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1 Introduction Voici le rapport final de l’étude exploratoire sur le thème du cirque que nous avons réalisé pour le compte du Musée de la civilisation. Ce rapport explique d’abord le pourquoi de cette étude. Par la suite, il fait une présentation générale du Musée de la civilisation, notre client et explique d’où semble venir l’idée du Musée de réaliser une exposition sur le cirque. Suite à cela, on trouve une présentation du type de recherche que nous devons réaliser. Cette mise en contexte de la recherche permet de comprendre en détails notre problématique de recherche, également présentée dans ce rapport d’étape. Dans celle-ci, nous avons cherché à saisir le phénomène du cirque sous tous les angles, en synthétisant les fruits de nos recherches en trois sections. La première retrace l’histoire du cirque de ses origines jusqu’à la nouvelle vague des cirques qui débuta vers 1980. La seconde retrace le rayonnement que connut le cirque dans les arts ainsi que dans les études. En dernier lieu, nous expliquons l’attrait que provoque le cirque en s’attardant notamment à l’univers symbolique qui l’entoure. Suite à cela, vous trouverez la conceptualisation que nous avons réalisée à partir de notre problématique. Cette étape est essentielle puisque nous voulons confronter le fruit de nos découvertes à la perception qu’ont les visiteurs du Musée de la civilisation du thème du cirque. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons construit, à l’aide de nos concepts, un questionnaire que vous trouverez à la fin du présent rapport. Concernant les détails méthodologiques de celui-ci, ils sont fournis dans la section 3. L’analyse et l’interprétation des résultats de notre sondage sont présentés à la section 4. Dans celle-ci, nous présentons notamment les caractéristiques socio-démographiques des répondants, leurs perceptions du spectacle du cirque, leurs motivations à assister à un spectacle de cirque ainsi que l’attrait du spectacle comme tel. De plus, cette section expose les thèmes que les visiteurs du Musée aimeraient voir aborder ainsi que le matériel qu’ils aimeraient y découvrir. Le rapport final se conclut par une série de suggestions, issues de l’interprétation des résultats et de l’intérêt de la matière.

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Introduction

Voici le rapport final de l’étude exploratoire sur le thème du cirque que nous avons réalisé pour le

compte du Musée de la civilisation. Ce rapport explique d’abord le pourquoi de cette étude. Par la

suite, il fait une présentation générale du Musée de la civilisation, notre client et explique d’où

semble venir l’idée du Musée de réaliser une exposition sur le cirque. Suite à cela, on trouve une

présentation du type de recherche que nous devons réaliser.

Cette mise en contexte de la recherche permet de comprendre en détails notre problématique de

recherche, également présentée dans ce rapport d’étape. Dans celle-ci, nous avons cherché à saisir

le phénomène du cirque sous tous les angles, en synthétisant les fruits de nos recherches en trois

sections. La première retrace l’histoire du cirque de ses origines jusqu’à la nouvelle vague des

cirques qui débuta vers 1980. La seconde retrace le rayonnement que connut le cirque dans les arts

ainsi que dans les études. En dernier lieu, nous expliquons l’attrait que provoque le cirque en

s’attardant notamment à l’univers symbolique qui l’entoure.

Suite à cela, vous trouverez la conceptualisation que nous avons réalisée à partir de notre

problématique. Cette étape est essentielle puisque nous voulons confronter le fruit de nos

découvertes à la perception qu’ont les visiteurs du Musée de la civilisation du thème du cirque.

C’est d’ailleurs pour cela que nous avons construit, à l’aide de nos concepts, un questionnaire que

vous trouverez à la fin du présent rapport. Concernant les détails méthodologiques de celui-ci, ils

sont fournis dans la section 3.

L’analyse et l’interprétation des résultats de notre sondage sont présentés à la section 4. Dans

celle-ci, nous présentons notamment les caractéristiques socio-démographiques des répondants,

leurs perceptions du spectacle du cirque, leurs motivations à assister à un spectacle de cirque ainsi

que l’attrait du spectacle comme tel. De plus, cette section expose les thèmes que les visiteurs du

Musée aimeraient voir aborder ainsi que le matériel qu’ils aimeraient y découvrir. Le rapport final

se conclut par une série de suggestions, issues de l’interprétation des résultats et de l’intérêt de la

matière.

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1) Le cirque en tête

1.1) L’idée d’une exposition sur le cirque

Malgré le fait que le cirque moderne existe depuis deux siècles, il est un thème qui,

traditionnellement, ne fait pas couler beaucoup d’encre comparativement à d’autres formes d’art

ou de spectacles. Une simple visite à la librairie suffit à nous convaincre que le nombre d’ouvrages

qui ont été écrits sur les autres formes d’art, telles que le cinéma, la musique et le théâtre, est

largement supérieur à ceux écrits sur le cirque.

Cependant, depuis une dizaine d’années, le cirque semble prendre une importance croissante et

susciter un vif intérêt, tout au moins au Québec. Dans le domaine littéraire et dans celui des

sciences humaines, nombreuses sont les personnes qui ont exprimé un intérêt pour cet art si

souvent négligé. Pensons notamment à Mathilde Baisez, Nathalie Pétrowski, Pierre Jean et

Jacques Clairoux. Dernièrement, le cirque a même été le sujet d’un mémoire de maîtrise. En effet,

Julie Boudreault a étudié, en 1993, les processus créateurs à l’oeuvre lorsque le Cirque du Soleil

crée un spectacle.

Si, au Québec, la population s’intéresse de plus en plus au cirque, c’est en raison de la très

populaire entreprise québécoise du Cirque du Soleil. Il semblerait qu’à la suite de ses succès en

série, aussi bien sur la scène nationale qu’internationale, un intérêt particulier pour le cirque en

général se soit manifesté au Québec : on en parle dans les journaux, dans les revues et à la

télévision. Comme pour les autres formes culturelles, on constate un réel attrait du public pour la

vie des artistes et ce qui se passe derrière le rideau : le fonctionnement des appareils de scène et les

diverses techniques utilisées. Le Cirque du Soleil a profité de cet engouement pour mettre sur le

marché des livres, des posters et mêmes les trames sonores de ses différents spectacles, s’assurant

ainsi d’une autre source de financement. Le passage, à l’été 1996, de la troupe du Cirque du Soleil

dans la région de Québec, venue pour présenter son nouveau spectacle, Quidam, n’a fait que

confirmer cet attrait. Un employé du Cirque du Soleil nous a affirmé que ce dernier a donné tous

ses spectacles à guichet fermé. Donc, petit à petit, l’intérêt de la population québécoise pour cette

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forme de spectacle, qui était peu connue ici il y a à peine dix ans, a grandi. Certes, les tournées de

certains cirques américains, tels Barnum and Bailey et Ringling Brothers, ont toujours connu un

vif succès lors de leurs tournées canadiennes. Toutefois, c’est avec l’entrée en scène du Cirque du

Soleil que les Québécois ont manifesté un intérêt plus que ponctuel au phénomène du cirque.

Dans ce contexte, on peut comprendre que le Musée de la civilisation se soit intéressé à présenter

dans ses murs une exposition sur le thème du cirque. Or, pour réaliser une exposition, une étape

exploratoire s’impose. C’est donc en réponse à cette demande du Musée de la civilisation que

nous réaliserons ici une étude préalable. Pour ce faire, nous devons, dans un premier temps,

énoncer la spécificité de la problématique en dégageant des pistes de recherche, qui elles

donneront lieu ultérieurement à des analyses plus approfondies. Cependant, avant de débuter cette

étude exploratoire, il convient de présenter celui qui en fait la demande, soit le Musée de la

civilisation.

1.2) Le Musée de la civilisation : présentation générale

Le Musée de la civilisation a ouvert ses portes à Québec en 1988. Il devenait ainsi le troisième

grand musée à vocation internationale créé par le gouvernement du Québec avec le Musée du

Québec, situé également à Québec et le Musée d’art contemporain, à Montréal. C’est un musée

national, subventionné à 85% par le ministère de la Culture et des Communications. Le dernier

15% provient de revenus autonomes, comme par exemple de la billetterie du Musée ainsi que de

divers organismes commanditaires variant selon les thèmes abordés. Son statut de musée national

place le Musée de la civilisation sous la régie de la loi sur les musées nationaux. Il doit remplir les

fonctions obligatoires des musées (règles, obligations, responsabilités, etc.) définies par le cadre

légal. Comme les deux autres musées nationaux, le Musée de la civilisation a développé une

personnalité qui lui est propre. Alors que le Musée du Québec oriente ses activités spécifiques vers

l’acquisition, la conservation et la diffusion de l’art québécois de toutes les périodes, le Musée

d’art contemporain s’attarde, lui, à l’acquisition et à la diffusion de l’art québécois, canadien et

international produit après 1939. Pour sa part, le Musée de la Civilisation a pour mission d’être un

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moteur culturel et de s’ouvrir sur le monde tout en mettant en valeur la culture et l’histoire du

Québec. Plus spécifiquement, la mission première que le Musée s’est fixée est éducative : « Le

Musée est un lieu d’apprentissage, un instrument didactique de première valeur destiné à instruire

les visiteurs. Ceci se manifeste particulièrement via l’action des services du Musée, qui vise à

prolonger l’enseignement donné dans le cadre des programmes scolaires » (Routhier, 1993, 7).

Pour ce faire, le Musée organise des conférences, des visites, des présentations de films et des

spectacles pour enfants.

En privilégiant une approche thématique (les cinq grands thèmes étant le corps, la matière, la

société, le langage et la pensée) et en plaçant l’expérience humaine au centre de ses

préoccupations, le Musée vise à être un lieu d’étonnement et de réflexion orienté sur la

participation et l’interaction. Le Musée de la civilisation se veut d’abord et avant tout accessible,

par ses coûts d’entrée et ses heures d’ouverture, et populaire, ce qui signifie qu’il peut attirer des

gens de tous âges et de toutes classes. Voilà pourquoi nous y retrouvons de nombreuses activités

culturelles et éducatives.

Le Musée de la civilisation est géré par un conseil d’administration et au quotidien par une

direction générale. Ceux-ci supervisent les activités des quatre principaux secteurs du Musée, soit

la direction de la diffusion de l’éducation, la direction des expositions et des relations

internationales, la direction de l’administration et de la commercialisation ainsi que la direction de

la recherche et de la conservation.

1.3) Le cadre de la recherche

Notre recherche se divise en deux étapes complémentaires. Lors de la première, nous avons

effectué une recherche en bibliothèque, laquelle nous a permis de présenter et de clarifier ce que

l’on entend par « cirque ». Le lecteur trouvera dans ces pages l’historique du cirque, les différents

types de cirque ; les différentes dimensions et définitions, d’ailleurs divergentes voire

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contradictoires selon les époques, comme vous le verrez. Par exemple, Dominique Jando1, dans

Histoire mondiale du cirque (1977) écrit que les caractéristiques de base du cirque sont les pistes

et les chevaux et que sans celles-ci, ce n’est pas un cirque mais plutôt une spectacle de variété.

