations relevant des politiques de défense nationale ou dans le cadre de missions non-UE (OTAN ou ONU).

Dans le domaine civil, les lacunes de l’Union européenne s’avèrent particulièrement critiques. Les États membres de l’UE éprouvent encore des difficultés à mobiliser les instruments civils adéquats pour l’accompagnement des crises. Or, les missions de police, de justice ou de mise en œuvre de l’État de droit représentent les composantes essentielles d’une approche globale. Mais, au-delà des insuffisances rencontrées par les États membres pour la mise en œuvre des capacités civiles, c’est surtout l’articulation entre les moyens militaires et civils qui présente de très nombreuses difficultés. Il existe, en effet, sur le plan structurel, un manque d’interopérabilité évident entre les deux ensembles d’acteurs. Les implications découlant de telles insuffisances ne se limitent pas à des contraintes organisationnelles, elles peuvent entraîner des risques de pertes humaines dans la conduite des missions et opérations9.

On ajoutera encore le manque d’interopérabilité entre les groupements de niveau tactique. Ce phénomène conduit les Européens à devoir régulièrement dépendre de moyens non-UE dans plusieurs segments de l’action stratégique. Sur le terrain, les États membres n’ont d’autre choix que de recourir au renseignement américain (avec les pesanteurs et les filtrages que cette

9 FROMION, Y., Conséquences du Traité de Lisbonne sur les capacités militaires et les programmes d’armement de l’Union européenne, extrait des conclusions finales de la mission confiée par Monsieur le Premier ministre, Paris, Assemblée nationale, 30 juin 2010.

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dépendance suppose). De même, pour les transports aériens (stratégiques et tactiques), l’Union européenne a dû demander à de nombreuses reprises les moyens mis à la disposition par l’Ukraine et la Russie10. Ces insuffisances, qui sont source de dépendances fortes, laissent à penser que si les Européens se révèlent en mesure de « décider seuls » d’une opération/mission, ils se montrent dans l’incapacité d’en assurer seuls le déploiement11. En guise de résumé, trois secteurs restent caractérisés par une dépendance des Européens à l’égard d’apports extérieurs : le renseignement, les communications et le transport aérien.

Face à l’ampleur de tels déficits, l’idée d’une Europe constituée de 27 États membres avançant au même rythme en matière capacitaire semble avoir progressivement laissé la place à une dynamique plus modulaire. C’est ainsi que les travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe allaient conduire à une réflexion sur l’insertion, dans le cadre de l’UE, d’un mécanisme de coopération étroite entre certains États membres.

10 Dans le cadre de la préparation de l’opération EUFOR-Tchad/RCA, les États membres de l’Union européenne avaient dû recourir à des hélicoptères russes (au nombre de huit) et à un personnel de soutien de 150 militaires, également fourni par Moscou. Cf. « EUFOR-Tchad/Car mission: Russian helicopters arrive », 12 mars 2008, http://www.avionews.com. Voir aussi « Entretien téléphonique de M. Bernard Kouchner avec son homologue russe, M. Sergueï Lavrov (7 février 2008) », site du ministère des Affaires étrangères français, http://www.diplomatie.gouv.fr. 11 Cette situation apparaît particulièrement préoccupante dans le domaine des hélicoptères et du transport aérien tactique, c’est-à-dire à l’échelle de la zone d’opérations. En tout, 70% de l’ensemble des quelque 1.700 hélicoptères que l’Union européenne étaient concentrés sur un quart des États membres de l’UE. Seulement 50% des appareils étaient disponibles et opérationnels lors de la préparation de l’opération EUFOR-Tchad/RCA. Le nombre cité inclut les hélicoptères nécessaires pour l’entraînement et ceux qui sont en réparation, entretien et maintenance suite à un déploiement en opération. Il convient, par ailleurs, de rappeler l’extraordinaire diversité des types d’appareils détenus par les États européens (CH-47 Chinook pour le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, l’Italie, la Pologne et les Pays-Bas ; Sea King, CH-53, AS-532 Cougar, EC-725 Caracal et Mil Mi-17 pour le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Italie). Ce bilan nous permet de dresser le constat selon lequel le CH-47 Chinook est la seule plate-forme commune à plusieurs États européens. Toutefois, dans de telles conditions de diversité des systèmes, une mise en commun des ressources en équipages ainsi que du soutien et de la logistique s’avère problématique. Cf. CURTIS-THOMAS, C., La coopération européenne dans le domaine des hélicoptères militaires, rapport présenté au nom de la Commission de défense de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense de l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale, Document A/2075, 16 juin 2010.

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Un cheminement progressif

Les travaux du groupe VIII « Défense » de la Convention sur l’avenir de l’Europe

Ce furent, dans un premier temps, les travaux conduits par la Convention sur l’avenir de l’Europe qui évoquèrent le principe de l’établissement d’une forme de coopération plus étroite entre « les États membres qui souhaitent effectuer les missions de Petersberg les plus exigeantes et disposent des capacités nécessaires pour que cet engagement soit crédible ». Le groupe VIII – aussi désigné groupe « Barnier », du nom de son président –, déposa son rapport en date du 16 décembre 2002. Le document final réalisé par la Convention portait, en ses articles 53 et 55, des propositions précises dans le domaine des coopérations « restreintes » (renforcées ou structurées).

L’un des principaux axes de travail du groupe « Barnier » résida donc dans l’aménagement de nouveaux dispositifs institutionnels afin d’introduire une certaine flexibilité dans la prise de décision. Aussi, le rapport final du groupe de travail VIII suggéra-t-il de « passer de l’unanimité à d’autres modalités de décision faisant davantage appel au consentement et à une culture de solidarité entre les États ». L’idée défendue par le groupe « Barnier » était de recourir au mécanisme de l’abstention constructive ; mécanisme qu’avait précisément introduit le traité d’Amsterdam pour les décisions relevant de la PESC (mais non celles relevant du domaine de la PESD, non évoquée comme telle dans les traités, au demeurant). L’abstention constructive permettrait ainsi aux États membres qui ne souhaitent pas participer à une opération de ne pas s’opposer à ce que d’autres puissent la mener. Une fois la décision de l’opération adoptée – non plus sur la base d’un consensus, mais du « consentement » de chacun – les États abstentionnistes ne participeraient pas aux décisions relatives à la mise en œuvre, tout en conservant la faculté de se joindre ultérieurement à l’opération.

Pour autant, une telle solution de flexibilité ne devait pas être considérée comme la panacée. Certaines situations de crise, on le sait, génèrent des divergences d’intérêt souvent insurmontables. Et les implications stratégiques pouvant être liées au déploiement de forces dans des contextes de tensions ou de violences sur des théâtres extérieurs peuvent avoir des implications stratégiques vitales pour certains États membres. Le recours à l’abstention constructive s’avérerait des plus difficiles dans de telles circonstances.

C’est pourquoi le présidium de la Convention a considéré opportun d’introduire dans le projet de traité constitutionnel trois niveaux distincts de différenciation en matière de politique de sécurité et de défense. Pour schématiser, la PESD serait organisée en plusieurs « cercles concentriques » : ainsi, le premier « cercle » inclut les missions de Petersberg « élargies », auxquelles tous les pays ont souscrit, suivi par des « anneaux » dits de

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« coopération structurée » plus restreinte en termes d’États membres participants, et destinés aux pays remplissant des critères capacitaires élevés et qui souhaiteraient prendre des engagements plus contraignants avec d’autres partenaires pour des missions plus exigeantes. La « coopération structurée » se distingue de la « coopération renforcée » – introduite par le traité de Nice pour les décisions relevant de la PESC – par l’établissement d’accords ad hoc annexés au futur traité sous forme de déclarations. Au sein d’une coopération structurée, seuls les États participants prendraient alors part à l’adoption des décisions relatives tant à son évolution qu’aux modalités d’éventuelles opérations, pour la conduite desquelles ils devraient pouvoir s’appuyer sur les structures de l’Union, telles que le COPS ou le Comité militaire (CMUE).

Un dernier cercle constitue le noyau de la structure de différenciation précitée : il s’agit des États membres souhaitant mener une « coopération plus étroite » concernant cette fois, une défense mutuelle. Celle-ci serait ouverte à tous les États membres de l’Union. En définitive, il s’agit de reprendre l’engagement souscrit par dix États dans le cadre de l’article V du traité de Bruxelles instituant l’UEO12, et de l’ancrer dans la Constitution par le biais d’une déclaration annexée au futur traité.

Ainsi, cette clause, si elle devait être retenue dans la version finale de la Constitution et effectivement utilisée par les États membres de l’UEO, aurait trois conséquences majeures :

1. la création d’une sorte d’« Eurozone de la défense », telle qu’elle avait été proposée par le commissaire et président du groupe de travail, Michel Barnier, sur le modèle de la zone euro ou de l’espace Schengen. ;

2. l’UEO cesserait d’exister en tant qu’organisation distincte et le transfert des structures de l’UEO vers l’UE initié avec le traité d’Amsterdam s’en trouverait achevé. Ceci impliquerait également une définition du rôle de l’Assemblée interparlementaire, qui pourrait être maintenue en tant que promotrice d’un débat impliquant les parlements nationaux en matière de défense, comblant le « vide démocratique » parfois critiqué en ce qui concerne la défense européenne ;

12 En date du 31 mars 2010, les dix États membres de l’UEO ont décidé d’amorcer la dissolution définitive de l’organisation. Cette dissolution s’est achevée au mois de juin 2011. L’ensemble des compétences de l’UEO ont été reprises sous diverses formes par l’Union européenne.

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3. des mécanismes d’opting-in devront être garantis afin de permettre aux cinq pays partenaires associés ou observateurs de l’UEO, qui restent pour le moment en dehors de l’Union – Bulgarie, Islande, Norvège, Roumanie et Turquie – d’être associés, dans la mesure où ils le souhaitent, aux activités menées par les États appartenant à l’Eurozone de défense.

Il est vrai que cette différenciation introduit dans la PESD un degré élevé de complexité et consacre l’affirmation du principe d’une « Europe à plusieurs vitesses » ou « à la carte ». Toutefois, ce scénario ne doit pas être dramatisé : le fait que les futurs vingt-sept États de l’Union ne marchent pas tous à la même vitesse est un simple constat. Par conséquent, seulement une approche réaliste, tenant compte du caractère unique de la politique de défense et des spécificités de chaque État dans ce domaine, permettra, à terme, la réalisation d’une politique de défense commune, résultat de la somme des politiques nationales au service de la réalisation d’objectifs définis en commun. Nick Witney rappelle à ce propos, précisément, les trois principes-clés qui guident la mise en œuvre et la reconnaissance d’un groupe d’États pionniers au sein de l’Union européenne. Le premier est que si un « groupe d’États pionniers » décide collégialement d’avancer plus vite et plus loin dans le domaine de la défense, l’existence d’une telle coopération étroite et poussée entre quelques membres n’implique pas, de la part des autres États, d’investir davantage dans le domaine de la défense. Les États qui préfèrent ne pas participer au groupe d’États pionniers sont parfaitement libres de déterminer en toute souveraineté leur niveau d’investissement dans le secteur de la défense. Un second principe est la définition, entre les États membres qui constituent un groupe pionnier, d’objectifs clairs et transparents, suivis d’initiatives concrètes. Un troisième principe est de traduire autant que possible la diversité politique de l’Union européenne au sein du « groupe pionnier ». En d’autres termes, l’établissement d’un « groupe pionnier » doit refléter la variété des positionnements politiques et doctrinaux sur les questions de sécurité. La mise en œuvre de ce principe implique donc qu’une coopération plus étroite et plus poussée entre certains États membres de l’Union européenne doit demeurer ouverte et repose sur une base de représentation assez large. La substance politique de cette association étroite ne pourrait être fondamentalement différente de celle qui caractérise l’Union européenne. Nick Witney rappelle cependant que cette ouverture ne saurait mettre en péril le pragmatisme de cette association d’États pionniers. Autrement dit, il ne serait pas admissible que des États membres de cette association viennent ralentir les entreprises décidées au sein de cette dernière13.

La Convention mettait donc en exergue la nécessité d’insérer au sein de l’Union européenne diverses mesures destinées à introduire de la flexibilité dans

13 WITNEY, N., Re-energising Europe’s Security and Defence Policy, London, European Council on Foreign Relations, http://www.ecfr.eu, p. 3.

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les prises de décision et les actions de l’UE. À cette fin, la Convention suggérait deux pistes de travail. La première reposait sur la mise en œuvre d’un mécanisme « d’abstention constructive » qui permette à quelques États souhaitant avancer davantage dans certaines matières de ne pas voir leur élan entravé par des partenaires plus « conservateurs »14. La seconde piste de travail résidait dans l’établissement de « coopérations plus étroites » entre les États membres déterminés à relever les missions de Petersberg les plus exigeantes. Ce bref rappel des événements et débats appelle trois remarques :

1. Tout d’abord, et comme les termes du rapport final du groupe de travail VIII « Défense » l'attestent, les membres de la Convention n’envisagent pas littéralement une coopération structurée permanente, mais parlent d’une coopération spécifique plus étroite entre les États membres. Les termes « structurée » et « permanente », chargés politiquement eu égard aux engagements et à la pérennité qu’ils supposent de la part des États concernés, sont absents de la terminologie employée par le groupe « Barnier ».

2. On soulignera, ensuite, que les membres de la Convention ne s’attardent point sur le principe d’inclusivité de cette forme de coopération étroite. Cette notion est d’ailleurs parfaitement absente du rapport final du groupe de travail VIII. Contrairement à l’idée aujourd’hui largement véhiculée15 face aux réticences évidentes des États membres à définir des critères plus poussés d’admission et de participation à la CSP, le groupe « Barnier » ne laisse à aucun moment supposer que la CSP concernera la totalité des États membres de l’Union européenne (ce qui constituerait une incohérence par rapport aux motivations originelles qui se situent à l’initiative de la coopération précisément voulue « plus étroite »). Le rapport final du groupe de travail n’évoque pas davantage la nécessité de faire participer le plus grand nombre possible d’États à cette coopération « étroite ». En effet, le rapport final du groupe de travail ne désigne que les États « qui se révèlent en mesure de

14 Toute opération de l’UE, en effet, suppose l’adoption à l’unanimité d’une décision favorable par les États membres. La règle de l’abstention constructive maintenait, en vérité, le principe du recours à l’unanimité tout en faisant en sorte que les abstentionnistes n’empêchent pas la mise en œuvre de l’opération. 15 BISCOP, S., Permanent Structured Cooperation and the Future of ESDP, Bruxelles, Egmont – Institut royal des relations internationales, Helsinki, 18 & 19 décembre 2008.

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conduire les missions de Petersberg16 les plus exigeantes et qui disposent des capacités qui rendraient crédible tout engagement de force dans le cadre de ces missions ». La « non-universalité » du modèle de coopération envisagé par les membres de la Convention s’exprime également au travers des exemples de coopérations étroites d’ores et déjà existants, selon eux, en matière de défense européenne. Le rapport final du Groupe de travail VIII rappelle ainsi l’existence, en matière d’équipements de défense, de l’OCCAR (Organisation de coopération conjointe en matière d’armements) et de la LoI (Lettre d’Intention). Le rapport final souligne encore le développement des unités militaires multinationales à l’échelle européenne (Eurocorps, Eurofor, Euromarfor, Groupe aérien européen, etc.). Les rédacteurs du rapport final s’abstiennent cependant de voir dans lesdites initiatives, organisations et composantes le creuset de cette forme de coopération qu’ils désignent. Pour la Convention, l’objectif est de développer une « Eurozone » de la Défense au sein des structures institutionnelles de l’Union.

3. Enfin, il importe de revenir sur les raisons qui ont amené les membres de la Convention à élaborer le projet d’une telle coopération spécifique plus étroite. L’objectif était, en effet, « d’assurer la flexibilité dans la prise de décision et dans l’action »17. La formulation d’un tel objectif à une époque où l’Union européenne ne compte encore que quinze membres (!) revient, pour les membres du Groupe de travail, à reconnaître de façon implicite les limites atteintes par les Quinze de l’époque en terme d’efficacité de la prise de décision dans le domaine de la PESD. En d’autres termes, le nombre de membres de l’Union européenne justifiait déjà, en décembre 2002, la nécessité de mettre en place une coopération spécifique plus étroite entre quelques États membres.

