Mitterrand IFM_no14___Mep_08_BAT

Embed Size (px)

Citation preview

La lettrede lInstitut Franois MitterrandP ublic ation tr imestr iel le N 14. Dcembre 2005

Franois Mitterrand, les livres, les crivainsPar Huber t Vdrine

F

ranois Mitterrand : lhomme politique par excellence. Et pourtant, pour paraphraser Julien Gracq, il parat avoir pass sa vie en lisant (toutes ces photos de lui lisant, en avion, dans une chaise longue Latche, un livre la main sur sa photo officielle), et en crivant (son stylo Waterman, la feuille rature dencre bleue dans le halo de la lampe, les grands discours, prs de vingt ouvrages, une correspondance prive considrable). Franois Mitterrand, lhomme multiple. La passion de la lecture la saisi enfant et ne la plus lch. Lectures de son milieu, et de son temps, puis dcouvertes libres au gr de la vie, relectures, got des reliures, des livres anciens, des ditions originales, des librairies. Dans divers entretiens, il retrace avec plaisir et en dtail pour ses interlocuteurs la gnalogie de ses gots littraires, trs tranchs. Au cur des crises comme en voyage officiel, il garde porte de main, dans sa mallette, un livre ancien, le plus souvent du XIXe sicle, quil lit ou relit, et dans lequel il sabsorbe. Sa curiosit insatiable le mne des livres aux crivains, et des gens quil rencontre leurs livres. La rencontre avec les grands crivains prolonge cette passion. Et dabord celle avec Franois Mauriac quand, jeune homme, il vient de monter Paris depuis Angoulme, suivie de tant dautres Visites qui ne cesseront jamais, comme leurs proches, leurs veuves, leurs tombes, leurs maisons. De nombreux crivains, il fera des amis (Marguerite Duras, Franoise Sagan, Paul Guimard, Benote Groult entre autres), des collaborateurs (Paul Guimard encore, Rgis Debray, Erik Orsenna), les dcorera, les invitera dans des grandes circonstances (Garcia Marquez, Styron, Yachar Kemal, pour son entre en fonction), dbattra avec eux (Marguerite Duras, Elie Wiesel, Jean Guitton),

projettera daller avec Yachar Kemal chez lui. Ce quil cherche auprs deux ? Sans doute la mme chose quauprs de frre Roger, de Taiz : Il me fait du bien. Il marque de lintrt pour tous ceux qui, mme non-crivains, crivent. Il est rare que sa conversation nvoque pas un livre, un auteur, un diteur, les nouvelles ou les jeux du monde littraire. Les crivains, les diteurs le savent. crivain lui-mme ? Il en a peut-tre la tentation entre vingt et trente ans. Mais lattrait de la politique et de lHistoire est le plus fort, ses dons dans ces domaines trop clatants, et il est conscient quil ne sera pas Chateaubriand. Mais il a le sens de la phrase, du style travaill (parfois il pense : trop), du mot juste, de la concision. Il fait la chasse aux adverbes, rejette la fausse monnaie de la langue (du genre : relever les dfis de lan 2000 ), a horreur des anglicismes ainsi que des jargons quels quils soient, technocratique ou mdiatique, soit linfra-langage actuel. Il aime la langue franaise, rve de francophonie (il en a cr les sommets et un Haut Conseil o se ctoient de grands crivains). Sa vie durant, Franois Mitterrand na cess dagir, certes, mais aussi de lire des milliards de mots de chercher, dcouter, de mditer, de dialoguer avec les crivains vivants comme avec un peuple dombres, les crivains du pass. Nous avons essay dans ce numro den tmoigner. Au risque dune certaine nostalgie, ou inquitude. Parlant avec Marguerite Duras, en 1985, Franois Mitterrand se dit frapp de la perte brusque par les gyptiens de lre romaine, aprs des millnaires de transmission ininterrompue, de la signification des hiroglyphes. Aprs quelques sicles, le monde du livre et de lcriture nest-il pas en train de disparatre son tour sous nos yeux, sous les coups de lcran chronophage, de la communication vide et du multimdia ? Esprons que cet hommage Franois Mitterrand, amoureux des livres et des mots, ami des crivains, nen est pas un un monde condamn. Faisons en sorte que cela ne le soit pas.

1

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

Littrature, la deuxime tentation de Franois MitterrandDs sa premire jeunesse, puis lorsquil tait tudiant et jusquau terme de sa vie, Franois Mitterrand na jamais cess de se passionner pour la littrature et pour ceux qui sy consacraient. Il lit normment, de tous les genres, il ne cesse jamais dcrire et de publier, son rythme. Il frquente les crivains de son temps qui lont touch et qui, souvent, deviendront des amis. Homme politique, il utilise le livre pour faire connatre ses ides. Dabord sur un sujet qui va bientt devenir brlant avec Aux frontires de lUnion franaise , en 1953. Mais le premier de ses ouvrages avoir connu une relle notorit est son pamphlet Le Coup dtat permanent publi en 1964. Beaucoup plus tard, il proposera deux ouvrages un public qui na cess de slargir : La Paille et le grain , en 1975, puis LAbeille et larchitecte , en 1978. Au total, il nous a laiss prs de vingt livres.

Le paysage ne commencera sanimer vraiment quavec son arrive au collge en tant que pensionnaire. En seconde, je crois, un professeur me fit connatre la NRF. Jen discutais avec mon vieil ami, Claude Roy, de Jarnac comme moi et qui allait, lui, au lyce dAngoulme. Que dveils, que de conversations ! Grce lui, jentrai dans un monde paradisiaque o le style tait roi. 2 Jai d commencer par lire les auteurs quon me mettait sous la main : Balzac, Stendhal, Flaubert. Puis dans les annes 1930, jai opr des choix grce la NRF qui signalait les ouvrages de Gide, Montherlant, Bernanos, Claudel, Mauriac, Drieu la Rochelle () Dans ma jeunesse, quand la mode tait aux romans anglais, je lisais Rosamond Lehmann ou Charles Morgan. Plus tard, jai dcouvert Faulkner, Hemingway. Et plus tard et cest tellement mieux , Joyce.

condamnations fusaient sans mnagements. la sortie de la Grande Guerre, dans les incertitudes qui marquaient le destin franais, ce jeu ancien stait violemment exacerb. Au moment o il arrive Paris, o il dcouvre le tumulte du Quartier latin, ltudiant Franois Mitterrand ne peut pas passer ct de ce bouillonnement. Javais deux ides-forces en tte, raconte-t-il dans LAbeille et larchitecte. Lune tait daller au Vel dHiv, temple des courses cyclistes. () Mon autre ide tait de rencontrer les crivains que, pour des raisons qui nont pas toutes rsist au temps, jadmirais. Quand jcris rencontrer , on me croira si je prcise que mon ambition se bornait au dsir de les voir et de les entendre sans tre connu deux. Je me rendis ainsi la Mutualit o Gide, Malraux, Benda, tenaient des meetings antifascistes, lUnion pour la vrit que frquentait Bernanos, au Collge de France pour les leons de Valry. Lun des personnages qui mintrigua, qui mintressa le plus fut Julien Benda. Avec son allure de gros chat angora, sa faon dtre et de sexprimer nveillait ni sympathie ni chaleur. Mais lexigence intellectuelle, labsence de tout effet, de tout accent, le refus dentraner ladhsion autrement que par la rigueur intrieure du discours fascinaient. 5 Jai connu bien des camarades qui avaient une sorte de gnie pour, trois mois aprs leur arrive Paris, confie-t-il dans la mme priode Pierre Boncenne, entrer dans lintimit des crivains quils admiraient. Je navais pas ce don-l : trop de timidit, pas assez dentregent. Je me contentais donc dcouter. 6 Sil se tient distance, remu seulement par sa curiosit, il en est un quil approche pourtant directement : Franois Mauriac. Mauriac tait un de nos proches, par la terre et par lesprit. Ami de ma famille, il fut lun des correspondants fournis par ma mre que jallai voir quand je dbarquai Paris. Je lai bien connu et aim et lui garde de la tendresse.

Ceux qui brisent annoncent ceux qui crentCette ouverture ne lloignait pourtant pas de ce qui tait une des bases de lducation cette poque : ltude du latin. Jaimais beaucoup le latin, qui a beaucoup contribu la formation ou la dformation de mon style, confiet-il Elie Wiesel, au point mme quaujourdhui jaurais tendance dplorer que le latin ft si peu enseign, parce quil me semble que le franais, proche dans son rythme du rythme latin et dont nombre de mots trouvent leurs racines dans le latin, a t dconnect de ses origines et sest ainsi appauvri. () Japprenais par cur des passages entiers dHorace ou de Virgile, je les dcomposais, je les dcoupais daprs les rythmes latins presque mcaniquement. 3 lev dans la culture classique o la composition et la rcitation latine ordonnaient le nombre et la phrase, prcise-t-il encore dans LAbeille et larchitecte, cela a structur mon langage. Trop parfois : jai conscience quil faut briser le moule. Ceux qui brisent annoncent ceux qui crent. 4

Le rendez-vous de lesprit et du curvoquant sa jeunesse dans un long entretien avec Elie Wiesel 1, la question : Aviez-vous lambition dtre un grand crivain ? , Franois Mitterrand rpond : Si javais eu une ambition, elle aurait t celle-l. Mais je me voyais plutt dans la peau dun tribun de la Convention : jcrivais les discours leur place. Cette confession rsume le balancement qui a ensuite rythm une partie de sa vie publique : tribun, il la t, avec brio, sans jamais renoncer la tentation de luvre crite. a jeunesse, vcue pour lessentiel la campagne, sest droule dans un autre sicle , selon son propre aveu. Les bruits du monde et les sursauts de lactualit ne lui parvenaient que dune faon assourdie et ntaient comments autour de lui quavec une grande retenue. Dans cette ambiance, les livres dune bibliothque familiale relativement bien garnie taient ses principales fentres sur lextrieur. Il y dcouvrait surtout les grands auteurs de la deuxime moiti du XIXe sicle.

