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IGC(1971)XIV/4 Paris, le 8 mars 2010 Original: anglais LES NOUVEAUX DEFIS POUR TROUVER UN JUSTE EQUILIBRE ENTRE LA PROTECTION DU DROIT D’AUTEUR ET L’ACCES A LA CONNAISSANCE, L’INFORMATION ET LA CULTURE 1 Cette étude a été commandée par l’UNESCO pour la 14ème session du Comité intergouvernemental du droit d’auteur de 2010. L’étude traite de l’intersection entre l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur et présente une vue d’ensemble des défis rencontrés par les auteurs, le titulaires de droits et le public dans l’ère numérique. I. L’intersection entre l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur A. L’intersection entre l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur dans le régime des droits fondamentaux L’accès à l’information et la protection du droit d’auteur sont tous deux protégés par les conventions internationales relatives aux droits de l’homme. Dans ces conventions, sont reconnus (1) le droit de chacun à la liberté d’expression, (2) le droit de chacun de prendre part à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de bénéficier du progrès scientifique et (3) le droit de l’auteur à la protection des ses intérêts moraux et matériels découlant de ses productions scientifiques, littéraires ou artistiques. 1 Cette étude a été préparée par le Dr. Patricia Akester, Center for Intellectual Property and Information Law, Université de Cambridge, à la demande du Secrétariat de l’UNESCO pour la 14 ème session du Comité intergouvernemental du droit d’auteur en juin 2010. Les opinions qui y sont exprimées ne sont pas nécessairement celles du Secrétariat de l’UNESCO.

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IGC(1971)XIV/4 Paris, le 8 mars 2010

Original: anglais

LES NOUVEAUX DEFIS POUR TROUVER UN JUSTE EQUILIBRE ENTRE LA PROTECTION DU DROIT D’AUTEUR ET L’ACCES A LA CONNAISSANCE,

L’INFORMATION ET LA CULTURE1

Cette étude a été commandée par l’UNESCO pour la 14ème session du Comité intergouvernemental du droit d’auteur de 2010. L’étude traite de l’intersection entre l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur et présente une vue d’ensemble des défis rencontrés par les auteurs, le titulaires de droits et le public dans l’ère numérique.

I. L’intersection entre l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur A. L’intersection entre l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur dans le

régime des droits fondamentaux L’accès à l’information et la protection du droit d’auteur sont tous deux protégés par les conventions internationales relatives aux droits de l’homme. Dans ces conventions, sont reconnus (1) le droit de chacun à la liberté d’expression, (2) le droit de chacun de prendre part à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de bénéficier du progrès scientifique et (3) le droit de l’auteur à la protection des ses intérêts moraux et matériels découlant de ses productions scientifiques, littéraires ou artistiques.

1 Cette étude a été préparée par le Dr. Patricia Akester, Center for Intellectual Property and Information Law, Université de Cambridge, à la demande du Secrétariat de l’UNESCO pour la 14ème session du Comité intergouvernemental du droit d’auteur en juin 2010. Les opinions qui y sont exprimées ne sont pas nécessairement celles du Secrétariat de l’UNESCO.

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En ce qui concerne le droit à la liberté d’expression, la Déclaration universelle des droits de l’homme énonce que tout individu à droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de « chercher, de recevoir et de répandre les informations et les idées »2. Ce principe est réaffirmé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et à un niveau régional, par la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne3. Le droit de prendre part à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de bénéficier des progrès scientifiques est énoncé aux articles 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme4 et 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels5. La protection des intérêts moraux et matériels des auteurs découlant de ses productions scientifiques, littéraires et artistiques résulte des mêmes dispositions internationales – l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme6 et l’article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels7. D’un point de vue théorique, les fondements juridiques du droit d’accès à l’information et de la protection du droit d’auteur sont liés au sein d’un cycle perpétuel de découverte, de progrès et de création. La liberté d’expression, d’information, des sciences et des arts est un moteur de ce cycle et, en tant que telle, n’est pas seulement un élément essentiel à la liberté spirituelle de l’homme et à une société démocratique8, il est également vitale pour l’existence d’un environnement d’information, de savoir et de culture dynamique et renouvelé. Ce processus conduit en permanence à la création de productions scientifiques, littéraires et artistiques, qui peuvent accéder à la protection du droit d’auteur. En retour, le droit d’auteur offre un mécanisme d’incitation/de récompense destiné à promouvoir la productivité culturelle. Dès lors, l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur coexistent au sein du même domaine culturel et créatif.

2 Déclaration universelle des droits de l’homme, article 19 : « Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit ».

3 Voir article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. 4 Déclaration universelle des droits de l’homme, article 27(1) : « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent ». 5 Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels mentionne dans son Préambule : « conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme, l'idéal de l'être humain libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien que de ses droits civils et politiques, sont créées » et reconnaît dans son article 15 (1) (a)-(b) le droit de chacun « de participer à la vie culturelle » et « de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications ». 6 Article 27 (2) de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur. » 7 L’article 15 (1) (c) reconnaît le droit de chacun « de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur. » 8 Voir Z.M. Nedjati, Human Rights Under the European Convention (North-Holland, 1978); H. Kanger, Human Rights in the UN Declaration (Graphic Systems AB, 1984).

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En dépit de cette harmonie théorique, ces valeurs peuvent s’opposer en pratique. Un accès illimité à l’information va entraver la protection du droit d’auteur tandis qu’une protection excessive du droit d’auteur fera obstacle à la réception de l’information. Il est donc nécessaire de réconcilier l’intérêt des auteurs en promouvant la créativité à travers la protection des intérêts moraux et économiques des auteurs et titulaires de droit, et l’intérêt du public en encourageant la liberté d’expression et l’accès à l’information et la culture. B. L’intersection entre l’accès à l’information et la protection du droit d’auteur dans le

régime du droit d’auteur La nécessité de trouver un équilibre entre ces intérêts a été intégrée dans les législations relatives au droit d’auteur. Traditionnellement, l’équilibre entre ces droits est atteint (1) en accordant aux auteurs des droits sur leurs œuvres9 et (2) en plaçant des limites au droit d’auteur, par exemple: la distinction idée/expression (en vertu de laquelle la protection par le droit d’auteur s’applique aux expressions et non aux idées)10, le fait que seules les œuvres originales bénéficient d’une protection (ce qui signifie que seules les créations intellectuelles sont protégées)11, la durée limitée de la protection, et l’existence d’exceptions et de limitations au droit d’auteur12. Généralement, les exceptions au droit d’auteur prévues par les législations nationales concernent la diffusion de l’information, les citations, la critique, la recherche scientifique, les établissements pédagogiques, les bibliothèques, les musées, les archives, l’utilisation à titre privé, les personnes handicapées, ainsi que les procédures administratives, législatives et judiciaires.13