Le rappel de ces éléments, bien qu’éloignés en apparence, s’avère une étape essentielle pour la compréhension des logiques et mécanismes qui se situent à l’origine de l’insertion, au sein du TDL, du cadre spécifique que représente la CSP. Certes, il est somme toute difficile de contester l’affirmation selon laquelle les termes employés par le traité de Lisbonne pour définir la CSP sont ombrageux, sibyllins. Toutefois, ce constat ne saurait nous autoriser à faire dire au texte ce qu’il ne dit pas.

16 Le rapport final du groupe de travail VIII « Défense » souligne, par ailleurs, la nécessité de revoir la liste des missions de Petersberg. 17 Rapport final du Groupe de travail VIII « Défense », Bruxelles, le 16 décembre 2002, p. 2.

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Sans doute, les attentes importantes placées à l’endroit de la CSP résultent-elles principalement du fait qu’une délimitation claire et précise s’est établie entre, d’une part, le principe des « coopérations renforcées » (également prévu par le traité dans le domaine de la défense) et celui de la coopération structurée permanente. En d’autres termes, l’idée qu’il existe une différence qualitative entre les premières et la seconde semble s’être imposée avec le temps. C’est cette conviction qui semble avoir conduit les observateurs des affaires de défense européenne à penser que la CSP devait présenter des caractéristiques de participation plus élevées que les coopérations renforcées. Cette distinction est, à maints égards, purement formelle si l’on en juge l’évolution des débats qui ont précédé leur insertion dans le TDL. On sait, en effet, la résistance farouche que montrèrent certains États (d’une part, les non-alignés que sont la Suède, la Finlande, l’Autriche et l’Irlande, et, d’autre part, le Royaume-Uni) à l’élargissement du périmètre des coopérations renforcées aux affaires de défense. Au sein même du groupe « Barnier », plusieurs États avaient plaidé pour un maintien des coopérations renforcées dans les limites établies par le traité d’Amsterdam, et ne souhaitaient pas étendre cette option au domaine de la défense18. Toutefois, afin de permettre une telle possibilité, une modification du concept de coopération renforcée sera envisagée pour, finalement, aboutir à la mise en place du concept de coopération structurée permanente.

Du traité constitutionnel au traité de Lisbonne

Les propositions formulées par le groupe « Barnier » devaient, pour l’essentiel, être reprises au sein du document final des travaux de la Convention. Toutefois, la règle de l’unanimité fut toujours gardée intacte en matière de PESD. Seule la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) connaissait une évolution de ses mécanismes de prise de décision puisque la prise de décision à la « majorité qualifiée » était autorisée dans certains cas particuliers.

C’est la Conférence intergouvernementale initiée en date du 4 octobre 2003 qui aboutit, in fine, à l’adoption du texte de la Constitution ; adoption réalisée dans le contexte du sommet des 17 et 18 juin 2004. L’article III-310 de ladite Constitution introduit des mécanismes novateurs dans la dimension militaire de la PESD puisque le Conseil se voit habilité à « confier la mise en œuvre d’une mission à un groupe d’États membres qui le souhaitent et disposent des capacités nécessaires pour une telle mission. Ces États membres, en association avec le ministère des Affaires étrangères de l’Union, conviennent

18 Résultat d’une initiative franco-allemande, le système des coopérations renforcées, tel qu’intégré au sein du traité d’Amsterdam, ne concernait que les premier et troisième piliers.

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entre eux de la gestion de la mission. » L’utilisation de cet article exige, bien sûr, l’adoption d’une décision votée à l’unanimité. Toutefois, une fois la décision adoptée et la mission lancée, seuls les États membres participant à ladite mission définissent les modalités de gestion de celle-ci (sauf dans les cas où cette gestion requiert une décision étant de nature à modifier les objectifs ou le concept de la mission).

À côté de cette coopération renforcée, le texte de la Constitution, dans ses articles I.40.6 et III-213, autorise la mise en place d’une coopération structurée en matière de défense. Cette coopération structurée est, il faut le rappeler, une modalité spécifique de coopération renforcée puisque les procédures existant dans le cadre de cette dernière sont, par défaut, d’application en matière de CSP. Précisons cependant que, en dépit de la « parenté intellectuelle » qui peut exister entre les coopérations renforcées et la CSP, des différences notables existent entre les deux, notamment au regard du différentiel de flexibilité dans la mise en place desdites coopérations.

C’est le texte du projet de Constitution pour l’Europe qui a définitivement fixé le cadre et les mesures de cette CSP. Au corps de texte de la Constitution est venu s’ajouter le protocole 23 (devenu le protocole numéro 10 dans le cadre du traité de Lisbonne) sur la coopération structurée permanente, destiné à mieux préciser la portée de la CSP.

Cette CSP est aujourd’hui formalisée dans le cadre de l’article 42 du traité de l’Union européenne19.

Dans le domaine de la PESC, le texte du traité modificatif de Lisbonne reste, dans son ensemble, largement inchangé par rapport aux mesures existantes. Les innovations introduites en 2004 dans la perspective du traité sur la Constitution européenne ont été replacées telles quelles au sein du traité modificatif signé en décembre 2007. On y retrouve, comme intitulé du titre V du TUE, les « Dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union et [les] dispositions spécifiques concernant la politique étrangère et de sécurité commune ». Au sein du titre V, figurent deux chapitres. Le premier expose les dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’UE tandis que le chapitre 2 évoque plus spécifiquement la PESC. Au sein de ce second chapitre, deux sections portent, respectivement, sur les « Dispositions communes » (section 1 comportant les articles 23 à 41) et sur les « Dispositions concernant la politique de sécurité et de défense commune » (section 2 comportant les articles 42 à 46).

19 DUNDEE, L., La coopération structurée permanente selon le Traité de Lisbonne – réponse au rapport annuel du Conseil, rapport présenté au nom de la Commission de défense de l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale, Document A/2074, 16 juin 2010, p. 4.

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Les apports du traité en matière de PESC-PSDC

C’est désormais l’article 24 du TUE qui définit les compétences de l’Union dans le domaine de la PESC. Cet article 24 est, en réalité, la reproduction fidèle de l’article 11 de l’ancien TUE. Plus exactement, l’article 24 du TUE modifié dispose que :

« 1. La compétence de l'Union en matière de politique étrangère et de sécurité commune couvre tous les domaines de la politique étrangère ainsi que l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union, y compris la définition progressive d'une politique de défense commune qui peut conduire à une défense commune. La politique étrangère et de sécurité commune est soumise à des règles et procédures spécifiques. Elle est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l'unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. L'adoption d'actes législatifs est exclue. Cette politique est exécutée par le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et par les États membres, conformément aux traités. Les rôles spécifiques du Parlement européen et de la Commission dans ce domaine sont définis par les traités. La Cour de justice de l'Union européenne n'est pas compétente en ce qui concerne ces dispositions, à l'exception de sa compétence pour contrôler le respect de l'article 40 du présent traité et pour contrôler la légalité de certaines décisions visées à l'article 275, second alinéa, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. 2. Dans le cadre des principes et objectifs de son action extérieure, l'Union conduit, définit et met en œuvre une politique étrangère et de sécurité commune fondée sur un développement de la solidarité politique mutuelle des États membres, sur l'identification des questions présentant un intérêt général et sur la réalisation d'un degré toujours croissant de convergence des actions des États membres. 3. Les États membres appuient activement et sans réserve la politique extérieure et de sécurité de l'Union dans un esprit de loyauté et de solidarité mutuelle et respectent l’action de l’Union dans ce domaine. Les États membres œuvrent de concert au renforcement et au

développement de leur solidarité politique mutuelle. Ils

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s'abstiennent de toute action contraire aux intérêts de l'Union ou susceptible de nuire à son efficacité en tant que force de cohésion dans les relations internationales. Le Conseil et le haut représentant veillent au respect de ces principes. »

On remarquera que le rôle du Conseil européen s’est vu renforcé dans le domaine de la PESC20. Celui-ci identifie désormais les intérêts stratégiques de l’Union, fixe les objectifs et définit les orientations dans le domaine de la PESC. Le principe de l’unanimité du Conseil européen et du Conseil de l’Union européenne pour les décisions a été préservé. Il existe, certes, quelques cas dans lesquels la majorité qualifiée est adoptée pour la prise de décision, mais cette hypothèse est exclue pour toute question présentant des dimensions militaires ou de défense. De même, la Commission européenne est exclue des décisions relatives aux questions de défense et d’armement, même si, comme nous le savons, la Commission tente, par une interprétation large de ces domaines de compétence (notamment en matière d’industrie et de marché), de s’intéresser aux questions relatives à l’ouverture des marchés de défense21.

L’article 31 du TUE confirme ce dispositif puisqu’il pose l’affirmation selon laquelle :

« 1. Les décisions relevant du présent chapitre sont prises par le Conseil européen et par le Conseil statuant à l'unanimité, sauf dans les cas où le présent chapitre en dispose autrement. L'adoption d'actes législatifs est exclue. […] 4. Les paragraphes 2 et 3 ne s’appliquent pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. »

Parmi les innovations institutionnelles contenues dans le traité modificatif de Lisbonne, figure, en première place, le président du Conseil européen, poste attribué depuis le 1er décembre 2009 à l’ancien Premier ministre belge Herman Van Rompuy. Le président du Conseil européen est élu pour un mandat de 2 ans et demi, renouvelable une seule fois. Sa principale mission est la représentation extérieure de l’Union dans le domaine de la PESC (à l’exclusion, précisons-le, des domaines d’action extérieure de la Commission définis dans le TFUE). L’article 15, paragraphe 6 du TUE modifié expose avec plus de détails les

20 FENNEBRESQUE, M., « Commentaires sur le Traité de Lisbonne », Défense nationale et sécurité collective, numéro 2, 2008. 21 MASSON, H., « L’ouverture des marchés publics de défense en Europe : vers un régime intergouvernemental volontaire ? », Annuaire stratégique et militaire 2005, Paris, Odile Jacob & Fondation pour la recherche stratégique, 2005, p. 201.

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missions du président du Conseil européen. Outre l’animation et la présidence de ce dernier au sens propre, le président…

- « […] assure la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération avec le président de la Commission et sur la base des travaux du Conseil des affaires générales;

- œuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ;

- et présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen. »

Aux côtés du président du Conseil européen a été désigné un haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Ce poste est occupé par Catherine Ashton depuis le 1er décembre 2009. Il convient de préciser que les fonctions du haut représentant intègre, non seulement, les fonctions qui, jusqu’alors, étaient attribuées au haut représentant pour la politique étrangère et la sécurité commune (autrefois confiées à Javier Solana), mais incluent, au-delà, les fonctions exercées par la présidence tournante semestrielle du Conseil de l’Union européenne et celles du membre de la Commission européenne jadis en charge des relations extérieures22. Les articles 18 et 27 du TUE modifié exposent les tâches du haut représentant en indiquant qu’il :

- « conduit la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union ; - contribue par ses propositions à l'élaboration de cette politique et

l'exécute en tant que mandataire du Conseil, et assure la mise en œuvre des décisions adoptées dans ce domaine ;

- préside le Conseil des affaires étrangères ; - est l'un des vice-présidents de la Commission. Il veille à la cohérence

de l'action extérieure de l'Union. Il est chargé, au sein de la Commission, des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l'action extérieure de l'Union ;

- représente l'Union pour les matières relevant de la politique étrangère et de sécurité commun ;,

- conduit au nom de l'Union le dialogue politique avec les tiers et exprime la position de l'Union dans les organisations internationales et au sein des conférences internationales ;

- exerce son autorité sur le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) et sur les délégations de l'Union dans les pays tiers et auprès des organisations internationales. »

22 MASSON, H., Union européenne et armement. Des dispositions du traité de Lisbonne aux propositions de directive de la Commission européenne, Paris, Fondation pour la recherche stratégique, Recherches & Documents, n°9/2008, 23 avril 2008, p. 9.

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Le haut représentant (HR) est nommé par le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, avec l’accord de la Commission. Par ailleurs, et à l’instar du président et des membres de la Commission, la nomination du haut représentant est soumis à un vote du Parlement européen. Il est à souligner que la fonction actuelle de haut représentant (qui se distingue quelque peu des caractéristiques de la fonction précédemment assumée par Javier Solana) est en tous points identique à celle de ministre des Affaires étrangères initialement prévue par le traité portant le projet de Constitution pour l’Europe. Toutefois, compte tenu de la symbolique particulière que revêtait cette dénomination, il fut préféré, lors des négociations du traité modificatif de Lisbonne, de conserver l’intitulé « haut représentant », certains États membres n’ayant pas apprécié l’aspect trop « gouvernemental » ou « étatique » de l’appellation « ministre ».

On précisera, en outre, que le haut représentant se voit appuyé par une institution nouvelle qui pourrait sans doute constituer le premier véritable système diplomatique de l’Union européenne : le Service européen d’action extérieure (SEAE)23. Petite révolution, s’il en est, le HR assure, outre sa fonction « naturelle » de présidence du Conseil des affaires étrangères, celle de vice-présidence de la Commission européenne. L’association du président de la Commission et du HR au sein du même dispositif de conduite de la Commission européenne a pour objectif de garantir une certaine cohérence entre les actions extérieures de la Commission et du Conseil des affaires étrangères. Néanmoins, la disposition du TUE qui porte sur cette intersection institutionnelle (article 18 TUE) demeure prudente dans son expression puisqu’elle se contente d’indiquer que le HR…

« […] veille à la cohérence extérieure de l’Union. […] est chargé au sein de la Commission des responsabilités qui incombent à cette dernière dans le domaine des relations extérieures et de la coordination des autres aspects de l’action extérieure de l’Union. »

La CSP dans le traité

Avant d’évoquer les termes précis du traité de Lisbonne en matière de coopération structurée permanente, il importe d’indiquer quels ont été les apports du traité dans le domaine, plus global, de la défense.

Une première remarque à cet égard nous laisse conclure qu’une mise en perspective des dispositions du TDL et des termes contenus dans le projet avorté

23 GROS-VERHEYDE, N., Service diplomatique : feu vert du Parlement, la voie est libre…, Blog Bruxelles2, 21 octobre 2010, cf. http://www.bruxelles2.eu/politique-etrangere/haut-representant/service-diplomatique-feu-vert-du-parlement-la-voie-est-libre.html.

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de Constitution européenne permet de comprendre que la thématique de la défense européenne n’a pas constitué, en soi, un lieu de controverses entre les États. Quoi qu’encourageant, ce constat ne manque pas de laisser l’analyste perplexe. En effet, nous savons qu’une mise en œuvre optimale de la politique de sécurité et de défense commune exigerait un grand nombre d’innovations techniques (établissement définitif du cadre budgétaire triennal pour l’Agence) et institutionnelles (quartier général permanent). Or, de tels aménagements cristallisent pour la plupart les divergences de vues des États sur les évolutions de la PSDC. Si le texte du TDL consacré à la défense ne fut pas l’occasion pour les États de remettre sur le métier diverses dispositions relatives à sa mise œuvre, ceci s’explique par le caractère éminemment consensuel des dispositions du traité en la matière. En d’autres termes, si la défense européenne n’a pas suscité de débats passionnés, la raison doit être trouvée dans le fait que cette thématique n’a pas été jugée passionnante.

Car, dans son ensemble, le traité se contente de réitérer les objectifs fondamentaux – bien connus, au demeurant – poursuivis par les États européens (selon des participations à géométrie variable) dans le domaine de la défense. Le texte rappelle ainsi « la définition progressive d’une politique de défense commune […] », « le développement d’une capacité autonome de décision et d’action dans le domaine de la sécurité et de la défense […] » ou encore « la solidarité et la sécurité communes pour identifier les risques de toute nature, dont notamment le terrorisme, et les moyens d’y faire face ». Bien sûr, deux lectures de ce rappel des objectifs fondamentaux peuvent être envisagées. La première consiste à dénoncer ce qui se présente comme un « sur-place » non assumé. En dépit des dispositions que les États membres présentent comme des innovations, le traité de Lisbonne se contenterait de parer les acquis fondamentaux de nouveaux habits. Une seconde lecture, plus réaliste, consisterait à souligner le fait que, en dépit des controverses dont le projet de traité constitutionnel fut l’objet, la substantifique moelle des ambitions européennes dans le domaine de la sécurité et de la défense n’a pas été entamée. La préservation de cet acquis, il est vrai, n’allait pas de soi comme ont pu le prouver les craintes d’assister à une redéfinition à la baisse des compétences de l’Agence européenne de défense dans le cadre du traité.