Dans le tumulte du Quartier latin David contre les gants 1934 : il monte Paris pour entrer luniversit. Il est difficile de bien se reprsenter aujourdhui la place quoccupait alors la littrature, cette trange passion nationale, dans la socit franaise. Elle tait alors accompagne de ses cohortes de prtres et de gendarmes. la moindre tincelle elle devenait affaire dtat, traversant, stimulant ou simulant un dbat politique portant sur lessence et lexistence de la communaut nationale. En son nom, dans cette arne si particulire, les interpellations, les applaudissements et les Au mois de juin 1936, il rencontre un certain Jean Delage qui suit le monde tudiant pour Lcho de Paris, journal national-barrsien dirig par Henri de Kerillis. La rubrique laquelle il lui propose de collaborer a dj vu paratre les signatures de Jacques Isorni, Jean-Jacques Gauthier et Louis-Gabriel Robinet. Peu aprs, en janvier 1937, Franois Mitterrand publie un article dans la Revue Montalembert dont le titre,

S

2

3

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

Les Gants fragiles, signale le ton. Il est svre pour les auteurs les plus en vue de la priode : Paul Valry, Maurras, Andr Gide, Jean Giraudoux. Mme lami de sa famille, Franois Mauriac, y est svrement gratign. Il ny pargne que Paul Claudel et Francis Carco. Il thorise ce quil pense tre la vritable littrature, lui assignant mme une fonction dans la socit : Le but dune uvre littraire est dexprimer un peu de la vrit de lhomme et du monde : sa qualit dexpression ncessitant une forme soumise ses propres rgles, et sa qualit de vrit ncessitant une connaissance approfondie des donnes humaines. Il faut donc allier ces deux ncessits souvent contradictoires, car si la vrit contient dimmenses ressources dart, ces ressources ne peuvent sexprimer que par des modes subtils. Cest l lorigine de la lutte entre le mot et la pense, car la pense, pour devenir uvre, doit se rduire en mots, eux-mmes coordonns en phrases assouplies, nombres et rythmes. cette rduction sachoppent la plupart des auteurs, ceux qui nont pas la possibilit cratrice. Pour un crivain qui subordonne le mot la pense, combien ramnent la pense au mot ! () Si lon considre les uvres des plus clbres auteurs de notre temps, on peroit quelle fragilit se cache sous le masque de la puissance ou de la beaut : cette fragilit dcoule du manque de vie, lui-mme provenant de labsence dun sentiment pur, dune passion vraie. Aussi ces uvres sont-elles passives, car lhomme ne sy retrouve que pour mesurer ses grimaces ou pour dissquer ses lans. () vouloir examiner la vie, on la tue, la dcomposition de son mouvement larrte, le commentaire de son domaine puise son objet. La concurrence du mot et de la pense rend leffort strile, et la pense victorieuse se met tourner en marge du monde : ainsi lesprit sait lexistence du cur et ne peut battre son rythme. 7

De grands crivains se sont tromps de genreFace aux gants fragiles de son temps, il ne craint pas daffirmer sa manire de voir : Si la littrature tait raisonnable, elle limiterait son royaume. Cette ide de ce que devait tre, ses yeux, la littrature et ceux qui la servent ne le quittera jamais. Bien sr, il affinera par la suite son propos. Il lenrichira de son exprience personnelle dcrivain et de ses nombreuses rencontres avec des auteurs remarquables. Quand, cinquante ans plus tard, Elie Wiesel lui demande sa dfinition de la littrature, il revient trs naturellement son premier nonc, sur un ton assagi, beaucoup moins premptoire : Cest lacte dcrire, et cela mrite le beau nom duvre littraire lorsque certaines qualits de langue, de style, de forme sajoutent la qualit du fond. Je ne vous surprendrai pas en vous disant quil ny a pas une, mais des littratures. Personnellement, je ne me sens pas attir par la littrature romanesque, dont je suis pourtant un fervent lecteur. Beaucoup dcrivains, qui auraient pu tre de grands crivains, se sont tromps de genre : ils se sont obstins crire des tragdies quand ils auraient d crire des romans, des comdies quand ils auraient d crire des tragdies, des contes ou des fables quand ils auraient d crire des essais philosophiques. Se trompant sur leur vocation, ils ont rat du mme coup leur destin. 8

Le verbe et la plumeFranois Mitterrand doit nombre de ses succs politiques ses minentes qualits de tribun. bien dautres, ce talent aurait paru suffisant. Il nempche : le besoin dcrire la constamment habit. Hsitation entre deux genres ? Recherche dun prolongement, dun affermissement de la pense au moyen de lcriture? Il est clair quil ne sest jamais rsolu nexister qu travers une seule de ces formes dexpression. Je ne me pose pas en crivain. Je mefforce simplement de connatre et de bien crire ma langue. Si javais t un crivain, jaurais consacr ma vie crire ; laction absorbant la plus grande partie de mon nergie, cest donc que je nen avais pas la vocation. Je ne sais si Balzac a eu dautres occupations que lcriture, mais, quand on me parle de littrature, je crois tre assez lucide sur moi-mme pour savoir quelles sont mes limites. Il avoue frquemment la peine quil se donne pour parvenir un rsultat digne de ses lecteurs et de sa rputation. Je suis minutieux, cest--dire que je travaille beaucoup. Jaurais pu publier LAbeille et larchitecte la fin de 1977. Il avait un volume suffisant pour ltre. Mais, comme je lavais fait pour La Paille et le grain, jai mis le livre de ct parce que je voulais le lire tte repose. Et en le relisant, trois mois plus tard, jai aperu de multiples fautes, des -peu-prs, et dpist ce qui me dplaisait avec la mme acuit que si javais lu le livre de quelquun dautre. Je naurais pas pu le lcher mon diteur dans ces conditions, cet t impossible. Sagissant de son style, il ne se pose pas en novateur. Il tire mme un certain orgueil de son classicisme. Ses modles sont chercher trs en amont, dans les lectures de sa prime jeunesse. Sans doute a-t-il le sentiment, en coulant sa pense dans cette forme exigeante, de sapprocher du fond de ce qui a donn la langue franaise un rayonnement exceptionnel. Par son rythme, mon criture est un peu provinciale, le style de gens pas presss et forms par des tudes classiques comme on disait au temps de ma jeunesse , cest--dire par la structure latine. Cela donne la langue un mouvement un peu ample avec le risque permanent dun ennuyeux acadmisme. Je dois men mfier, je le sais. Il est difficile de bien interprter cet aveu : fiert, modestie feinte ou apprhension dtre jug selon les critres des modes de la cration contemporaine ?

J

ai crit ; jai beaucoup plus parl. Sans doute parce que entre lacte de penser et celui dcrire il y a un immense foss et que parler semble plus facile. Entre le moment o une pulsion nous pousse crire et celui o on crit, la pense se glace, les choses se figent et perdent de leur clat. Toute la difficult consiste retrouver, par le travail et la rflexion, cet clat. Cela nest possible que dans la srnit, la paix avec soi-mme.

Entre la cration et lactionDurant toute sa carrire, Franois Mitterrand a crit prs dune vingtaine douvrages : essais, chroniques, pamphlets. Cette abondante production signale le besoin dun aller et retour permanent entre la cration et laction. Paul Guilbert, du Quotidien de Paris, qui minterroge, note-t-il dans LAbeille et larchitecte : tes-vous un crivain rentr ou un politique par dpit ? Je rponds : Je suis un homme politique. Sans doute avais-je plus de got pour laction. crivain, je naurais pas t un crivain dimagination. Jobserve. Jcris. Jaime ce qui est crit. La langue, la philologie, la grammaire. La vraie littrature nat, je le crois je lai dj not , de lexactitude du mot et de la chose. Je prfre celui qui sait dire exactement ce quil a vu et ressenti celui qui vaticine en forant sur ses impressions.

Jean-Franois Huchet1. 2. et 3. Mmoire deux voix , Franois Mitterrand, Elie Wiesel. 4. et 5. LAbeille et larchitecte . 6. Lire , interview par Pierre Boncenne. 7. et 8. Mmoire deux voix .

Lobjet livre

L

e Prsident est clbre pour son got de lcriture, pour ses lectures, mais aussi pour son amour de lobjet livre sous toutes ses formes : les ditions anciennes, les livres dart ou les livres de poche. Des nouveauts, il en reoit tous les jours, une centaine selon Jacques Attali. Il prend toujours quelques minutes pour les trier et mettre de ct ce quil va au moins feuilleter. Le Prsident se rend aussi, trs souvent, dans les librairies

parisiennes et provinciales. Certains lont accompagn au cours de ses dambulations chez Gallimard boulevard Raspail, Julliard boulevard SaintGermain, Jos Corti rue de Mdicis, etc. Sans compter bien sr de trs nombreux marchands de livres anciens. Cette soif dexplorations saccorde avec une vision sensuelle de lobjet livre, comme le raconte Michel Charasse : Ctait un toucheur de livres ; et

on passait beaucoup de temps jy allais beaucoup avec lui chez des antiquaires spcialiss dans les livres anciens, il y avait tout un rseau dans Paris (...). Et tous ces antiquaires lui envoyaient leur catalogue. Il tlphonait lui-mme, en marchandant aussi. Des fois, en sortant du restaurant, on faisait un saut chez un libraire, il prenait sa commande. (...). Et il fouinait un peu, posait des questions.

Si javais t un crivain... Il nempche. Franois Mitterrand naborde jamais lart dcrire comme une simple technique promotionnelle de son projet politique. Lide de se mettre en avant par un ouvrage principalement rdig par des ngres procd courant dans le milieu politique, de plus en plus lui tait trangre.

Une respirationLcriture est sans doute la seconde vie tout aussi essentielle que la politique dont il a besoin pour supporter les difficults de lentreprise de conqute du pouvoir dans laquelle il sest lanc partir des an-

4

5

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

nes 1960. Lcriture est une respiration. Elle absorbe les dtails et les alas du temps. Jcris lorsque je ne suis pas absorb par ma vie politique. On ne peut crire sans lunit de lesprit, que seule rend possible lunit du temps. Or, le plus souvent, laction mempche de trouver une srnit intrieure suffisante. Lcriture, la rflexion devant une feuille de papier, une plume la main, exigent du temps. La fatigue, laccumulation des responsabilits, trop dnergie dpense autre chose font quil ne mest pas

toujours facile den dgager. Il y a un temps pour laction et un temps pour lcriture. Il est nanmoins possible de les runir dans des uvres de circonstance : allocutions, notes adresses mes collaborateurs, prfaces des ouvrages. Lcriture devient alors un refuge, une manire dtre part.