Pour sa part, Henry Thétard2 dans sa Merveilleuse histoire du cirque (1978) définit le cirque

comme une suite de numéros donnés sur une piste, entourés de spectateurs où la nature des

numéros varie à l’infini. Pour qu’un cirque soit un cirque, est-il nécessaire qu’il y ait des animaux ?

Quelles sont les composantes essentielles de cette forme de spectacle ? Qu’est-ce qui peut

expliquer l’attrait de celui-ci ? La recherche en bibliothèque nous a permis de dégager quelques

pistes de réponse.

Nous avons ensuite tâché de retracer les aspects du cirque qui ont fait l’objet d’études, son

rayonnement dans d’autres formes d’art (théâtre, cinéma, peinture, etc.) ainsi que l’apport des

autres formes d’art au cirque. Cette démarche nous a permis, comme vous le verrez, de

comprendre ce qui a fait et ce qui fait toujours l’attrait du cirque. Soulignons au passage que cet

attrait peut être expliqué par la fonction clairement définie du cirque dans notre culture : celle

d’amuser et d’épater. Cette relation cependant n’est pas aussi simple qu’elle peut sembler à prime

abord. En effet, selon Paul Bouissac, un sémioticien passionné de cirque, ce spectacle a un statut

particulier à l’intérieur de la société du fait que des gens de tous âges et de toutes classes y sont

attirés. Ils sont captivés et éprouvent un certain plaisir à assister à ses spectacles. Cependant, on

remarque que, lorsque l’on parle du cirque, et non du spectacle, c’est souvent avec une

connotation péjorative, comme si le cirque était une forme d’art mineur (Bouissac, 1976, 6-7).

Nous avons tenté d’éclairer cette relation ambiguë.

De plus, nous avons traité de la question de l’imaginaire individuel et de l’univers symbolique qui

l’entoure. En examinant les éléments des numéros de cirque, on peut facilement les identifier

comme provenant de notre environnement culturel. Les coutumes, la musique, les animaux, les

effets de lumière et même les schèmes de comportements sociaux sont tous des symboles qui

1Dominique Jando se distingue comme historien du cirque car il est celui, à notre connaissance, qui a le mieuxvulgarisé et synthétisé l’histoire du cirque. Son livre Histoire mondiale du cirque donne une excellente idée del’histoire de cette forme d’art en moins de 200 pages.2Henry Thétard est un ancien dompteur de lions qui, passionné par l’histoire du cirque, en produisit un livre Lamerveilleuse histoire du cirque, qui est considéré par les amateurs du cirque comme en étant la « bible ».

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permettent au spectateur de comprendre et de capter l’essence même du spectacle. En plus d’être

une représentation du contexte culturel, on peut dire que le cirque est un discours métaculturel.

Les éléments culturels sont combinés différemment qu’ils ne le sont dans la société habituellement.

Les lois de compatibilité sont transformées et inversées. Nous expliquons ces concepts en détails

dans la section Le cirque sous tous les angles car nous avons jugé essentiel d’explorer cette avenue

afin de faire ressortir d’autres pistes qu’il serait intéressant de traiter en vue d’une exposition

éventuelle sur le thème du cirque.

Nous avons réalisé cette première étape de l’étude exploratoire en nous servant de livres, de films,

d’encyclopédies et des rapports de recherche dont le lecteur trouvera la liste en bibliographie. De

plus, des consultations auprès d’informateurs privilégiés ont été indispensables et nous ont permis

de prendre contact avec de nouvelles pistes ou d’approfondir certains aspects bien précis. Nous

avons à cet effet consulté madame Andrée Fortin, spécialisée en sociologie de l’art, ainsi que

l’auteure de la thèse de maîtrise sur les processus créateurs du Cirque du Soleil, madame Julie

Boudreault. C’est grâce à tout ceci que nous sommes maintenant en mesure de vous présenter les

trois grandes dimensions du thème du cirque : son histoire, son rayonnement, son attrait. Ce qui

suit constitue la problématique de notre étude exploratoire sur le thème du cirque.

2) Le cirque sous tous les angles

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Avant de nous poser diverses questions sur le cirque, (quel est l’univers symbolique qui l’entoure

ou bien qu’est-ce que les visiteurs du Musée de la civilisation aimeraient retrouver dans une

exposition sur le thème du cirque), il nous apparaît évident, si nous voulons être en mesure

d’orienter correctement notre recherche, que nous devons d’abord être capables de répondre à un

certain nombre de questions fondamentales. D’où vient le cirque ? Qu’elles en sont les

composantes ? En existe-il plusieurs types ? Guidés par cette idée, nous avons retracé ici

l’historique du cirque jusqu’à nos jours, en le divisant en trois grandes sections, soit les origines du

cirque moderne, le cirque moderne et contemporain et le cirque nouvelle vague ou post-moderne.

Nous avons tenté de synthétiser au maximum chacune des sections, afin de saisir l’essentiel sans se

perdre dans les détails.

2.1) L’historique

2.1.1 ) Les origines du cirque moderne

2.1.1.1) L’Égypte et la Chine

L’histoire du cirque remonte aux amuseurs publics. C’est en Chine et en Égypte que s’est

manifesté, il y a de nombreux millénaires, un type de spectacle qui devait ressembler à ceci : « Un

spectacle d’exaltation de la force, de l’adresse, de l’énergie humaine, où les acteurs sont entourés

de toutes parts par les spectateurs » (Thétard, 1978, 17). C’est donc du regroupement de quelques

curieux autour d’un jongleur sur la place publique que débuta le métier d’amuseur public. Les plus

anciens documents à cet égard, datant de 3 500 avant Jésus-Christ, se trouvent en Chine et en

Égypte. Cependant, aucun des travaux des historiens n’explique pourquoi les premières

manifestations des amuseurs publics apparaissent dans ces pays. Toutefois, il est possible de

déduire quelques explications en examinant l’histoire.

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En effet, puisque l’on possède des écrits, des peintures et des sculptures qui permettent de suivre

l’évolution du spectacle de la piste « Depuis les posticheurs de Beni-Hassan qui datent de quelques

3 500 ans avant l’ère chrétienne jusqu’aux grandes naumachies [représentations d’un combat naval

dans un cirque où l’arène était remplacé par un bassin] » (Thétard, 1978, 17), on peut supposer

que son point de départ est lié au développement de la civilisation. En effet, celle-ci implique le

développement de l’agriculture, ce qui a pour effet de produire des concentrations humaines de

plus en plus grandes. Il y a donc une montée des villes, et de l’État, qui est indissociable du

développement de la civilisation, car c’est maintenant elles qui assurent richesse et travail aux

gens. Et qui dit ville dit place publique, lieu indispensable au marché. « Des marchés existent dans

la Chine classique comme dans l’Égypte pharaonique... où l’échange a été si précoce » (Braudel,

1979, 15). Puisque l’Égypte et la Chine furent parmi les tous premiers endroits où il y eut des

places publiques, cela explique l’émergence des amuseurs publics dans ces lieux, car la place

publique est leur berceau. Sans elle, ils ne peuvent apparaître.

2.1.1.2) La Grèce et Rome

Par la suite, nous retraçons des manifestations d’amuseurs publics sur le continent européen. Un

auteur grec nommé Pausanias a laissé la description des activités qui se déroulaient au fameux

Stade d’Olympe, quelques 780 ans avant Jésus-Christ. Il raconte que ce théâtre des jeux

olympiques étaient surtout réservé aux sportifs, mais que l’on y retrouvait néanmoins des jongleurs

et des acrobates. Par la suite, ceux-ci se manifestèrent, en Étrurie et à Rome, dans les

hippodromes, dont le plus célèbre fut le Circus Maximus, construit vers 600 ans avant J.-C. « Le

terme de circus prit toute sa valeur lorsque Tarquin l’ancien décida de donner un cadre formel aux

spectacles populaires de Rome, qui étaient jusqu’alors présentés sur les grandes-places »

(Encyclopédie française, 1977, 2930). C’est dans ces hippodromes, ou circus, que les Romains

célébraient leurs jeux publics, soit les courses de chars, les combats de gladiateurs, les naumachies,

les présentations équestres de dresseurs, les acrobates et les jongleurs. Cependant, le spectacle du

circus d’alors, c’était une arène dans laquelle on présentait des jeux pour divertir le peuple.

Certains de ces jeux, comme les présentations équestres de dresseurs et les numéros des acrobates

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et des jongleurs, continuèrent d’exister même après la chute de Rome et c’est autour d’eux qu’un

autre circus (signifiant ce coup-ci un chapiteau et non plus une arène) devait se bâtir quelques 18

siècles plus tard.

L’hippodrome romain est donc, dans sa forme aussi bien que dans sa mise en scène, l’origine

clairement identifiable du cirque moderne, puisqu’il servit à populariser, à regrouper et à présenter

sur une scène les numéros d’amuseurs publics qui furent les éléments de base du cirque moderne.

On l’aura compris, la conception du cirque romain est très éloignée de celle du cirque moderne,

car elle contient des éléments, comme les courses de chars et les combats sanglants des

gladiateurs, qui n’ont pas comme seul et unique but de divertir les gens, mais qui s’inscrivent dans

la conception particulière de la société romaine. Cependant, n’oublions pas que le spectacle de

cirque fut étroitement lié à l’empire romain et qu’il demeurera étroitement lié, tout au long de son

histoire, aux pays les plus en vue.

2.1.1.3) La chute de Rome et le peuple du voyage

L’empire romain ne fut pas éternel et sa chute impliqua nécessairement la fin des spectacles

présentés dans les hippodromes. Les artistes se retrouvèrent alors sans scène pour présenter leur

spectacle. Ils se regroupèrent alors en petites troupes et partirent sur les chemins d’Europe pour

tenter de vivre de leur art. On suppose que c’est ce qu’ils firent mais les documents historiques

sont plutôt muets à ce sujet. Sauf à Bysance, il n’y eut pas de spectacle d’amuseurs publics dans

des lieux fixes, comme on en retrouvait dans les hippodromes. À ce point de vue, Bysance fût

l’héritière de l’empire romain à partir de 476 après Jésus-Christ et ce, jusqu’au mitan du XVe

siècle. Comme on pouvait s’y attendre, cette ville perpétua certaines traditions romaines, dont

celle des jeux. « À Bysance, les jeux du cirque passionnèrent les foules, et l’hippodrome, où se

déroulaient les courses de chars, fut le centre de la vie byzantine » (Encyclopédie française, 1979,

2930). Ailleurs, il y eut uniquement des troupes ambulantes d’amuseurs publics (que l’on nommait

cirques depuis leur passage dans les circus romains) donnant une spectacle de moindre importance.