Quelles furent donc les innovations inscrites dans le traité ? Un premier ensemble d’innovations est l’extension des missions de Petersberg. Traditionnellement présentées comme relevant du domaine humanitaire, de l’évacuation de ressortissants, du maintien de la paix, de la gestion de crise et du rétablissement de la paix, les missions de Petersberg découlaient des principales leçons extraites du démembrement yougoslave et de la nécessité pour les forces armées des pays membres de l’Union européenne d’être en mesure de dépêcher, le cas échéant, des moyens susceptibles de restaurer un certain nombre de conditions de sécurité élémentaires sur un théâtre de crise. Toutefois, un faisceau

d’événements et de nouvelles conjectures ont amené les responsables

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politiques et militaires européens à revisiter le contenu originel des missions de Petersberg. En effet, l’évolution du contexte stratégique dans l’après-guerre froide, les leçons extraites des interventions coalisées conduites en Afghanistan et en Irak, de même que la progressive – quoique fragile – stabilisation des Balkans, ont incité à une lecture nouvelle des conflits contemporains. Les missions de Petersberg comportaient, pour l’essentiel, des interventions de type « court », principalement destinées à générer des actions précises pour un temps déterminé avec des objectifs clairs. À l’inverse, les incertitudes nées des campagnes militaires coalisées en Afghanistan et en Irak ont confirmé le retour des conflits de longue durée, complexes et multidimensionnels. Aussi, le traité de Lisbonne adjoint-il aux missions « classiques » de Petersberg les (1) actions conjointes en matière de désarmement (2) les missions de conseil et d’assistance en matière militaire, ainsi que (3) les opérations de stabilisation à la fin des conflits. Si l’extension des missions de Petersberg peut être saluée, on ne peut que regretter le fait que leur redéfinition n’ait pas précisément eu pour objectif d’aller au-delà d’un exercice de réajustement par rapport aux événements. Les instruments conceptuels, politiques et techniques qui devraient anticiper et préparer l’Union européenne aux contingences de crise futures demeurent absents.

Un second ensemble innovant est l’inclusion dans le traité de deux clauses de « solidarité » et d’« aide et assistance ». Sans qu’il s’agisse de conduire une analyse approfondie des effets potentiels de l’inclusion de ces deux formes de clause au sein du traité, il convient d’explorer rapidement les implications de ces clauses pour une meilleure compréhension de l’ensemble du traité dans le domaine de la défense. Insérée au sein du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la clause dite de solidarité présente, à dire vrai, toutes les principales caractéristiques d’une clause de défense commune. En effet, cette clause intègre un engagement contraignant d’assistance mutuelle en cas d’attaque terroriste ou de catastrophe d’origine naturelle ou humaine. La clause de solidarité prévoit le recours éventuel aux moyens militaires afin d’assurer la prise en charge des situations pouvant résulter des événements envisagés dans le cadre de ladite clause. Cette compétence est également conférée au Comité politique et de sécurité de l’Union européenne pour traiter des questions couvertes par cette clause. Une évaluation régulière de la menace terroriste est, du reste, prévue par le TFUE. Toutefois, la clause de solidarité a été placée dans le cadre du TFUE, ce qui ne constitue pas le fruit d’une décision anodine. Sans doute, la raison de cette localisation dans l’échafaudage institutionnel européen se situe-t-elle dans le rôle que la Commission a à jouer sur cet aspect. C’est toutefois au sein du traité sur l’Union européenne que les États membres ont choisi de placer la clause d’aide et d’assistance, plus rarement évoquée comme clause de « défense mutuelle ». Cette clause reproduit, pour une grande part, les dispositions de l’article V du traité de Bruxelles de 1948 instituant l’Union de l’Europe occidentale. Selon les termes de cette clause d’aide et d’assistance contenue au sein de l’article 42, paragraphe 7 du TUE :

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« Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l'instance de sa mise en œuvre. »

Une rapide comparaison de l’article V du traité de Bruxelles de 1948 et de l’article 42, paragraphe 7 du TUE met au jour une différence fondamentale entre les deux dispositions. La clause d’aide et d’assistance du TUE manque, en effet, de précision sur les engagements des États membres et s’avère bien moins contraignante que le traité de Bruxelles. Une attention toute spécifique doit, par ailleurs, être portée à la seconde partie de l’article 42, paragraphe 7. Celle-ci indique que « les engagements et la coopération dans ce domaine [autrement dit, l’assistance en cas d’agression] demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre. » Ces derniers termes avaient, en réalité, été ajoutés dans le projet de traité constitutionnel par la conférence intergouvernementale de 2004. Leur insertion est fort regrettable puisqu’elle offre dans l’absolu la possibilité pour un État de refuser, au nom d’une interprétation stricte de cette disposition, toute action autonome de l’Union en ce domaine24.

Deux mécanismes de coopération à géométrie variable sont, par ailleurs, prévus par le traité25. Il s’agit d’une dichotomie qui, au vrai, ne facilite pas la lecture institutionnelle de l’UE, déjà fort complexe. Le premier mécanisme est l’extension des coopérations renforcées dans le domaine de la défense. Elle doit permettre à un nombre restreint d’États de conduire ensemble des politiques plus avancées dans des domaines spécifiques. En d’autres termes, si certaines matières ne fédèrent pas l’ensemble des États membres de l’Union européenne, la possibilité existe pour quelques États résolus d’avancer sur ces matières de renforcer leur coopération. Les coopérations renforcées, espère-t-on, devraient

24 FENNEBRESQUE, M., « Commentaires sur le Traité de Lisbonne », Défense nationale et sécurité collective, numéro 2, février 2008. 25 ROGER-LACAN, V., « Traité de Lisbonne et défense européenne », Défense nationale et sécurité collective, numéro 2, février 2008.

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permettre à l’Union européenne de rattacher certaines coopérations multilatérales sectorielles à la dynamique européenne, notamment dans le domaine des armements où l’on constate l’existence d’une grande diversité de coopérations limitées à certains États (Lettre d’Intention, OCCAR).

Un second mécanisme réside dans l’établissement d’une coopération structurée permanente, qui constitue le cœur de notre propos.

L’article 42, paragraphe 6 du TUE dispose que :

« Les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes établissent une coopération structurée permanente dans le cadre de l’Union… ».

Le protocole numéro 10 annexé au traité précise les modalités de la CSP. Il reprend presque mot pour mot le contenu du protocole numéro 23 annexé au texte du projet de Constitution pour l’Europe. Seul l’article premier du protocole 10 a intégré une modification circonstanciée par rapport à sa version de 2004 puisque la date butoir à laquelle il est demandé aux États membres intéressés de fournir des unités de combat dans le cadre de la CSP n’est plus fixée à 2007, mais à 2010. Cette toilette du texte se contentait d’intégrer les retards survenus, d’une part, en raison de l’échec des référendums néerlandais et français, et, d’autre part, en raison du délicat processus de ratification du traité.

Quelle opérationnalité de la CSP ?

Les termes de l’article 42 du TUE ainsi que les conditions exprimées dans le cadre du protocole numéro 10 qui lui est attaché n’ont pas manqué de susciter nombre de commentaires et de réactions. D’une façon générale, les formulations employées par les rédacteurs du traité à l’endroit de la CSP s’inscrivent dans les critiques maintes fois exprimées à propos de la difficile lisibilité des textes contenus au sein du TDL.

Quelques précisions méritent, cependant, d’être apportées en ce qui concerne le champ d’applicabilité de la CSP.

Une première précision – et non des moindres – est de rappeler que la CSP n’a pas pour objectif de concurrencer l’OTAN. L’argument employé ici n’est pas de dire que la CSP serait dans l’incapacité d’assurer les tâches et missions de l’OTAN. À l’inverse, la CSP doit permettre aux États membres de l’UE qui décident d’y contribuer de remplir des missions qui vont au-delà du socle des compétences militaires de l’OTAN. Aussi, la CSP devrait-elle inscrire sa logique et son action dans un souci de développement d’instruments civilo-militaires. Sans une telle identité civilo-militaire, le risque existe qu’il soit

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reproché à la CSP de ne pas offrir une gamme de moyens et d’instruments différente ou complémentaire à celle de l’OTAN. Il conviendrait donc pour les États membres qui le souhaitent d’œuvrer à un raffinement de la philosophie de la future mise en œuvre de la CSP. Cette ligne argumentaire ne justifie pas pour autant une séparation hermétique entre la CSP et l’OTAN. Ainsi, afin de mieux garantir l’interopérabilité des forces qui seraient engagées à l’avenir au titre de la CSP, conviendrait-il de pouvoir recourir aux infrastructures d’entraînement de l’OTAN, largement sous-employées.

Une seconde précision consiste à indiquer que la CSP n’est pas exclusive d’autres formes de coopérations plus restreintes ou plus larges, même en dehors du cadre de l’Union européenne, qu’engageraient les États membres de l’UE. Certes, la multiplication de telles coopérations (dans le domaine des armements, par exemple) en dehors du cadre de l’Union européenne ne serait pas souhaitable puisque la dynamique de l’histoire de la construction européenne a principalement reposé sur une intégration graduelle de telles coopérations à l’intérieur de l’UE. L’Agence européenne de défense est, dans une certaine mesure, la première consécration de cette dynamique. Toutefois, la CSP qui, rappelons-le, est avant tout un processus, ne saurait être instituée comme un cadre rigide, paralysant toutes autres formes de rapprochement entre les États membres sur divers aspects de la défense.

Sur le plan opérationnel, la CSP n’oblige en rien les États qui y prennent part à participer à l’ensemble des opérations qui viendraient à être prises au nom de la CSP. Compte tenu de la lecture de l’article 42 du TUE et du protocole numéro 10, il apparaît que la CSP n’a nullement pour vocation de décider ou de diriger des opérations militaires et des missions civiles. La CSP se limite à une démarche capacitaire.26

Ces préalables étant posés, on constate parmi les avis exprimés au sujet des dispositions relatives à la CSP, un certain désarroi quant à la méthode choisie. L’argument le plus récurrent consistait à regretter la distinction qu’induisait le traité entre les « bons » et « mauvais » élèves en matière de PSDC. En effet, tel que rédigé, le traité présuppose forcément l’existence d’États membres souhaitant « avancer plus vite et plus loin » que leurs partenaires au sein de l’Union européenne. Ce faisant, les rédacteurs du traité semblent reconnaître que le niveau général d’ambition exprimé par le traité constitue en réalité un minimum minimorum et non un optimum (ce dernier ne pouvant être atteint qu’au travers d’une CSP ou sur le modèle d’ambition et de coopération auquel pourraient aboutir des États dans le cadre d’une CSP). En conséquence, la lecture des dispositions traitant de la CSP au sein du traité laisse entendre

26 FROMION, Y., op. cit, p. 21.

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qu’il existe des bonnes et des mauvaises politiques (ou pratiques) nationales en matière de défense européenne.

Quelques observateurs soulignent encore que les dispositions du traité relatives à la CSP n’apportent pas de solutions réelles pour sa mise en œuvre. Il pourrait même être reproché au traité d’avoir érigé la coopération structurée permanente comme une fin en soi alors qu’elle devrait être perçue comme un moyen, un vecteur pour l’établissement à terme d’une défense commune. L’objectif ne consiste pas seulement à favoriser la création de forces utilisables en commun, mais de faire en sorte qu’elles soient également utilisées (usable and used). D’aucuns regrettent par ailleurs que les textes du traité dédiés à la CSP n’explorent pas davantage la question de l’évaluation. Comme cela sera précisé plus tard dans nos développements, une interrogation fondamentale demeure quant à la capacité d’évaluation de la CSP. Qui pourra être en charge de cette évaluation (l’AED est mentionnée dans le texte du protocole) et quels seront les critères appliqués pour cette évaluation ? Le traité demeure silencieux sur ce point.

La structure des dispositions relatives à la PSDC, à l’image de l’ensemble de l’architecture du texte du traité de Lisbonne, se révèle complexe, sinon obscure. Cette observation ne concerne pas seulement la forme des mesures relatives à la PSDC, mais touche également à la substance des dispositions qui lui sont associées. C’est là, sans nul doute, la conséquence directe de l’abandon de la volonté de réaménagement des textes.

Le choix et le poids des mots

Sur le plan de la forme, ce sont tout autant les termes constitutifs de l’expression adoptée – « coopération », « structurée » et « permanente » – qui prêtent à débat que l’articulation sibylline des textes qui la concernent. On soulignera, dans un premier temps, les motifs qui se situent en arrière-plan du choix relatif aux termes. S’il y a coopération structurée permanente, c’est avant tout parce que le niveau d’ambition naturel des États à l’endroit de la défense européenne et d’une hypothétique défense commune s’avérait de fait insuffisant27. Cette remarque peut paraître, il est vrai, étonnante compte tenu du

27 Il convient d’associer à ce constat le fait que, selon les résultats se dégageant d’un sondage Eurobaromètre réalisé au printemps 2009 (Eurobaromètre numéro 71), la politique de sécurité et de défense commune ne constitue une priorité que pour 7% des citoyens des États membres de l’Union européenne. Ce pourcentage se situe en pénultième position, devant la politique culturelle (5%). Sont jugés prioritaires par les citoyens de l’UE les dossiers relatifs aux affaires économiques (33 à 40%), aux problèmes sociaux et de santé (26 à 27%), aux problèmes d’immigration 23 à 25%), à la lutte contre le crime (23 à 24%) et aux problèmes environnementaux (17 à 21%). Voir DUMOULIN, A., « Regards sur la nouvelle PSDC », Défense nationale et sécurité collective, mars 2010, p. 62.

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nombre d’opérations militaires et de missions civiles conduites depuis 2003 par les États membres de l’UE au titre de la PESD/PSDC. Mais en adoptant le principe de la CSP, l’Union européenne affiche au grand jour l’impossibilité de parvenir, actuellement, à des progrès substantiels collectivement soutenus par les 27 États membres. Il convenait donc de mettre en place une formule qui, tout en semblant offrir un cap à la défense européenne, permettait à chaque État de définir avec une relative latitude sa participation à l’effort de défense européen. Cette logique visant à éviter d’exclure ceux qui ne s’incluent pas « naturellement » fut aussi au cœur du dispositif programmatique de la présidence française du Conseil de l’Union européenne au second semestre 2008. Le choix des termes constitutifs de cette CSP procède par ailleurs d’une volonté claire de ne pas brusquer les États traditionnellement réticents au principe des coopérations renforcées dans le domaine de la défense. La CSP offre donc la possibilité pour les capitales qui le souhaitent d’avancer plus vite et de manière plus approfondie, tout en maintenant le cadre de cette coopération étroite dans le tissu institutionnel européen.

La coopération structurée permanente est une forme particulière, spécifique de coopération renforcée, autre mesure phare du TDL. En tant que telle, la CSP introduit une petite révolution en matière de défense européenne puisque, jusqu’alors, toute forme de recours aux coopérations renforcées était exclue pour toute question relevant tantôt de la défense, tantôt du strict volet militaire.

D’importantes difficultés subsistent, toutefois, au niveau de l’interprétation, nous l’avons dit, de l’article et du protocole dédiés à la coopération structurée permanente. Avant d’aborder plus en détail ce sujet, il convient de dégager la philosophie de la CSP. Telle que présentée dans le TDL, la CSP semble aujourd’hui s’appuyer sur le principe d’inclusivité. Le principal facteur qui a conduit à cette approche peut s’expliquer, comme nous l’observions précédemment, dans l’éveil tardif des capitales européennes aux conséquences desdites dispositions, les plus petits États craignant d’être exclus du mécanisme de la CSP. Aussi est-ce la raison pour laquelle la CSP n’impose aucun critère spécifique destiné à restreindre le nombre de participants au processus. Chaque État membre de l’Union européenne dispose donc de la possibilité de rejoindre la CSP. Selon une approche ouverte, l’État qui souhaite contribuer à la CSP est tenu de se conformer aux engagements généraux contenus dans le protocole numéro 10 annexé au TUE et se doit de fournir un apport à la manne commune qu’est la PSDC.