Jean-Franois Huchet

Les frquentations littrairesLUCIE FOUGERON YANNICK DEHEoin de se contenter de copieuses lectures, Franois Mitterrand cherche frquenter daussi prs que possible les auteurs contemporains. Au cours de son existence, il se btit donc un rseau trs serr de frquentations littraires, dmontrant un talent certain pour la conversation et la sduction. Le premier cercle est celui des quelques crivains dont le charme excde la littrature pour se confondre avec lamiti. Bien avant 1981, ce sont les hasards de la vie et des amitis qui le font rencontrer ceux dont lattachement sera le plus durable. Parmi eux, Marguerite Duras, Franoise Sagan ou encore Paul Guimard et son pouse Benote Groult...

On aura compris que le Prsident ne rate pas une occasion de rencontrer des auteurs de livres quil a aims, mais aussi ceux qui sont la mode . Lexamen de la correspondance prsidentielle montre quavec lui tout crivain a une chance dobtenir une rponse une demande dentretien. Ple-mle, on y dcouvre des requtes de personnalits les plus diverses et les plus inattendues : elles relvent du secret de la correspondance prive. Grce ses conseillers ou ses proches, le nouveau Prsident dispose dun formidable rseau priv de mdiateurs qui lui permettent de multiplier les rencontres sans trop empiter sur le lourd agenda de ses obligations : Frdric Dard (via Jacques Attali), Jean Genet (via Roland Dumas), Ren Char (via la famille Vdrine), Ernst Jnger (via Pierre Morel)... Les membres de son entourage, notamment Lang, Attali, Dumas, Badinter, Kiejman, Berg, et les conseillers culturels sont en comptition (selon le terme de Sophie Bouchet) pour faire connatre au Prsident ceux quil ne connat pas et organiser des djeuners. Pour la priode des deux septennats, les archives de lInstitut Franois Mitterrand signalent plus de 200 audiences dcrivains et intellectuels (compte non tenu des rendez-vous privs). En majorit, ce sont des djeuners restreints, de deux quatre invits, avec parfois un conseiller. Parmi les plus assidus, on relve Christine Arnothy, Edmonde Charles-Roux, Annie Cohen, Marguerite Duras, Claude Mauriac, Claude Roy et Michel Tournier. Parmi les trangers, Garcia Marquez, Jnger, Yachar Kemal figurent en bonne place. Laure Adler a elle-mme organis certains dners et explique : Il existe deux tables du Prsident llyse. Celle des appartements privs dtient le hit-parade des tables de charme : service plutt dcontract, la bonne franquette, nombre de convives limit, cuisine lgre mais copieuse, signe particulier : crivains et membres de la famille souvent invits. Le djeuner est dabord loccasion de retrouvailles. Il apprcie galement la coutume du petit djeuner. Il lui arrive aussi de se dplacer jusquau milieu naturel de quelques monstres sacrs de lcriture. Les escapades en hlicoptre se droulent parfois en compagnie dun tmoin, comme si cette pratique prsidentielle devait toujours rester publique. Erik Arnoult a racont dans son roman Grand amour une visite Michel Tournier, un familier du Prsident, qui tourne la conversation savante sur Zola et dride le chef de 1tat. Un exemple de rencontre rate est voqu par Rgine Deforges : On tait alls en hlicoptre djeuner avec Cioran. a cest trs mal pass. Il tenait des propos inadmissibles sur la guerre. Tout le monde tait trs gn. Comme il tait trs vieux, personne nosait lui rpondre. Je me souviendrai toujours de ce dsarroi dans les yeux de Franois Mitterrand.

Les voyages officiels fournissent aussi loccasion dajouter un ou plusieurs crivains la liste des invits personnels, avec qui le Prsident aura soin de se mnager des entretiens. Et selon la destination, il veillera rencontrer les crivains trangers quil apprcie. Jean Daniel voque une visite en 1981 Mexico : Nous avions pris le petit djeuner avec Garcia Marquez, Carlos Fuentes, Octavio Paz et plusieurs autres crateurs latino-amricains de renom. Franois Mitterrand tait heureux. Ltat de grce lui permettait de porter haut les couleurs du socialisme franais devant ces hommes qui parlaient le langage de son cur. Paris, les conversations prsidentielles avec des interlocuteurs lis au milieu de ldition parisienne comportent toujours un passage en revue des petites intrigues des prix littraires, des transferts et autres micro-vnements. Et lorsquun de ses conseillers est lui-mme la une de cette actualit littraire, il va sans dire quil suit laffaire de prs, quand bien mme elle serait sans commune mesure avec celles de ltat. Cest ce quillustre une anecdote raconte par Erik Orsenna : Mitterrand tait passionn par ces questions littraires, et aussi par les magouilles littraires, parce que cest un peu la politique... Le matin du Goncourt il mappelle en me disant que la journe serait importante pour moi, en sous-entendant que javais mes chances... Jtais tranquille parce que je venais davoir le Renaudot. Jtais ravi parce que javais toujours t second, dans ma scolarit. Et jai eu le Goncourt, a lamusait. Dans ce rapport aux lettres assez exceptionnel, lon est parfois bien en peine de dire si tel ou tel geste relve de la vie prive, de la vie politique, ou encore de linstrumentalisation des contacts littraires des fins politiques. Selon Hubert Vdrine, il faut distinguer dans la chronologie mitterrandienne une premire priode (des annes 1930 aux annes 1950) pendant laquelle Franois Mitterrand se cherche et profite de toutes les occasions pour rencontrer des crivains quil admire, sans aucune arrire-pense, et une deuxime priode dinstrumentalisation des contacts qui commence aprs 1962. Cette analyse est contredite par Rgis Debray. Cet ancien conseiller culturel devenu trs critique envers le Prsident estime que les contacts littraires du Prsident nont aucune incidence politique et ne servent que son propre dlassement. Cette position est paradoxale et intressante, puisque Debray passe justement pour avoir t lun de ces mdiateurs littraires et intellectuels du Prsident. Il sen explique ainsi : Les deux premires annes llyse, jorganisai son intention des djeuners non de parade, mais de travail regroupant par thmes prcis quelques grands intellectuels. Mfiant, craignant quon ne lui refile un a priori entre poire et

L

Marguerite Duras, il la connue dans les circonstances trs particulires de lOccupation et de la Rsistance. Lun et lautre ont racont la journe tragique au cours de laquelle Robert Antelme, le mari de la jeune femme, fut arrt par la Gestapo, puis lheureux hasard qui le fit retrouver, mourant, dans un camp de dports par Franois Mitterrand en 1945. Lattachement de ces deux figures historiques ne relve pas seulement de la littrature. Mais il semble que Mitterrand a toujours apprci les uvres de Marguerite Duras, pourtant peu classiques dans leur forme. Sil na jamais reni sa fidlit pour lcrivain, il pouvait parfois tre dsaronn par les brutales embardes de sa conversation, comme le montrent les entretiens publis en 1986 par LAutre Journal, et que le Prsident refusa de voir paratre en livre.

Lamiti pour Franoise Sagan relve dun autre registre. ses dbuts, elle nest pas catalogue comme un crivain de gauche . Croque par Franois Mauriac comme un charmant petit monstre , elle porte longtemps une rputation de jeune femme impertinente et frivole qui ne semble pas faite pour attirer le leader de la gauche socialiste. Selon Danielle Mitterrand, cest avant tout le got de la provocation qui intresse son mari chez lauteur de Bonjour tristesse. Pour Roland Dumas, cest aussi la fragilit du personnage qui a pu sduire le leader socialiste. De son ct, lcrivain dcrit son ami comme un homme charmant, trs amusant. Nous parlions des gens, de lamour, de lhistoire . Elle fait remonter sa premire rencontre avec lui 1979, date laquelle elle aurait dinstinct rejoint la gauche. Sur le seul plan de la chronologie, cest pour le moins tonnant quand on sait que Franoise Sagan est apparue dans les salons parisiens (dont celui de Violet Trefusis, que frquentait Mitterrand) ds 1954, aprs le succs foudroyant de son premier roman. En ce qui concerne la priode postrieure 1979 en tout cas, la frquence de leurs rencontres, djeuners ou dplacements ltranger, est avre par les archives. Ayant lu et aim Les Choses de la vie, Franois Mitterrand a souhait connatre Paul Guimard, comme il la fait pour beaucoup dautres romanciers. Trs vite les deux hommes deviennent de vritables amis. Le politique apprcie lhumour de lcrivain. Et ils se retrouvent rgulirement pour djeuner, comme de vieux complices. Dans lentourage mitterrandien, lcrivain est dcrit comme un hdoniste dsintress qui, un temps associ aux affaires de ltat comme conseiller culturel en 1981, se dtache aprs quelques mois de cette fonction.

6

7

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

fromage, il ludait toute discussion de fond. Rsultat : des mondanits prtentieuses, ni rentables, puisque sans photographes, ni profitables, puisqu on verra bien le moment venu. Et on en revint lagrable, Franoise Sagan, Antoine Blondin, Franois-Marie Banier style, anecdotes, charme et causticit, les vraies racines. (...) Javais chou. Dans ces djeuners, Franois Mitterrand attendait avant tout des crivains quils lui parlent de leur mtier, pas du sien. Ce qui ne

veut dailleurs pas dire quil ne les frquentait que par un got dsintress... Les positions fronts renverss dHubert Vdrine et de Rgis Debray clairent donc la complexit de la question : o situer ici la frontire entre priv et public ? Extraits de Franois Mitterrand, les annes du changement, 1981-1984 d. Perrin

Je suis et reste de ma province, mon criture sen ressent comme on a un accent. Franois Mitterrand Oui, je crois que je ne suis pas amateur de bavardage. () Ds lors que je maperois que lcrivain sattarde au lieu de dire ce quil a dire, dans la langue de notre pays, telle quon lemploie, jai tendance penser quil svade et que ce nest pas un trs bon crivain. qui donc pensez-vous ?

de moi-mme. Je ne dis pas du tout que ce que je publie me contente absolument, mais sil nexiste pas un certain rythme intrieur traduit par mon langage crit, alors je ne publie pas. () Mais ne parlons pas davantage de moi et de ma faon dcrire, il y a tellement de grands crivains qui mritent bien mieux que moi de sexprimer ce sujet. Disons que, puisque vous me posez la question, pour moi crire correspond une ncessit intrieure. Jaime crire.