Cette situation se prolongea jusqu’au XVIIIe siècle en Europe. « Durant cette période, au gré des

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foires, des fêtes de la cour, des carrousels royaux, des baladins rivalisèrent d’idées et d’audace et

rodaient peu à peu ce qui allait devenir des numéros » (Encyclopédie française, 1977, 2930).

Ces artistes, qui avaient survécu à travers la longue suite des siècles, formaient ce que l’on nomme

« le peuple du voyage ». Celui-ci se compose en réalité de deux groupes bien distincts : les

banquistes et les Roumanis. Les banquistes, des gens dont les ancêtres proviennent de diverses

ethnies, sont des jongleurs, des mimes, des acrobates, des danseurs de corde ou des monteurs de

marionnettes. Ils parcourent les routes de l’Europe depuis la chute de Rome, donnant des

spectacles où ils peuvent et recrutant des artistes un peu partout pour parfaire leur spectacle. Ils

ont l’habitude de transmettre à leurs enfants, de génération en génération, les diverses techniques

du métier d’amuseur public, notamment celle des sauts acrobatiques. C’est d’ailleurs de cette

activité particulière que provient le nom de banquiste : homme qui saute sur un banc. L’expression

contemporaine « un enfant de la balle » désigne un enfant issue d’une famille banquiste.

Quant aux Romanis [l’expression péjorative de Romanichel, désignant un nomade, provient de

cette appellation], qui regroupent des Romanis, des Gypsies, des Tziganes et des Zingari ; ils sont

distincts physiquement et professionnellement des banquistes. Il s’agit en fait d’une ethnie, car ils

forment un ensemble d’individus ayant la même origine culturelle et linguistique. En effet,

l’appellation Romanis est le nom d’une peuple (les Rom) venu de l’Inde et qui apparut en Europe

orientale vers le XVIIIe. Ils parlent une langue issue d’un groupe indien du Nord-Ouest avec des

éléments de grec et d’autres langues européennes (Petit Robert I, 1990, 2035). Henry Thétard

écrit que ces gens ont le teint sombre, les yeux perçants, les arcades profondes et le nez en bec

d’aigle. De plus, leur travail est plutôt celui des tresseurs de corbeilles, des tireuses de bonne

aventure et des dompteurs d’ours et de singes. Ajoutons que ce peuple n’a pas du tout la même

ambition que celle de banquistes. Ces derniers travaillent en espérant se retirer dans une villa à la

fin de leurs jours tandis que les Romanis sont d’éternels errants qui n’ont d’autre ambition que de

voyager ! Même si leur histoire a côtoyé quelques fois et sur des périodes plus ou moins longues

celle des banquistes, il est important de ne pas confondre les deux.

Les banquistes, qui sont les précurseurs du cirque moderne, avaient pris l’habitude de se retrouver

plusieurs fois par année dans le Nord de l’Italie, depuis le XIVe siècle environ, dans le quadrilatère

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compris entre Bergamo, Brescia, Parme et Plaisance. Ils «ont leur halte de prédilection, la

province où beaucoup possèdent un domicile fixe, un fief familial » (Thétard, 1978, 26). C’est

dans cette province que les directeurs de music-house3 d’Angleterre avaient pris l’habitude de

recruter leur troupe. Et c’est d’ailleurs par la fusion de ces music-house avec les arts équestres que

virent le jour en Angleterre, à partir de 1770, les premières troupes du cirque moderne.

2.1.2) Le cirque moderne

Il convient, si l’on veut être en mesure de saisir toute la portée de ce que fut et de ce qu’est le

cirque moderne, de brosser un tableau d’ensemble avant de se lancer à la conquête de celui-ci dans

divers pays. C’est pour cela que nous débuterons cette section en mentionnant l’idée maîtresse du

spectacle, les règles primordiales, les principaux numéros et les caractéristiques de ce qui fut

baptisé « le plus grand spectacle du monde ».

2.1.2.1) Ses caractéristiques

Philip Asthey, un jeune sergent-major engagé dans la cavalerie de Sa Majesté britannique, en

1766, quitta l’armée et voulut profiter de ses excellentes aptitudes en équitation pour gagner sa vie

(Thétard, 1977, 34). En 1770, il mit sur pieds un spectacle que l’on connaît aujourd’hui sous le

nom de cirque moderne. L’idée centrale de ce spectacle nouveau est fort simple et un certain

Legrand-Chabier, journaliste français des années 1930, la résume de manière claire et concise :

« L’idée maîtresse, conductrice du spectacle, c’est que la piste devienne la planète et que tous les

peuples de la terre y passent successivement avec leur gymnastique nationale » (Thétard, 1978,

266). Que la piste devienne la planète... cela signifie que l’on devait y retrouver des numéros

diversifiés, provenant du plus grand nombre de cultures possibles, afin que la piste nous offre le

monde en spectacle. Pour que cette idée très honorable devienne réalité, il faut, comme pour tous

3Le music-house est la même chose que le music-hall, soit un établissement où sont présents sur une scène desspectacles variés comprenant des tours de chants et diverses autres attractions accompagnées d’un orchestre,excepté qu’il n’y a pas de tours de chants.

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les autres arts, que l’on suive les règles de base. Celles-ci sont énoncées clairement par Henry

Thétard. Il affirme que le cirque moderne se doit de présenter du bon travail dans un cadre éclatant

(costumes et chapiteau), en pleine lumière, en style de bravoure banquiste et cela à un rythme

accéléré. De plus, une musique de fanfare faisant corps avec le spectacle doit battre le rythme. Ces

deux aspects étant clarifiés, passons maintenant au coeur du spectacle du cirque, soit les numéros

qui le composent.

Ces numéros peuvent sembler inclassables a priori tant ils sont diversifiés. Cependant, Julie

Boudreault (1993), les a classés en quatre grandes catégories et c’est cette classification que nous

reprenons ici pour situer ces numéros les uns par rapport aux autres.

◊ Il y a d’abord les numéros acrobatiques. Ceux-ci semblent être le point central de toutes

les disciplines du cirque puisqu’ils englobent diverses possibilités de présentations. En

général, cela renvoie « À ces activités physiques ou sportives qui nécessitent une

technique difficile et périlleuse. » (Boudreault, 1993, 7). Notons cependant que les

numéros de cirques se distinguent du sport parce que l’activité n’est pas exercée dans le

sens d’un divertissement personnel mais bien pour divertir d’abord et avant tout le

public.

◊ Deuxièmement, nous retrouvons les numéros avec des animaux. Ceux-ci peuvent servir

de support acrobatique ou bien ils peuvent être acrobates eux-mêmes.

◊ Le cirque moderne présente aussi ce que l’on nomme des numéros d’exhibitions. Ils se

divisent en quatre sous-catégories, soit ethnologique (les danseurs créoles, les cracheurs

de feu hindous, etc.) zoologique (les animaux non domptés) mythologique (les trucages

de sirène, de licorne, etc.) et finalement tératologique d’animaux ou d’humains (la

femme à barbe, les géants, l’homme-chien, la femme-autruche, etc.).

◊ La dernière catégorie qui fait partie de l’histoire du cirque moderne est celle des clowns.

Il en existe en fait deux types. Le clown d’entrée produit le premier effet comique. Le

clown de reprise est celui qui divertit les spectateurs entre les divers numéros.

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Nous reparlerons beaucoup de ces différents numéros plus en détails dans la section se rapportant

à l’évolution du cirque dans divers pays. L’important ici est de se souvenir que pour demeurer

fantastiques aux yeux du spectateur, pour le fasciner et le faire rêver, les numéros doivent toujours

lui paraître des exploits ! L’impression d’assister à un fait hors de l’ordinaire, voilà l’épice

magique des numéros du cirque ! En effet, les numéros de cirque doivent apparaître, aux yeux des

gens, comme de véritables prouesses. C’est uniquement à cette condition que la personne qui

réalise une numéro de jonglerie, par exemple, passe du statut de simple individu à celui d’artiste.

Elle doit prouver au public qu’elle réalise quelque chose hors de la portée de tous, quelque chose

de presque impossible. Même si ce n’est pas toujours le cas, elle doit laisser cette impression, sans

quoi l’artiste n’a pas sa place dans un cirque. Prenons un exemple. Louis Cyr, un homme fort de la

fin du siècle passé, fut longtemps directeur de cirque et son cirque était très populaire. Mais sa

véritable force, ce n’était pas son extrême capacité physique, car en réalité il existe des tonnes

d’hommes forts sur terre. En fait, Louis Cyr a passé à l’histoire parce qu’il avait un don pour

présenter ses exploits. Il savait rendre fantastique, aux yeux des spectateurs, ses exploits par la

présentation qu’il en faisait et par ses mimiques pendant qu’il les accomplissait. Il était fascinant à

voir « travailler » et savait faire rêver son public en lui faisant envier sa force.

Nous passerons ici en revue les principales caractéristiques d’un spectacle de cirque. Tout

d’abord, le cirque est une forme d’art presque qu’exclusivement visuelle. Ce sont les couleurs,

les costumes, les mouvements, les lumières et les décors qui forment la quasi-totalité d’un

spectacle de cirque. Seule la musique et les annonces du maître de cérémonie font que le spectacle

est auditif et ces éléments sont un support au spectacle visuel. C’est donc en raison de cette

caractéristique que le cirque peut remplir sa fonction principale qui est d’épater et

d’impressionner, de flatter l’oeil et de taper à l’oeil.

Puisqu’autant d’emphase est mise sur l’aspect visuel, le cirque ne souffre pas des barrières du

langage. Notons ici que le terme langage est utilisé uniquement pour qualifier les diverses langues

parlées sur terre. Lorsqu’il est question de l’univers symbolique, nous distinguons le langage parlé

et le langage des codes et des symboles. Disons simplement que le langage symbolique donne lieu

à la communication seulement lorsque des codes et des signes, autres que des mots, sont partagés.

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De plus, et sans doute à cause de la première caractéristique, le cirque est transculturel. Par

transculturel, nous entendons que le cirque a la possibilité de voyager d’une culture à l’autre. Une

culture, c’est l’ensemble des formes acquises de comportements dans une société donnée.

Cependant, nous n’irons pas jusqu’à dire que le cirque est universel, soit qu’il concerne la totalité

des individus, puisque pour voyager et pour se produire dans différentes cultures, il doit modifier

certains éléments et détails de son spectacle, notamment les numéros de clowns. Par contre,

notons que le simple fait que le cirque puisse se produire dans divers pays prouve que son langage

symbolique tend à être partagé par la majorité des individus et des cultures.

Ajoutons que c’est un spectacle apprécié pour les valeurs que peuvent symboliser ses artistes.