Bien que la CSP soit caractérisée par un « ticket d’entrée » relativement peu exigeant, la permanence de la coopération envisagée impliquera de la part des États membres participants un engagement plus dimensionnant, notamment dans le temps. Cet aspect de la CSP est notamment évoqué au travers de l’article

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2 du protocole qui évoque la participation des États insérés au sein de la CSP.

Définir des critères opérationnels ?

Il existe, bien sûr, une interprétation beaucoup plus restrictive de la CSP, fondée pour sa part sur l’emploi de critères d’ordre quantitatifs. Cette interprétation s’appuie principalement sur le fait que le protocole numéro 10 reste silencieux sur les critères de mise en œuvre de la CSP. « Qualitativement », l’objectif de la CSP ne prête pas à débat dans la mesure où il consiste à renforcer in fine la défense européenne. Mais voilà. Cet idéal ne peut ni affecter la volonté de certains États d’avancer plus vite et plus loin, ni entamer la solidarité de l’ensemble des États membres à agir collectivement. Aussi, pour déterminer quels seront les pays en mesure de participer à la CSP, l’idée d’établir une série de critères quantitatifs a parfois été évoquée. Ainsi, il pourrait être demandé aux États membres de l’Union européenne de consacrer une part minimale critique de son produit intérieur brut en matière de défense (le ratio de 2% du PIB est régulièrement cité à ce propos). Cette piste de réflexion avait d’ailleurs été expressément évoquée à l’occasion d’un séminaire organisé en date du 16 mars 2010 par la présidence espagnole de l’Union européenne. Parmi les quatre critères proposés pour la mise en œuvre de la CSP (propositions mises en avant sur la base d’un document de travail élaboré par l’Institut Egmont28), celui visant à prendre en considération la variable budgétaire fut débattu. L’objectif de la proposition consistait en vérité à « encourager » les États membres à harmoniser leurs dépenses de défense. Sur ce point, il fut admis qu’il serait contre-productif d’exiger de chaque État européen qu’il fixe un seuil budgétaire pour ses investissements dans le domaine de la défense qui soit exprimé en pourcentage du PIB. Plus précisément, l’idée d’établir comme critère un effort de défense équivalant à 2% du PIB était exclue. Pourtant, selon les auteurs de la note de travail, il importe impérativement d’opérationnaliser les critères définis dans l’article 2 dudit protocole ; critères qui recouvrent plus exactement cinq grands domaines :

1. un accord sur le niveau d’investissement en matière d’équipements de défense ;

2. un alignement des systèmes de défense nationaux à travers une harmonisation des besoins, le regroupement (pooling) et, là où cela s’avère approprié, la spécialisation ;

3. l’accroissement de la disponibilité des forces, de leur interopérabilité, flexibilité et déployabilité (au travers notamment de l’établissement d’objectifs communs concernant les engagements) ;

28 BISCOP, S., COELMONT, J., Permanent Structured Cooperation for Effective European Armed Forces, Brussels, Egmont Institute, Security Policy Brief 9, March 2010.

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4. la résorption sur une base multinationale des lacunes identifiées au travers du Mécanisme de développement des capacités ;

5. la participation, là où cela s’avère approprié, aux programmes d’équipement « dans le contexte de l’AED ».

Afin d’opérationnaliser les critères de la CSP dans chacun de ces cinq domaines, plusieurs écueils doivent être évités, toujours selon ces mêmes auteurs. Le premier est de ne pas exiger de l’ensemble des États membres qui désirent participer à la CSP de satisfaire à l’ensemble des critères dès le lancement de cette CSP. Un second piège à éviter serait de vouloir fixer, d’une manière arbitraire, un niveau de dépense de défense précis (les 2% du PIB déjà cités). Enfin, un troisième écueil serait de ne songer qu’aux seuls apports préalables à l’établissement de la CSP (les inputs) en déconsidérant les outputs, c’est-à-dire les types et niveaux de déployabilité souhaités.

Ces éléments étant définis et les garde-fous identifiés, la note de travail de l’Institut Egmont envisage la définition de quatre critères pour l’opérationnalité de la CSP. Ces quatre critères forment un tout et n’ont de sens que si les États acceptent de les considérer dans leur ensemble. Un premier critère est l’accroissement du niveau de déploiement et des capacités de soutien des forces européennes. Les auteurs proposent ainsi de déterminer un accroissement du niveau de déploiement de 25% sur 5 ans, et une augmentation de l’aptitude de soutien de 50% sur 10 ans. Ces nivellements peuvent être éventuellement définis selon les forces ou les services. Un second critère proposé s’appuie sur une harmonisation des dépenses de défense des États membres. Pour les États de l’UE qui dépensent moins de 1,63% de leur PIB en matière de défense, il serait demandé de ne pas descendre en deçà de ce niveau. Un troisième critère est la participation des États membres participants, chaque fois que possible, aux programmes de l’Agence européenne de défense. Chaque État reste, bien sûr, libre de décider des programmes de l’AED dans lesquels il souhaite apporter une contribution. Toutefois, la part d’investissement consentie par un État en faveur de l’enveloppe programmatique de l’AED devrait être proportionnelle à la part que dépense cet État sur le plan national dans le domaine de la défense. Enfin, un quatrième critère est « l’obligation de participation » des États membres participants aux missions et opérations de l’Union européenne. La forme et les moyens mobilisés pour ces opérations et missions resteraient, toutefois, à la discrétion des EMP.

La note de travail de l’Institut Egmont présente un apport fondamental qui réside, plus exactement, dans l’amorce d’une véritable réflexion, sans tabou, des critères à fixer pour opérationnaliser la CSP. De manière paradoxale, elle révèle également toute l’ampleur de la difficulté à donner corps à cette même CSP. À ce propos, plusieurs interrogations demeurent sans réponse. La première d’entre

elles porte sans nul doute sur le niveau politique de l’évaluation et de la

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sanction. Bien que nous rejoignions pleinement l’avis des auteurs de la note lorsqu’ils recommandent de ne pas penser la mise en œuvre de la CSP en ne félicitant que les « meilleurs » contributeurs ou, à l’inverse, en excluant les EMP qui se situent en deçà du niveau d’effort demandé, il n’en demeure pas moins que la définition d’un niveau d’autorité sera requise pour apprécier les niveaux de dépenses de défense des États membres participants et leur respect des critères évoqués. Quelle sera l’institution en charge d’une telle évaluation ? L’Agence européenne de défense est, certes, présentée comme la piste la plus probable. Le protocole numéro 10, en son article 3, stipule en effet que « l'Agence européenne de défense contribue à l'évaluation régulière des contributions des États membres participants en matière de capacités, en particulier des contributions fournies suivant les critères qui seront établis, entre autres, sur la base de l'article 2, et en fait rapport au moins une fois par an. L'évaluation peut servir de base aux recommandations et aux décisions du Conseil adoptées conformément à l'article 46 du traité sur l'Union européenne. » Pourtant, compte tenu du fait que l’AED demeure une institution intergouvernementale et dès lors que les États membres participants de l’AED ne figureront pas nécessairement tous au nombre des États membres participants de la future CSP, l’aptitude de l’AED à évaluer les capacités fournies par les États de la CSP sur base des critères qui seraient éventuellement définis reste hypothétique et pose plusieurs questions. Ainsi, l’ensemble des EMP de l’AED, en ce compris ceux qui ne n’ont pas été intégrés au sein de la CSP ou qui ont choisi de ne pas y contribuer29, pourront-ils émettre un avis sur le respect des critères capacitaires par les États membres participants qui ont choisi de – ou ont pu – rejoindre la CSP ? Les implications de cette question sont d’autant plus grandes lorsque l’on considère le différentiel des niveaux d’investissement des États membres de l’Union européenne dans le domaine de la défense. Sans même prendre en considération le critère purement quantitatif des niveaux de dépenses de défense des États membres de l’Union européenne, il n’est pas interdit de penser que des États à l’instar de la France, de l’Allemagne ou de l’Italie (on peut songer, dans le meilleur des scénarios, aux États qui ont intégré la Lettre d’Intention) participeront sans nul doute à la CSP. Accepteront-ils pour autant d’être évalués par des partenaires européens qui ont renoncé ou se sont révélés dans l’incapacité de contribuer à cette même CSP ?

Peut également être posée la question de la détermination des instruments et de la méthodologie qui serviront à évaluer les outputs, autrement dit les capacités de déploiement et de soutien. Selon la logique posée par le document de travail, un État membre de la CSP qui serait capable de déployer aujourd’hui

29 En effet, si l’on peut supposer, sur la base de l’article 2.e du protocole, que les États participant à la CSP s’engagent « à participer, le cas échéant, au développement de programmes communs ou européens d'équipements majeurs dans le cadre de l'Agence européenne de défense », le raisonnement inverse n’est pas valide. Tous les États membres participants de l’AED ne sont pas tenus de s’engager dans la CSP.

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1 000 hommes sur le terrain devrait être en mesure de projeter 1 250 hommes dans cinq ans et près de 1 500 hommes dans dix ans. De telles capacités de projection et de soutien définies in abstracto semblent peut-être trop détachées de considérations pratiques. On indiquera, dans un premier temps, que bien qu’ils soient mis en exergue en vue d’élever le niveau d’ambition de la PSDC, de tels objectifs chiffrés risquent d’augmenter le degré d’inertie de nos forces à l’avenir et, de manière paradoxale, d’affecter l’adaptabilité de nos capacités de réaction lors de futures contingences de crises. Pour comprendre ce phénomène, il est utile, en effet, de souligner qu’une capacité de projection ne repose pas sur l’envoi de troupes dont chaque membre est interchangeable. Si nous reprenons l’exemple d’école des 1 000 hommes, il importe de rappeler que ce nombre est constitué de détachements multiples et regroupe des expertises diverses en vue de prendre en charge les multiples aspects d’un contexte de crise (conformément à l’approche globale que tant l’Union européenne que l’OTAN entendent adopter). Une génération de forces supplémentaires ne consiste donc pas en la résolution d’une simple équation arithmétique. Le processus se révèle, en vérité, autrement plus complexe. Si les capacités dépassent un niveau optimal (souvent difficile à déterminer), il peut arriver qu’une augmentation de forces génère un coût marginal d’une telle ampleur qu’il contribue à faire sortir l’effort global du cadre financier qui avait été préalablement espéré et fixé30. Certes, la note de travail ne limite sans doute pas sa proposition à l’envoi de troupes. Néanmoins, en n’évoquant pas expressément les multiples dimensions d’une capacité de projection (constituée d’hommes, certes, mais aussi de systèmes d’armes, de matériel de soutien, et d’expertises par définition difficilement quantifiables), le risque est réel de fonder des projets de coopération sur des analyses qui ne prennent pas en compte la globalité des phénomènes en jeu en matière de génération de force. Enfin, on regrettera peut-être que la note de travail semble formuler un ensemble de critères à l’attention des États membres pris séparément. Encore une fois, l’addition des efforts de chaque État membre dans le domaine de ses capacités de défense n’aboutira pas de façon « mécanique » à un optimum européen.

Conclusion partielle

La philosophie sous-jacente à la coopération structurée permanente figure sans doute dans les origines mêmes de la construction européenne. Elle n’incarne pas, en soi, une révolution à 180 degrés de la politique étrangère et de

30 Pour être plus explicite, il peut s’avérer qu’une augmentation même à la marge du nombre d’hommes et de matériels vers un théâtre de crise génère une dépense marginale supérieure au coût moyen par homme et par type de matériel. Par ailleurs, sur le plan logistique, le coût lié à la mobilisation de certains systèmes, plates-formes, structures et matériels peut s’avérer très inélastique, voire fixe.

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sécurité de l’Union. La CSP s’est, en effet, largement inspirée de l’expérience conduite par l’UE dans le domaine de la justice et des affaires intérieures ou dans le domaine monétaire avec l’établissement de la zone Schengen et de l’Eurozone. Peut-être, la principale rupture que semble avoir engendrée la CSP se situe-t-elle dans le mécanisme de prise de décision dans une matière aussi délicate que la défense, puisque la règle de la majorité qualifiée suffira à l’intérieur de la CSP. Pourtant, la CSP représente un concept qui semble avoir trop rapidement vieilli et qui, selon plusieurs commentateurs, ne s’avère plus adapté à la nature et à l’ampleur des défis qui se posent désormais à l’UE en matière de sécurité et de défense. Ce constat explique sans doute la raison pour laquelle la coopération structurée permanente est aujourd’hui malmenée. Au point que les dispositions du TDL qui la décrivent font l’objet d’une interprétation très large. Certes, les articles 42 et 46 du TDL, ainsi que le protocole numéro 10 comportent des termes sibyllins à quelques égards. Ce constat autorise-t-il pour autant une fuite en avant dans la définition des critères de mise en œuvre de la CSP ? La CSP n’a jamais été destinée à constituer l’idéal type de la coopération européenne dans le domaine de la défense. Tout au contraire, les rédacteurs du traité de Lisbonne ont-ils érigé la CSP en intégrant les limites rencontrées par cette coopération sur base de l’expérience de la PESD. La CSP n’est point la panacée de l’Europe de la défense. Elle est avant tout un compromis entre deux principes d’action que les États européens peinent à mettre simultanément en œuvre : l’approfondissement et l’élargissement. Ceci étant posé, il convient, dès à présent, d’explorer les pistes de réflexion suivies pour sa future mise en œuvre.

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Chapitre 2

Donner corps à la CSP :

hypothèses de mise en œuvre

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Oser poser le problème de la mise en œuvre de la CSP

Tant l’article 42 du TDL que le protocole numéro 10 portant sur la CSP se situent au cœur de divergences d’interprétations. Il peut d’ailleurs nous être permis de nous interroger sur les raisons des questionnements tardifs à son propos. Nous avons eu précédemment l’occasion d’indiquer que, paradoxalement, l’une des principales faiblesses de la CSP a été de ne pas avoir été suffisamment questionnée, débattue, voire remise en cause. Tant les acteurs diplomatiques que militaires semblent avoir découvert de manière progressive les implications liées à l’insertion au sein du TDL des dispositions relatives à la CSP. Il est donc apparu assez tardivement aux yeux des capitales qu’elles peuvent, du fait de l’existence de la CSP, ne pas être impliquées dans certains processus de concertation dans le domaine de la défense.

On ajoutera encore que l’interprétation de la CSP à l’aune de critères quantitatifs a considérablement pesé sur les chances de mise en œuvre dudit concept. Avec, à partir de 2008, l’apparition des premiers signes de la crise financière à venir, il devint particulièrement délicat de soutenir cette interprétation de la CSP sur base de la mise en œuvre de critères quantitatifs (qui restaient à définir). Devant cette situation et face aux contraintes budgétaires que suscite la crise économique, les États membres ont choisi d’envisager la mise en œuvre d’une CSP qui, tout en se voulant pragmatique, devait par la même occasion offrir des fenêtres d’opportunité pour son adaptation. De l’objectif – largement teinté d’idéalisme – consistant à dépenser plus dans le cadre de la CSP, les capitales européennes sont passées à l’ambition de dépenser mieux ensemble pour dépenser moins au niveau global.

Il semble, cependant, à la lecture des diverses observations émises à son endroit, que la CSP suscite davantage d’inquiétudes qu’elle ne porte d’espoirs. Au sortir de son dernier Comité militaire, son président, le général français Henri Bentégeat, pouvait ainsi affirmer que la CSP « [était] un sujet complexe et difficile ». Et d’ajouter qu’il n’y avait « aucune urgence à le mettre en place tout de suite ». Plus encore, l’ancien président du Comité militaire affirmait ne pas être sûr que ce projet puisse être appliqué dans la forme initialement prévue. Depuis 2001, beaucoup de choses avaient changé, notamment au travers de la mise en place de l’Agence.