Franois Mitterrand un crivain qui est mort

La force dune ncessit intrieureinterview de

FRANOIS MITTERRAND

par Bernard PivotAu mois de septembre 1978, Franois Mitterrand participait lmission Apostrophes de Bernard Pivot avec, comme invits, Michel Tournier, Paul Guimard, Patrick Modiano et Emmanuel Le Roy Ladurie. Ctait loccasion de la sortie de son livre LAbeille et larchitecte . Extraits.

sy adonne me fait penser ces coureurs de quatre cents mtres, cette fausse distance olympique, quon appelle () le sprint long. On y souffre, pris entre le besoin daller vite et de garder le souffle. Lair vous manque le plus souvent. Franois Mitterrand Je veux dire simplement que la chronique prsente, sur le plan littraire, lnorme danger de sen tenir un seul fait, une seule ide, sans aucun prolongement, et quun livre compos de chroniques risque dtre dun genre mineur parce que ne permettant pas lcrivain, aucun moment, daller au bout de son propos. Tout le monde sait et vos adversaires politiques le reconnaissent que vous crivez trs bien. Mais jai eu la curiosit de mettre le nez dans vos ouvrages plus anciens et je me suis aperu que vous crivez de mieux en mieux. Est-ce que vous faites davantage attention maintenant ? Est-ce que vous raturez plus ? Franois Mitterrand Bien crire, quest-ce que cela veut dire ? Jcris peut-tre de mieux en mieux : cest vous qui le dites. () Si cest vrai, cest parce que je suis de plus en plus libre. Pendant longtemps, jai t quelquun qui crivait en pensant que, derrire mon dos, le professeur ou le critique littraire allait tout de suite mettre le doigt sur la quasi-erreur de franais, sur la mauvaise tournure. Ce sentiment dtre examin me glaait. Ctait peut-tre, dailleurs, de lorgueil mal plac. Je me sens de plus en plus libre. compter du moment o jcris ce que jai envie dcrire, sans tenir compte de la biensance ou des intrts trs gnraux, je pense que ce que jcris sen ressent. Je suis plus libre et cest meilleur. Ce qui vous intresse, vous le dites dans votre ouvrage, cest lconomie du mot. Et vous ajoutez :

aujourdhui. Disons tout bonnement que japplique ce jugement Malraux. Et je sais quaussitt cela fait scandale. Naturellement. Dautant plus que je reconnais Malraux dautres immenses qualits. Mais jai limpression que toute une partie de son uvre, cest du remplissage, de lloquence. Quun homme politique se mfie de lloquence dans un livre peut paratre paradoxal mais cest parce que jai besoin, moi-mme, de me gendarmer contre mon propre temprament qui deviendrait vite loquent. crire de faon loquente ou oratoire a le don de mexasprer. Alors je suis vigilant. Mon style devient peut-tre alors trop cursif, trop court par souci de lutter contre ce qui serait un dfaut naturel. Vous raturez beaucoup ?

Michel Tournier Tous les crivains crivent de mieux en mieux. Ils ont toute leur vie pour cet apprentissage. Franois Mitterrand Cest, je crois, une remarqueimportante, parce que russir dans ce que lon fait consiste parvenir une plus grande matrise. Et cette plus grande matrise ne peut tre que le rsultat dun immense effort, dun formidable effort dapplication, dune patience infinie. Et cela sacquiert avec la vie. Mais vous me direz : et Rimbaud ! Naturellement. On peut aussi prtendre le contraire. Et dire que certains crivains sont parvenus trs vite sexprimer trs bien. () Comment pouvez-vous apprcier un romancier comme Michel Tournier qui est si peu rationnel ? Franois Mitterrand Jai dabord t drout, notamment par Vendredi ou les limbes du Pacifique. Cela va vous paratre bizarre : je ne comprenais pas toujours ce que voulait dire lauteur. Cette lecture, cette dcouverte avait en mme temps pour moi un rel attrait. Je ne suis pas fait de telle faon que je me dis cest moi qui ai raison lorsque je ne comprends pas. Dautant plus que je me suis rendu compte ensuite que Michel Tournier tait un crivain au deuxime ou au troisime degr. () Je ne suis pas critique littraire, je ne veux pas trancher de tout, mais je vais employer une expression qui va peut-tre choquer Michel Tournier ou qui ltonnera : si cette cole de pense ou dcriture existait aujourdhui dans le roman, il serait un crivain symboliste. Et cest ce qui ma intress.

Franois Mitterrand Oui, beaucoup. Je ne suispas de ceux qui crivent dun jet des pages admirables. Vous devez donc souffrir. Franois Mitterrand Je ne sais pas si jcris des pages admirables, mais je souffre toujours beaucoup. Quest-ce qui lemporte dans lacte dcrire : la souffrance ou le plaisir ? Franois Mitterrand Nexagrons rien. Cest difficile. Cest dur. Je suis quelquun qui, devant la page dcriture, prte beaucoup dattention. Je ne tire pas la langue Non Cela ne se passe pas comme cela. Mais je suis trs attentif, trs critique lgard

Cet ouvrage est la suite de La Paille et le grain, une chronique qui couvre les annes 1975 1978. Franois Mitterrand Le terme chronique a t choisi par lditeur, je lai accept bien quil ne recouvre pas tout fait ce quest vraiment cet ouvrage. Pourquoi ? Parce que je suis un homme politique. Et, parce que je suis un homme politique, lorsque je parle des vnements, il me faut faire un tri dans les sujets que je puis me permettre daborder. En tant que chroniqueur, il me serait interdit den oublier, au risque de passer pour ngligent. Donc, dlibrment, je naborde pas quelques vnements trs importants je pense notamment la visite de Sadate Jrusalem. Cest pourtant un vnement qui ma passionn, dont je parlerai un jour ou lautre. Jcris quand jai envie dcrire, sur le sujet qui, sur le moment, minspire. () Ce nest pas non plus un journal intime. Alors voil : cest un peu entre les deux Vous crivez effectivement : Je me mfie de la chronique, ce genre qui nen est pas un, michemin entre journalisme et littrature. Celui qui

Ceux qui ont invent des mondes...Pierre Boncenne Vous aimez,

je crois, visiter les lieux o ont vcu des crivains et des artistes ?Franois Mitterrand Oui, et

mme leurs cimetires. Nen tirez pas des conclusions dordre psychanalytique. Non, ce nest pas une manie ! Mais il me semble que lorsquun crivain choisit le lieu o il se mlera la terre cela donne une

cl de son uvre. Je trouve par exemple touchant que Bernanos soit enterr auprs de ma mre dans un petit cimetire perdu, Pellevoisin, dans lIndre. De mme, lorsque jai visit le cimetire o est enterr Mallarm dans un petit village, Samoreau, prs de Fontainebleau, jai vu sur sa tombe modeste un vase cass que personne navait touch, une fleur dessche depuis

longtemps Et Van Gogh Auvers, et Romain Rolland Brves et Braque Varengeville, a vaut mieux que le Panthon ! O sont alls les corps de ceux qui ont invent des mondes, la question mintresse. Qui aime la mort, aime la vie. Interview par Pierre Boncenne Lire, octobre 1978.

8

9

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

Autre romancier : Patrick Modiano. Vous lavez invit pour deux livres : Rues des boutiques obscures et Interrogatoire par Emmanuel Berl. Franois Mitterrand Que dire. Jai connu Berl assez tard. Javoue avoir eu beaucoup dadmiration pour ce quil crivait. Plutt pour ce quil disait ou voulait dire avec, de temps en temps, des pages de grand style. Sa richesse dimagination, de culture me paraissait exceptionnelle, rare dans notre temps. Cela pouvait tre un Voltaire, cet Emmanuel Berl, sensible en plus. Je lai connu dans son grand ge et nous avons, je crois, prouv un sentiment damiti mutuelle... Et puis je suis tomb sur ce livre Interrogatoire dEmmanuel Berl de Patrick Modiano. Jai aussitt accroch. Et cest la raison pour laquelle je me suis li, sans le connatre, dune certaine faon, Modiano. travers Berl. Terminons lmission avec le grand large, avec Paul Guimard et LEmpire des mers. Vous intressez-vous locan ?