9 Par exemple, les pays membres de la Convention de Berne doivent attribuer aux auteurs « les droits spécialement accordés » par la Convention (Convention de Berne, article 5 (1)). Voir Convention de Berne, articles 6bis (droits moraux), 8 (droit de traduction), 9 (droit de reproduction), 11 (droit de communication au public), 11bis (droit de radiodiffusion et de transmission par câble), 12 (droit d’adaptation), 14 (distribution des œuvres cinématographiques). 10 Voir par exemple, accord ADPIC, article 9 (2). 11 Par exemple, la Convention de Berne énonce que « les recueils d’œuvres littéraires ou artistiques tels que les encyclopédies et anthologies qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles sont protégés comme telles, sans préjudice des droits des auteurs sur chacune des œuvres qui font partie de ces recueils » (Convention de Berne, article 2 (5)). 12 La Convention de Berne, par exemple, autorise certaines exceptions au droit d’auteur. En vertu de l’article 10 (2) de la Convention de Berne : « Est réservée aux législations des pays de l’Union la faculté de permettre la reproduction desdites œuvres dans certains cas spéciaux, pourvu qu’une telle reproduction ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ». On parlera par la suite de test en trois étapes. Pour les autres exceptions, voir les articles suivants de la Convention de Berne : 2bis(1) et (2) (certains discours, certaines utilisations de conférences et allocutions), 10 (citation, illustration de l’enseignement), 10bis (certains articles et certaines œuvres radiodiffusées, œuvres vues ou entendues au cours d’évènements d’actualités), 11bis (3) (enregistrements éphémères par des organismes de radiodiffusion). La Convention de Berne admet également certaines limitations sous la forme de licences obligatoires dans ses articles 11bis (2) (droits de radiodiffusion et droits connexes) et 13(1) (droit d’enregistrement des œuvres musicales et de toutes paroles qui les accompagnent). 13 Voir par exemple, article 29 de la Loi sur le droit d’auteur de l’Angola, 1990 ; article 48 de la Loi sur le droit d’auteur du Cap-Vert, 1990 ; Annexe 1 de la Loi sur le droit d’auteur des Seychelles, 1991 ; chapitre III de la Loi sur le droit d’auteur de Madagascar, 1995 ; Partie IV de la Loi sur le droit d’auteur de Maurice, 1997 ; Chapitre V de la Loi sur le droit d’auteur du Brésil, 1998 ; section 1 de la Loi sur le droit d’auteur du Mozambique, 2001 ; et sections 19-23 de la Loi sur le droit d’auteur du Ghana, 2005.

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Dans ce cadre juridique, le public devrait pouvoir utiliser librement (1) les idées (2) les œuvres dépourvues d’originalité (3) les œuvres protégées tombées dans le domaine public et (4) les œuvres protégées, dans certains cas spécifiques, sans autorisation ou compensation. II. Enjeux et pratiques relatifs à la protection du droit d’auteur et l’accès à l’information

A. Les défis de l’Internet pour les auteurs et titulaires de droits a) Vue d’ensemble Avec l’avènement de la révolution numérique, il est devenu facile de stocker, copier, modifier, mixer, transmettre l’information ou de la télécharger ou trouver sur Internet – avec ou sans l’autorisation des titulaires de droits respectifs.14 Ces caractéristiques de l’information numérique ont émergé dans les années 1990, dans le contexte de la technologie Web 1.0 (le web était alors une source d’information relativement statique) et ont été amplifiées avec l’avènement du Web 2.0, le web participatif.. La technologie Web 2.0 facilite le partage d’information et la collaboration entre les internautes (grâce à des technologies comme les blogs, les wikis, les réseaux sociaux en ligne et les mondes virtuels) et permet la création de podcasts, de remixes et arrangements de contenus audio, visuels et textuels. Cependant, du point de vue des auteurs, les possibilités élargies de copier des œuvres, la grande qualité des copies numériques, la possibilité de manipuler des œuvres et la vitesse à laquelle les œuvres piratées peuvent être livrées au public, constitue un risque d’atteinte aux droits moraux15 et économiques16. Dans l’environnement numérique, il est plus difficile pour les auteurs de faire respecter leur décision de divulguer ou non leur œuvre. En effet, sur Internet, les œuvres peuvent être facilement diffusées sans l’autorisation des auteurs, violant ainsi leur droit de divulgation. Même si une œuvre est diffusée avec l’accord de l’auteur, l’œuvre peut être modifiée, avec ou sans son autorisation, et la version modifiée peut être mise à la disposition du public. La modification numérique peut menacer l’intégrité d’une l’œuvre, et facilement entraîner l’altération de cette dernière, ce qui peut compromettre les intérêts légitimes de l’auteur, son honneur ou sa réputation. Les droits économiques sont également concernés, car les œuvres peuvent être reproduites, communiquées, adaptées et distribuées illégalement. b) Les échanges de fichiers Les échanges de fichiers illégaux réalisés sur les réseaux pair-à-pair (P2P) sont une bonne illustration des récents défis auxquels font face les auteurs et titulaires de droits.

14 Voir Pamela Samuelson, “Digital Media and the Law” (1991) 34:10 COMM. ACM 23, 23-26. 15 Les droits moraux découlent automatiquement de la création de l’œuvre et, en général, ne peuvent être transmis. Ils permettent à l’auteur de contrôler les utilisations de ses œuvres, sans tenir compte du transfert éventuel des droits économiques et leur but est d’assurer le respect de la personnalité de l’auteur exprimée dans son œuvre. 16 Les droits économiques constituent « l’élément pécuniaire du droit d’auteur, par opposition au droit moral. Ils impliquent en général que dans les limites fixées par la législation sur le droit d’auteur, le titulaire du droit d’auteur peut subordonner toute utilisation publique de l’œuvre au paiement d’une rémunération » (OMPI Glossaire du droit d’auteur et des droits voisins (Genève, 1980), 95).

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La technologie P2P engrange et optimise les capacités collectives des machines participantes. A cette fin, ces réseaux organisent le partage de contenu directement entre les utilisateurs, évitant ainsi le modèle traditionnel client/serveur, par lequel un serveur fournit un service particulier à une multitude d’utilisateurs. En tant que telle, la technologie P2P renferme un potentiel immense et a été utilisée, par exemple, pour le moteur de recherche Sciencenet17 et Skype (le téléphone sur Internet). Le problème est, bien sûr, que la technologie P2P peut également être utilisée à des fins de violation du droit d’auteur. Selon une étude récente : « Dix ans après l’émergence de Napster, le téléchargement illégal via les réseaux d’échanges de fichiers pair-à-pair est plus étendu qu’il ne l’a jamais été (…) L’augmentation du nombre des internautes en Europe a entraîné l’augmentation du nombre d’utilisateurs de réseaux pair-à-pair. Entre 2004 et 2009, la population Internet au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Espagne et en Italie a augmenté de 45 millions. Par conséquent, même si les chiffres réguliers d’échanges de fichiers musicaux P-to-P sont relativement stables sur cette période, le nombre total d’utilisateurs réguliers de réseaux pair-à-pair est passé de 18,9 millions en 2004 à 29,8 millions en 2009. »18 Les problèmes apparaissent quand les fichiers échangés sur les réseaux P2P contiennent des objets protégés par le droit d’auteur, qui sont alors échangés sans l’autorisation des titulaires de droits respectifs. Quand c’est le cas, plusieurs questions doivent être examinées afin de dresser un état des lieux complet. Les conséquences juridiques peuvent varier d’un pays à l’autre en raison de l’absence d’harmonisation internationale sur différents points et cette étude ne peut que fournir une vue d’ensemble sommaire des questions de droit d’auteur qui sont en jeu. Concernant les violations directes, les téléchargements P2P peuvent violer les droits de reproduction et de mise à disposition. Si un pays a adhéré à l’accord ADPIC de 1994, les téléchargements P2P violeront le droit de reproduction, si un pays a adhéré aux traités de l’OMPI de 1996, les téléchargements P2P violeront à la fois le droit de reproduction et le droit de communiquer l’œuvre au public (qui inclue le droit de mise à disposition).19 Mais l’acte en question peut être couvert par une exception, comme le « fair use » (usage loyal ou utilisation équitable) aux Etats-Unis, le plus restrictif « fair dealing » (acte loyal ou traitement équitable) au Royaume-Uni, ou l’exception de copie privée dans les pays d’Europe continentale.20 Dans ce cas, certains échanges de fichiers peuvent être justifiés par des considérations d’intérêt général.