Face aux marges d’interprétation divergentes laissées par l’article 42 du traité de Lisbonne et le protocole y afférent, plusieurs scénarios de mise en œuvre de la coopération structurée permanente ont été envisagés par les chancelleries, les états-majors et divers organes de réflexions publics et/ou privés. Récemment encore, la Fondation Madariaga – qui compte, notamment, parmi ses membres, l’ancien haut représentant à la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne, Javier Solana – a organisé un déjeuner-débat au sujet de l’apport de la CSP à l’Europe de la défense. La question posée était, en effet, des plus indicatives de la perplexité que suscite la CSP puisqu’il y était

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question de savoir si cette dernière constituait, ou non, une voie praticable pour l’Europe de la défense. Les doutes relatifs à la praticabilité de la CSP se sont dernièrement renforcés du fait de la conclusion par la France et le Royaume-Uni – instigateurs, en décembre 1998, d’une dynamique qui conduit par la suite à l’établissement d’une politique européenne de sécurité et de défense – d’un accord bilatéral en matière de défense. En marquant au travers d’une déclaration commune leur volonté de relancer, compte tenu des effets de la crise économique sur leurs budgets militaires, une coopération bilatérale dans des segments spécifiques de leurs programmes de défense, Paris et Londres avaient certes posé le bon diagnostic, mais semblaient avoir prescrit le mauvais traitement. Il existe, à dire vrai, deux façons d’évaluer cette décision conjointe. La première consisterait à se féliciter de ce que les deux principaux producteurs d’armement en Europe s’accordent à « aligner », ne serait-ce que partiellement, leurs calendriers industriels et programmatiques afin de procéder à des économies d’échelle. Limitée à un cadre bilatéral, cette coopération serait, en d’autres termes, toujours mieux que rien. Une seconde lecture consisterait à évaluer la perspective de cette coopération à l’aune des dispositions adoptées par les 27 dans le domaine de l’Europe de la défense. L’accord franco-britannique ne faisait aucune évocation du rôle de l’Agence européenne de défense. Les États membres de l’UE ont très certainement tiré les leçons pour l’avenir.

Ces orientations s’avèrent d’autant plus préoccupantes qu’elles interviennent peu après que les 27 aient accepté de rouvrir – certes, pour des considérations de régulation économique et financière – des négociations pour la révision du traité. La boîte de Pandore s’apprête-t-elle à être ouverte ? En raison de l’impossibilité de réviser le TDL par l’intérieur, assiste-t-on à l’amorce d’un processus de révision en périphérie ? La question se doit d’être posée.

Les contraintes budgétaires liées à la crise économique sans précédent que traverse l’ensemble de l’Europe auraient dû, pourtant, offrir une fenêtre d’opportunité inespérée pour l’activation des processus de solidarité à géométrie variable prévus par le traité de Lisbonne et, plus particulièrement, à la mise en œuvre de la coopération structurée permanente. Or, plutôt que de constituer les moteurs d’une dynamique nouvelle en matière d’Europe de la défense – que cette CSP aurait pu, au demeurant, incarner –, la France et le Royaume-Uni semblent avoir préféré un rapprochement pragmatique et mesuré autour d’objectifs ciblés, mais partiels.

Partant de ce constat, la Fondation estime que trois interrogations principales méritent d’être posées31. La première consiste à nous demander si les

31 FIOTT, D., Is Permanent Structured Cooperation a Workable Way Towards EU Defence?, Madariaga College of Europe Foundation, Citizen’s Controversy Report, 30 November 2010, p. 1.

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États membres de l’Union européenne verront un intérêt, voire un avantage, à s’engager collectivement en matière de défense tandis que les deux principales puissances militaires du continent ont marqué leur préférence pour l’établissement d’une relation bilatérale dans ce même domaine. Pour être exact, cette interrogation – fondamentale à divers égards – recouvre en réalité deux incertitudes majeures. La première réside dans l’analyse des motivations profondes qui ont guidé la France et le Royaume-Uni dans la conclusion de leur accord bilatéral. Ce serait, en effet, une grave erreur d’analyse de considérer la démarche conjointe de Paris et Londres uniquement comme une tentative de recherche de synergies entre deux États dont les niveaux des budgets nationaux de défense et la structure de leurs intérêts dans le secteur de l’industrie les poussent « naturellement » à un rapprochement. Nous pouvons, en effet, légitimement nous demander si l’une des raisons qui ont conduit à l’établissement d’un tel accord n’est pas à trouver dans un réflexe de réassurance de ces deux États. Face aux incertitudes pesant sur la mise en œuvre de la PSDC et, plus spécifiquement, de la CSP, Paris et Londres n’auraient-ils pas engagé une démarche bilatérale visant à préserver leurs ambitions en matière de défense de toute défaillance d’une entreprise collective ?

Une seconde interrogation posée par la Fondation Madariaga est de déterminer dans quelle mesure la constitution d’un groupe pionnier (qui correspond, comme nous le verrons, à un scénario parmi d’autres de mise en œuvre de la CSP) peut renforcer l’Europe de la défense ou, à l’inverse, miner les fondations naissantes de cette ambition ? Nous aurons l’occasion de débattre plus avant de cette hypothèse lorsque nous aborderons les scénarios envisagés pour la mise en œuvre de la CSP.

Une troisième interrogation, plus essentialiste, qui s’inscrit dans l’hypothèse d’une faillite du projet d’établissement d’une CSP, consiste à se demander, selon la Fondation, s’il existe des alternatives crédibles à la mise en œuvre de la CSP. En d’autres termes, pouvons-nous imaginer l’échec du projet de la CSP et espérer recourir à des schémas de mise en œuvre différents de l’Europe de la défense ? Et quels peuvent être, le cas échéant, ces schémas ? Cette troisième interrogation est sans doute celle dont les présupposés s’avèrent les plus intéressants puisqu’elle laisserait entendre que l’objectif de l’établissement d’une coopération structurée permanente évolue vers une forme de dogme dont il conviendrait de se départir pour relancer la dynamique de l’Europe de la défense. En effet, le seul fait de réfléchir à l’existence de scénarios de mise en œuvre alternatifs – en écartant celui consistant à appliquer la CSP – équivaudrait à revenir sur près de huit années de réflexions, de débats et de négociations (si l’on convient, bien sûr, de situer la genèse de la CSP aux travaux conduits par la Convention).

Les propositions des présidences espagnole, belge et hongroise

L’entrée en vigueur du TDL est intervenue le 1er décembre 2009 et c’est

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une véritable vague de réformes qui a déferlé à partir du mois de janvier 2010 : désignation du premier président permanent du Conseil de l’Union européenne en la personne de l’ancien Premier ministre belge, Herman Van Rompuy ; nomination de madame Catherine Ashton comme haut représentant à la politique étrangère et de sécurité commune, également chef de l’Agence européenne de défense ; mise en place « très progressive » d’un Service européen d’action extérieure et la désignation des membres appelés à y siéger. Une telle modernisation de l’appareil institutionnel européen dans le domaine de la PESC et de la PSDC a sans doute laissé peu d’espace à un débat approfondi sur la mise en œuvre de la coopération structurée permanente en dépit des priorités affichées par les trois présidences successives de la Troïka hispano-belgo-hongroise. Nous avons déjà eu l’occasion d’observer que les États membres de l’Union européenne n’ont pris connaissance que très tardivement des implications du traité en matière de défense.

Au vrai, il faut admettre que la mise en application du traité n’avait pas été préalablement l’objet d’un réel travail préparatoire de grande ampleur. Ceci est surtout vrai dans le domaine de la CSP puisqu’aucune réflexion préliminaire ne fut conduite et qu’aucun accord préalable entre les États membres sur les critères et les conditions de sa mise en œuvre n’était intervenu. Les États membres ont donc privilégié une posture « attentiste », reléguant à des temps plus opportuns un débat sur la concrétisation de la CSP. Cette situation est, toutefois, difficilement compréhensible puisque la rédaction des dispositions relatives à la coopération structurée permanente remonte à la conférence intergouvernementale de 200432. Cela fait donc six ans que les États membres piétinent dans la recherche d’une définition commune de critères opératoires pour la CSP. Peu d’innovations institutionnelles européennes ont été l’objet d’une semblable légèreté dans le travail politique.

L’initiative espagnole

Il serait, cependant, réducteur de penser que la CSP n’a pas figuré comme priorité au sein des agendas des pays en charge de la présidence tournante de l’Union européenne à partir de 2010. En assurant la première présidence tournante de l’après-Lisbonne, l’Espagne a tenté de relancer les réflexions autour de la mise en œuvre de la CSP. En matière de défense européenne, la présidence espagnole avait énoncé trois grandes priorités : (1) la réforme institutionnelle, (2) le développement des capacités et (3) l’approche globale dans les réponses aux crises.

32 Lord DUNDEE, La coopération structurée permanente selon le Traité de Lisbonne – Réponse au rapport annuel du Conseil, rapport présenté au nom de la Commission de défense de l’Assemblée européenne de sécurité et de défense de l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale, Document A/2074, 16 juin 2010, p. 5.

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C’est plus exactement dans le cadre de la seconde priorité que s’inscrivait le débat sur la CSP. L’approche de la présidence espagnole à propos de la CSP révélait au grand jour toute la perplexité que suscitait cette innovation institutionnelle puisque Madrid se proposait d’amorcer une réflexion sur les différentes perceptions nationales dudit concept. Il n’était donc point à l’ordre du jour d’imaginer la mise en œuvre de cette forme spécifique de coopération, mais de tenter d’en délimiter les contours. On soulignera, par ailleurs, que la CSP n’était pas abordée de manière isolée, mais était inscrite dans une démarche réflexive plus globale en matière de capacités. La présidence espagnole espérait ainsi reprendre le flambeau suédois et défendre l’idée du développement d’un quartier général européen – l’une des questions les plus épineuses du développement de la défense européenne – engager un travail en vue d’améliorer les mécanismes institutionnels pour l’utilisation des groupements tactiques. L’Espagne entendait ainsi proposer l’utilisation du « Centre des opérations de l’État-major de l’UE comme quartier général au cas où ces groupes étaient activés ». Toujours selon les termes de la présidence espagnole, cette perspective était censée renforcer « la capacité de planification et de conduite des opérations par le Centre, en attendant qu’un jour l'Union européenne dispose d'un quartier général propre, qui intègre les capacités civiles et militaires pour diriger les opérations »33. Soulignons encore que le débat sur la CSP devait être conduit parallèlement aux débats sur les moyens de renforcer le rôle de l’Agence européenne de défense.

L’une des principales initiatives de la présidence espagnole résidera dans l’organisation d’une conférence précisément dédiée aux méthodes de mise en œuvre de la CSP. Organisé en date du 16 mars 2010, cet événement n’avait pas pour but de demander aux États membres de dégager une solution commune, mais plutôt de « planter le décor » d’une réflexion plus large. Pour guider les États membres dans leurs travaux, c’est à l’Institut Egmont que revint la tâche de soumettre une note de réflexion, base de travail de la conférence (cf. supra). Il est très rapidement apparu que la conférence n’avait pas permis d’aboutir à des résultats concluants dans la mesure où les participants ressortirent avec davantage de questions que de réponses suite à leurs interrogations. Pour l’essentiel, les représentants des États membres qui participaient à cette conférence se sont contentés d’énoncer des principes d’ores et déjà connus. Ils convinrent, tout d’abord, de garantir l’adaptabilité de la CSP. L’évocation de ce principe laisse perplexe puisqu’il suppose que la CSP, telle qu’elle fut introduite dans le TDL, ne correspond plus fondamentalement aux demandes et besoins des États membres. Cette mise en évidence du caractère « dépassé » de la CSP n’est pas en soi problématique. Ce qui l’est beaucoup plus est le caractère pour le moins opaque des raisons qui peuvent expliquer pourquoi la CSP est

33 GROS-VEREYDE, N., Présidence espagnole 2010 : priorités intéressantes pour la défense…, Blog Bruxelles2, cf. http://bruxelles2.over-blog.com/article-la-presidence-espagnole-arrive-le-1er-janvier-ses-priorites--40409740.html.

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considérée comme un concept vieillissant. Les représentants des États membres s’accordèrent ensuite pour dire que la CSP devait apporter une valeur ajoutée. En d’autres termes, il convient de conduire à l’aide de la CSP des politiques qui n’ont pas encore été mises en œuvre ou de réaliser des politiques inexistantes au niveau de l’OTAN ou de toute autre organisation. Il fut également informellement convenu que la CSP devait appuyer les États membres à poursuivre un double objectif : améliorer la disponibilité et la durabilité des forces projetées et développer des capacités industrielles. Un quatrième impératif devant être poursuivi par la CSP est la définition collective des objectifs. Il faut sans doute ici y entendre la voix des plus petits États membres de l’Union européenne dont la crainte est de se retrouver éventuellement exclus de la CSP. Aussi est-ce la raison pour laquelle les représentants réunis reconnurent la nécessité de définir la CSP dans un cadre unique, celui du Conseil des ministres des Affaires étrangères, dans son format « défense ». Enfin, toujours à la suite des préoccupations manifestées par les plus petits États, l’idée de mettre en œuvre une CSP inclusive semble avoir généré un certain consensus. Cet objectif reste, cependant, difficilement saisissable. Convient-il d’inclure tous les États membres au sein de la CSP ? Et si oui, quelle serait alors la plus-value de la CSP par rapport à la situation ex ante ?

Il apparaît de façon évidente que les conclusions de la conférence organisée par la présidence espagnole n’ont pu permettre d’établir une liste de critères – même provisoires – au départ de laquelle une réflexion plus approfondie aurait pu naître. La conférence semble par ailleurs avoir buté sur la question de la désignation de l’État qui aurait pour mission de pousser plus avant le concept de CSP. Aucun État membre ne s’était du reste déclaré volontaire pour assumer une telle mission.

La tentative belge de relance des débats

C’est en préparation de sa future présidence du Conseil de l’Union européenne – et dans des conditions politiques intérieures particulièrement sensibles, faut-il le rappeler – que la Belgique avança, au printemps 2010, un « Position Paper » reflétant une vision propre de la coopération structurée permanente. Si l’on peut difficilement la qualifier d’innovante, l’approche belge présenta néanmoins le mérite de fixer un certain nombre de considérations pour la mise en œuvre, le jour venu, de la CSP.

On soulignera, tout d’abord, la volonté de la Belgique de revenir aux origines de la CSP. Cette dernière doit avant tout privilégier les capacités et les opérations. Elle doit se limiter à la dimension militaire de la PSDC. La Belgique juge, en effet, qu’il est encore trop tôt pour intégrer au sein de cette CSP la

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dimension civile de la PSDC. Elle ne peut, enfin, se concevoir que dans une formule unique (même si des sous-ensembles peuvent venir composer la CSP)34. À ces considérations, la Belgique rappelle deux autres souhaits : assurer l’ inclusivité de la CSP (comme l’avait d’ores et déjà rappelé la conférence de la présidence espagnole) et envisager cette forme particulière de coopération renforcée selon une méthode progressive. Elle doit disposer d’un calendrier et définir des objectifs précis, non seulement dans le strict domaine des capacités, mais encore dans des secteurs tels que la recherche et le développement. La dimension normative de la CSP n’exclut pas une certaine progressivité dans la définition des critères. Ces derniers peuvent évoluer avec le temps afin de prendre en compte l’évolution du contexte international et les progrès accomplis.

La lecture de la vision belge se révèle plus difficile quant à la définition et aux conditions de participation aux différents « piliers » que la Belgique envisage comme des sous-ensembles de la CSP. Au sein de chacun de ces piliers, la Belgique propose que des objectifs précis soient définis sur la base des négociations conduites entre les États volontaires. Et seuls les États qui satisferont aux critères définis pour chaque pilier pourront y contribuer. En d’autres termes, si la CSP se veut, en soi, inclusive, chacun de ses piliers constitutifs pourrait engendrer des exclusions en termes de participation. Le risque étant qu’un déséquilibre des contributions des États membres participants n’apparaisse selon le pilier considéré.