Franois Mitterrand Je mintresse Paul Guimard, non seulement parce que cest un ami, mais aussi un crivain, je crois, de premier rang. Mais je mintresse aussi la mer, par imagination. Je suis essentiellement terrien, mais je rve dtre marin. Je ne le serai jamais. Je men veux parce que jimagine que larrive dans un port, dans une le grecque par exemple, cela ne doit pas tre mal. Donc, il y a le magntisme, la fascination de la mer. Sans compter nos conversations avec Paul Guimard : nous avons pass des soires imaginer quun jour nous irions faire le cap Horn... Nous avons mme achet des ouvrages sur le cap Horn. Lui est capable dy aller sur son bateau. Pas moi. Lempire des mers , voyezvous, cest la dimension de lespace. () Il y a l une donne littraire qui mattire, absolument. Comme la lumire dans la nuit avec tous ses insectes autour... Il me semble que cette dimension littraire est ncessaire, au-del de la littrature, quelle est ncessaire la vie des hommes dans la socit daujourdhui. Ils touffent, ils manquent dair.

de Jnger qui surprendra les Allemands. Il publiera un hommage Guillemin au lendemain de sa mort. Il veillera personnellement ce que Thomas, malade et priv de ressources, puisse se retirer la rsidence de Tiers-Temps , Paris, pour y vivre ses derniers moments. Jai retenu ces trois rencontres, ces quatre noms il y en eut tant dautres ! , car elles me semblent illustrer des qualits que Franois Mitterrand recherchait chez ses interlocuteurs crivains et les plaisirs quil gotait leur commerce. Il aimait ceux qui se tiennent lcart, qui sloignent du bruit, des honneurs et des salons, dont luvre dfie les modes et rejette les systmes. Il apprciait que, dans leurs livres, la vrit se cherche comme un quilibre entre des tensions contraires : adhsion la vie et rsistance ses fatalits, respect des puissances de la nature et croyance en lhistoire, sens de la matire et sens du sacr, scepticisme et esprance en une survie de lesprit. Il prisait lentre-deux de la pense et du pome, la fiction qui se nourrit du rel mais qui en atteint, par

la posie, les couches les plus profondes. Un intrt particulier le portait vers les auteurs qui interrogent lnigme du temps le mur du temps comme aimait dire Jnger. Par-dessus tout, peut-tre, lhomme qui louait la fois Voltaire et Lamartine, Casanova et Hugo, poursuivait sa qute dune alliance de la raison et des sentiments, des lumires de la justice et des ombres de la passion, du savoir victorieux et des dsirs obscurs. Comment, la fin dun sicle marqu la fois par les drives totalitaires du rationalisme et par les excs des nouvelles sciences de linconscient, inventer pour le futur une entente du romantisme et de la libert ? Dans ce souci dune humanitas moderne, Franois Mitterrand choisissait les partenaires de ses dialogues parmi les dcals , les contradictoires , les anachroniques qui attiraient souvent les querelles ou les mconnaissances mais quunissait, en une sagesse non rsigne, la mme intraitable volont de penser en mme temps le monde ici-bas, le ciel toil, et les abmes du cur et de la mort. Et de sa voix de confidence, il leur disait Montaigne : Les livres, cest la meilleure munition que jai trouve cet humain voyage.

Guillemin, Berl, Thomas, Jnger et bien dautres... BERNARD LATARGETPrsident de ltablissement public du Parc et de la Grand Halle de la Villettebonheur, le pass des villages et lessor des villes, le socialisme et la solitude des hommes, lamour des arbres et lducation europenne dans un dialogue simple o le futur Prsident affirme, pour conclure, la ncessit de marier politique et culture. Le 21 novembre 1984, Henri Thomas est reu djeuner llyse en compagnie dErnst Jnger. Dun ct, lun des romanciers franais les plus secrets, qui voquait Melville en ces termes (comment son hte ne let point entendu ?) : Un homme seul, aux coutes de la terre et de la mer, et qui trouve au plus lointain, sur les confins du rel et de la fiction, ce quon peut nommer sa vrit, cest--dire les grandes images o le drame personnel cesse dtre subi. De lautre, le grand soldat-philosophe contest, entomologiste et collectionneur de sabliers, chantre des dsastres et des bienfaits du monde technique. Plus tard, Franois Mitterrand crira dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung un loge pour les 100 ans

Pourquoi pas Lamartine ?JEAN DANIELJournaliste, crivain, directeur du Nouvel Observateur cette poque, les intellectuels et autres gens de lettres affectaient de douter de la culture et du got de Franois Mitterrand et, pour souligner le bien-fond de leurs prventions, ils citaient le penchant de Franois Mitterrand pour Lamartine et Jacques Chardonne. Et puis, un jour, Bernard Pivot a invit le futur prsident de la Rpublique son mission Apostrophes.

Restait tout de mme prouver la sensibilit potique. Mitterrand a inscrit le fameux frisson lamartinien en allant jusqu rciter les vers des potes qui ont prcd et qui ont suivi Lamartine. Et soudain il na plus paru anachronique daimer Lamartine et il na plus paru dplac de concder Franois Mitterrand une certaine culture littraire et une disponibilit pour la posie. De ce point de vue, il y eut une seconde performance lorsque le Prsident Mitterrand reut le pote et grand rsistant Pierre Emmanuel pour lui remettre la grandcroix de la Lgion dhonneur. Pierre Emmanuel et ses amis taient arrivs llyse la mort dans lme et prvenus contre le chef de ltat pour toutes les raisons du monde. Lanti-gaullisme de ce dernier et la rputation florentine de son entourage lexcluaient du club aristocratique et ferm des anciens de la France libre. Franois Mitterrand tait tout fait au fait du sentiment du rcipiendaire, et cela le divertissait tout en le stimulant. En tout cas, quand le discours qui devait prcder la remise des dcorations a commenc, le

lautomne de 1974, Franois Mitterrand rend une premire visite Henri Guillemin La Cour des Bois, hameau du Mconnais. Lcrivain lui fait dcouvrir un texte de Jaurs sur la mort de Tolsto et ses ultimes mditations : la finitude humaine, le secret des constellations, les mystres de lau-del. Puis ils causent de Lamartine qui parcourut les chemins alentour : Milly, Bussires, Cormatin. Un homme pour de bon disait Guillemin du pote.

Le 5 septembre 1976 France Culture diffuse un long entretien quEmmanuel Berl avait souhait avec Franois Mitterrand. Sy entrechoquent largent et le

Et Mitterrand a t sereinement et tranquillement blouissant. vitant le brio autant que lemphatie, il a situ Lamartine dans son poque, la forte originalit de son tmoignage, de son rle la fois bref et tincelant dans une tumultueuse histoire, mais le tout avec un luxe de prcisions, danecdotes significatives et de citations qui ont contraint une sorte de stupfaction blouie tous les invits rebelles prsents sur le plateau ce soir-l.

10

11

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

silence stupfait de lassistance tait quasiment pais. Lvocation de la biographie fut expdie avec virtuosit et empathie. Mais il fallait un autre talent pour citer Pierre-Jean Jouve et Henri Michaux, Le Pote et son Christ, et pour extraire deux vers ( O es-tu mon pays deaux vives et de forts / Pays aim des morts, terre fidle et tendre ). Les citations se sont succd les unes aux autres sans la moindre faute de mmoire, sans aucune pause de respiration, et au fur et mesure que lallocution se poursuivait, on voyait des larmes perler sur les joues de Pierre Emmanuel. Jai eu bien des occasions de parler littrature avec Franois Mitterrand. Parmi les Modernes, il aimait Albert Cohen, Marguerite Duras et Michel Tournier. Il na dailleurs jamais cess de les voir, de les inviter et mme de les protger. Il a tout fait, mais en vain, pour que

Albert Cohen ait le prix Nobel. Il rcitait volontiers des passages de Belle du Seigneur les plus difficiles se remmorer, ceux que lauteur a privs de ponctuation. Chaque fois quil se dplaait, il comptait sur Jack Lang pour runir autour de lui les plus grands crivains : William Styron, Saul Bellow, Gabriel Garcia Marquez, Carlos Fuentes et tant dautres. Et il senchantait de les surprendre et de les sduire par sa culture et par sa mmoire. Il sest parfois entour de jeunes auteurs dont le talent lui paraissait prometteur et qui lui rappelaient les classiques quil avait frquents dans sa jeunesse. Il sest souvent tromp. Ce en quoi il est demeur trs franais dans la mesure o, dans notre pays, le choix du mot juste peut lemporter sur la gnrosit de la pense.

lautre rive politique que la sienne. Pour les plus longuement clbrs : Lamartine, Jules Renard, SaintJohn Perse, Jacques Chardonne et Dino Buzzati. Franois Mitterrand montra sa connaissance parfaite et personnelle de chacun. Il tait vident quil pratiquait ces crivains-l depuis longtemps, que son commerce avec leur uvre tait permanent et sans cesse approfondi. Cest travers Dino Buzzati quil fut le plus blouissant. Pendant les dix dernires minutes de lmission, il raconta et commenta Le Dsert des Tartares. Silence absolu sur le plateau. La mme attention palpable, impressionnante, lorsque, vingt ans plus tard, en avril 1995, dans un mouvant tte--tte Bouillon de culture (il tait trs malade, il souffrait beaucoup, ce fut sa dernire grande mis-

sion de tlvision), il voqua dans les cinq dernires minutes les paysages charentais de son enfance. Je regrettai une nouvelle fois que le politique et dvor lcrivain.

P.S. Ne cherchez pas vous procurer lenregistrement dApostrophes de fvrier 1975. Il nexiste pas. Antenne 2 faisait ses dbuts. Il y avait beaucoup de crativit, beaucoup dnergie et beaucoup de pagae. Les neuf premiers Apostrophes nont pas t enregistrs par la chane. Et les magntoscopes individuels nexistaient pas encore.

Silence absolu sur le plateauBERNARD PIVOTAnimateur de lmission tlvise Apostrophes puis de Bouillon de culture gens ont affirm que si cette mission avait eu lieu avant llection prsidentielle de mai 1974, les deux cent ou trois cent mille voix qui sparaient Franois Mitterrand de Valry Giscard dEstaing eussent t combles. Peut-tre. Ce qui est certain, cest que les nuits et les jours qui suivirent, je reus des appels tlphoniques injurieux et des lettres anonymes outrageantes, preuve que lexcellence de la prestation de Franois Mitterrand en avait irrit plus dun. (Quand Valry Giscard dEstaing, alors prsident de la Rpublique en exercice, vint Apostrophes parler de Maupassant, je reus aussi des poulets de la mme encre, mais avant lmission.) Pour prparer Apostrophes, je nai pas rencontr celui qui tait alors le premier secrtaire du Parti socialiste. Mais nous avions chang des coups de fil. Pour le choix des autres invits : Camille Bourniquel, Max Gallo, Jacques Brenner (spcialiste de Jacques Chardonne), Maurice Chapelan (grammairien). Pour aussi convenir des crivains quil avait lintention de mettre en valeur. Je mtais fait une liste littraire de gauche : Hugo, Camus, Sartre, Blum, Gide, Prvert, Jaurs, Zola, Rolland, Valls, Guilloux, etc. Tous recals ! Javais tout faux. Il leur prfra des crivains qui taient rellement et intimement les siens, qui taient de sa famille littraire, dont il apprciait la pense et surtout le style, mais quon pouvait pour la plupart ranger sur

Infiniment curieux, vrai lecteur de romansCATHERINE CLMENTPhilosophe, journaliste, crivaini-je t crivain au regard de Franois Mitterrand ? Oui, une fois. En recevant linvite dHubert Vdrine porter tmoignage des immenses capacits de notre Prsident en matire de littrature, jai failli jeter lponge. Une seule fois en tout et pour tout, est-ce vraiment la peine ? Voyons cela dun peu prs.