17 http://141.52.175.10:8080/Network.html?. 18Etude conduite en 2009 par JupiterResearch, pour le compte de l’IFPI, BPI, IFPI Germany, FIMI, Promusicae, London Connected/AIM, IMPALA et MPAA, intitulée « Analysis of the European Online Music Market Development & Assessment of Future Opportunities ». Les données ont été aimablement communiquées, en janvier 2010, par Gabriela Lopes (Director of Market Research, International Federation of the Phonographic Industry / Directrice des Etudes de Marché, Fédération internationale de l’industrie phonographique) après consultation de Shira Perlmutter (Executive Vice-President Global Legal Policy, International Federation of the Phonographic Industry). 19 Voir accord ADPIC, article 9; Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, articles 1(4) et 8 et déclaration commune concernant l’article 1(4) ; Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, articles 7 et 11. 20 Voir loi sur le droit d’auteur des Etats-Unis, 1976, Section 107 ; loi du Royaume-Uni sur le droit d’auteur, les dessins et modèles et les brevets, 1988, sections 29-30 ; Directive 2001/29/CE, article 5(2)(b).

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Il faut également ajouter à cette équation complexe le fait qu’en vertu de l’accord ADPIC et du Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, l’application des exceptions est conditionnée au test en trois étapes. 21Dans les pays où le test en trois étapes n’est pas une simple mise en œuvre de la ratio legis de l’exception, mais est également prévu par une disposition spécifique de la législation, il faudra alors déterminer si le cas en question est conforme au test. Concernant la mise en jeu d’une éventuelle responsabilité indirecte22, il faut rappeler l’absence d’harmonisation internationale relative à la complicité de contrefaçon. On peut alors se demander si une telle harmonisation est nécessaire, et auquel cas, quel serait le modèle juridique à adopter. Dans le contexte du P2P, y-a-t-il violation du droit d’auteur lorsqu’une personne facilite l’échange de fichiers P2P conduisant à la mise à la disposition ou à la reproduction de l’œuvre sans autorisation des titulaires de droits ? Cette personne doit elle être en mesure de prévoir (de manière raisonnable) que le réseau P2P sera utilisé à des fins illégales ? Un fournisseur de logiciel P2P est il uniquement coupable de complicité de contrefaçon quand les échanges P2P sont utilisés à des fins commerciales ? Une violation directe devrait elle être exigée ? Quelles sont les mesures à adopter concernant les fournisseurs d’accès à Internet et les moteurs de recherche ? Si l’on place sur le terrain de la complicité de contrefaçon, il faut également déterminer si le fournisseur de logiciel P2P peut être considéré comme un fournisseur de service et, si tel est le cas, si ses activités sont couvertes par des exemptions.23 Du point de vue de l’application de la loi, il existe des difficultés pratiques dues au fait que certains réseaux P2P, comme GNUnet, MUTE et Ants P2P, contiennent des procédés de « cryptage » intégrés et des modalités d’anonymat, toutes les communications étant prises en charge par des intermédiaires. Ces réseaux sont conçus pour entraver l’identification des fournisseurs et des utilisateurs de données. B. Les mécanismes existants pour répondre aux problèmes des auteurs et titulaires de

droits a) Gestion des droits numériques Les propriétés de l’information numérique ont entraîné des difficultés d’application du droit d’auteur. Ces difficultés ont alors conduit à la mise en place de barrières technologiques24

21 Accord ADPIC, article 13; Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, article 10 ; Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, article 16. 22 Voir, inter alia, W. R. Shiell, “Viral online copyright infringement in the United States and the United Kingdom: the end of music or secondary copyright liability? Part 1: (2004) Ent. L.R. 15(3), 63; Part 2: (2004) 15(4), 107; R. Giblin-Chen, “Rewinding Sony: An inducement theory of secondary liability” (2005) 27(11) E.I.P.R. 428; T. Hays, “The evolution and decentralisation of secondary liability for infringements of copyright-protected works: Part 1” (2006) 28(12) E.I.P.R. 617; T. Hays, “Secondary liability for infringements of copyright-protected works: Part 2” (2007) 29(1) E.I.P.R. 15. 23 Par exemple, aux Etats-Unis, le Digital Millenium Copyright Act de 1998 (DMCA) a ajouté une section 512 au titre 17 du Code des Etats-Unis (United States Code), intitulée « Limitations de responsabilité concernant les contenus en ligne » (Limitations on liability relating to material online). Cette nouvelle section contient des limitations à la responsabilité des fournisseurs de service pour quatre catégories générales d’activité : transitory digital network communications, system caching, information residing on systems or networks at direction of users and information location tools (United States Copyright Act, 1976, section 512 (a)-(d)). Dans l’Union européenne, une initiative législative similaire a été prise par le biais de la Directive relative au commerce électronique qui prévoit certaines exemptions relatives au simple transport, pour les prestataires de service responsable de « caching » et d’hébergement (Directive 2000/31/CE, articles 12-14). 24 Tout au long de cette étude, ces produits technologiques seront désignés sous le terme englobant de gestion des droits numériques (GDN), plutôt que celui de mesures techniques de protection, qui sont une

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destinées à prévenir les copies illégales et contrôler l’accès aux œuvres. Afin d’éviter le contournement de ces barrières technologiques, la loi a mis en place une strate supplémentaire de protection qui interdit leur neutralisation, afin de créer un environnement sécurisé pour la distribution de contenu numérique. Au niveau international, les systèmes GDN sont protégés par le Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et le Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, qui englobent les mesures techniques de protection du droit d’auteur et l’information sur le régime des droits.25 Les traités OMPI ont donné une latitude considérable aux Parties contractantes pour leur mise en œuvre. La généralité des termes employés a permis aux Parties contractantes d’interdire les actes de contournement et/ou le trafic des dispositifs et services de contournement des mesures de contrôle du droit d’auteur et/ou des mesures de contrôle d’accès. Ainsi, par exemple :

• Le Botswana a choisi d’interdire le trafic de dispositifs de contournement des mesures de contrôle du droit d’auteur (mais pas les actes de détournement per se, ni le trafic concernant les mesures de contrôle d’accès)26,

• Le Ghana a rendu illégal le contournement et le trafic de dispositifs de contournement en ce qui concerne les mesures de contrôle du droit d’auteur (mais pas en ce qui concerne les mesures de contrôle d’accès)27

• Les Etats-Unis ont interdit le contournement des mesures de contrôle d’accès et le trafic de dispositifs et services de contournement en ce qui concerne les mesures de contrôle du droit d’auteur et les mesures de contrôle d’accès (mais pas les actes de contournement)28,

