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56 Action Co / Numéro 355 / Février – Mars 2016 Plus d’actualités sur www.actionco.fr LIRE how to Régine Vanheems est Professeur en sciences de gestion à l’Université de Lyon 3 (IAE). Elle enseigne également à la Sorbonne et à l’ESCP Europe. Auteur de nom- breux articles et ouvrages en marketing et en distri- bution, elle a cofondé l’Observatoire du cross canal et du commerce connecté (O4C). En clair Réussir sa stratégie cross et omni-canal : Pour des marques et des entreprises connectées, Éditions EMS, 22 euros. En 203 pages, l’auteur apporte réflexions, analyses et solutions face à la multiplication actuelle et à venir des points de contact entre l’entreprise et son client. De quoi comprendre le phénomène de l’omnica- nalité et repenser sa stratégie commerciale et appréhender l’expérience client différemment. Avec la digitalisation, les techniques traditionnelles mises en œuvre par les forces de vente sont remises en cause… Quelles sont les craintes exprimées par les commerciaux ? 1 Sur le long terme, les commerciaux craignent que les besoins en main-d’œuvre diminuent et que les entreprises réduisent leurs effectifs. Mais au quotidien, les peurs liées au digital et à l’omnicanal se sont apaisées au cours de ces derniers mois. En effet, les forces de vente sont progressivement en train de se rendre compte que le site Internet et les autres points de contact numériques de leur entreprise Twitter, LinkedIn… sont, en fait, des “apporteurs d’affaires”. Dès lors, elles prennent progressivement conscience des gains de temps que l’omnicanal rend possible, grâce notamment à l’optimisation de la prospection. L’omnicanal signe-t-il la disparition des profils de “chasseurs” ? 2 Les forces de vente prospectent moins. Internet leur facilite la tâche en générant des leads qualifiés et des appels entrants. La posture du commercial change alors, puisqu’il répond à des demandes au lieu d’aller chercher des prospects. La partie “chasse”, au sens littéral du terme, se réduit en effet. Mais elle ne disparaît pas. Les commerciaux chassent différemment, ils capitalisent sur les informations remontées par les bases de données. Par exemple, il est beaucoup plus efficace d’utiliser les réseaux sociaux (Viadeo et LinkedIn) pour entrer en relation avec un acheteur potentiel. Introduit par un contact commun, le commercial ne subit plus le barrage de la secrétaire. En outre, un CRM couplé aux réseaux sociaux permet de suivre en permanence les fonctions importantes dans l’entreprise cliente, de savoir qui change de position et quand. Le rôle des forces de vente évolue, comment réinventer le rendez-vous commercial ? 3 Les commerciaux utilisant les outils digitaux à leur disposition pour gérer les interactions avec leurs clients, le nombre de rendez-vous physiques diminue. Néanmoins la rencontre demeure essentielle pour rassurer l’acheteur et pour l’accompagner notamment lors d’une vente complexe. L’entretien en face-à-face reste indispensable, surtout lorsqu’il s’agit de vendre des produits techniques. L’accompagnement nécessaire incite même le commercial à se transformer en chef d’orchestre pour conduire le projet. À lui de réunir une équipe (logistique, administration, bureau d’études), à lui d’animer les séances avec des outils innovants comme la vidéo enrichie, ou encore la 3D… Vous évoquez une transformation inédite dans la relation commerciale avec la mise au travail du client. Comment la négociation évolue-t-elle ? 4 Le client grâce à Internet dispose au préalable d’un certain nombre d’informations. Soit le produit à vendre est basique et dans ce cas, il a déjà brûlé les étapes (il a identifié son besoin, trouvé le produit qui y répond et comparé les prix), soit il s’agit d’une vente complexe et il a besoin d’être accompagné. Dans le premier cas, le rôle du commercial consiste à vérifier si le client n’a pas commis d’erreur d’appréciation dans sa recherche, puis prendre acte de son choix, le rassurer et le conforter dans son choix ou en cas d’appréciation erronée de le réorienter vers le bon produit. Dans le second cas, il endosse le rôle de chef d’orchestre et s’entoure des compétences nécessaires pour proposer une solution à valeur ajoutée. Plus l’offre est complexe moins le client peut la comparer. La négociation commerciale s’enrichit, elle devient de plus en plus technique, faisant d’ailleurs monter les commerciaux en compétence. /// ProPos recueillis Par Véronique Méot MULTIPLIER LES POINTS DE CONTACT POUR ÉCHANGER ET VENDRE AVEC SES CLIENTS EST DEVENU INCONTOURNABLE. MAIS CELA BOUSCULE LES PRATIQUES DES COMMERCIAUX… ENTRETIEN AVEC RÉGINE VANHEEMS, SPÉCIALISTE DU CROSS ET DE L’OMNICANAL. transforma tion – À l’ère de l’omnicanal, le commercial endosse le rôle de chef d’orchestre Avec la digitalisation, les commerciaux craignent que les entreprises réduisent leurs effectifs.