C

e ntait que la cinquime mission dApostrophes. loccasion de la sortie de La Paille et le grain, javais convi Franois Mitterrand pour quil parle de son livre et de ses crivains favoris. Il inaugurait une srie intitule Une personnalit et ses lectures , car je considre quune personne renomme, populaire, capable dvoquer avec intelligence et passion les livres qui ont marqu sa sensibilit, capable aussi dexpliquer le plaisir quelle prend la littrature, encourage les jeunes tlspectateurs lire. Nest-ce pas l le rle dune mission littraire et du service public ? Si javais eu le moindre doute sur le bien-fond et lefficacit de cette stratgie, Franois Mitterrand laurait balay. Car, de bout en bout, pendant soixantequinze minutes, en direct, le 7 fvrier 1975, il fut tincelant. Par la suite, aucun autre invit prestigieux ne russit commenter avec autant de brio les uvres choisies, leur style, leur singularit, leur postrit. Bien des

A

Puis il y eut des promenades pied dans Paris. Franois Mitterrand me parlait de la mort de ses amis, et ne me faisait signe qu ces occasions-l. Quelquun tait malade, quelquun allait mourir. Je garde un souvenir prcieux de ces conversations, o le littraire et t incongru. Peut-tre sentait-il que je ne rendais pas la littrature le culte officiel qui lui est d en France, peut-tre simplement avions-nous mieux dire. Peut-tre avait-il pressenti que je nai aucune peur de la mort, cest possible. Il y eut cette trange balade dans ma voiture en avril 1981, la sortie dun meeting de lInternationale socialiste, aprs que je me sois endormie dans ma trave et quil mait rveille, en riant, sous les flashes. Il allait tre lu, il me fit faire un long dtour pour passer devant llyse avant de me raconter, comme tant dautres, sa guerre, son vasion. Il se ramassait, il se configurait. De littrature, pas question. Llection passe, je le vis de nombreuses reprises, mais jtais officielle mon petit niveau, directrice des changes artistiques au ministre des Affaires trangres. Cocasses, insolites, nos conversations touchaient ladministration, ltat, la vie prive, au Parti socialiste comme il tait froce ! , la vie du pays, sans rien de littraire. Je publiais rgulirement des livres, mais ils se partagent, depuis le tout premier, entre essais et romans. Voil qui naidait pas.

Je lai connu quand jtais chef de la rubrique culture au Matin de Paris, quelques annes avant son lection. ma surprise, il mavait choisie pour un entretien propos dun de ses livres, plutt quun journaliste politique, alors que je navais pas chang un seul mot avec lui. Je lavais vu de loin le jour de ma premire manif, au dbut de lt 1958, sur le pav de Paris, quand nous protestions contre la prise de pouvoir par le gnral de Gaulle. Entre 1958 et 1977, rien. Pourquoi moi ? Sans doute parce que jtais lune des rares communistes du Matin de Paris, et aussi une femme. Ralis au sige du Parti socialiste le vieux sige, cit Malesherbes cet entretien tissa des liens profonds, aucunement littraires. ses yeux, jtais une journaliste.

12

13

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

Philosophe et romancire, cest une figure qui nentre pas dans les catgories franaises, surtout quand il sagit dune femme. Au vrai, je ne men souciais pas plus que lui. Je fus donc infiniment surprise quand un jour, il bondit sur moi comme un clair je ne vois pas dautres mots pour qualifier ce mouvement rapide et me parla de mon dernier roman. Ctait un livre intitul Pour lamour de lInde, o je romanais, mais peine, les douze ans damour fou entre Jawaharlal Nehru, Premier ministre de lInde libre, et lady Edwina Mountbatten, dernire vice-reine des Indes. Leur amour tait n en 1947 Delhi, lautomne, pendant les massacres de la Partition. Que me dit le Prsident ? Mais je ne savais pas ! Quelle histoire insense ! Comment lavez-vous trouve ? Oh, trs facilement. Quand on vit en Inde, on entend cela tous les jours. Mais si, je vous assure, tous les jours. On appelle cela en Inde la did-they-did-theynot question , est-ce quils ont, oui ou non, couch ensemble ? Voil le grand sujet des conversations. Pour vrifier que ce nest pas un ragot ? Il suffit de lire la biographie officielle de Winston Churchill, tout y est. Et cest un ambassadeur qui me la donne lire, autant dire que ce nest pas la rvlation du sicle. Mais oui, cest un roman, parce quil nexiste pas de meilleure intrigue que celle qui raconte lamour entre ennemis. Lui indien, elle anglaise, laube de la dcolonisation. Cest Tristan et Isolde en Inde au XXe sicle. Il coutait, ravi comme un enfant qui on lit un conte. Ma parole suffisait par chance, elle staye sur des documents, mais si javais menti ? Si javais falsifi ? Eh bien, il maurait coute de la mme faon. Il ntait pas question de la littrature, mais il sagissait de ses pouvoirs. Il ne me parla pas de style ni dcriture, non, ce qui lintressait, ctait lhistoire elle-mme, lamour

entre ennemis, ce moment prcis. videmment, il voulut connatre la rponse la did-they-did-theynot question . Je lui donnai celle du roman : oui, tant quils ont pu, car ils ntaient plus de la premire jeunesse. Est-ce quil y a eu des tmoins ? Eh bien oui, malgr tout. Ah bon ? Dans la chambre ? Pas tout fait, mais presque. Bref, il tait immensment curieux. Un vrai, un bon lecteur de roman populaire, plus attach lintrigue quau style. Jtais enchante de mes pouvoirs, enchante davoir russi capter lattention de ce lecteur particulier, quon disait fascin par lcriture, les crivains, la mythologie de la littrature telle quelle existe en France, ce vaste et beau thtre o je nai pas envie dtre. Dans son merveillement de lecteur qui dcouvrait, dans le fil de lHistoire, un amour qui joua un rle certain dans la Partition entre lInde et le Pakistan, il y avait quelque chose de naf que je lui ai vu dautres occasions. Naf, Franois Mitterrand ? Le chur clate de rire, le chur ne me croit pas. La doxa veut quil ait t florentin, machiavlique, retors et toutes ces sortes de choses, chaque seconde de sa vie. Tel ntait pas mon Mitterrand moi. Et ce jour o il se montra si curieux dune histoire damour entre ennemis jurs, il avait la candeur dun lecteur de romans. Une fois, une seule, et sans littrature. Simplement le pouvoir du roman. Il ma fait diantrement plaisir. Car telle est la raison pour laquelle je double la pense philosophique de ce revers soyeux : pour captiver lesprit, jcris des romans. Capturer cet oiseau magnifique, prendre dans mes rets dcrivain ce grand duc vigilant, je naurais jamais cru y parvenir. Quelques annes plus tard, notre ultime conversation sen retourna do elle tait venue, la maladie, la mort et tout tait en ordre. Il se trouve que, comme lui, je crois aux forces de lesprit, mme sil est sductible par le roman.

Souvenirs de Franois MitterrandGABRIEL GARCIA MARQUEZcrivain, laurat du prix Nobel de littrature 1982l y a quelques annes, la fin dun dner officiel la Rsidence de France de Mexico, nous fmes invits par nos htes prendre le caf devant la chemine. Ctait une toute petite runion de quelques Franais, laquelle jtais convi grce laimable suggestion de linvit dhonneur, Franois Mitterrand. Tranquillement et le sourire aux lvres, comme toujours, il sinstalla dans le fauteuil prfr du matre de maison et nous prmes tous place autour de lui pour ne pas perdre une miette de ses propos. Cest alors que Mitterrand sadressa moi en ces termes : Parfait. Parlons donc littrature.

I

une illusion lyrique . Il le disait certes juste titre, car ces notes fugaces sont semblables aux vers qui nous traversent parfois lesprit en songe et nous travaillent pendant notre sommeil, comme sils reprsentaient la quintessence de la posie. Mais Mitterrand savait, comme tous les crivains, que cest de ces minuscules checs perptuels quest faite la bonne littrature. Personnellement il me semble que sa vision du monde, au lieu dtre celle dun politique, tait plutt celle dun homme brlant de la fivre de la littrature. Ctait un homme qui sintressait toutes les choses de la vie, mme aux plus simples ; et il le faisait avec une passion, un got et une lucidit qui reprsentait sa plus grande vertu. Ces notes nous laisseront une vision de notre temps sans doute beaucoup plus fidle que ce quimaginent ceux qui le lisent la lgre. En bon crivain quil tait, Mitterrand devait savoir que les mots qui sont les ntres nous poursuivent non seulement jusqu la mort, mais aussi bien au-del. Toutefois, galement comme tout bon crivain, il ne craignait pas un tel destin. Lcrivain Mitterrand ne pouvait pas chapper aux petites superstitions qui rendent plus mystrieuse et plus belle la vie de lhomme. La sienne, daprs de nombreuses notes dans ses livres, tait la superstition du mois de mai. Le mois des fleurs et des vierges, qui montent au ciel corps et me, pendant lequel il avait connu le pire et le meilleur. La dernire fois que je lai vu, il venait de prsenter sa candidature pour la troisime fois et il ma fait lhonneur de me convier dans son bureau de la rue de Solfrino pour prendre cong. Ce ne fut ni une prmonition ni une illusion, mais une ralit absolument vidente qui fit que, cette fois-l, jai eu le sentiment quil agissait dj en Prsident de la France. Limpression ne fut pas la mme alors quil ltait devenu. six heures de laprs-midi, sous une douce bruine, il traversa seul et pas mesurs la place du Panthon, deux roses rouges la main. Il entra seul dans lespace glacial du Panthon. La foule gardait un silence si profond quil ne pouvait sagir que du saisissement inexorable qui vous prend face au mystre insondable de la posie. Et puis, ce fut une jubilation cataclysmique qui clata, commenant au Quartier latin et se propageant de proche en proche toute la ville. Pour la premire fois depuis le mai de gloire de 1968, le torrent irrpressible de la jeunesse tait dans la rue, mais cette fois-ci il avait dbord ses berges non pas pour dsavouer le pouvoir, mais pouss par livresse dun dlire laissant entrevoir quune poque heureuse avait commenc.