• L’Union européenne est allée plus loin, en interdisant le contournement et le trafic des dispositifs et services de contournement, tant en ce qui concerne les mesures de contrôle du droit d’auteur que les mesures de contrôle d’accès.29

b) Dispositifs juridiques de riposte graduée Le mécanisme le plus récent utilisé pour répondre aux problèmes des auteurs et titulaires de droits consiste en l’adoption de dispositifs juridiques de riposte graduée. De manière générale, ces législations sont destinées à prévenir les atteintes en ligne au droit d’auteur en mettant en place un système selon lequel les utilisateurs téléchargeant des contenus sur Internet sans

sous catégorie de GDN. Dans le cadre de cette étude, une GDN contient des mesures techniques de protection (principalement destinées à contrôler l’accès et la copie) et d’autres composants, tels des identifiants (qui permettent d’identifier le contenu de manière unique) et des métadonnées (contenant, par exemple, l’identité du titulaire de droit et le prix d’utilisation de l’œuvre). 25 Voir Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, articles 11-12 et Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, articles 18-19. 26 Loi sur le droit d’auteur du Botswana, section 33 (a). 27 Loi sur le droit d’auteur du Ghana, 2005, section 42 (h)-(i) 28 Aux Etats-Unis, la mise en œuvre des obligations découlant du traité de l’OMPI a été réalisée par le Digital Millenium Copyright Act de 1998 (DMCA). LE DMCA a ajouté un nouveau chapitre 12 au titre 17 de la loi sur le droit d’auteur, intitulé Copyright Protection and Management Systems. La section 1201 de la loi des Etats-Unis sur le droit d’auteur de 1976 contient trois dispositions relatives au contournement des mesures techniques : la section 1201(a)(1)(A), disposition anti-contournement, et les sections 1201(a)(2) et 1201(b)(1), qui sont les dispositions anti-trafic. 29 Directive 2001/29/CE, article 6.

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l’autorisation des titulaires de droits (1) recevront plusieurs avertissements, (2) lesquels seront suivis, si les atteintes persistent, par la suspension de leur accès à Internet. Ces législations sont apparues à Singapour, en Corée du Sud et en France30. Au Royaume-Uni, la possibilité de mettre en œuvre un dispositif de riposte graduée a été proposée dans le projet de loi sur l’économie numérique.31 C. Les défis de l’Internet pour le public De manière générale, du point de vue du public, les préoccupations liées à la vulnérabilité des œuvres au format numérique ont entraîné un système dans lequel la possibilité des utilisateurs de bénéficier des exceptions au droit d’auteur peut être considérablement réduite par les effets combinés des contrats, de la technologie et de la loi. La partie suivante décrit brièvement les principaux points relatifs à ce sujet. a) La neutralisation contractuelle des exceptions au droit d’auteur32 Les instruments juridiques internationaux relatifs au droit d’auteur sont muets concernant la relation entre la liberté contractuelle et le droit d’auteur, qui relève donc des législateurs nationaux. A un niveau régional, dans l’Union européenne par exemple, la législation a jusqu’à présent abordé la relation entre les exceptions au droit d’auteur et les contrats de façon fragmentaire et, d’une certaine manière, contradictoire. La Directive de la Communauté européenne (CE) concernant les programmes d’ordinateur énonce une règle de prévalence de certaines exceptions sur les contrats33, qui est reprise par la Directive base de données34, et selon laquelle les dispositions contractuelles contraires à certaines exceptions prévues par ces directives sont considérées comme nulles et non avenues. Cependant, la Directive sur la société de l’information privilégie, dans le contexte numérique, une règle de prévalence des contrats sur les exceptions. Le considérant 53 de cette directive énonce:

« La protection des mesures techniques devrait garantir un environnement sûr pour la fourniture de services interactifs à la demande […] Dans le cas où ces services sont régis par des dispositions contractuelles, le premier et le deuxième alinéas de l'article 6, paragraphe 4, ne devraient pas s'appliquer (…) »

30 Le communiqué de presse du Conseil constitutionnel français est disponible sur http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/2009/decisions-par-date/2009/2009-590-dc/communique-de-presse.46023.html. 31 Disponible à l’adresse sur http://services.parliament.uk/bills/2009-10/digitaleconomy.html. 32 Voir, inter alia, L. Guibault, Copyright Limitations and Contracts: An Analysis of the Contractual Overridability of Limitations on Copyright (Kluwer Law International, 2002); B. Trompenaars, “Legal Support for Online Contracts” in P.B. Hugenholtz (ed.), Copyright and Electronic Commerce (Kluwer Law International, 2000) 267; H. Schack, “Anti-Circumvention Measures and Restrictions in Licensing Contracts as Instruments for Preventing Competition and Fair Use” (2002) University of Illinois Journal of Law, Technology and Policy 321; J. De Werra, “Moving Beyond the Conflict Between Freedom of Contract and Copyright Policies: In Search of a New Global Policy for On-Line Information Licensing Transactions” (2003) 25 Columbia Journal of Law and the Arts 239. 33 Directive du Conseil 91/250/CEE, article 9. 34 Directive 96/9/CE, article 15.

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Ce principe est repris à l’article 6(4) de la même directive, qui énonce que, pour ce qui est des œuvres fournies en ligne selon des dispositions contractuelles convenues entre les parties, les titulaires de droits peuvent priver les utilisateurs du bénéfice de toutes les exceptions au droit d’auteur.35 Un rapport récent confirme cette impression en examinant les principales pratiques contractuelles pour la fourniture de services en ligne qui se sont développées en Europe, en concluant que :

« Le langage contractuel employé dans la majorité des licences examinées (…) peut être rebutant pour les utilisateurs qui aimeraient utiliser l’objet protégé à d’autres fins légitimes que la seule utilisation non commerciale à titre privé (…) Des clauses contractuelles restrictives peuvent dès lors entraver de telles utilisations légitimes telles que la critique musicale, les études journalistiques et la critique de cinéma, pour n’en nommer que quelques unes.

(…)

Au vu du silence de la Directive société de l’information sur ce point, les seuls recours disponibles contre les clauses contractuelles abusives sont à puiser dans les règles de droit générales, comme celles du droit de la concurrence ou du droit de la consommation, qui sont, à l’heure actuelle, peu adaptées aux besoins des utilisateurs d’œuvres protégées dans l’environnement numérique. »36

b) Neutralisation technologique des exceptions au droit d’auteur37 En pratique, le principe de prévalence de la liberté contractuelle sur les exceptions peut être mis en application par le biais de mesures technologiques. La technologie permet aux titulaires du droit d’auteur de conclure des contrats électroniques non négociés avec les utilisateurs finaux – qui comprendront plus ou moins les termes et conditions contractuelles qui leur sont imposés par les fournisseurs de contenu. Par conséquent, la faculté pour un utilisateur de bénéficier (ou