La CSP fut aussi « au cœur » des débats tenus lors d’une réunion informelle des ministres de la Défense durant la présidence belge. Il convient, plus exactement, de souligner que la CSP a surtout brillé par son absence puisque le sujet ne faisait pas partie des thématiques officiellement discutées par les ministres réunis à cette occasion35. En réalité, le thème de la coopération structurée permanente fut évoqué de manière accessoire ; ce qui permit, du reste, de constater l’existence d’un fossé de plus en plus large entre les différentes perceptions nationales. Ainsi, pour le ministre français de la Défense, Hervé Morin, « si c’est pour appartenir à un club, je ne suis pas sûr que cela mène forcément très loin. S’il s’agit du regroupement de pays qui portent cette ambition d’être une avant-garde, alors oui, cela a un intérêt. » À l’inverse, pour son homologue belge, Pieter De Crem, « la coopération structurée permanente doit être élargie. Grands et petits pays sont tous confrontés aux mêmes problématiques. Nous voulons une politique de la défense à une seule vitesse, et pas à plusieurs. » Toutefois, comme put le faire remarquer Nicolas Gros-Verheyde, la suite des débats tendit à montrer que peu d’États étaient en mesure de s’avancer sur le contenu de cette CSP.

34 L’approche belge n’exclut pas, pour autant, la possibilité pour les États membres de développer d’autres types de coopérations en dehors du cadre de l’Union européenne. 35 GROS-VERHEYDE, N., Informelle défense : le « in » et le « out », Blog Bruxelles2, cf. http://www.bruxelles2.eu.

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Ce que reflétait la réunion informelle des ministres de la Défense à Gand était en de nombreux points similaire aux résultats issus des débats tenus quelques jours plus tôt à l’occasion du Brussels Defence Debate organisé par la présidence belge de l’Union européenne, le 18 septembre 2010. Lors de cet événement, ce sont des avis pour le moins tranchés qui furent émis à propos de la CSP. D’une manière générale, de nombreux intervenants s’accordèrent pour considérer que la CSP arrivait sans doute trop tardivement dans le débat européen en matière de défense. Qui plus est, le concept, tel que contenu dans le traité de Lisbonne, se révèle trop complexe pour qu’une réelle opérationnalité soit envisagée. Les échanges permirent même de convenir de plusieurs éléments. Le premier d’entre eux a consisté à rappeler qu’une coopération structurée permanente pleinement inclusive est inutile, comme put le rapporter Nicolas Gros-Verheyde. La règle de l’unanimité à l’intérieur de la CSP empêcherait toute avancée concrète en termes de développement des capacités militaires de l’UE. Seule la perspective de l’établissement d’une très hypothétique majorité qualifiée au sein même de la CSP autoriserait à penser qu’une approche élargie du concept puisse être opérationnellement viable. Toutefois, cette perspective aurait peu de chances d’aboutir compte tenu du risque politique qu’elle ferait courir à l’ensemble des États membres.

Un second élément qui semble avoir fédéré les participants de cette journée d’étude fut de reconnaître la CSP comme un processus de longue haleine et non comme le produit d’une décision formelle, instantanée. Il fut souligné que la CSP devait, d’une manière ou d’une autre, attester d’un abandon progressif de souveraineté de la part des États européens. Elle devrait témoigner d’une démarche intégrationniste réelle à l’instar de celle qu’exprimèrent en leur temps l’établissement de la zone euro et l’instauration de l’espace Schengen. Cette ligne argumentaire visait, pour l’essentiel, à démontrer qu’il n’existait pas nécessairement de contradiction entre l’amorce d’une coopération limitée à quelques États membres et son élargissement progressif à d’autres partenaires de l’UE dès lors que ces derniers témoigneraient des aptitudes à intégrer le processus36.

Hypothèses et scénarios de mise en œuvre

Il est donc un truisme d’affirmer que la CSP, au-delà des termes du traité de Lisbonne, constitue aujourd’hui un concept dont le caractère opératoire reste tout entier à construire. Au risque d’opérer une réduction exagérée des multiples réflexions conduites à son sujet, il pourrait être dit que la CSP oscille de manière perpétuelle entre, d’une part, la volonté d’établir un groupe pionnier au sein de

36 GROS-VERHEYDE, N., La seule coopération structurée permanente : l’armée européenne ?, Blog Bruxelles2, cf. http://www.bruxelles2.eu.

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l’UE et, d’autre part, le vœu (pieux ?) de réunir sous sa bannière la plus grande majorité possible d’États membres de l’Union européenne dans un projet consensuel en matière de défense. Sans doute, cette incertitude pousse-t-elle, paradoxalement, les chancelleries et les états-majors nationaux européens à repousser sine die tout débat sur cet objet politique. La réunion informelle des ministres européens de la Défense qui s’est déroulée au mois de septembre à Gand semble, au demeurant, avoir attesté ce constat puisque le sujet de la coopération structurée permanente n’a tout simplement pas « officiellement » figuré, en tant que tel, parmi les principaux sujets de discussion de cet événement. Du moins, y a-t-on vu deux conceptions de la CSP radicalement différentes s’opposer, à fleurets mouchetés s’entend. Pour l’ancien ministre français de la Défense, la CSP ne présenterait un intérêt réel que si un certain nombre de pays membres de l’Union européenne se montrent résolus à travailler ensemble pour constituer une avant-garde en matière de défense. Le ministre belge de la Défense, pour sa part, a préféré défendre l’idée selon laquelle il ne peut exister une Europe à plusieurs vitesses puisque tous les États membres de l’UE, grands ou petits, seront à l’avenir confrontés aux mêmes défis37.

Face aux divergences d’interprétation évidentes qu’autorise le texte du traité de Lisbonne, il apparaît opportun de nous interroger sur les contenus possibles que pourrait adopter la CSP. Plusieurs pistes de réflexion seront ainsi envisagées dans le cadre de cette section. Une première hypothèse consistera à nous demander si la CSP doit être restreinte aux seuls aspects de la politique de sécurité et de défense commune. Une seconde hypothèse de travail visant à donner corps à la CSP nous conduira à nous interroger sur une possible intégration de la CSP au sein de l’Agence européenne de défense.

Sortir des termes du traité ?

Comment résoudre les insuffisances du TDL et du protocole numéro 10 relatif à la CSP ? Pour certains observateurs des affaires européennes dans le domaine de la défense, il suffirait tout simplement de sortir du cadre du traité. Aussi surprenante puisse-t-elle paraître, cette solution fut très sérieusement évoquée par le général David Leakey lors d’un séminaire organisé par la Fondation Madariaga au mois de novembre 2010. Pour l’ancien directeur du Comité militaire de l’Union européenne, la CSP constitue un outil crucial en vue d’appuyer, de soutenir et de moderniser les capacités militaires européennes. La CSP revêt, du reste, un caractère éminemment solennel puisqu’il a été coulé dans le traité de Lisbonne, au même titre, au demeurant, que l’Agence européenne de défense (dont le seul acte d’établissement fut longtemps l’Action

37 Considération rapportées par GROS-VERHEYDE, N., Informelle de défense : le « in » et le « out », Blog Bruxelles2, http://www.bruxelles2.eu/defense-ue/defense-ue-droit-doctrine-politique/petites-phrases-prononcees-a-linformelle-defense.html.

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commune du 12 juillet 2004). L’inscription de la CSP au sein du traité est donc une consécration sur un plan politique. Pourtant, l’ancrage institutionnel de la CSP dans le traité semble, selon David Leakey, hypothéquer la mise en œuvre de cette forme particulière de coopération. Pour David Leakey, c’est là un phénomène qui doit être psychologiquement dépassé si l’on veut progresser dans le renforcement des capacités. Face à l’ambivalence des termes employés par les rédacteurs du TDL pour circonscrire la CSP, le général Leakey invite les chancelleries et les états-majors nationaux à ne pas se sentir trop liés au traité. L’image employée par David Leakey présente, il est vrai, des dehors séduisants. Le traité ne devrait-il pas être plutôt considéré comme un « mode d’emploi » ? En d’autres termes, le traité de Lisbonne ne devrait-il pas être considéré comme un point de référence ? Une application du traité dans le respect de l’esprit et de la lettre ne suppose-t-elle pas un détachement par rapport à la rigueur toute juridique des dispositions qu’il contient ? La mise en œuvre du traité et, plus spécifiquement, de la CSP n’implique-t-elle pas de lancer des initiatives visant plutôt à se calquer sur les nécessités politiques que sur les restrictions légales ? Le traité interdit-il toute forme d’improvisation créatrice au point d’enfermer les perspectives de mises en œuvre de celui-ci ?

Précisément, oui. S’il est raisonnable de procéder à un réexamen du rapport final des travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe afin de redécouvrir l’esprit de la CSP, il est par contre hasardeux – voire dangereux – sur un plan démocratique de vouloir sortir du cadre fixé par le traité qui constitue un acte approuvé par le Parlement européen. Une mise en œuvre de la CSP qui ne s’attache pas, au minimum, à appliquer les dispositions des articles 42 et 46 du TUE ainsi que le protocole numéro 10 risque de constituer un précédent. Si une mise en œuvre de la CSP dans le respect des formes prescrites par le traité s’avère difficile, voire impossible, il est alors préférable soit de poursuivre d’anciens modes de coopération étroite en matière de défense, soit de développer une nouvelle forme de coopération en dehors de l’Union européenne.

Une CSP élargie ?

L’une des solutions les plus souvent mises en avant en vue de clore le débat sur la mise en œuvre – ô combien tardive – de la coopération structurée permanente s’appuie sur l’argument consistant à défendre l’idée d’une CSP la plus large et la plus inclusive possible. Si, pour diverses raisons souvent liées au maintien d’une capacité d’influence dans l’Union, plusieurs États craignent d’être exclus de la CSP, pourquoi ne pas travailler à une CSP éventuellement étendue à l’ensemble des États membres de l’Union européenne ? Loin de résoudre l’ensemble des interrogations portant sur les méthodes et la finalité de la CSP, la notion d’inclusivité suscite elle-même des réticences parmi les

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observateurs.

Dans un premier temps, il semble utile de comprendre les facteurs qui ont progressivement conduit à défendre cette idée d’inclusivité de la CSP. Ils ne sont pas négligeables. Un premier argument en faveur d’une CSP inclusive et « élargie » consiste à souligner la nécessité pour l’Union européenne de construire une crédibilité politique qui ne repose pas exclusivement sur les intérêts vitaux de quelques États étroitement associés. La capacité d’influence de l’Union européenne, autrement dit son aptitude à peser sur les dossiers internationaux, notamment dans le domaine de la sécurité, doit, afin de pouvoir exister, s’appuyer sur une représentativité la plus large possible de ses États membres.

Un second argument en faveur d’une CSP élargie (éventuellement à l’ensemble des 27) revient à souligner la nécessité pour le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) d’être en mesure de faire reposer son action sur une représentativité maximale des États membres. La CSP, qui doit être considérée comme l’aiguillon de la mise en place d’un SEAE crédible, ne pourrait se limiter à additionner les voix de quelques capitales.

Enfin, un troisième argument, qui semble quant à lui découler d’un certain bon sens, consiste à rappeler que la CSP, comme cela fut rappelé, ne saurait être une fin en soi, mais un moyen destiné à faire progresser l’ensemble des États membres de l’UE vers une dynamique commune dans le domaine de la défense ou, pour reprendre les termes du traité, vers une « défense commune ». Aussi, les défenseurs d’une vision élargie de la CSP suggèrent-ils de favoriser au maximum une large participation des États membres à la CSP, dès aujourd’hui.

Il est indéniable que de tels arguments ne manquent pas de séduire. Pourtant, à y regarder de plus près, il convient d’indiquer que l’établissement d’une « CSP élargie », la plus inclusive possible, risque paradoxalement de se révéler contre-productif à la mise en œuvre de la CSP. Comme le rappelle fort justement Olivier Jehin, le principe d’inclusivité ne peut pas être une fin en soi. Au mieux constitue-t-il un principe général découlant du traité de Lisbonne. L’application d’un tel principe risquerait indéniablement de « réduire le niveau d’ambition au niveau d’effort de l’État membre de l’Union qui consacre le moins de moyens à sa défense ». Un autre danger bien plus important, de nature plus institutionnelle, réside dans la perversité du mécanisme décisionnel qu’impliquerait une CSP élargie à l’ensemble des 27. Une telle perspective reviendrait, en effet, à créer une Union au sein de l’Union. Elle aboutirait, par ailleurs, à maintenir une prise de décision à l’unanimité38 entre un trop grand nombre d’États alors même que la CSP était supposée introduire une certaine

38 Rappelons, en effet, que si la création de la CSP ne requiert que la majorité qualifiée, la prise de décision au sein de la CSP repose sur l’unanimité.

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flexibilité entre des États désireux d’avancer plus loin et plus vite dans le domaine de la défense. En conclusion, défendre l’idée d’une CSP inclusive et élargie revient à remettre en cause les facteurs qui ont conduit à son inscription au sein du traité. Une CSP élargie vide la CSP de sa substance.

L’AED comme incarnation de la CSP ?

Le texte de l’Action commune 2004/551/PESC du 12 juillet 2004, qui porte la création et la définition des modalités et objectifs d’une agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l’armement, dispose que cette dernière a pour but de « développer les capacités de défense dans le domaine de la gestion des crises, [de] promouvoir et [de] renforcer la coopération européenne en matière d’armement, [de] renforcer la base industrielle et technologique européenne dans le domaine de la défense (BITD) et [de] créer un marché européen concurrentiel des équipements de défense, ainsi [que de] favoriser la recherche, le cas échéant en liaison avec les activités de recherche communautaires, en vue d’être à la pointe des technologies stratégiques pour les futures capacités de défense et de sécurité, renforçant ainsi le potentiel industriel européen dans ce domaine ». En réalité, la mission centrale de l’Agence européenne de défense, telle qu’elle découle de la lettre et de l’esprit de l’Action commune, est de combler l’écart entre les ambitions politiques de l’Union européenne et les capacités militaires à sa disposition, que l’on sait insuffisantes. Plus encore, l’objectif de l’AED est de constituer, pour l’Union européenne – et dans les limites de sa marge de manœuvre institutionnelle – une politique européenne de l’armement, pour autant que les conditions d’une synergie interinstitutionnelle puissent être un jour réunies39.

Que l’Agence ait, dans une certaine mesure, constitué une expression avant la lettre de la coopération structurée permanente ne fait l’objet d’aucun doute. Toutefois, ce parallèle ne peut en aucune façon permettre de clore, aujourd’hui, le débat sur la CSP par une sorte de tour de passe-passe qui reviendrait à affirmer que l’AED incarne cette dernière. Il nous faut ici revenir à une lecture très attentive du texte du TDL. Le paragraphe 6 de l’article 42 du traité dispose que « [les] États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes, établissent une

39 Pour plus de détails sur l’historique et les travaux de l’Agence européenne de défense, cf. DE NEVE, A., L’Agence européenne de défense et la coopération dans le domaine capacitaire, Paris, L’Harmattan, coll. « Défense, Stratégie et Relations Internationales », 2010.

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coopération structurée permanente dans le cadre de l'Union. » Que signifient les termes de cet article ? Lorsqu’il traite de la CSP, l’article 42 ne vise pas l’ensemble des États membres de l’Union européenne, mais une catégorie spécifique au sein de ceux-ci : « les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière ». Peut-on – ou doit-on – considérer que les 26 États membres participants de l’Agence sont ces mêmes États désignés par le traité ? Répondre par l’affirmative consisterait à déborder des termes du traité. En effet, si nous supposons un instant que tous les EMP de l’AED satisfont aux conditions évoquées par cet article pour l’établissement d’une CSP, cela signifierait non seulement que le problème (l’existence en Europe de déficits et d’écarts capacitaires) que le traité veut précisément résoudre n’existerait pas dans la réalité.

Notons encore que l’AED et la CSP sont toutes deux mentionnées par le traité de Lisbonne. Le protocole numéro 10 sur la coopération structurée permanente établie par l’article 42 du traité sur l’Union européenne évoque, nous le savons, l’AED dans le cadre de la CSP. Si les États membres de l’UE avaient voulu clarifier les critères devant être respectés pour l’établissement d’une CSP, il leur aurait suffi de dire que la qualité de membre participant à l’AED était une condition nécessaire et suffisante pour intégrer la CSP. Or, ce n’est justement pas le choix qui fut fait. La participation à « l'activité de l'Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, de l'acquisition et de l'armement (l'Agence européenne de défense) » est une condition parmi d’autres pour évaluer si un État peut participer à cette CSP.