Lange du dsenchantement vint se poser sur le salon. La plupart pensrent que Mitterrand, homme politique aux ergots acrs, avait eu recours cet artifice pour viter la question centrale. Mais, quelques minutes plus tard, nous tions tous sous le charme et fascins par la sagesse de ce matre qui se promenait avec aisance parmi les grands noms et les ternels infortunes des lettres universelles. Cest ce jour-l que je le dcouvris. Javais fait sa connaissance quelques annes plus tt, Pablo Neruda lui ayant parl de moi et port certains de mes livres traduits en franais en insistant lourdement sur notre amiti. Lorsque nous nous sommes rencontrs la premire fois, nous avions dj lair de trs vieux amis. Cependant, je navais pas encore pu me dbarrasser du prjug selon lequel Mitterrand tait avant tout un homme politique et avait tendance ne parler que de politique, comme le fait invariablement limmense majorit des politiques. Ce soir-l, Mexico, je me suis rendu compte que ctait moi qui tait dans lerreur et que Mitterrand tait bel et bien un homme de lettres, dans le sens rvrencieux et lgrement fataliste o seuls les Franais lentendent. En fait, non seulement Mitterrand tait un excellent crivain, mais encore il faisait partie de ceux qui crivent tous les jours de leur vie, comme le font les plus grands. Il sagissait, comme il le disait lui-mme, de petites notes fugaces crites sur des coups de cur auxquelles il accordait de limportance pour des raisons qui ntaient pas toujours les mmes et qui taient presque toujours subjectives. Tout crivain le comprendra parfaitement. Mitterrand le savait et disait : cest

Au cours de ses deux septennats, Franois Mitterrand aura prononc plus de deux mille discours. Pour rendre compte de cette richesse, les ditions sonores Frmeaux et Associs, avec le concours de lInstitut Franois Mitterrand, proposent une slection de ses prises de parole les plus importantes. Elles marquent les temps forts de sa prsence sur la scne internationale, elles jalonnent ses prises de position en matire de politique intrieure, elles mettent en relief certains aspects moins connus de ses proccupations.

Anthologie sonore des discours de Franois Mitterrand(1981-1995)Coffret de trois CD disponible lInstitut Franois Mitterrand 10, rue Charlot 75003 Paris 26 euros (frais de port compris)

14

15

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

Littrature et politiquepar

FRANOIS MITTERRAND

Discours prononc Mdan, le 10 octobre 1976 loccasion dune clbration dmile Zola. (extraits)

l mest arriv assez souvent de me trouver comme cela, aux commmorations, sur les lieux marqus par le souvenir dun grand personnage oubli et ceux qui sy rencontrent jen suis ont parfois quelque chose de dsol : Voil, nous sommes les derniers vous trouver ici. Mesdames et Messieurs, vous ntes pas les premiers mais vous tes loin dtre les derniers ; il y aura travers les dcennies qui viennent, travers la fin de ce sicle, dautres que vous qui clbreront Zola parce quil commence tout juste, si on me permet de le dire, prendre la dimension qui lui revient. Je vous remercie donc vous, et tous les fidles qui, penchs sur luvre et lhistoire de Zola, ont permis la transition entre lpoque o Zola tait en fait rejet par une certaine littrature et par lhistoire du moins par une certaine histoire et aujourdhui, o il prend le rang qui est le sien et qui le situe, sans aucun doute, dans mon esprit, parmi les plus grands de nos temps modernes. Et me voil mon tour, bon lecteur de Zola, sans quon puisse ajouter quoi que ce soit cette simple et modeste dfinition, affront par ncessit avant de vous rencontrer, une relecture, un examen critique dun certain nombre de textes, rafrachissant en somme, dans ma propre connaissance des choses, ce personnage et ses crits.

I

nous, de mon ge, n quelques annes aprs ces vnements na pas t passionn par ce temps, qui a command la suite des choses ? Lequel na pas compris que cette querelle dabord touffe, autour dun officier Juif, devait diviser chaque famille de France ou presque ? Une sorte de trait dcisif, pour une cause ; il en est tant dautres qui narrtent pas mme le passant et tant dautres aussi importantes. Alors pourquoi celle-l ? Eh bien ctait celle-l, parce quelle runissait pratiquement tous les signes, tous les symboles qui devaient animer, pour la suite des temps, jusqu nous tout au moins et sans doute encore un peu aprs, lessentiel du combat politique. () Javais une vieille ide dans un coin de ma cervelle qui tait de dire un beau jour la vrit tout le monde. Il y avait dj dix-huit ans quil avait crit cela, quand paratra Jaccuse le 13 janvier 1898. Jai souvent rflchi ltat desprit de cet homme qui dsormais coupe les ponts : il ne peut pas ignorer le sort qui lattend dans le monde des lettres et aussi dans le monde o il aime vivre, aprs tout. travers laffaire Dreyfus, jai essay de me faire une ide de lhomme dont Blum disait : Plus je rflchis, plus je pse et plus jadmire le Zola de lAffaire. Jai cherch, comme vous tous sans doute, la signification de Zola, romancier ou justicier, dans sa totalit. Jaccuse , cest un engagement militant, or Zola ntait pas un militant. Lengagement de Zola, cest laboutissement naturel dune volution lente, de plus en plus nette travers lhistoire, travers luvre immense quil avait maonne ; mais cette uvre, il tait bien difficile de penser quelle aboutirait en termes concrets dun engagement politique aussi dur, dans une situation, elle-mme, aussi tendue. Dbats, controverses, problmes, tribunaux, police, insultes, voil que nous y sommes : le pas est franchi. Cette hsitation de Zola ma toujours tonn. Sur le plan littraire, btisseur et thoricien, il aborde la littrature par le biais dune certaine forme dexplication scientifique qui sinspire des crits de grands mdecins, et notamment de Claude Bernard. Il essaie de rechercher un certain nombre de sentiers qui ne laissent pas de place limprovisation. Il ouvre la littrature les portes de la vie sociale par une description qui dpasse et parfois nglige les caractres individuels. Il cre une vie puissante en mouvement comme la lave qui coule ou le torrent, a tout le temps dexaminer chacun des lments qui la composent.

() Sa cration, ctait le fleuve, ctait la lave ; et, travers cela, la rvlation de tous les lments de connaissance pour dcrire la socit dont les autres ne parlaient pas ou si peu. Une dmarche donc aussi scientifique que celle de Littr, aussi romanesque que celle de Sue, loigne dj de lanalyse strictement pointilliste dun Stendhal travers quelques individus de certaines classes sociales, mais aussi diffrente, bien que lon soit dj plus proche de la faon dcrire et de procder dun Balzac qui, sil tait all au-del du monde auquel il sest intress, aurait sans doute construit une uvre qui et dpass, mon sens, celle de Tolsto. Avec Zola, les masses populaires ont fait dans les lettres franaises une entre fracassante. On dira que Zola naime dcrire que les bas-fonds, quil nest attir que par ce qui est pourri, quil ne voit que la poutre vermoulue ou dj vreuse, dans une maison qui cependant a une belle pierre. On dira aussi quil naime que la disgrce dun visage, quil ne recherche que le vice derrire la beaut dun couple, la laideur de sentiments ou limpossibilit quil y avait pour les travailleurs, ceux de la mine ou ceux de la campagne,

les cheminots de cette poque, dtre autre chose que les brutes de leur machine ! Sans doute, et jentends fort bien la distinction tablie entre les ralistes et les naturalistes. Mais, travers luvre de Zola, que de pages enchanteresses, que de lumire, que de beaut, que de douceur, que de personnages, soit allgs parce quils sont ports par une me lgre, soit significatifs du malheur et opposant ce malheur le sourire de ladolescence. Que damours prouves simplement parce que deux doigts streignent en marchant le long dun chemin ! Est-il ncessaire de retrouver Zola pour reconnatre en lui, parfois, un romantique attard ? () Je salue cet ouvrier de vrit, ce croyant des hommes et de la nature. Il accompagne notre certitude dune ronde immense dhommes et de femmes qui seront joyeux, quand mme , joyeux, parce quil y a, en perspective, pour un temps dont on ne connat pas le calendrier, lpanouissement et la libration. LHomme dans son ternit, lHomme dans lternit de ses besoins profonds, le besoin de la connaissance, le besoin du repos en soi-mme, dans la paix retrouve, et le besoin du cur.