En effet, pour réussir à présenter un numéro hors du commun, les artistes doivent travailler

longtemps et régulièrement pour arriver à un produit final qui saura séduire le public. En fait, la

rareté du numéro est souvent associée par les spectateurs à la ténacité, à la témérité et au courage

des artistes. De plus, au cirque, les exploits sont réels et c’est une caractéristique qui attire les

gens. En effet, le risque que courent les funambules en accomplissant leur numéro, de même que le

risque que prend le dompteur en mettant sa tête dans la gueule d’un lion, cela attire les gens. Les

trucages techniques au cirque sont utilisés uniquement pour donner plus d’ambiance ou pour

rendre possible de nouveaux numéros. Cependant, ils ne remplaceront jamais l’artiste, car le public

qui se rend au cirque recherche la réalité des exploits.

De plus, le cirque est un art caractérisé par l’imaginaire qu’il dégage et par son côté

merveilleux. Les numéros sont en fait aussi appréciés parce qu’ils provoquent en général le rêve

chez les gens qui y assistent. Par leur aspect hors du commun, ils réussissent à faire oublier le

monde extérieur pour quelques heures et à le remplacer par l’émerveillement. C’est pourquoi on

dit que le cirque « c’est le rêve qui devient palpable ; c’est l’imagination qui rejoint le quotidien »

(Jando, 1977, 9). Ajoutons que le cirque est remarquable du fait qu’il est un des seuls spectacles

qui ne réclame pas d’éducation spéciale pour être accessible. Le fait que le cirque attire autant

les jeunes que les moins jeunes le prouve. Un spectacle de cirque se laisse en réalité approcher à

une seule condition ; qu’on désire y assister. En effet, un spectacle de cirque ne demande pas a

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priori de connaissance pour être compris, car il n’y a à comprendre rien d’autre que ce que l’on

veut y comprendre.

Un dernier grand trait du cirque, c’est son aspect marginal. Tant par ses numéros que par le

mode de vie des artistes qui le composent, le cirque se trouve hors normes. Jando raconte

cependant qu’il est normal que cela soit ainsi puisque « l’univers du merveilleux ne sera jamais

tout à fait en accord avec celui de tous les jours » (Jando, 1977, 208).

2.1.2.2) Les pays où on le trouve

Connaissant les origines du cirque moderne et ayant une bonne idée de la forme et du contenu de

celui-ci, nous pouvons maintenant passer à une analyse plus approfondie de son histoire pour

mieux en saisir la diversité. Nous nous attarderons ici à préciser la place et l’importance que

connut le cirque moderne dans divers pays, notamment en Angleterre, en France, aux États-unis,

en Italie, en Allemagne, en Russie et en Chine, puisque c’est dans ceux-ci que le cirque moderne

laissa le plus de traces. Les pays seront analysés selon l’ordre mentionné précédemment, puisque

cela représente l’ordre des pays où le cirque moderne connut successivement le plus de gloire.

Notons que la Russie et la Chine sont placés en fin de liste car, comme nous le verrons, ils méritent

d’être traités à part. Bien sûr, d’autres pays créèrent des cirques, mais leur histoire ne fut jamais

aussi marquante que celle des pays mentionnés précédemment. Pour chaque pays, nous nous

attarderons d’abord à la naissance du cirque moderne, puis nous expliquerons ses caractéristiques

propres et ses innovations, notamment dans le domaine technique, culturel, économique et

politique. En dernier lieu, nous mentionnerons les personnages importants.

a) L’Angleterre

La naissance du cirque moderne

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L’Angleterre est mentionné dans l’introduction de tous les livres d’histoire du cirque

moderne et pour cause. En effet, comme nous le mentionnions précédemment, c’est dans

ce pays que Philip Astley, un ancien sous-officier de cavalerie, eut le premier l’idée de

réunir, dans une piste ronde, des cavaliers rompus à la voltige militaire avec des acrobates

et des funambules du music-house. C’est de cette heureuse rencontre, qui eut lieu à

Londres en 1770, que naquit le cirque moderne. Ce nouveau spectacle connut un succès

instantané puisqu’il mariait deux spectacles déjà bien connus et appréciés du public anglais.

D’une part, l’art équestre dont la popularité à l’époque est facilement explicable. Le cheval

faisait alors partie de la vie de chacun, il était à la fois un symbole de noblesse et d’un

certain pouvoir viril. On peut d’ailleurs comparer cette fascination du cheval à celle

qu’exercent les courses automobiles actuellement. D’autre part, les expositions du

spectacle d’Astley intégraient des numéros de jonglerie et d’acrobatie exécutés par des

banquistes, expositions qui n’avaient rien perdues de leur force d’attraction et de

fascination au cours des siècles.

Ses caractéristiques propres et les personnages qui l’ont marqué

Du point de vue technique, le premier cirque moderne était à ciel ouvert. C’est un cirque

stable et saisonnier, composé d’une seule piste ronde entourée d’une estrade. En 1779, il se

transforma en un amphithéâtre construit en bois et prit le nom de Astley Royal

Amphitheatre of Arts. Bien que les exercices d’équitation constituaient l’essentiel de son

spectacle (et ce sera ainsi pour le cirque européen jusqu’en 1880), on y retrouvait aussi une

compagnie de danseurs à la corde, des sauteurs, des acrobates et des jongleurs. Dominique

Jando, dans son Histoire mondiale du cirque, explique que l’élément-clé de la popularité

de la piste de Astley, c’est qu’il allie l’exploit sportif à la présentation artistique. En effet, le

cirque est un ensemble de moyens visant à divertir et à amuser les gens. Pour ce faire, il

allie l’exploit d’activités physiques, notamment le sport équestre et l’acrobatie, à la

présentation artistique. Le sport devient art parce qu’il est embellit par la musique et les

costumes pour le bon plaisir du public.

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Quelques années après les débuts du cirque moderne, Hugues, un célèbre directeur de

cirque en Angleterre, imagina la combinaison du cirque et de la scène pour donner des

pantomimes, alors très populaires en Angleterre à l’époque de Noël et du Jour de l’an. La

première pantomime figurant à son programme s’intitulait Magic World et la première

figurant au programme d’Astley fut La prise de la bastille. Il s’agit là d’une innovation

majeure dans le cirque moderne, car l’ajout de ces petites pièces mimées et quelques peu

burlesques à la fin du spectacle prit de l’ampleur avec le temps et devint une tradition du

cirque pendant plusieurs décennies. Ces petites pièces étaient au départ conçues pour

mettre en valeur les chevaux, mais ce fut de moins en moins vrai avec le déclin de la place

du cheval dans la société. Les pantomimes peuvent faire partie du cirque car ce sont de

petites pièces ayant comme but unique de divertir les spectateurs. Elles ont simplement

des intentions parodiques. Les pantomimes peuvent avoir comme effet de transmettre des

valeurs et des messages, mais leur fonction première n’est pas de provoquer le

questionnement, comme c’est le cas au théâtre, c’est plutôt le divertissement. En ce sens,

les pantomimes ne sont pas des pièces de théâtre mais bel et bien des pièces de cirque.

L’Angleterre, pays où le cirque connut un fort succès de 1770 à 1842, fut le berceau de

personnages qui sont passés dans les annales du cirque moderne. On associe la fin de son

âge d’or au décès de son plus grand écuyer, Andrew Ducrow. Il faut aussi citer Georges

Sanger qui se rebaptisa Lord Sanger pour les besoins du métier dont le cirque fut la

plus importante entreprise britannique qui ait voyagé. De nombreuses familles banquistes

firent honneur au cirque anglais, notamment les Adams, les Bells, les Bradbury, les Cooke

et les Woolford. L’apport du cirque anglais au cirque moderne se mesure à ce qu’il lui a

donné naissance et forme en conjuguant numéros banquistes et sport équestre pour en faire

un art. Ensuite, il incorpora l’aspect théâtral au spectacle par des pantomimes. Donc, il

posa les balises de ce que devait être le cirque moderne pour le siècle à venir.

Mais la gloire du cirque en Angleterre déclina à partir de 1842 et la chute fut brutale. En

1910, il ne restait que quelques cirques ambulants dans ce pays. L’invention de Philip

Astley n’était cependant pas morte. Elle connut un rayonnement soudain en 1922 grâce au

cirque Bertram Mills Circus, qui fonctionna jusqu’en 1967. Dominique Jando explique le

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succès de ce dernier : « Ce cirque avait relancé la mode des cirques londoniens, tous copiés

sur son modèle : des cirques saisonniers, qui revivaient chaque année au même endroit et à

la même époque, Noël » (Jando, 1977, 76). De nos jours, le cirque moderne dans ce pays

est cependant l’ombre de ce qu’il fut jadis. On retrouve uniquement deux cirques stables en

Angleterre et Londres n’en possède même pas.

b) La France

La naissance du cirque

L’histoire du cirque en France se divise en deux étapes. Il connut son apogée entre 1780 et

1840, date à partir de laquelle il y eut encore du cirque en France, mais ce fut de moindre

importance. Son histoire débute en fait avec les Franconi, une célèbre famille venue d’Italie, qui

donna à la France quatre générations de grands directeurs. « Célèbre à juste titre et qui demeura

sans rivale dans les annales du cirque. Ses quatre générations ont vu naître, grandir et décliner le

vieux cirque, celui de notre enfance, celui des belles écuyères, des cavaliers d'école majestueux,

des clowns cabrioleurs et de l’emphatique Monsieur Loyal » (Thétard, 1978, 66).

D'abord, il y eut Antonio Franconi, cet italien qui dut s’exiler en France à 23 ans parce qu’il

avait tué un jeune patricien en duel. Né en 1737, mort en 1836, il est le symbole même du

cirque français. Ensuite, il y eut Laurent et Henry fils de la deuxième génération, Adolphe de la

troisième génération et Victor, fils de la quatrième génération. Antonio était d'origine vénitienne

et devint Français. Arrivé en France, il s'engagea comme soigneur d'animaux dans une

ménagerie. À cette époque, les dompteurs n'étaient pas encore connus et Antonio Franconi

tenta sa chance en domptant des lions. Après les fauves, Antonio dompta des canaris des îles en

leur apprenant à se balancer la tête en bas, à porter des fardeaux, à tirer de petits chariots et à

tirer du canon. Accompagné de ses canaris, le dompteur voyagea à travers la France et

l'Espagne où il s'intéressa aux combats de taureaux. Présentant ces numéros à Rouen en 1773

au duc de Duras, il réussit à gagner un peu d'argent et le capital ainsi accumulé permit à

Franconi de devenir, en 1783, l'associé d'Astley qui venait d'ouvrir l'Amphithéâtre en France.