Ceci étant posé, comment évaluer les relations entre le principe d’établissement d’une CSP et l’existence de l’Agence européenne de défense ? On pourrait craindre que l’établissement d’une certaine interprétation de la CSP ne vienne, dans une certaine mesure, fragiliser l’Agence. Bien que l’Agence évolue dans un cadre intergouvernemental et que, dans un tel cadre, tous les États, indépendamment de leurs capacités militaires, ont voix égale, il est clair que dans la pratique ce sont les principaux producteurs d’armement (concrètement, les membres de la Lettre d’Intention) qui se situent à la source des principales propositions au niveau de l’Agence. Ce phénomène n’est pas sans susciter quelque crispation dans les rapports entre les EMP. À supposer qu’une CSP soit effectivement établie entre certains États membres de l’UE – et nous avons vu que tant d’un point de vue pratique que dans une approche visant à respecter la lettre et l’esprit du traité, les EMP n’ont pas automatiquement vocation à intégrer la CSP –, une différence de facto existerait, au sein de l’Agence, entre les EMP intégrant cette CSP et ceux qui se situeraient en dehors de celle-ci. Ceci nous amène donc à une interrogation : plutôt que de dédoubler les cadres institutionnels en matière capacitaire (AED et CSP), n’aurait-il pas mieux valu concentrer tous les efforts en faveur d’une extension des compétences de l’AED ? Nous savons, bien sûr, qu’une telle hypothèse avait très peu de chances d’aboutir compte tenu des divergences entre les EMP s’agissant

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de la définition des moyens et des objectifs de l’AED. Il est à craindre, cependant, que la coexistence de ces deux « innovations institutionnelles » que sont la CSP et l’AED au sein du traité de Lisbonne ne soit pas nécessairement la plus heureuse.

La Lettre d’Intention : forme d’expression d’une CSP d’avant-garde ?

La Lettre d’Intention (LdI) constitue une initiative lancée, au mois de juillet 1998 par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et la Suède en vue de procéder à une vaste restructuration de l’industrie de défense européenne et de permettre à celle-ci d’atteindre une taille critique susceptible de la faire figurer parmi les plus compétitives dans l’espace transatlantique. La LdI, bien qu’elle ne réunisse que six pays, constitue cependant un ensemble lourd dans le domaine industriel. À eux seuls, les membres de la LdI représentent 90% de la capacité industrielle de défense au sein de l’Union et pas moins de 85% des dépenses militaires de l’UE. Ces États réalisent également 98% des investissements de R&T de défense au sein de l’UE40. L’exposé de ces chiffres atteste, il est vrai, de l’importance de l’initiative entreprise par les six grands. Paradoxalement, il révèle également l’extraordinaire éclatement des niveaux de dépenses militaires au sein de l’UE et confirme un peu plus l’existence d’un risque réel de décrochage industriel et technologique au sein de l’Union.

Si la LdI, comme l’indique son nom, exprime la volonté des États concernés de marcher vers une profonde réforme du secteur de l’offre industrielle, l’Accord-cadre signé à Farnborough41 en date du 27 juillet 2000 (soit avec un semestre de retard sur le calendrier initialement prévu), qui aboutira donc au terme de deux années de consultations et de négociations entre les six pays concernés, contient des mesures spécifiques à travers lesquelles, d’une part, les États s’engagent à lever les barrières administratives auxquelles se heurtent traditionnellement les tentatives de rapprochements industriels et, d’autre part, s’assurent que leurs intérêts légitimes soient préservés. La philosophie qui sous-tend les mesures contenues au sein de l’Accord-cadre a pour dessein de créer un environnement favorable à l’édification d’une industrie européenne compétitive et solide capable de rivaliser sur le plan mondial avec les principaux compétiteurs à l’échelle transatlantique. La méthode passe donc par l’établissement d’un cadre juridique et réglementaire commun aux six États membres de la LdI. Précisément, l’Accord-cadre, qui a valeur de traité

40 ROTH, A., op. cit., Annuaire français des relations internationales, Bruxelles, Bruylant & La Documentation française, 2005, p. 619. 41 L’Accord-cadre est également appelé accord de Farnborough.

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international, prévoit la prise en charge de six domaines d’intervention42 : la sécurité d’approvisionnement, le contrôle des exportations, la sécurité de l’information, la recherche et technologie, la propriété et le traitement des informations techniques, l’harmonisation des besoins opérationnels et des procédures d’acquisition.

Dix ans après son instauration, la LdI affiche un bilan mitigé. Certes, l’idée de procéder à une harmonisation des règles nationales disparates qui régissent le marché européen de la défense et les rapports entre les industries (de même qu’entre les États et les industries de défense) était plus que louable. La création de véritables entreprises européennes d’armement avait, en outre, obligé les pouvoirs publics nationaux européens à faire converger leurs cadres réglementaires avec comme objectif l’accroissement de l’efficacité économique du secteur. Toutefois, et bien que la LdI/Accord-cadre fut accompagnée des arrangements techniques nécessaires à sa mise en œuvre, les résultats du processus s’avérèrent décevants. Quelques observateurs tendent même à considérer que la LdI/Accord-cadre n’est, au final, qu’une « coquille vide » défendue par quelques États soucieux de soustraire le secteur de l’offre industrielle de défense des prérogatives de l’Union européenne. Comme à l’accoutumée, il convient de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain et d’examiner plus avant les parts relatives de succès et d’échec de la LdI. Parmi les réussites engrangées par les États de la LdI, sans doute y a-t-il lieu d’indiquer que les mécanismes institués dans son cadre ont permis le développement d’une connaissance mutuelle des procédures nationales régissant le secteur des industries de défense. Peut-être, la LdI a-t-elle permis aux États de mieux comprendre les sensibilités nationales spécifiques entretenues par les pouvoirs publics dans ce domaine d’activités régalien. Des travaux ont, certes, été menés afin de mettre au point des licences globales de projet et un code de conduite relatif à la gestion des priorités des commandes en cas de crise, de conflit ou d’urgence. Les rapprochements opérés entre les États, sous les auspices du processus de la LdI, ont également donné l’occasion aux autorités nationales concernées de réduire notablement les délais requis pour l’obtention d’autorisations de visite dans les sites étatiques ou industriels.

La LdI représente-t-elle un modèle de coopération dont pourrait s’inspirer une future CSP ? La LdI constitue-t-elle une CSP avant la lettre ? Certes, on s’accordera à souligner que si elle incarne une coopération étroite entre quelques États, la LdI se situe en dehors du cadre de l’Union européenne. Les questionnements relatifs à l’avenir de la Lettre d’Intention existent par ailleurs

42 LIGNIERES-CASSOU, M., La recherche et technologie de défense : une stratégie à redéfinir, rapport d’information déposé par la Commission de défense nationale et des forces armées sur les études en amont des programmes d’armement dans les domaines de la défense et de l’aéronautique, Paris, Assemblée nationale, onzième législature, numéro 2793, pp. 106 – 107.

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de longue date. Quelques observateurs ont, par exemple, imaginé que cette dernière puisse subsister en évoluant en une sorte d’instance de concertation ou de think tank dont la mission première serait de préparer et d’établir des positions communes et de conduire des actions concertées au sein de l’Agence. Plus encore, des pistes de réflexion ont été explorées en vue de mieux insérer la LdI au sein de l’Agence. Par exemple, à travers l’extension – même temporaire et spécifiquement régulée – du processus de la LdI à d’autres États européens participant aux activités de l’Agence.

Une interrogation fondamentale semble avoir été peu explorée. La poser constitue cependant un impératif méthodologique. En imaginant une meilleure insertion de la LdI au sein de l’Agence européenne de défense, n’assisterait-on pas à l’émergence de facto d’une coopération structurée permanente ? Dans la pratique, il convient d’observer que les orientations majeures de l’AED sont principalement le fait des principaux pays producteurs d’armements réunis au sein de la LdI. Leur influence sur l’agenda et le fonctionnement quotidien de l’AED est d’ores et déjà avérée. On remarquera, toutefois, que la perspective d’installation de la LdI comme coopération structurée permanente reviendrait à établir la CSP comme un directoire entre les principaux États producteurs d’armement ; et ce, au sein de l’AED qui se verrait, dès lors, déforcée politiquement. Or, selon les termes du protocole numéro 10 du TDL, c’est à l’AED que revient le pouvoir d’évaluation de la CSP.

Conclusion partielle

Le rapide examen des réflexions conduites à l’endroit de la mise en œuvre de la coopération structurée permanente démontre de manière très nette la prise de conscience tardive des États membres de l’Union européenne des effets susceptibles de découler dudit processus. Certes, depuis les premiers travaux du groupe « Barnier », il est très rapidement apparu que les questions de défense ne figuraient pas parmi les enjeux controversés de l’avenir de l’Union européenne. Il a découlé de cette situation une absence de controverse tant sur le fond que sur la forme de la CSP, telle que définie par le traité de Lisbonne. Cette situation n’a pas permis à la CSP – et plus largement, au dossier de la défense européenne – de générer un « espace de jugement ». Pour reprendre les termes de Bruno Latour, nous pourrions conclure au fait que le thème de la CSP n’a pas produit l’ accumulation primitive indispensable et préalable à toute mise en œuvre du concept. En raison de cette situation, deux cheminements semblent avoir été suivis par les observateurs et acteurs de la défense européenne. La première a résidé dans l’élaboration de définitions technicisantes des critères de mise en œuvre de la CSP ; tentatives que nous avons eu l’occasion d’explorer au cours de ce chapitre. La seconde a consisté à envisager une sortie partielle ou totale du cadre du traité ; une approche qui n’est pas sans poser des difficultés immenses

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sur les plans juridique, démocratique et de la légitimité politique.

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Conclusion générale

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Le parcours réflexif que nous clôturons à présent a permis de mettre à jour toute l’ampleur des difficultés associées à la clarification des critères d’établissement de la CSP et de sa mise en œuvre. Bien qu’elle ne figure pas (encore ?) au statut des dossiers qui « fâchent », il devient de plus en plus évident que la pertinence de la coopération structurée permanente est désormais posée. Depuis la signature du TDL par les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Union européenne, le 14 décembre 2007, ce ne sont pas moins de six présidences tournantes du Conseil de l’UE (Slovénie, France, République tchèque, Suède, Espagne, Belgique) qui se sont succédé. Chacune d’entre elles s’est heurtée à l’épineuse question de l’instauration de la CSP sans parvenir à un accord entre les capitales engagées en matière de défense européenne.

Les multiples tentatives de relance de la défense européenne ainsi que les divers essais de définition de critères de mise en œuvre de la CSP ont, sans nul doute, brouillé les repères. Elles ont, en outre, participé à réduire la lisibilité de plusieurs fondamentaux. Il est sans doute utile de les rappeler ici.

La CSP est la solution et non le problème

On l’oublie trop souvent : bien qu’elle soit devenue sujette à polémiques, la CSP a été pensée et conçue comme une solution aux insuffisances rencontrées dans la pratique de la PESD. Si les opérations conduites depuis 1998-1999 au titre de la PESD se sont dans leur ensemble révélées des succès, elles n’en ont pas pour le moins affiché les limites auxquelles les États de l’UE se sont heurtés dans la génération des capacités et des infrastructures de commandement. En ce sens, la CSP se veut un compromis honorable destiné à permettre à certains États d’approfondir leur coopération dans le domaine de la défense sans pour autant extraire une telle coopération du cadre de l’Union européenne. La CSP marque donc la reconnaissance officielle par l’ensemble des capitales européennes de l’existence, parmi les États membres, d’un double différentiel capacitaire et d’une volonté politique. En consacrant ce fait, le traité de Lisbonne a fait œuvre salutaire dans la mesure où le texte considère les États membres tels qu’ils sont et non comme l’on souhaiterait qu’ils agissent idéalement. C’est sur cette base pragmatique que des avancées plus poussées et, à terme, plus fédératrices s’avéreront possibles.

Il est dès lors étonnant qu’au cours de leurs divers échanges de vues au gré des forums de discussion tenus sur ce sujet, les États membres aient, pour certains, manifesté l’intention de défendre l’idée d’une CSP la plus large possible. Cette hypothèse, comme nous avons pu l’observer lors de notre parcours, reviendrait à recréer, dans le cadre de la CSP, les blocages que le TDL cherche précisément à dépasser. Certes, des interrogations restent posées. Parmi elles, la principale a trait à la difficulté qui se présentera dès lors qu’il s’agira, au sein de la CSP, d’emboîter la configuration des volontés politiques de mobilisation à la géométrie des capacités d’action. En d’autres termes, les États qui, au sein de l’Union européenne, disposent des principales capacités en matière de défense (du fait du niveau d’investissement consenti et de l’éventail

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des moyens détenus) ne seront pas nécessairement ceux qui consentiront à des déploiements au titre d’opération ou de mission. Et dans la mesure où la CSP n’implique en aucun cas l’obligation pour les États membres qui y participent de contribuer aux diverses missions et opérations qui viendraient à être décidées au titre de la PSDC, il paraît évident que les États risquent d’aller au-devant de désaccords portant sur l’affectation et la destination des moyens.

Nonobstant les considérations susmentionnées, il apparaît clairement que la CSP se présente comme l’unique solution à la disposition des Européens en vue de surmonter les effets que la double crise économique et financière fera peser sur les budgets de défense nationaux. On peut, il est vrai, considérer que le contexte général ne s’avère pas propice au lancement de nouvelles initiatives dans le domaine de la défense ; les budgets militaires étant traditionnellement employés comme outils de régulation des déficits par les gouvernements. Comme le rappelle fort opportunément André Dumoulin, « la clé fondamentale pour s’en sortir par le haut ne passe évidemment pas par la renationalisation ou les petits directoires. Elle doit venir du lancement urgent de la coopération structurée permanente (CSP) inscrite dans le traité de Lisbonne. La volonté politique doit exister pour ce faire, dépassant les méfiances nationales, sortant de l’inclusif utopique autant que de l’élitisme ostracisant.43 » Appeler de ses vœux l’établissement rapide d’une CSP ne doit cependant pas nous distraire de la réalité implacable des faits. Comme l’indique Yves Fromion, « le contexte économique actuel porte en germe un risque sérieux d’une évolution irréversiblement négative de la PSDC si aucune disposition ne contribue à dynamiser son fonctionnement de manière rationnelle et coordonnée […]44 ».

La CSP ne vise pas l’établissement d’un directoire

De même qu’elle n’a pas pour ambition de fédérer de manière immédiate l’ensemble des États membres autour de son projet (en définition), la CSP n’est pas destinée à établir au cœur de l’UE une forme de directoire de quelques États. Et ce pour deux raisons. La première est d’ordre « institutionnel » et repose sur le fait qu’il serait inenvisageable pour l’ensemble des États membres de l’Union européenne de consacrer l’existence d’un tel ensemble restreint qui viendrait à définir seul une vision et des objectifs en matière de PSDC. Comme le laissent entendre les dispositions du TDL en matière de coopération structurée permanente, les objectifs de cette dernière doivent être largement partagés par les États membres de l’Union européenne, y compris les États qui ne souhaitent

43 DUMOULIN, A., « Crise financière et économique de défense : quelle solution ? », CSDP Newsletter, Issue 10, Summer 2010, p. 31. 44 FROMION, Y., Conséquences du Traité de Lisbonne sur les capacités militaires et les programmes d’armement de l’Union européenne, extrait des conclusions finales de la mission confiée par Monsieur le Premier ministre, Paris, Assemblée nationale, 30 juin 2010, p. 17.

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pas ou ne s’avèrent pas en mesure de contribuer concrètement à la CSP. La seconde raison relève du poids et de la dynamique des cultures stratégiques en Europe. Contrairement à une idée répandue, la crainte de voir s’établir un directoire, stable, unique et pérenne au cœur même de la machine institutionnelle de l’Union européenne résiste mal aux leçons issues de l’expérience de la construction européenne. En effet, l’Europe politique fonctionne sur la base de jeux d’équilibres subtils entre divers axes géopolitiques et alliances45.

Ces quatre axes ne sont pas représentatifs, bien sûr, de l’enchevêtrement complexe des alliances de circonstances ou des rapprochements occasionnels qui peuvent s’opérer dans des matières aussi délicates que la politique étrangère et de défense. Elles constituent néanmoins une réalité avec laquelle la construction progressive d’une Europe de la défense doit compter.