Un archipel de bibliothques

L

Mais comment sparer les choses ? La grandeur de Zola tient au fait que son uvre littraire est une uvre politique, mme quand il ne la pas voulu, et que son uvre politique est toujours reste littraire. () Bien entendu chacun connat Jaccuse , mais connat-on bien le reste ? Et sait-on quaprs tout Zola, sur le plan simplement de la polmique politique, allait infiniment plus loin et, dune plume infiniment plus critique (parce que grattant plus profondment, plus loin que le papier, lesprit de ceux qui le lisaient), beaucoup plus loin que le Barrs de Leurs figures , mon avis, surfait ? Cest donc dabord limage dmile Zola combattant de laffaire Dreyfus qui ma intress. Lequel dentre

e livre ancien est une vasion bien connue de lentourage du Prsident. Il collectionne les ditions rares ou anciennes de ses crivains prfrs. Sa femme a appris lart de la reliure dans les premires annes de leur mariage : Ctait tout de suite aprs la guerre (...). Je me suis intresse dabord aux instruments du matre relieur. Il y avait un magasin devant lequel je passais souvent. Un jour jy suis entre, jai achet un manuel, les instruments de base. Puis jai demand au relieur sil connaissait quelquun qui pouvait mapprendre... et je suis entre dans le milieu de la reliure comme a. La reliure dart, cest un milieu trs spcifique. Pendant vingt ans jai vcu dans ce milieu-l, je me suis intresse, et jai fait quelques belles choses. Jai reli beaucoup de livres pour Franois. Lorsque je me suis arrte en 1981, il a continu faire relier. Il aimait le texte, et il aimait que le texte soit bien envelopp. Aprs acquisition, lobjet livre intgre la bibliothque prsidentielle... Il

serait plus juste de dire les bibliothques . Distinguons trois sites : Latche, la rue de Bivre et llyse. Latche Mitterrand entrepose notamment la collection complte du Livre de Poche, ainsi que de nombreuses ditions Pliade de ses auteurs favoris. Aprs llection de 1981, la rue de Bivre est rserve aux vieux livres et aux livres favoris. Laccs ces deux bibliothques intimes est rserv aux proches. Jean Glavany les dcrit ainsi : Rue de Bivre (jai connu Franois Mitterrand dbut 1979) il mavait convoqu, dans son petit poulailler, son bureau sous les combles, envahi par les livres, poss mme le sol, etc. ; il vivait parmi les livres, une invasion permanente. Il a dcid assez vite de faire descendre des centaines et des milliers de livres Latche, dont des poches, des livres qui navaient pas grande valeur, pour lesquels il a construit deux chalets de bois mis sous les pins, pour le stockage. Et ensuite Paris, dans les dernires annes, il a fait construire une bibliothque par un de mes amis

personnels. Dans ces bibliothques, le classement est laffaire du Prsident et de lui seul. Son pouse raconte que, jusqu la fin de sa vie, il rdigeait luimme de petites fiches cartonnes pour ses ouvrages prfrs. De son ct, la bibliothque officielle de llyse accueille les beaux livres et les services de presse. Cette pice du palais prsidentiel est un vritable muse du livre, compos par le designer Philippe Starck : Des siges spartiates, une table, des rayonnages bas pour les livres que le Prsident a apports : les Mmoires de SaintSimon, tout Racine et tout Cicron, notamment. Des rayonnages pour les livres et une chemine, ctaient aussi les seules exigences du chef de ltat pour la pice qui communique avec cette bibliothque : sa chambre, confie Jean-Michel Wilmotte. Paisibles, les tons des murs, des meubles, du bois blanchi, du granit et de la pierre gratte. Des livres, on en trouve encore dans la chambre, dont les murs sont couverts de rayonnages du sol au plafond.

16

17

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

Lectures autour du dixime anniversaireLe 17 mai 1995, Franois Mitterrand achevait son deuxime mandat. Quelques mois plus tard, le 8 janvier 1996, il tait emport par la maladie. loccasion du dixime anniversaire de sa mort, les diteurs proposent une trentaine de livres consacrs divers aspects de sa vie. Nous avons retenu pour nos lecteurs les ouvrages les plus dignes dintrt.

Mitterrand et la Palestine

jean-pierre filiuLa dcouverte par Franois Mitterrand, en 1972, de la misre des camps de rfugis de Gaza, suivie dune premire rencontre, en 1974, avec Yasser Arafat. Cet ouvrage subtil nous dcrit galement les ractions de Franois Mitterrand face au conflit libanais et sa tentative pour prvenir le massacre de Tall el-Zaatar en 1976.Fayard, 2005

Les Mondes de Franois Mitterrand

hubert vdrineFranois Mitterrand, le dernier des Captiens Livre de rfrence, prcis et document, louvrage dHubert Vdrine est la chronique politique et diplomatique dune dcennie et demie qui a vu basculer dans le pass le monde issu de 1945 et commencer celui o nous vivons aujourdhui.Fayard, rditions

guy gauthierGuy Gauthier, magistrat et historien, nous propose dans cet ouvrage une nouvelle lecture de la vie et de laction de Franois Mitterrand la lumire de la tradition monarchique millnaire de la France.France-Empire, 2005

Franois Mitterrand : souvenirs dun fidle

Les Socialistes. Aux portes du pouvoir (tome I : 1974-1981)

pierre joxe partir de 1965, Pierre Joxe a t de toutes ses quipes de campagne. Plusieurs fois ministre, ce tmoin du premier rang voque ses tte--tte, ses voyages et son intimit avec Franois Mitterrand.P. Rey, paratre le 6 janvier 2006

franoise seligmannChronique engage des annes 1974 1981 : la conqute du pouvoir par Franois Mitterrand la tte du Parti socialiste. Lauteur nous propose de nombreux portraits de ceux qui furent alors au cur de laction et nous entrane dans les coulisses de ce qui fut laventure dune gnration.ditions Michalon, 2005

Ctait Franois Mitterrand

jacques attaliTmoin privilgi de laction politique de Franois Mitterrand partir de 1966, Jacques Attali raconte ce que fut la dizaine dannes quil a pass ses cts llyse. Il tudie la porte de ce que furent les deux septennats et nous en propose une analyse nuance et critique.Fayard, 2005

Trente ans avec Franois Mitterrand

louis mexandeauLancien ministre livre les souvenirs dune collaboration de prs de trente ans avec Franois Mitterrand. Des anecdotes et des souvenirs.Le Cherche Midi, 2005

Cest ce que montre avec brio luniversitaire allemand Tilo Schabert, dans un livre fond sur des enqutes dtailles et des interviews des acteurs de lpoque.Grasset, 2005

Franois Mitterrand, Tenez-vous prt, nous partons ! Photographies de claude azoulay, prface de jean lacouture Ce dpart annonc sans la moindre motion est celui de Franois Mitterrand vers Sarajevo en guerre, en 1992.Filipacchi, 2005

Franois Mitterrand, le dessein et le destin

Mitterrand, la fin de la guerre froide et lunification allemande : de Yalta Maastricht

hubert vdrineProfession de foi Biographie synthtique de Franois Mitterrand de sa naissance, en 1916, sa mort, en 1996. Lauteur nous fait parcourir pas pas ce destin exceptionnel : sa jeunesse, sa captivit en Allemagne, Vichy, la Rsistance, la Libration, la IVe et la Ve Rpublique, jusqu son accession la prsidence de la Rpublique et lexercice de ses deux mandats successifs.Collection Dcouvertes Gallimard, paratre le 5 janvier 2006

charles fitermanPendant plus de vingt ans, Charles Fiterman a t un dirigeant du Parti communiste franais, numro deux derrire Georges Marchais. Ministre dtat dans le gouvernement de Pierre Mauroy de 1981 1984, il nous livre un tmoignage sans complaisance sur cette priode cruciale de lhistoire de la gauche.Seuil, 2005

Mitterrand et la runification allemande

frdric bozoCest une tude de la diplomatie franaise des annes 1980-1990 que nous convie lhistorien Frdric Bozo. Il analyse finement le rle de la politique de Franois Mitterrand dans lmancipation de lEurope de lEst, lunification allemande et la dsagrgation de lURSS.Odile Jacob, 2005

tilo schabertContrairement une ide couramment rpandue, Franois Mitterrand ne sest nullement oppos la runification de lAllemagne, et a entrevu cet vnement avant mme que dautres le jugent possible, dans le contexte bien plus large dune unification de lEurope.

Mitterrand : ombres et lumire

ric halphenVingt-cinq ans aprs laccession de Franois Mitterrand la prsidence de la Rpublique, lancien juge est la fois critique et admiratif.Scali, 2005

Franois Mitterrand et la Bourgogne : lirrsistible ascension jacques boucaud, prface de hubert vdrine travers une srie de tmoignages puiss directement la source, lauteur nous fait comprendre lattachement de Franois Mitterrand aux hommes et aux femmes de cette rgion o il a commenc sa carrire politique.A Contrario, 2005

18

19

de lInstitut Franois Mitterrand

La lettre

Commmoration Jarnacloccasion du 10e anniversaire de la disparition de Franois Mitterrand, lassociation Espace Culturel Franois Mitterrand Jarnac et lassociation nouvellement cre Maison natale de Franois Mitterrand Jarnac organisent le samedi 7 et le dimanche 8 janvier 2006 en liaison avec la ville de Jarnac et lInstitut Franois Mitterrand plusieurs manifestations commmoratives auxquelles vous tes convis participer.

coupon-rponse pour le repas retourner avant le 20 dcembre 2005 Madame Georgette BLANC Le Picergent 16200 SIGOGNE

Nom .................................................. ............................................................. Prnom .................................................. Demeurant ................................ Assistera au repas amical organis par lAssociation Espace Culturel Franois Mitterrand la salle polyvalente de Jarnac.Joindre un chque de 20 euros par convive, libell lordre de lAECFM.

p ro g r a m m esamedi 7 janvier

18h00 : Confrence de Jean Glavany, dput des HautesPyrnes, ancien chef de cabinet de Franois Mitterrand, ancien ministre, la salle polyvalente de Jarnac

dimanche 8 janvier10h45 : Commmoration et dpt de gerbes au cimetire des Grand Maisons 11h30 : Visite de la maison natale et de lexposition organise par lInstitut Franois Mitterrand 13h00 : Repas amical, salle polyvalente de Jarnac 15h30 : Visite de la maison natale et de lexposition

La Lettre est dite par lInstitut Franois Mitterrand 10, rue Charlot 75003 Paris Tl. : 01 44 54 53 93 Fax : 01 44 54 53 99 Courriel : [email protected] Site : www.mitterrand.orgREVUE TRIMESTRIELLE

ABONNEZ-VOUS LA LETTRE DE LINSTITUT FRANOIS MITTERRAND ( 4 n par an )Nom............................................................................ Prnom....................................................................... Adresse...................................................................... Tlphone............................................................................. Courriel............................................................................ Abonnement 1 an - 20 euros (chque lordre de lInstitut Franois Mitterrand). Date Signature

Directeur de la publication : Hubert Vdrine Secrtaire de rdaction : Jean-Franois Huchet Maquette : Baylaucq & Co Imprimerie centrale de Bordeaux Dpt lgal : mars 2005 Numro de commission paritaire : 0704 G 82038 ISSN 1634-4510

CE FORMULAIRE, REMPLI ET ACCOMPAGN DU RGLEMENT ( LORDRE DE LIFM), EST ADRESSER 10, RUE CHARLOT 75003 PARIS. IL EST GALEMENT, AINSI QUE TOUTES LES INFORMATIONS SUR LIFM, EN LIGNE SUR MITTERRAND.ORG

20