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Franconi acheta des chevaux et transforma l'établissement en un bel amphithéâtre construit en

pierres. Astley retourna en Angleterre en 1793 après la déclaration de guerre à la France et

Franconi profita de l’occasion pour mettre la main sur l’amphithéâtre. Franconi fut malchanceux

puisque son cirque fut détruit mais entreprenant comme il l'était, il eut vite fait de le

reconstruire. En 1795, l'Amphithéâtre Franconi rouvrit ses portes sous la direction de Franconi

père et de ses deux fils, Laurent et Henry. Le programme était largement composé de numéros

d'équitation. On y retrouvait aussi cependant des numéros de dressage d'animaux. En 1807,

Antonio et fils ouvrirent le « Cirque Olympique » qui, comme les cirques d'Astley, était pourvu

d'une piste et d'une scène pour la pantomime. Quatre ans après l'ouverture, les fils se séparèrent

du père pour rouvrir l'Amphithéâtre du faubourg du Temple (construit par Astley). À la suite du

décès de leur père, Henry et Laurent dirigèrent un autre cirque, édifié sur le boulevard du

Temple. Ce cirque était luxueux et, malgré les grosses recettes, ils durent céder le cirque au

propriétaire du terrain sur lequel il était construit. Louis Dejean fut le nouveau dirigeant de ce

cirque installé aux Champs-Élysées. L’arrivée de ce nouveau directeur du cirque à Paris fut très

importante car c’est grâce à lui que le cirque français fut reconnu pendant quelques trente

années comme étant le plus élégant et le plus grandiose d'Europe. C’est d’ailleurs sa

caractéristique majeure. Dejean est, avec les Franconi, associé à la période de prédominance du

cirque français.

Le cirque français connut son déclin vers les années 1840. De petits cirques ont vu jour,

cependant peu ont réussi à attirer autant l'attention que les cirques des Franconi et de Dejean.

« Paris pourrait être encore la capitale du cirque. Mais, depuis un demi-siècle, l'art du cirque n'a

plus eu de grands protagonistes en France. Et, parallèlement le goût du cirque a également

diminué chez nous » (Thétard, 1978, 88-89). Dans les premières décennies du XIXe siècle, une

monarchie institutionnelle non-démocratique s’empara du pouvoir en France. Ce fait suscita de

nombreux remous. En tenant compte de ce contexte politique et économique très mouvementé,

nous sommes portés à croire que ces circonstances aient eu comme effet de détourner l’intérêt

que les gens pouvaient avoir pour le cirque à cette époque.

Ses caractéristiques propres

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Le cirque français fut fortement influencé par le cirque anglais. Les Français ont toutefois mis

plus d'emphase sur la pantomime en l'incorporant directement au spectacle de piste. De 1782 à

1792, des pièces telles que Don Quichotte, Malborough et Robert le Diable étaient jouées à

l'Amphithéâtre Astley. De plus, c’est en France que l’on inventa un nouveau type de cirque, le

cirque aquatique ! C’est un cirque stable avec un immense bassin en son centre pour présenter

les batailles navales comiques. On peut expliquer ces présentations de batailles navales par le fait

que la navigation faisait directement partie de l’environnement culturel en France. Ce cirque

connut un succès rapide ainsi qu’un déclin rapide. En effet, quelques années après son

ouverture, on n’en entendit plus parler. Une autre caractéristique, c’est que le cirque français

fut, avec l’Angleterre, celui qui contribua à répandre cette forme d’art à la grandeur de

l’Europe. En effet, on retrouve à la base de l’histoire du cirque allemand et russe le nom de

nombreux directeurs français.

Ses personnages

Les personnages associés au cirque français sont autant des personnages qui en ont fait partie

que des personnages qui s’y sont intéressés. En effet, il faut nommer le célèbre duo de clowns

Foottit et Chocolat, l’inventeur du numéro des trapèzes, Philippe Léotard ainsi que la famille

des Franconi et le directeur Dejean. De plus, le nom de Toulouse Lautrec est associé au cirque

français car il en réalisa de nombreuses peintures. Il en va de même pour Degas. Bref, les

personnages liés au cirque français illustrent bien le croisement du cirque et des arts. Nous y

reviendrons ultérieurement, voir section 2.2.2) Le rayonnement dans les arts.

c) Les États-unis

La naissance du cirque

Tel l'acrobate qui apprend les techniques de base de son maître et qui vient à le surpasser, le

cirque américain doit ses principales caractéristiques et principes au cirque anglais. Son

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existence même lui est due. « [...] le cirque américain a très rapidement, dès le milieu du XIXe

siècle, prodigieusement surpassé son créateur » (Thétard, 1978, 150). L'histoire du cirque

américain mérite une attention particulière en raison de l'énorme succès de sa recette spécifique

et aussi, en raison de l'influence qu'il eut sur la définition maintenant attribuée au cirque

contemporain. Avant d'établir les caractéristiques propres du cirque américain, nous

présenterons, de façon synthétique son historique.

La genèse du cirque contemporain se présente en quatre grandes étapes spécifiques. Entre 1785

et 1830, le cirque américain prend son envol; on retrouve aux États-unis quelques troupes

d'artistes jouant dans des amphithéâtres construits en pierres ou plus souvent en bois. Ces

troupes présentaient des numéros équestres et acrobatiques à l'imitation de ceux d'Astley. On

remarque par contre, et ce dès 1818, la prédilection qu'a le public américain pour les éléphants.

Old Bet est le premier éléphant dont on parle dans les annales. Il fut acheté par Hackaliah Bailey

et était en exhibition dans un spectacle qui n'était pas un cirque mais plutôt « Une ménagerie

doublée d'une exhibition ethnologique dénommée le village indien » (Thétard, 1978, 152).

Aux États-unis, on remarque qu’une grande importance est attribuée aux exhibitions

ethnologiques. Ces exhibitions, aussi appelés side-shows, constituent un spectacle à part, un

spectacle parallèle à celui du cirque, soit un autre monde (Boudreault, 1993, 18). Là, les

spectateurs pouvaient être témoins d’exploits ethnologiques. Par exemple, voir un avaleur de

feu, un contorsionniste, un fakir, un dompteur de serpent, etc. De tels numéros n’étaient

cependant pas perçus comme faisant partie du spectacle de cirque. En effet, dans la tente

principale, les Américains assistaient à des numéros qu’ils associaient à des artistes tandis que

dans les side-shows, les personnes impliquées n’étaient pas perçues par les spectateurs comme

étant des artistes de cirque, mais plutôt comme des gens de différentes ethnies.

De 1830 à 1870, le cirque américain prend son essor grâce au développement du tenting [soit

l’utilisation du chapiteau, cet abri provisoire et transportable], à l'agglomération de cirques en

syndicats qui bénéficiaient d'énormes capitaux (nous y reviendrons) et à l'amélioration des

moyens de transports. Le voyage des cirques ambulants se fait par la route, par l'eau et à partir

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de 1856 par rail. Quant aux spectacles, ils sont « à peu près identiques à ceux des cirques

européens de la même époque. La haute école [expression désignant une institution

d’enseignement supérieure] y fut moins florissante mais l'excellence de l'acrobatie faisait

compensation » (Thétard, 1978, 158). La guerre de sécession a toutefois eu comme effet de

diminuer quelque peu le nombre de troupes ambulantes mais, la plupart d'entre elles

continuèrent à voyager quoiqu'elles étaient de moins grande envergure.

Le cirque américain connut son âge d'or de 1870 à 1910. Il existe, en 1872, 22 grands cirques

dont la valeur en bloc est estimée à trois millions de dollars. C'est à cette époque que le cirque

américain prend sa formule spécifique définitive. D'abord, le système de transport par voie

ferrée permet aux cirques de voyager de façon plus économique et plus rapide. Dans son

exposé sur le cirque américain, Thétard explique que le grand voyage permanent par le rail

prend une ampleur incomparable par rapport aux autres pays. En fait, on remarque aux

États-unis une forte corrélation entre l'évolution du cirque et celle des moyens de transport.

Ensuite, il y eut la création du Greatest Show. Ce cirque donna le coup d'envol à une toute

nouvelle formule de cirque. Les numéros équestres, acrobatiques et clownesques se

combinèrent à des expositions animales et tératologiques de calibre encore jamais vu. C'est en

1871 que « le fameux showman du Musée américain [Barnum], l'imprésario de Tom Pouce, de

Jenny Lind et de tant d'autres vedettes, monta sa World's Fair, un cirque géant doublé

d'exhibitions zoologiques, ethnologiques et tératologiques » (Thétard, 1978, 166). Barnum, en

1871, était déjà reconnu comme l'un des plus grands amuseurs public et l'un des plus grands

mystificateurs de l'univers. William C. Coup, un homme de cirque fort en affaires vit la

possibilité de tirer profit d'un nom tel que celui de Barnum. Il sut convaincre Barnum,

propriétaire du Musée américain de diriger une grande affaire qui, comme le dit si bien Thétard,

« devait révolutionner le monde des chapiteaux, en Amérique... pour commencer » (Thétard,

1978, 166). Barnum prêta son nom et son argent (200 000$) aux spectacles du Greatest Show

on Earth, mais c'est Coup qui organisa les spectacles. Pour faire vivre d'aussi grands cirques, il

fallait des capitaux énormes. Les banquistes américains se doivent d'être des gens d'affaires qui

ont le sens du marketing. Les hommes d'affaires et les agents de publicité se joignent aux

banquistes de métier pour donner au cirque une extension particulière. « C'est évidemment

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l'afflux des capitaux qui a favorisé la gigantesque croissance du cirque américain et aussi l'art de

la réclame par l'affiche et dans la presse » (Thétard, 1978, 165). La réclame publicitaire prend de

nouvelles dimensions. De grands placards illustrés de couleurs vives et violentes sont affichés

dans tout les coins de la ville où se présentera le cirque et remplacent les subtils papillons collés

dans les tavernes pour annoncer la venue du cirque.

De 1910 à nos jours, il y eut une certaine diminution du nombre de cirques et une fusion de

deux syndicats monstres. La crise économique des années 1930 a accentué la régression du

cirque et provoque la fusion de presque toutes les grandes firmes en un seul syndicat : celui de

John Ringling. Encore aujourd'hui, les États-unis représentent pour les gens de cirque « le

paradis, la terre d'émigration où débarquent les grands artistes et les grands numéros de variété

à qui la vieille Europe ne saurait offrir les mêmes salaires, ni les mêmes durées d'engagement »

(Thétard, 1978, 150).

Ses caractéristiques propres

Le cirque américain se caractérise principalement par trois traits. D'abord, on y retrouve une

ambiance particulière due au besoin du gigantisme, au goût de la fête, au sens du tape-à-l’oeil et

à la vénération des traditions. Par vénération des traditions, on fait allusion à la fierté américaine

à l'égard des fondateurs du pays. Un bon exemple serait le succès de Buffalo Bill qui mettait en

scène des combats et des exercices favoris des Amérindiens et des hommes de la frontière. Il

s’agit, en réalité, de leur vieille tradition ethnologique remaniée. Buffalo Bill dressait des

chevaux sauvages, faisait des exercices de tirs à la carabine et au revolver, lançait au lasso et

présentait des simulations d'attaque de diligences.