35 Directive 2001/29/CE, article 6(4) in fine : « Les dispositions des premier et deuxième alinéas ne s'appliquent pas aux œuvres ou autres objets protégés qui sont mis à la disposition du public à la demande selon les dispositions contractuelles convenues entre les parties de manière que chacun puisse y avoir accès de l'endroit et au moment qu'il choisit individuellement. » 36B. Hugenholtz, M. Eechoud, S. Gompel, L. Guibault, et al, “The Recasting of Copyright & Related Rights for the Knowledge Economy”, rapport à la Commission européenne, DG Marché intérieur, novembre 2006, disponible à l’adresse http://www.ivir.nl/publications/other/IViR_Recast_Final_Report_2006.pdf. 37 Voir, inter alia, J.E. Cohen, “Some Reflections on Copyright Management Systems and Laws Designed to Protect Them” (1997) 12 Berkeley Tech. L.J. 161; S. Dusollier, “Electrifying the fence: the legal protection of technological measures for protecting copyright” (1999) 21(6) E.I.P.R. 285; J.E. Cohen, “WIPO Copyright Treaty Implementation in the United States: Will Fair Use Survive” (1999) 21(5) E.I.P.R. 236; J.E. Cohen & D. Burk, “Fair Use Infrastructure for Copyright Management Systems” (Fall 2001) 15:1 Harvard Journal of Law & Technology; K.J. Koelman, “The Protection of Technological Measures vs. Copyright Limitations”, in J.C. Ginsburg and J.M. Besek (eds.), Adjuncts and alternatives to copyright, Proceedings of the ALAI Congress, June 2001, Columbia University School of Law, New York, 2002, 448; S. Dusollier, “Tipping the Scale in Favour of the Right Holders: The European Anti-Circumvention Provisions” in E. Becker, W. Buhse, D. Gunnewig and N. Rump, Digital Rights Management: Technological, Economic, Legal and Political Aspects (Springer, 2003), 462; N. Braun, “The interface between the protection of TPMs and the exercise of exceptions to copyright and related rights: comparing the situation in the United States and the European Community” (2003) 25(11) E.I.P.R. 496; S. Dusollier, “Technology as an imperative for regulating copyright: from the public exploitation to the private use of the work” (2005) 27(6) E.I.P.R. 201; P. Akester, “The political dimension of the digital challenge: copyright and free speech restrictions in the digital age” 2006 (1) I.P.Q. 16; N. Garnett, “Automated rights management systems and copyright limitations and exceptions”, WIPO Document SCCR/14/5, April 2006.

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non) d’une exception peut être restreinte par des contrats de licence, eux-mêmes mis en œuvre par la GDN. Cependant, la GDN peut empêcher des actes illégaux comme des actes autorisés. Récemment, l’auteur de la présente étude a évalué, de manière empirique, l’impact des GDN sur la possibilité des utilisateurs de bénéficier de certaines exceptions au droit d’auteur au Royaume-Uni.38 En se basant sur une série d’entretiens avec des organisations et des personnes impliquées dans l’utilisation d’objets protégés par le droit d’auteur ainsi que dans le développement et la mise en place de la GDN, l’auteur a examiné comment le système fonctionne en pratique. Il a été conclu que certains bénéficiaires d’exceptions, tels que la British Library, les professeurs de cinéma et la communauté des étudiants/chercheurs, sont très affectés par l’utilisation de la GND. Quand le bénéficiaire d’une exception prévue à des fins pédagogiques ne peut en bénéficier ou ne le peut que de manière limitée, on est en droit de penser que l’intérêt du public qui sous tend l’exception est ébranlé – argument qui a trait à l’esprit de la loi plutôt qu’à sa seule lettre. Dans l’ensemble, un fossé s’est creusé entre les attentes des utilisateurs et ce qui est rendu possible par la GDN. Ce fossé pourrait avoir des répercussions considérables dans les pays en développement. La technologie numérique offre de grandes opportunités pour les pays en développement en termes d’accès à l’information, en particulier en ce qui concerne l’éducation et la recherche. Les outils en ligne de formation à distance offrent aux habitants des pays en développement la possibilité d’accéder à l’information, au savoir et à la culture, de l’endroit et au moment qu’ils choisissent individuellement. En effet, il a été souligné que : (…) les chercheurs ou les étudiants des pays en développement auraient la possibilité d’accéder aux mêmes revues, livres et bases de données que leurs homologues des meilleures institutions d’enseignement mondiales. Dès lors, la réalisation universelle du droit au développement, du droit à l’éducation, et du droit à la liberté d’expression, consacrés par les principaux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme, sera renforcée de manière significative à l’ère numérique.39 Mais la consolidation de ces droits fondamentaux n’aura peut être pas lieu, car les systèmes de GDN utilisés pour protéger les contenus numériques (qui permettent de percevoir des revenus pour les utilisations) peuvent réduire l’accessibilité aux ressources éducatives en ligne pour les pays en développement. En pratique, les utilisateurs de ces pays n’auront peut être pas les moyens d’accéder et d’utiliser ces contenus. 38 Voir P. Akester, “Technological accommodation of conflicts between freedom of expression and drm – the first empirical assessment”, 2009, rapport complet disponible sur http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=146941. 39 H. Sun, “Copyright law under siege: an inquiry into the legitimacy of copyright protection in the context of the global digital divide” (2005) 36:2 I.I.C. 192, 192.

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D. Mécanisme existant pour répondre aux problèmes du public La peur que le système actuel du droit d’auteur limite excessivement l’accès à l’information et étouffe l’innovation et la créativité, a entraîné le développement de la philosophie des contenus libres, et plus particulièrement a conduit à l’apparition des Creative Commons.40 L’objectif du mouvement Creative Commons est d’augmenter le nombre de contenus culturels, pédagogiques et scientifiques librement accessibles au public pour « le partage, l’utilisation, l’adaptation et le remixage »41. Cet objectif est atteint grâce à un mécanisme de licences automatique qui permet aux créateurs de se réserver certains droits (tout en autorisant certaines utilisations d’une œuvre) ou de placer leurs œuvres dans le domaine public (en choisissant l’option « sans droits réservés » alternative au droit d’auteur). Avec les licences Creative Commons, les créateurs ont la possibilité de choisir un ensemble de conditions d’utilisation de leur œuvre :

• Attribution – vous autorisez les autres à copier, distribuer, communiquer et exécuter l’œuvre protégée – et les œuvres dérivées basées sur cette œuvre– à la condition de mentionner les crédits conformes à votre demande.

• Partage à l’identique – vous autorisez la distribution d’œuvres dérivées sous les mêmes

conditions que la licence applicable à l’œuvre originale.

• Pas d’utilisation commerciale - vous autorisez les autres à copier, distribuer, communiquer et exécuter l’œuvre protégée – et les œuvres dérivées basées sur cette œuvre– à des fins non commerciales uniquement.

• Pas d’œuvres dérivées- vous autorisez les autres à copier, distribuer, communiquer et

exécuter uniquement les copies verbatim de l’œuvre, pas les œuvres dérivées basées sur cette oeuvre. »42

Toute licence Creative Commons est basée sur la clause d’attribution, mais les créateurs peuvent ensuite décider d’autoriser l’utilisation commerciale, les modifications de l’œuvre ou la diffusion d’œuvres dérivées avec les mêmes libertés que l’œuvre originaire. Les licences Creative Commons n’affectent pas les exceptions au droit d’auteur, ce qui est clairement mentionné par toutes les licences grâce à l’insertion de la disposition suivante (ou d’une disposition similaire) : « Aucune disposition de ce contrat n'a pour intention de réduire, limiter ou restreindre les prérogatives issues des exceptions aux droits, de l'épuisement des droits ou d'autres limitations aux droits exclusifs des ayants droit selon le droit de la propriété littéraire et artistique ou les autres lois applicables ».43

40 http://wiki.creativecommons.org/Legal_Concepts (en anglais); voir également le site Internet français du mouvement Creative Commons : http://fr.creativecommons.org/ 41 http://creativecommons.org/about/what-is-cc. 42 http://creativecommons.org/about/licences. 43http://wiki.creativecommons.org/Frequently_Asked_Questions#Do_Creative_Commons_licences_affect_fair_use.2C_fair_dealing_or_other_exceptions_to_copyright.3F.