On rappellera encore que la CSP n’exclut en aucune façon l’établissement de coopérations bi- ou multinationales en matière de programmes d’armement. Elle n’efface pas du reste les coopérations existantes dans ces matières (amiral Benelux, Eurocorps, Euromarfor, Groupe aérien européen, etc.), le TDL en faisant d’ailleurs une mention explicite. La CSP n’interfère point dans les politiques nationales de défense puisque les dispositions du traité de Lisbonne n’impliquent en aucune façon une perte d’autonomie des États membres.

La mise en œuvre de la CSP appelle des initiatives nationales

Il serait une erreur de considérer la CSP comme un processus institutionnel européen détaché des réalités auxquelles font face les États membres. L’instauration de la CSP exigera de la part des États membres participants des engagements nationaux. Il importera pour les parlements nationaux d’avancer des propositions concrètes visant à nourrir le concept de la CSP. Plus largement, la fermeture précipitée des structures de l’Union de l’Europe occidentale risque de créer un vide dans le domaine du débat interparlementaire. Cette situation s’avère fort regrettable dans la mesure où le Parlement européen semble tarder à combler cette vacance institutionnelle. La nécessité d’établir un cadre de débat interparlementaire sur les questions relevant de la politique étrangère ainsi que des affaires de sécurité et de défense est précisément inscrite dans le traité de Lisbonne. Tout travail de mise en œuvre de la CSP qui viendrait à négliger l’urgence de l’instauration d’une telle structure de dialogue serait indiscutablement voué à l’échec. On ajoutera encore qu’une certaine forme de contractualisation des engagements en faveur de la CSP (et plus largement de la défense européenne) se révélera nécessaire afin d’éviter le

45 On peut, ainsi, identifier quatre grands ensembles géopolitiques au sein même de l’Europe : (1) l’axe carolingien, formé par l’Allemagne, la Belgique, la France et le Luxembourg (le Groupe des Quatre), (2) l’axe rhénan, constitué de la France et de l’Allemagne, (3) l’axe atlantique, formé par la France et du Royaume-Uni et (4) l’axe latin, formé par l’Espagne, la France et l’Italie.

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risque de voir les objectifs et les mesures exécutives de la CSP dépendre des seuls principaux États de la CSP. Chaque État membre participant à la CSP déterminerait, en propre, dans un premier temps, un certain niveau d’investissements, de mesures et d’engagement en faveur de la CSP sans interférence aucune de ses partenaires. Il reviendrait, dans un second temps, à l’Agence européenne de défense de déterminer si les promesses d’engagement définies par les États membres participants sont en adéquation avec les efforts fournis de manière concrète.

La mise en œuvre de la CSP exigera, enfin, l’instauration de règles de gouvernance adaptées. Pour Yves Fromion, la gouvernance de la CSP pourrait relever du Conseil des ministres de la Défense de l’UE. Ce format de réunion du Conseil ne s’est rencontré qu’à une seule occasion, lors de la création de l’Agence européenne de défense. Il conviendrait de réfléchir à l’inscription d’un tel format de manière pérenne. Le Conseil des ministres de la Défense pourrait, par exemple, être présidé par le haut représentant.

Que l’on nous permette de conclure par une dernière considération. Bien qu’elle ait été conçue comme une solution à l’existence de différentiels capacitaires et d’investissements dans le domaine de la défense, la CSP n’a jamais été envisagée comme une fin en soi. En ce sens, l’adjonction du qualificatif « permanent » ne constitue pas le plus heureux des choix terminologiques. La CSP représente, au mieux, une approche temporaire destinée à résoudre les insuffisances de la logique capacitaire telle qu’elle a pu fonctionner jusqu’à aujourd’hui au travers des promesses de contributions nationales (objectif global 2003, objectif global 2010). La permanence porte sans doute moins sur la structure que sur la nécessité de maintien dans le temps de la coopération entre les États.

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Annexes

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Annexe 1 : Articles du traité sur l’Union européenne relatifs à la coopération structurée permanente

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Article 42 (ex-article 17 TUE)

1. La politique de sécurité et de défense commune fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune. Elle assure à l'Union une capacité opérationnelle s'appuyant sur des moyens civils et militaires. L'Union peut y avoir recours dans des missions en dehors de l'Union afin d'assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies. L'exécution de ces tâches repose sur les capacités fournies par les États membres.

2. La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d'une politique de défense commune de l'Union. Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l'unanimité, en aura décidé ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux États membres d'adopter une décision dans ce sens conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.

La politique de l'Union au sens de la présente section n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.

3. Les États membres mettent à la disposition de l'Union, pour la mise en œuvre de la politique de sécurité et de défense commune, des capacités civiles et militaires pour contribuer aux objectifs définis par le Conseil. Les États membres qui constituent entre eux des forces multinationales peuvent aussi les mettre à la disposition de la politique de sécurité et de défense commune.

Les États membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires. L'Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, des acquisitions et de l'armement (ci-après dénommée « Agence européenne de défense ») identifie les besoins opérationnels, promeut des mesures pour les satisfaire, contribue à identifier et, le cas échéant, mettre en œuvre toute mesure utile pour renforcer la base industrielle et technologique du secteur de la défense, participe à la définition d'une politique européenne des capacités et de l'armement, et assiste le Conseil dans l'évaluation de l'amélioration des capacités militaires.

[…]

6. Les États membres qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes, établissent une coopération

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structurée permanente dans le cadre de l'Union. Cette coopération est régie par l'article 46. Elle n'affecte pas les dispositions de l'article 43.

Article 46

1. Les États membres souhaitant participer à la coopération structurée permanente visée à l'article 42, paragraphe 6, qui remplissent les critères et souscrivent aux engagements en matière de capacités militaires repris au protocole sur la coopération structurée permanente, notifient leur intention au Conseil et au haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

2. Dans un délai de trois mois suivant la notification visée au paragraphe 1, le Conseil adopte une décision établissant la coopération structurée permanente et fixant la liste des États membres participants. Le Conseil statue à la majorité qualifiée, après consultation du haut représentant.

3. Tout État membre qui, à un stade ultérieur, souhaite participer à la coopération structurée permanente, notifie son intention au Conseil et au haut représentant.

Le Conseil adopte une décision qui confirme la participation de l'État membre concerné qui remplit les critères et souscrit aux engagements visés aux articles 1 et 2 du protocole sur la coopération structurée permanente. Le Conseil statue à la majorité qualifiée, après consultation du haut représentant. Seuls les membres du Conseil représentant les États membres participants prennent part au vote.

La majorité qualifiée se définit conformément à l'article 238, paragraphe 3, point a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

4. Si un État membre participant ne remplit plus les critères ou ne peut plus assumer les engagements visés aux articles 1 et 2 du protocole sur la coopération structurée permanente, le Conseil peut adopter une décision suspendant la participation de cet État.

Le Conseil statue à la majorité qualifiée. Seuls les membres du Conseil représentant les États membres participants, à l'exception de l'État membre concerné, prennent part au vote.

La majorité qualifiée se définit conformément à l'article 238, paragraphe 3, point a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

5. Si un État membre participant souhaite quitter la coopération structurée permanente, il notifie sa décision au Conseil, qui prend acte de ce que la participation de l'État membre concerné prend fin.

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6. Les décisions et les recommandations du Conseil dans le cadre de la coopération structurée permanente, autres que celles prévues aux paragraphes 2 à 5, sont adoptées à l'unanimité. Aux fins du présent paragraphe, l'unanimité est constituée par les voix des seuls représentants des États membres participants.

[…]

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Annexe 2 : Protocole numéro 10 sur la coopération structurée permanente établie par l’article 42 du traité sur l’Union européenne

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Les hautes parties contractantes,

Vu l'article 42, paragraphe 6, et l'article 46 du traité sur l'Union européenne,

Rappelant que l'Union conduit une politique étrangère et de sécurité commune fondée sur la réalisation d'un degré toujours croissant de convergence des actions des États membres ;

Rappelant que la politique de sécurité et de défense commune fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune ; qu'elle assure à l'Union une capacité opérationnelle s'appuyant sur des moyens civils et militaires ; que l'Union peut y avoir recours pour des missions visées à l'article 43 du traité sur l'Union européenne en dehors de l'Union afin d'assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies ; que l'exécution de ces tâches repose sur les capacités militaires fournies par les États membres, conformément au principe du « réservoir unique de forces » ;

Rappelant que la politique de sécurité et de défense commune de l'Union n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres ;

Rappelant que la politique de sécurité et de défense commune de l'Union respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord pour les États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, qui reste le fondement de la défense collective de ses membres, et qu'elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre ;

Convaincues qu'un rôle plus affirmé de l'Union en matière de sécurité et de défense contribuera à la vitalité d'une alliance atlantique rénovée, en accord avec les arrangements dits de «Berlin plus» ;

Déterminées à ce que l'Union soit capable d'assumer pleinement les responsabilités qui lui incombent au sein de la communauté internationale ;

Reconnaissant que l'Organisation des Nations unies peut demander l'assistance de l'Union pour mettre en œuvre d'urgence des missions entreprises au titre des chapitres VI et VII de la charte des Nations unies ;

Reconnaissant que le renforcement de la politique de sécurité et de défense demandera aux États membres des efforts dans le domaine des capacités ;

Conscientes que le franchissement d'une nouvelle étape dans le développement de la politique européenne de sécurité et de défense suppose des efforts résolus des États membres qui y sont disposés ;

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Rappelant l'importance de ce que le haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité soit pleinement associé aux travaux de la coopération structurée permanente,

Sont convenues des dispositions ci-après, qui sont annexées au traité sur l'Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne :

Article premier

La coopération structurée permanente visée à l'article 42, paragraphe 6, du traité sur l'Union européenne est ouverte à tout État membre qui s'engage, dès la date d'entrée en vigueur du traité de Lisbonne :

a) à procéder plus intensivement au développement de ses capacités de défense, par le développement de ses contributions nationales et la participation, le cas échéant, à des forces multinationales, aux principaux programmes européens d'équipement et à l'activité de l'Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, de l'acquisition et de l'armement (l'Agence européenne de défense), et

b) à avoir la capacité de fournir, au plus tard en 2010, soit à titre national, soit comme composante de groupes multinationaux de forces, des unités de combat ciblées pour les missions envisagées, configurées sur le plan tactique comme un groupement tactique, avec les éléments de soutien, y compris le transport et la logistique, capables d'entreprendre, dans un délai de 5 à 30 jours, des missions visées à l'article 43 du traité sur l'Union européenne, en particulier pour répondre à des demandes de l'Organisation des Nations unies, et soutenables pour une période initiale de 30 jours, prorogeable jusqu'au moins 120 jours.

Article 2

Les États membres qui participent à la coopération structurée permanente s'engagent, pour atteindre les objectifs visés à l'article 1er :

a) à coopérer, dès l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en vue d'atteindre des objectifs agréés concernant le niveau des dépenses d'investissement en matière d'équipements de défense, et à réexaminer régulièrement ces objectifs à la lumière de l'environnement de sécurité et des responsabilités internationales de l'Union ;

b) à rapprocher, dans la mesure du possible, leurs outils de défense, notamment en harmonisant l'identification des besoins militaires, en mettant en commun et, le cas échéant, en spécialisant leurs moyens et capacités de défense, ainsi qu'en encourageant la coopération dans les domaines de la formation et de la logistique ;

c) à prendre des mesures concrètes pour renforcer la disponibilité,

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l'interopérabilité, la flexibilité et la capacité de déploiement de leurs forces, notamment en identifiant des objectifs communs en matière de projection de forces, y compris en réexaminant, éventuellement, leurs procédures de décision nationales ;

d) à coopérer afin de s'assurer qu'ils prennent les mesures nécessaires pour combler, y compris par des approches multinationales et sans préjudice des engagements les concernant au sein de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, les lacunes constatées dans le cadre du « Mécanisme de développement des capacités » ;

e) à participer, le cas échéant, au développement de programmes communs ou européens d'équipements majeurs dans le cadre de l'Agence européenne de défense.

Article 3

L'Agence européenne de défense contribue à l'évaluation régulière des contributions des États membres participants en matière de capacités, en particulier des contributions fournies suivant les critères qui seront établis, entre autres, sur la base de l'article 2, et en fait rapport au moins une fois par an. L'évaluation peut servir de base aux recommandations et aux décisions du Conseil adoptées conformément à l'article 46 du traité sur l'Union européenne.

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Annexe 3 : Part des dépenses consacrée à des projets collaboratifs de R&T européenne rapportée au total des dépenses de R&T des États membres participants de l’Agence européenne de défense (chiffres exprimés en pourcents)

Source : Defence Data 2009, European Defence Agency, http://www.eda.europa.eu, p. 23.

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30%

40%

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2006 2007 2008 2009

Dépenses de R&T dans des projets européensAutres dépenses de R&T

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Annexe 4 : Tableau comparatif du produit intérieur brut, des dépenses gouvernementales et des dépenses de défense des 27 États membres participants de l’AED (montants exprimés en milliards d’euros)

Source : Defence Data 2009, European Defence Agency, http://www.eda.europa.eu, p. 2.

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5858

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10000

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14000

2006 2007 2008 2009

PIBDépenses gouvernementalesDépenses de défense

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Annexe 5 : Tableau comparatif du produit intérieur brut par habitant et du montant des dépenses de défense par habitant pour l’ensemble des États membres participants de l’AED (montants exprimés en euros)

Source : Defence Data 2009, European Defence Agency, http://www.eda.europa.eu, p. 2.

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20000

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2006 2007 2008 2009

Produit intérieur brut par habitantDépenses de défense par habitant

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Annexe 6 : Répartitions des dépenses de défense parmi les États membres participants de l’AED (exprimés en pourcents)

Source : Defence Data 2009, European Defence Agency, http://www.eda.europa.eu, p. 7.

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5

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20%

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2006 2007 2008 2009

AutresInvestissementsOpérations et maintenancePersonnel

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Annexe 7 : Montants des dépenses consacrées par les 27 États membres participants de l’AED en faveur d’acquisitions d’équipements de défense dans le cadre de coopérations multinationales

Source : Defence Data 2009, European Defence Agency, http://www.eda.europa.eu, p. 14.

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97

22,44

25,45 25,1924,29

1

7,147,076,116,08

0,59 0,74 1,09

0

5

10

15

20

25

30

2006 2007 2008 2009

Acquisitions nationales d'équipements de défense

Acquisitions d'équipements de défense dans le cadre decoopérations européennesAcquisitions d'équipements de défense dans des cadres decoopérations autres qu'européens

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Annexe 8 : Nombre de troupes déployées par rapport à l’ensemble du personnel militaire pour les États membres participants de l’AED

Source : Defence Data 2009, European Defence Agency, http://www.eda.europa.eu, p. 18.

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1940112

83300

1836882

77900

1800707

80177

1668537

67767

0

200000

400000

600000

800000

1000000

1200000

1400000

1600000

1800000

2000000

2006 2007 2008 2009

Total du personnel militaireNombre d'hommes déployés en missions (moyenne)

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Bibliographie

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La coopération structurée permanente (CSP) :

débats et hypothèses de mise en œuvre

f

Alain De Neve est chercheur au Centre d’études de sécurité et défense (CESD) de l’Institut royal supérieur défense (IRSD)

Intégrée au sein du Traité sur l’Union européenne (UE) signé à l’occasion du Sommet de Lisbonne, la coopération structurée permanente (CSP) offre l’opportunité aux membres de l’Union européenne qui le souhaitent d’œuvrer de façon plus étroite en faveur du développement d’instruments de gestion de crises. Et ce dans la perspective de conduire l’UE vers une plus grande autonomie en matière de défense.

Pourtant, de nombreuses interrogations ont rapidement porté sur l’opérationnalité de la CSP. Depuis son adoption au sein du Traité de Lisbonne, plusieurs présidences du Conseil de l’Union européenne se sont évertuées à proposer des critères d’activation de la CSP. Tout l’enjeu réside dans la recherche d’un subtil équilibre institutionnel entre deux visions extrêmes de la CSP : la première privilégiant une efficacité supposée maximale au travers de l’établissement d’un directoire restreint, la seconde étant l’instauration d’un ensemble intégrateur large au détriment, peut-être, de sa mise en œuvre.

La présente étude a pour but de revenir sur les fondements de la CSP et entend clarifier les termes du débat doctrinal qu’elle a suscité.

Pour les publications: www.irsd.be