Un deuxième aspect propre au cirque américain est l'importance attribuée aux pachydermes.

Les éléphants ont une signification symbolique particulière aux États-unis ; nous y reviendrons

lorsqu'il sera question de l'univers symbolique. Pour juger de la grosseur et de noblesse d'un

cirque aux États-unis, on se fiait souvent à la grosseur du troupeau d'éléphants. « Les cirques

américains, connaissant le goût de leur compatriotes pour ces pachydermes, ne cessaient

d'accroître le chiffre de leur cheptel mastodontien. Quinze, vingt, trente éléphants devinrent des

chiffres normaux pour les cirques américains » (Thétard, 1978, 174). Barnum, et Forepaugh se

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sont livrés à une réelle bataille à savoir qui avait le plus gros corps d'éléphants et qui avait

l'éléphant le plus spectaculaire. A ce titre, on conte une anecdote où Barnum annonçait, dans

une réclame publicitaire, qu'il mettrait en exposition un éléphant blanc d'Asie. L'éléphant était en

fait gris clair. Pour répliquer, Forepaugh déclara qu'il possédait le seul et unique éléphant blanc

au monde. L'éléphant en question avait simplement été peinturé de chaux. Barnum et Bailey

continuèrent la course éléphantine en achetant, du Regent's Park en Angleterre, Jumbo. Cet

éléphant qui, comme son nom le dit, était énorme, mesurait 3,35 mètres. Jumbo attira d'énormes

foules et Barnum et Bailey surent profiter largement de cet atout en présentant l'animal le plus

grand au monde, avec Tom Pouce, l'homme le plus petit du monde qui mesurait à peine 73

cm..

Les innovations techniques forment la troisième caractéristique du cirque américain. Ce sont les

Américains qui commencèrent à utiliser le rail comme moyen de transport, qui inventèrent le

système de gradins démontables, qui fabriquèrent le mat de corniche, et qui imaginèrent le

cirque flottant. Le Floating Palace (ou cirque sur radeau) mis au point par Gilbert Spaulding

est resté fameux dans les annales américaines. Plus les dimensions des cirques s'accroissaient,

plus il devenait difficile et coûteux de voyager d'une ville à l'autre en caravane. On imagina donc

de voyager en utilisant les grands fleuves du continent : le Mississippi, le Missouri, l'Ohio. La

troupe entière s'embarquait sur un ou deux bateaux et s'arrêtait aux villes rencontrées sur les

rives du fleuve.

Ses personnages

À différentes époques, plusieurs personnages ont marqué le cirque américain. Il nous est

impossible de dresser une liste exhaustive et descriptive de tous ces gens qui ont influencé le

cirque aux États-unis. Nous nous limiterons aux personnages les plus célèbres et les plus

connus. Le nom de Barnum restera à jamais immortalisé dans l'histoire du cirque. C'était un

entrepreneur de spectacles qui exhibait des curiosités telles que la prétendue nourrice de George

Washington (qui aurait vécue plus de 150 ans). Il fonda, en 1871, le cirque Barnum qui fut une

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entreprise prospère et célèbre. Barnum s'associa à Bailey en 1880. Avant que les deux

personnages s'associent, Bailey avait connu une grande tournée mondiale. Les deux directeurs

de cirque avait mené une sérieuse lutte pour devenir les favoris des Américains et ils s'étaient

tous deux handicapés financièrement. Ensemble, ils présentèrent le Barnum and Bailey ; The

greatest Show on Earth. Le Greatest Show devint « l'entreprise modèle et toujours première

dans la voie du grandiose. Aux trois rings [...] il [Bailey] ajouta deux plateaux intercalés. Il fut le

premier à adopter l'éclairage électrique » (Thétard, 1978, 176). Les autres concurrents de

Barnum et Bailey furent les frères Ringling, Forepaugh et Sells and Company. Les frères

achetèrent le Greatest Show dans les années 1920. Le Greatest Show-Ringling-Barnum-Bailey

fut communément appelé la Big Bertha.

Il y a aussi Buffalo Bill dans les années 1920, qui, comme déjà mentionné, faisait revivre les

grandes conquêtes de l'Ouest par des simulations de batailles historiques. Les pantomimes

anglaises et françaises peuvent être comprises dans le même sens, car elles rappelaient elles

aussi à leur manière un peu de l’histoire du pays. On ne pourrait parler des personnages

importants du cirque américain sans mentionner le clown-bouffon Dan Rice. Ce clown connut

son apogée dans les années 1840 en présentant un spectacle comique avec un cochon dressé, du

nom de lord Byron, en jouant les « jesters shakespeariens » et en faisant des plaisanteries sur les

hommes politiques de l'époque. En somme, le cirque américain, tout comme les autres cirques,

est caractérisé par l’aspect hors du commun de son spectacle. Cependant, ce qui le différencie

des autres, c’est sa quête du gigantisme.

d) L’Italie

La naissance du cirque

Depuis la chute de Rome, nous avons vu que des troupes d’amuseurs publics sillonnent

l’Europe et que celles-ci ont leur point de rencontre dans le Nord de l’Italie. C’est

pourquoi ce pays est considéré par les directeurs de cirque moderne comme « L’une des

principales pépinières d’artistes de cirque » (Thétard, 1978, 97). Même si ce pays occupe

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une place majeure dans l’histoire du cirque, du fait que la tradition du cirque s’est

construite autour de ce berceau d’artistes, le spectacle d’Astley ne connut pas d’âge d’or

dans ce pays, comme ce fut le cas en Angleterre et en France par exemple. En effet,

l’histoire nous montre que les cirques naissent dans de grandes nations. Cela expliquerait

que le cirque n’ait pas connu d’âge d’or en Italie, car ce pays ne s’unifia qu’en 1867.

Il existait bien sûr des compagnies de cirque à l’aube du X1Xe siècle dans ce pays,

notamment La Compagnia Mimo Ginnastica Danzante di Giovanni Chiarini. Mais, bien

que l’Italie donna par la suite naissance à de nombreux autres cirques, comme celui

d’Alessandro Guerra ou celui de Gaëtano Ciniselli, l’histoire de ceux-ci se déroule le plus

souvent hors du pays. En effet, il est facile de retracer le passage de célèbres cirques

italiens en France, en Allemagne ou en Autriche, mais à l’intérieur même du pays, l’histoire

ne se fait pas aussi bavarde.

Ses caractéristiques propres

Même si la tradition du cirque est bien établie en Italie, son histoire interne, et non son

rayonnement, ne se distingua réellement qu’aux environs de 1970 et ce, sur le plan

politique et juridique. En effet, vers 1965, les directeurs de cirques italiens rêvaient tous

d’exil. Leurs ambitions étaient d’organiser des tournées à l’étranger pour fuir ce pays où ils

étaient étouffés par les impôts municipaux excessifs, imposés sous prétexte qu’ils étaient

des clients temporaires. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 mars 1968 en

Italie, les choses ont bien changées. En effet, son premier article reconnaît : « La fonction

sociale des cirques équestres et des spectacles itinérants » (Thétard, 1978, 540). Cette loi a

pour but de réduire de beaucoup les taxes qui assaillent les chapiteaux et de veiller à ce que

les municipalités accueillent correctement les cirques qui veulent les visiter en mettant à

leur disposition des terrains bien situés et à des prix abordables. Depuis que cette loi,

unique au monde, a été votée, la terre italienne est redevenue un lieu de première

importance pour le cirque.

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Une autre innovation majeure suivit de près cette loi. L’État décida, la même année,

d’accorder annuellement une subvention au syndicat des directeurs de cirques, soit à l’Ente

Nazionale Circhi. Avec cette subvention et la cotisation des directeurs de cirques, ce

syndicat a créé un fonds pour venir en aide aux cirques en difficulté. De ce fonds

dépendait, en 1976, 130 des 140 chapiteaux existant en Italie. On comprendra que l’Italie,

berceau de nombreuses familles banquistes, vise ainsi à assurer la conservation d’un

élément important de son patrimoine culturel, les cirques.

Autre fait particulier du cirque italien, c’est qu’il n’y eut pas, dans ce pays, de cirques

stables aussi importants qu’en Angleterre, en France et en Allemagne au cours du X1Xe

siècle. La raison « tient sans doute au petit nombre relatif de ses grandes villes. Cependant,

Rome, Milan, Florence, Turin et Naples ont eu des cirques très réputés, mais qui, pour la

plupart, s’installaient dans des théâtres momentanément transformés » (Thétard, 1978, 97).

Rappelons-le, le fait que l’Italie n’est unifié qu’en 1867 et qu’elle ne fut jamais un empire ;

cela peut expliquer qu’il n’y ait pas eut dans ce pays de cirque d’une ampleur comparable à

ceux des pays mentionnés ci-haut. De nos jours, la majorité des cirques italiens sont des

cirques ambulants, de petites tailles, à une seule piste. Il existe cependant trois exceptions à

cette règle, soit le Circorama, le Circo Moria Orfei et le Circo Americano, qui sont des

cirques à trois pistes pouvant accueillir plusieurs milliers de spectateurs.

Le cirque italien est caractérisé par ses nombreuses et célèbres familles banquistes. En

effet, les noms de ces familles ont été associés aux plus grands cirques du monde, à un

point tel que l’on serait porté à croire que l’Italie est la nation mère du cirque, ce qui n’est

pas le cas. C’est plutôt la patrie des artistes ayant popularisé le cirque.

Ses personnages

Ainsi donc, de célèbres familles banquistes italiennes ont pris l’affiche dans de nombreux

cirques tout autour du globe. Citons, parmi les plus grands, les Bartoletti, les Zavatta, les

Zanelli, les Féroni, les Guillaume, les Travaglia, les Tacconetti et les Chiarini. De plus, un

des célèbres personnages du cirque italien fut le directeur Alessandro Guerra, surnommé le

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furioso pour son tempérament bouillant. En 1820, il était à la voltige le rival du célèbre

écuyer anglais Andrew Ducrow. Son spectacle fut un des premiers à exposer clairement le

lien qui unit quelques temps le cirque et les peintres. En effet, son spectacle se terminait,

comme dans tous les cirques de l’époque, par des pantomimes et on raconte que les décors

de la plus célèbre Les derniers jours de Pompeï avaient été faits par le peintre

Sachetti lui-même.

e) L’Allemagne

La naissance du cirque

Il y avait des cirques ambulants, quoique peu connus, en Allemagne au XVIe siècle.