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En décembre 2002, Creative Commons a communiqué au public ses premières licences de droit d’auteur. Le nombre d’œuvres sous licences Creative Commons était estimé à un million en 2003, et à cent trente millions en 2008.44

III. Appréciation Du point de vue des auteurs et des titulaires de droits, la technologie numérique a engendré des nouveaux modes d’atteinte au droit d’auteur, dont le dénominateur commun est la facilité, la rapidité, l’absence (virtuelle) de coût et la reproduction et diffusion de masse qu’elle permet. Ceci a naturellement entraîné le recours à des technologies de protection afin d’empêcher les utilisations illégales des œuvres. Par la suite, des dispositions juridiques anti-contournement ont été édictées aux niveaux international, régional et national, car ces technologies protectrices pouvaient être contournées sans entraîner de conséquences. Simultanément, la technologie a facilité l’utilisation de contrats régissant l’usage des contenus numériques- la loi n’étant que de peu d’assistance sur la question de la validité d’un contrat qui empêche ou limite l’exercice d’une exception au droit d’auteur. Du point de vue du public, les inquiétudes fondées concernant la vulnérabilité des œuvres numériques ont entraîné un système dans lequel la faculté pour les utilisateurs de bénéficier des exceptions au droit d’auteur peut être réduite considérablement. En pratique, quand l’accès et l’utilisation de contenus numériques sont sécurisés grâce à la technologie et aux contrats, la possibilité pour un utilisateur de bénéficier des exceptions au droit d’auteur peut être supprimée. Le problème semble résider dans le fait que les titulaires de droits ont acquis des armes juridiques et technologiques pour protéger leurs intérêts face aux dangers du numérique , alors que le public n’a pas bénéficié d’instruments équivalents pour garantir l’accès à l’information à l’ère numérique – avec des répercussions potentiellement plus importantes dans le monde en développement. En effet, les efforts législatifs récents se sont focalisés sur la protection des droits (qui sont les pivots du droit d’auteur) et pas sur les contrepoids destinés à protéger les exceptions (qui complètent ces droits et sont indispensables pour garantir l’accès du public à l’information protégée). Les réponses aux préoccupations concernant la préservation de l’accès du public à l’information ne sont pas venues des législateurs mais de la société civile. Le mouvement Creative Commons, par exemple, est né en réponse au sentiment que l’équilibre actuel penchait trop en faveur des auteurs. La philosophie du contenu libre a fourni aux créateurs une solution alternative au système traditionnel du droit d’auteur, mais ce mouvement et ne peut pas en lui-même éradiqué les problèmes qui sont apparus au sein du système du droit d’auteur.

44 http://creativecommons.org/about/history.

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Le résultat, eu égard au rôle des exceptions (qui réconcilient la protection des intérêts moraux et économiques des auteurs et l’intérêt du public en encourageant la liberté d’expression et l’accès du public à l’information et à la culture) est un déséquilibre –il est alors possible qu’un sentiment de déséquilibre encourage les activités illégales en ligne. Des solutions pratiques sont nécessaires, elles doivent se concentrer sur les problèmes identifiés avec une grande précision en articulant, d’une part, la protection de l’accès à l’information, au savoir et à la culture et, d’autre part, la protection de la créativité.

IV. Solutions envisageables A. Portée et méthodologie des solutions proposées Les propositions suivantes sont fondées sur l’hypothèse que la combinaison récente entre la législation sur le droit d’auteur et deux mécanismes de protection des intérêts des titulaires de droit en ligne, le contrat et la technologie, a affecté la « métaphore de l’équilibre » traditionnellement au cœur du système du droit d’auteur. En tant que telles, les solutions proposées (pour répondre aux défis résultant de la neutralisation contractuelle et technologique des exceptions au droit d’auteur dans l’environnement numérique) n’impliquent pas de repenser, reformuler et reconstruire le système du droit d’auteur existant. Plutôt que d’abandonner des principes du droit d’auteur qui ont fait leurs preuves, les propositions impliquent de recentrer les efforts sur les contrats et la GDN (du para droit d’auteur plutôt que du droit d’auteur) dans leur relation avec le droit d’auteur. Il est suggéré que ces solutions soient mises en œuvre par le biais d’une approche de soft law. Un ensemble de recommandations et de lignes directrices à mettre en œuvre au niveau national serait ainsi fourni aux gouvernements.45 Ceci implique (1) qu’étant donné la compatibilité des solutions proposées avec le cadre juridique international existant en matière de droit d’auteur, il n’est pas impérativement nécessaire de modifier les textes internationaux en question et (2) que les gouvernements nationaux seront dans une meilleure position pour conduire des efforts législatifs reflétant leurs particularités. Bien que non contraignante et donc plus fragile qu’une approche juridique classique, la soft law a plusieurs avantages : elle est plus facile à mettre en œuvre, plus facile à modifier et peut, à terme, être consacrée par des normes juridiques contraignantes au niveau international.46 45 Voir, plaidant pour le recours à des mécanismes de soft law, C. Geiger, “Implementing an International Instrument for Interpreting Copyright Limitations and Exceptions” 40(6) I.I.C. 627; A. Kur and H. Grosse Ruse-Khan, “Enough is Enough - The Notion of Binding Ceilings in International Intellectual Property Protection”, http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1326429; P.B. Hugenholtz and R. Okediji, “Conceiving an International Instrument on Limitations and Exceptions to Copyright”, http://www.ivir.nl/publications/hugenholtz/limitations_exceptions_copyright.pdf. 46 P.B. Hugenholtz and R. Okediji, “Conceiving an International Instrument on Limitations and Exceptions to Copyright”, http://www.ivir.nl/publications/hugenholtz/limitations_exceptions_copyright.pdf.

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B. Solutions possibles concernant la neutralisation contractuelle des exceptions au droit

d’auteur Comme mentionné plus haut, aux niveaux international et européen, la question de l’intersection entre les contrats et les exceptions au droit d’auteur est soit ignorée, soit réglée de manière parfois contradictoire. Dans la pratique, cet environnement juridique a facilité l’exploitation d’œuvres protégées par le biais de licences électroniques de masse qui peuvent écarter les exceptions au droit d’auteur – permettant donc une protection plus forte que celle prévue par le droit d’auteur. Le problème est que le principe de la liberté contractuelle suppose l’égalité des parties, or souvent, les capacités de négociation inégales des parties font que l’une d’elles sera à même de déterminer unilatéralement les termes du contrat. Dès lors, la situation mérite d’être éclaircie quant au point de savoir quels contrats peuvent être utilisés pour neutraliser les exceptions, en gardant à l’esprit que les exceptions destinées à protéger les droits fondamentaux ou fondées sur des considérations d’intérêt public devraient être protégées et défendues dans l’environnement numérique. Il devrait être admis que, dans certains cas, le public doit pouvoir être protégé contre la possibilité d’aliéner la faculté de bénéficier des exceptions au droit d’auteur. Plutôt que d’établir un régime uniforme pour toutes les exceptions, le compromis consisterait à distinguer selon les exceptions en se basant sur leur justification.47 Dans cette optique, lorsqu’une exception a pour objectif principal la protection des droits fondamentaux, comme la liberté d’expression, et la défense des corollaires de cette dernière, comme la diffusion de l’information, sa neutralisation contractuelle ne devrait pas être possible. Il en irait ainsi, par exemple, des exceptions qui autorisent des organismes comme les bibliothèques, les déficients visuels, les chercheurs et les professeurs à effectuer certains actes de reproduction. Des décisions unilatérales concernant les dérogations aux exceptions pourraient être évitées par l’insertion d’une clause considérant comme nulle et non avenue toute disposition contractuelle éliminant ou entravant l’exercice normal de certaines exceptions. Une telle clause pourrait être rédigée comme suit :