Interview Action Co avec V Meot mars 2016

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56 Action Co / Numéro 355 / Février – Mars 2016 Plus d’actualités sur www.actionco.fr

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Régine Vanheems est Professeur en sciences de gestion à l’Université de Lyon 3 (IAE). Elle enseigne également à la Sorbonne et à l’ESCP Europe. Auteur de nom-breux articles et ouvrages en marketing et en distri-bution, elle a cofondé l’Observatoire du cross canal et du commerce connecté (O4C).

En clair

Réussir sa stratégie cross et omni-canal : Pour des marques et des entreprises connectées, Éditions EMS, 22 euros. En 203 pages, l’auteur

apporte réflexions, analyses et solutions face à la multiplication actuelle et à venir des points de contact entre l’entreprise et son client. De quoi comprendre le phénomène de l’omnica-nalité et repenser sa stratégie commerciale et appréhender l’expérience client différemment.

Avec la digitalisation, les techniques traditionnelles mises en œuvre par les forces de vente sont remises en cause… Quelles sont les craintes exprimées par les commerciaux ?

1 Sur le long terme, les commerciaux craignent que les besoins en main-d’œuvre diminuent et

que les entreprises réduisent leurs effectifs. Mais au quotidien, les peurs liées au digital et à l’omnicanal se sont apaisées au cours de ces derniers mois. En effet, les forces de vente sont progressivement en train de se rendre compte que le site Internet et les autres points de contact numériques de leur entreprise Twitter, LinkedIn… sont, en fait, des “apporteurs d’affaires”. Dès lors, elles prennent progressivement conscience des gains de temps que l’omnicanal rend possible, grâce notamment à l’optimisation de la prospection.

L’omnicanal signe-t-il la disparition des profils de “chasseurs” ?

2 Les forces de vente prospectent moins. Internet leur facilite la tâche en générant des leads

qualifiés et des appels entrants. La posture du commercial change alors, puisqu’il répond à des demandes au lieu d’aller chercher des prospects.La partie “chasse”, au sens littéral du terme, se réduit en effet. Mais elle ne disparaît pas. Les commerciaux chassent différemment, ils capitalisent sur les informations remontées par les bases de données. Par exemple, il est beaucoup plus efficace d’utiliser les réseaux sociaux (Viadeo et LinkedIn) pour entrer en relation avec un acheteur potentiel. Introduit par un contact commun, le commercial ne subit plus le barrage de la secrétaire. En outre, un CRM couplé aux réseaux sociaux permet de suivre en permanence les fonctions importantes dans l’entreprise cliente, de savoir qui change de position et quand.

Le rôle des forces de vente évolue, commentréinventer le rendez-vous commercial ?

3 Les commerciaux utilisant les outils

digitaux à leur disposition pour gérer les interactions avec leurs clients, le nombre de rendez-vous physiques diminue. Néanmoins la rencontre demeure essentielle pour rassurer l’acheteur et pour l’accompagner notamment lors d’une vente complexe. L’entretien en face-à-face

reste indispensable, surtout lorsqu’il s’agit de vendre des produits techniques. L’accompagnement nécessaire incite même le commercial à se transformer en chef d’orchestre pour conduire le projet. À lui de réunir une équipe (logistique, administration, bureau d’études), à lui d’animer les séances avec des outils innovants comme la vidéo enrichie, ou encore la 3D…

Vous évoquez une transformation inédite dans la relation commerciale avec la mise au travail du client. Comment la négociation évolue-t-elle ?

4 Le client grâce à Internet dispose au préalable d’un certain nombre d’informations. Soit le

produit à vendre est basique et dans ce cas, il a déjà brûlé les étapes (il a identifié son besoin, trouvé le produit qui y répond et comparé les prix), soit il s’agit

d’une vente complexe et il a besoin d’être accompagné. Dans le premier cas, le rôle du commercial consiste à vérifier si le client n’a pas commis d’erreur d’appréciation dans sa recherche, puis prendre acte de son choix, le

rassurer et le conforter dans son choix ou en cas d’appréciation erronée de le réorienter vers le bon produit. Dans le second cas, il endosse le rôle de chef d’orchestre et s’entoure des compétences nécessaires pour proposer une solution à valeur ajoutée. Plus l’offre est complexe moins le client peut la comparer. La négociation commerciale s’enrichit, elle devient de plus en plus technique, faisant d’ailleurs monter les commerciaux en compétence.

/// ProPos recueillis Par Véronique Méot

MULTIPLIER LES POINTS DE CONTACT POUR ÉChANgER ET VENDRE AVEC SES CLIENTS EST DEVENU INCONTOURNAbLE. MAIS CELA bOUSCULE LES PRATIqUES DES COMMERCIAUx… ENTRETIEN AVEC RÉgINE VANhEEMS, SPÉCIALISTE DU CROSS ET DE L’OMNICANAL.

– t r a n s f o r m a t i o n –

À l’ère de l’omnicanal, le commercial endosse le rôle de chef d’orchestre

Avec la digitalisation,

les commerciaux

craignent que

les entreprises

réduisent leurs

effectifs.