Cependant, ce sont les Français qui ont popularisé le cirque moderne en Allemagne. En

effet, la plupart des cirques qui voyagèrent en Allemagne de 1800 à 1840 étaient dirigés

par des Français dont les deux plus célèbres furent Pierre Mahyeu et Jean Porté. C’est

Pierre Mahyeu lui-même qui fut le maître de deux des trois premiers directeurs de cirque

allemand, soit Brilloff et Christophe de Bach. L’Allemagne ne tarda cependant pas à se

distinguer des cirques anglais et français. Ce pays fut même le lieu où le cirque moderne fut

le plus important durant de nombreuses décennies : « Quoi qu’il en soit, les spectacles

grandioses donnés par les Renz, les Schumann et les Busch ont fait passer à l’Allemagne

pendant la seconde moitié du X1Xe siècle, surtout à partir de 1885, la suprématie

européenne dans le domaine du cirque » (Thétard, 1978, 115). Respectant l’espèce de

logique historique voulant qu’un cirque ne peut connaître un âge d’or que dans des nations

fortes, l’Allemagne, qui s’unifia en 1870, ne fait pas exception. En effet, ce pays avait uni

ses diverses régions depuis 15 ans lorsque l’âge d’or du cirque y débuta.

Ses caractéristiques propres

Le cirque allemand fut énormément influencé par le passage, en 1899-1900, de la troupe

américaine Barnum and Bailey. Ce passage devait amener une évolution dans l’art du

cirque. En effet, les Allemands retinrent l’idée du gigantisme des cirques américains. Ils se

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lancèrent alors dans la construction d’arènes ambulantes à deux ou trois pistes. On raconte

que les cirques allemands adoptèrent aussi le cirque-ménagerie, jusqu’alors spécialité

anglaise et américaine. Le cirque Hagenbeck alla même jusqu’à posséder la plus grosse

collection d’animaux de cirque au monde. Notons cependant que le cirque allemand ne

négligea jamais les vieilles spécialités de la piste ronde, même s’il y ajouta une ménagerie.

Nous avons dit que le cirque américain avait influencé les Allemands, en voici une autre

preuve. Henry Thétard a écrit que le tohu-bohu de Barnum déplaisait à Sarranni (un

directeur de cirque de 1908 à 1918) qui ne voulait pas perdre de vue le bon goût et la

beauté savamment ordonné du cirque. « Il chercha autre chose et le trouva : on peut dire

que Sarassini a rénové l’art de la piste par une mise en scène somptueuse et une

synchronisation des ensembles avec le travail individuel inconnue jusqu’à lui, tout en

utilisant à son maximum tout le pittoresque du cirque exotique et en obligeant ses

orchestres à s’incorporer en quelque sorte au spectacle au lieu de l’accompagner »

(Thétard, 1978, 128). Ceci est une innovation très importante, non seulement puisqu’elle

engendra une véritable tradition, mais parce qu’elle préfigure de la nouvelle génération de

cirques qui débuta plusieurs années après, soit au début des années 1980. Pour le cirque

allemand, il en est tout autrement, comme nous le montre le spectacle de Sarassini. Le

cirque allemand s’oriente beaucoup plus sur l’esthétisme et la beauté du spectacle. En effet,

les Allemands sont très minutieux en montant un spectacle de cirque, portant beaucoup

d’attention sur les détails des numéros et sur la mise en scène de ceux-ci.

Un autre fait marqua le cirque allemand et concerne les pantomimes. En 1880, les

pantomimes prirent tellement d’ampleur dans le spectacle qu’elles reléguèrent la partie

équestre au second rang. Dans les trois plus grands cirques d’Allemagne (Renz, Schumann

et Busch) les pantomimes : « perdaient de plus en plus de leur aspect de pantomime pour

devenir de véritables drames ou des bouffonneries à grande mise en scène et les coulisses

étaient envahies par des acteurs, des danseurs, des choristes et des figurants » (Thétard,

1978, 115). Ajoutons que l’Allemagne apporta aussi quelques innovations techniques au

cirque, notamment l’invention de la cage circulaire pour dresser les tigres et le fameux

looping the loop, un spectacle de haute voltige acrobatique en même temps qu’un véritable

casse-cou.

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Ses personnages

Les deux plus grands directeurs allemands furent Édouard Wollschaeger et Ernest Renz.

Wollschaeger, qui vécut de 1811 à 1875, était un écuyer complet, qui était capable de

jouer de petits drames muets à cheval. Renz, quant à lui, pratiquait l’art du cirque sans

emprunter ses effets au théâtre, voulant tirer la seule valeur des exercices présentés. C’était

un banquiste, qui vécut de 1815 à 1892 et qui fut baptisé par Henry Thétard « le roi

incontesté du cirque dans l’Europe de l’Est ». On ne peut passer sous silence un artiste

allemand célèbre du nom d’Albert Schumann, qui fut considéré par les gens du cirque

comme le plus extraordinaire dresseur de chevaux en liberté qui ait jamais vécu. Ajoutons

à ces personnages du cirque, les cinq plus célèbres familles banquistes d’Allemagne, soient

les Renz, Weitzmann, Kolter, Goldkette, Blumenfeld et Knie.

f) La Russie

La naissance du cirque

L’idée de faire du cirque en Russie est due au passage d’un italien de très grand talent en

ce pays. Le premier grand succès du cirque en Russie (parce que des troupes françaises y

étaient allés avant) est redevable à Alessandro Guerra, ce célèbre écuyer d’Italie. Il donna

son premier spectacle à St-Petersbourg le 22 novembre 1845 dans une baraque baptisée le

Cirque Olympique. « Le Cirque Olympique faisait salle comble chaque soir, et son

spectacle n’avait aucun rapport avec les amusements populaires des foires, des

shomorocki, des monteurs d’ours et des chanteurs et joueurs de balalaïka, cet instrument

de musique typiquement russe » (Renevey, 1977, 302). On raconte que ce succès du cirque

en Russie est dû à la fascination qu’exerçait l’équitation moderne sur les Russes. Le cirque

moderne séduisit les Russes et le tsar Nicolas 1er décida, en 1847, d’initier une troupe des

jeunes Russes aux arts du cirque en fondant une école. Celle-ci appela logiquement la

naissance d’un cirque proprement russe, ce qui eut lieu, à Penya, en 1873. Ce premier

cirque fut dirigé par Dimitri et Piotr Nikitine.

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Ses caractéristiques propres

Le cirque russe est remarquable pour plusieurs raisons. Du point de vue culturel, disons

qu’ « avant la grande Révolution d’octobre, les propriétaires des cirques russes étaient non

seulement des saltimbanques, mais aussi des artisans et, surtout, de riches propriétaires »

(Reveney, 1977, 306). Seulement, sous le régime communiste, une forme d’art ne pouvait

être popularisée et encouragée qu’avec le consentement de l’État. Les artistes devaient

donc être des gens instruits et politisés pour être considérés par l’État. Cependant, les

propriétaires et artistes de cirque, à l’époque de la Révolution, étaient en majorité des gens

peu cultivés. Cela posait un problème, car le peuple aimait le cirque et ne voulait pas le

voir disparaître. C’est afin de concerver cette richesse culturelle que Lénine signa, le 26

août 1919, le décret sur la « nationalisation des théâtres et des cirques » sous le conseil du

commissaire de la culture. Ainsi, le premier cirque d’État au monde fut russe, le Cirque

Salamonsky.

Mais un cirque d’État doit être plus qu’un simple cirque car il est en quelque sorte le

représentant du pays. Guidé par cette idée, on fonda à Moscou, en 1921, la haute école

moderne, une école équestre inspirée des méthodes de l’allemand Schumann. En 1927, ce

fut la fondation de l’École des cirques de l’État soviétique. Son but était de faire des

artistes du cirque des gens instruits et compétents. Cette école comprenait des cours sur les

arts du cirque, mais aussi des cours de chimie, de mathématique et de linguistique et les

élèves devaient réussir les examens de fin d’étude pour avoir le droit d’exercer leur métier.

« L’artiste du cirque n’est plus un gitan ou un Tcherchesse mais un homme comme les

autres » (Renevey, 1977, 312). Cela dénote, selon Reveney, une volonté politique

d’instruire et de relever le statut des « démunis » et c’est vraisemblablement lié aux idées

véhiculées par le parti communiste, c’est-à-dire l’égalité, le développement humain, etc. Le

cirque servit en quelque sorte d’élément de propagande communiste. À cet égard, certains

numéros ont du être adaptés à la « morale » de l’État. « La direction des cirques d’État a

voulu moraliser les clowneries. Le clown blanc pailleté et dominateur a vite disparu des

pistes en même temps que les entrées qui exploitent les échanges de gifles, les trucs à la

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pâte et à l’eau ou les paris du genre gagner sans travailler » (Lévy, 1977,120). Une autre

particularité des Russes par rapport au cirque, c’est qu’ils furent les premiers, à notre

connaissance, à consacrer un musée entier à cet art. En effet, il existe à Moscou, depuis

1926, le Musée du cirque de l’U.R.S.S..

Quant au cirque russe, il en ressort deux particularités. D’abord, les Russes ont inventé le

cirque sur glace, un cirque où les clowns, les jongleurs et les acrobates combinent leur art

sur une piste de glace. De plus, ils ont introduit dans leur cirque des numéros d’ours

dressés. Cette attraction est en effet très répandue dans ce pays. On dit qu’à Moscou, 80%

des cirques intègrent ce type de spectacle. Si l’on attribue une si grande importance aux

ours dans les spectacles russes, c’est qu’ils sont le symbole national de ce pays.

Ses personnages

Les livres consultés mentionnent tous le talent incontestable de deux clowns russes. Il

s’agit de Karandash et Oleg Popov. Il faut de plus souliger ici le nom du plus connu des

instructeurs de cirque, soit Valentin Ivanovitch Filatro, qui fut le professeur de nombreux

dresseurs d’ours.

g) La Chine

La naissance du cirque

Selon Cheang Fook (artiste de cirque issu d’une famille banquiste), des acrobates et des

dresseurs existent au temps de la dynastie des Han, dynastie dont le règne débuta deux

siècles avant Jésus-Christ. Concrnant l’acrobatie, on racpnt qu’ « associer à la musique et à

la danse, elle constitue alors, sous le nom des « Cents plaisirs » l’une des distractions

privilégiées des classe dominantes » (Minghua, 1985, 11). Cependant, si l’on considère que

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la piste est la clef du cirque, l’histoire du cirque chinois débute au XIXe siècle. Les débuts

du cirque en Chine sont étroitement associés à l’arrivée des Européens dans ce pays. La

preuve nous est donnée par le fait que les premiers noms célèbres du cirque en Asie sont

Asako, Harmston, Willison, Fills et Wirth. Nous serions ainsi portés à croire que c’est

l’ouverture des routes commerciales qui popularisa le spectacle de la piste en Chine. Et

cette ouverture donna aussi lieu à l’intégration d’artistes orientaux dans les cirques

européens : « les facilités de voyage qui en résultèrent incitèrent des artistes orientaux, tels

que perchistes, jongleurs et contorsionnistes à se rendre en Europe, tandis que des cirques

européens visitaient l’Asie » (Renevey, 1977, 409).