47Hugenholtz, “Fierce Creatures. Copyright Exemptions: Towards Extinction?”, http://www.ivir.nl/staff/hugenholtz.html. Voir aussi S. Dusollier, Y. Poullet and M. Buidens, “Droit d’auteur et accès à l’information dans l’environnement numérique” [« Copyright and Access to Information in the Digital Environment »], http://unesdoc.unesco.org/images/0012/001238/123894fo.pdf et L. Guibault, “Nature et portée des limitations et exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins au regard de leurs missions d’intérêt general en matière de transmission des connaissance: l’avenir de leur adaptation à l’environnement numérique » [“The Nature And Scope Of Limitations And Exceptions to Copyright And Neighbouring Rights With Regard To General Interest Missions For The Transmission Of Knowledge: Prospects For Their Adaptation To The Digital Environment”°, E- Bulletin du droit d’auteur (octobre-décembre 2003) 9.

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« Toute disposition contractuelle dont l’objet est d’éliminer ou d’entraver l’exercice normal des exceptions destinées à protéger les droits fondamentaux ou fondées sur des considérations d’intérêt public est réputée nulle et non avenue, sans préjudice du droit pour les parties de s’accorder sur leurs modalités d’exercice respectives, notamment sur le montant d’une rémunération équitable ».48

Ce principe n’empêcherait pas les parties de conclure des accords relatifs aux modalités d’exercice des exceptions, tant que de tels accords, fondés sur la bonne foi, n’écartent pas ou n’entravent pas l’exercice normal des exceptions. Un accord pourrait spécifier, par exemple, que l’utilisateur peut bénéficier d’une exception en échange d’une rémunération équitable. C. Solutions possibles concernant la neutralisation technologique des exceptions au

droit d’auteur49 La proposition suivante est fondée sur l’hypothèse que les bénéficiaires des exceptions destinées à garantir des droits fondamentaux ou fondées sur des considérations d’intérêt public (ci-après dénommées exceptions privilégiées) ont besoin d’accéder aux œuvres protégées par GDN pour être en mesure d’accomplir certains actes autorisés, et ce en dépit de la protection juridique accordée aux systèmes de GDN ( et donc de bénéficier de certaines exceptions au droit d’auteur rattachées à des libertés fondamentales). Un procédé adéquat est donc nécessaire afin de faciliter l’accès aux œuvres par les bénéficiaires d’exceptions privilégiée et de permettre un exercice optimal de ces exceptions. Il faudrait alors prévoir l’accès à des portails d’œuvres. L’accès à des portails d’œuvres serait rendu possible grâce à un système de dépôt de GDN, grâce auquel les moyens de permettre aux bénéficiaires d’exceptions privilégiées d’en tirer avantage (comme la version non protégée de l’œuvre ou une clé de décryptage) seraient déposés et disponibles grâce à l’accès à des portails d’œuvres prévu dans des conditions spécifiques.50 Concernant l’étendue de cette solution, les bureaux nationaux du droit d’auteur (ou tout autre organisme approprié) pourraient mener des auditions régulières et créer des obligations de dépôt (concernant certaines catégories particulières d’œuvres et d’utilisateurs) quand il s’avère que les bénéficiaires d’exceptions destinées à garantir les droits fondamentaux ou fondées sur des considérations d’intérêt public sont très affectés par la GDN dans leur faculté d’accomplir certains actes légaux.

48 Ce principe est inscrit, par exemple, dans la Directive Programmes d’ordinateur (Directive du Conseil 91/250/CEE, article 9), dans la Directive Bases de données (Directive 96/9/CE, article 15), et à l’article 75(5) 49 La proposition suivante est fondée sur la solution exposée dans P. Akester, “Technological accommodation of conflicts between freedom of expression and DRM – the first empirical assessment”, 2009, rapport complet disponible à l’adresse http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1469412. 50 Pour une analyse de la compatibilité de cette solution avec l’article 5(2) de la Convention de Berne, voir P. Akester, “Technological accommodation of conflicts between freedom of expression and DRM – the first empirical assessment”, 2009, rapport complet disponible à l’adresse http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1469412.

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En pratique, la création d’un accès à des portails d’œuvres nécessite la sélection d’un organisme de dépôt dans chaque pays, la mise en place d’une procédure permettant un accès rapide aux œuvres pour les bénéficiaires d’exceptions d’ordre public et l’établissement de mesures d’encouragement afin d’assurer l’efficacité du système. Les agences de dépôt sélectionnées dans chaque pays pourraient être les mêmes que les organismes de dépôt légal désignés par la loi, de façon à ce qu’une bibliothèque principale de dépôt devienne l’organisme auprès duquel ces moyens sont déposés (et l’organisme fournissant l’accès à ces moyens). Concernant la procédure permettant un accès rapide aux œuvres pour les bénéficiaires d’exceptions privilégiées, elle pourrait comporter trois étapes simples : (i) requête (ii) examen et authentification (iii) accès immédiat. Le bénéficiaire d’une exception d’ordre public constatant qu’une GDN empêche ou limite la jouissance de cette exception présenterait une demande auprès de l’organisme national concerné, pour obtenir un accès en ligne aux moyens nécessaires à l’exercice des exceptions d’ordre public en question. Comme dans le système d’auto-identification pour l’accès aux bibliothèques, le bénéficiaire aurait à fournir des éléments d’identifications (tels que nom complet et adresse e-mail), mentionner la justification légale de l’utilisation (pédagogique par exemple) ainsi que le pays d’utilisation. Enfin, le bénéficiaire aurait un accès immédiat aux moyens de bénéficier de cette exception. Afin de minimiser les risques d’abus, toutes les copies délivrées par le biais de cette procédure pourraient être marquées individuellement par un watermark, et la distribution volontaire de ces copies en connaissance de cause à des personnes à qui la certification ne s’applique pas pourrait constituer une infraction. Ceci devrait garantir que les copies des œuvres obtenues légalement sur les portails nationaux d’accès aux œuvres ne circulent pas illégalement sur l’Internet – si c’est le cas, elles seront considérées comme des copies illégales. Des difficultés liées au respect de la vie privée pourraient se poser. Afin d’identifier les copies numériques individuelles sans compromettre la vie privée des utilisateurs, les copies marquées devraient être numérotées, sans identifier le bénéficiaire. Seules les agences de dépôt auraient accès aux données permettant de rapprocher les numéros des personnes bénéficiaires, information qu’elles auraient la possibilité de fournir aux autorités chargées de l’application de la loi dans des cas spécifiques. L’efficacité de la solution proposée pourrait être garantie par une mesure d’encouragement : une exception à l’interdiction de contournement des GDN pourrait être prévue dans les cas où un bénéficiaire ne peut jouir d’une exception destinée à garantir les droits fondamentaux ou fondée sur des considérations d’intérêt public, mais qu’aucun moyen n’a été déposé auprès de l’autorité compétente. Cette mesure d’encouragement possède une dimension pratique et utile si elle s’adresse à la fois aux bénéficiaires et aux agences de dépôt. Elle permettrait à une agence de dépôt, en l’absence d’un tel dépôt, de fabriquer la copie numérique d’une œuvre afin d’en garantir l’accès national sur le portail des œuvres. Elle serait également un mécanisme précieux pour les bénéficiaires d’exceptions destinées à garantir les droits fondamentaux ou fondées sur des considérations d’intérêt public, tels que la communauté des professeurs et étudiants/chercheurs qui rencontrent des difficultés pour recueillir des extraits de films protégés par des GDN et sont donc conduits à effectuer des actes isolés à des fins académiques et pédagogiques. Il est donc proposé que cette exception profite à la fois aux bénéficiaires et aux agences de dépôt.

