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Intervention mme danielle mitterrand 01-02-11

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Page 1: Intervention mme danielle mitterrand 01-02-11

Extraits de l’intervention de Madame MITTERRAND, le 1er

février à Périgueux

« Nos arguments on été construits et élaborés au cours d’un longue année à partir des témoignages, des

expériences, des rencontres qui nous ont amenés à nous poser la question primordiale qui est de savoir ce que

vous pensez, ce que vous souhaitez quant à la gestion de l’eau.

Pour cela, il faut commencer par savoir de quoi nous parlons quand on parle de l’eau. Je parcours le monde entier et la France dans tous les sens et je me rends compte qu’il y a une prise de

conscience concernant le problème qui se pose : pourquoi ces crises répétitives ? Allons nous pouvoir continuer

à vivre sur une planète qui se dégrade et où l’eau potable viendra à manquer ?

L’eau ne nous manquera jamais –la planète est faite à 90 % d’eau- mais c’est de l’eau de mer et il nous faut de

l’eau potable.

Pourrons nous perpétuellement assainir les eaux usées pour une consommation suffisante ?

Sommes nous vraiment menacés ? Comment la Fondation a-t-elle été amenée à se focaliser sur la défense du statut NATUREL de l’eau, alors que

ses statuts lui commandent de défendre les droits de l’homme et des peuples ? Nos recherches nous ont

enseigné sur la façon dont s’installe la vie sur notre planète. Le vivant résulte de la conjonction extrême des 4

éléments : l’eau, la terre, l’air, le feu (soleil). Il faut y ajouter un maître d’œuvre de la solidarité de ces 4

éléments qui donnent la vie : le 5° élément, c’est le temps.

La nature a su prendre le temps de rénover, reconstituer les éléments usés. Elle a su filtrer l’eau, elle a pris des

centaines et des milliers d’années pour le faire.

L’homme a considéré que le temps, c’était avant tout de l’argent et que pour ne pas en perdre, il fallait aller

vite. Je me souviens d’une anecdote révélatrice : nous avions invité des indiens de Colombie à Paris (les Kogies)

qui n’avaient jamais quitté leurs montagnes. Ils ont été émerveillés par la ville et on les a promenés. Ils ont

regardé la Seine et déclaré « Comment la cité peut-elle continuer à vivre avec un fleuve mort ? ». Plus tard, on

leur a fait prendre le TGV à la gare de Lyon. On les sentait inquiets sous les tunnels et mal à l’aise dans le wagon

lancé à grande vitesse. Ils ont demandé « Pourquoi creusez-vous la terre ? Ça la blesse ; la terre souffre lorsque

vous lancez des bolides ! ». Ce à quoi leur fut répondu « parce que nous voulons aller plus vite !» ; « Et jusqu’où

voulez vous aller plus vite ? »

Nous sommes la seule espèce, par notre intelligence, à pouvoir analyser, à faire le rapport entre toutes ces

données pour mieux envisager ou construire une société.

On peut évoluer, croire en l’intelligence de l’homme, distinguer ce qui est incontournable pour vivre : la

préservation des 4 éléments, puisque ce sont les biens communs à partager, des biens communs du vivant.

On ne peut pas s’approprier la vie

On ne peut pas vendre la vie

Quand on vend une source, on prive de vie ceux qui ne peuvent pas répondre aux impératifs de rentabilité.

La charte du porteur d’eau (http://www.france-libertes.fr/IMG/pdf/charte_des_Porteurs_d_eau.pdf)

n’est pas une idée venant uniquement de l’association, mais elle est issue d’un travail de centaine d’associations

qui se sont rencontrées au hasard des recherches et qui ont fini, ensemble, par écrire une déclinaison en 10

points de l’engagement citoyen vis-à-vis de l’eau.

3 éléments fondamentaux sous tendent cette charte :

1. L’eau n’est pas une marchandise

2. Elle doit être rendue à la nature dans un état suffisant pour qu’elle soit consommable et utilisable

3. Elle ne peut être gérée que par les pouvoirs publics.

On doit construire le monde de demain sur cette approche politique : la gouvernance.

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On gouverne bien ou on gouverne mal ! Ce sont des arguments dus à une expérience qui portent à réfléchir. Ce

qui nous dérange, c’est un système qui doit être perpétué. L’homme qui sait qu’il se trompe ne doit il pas

revenir sur son erreur ? C’est une attaque immorale et violente de la vie. La vie a perdu son sens. L’humanité

nous entraîne vers un chaos insupportable.

Comme beaucoup d’autres citoyens conscients de la dégradation des ressources naturelles et désireux d’agir au

sein de la société civique, nous nous sommes engagés dans la lutte. Il est immoral et inacceptable de

s’approprier le droit de vie ou de mort sur ceux qui ne peuvent pas payer.

La vie est fille de l’eau

La mission de l’eau ? Elle anime la vie de tout ce qui se manifeste dans l’environnement. Elle est le lien de

solidarité aussi bien que de dépendance avec la vie des autres. L’eau est un dénominateur commun de toutes

les formes de vie. La vie est fille de l’eau : bactéries, plantes, animaux.

Pourtant, la vie ne consomme pas l’eau, elle ne la détruit pas, elle la recycle : infiltration, évaporation, nuage,

pluie. La nature régénère les eaux usées pour une nouvelle consommation.

L’eau est partout où se trouve la vie, et la vie, partout où se trouve l’eau. Elle transporte l’énergie du sol, elle

transporte les aliments jusqu’au cellules.

L’eau est facteur de paix : autour des marigots, les bêtes s’abreuvent le soir et ne s’attaquent pas, elles respecte

le temps de boire.. Les villes sont toujours construites au bord des fleuves, c’est un facteur de solidarité et de

paix. Elle nous aide à nous sauver de la barbarie inhérente à l’humanité.

Le 21e siècle est annoncé comme celui de la guerre de l’eau.

Cette guerre est déjà commencée. En Palestine, en Irak… Pourquoi pensez-vous que les plus importantes bases

militaires sont implantées à côté des plus grandes nappes phréatiques du monde ? Pourtant

L’eau, universelle et libre n’appartient à personne. On comprend qu’elle ne peut pas être une marchandise pas

plus que l’air que nous respirons, le soleil ou la gravitation universelle. Elle n’a pas de prix. L’eau n’est pas un

quelconque bien issu d’une production industrielle ou agricole. Si la planète est faite de 90 % d’eau mais elle

n’en fabrique pas. Nous n’en n’aurons jamais plus. On ne fabrique pas l’eau. On la puise là où elle se trouve.

Avant, les hommes respectaient l’eau comme une richesse naturelle permanente et libre. Maintenant c’est un

objet de négoce considéré comme un bien économique obéissant aux lois du marché. C’est apparu dès le 19e

siècle avec l’essor du capitalisme -qui ne voyait rien d’immoral à cela. Ce qui a eu pour conséquence de lier

l’accès à l’eau au pouvoir d’achat et de lier le droit de vivre à une forme de comptabilité : faire payer l’eau c’est

priver le droit de vivre. Est-ce acceptable ?

A Soweto (près de Johannesburg) une entreprise privée (Suez)( http://www.passant-ordinaire.com/revue/48-

611.asp) considérait que les fontaines publiques représentaient une concurrence déloyale. Elle a voulu les

remplacer par des distributeurs payants. Ce qui signifiait que ceux qui ne pouvaient pas payer étaient

condamnés à mourir de soif. Heureusement, l’indignation fut telle que Suez renonça.

Mais cela prouve jusqu’où on peut aller.