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V- Autres questions Il existe une certaine incertitude juridique concernant le système de la riposte graduée. Si son objectif d’encourager les internautes à se tourner vers les services légaux de musique en ligne et de dissuader les récidivistes est louable, des doutes subsistent quant à la méthode employée. La sanction éventuelle consistant en la suspension de l’accès à Internet des auteurs d’infractions répétées peut porter atteinte aux droits de l’homme – si l’accès à Internet est vu « en tant que moyen de promouvoir le respect des droits de l’homme définis aux articles 19 et 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ».51 Dès lors, un travail supplémentaire devrait être mené sur le sujet, afin d’examiner, entre autres, si oui et comment la riposte graduée pourrait porter atteinte aux droits de l’homme, et de proposer des solutions conformes aux principes du droit d’auteur et des droits de l’homme.

VI – Recommandations Les droits sont indissociables des exceptions- celles-ci étant un élément essentiel du compromis entre les différents intérêts associés au droit d’auteur. La combinaison récente de la législation sur le droit d’auteur, du contrat et de la technologie, contribue à l’affaiblissement des exceptions dans le monde numérique, et affecte donc la « métaphore de l’équilibre » traditionnellement consacrée par le système du droit d’auteur. Cet équilibre sera restauré une fois tous les intérêts en jeu protégés de manière équitable : les droits qui sont les pivots du droit d’auteur et les exceptions qui complètent ces droits (et sont indispensables pour assurer l’accès du public à l’information protégée).52 Ceci n’implique pas d’abandonner des principes du droit d’auteur qui ont fait leurs preuves. Les problèmes résultant de la neutralisation contractuelle et technologique des exceptions au droit d’auteur dans le monde numérique peuvent être résolus sans ré- évaluer, repenser, ou reformuler le système du droit d’auteur existant. Au contraire, il s’agit de recentrer les efforts sur les contrats et la GND (du para droit d’auteur plutôt que du droit d’auteur) dans leur intersection avec le droit d’auteur. Sur ces bases, les recommandations émises sont les suivantes (basées sur les solutions proposées ci-avant) : 1. Pour éviter la neutralisation contractuelle des exceptions au droit d’auteur, il pourrait être

prévu que toute disposition contractuelle écartant ou entravant l’exercice normal de certaines exceptions (celles destinées à la protection des droits fondamentaux ou fondées sur des considérations d’intérêt public, ou « exceptions privilégiées ») seront considérées comme nulles et non avenues.

51 Recommandation de l’UNESCO sur la promotion et l’usage du multilinguisme et l’accès universel au cyberespace, 6. 52 Ceci est en accord avec la Recommandation de l’UNESCO sur la promotion et l’usage du multilinguisme et l’accès universel au cyberespace, 23, qui réaffirme le juste équilibre entre les intérêts des titulaires de droit d’auteur et ceux du public : « Les Etats membres devraient entreprendre, en étroite coopération avec toutes les parties intéressées, la mise à jour de la législation nationale relative aux droits d'auteur et son adaptation au cyberespace, compte pleinement tenu du juste équilibre entre les intérêts des auteurs, des titulaires de droits d'auteur et de droits voisins et ceux du public consacrés dans les conventions internationales relatives au droit d'auteur et aux droits voisins ».

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2. Pour éviter la neutralisation technologique des exceptions au droit d’auteur, un système de dépôt de GDN pourrait être crée, grâce auquel les moyens permettant aux bénéficiaires d’ « exceptions privilégiées » d’en tirer avantage (comme par exemple la version non protégée d’une œuvre ou une clé de décryptage) seront déposés et disponibles grâce à l’accès à des portails d’œuvres autorisé dans des conditions spécifiques [cette solution implique des mesures d’encouragement au dépôt et la mise en place de sanctions en cas d’abus du système].

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Table des abréviations « Convention de Berne ». Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, texte de Paris, 1971. « Directive programmes d’ordinateur ». Directive du Conseil concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (Dir. 91/250/CEE). « Directive bases de données ». Directive concernant la protection juridique des bases de données (Dir. 96/9/CEE). « Convention européenne des droits de l’homme ». Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rome, 1950. « Directive société de l’information ». Directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (Dir. 2001/29/CE). « Pacte international relatif aux droits civils et politiques ». Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966. « Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ». Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966. « Recommandation de l’UNESCO sur la promotion et l’usage du multilinguisme et l’accès universel au cyberespace ». « Recommandation sur la promotion et usage du multilinguisme et l’accès universel au cyberespace », adoptée par la Conférence Générale de l’UNESCO en 2003 (32ème session). « Accord ADPIC ». Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Marrakech, 1994. « Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur ». Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, Genève, 1996. « Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes ». Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, Genève, 1996. « Convention universelle sur le droit d’auteur ». Convention universelle sur le droit d’auteur, Acte de Paris, 1971. « Déclaration universelle des droits de l’homme ». Déclaration universelle des droits de l’homme, Paris, 1948.

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Table des législations Législation internationale Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, texte de Paris, 1971. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 1966. Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966. Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, Marrakech, 1994. Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, Genève, 1996. Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, Genève, 1996. Convention universelle sur le droit d’auteur, Acte de Paris, 1971. Déclaration universelle des droits de l’homme, Paris, 1948. Législation régionale Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, Nice, 2000. Directive du Conseil concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur (Dir. 91/250/CEE). Directive concernant la protection juridique des bases de données (Dir. 96/9/CEE). Directive relative à certains aspects juridiques du commerce électronique dans le marché intérieur (Dir. 2000/31/CE) Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, Rome, 1950. Directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (Dir. 2001/29/CE). Législation nationale Loi sur le droit d’auteur de l’Angola, 1990. Loi sur le droit d’auteur du Botswana, 2005. Loi sur le droit d’auteur du Brésil, 1998. Loi sur le droit d’auteur du Cap-Vert, 1990. Loi sur le droit d’auteur du Ghana, 2005. Loi sur le droit d’auteur de Madagascar, 1995.

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Loi sur le droit d’auteur de Maurice, 1997. Loi sur le droit d’auteur du Mozambique, 2001. Loi sur le droit d’auteur du Portugal, 1985. Loi sur le droit d’auteur des Seychelles, 1991. Loi sur le droit d’auteur, les dessins et modèles et les brevets du Royaume-Uni, 1988. Loi sur le droit d’auteur des Etats-Unis, 1976.