Ses caractéristiques propres

À notre connaissance, trois principales caractéristiques sont associées aux cirques chinois.

La première est que leurs cirques ne comportent pas d’animaux. À ses débuts, il y en avait,

mais pour des raisons économiques, les Chinois ont dû se contenter d’un cirque composé

uniquement d’êtres humains. La deuxième est que les numéros acrobatiques que l’on

retrouve dans les cirques chinois utilisent souvent des objets de la vie de tous les jours. La

dernière et sans doute la caractéristique qui s’est le plus internationnalisée, est le numéro

des contortionnistes. Malheureusement, nous n’avons trouvé aucun détail explicatif sur la

nature de cet art.

La Chine demeura longtemps, tout au moins en Amérique, un pays sur lequel notre

connaissance fut relativement limitée. Et ce fait resurgit immanquablement lorsque l’on

cherche à connaître l’histoire du cirque dans ce pays. C’est ce qui explique notre capacité

très relative, comme vous venez de le voir, d’en saisir toute la portée.

Comme nous l’avons constaté, l’histoire du cirque moderne est fortement caractérisée par les pays

dans lesquels il a évolué. Chacun d’eux semble y avoir apporté un élément précis. En Europe par

exemple, c’est l’Angleterre qui en fit l’invention. Le cirque connut par la suite le succès en France,

car elle le fit progresser sur le plan technique avec les cirques aquatiques et le fit rayonner dans

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nombreux pays d’Europe. L’Allemagne, quant à elle, donna au spectacle du cirque une mise en

scène plus théâtrale et une présentation plus soignée. Quant à l’Italie, ce fut en quelque sorte la

pépinière des artistes du cirque et, plus récemment, le pays où s’implanta au niveau étatique

l’établissement d’un système de soutien pour les cirques. Et puis le spectacle du cirque connut des

remaniements majeures (gigantisme du spectacle, innovations techniques, etc.) et la promotion de

la fierté nationale grâce aux États-unis. Finalement, la Russie permit au cirque de faire valoir son

aspect de l’accomplissement humain par l’association directe du spectacle aux valeurs chères aux

communistes. Ce pays fut même le premier à nationaliser le cirque car celui-ci projetait des valeurs

humaines chères au parti communiste. Quant à la Chine, elle permit au cirque d’être un spectacle

de grande valeur malgré l’absence d’un de ces éléments de base, les animaux.

2.1.2.3) Son déclin

Le cirque moderne, comme nous venons de le constater, a connu un succès phénoménal dans

divers pays, et ce, jusqu’en 1920 environ. Bien sûr, il existe encore des cirques modernes en

Occident, mais ils ne connaissent pas autant de succès qu’avant 1920. Nous n’avons qu’à

consulter le livre d’Henry Thétard pour constater que l’âge d’or du cirque moderne, dans tous les

pays qu’il mentionne, est bel et bien révolu. L. R. Dauven, dans son livre Le Cirque depuis la

guerre, retrace l’évolution du cirque de 1945 à 1978 et soutient les dires de Thétard. L’auteur

montre, chiffres à l’appui, que le cirque moderne n’est pas mort mais qu’il est loin d’être l’art le

plus populaire actuellement auprès du public. Ce déclin du cirque moderne s’explique en grande

partie par trois raisons.

Tout d’abord, le cirque moderne est un spectacle faste, un spectacle qui doit baigner dans le luxe

pour séduire. La mise sur pied et la présentation d’un spectacle coûte très cher à un directeur de

cirque. Or, voici qu’avec la première grande guerre mondiale, l’argent se fait plus rare. Les gens

ont moins d’argent pour les divertissements, donc ils vont moins souvent au cirque. Lui qui a

besoin d’une bonne rentrée d’argent pour fonctionner a de la difficulté à survivre. La crise des

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années 1930, seulement quelques années plus tard, ne fait qu’accentuer les problèmes financiers du

cirque.

Une autre raison du déclin du cirque moderne est la montée en flèche de la technologie dans notre

société, et ce dans tous les domaines y compris les arts. En effet, les nouvelles technologies

donnent naissance, entre autres, à un art qui se développe à une vitesse effarante et qui empiète sur

le terrain jusqu’alors réservé au cirque en s’appropriant en grande partie le domaine du

fantastique. Nous parlons bien sûr du cinéma. Le cirque moderne se fait damer le pion du

spectacle fantastique par le cinéma qui, supporté par une amélioration incessante de la technique,

est devenu l’art le plus apprécié et le plus consommé dans notre société.

La dernière raison est la diminution de l’attrait qu’exerçent certains numéros traditionnels au

cirque. Nous pensons ici aux numéros de chevaux et aux exhibitions. Certaines exhibitions axées

sur l’exotisme, comme la présentation d’animaux inconnus du public ou bien d’un cracheur de feu

indien, type d’exhibition qui fit courir les foules aux XVIIe et XVIIIe siècles, ne fonctionnent plus

très bien en 1920. Sans doute parce que pour la majorité des gens, ces manifestations d’exotisme

n’en sont plus ! Elles font maintenant partie de leur connaissance générale du monde. Ces

exhibitions étaient devenues seulement bonnes « à impressionner les enfants ». De plus, ce qui

représentait le coeur du cirque moderne jusqu’en 1880, soit les arts équestres, sont devenues

beaucoup moins populaires puisque le cheval n’a plus une place d’honneur dans la société. C’est

l’automobile qui a pris cette place. Ces deux exemples peuvent expliquer la baisse de la popularité

de certains numéros du cirque moderne depuis 1920.

Force est d’avouer que, pour rayonner à nouveau, le spectacle du cirque se doit d’innover. Il doit

se réinventer. À partir de 1980, on voit apparaître des petits cirques qui, semble-t-il, ont modernisé

l’art du cirque. Il semble qu’ils ont tenu compte de certains courants de pensée de notre époque

pour réinventer le concept et les numéros au cirque. Est-ce la naissance du cirque post-moderne ?

Il semblerait que oui. Nous tenterons d’expliquer dans ces grandes lignes les composantes de cette

nouvelle forme de l’art du cirque. Pour permettre de mieux la comprendre, nous utiliserons

comme exemple de cette nouvelle vague de cirque celui que nous connaissons le mieux, le Cirque

du Soleil.

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2.1.3) Le cirque post-moderne

Le cirque post-moderne n’est pas le qualificatif d’un type précis de spectacle. C’est plutôt un

qualificatif de sa situation dans le temps. En effet, cette expression désigne une nouvelle vague de

cirques qui est apparue après le cirque moderne. Comme vous le constaterez, cette vague est

différente sur plusieurs points du cirque moderne, mais il est encore trop tôt pour la caractériser

précisément.

Rappelons ici le précurseur de cette nouvelle vague de cirque. Ce « nouveau spectacle » est en

fait directement issu de l’histoire du cirque moderne. Rappelons-nous le spectacle que donnait

Sarassini au début du siècle en Allemagne : « Sarassini a rénové l’art de la piste par une mise en

scène somptueuse et une synchronisation des ensembles avec le travail individuel inconnu jusqu’à

lui, tout en utilisant à son maximum tout le pittoresque du cirque exotique et en obligeant ses

orchestres à s’incorporer en quelque sorte au spectacle au lieu de l’accompagner » (Thétard, 1978,

128). La musique est maintenant composée en fonction des numéros et cela pour chaque

spectacle. Elle n’ajoute plus au spectacle, elle en est une partie intégrante. On voit que Sarassini

cherche à créer de l’unité dans son spectacle, contrairement à l’habituelle présentation du cirque

moderne, qui consiste simplement à présenter les numéros les uns à la suite des autres, sans trop

s’attarder à l’harmonisation de l’ensemble. Il veut un spectacle qui se tienne, comme c’est le cas

d’une pièce de théâtre par exemple. Et c’est exactement la façon de procéder du cirque nouvelle

vague. Tout tourne autour d’un concept et les numéros, la musique, les décors et les effets

spéciaux doivent être adaptés à celui-ci pour former un spectacle structuré. C’est ce soucis de la

structure, de l’unité qui fait que les spectacles du Cirque du Soleil (Le cirque réinventé,

Saltimbanco, Alegria et Quidam) ne semblent pas laisser de répit au spectateur. « Le spectacle de

ces cirques nouveaux forme un ensemble continu, sans temps mort, plutôt que de présenter une

succession de numéros » (Guéricolas, 1997, 16). Nous sommes embarqués dans « l’histoire » de

cette véritable pièce de cirque comme nous embarquons dans l’intrigue d’une pièce de théâtre ! Et,

fait contradictoire, les « histoires » racontées dans les cirques nouvelle vague ne sont pas de

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véritables histoires. Dragone, le metteur en scène du spectacle Alegria, fait ressortir cette

contradiction de façon évidente. « Ce que je cherche moi aussi, dit Dragone : à révéler l’émotion

brute et les pensées sauvages que chacun a au fond de soi, très loin, bien cachées [...] Alegria ne

raconte rien. Au départ, c’est un cri, tout simplement, un cri de ralliement contre la morosité »

(Germain, 1994, 85). La même idée est reprise par une analyste de ce type de cirque. « C’est le

cirque de la contestation : par la satire, la protestation, le silence... » (Van Buren, 1992, 14).

Ajoutons que l’utilisation de la technique (musique, effets spéciaux et appareils de cirque) aide

beaucoup à englober de magie les spectacles des cirques post-modernes. Tout en n’étant pas

nouvelle comme idée, l’importance qui est attribuée à la technique est croissante dans ce genre de

spectacle.

De plus, il semble que le cirque post-moderne ait tenu compte de certains courants de pensée de

notre époque dans la présentation de ses numéros. Ainsi, les exhibitions d’infirmes ayant des

difformités ou des anomalies remarquables, exhibitions que l’on présentaient auparavant dans les

cirques modernes, ne font plus partie du spectacle. L’évolution du cirque est la preuve que les

sociétés sont en constant changement et qu’il existe une dynamique relationnelle entre les individus

et les spectacles. Dans leur quête de rectitude politique, les sociétés occidentales ont vu apparaître

divers groupes de défenses des droits des minorités. Les droits de l’homme sont en théorie de plus

en plus appliqués. La valeur de chaque humain est prise en considération dans le sens légal. Les

particularités des humains sont reconnues et protégées de plus en plus par des lois. Il n’est plus

acceptable de rire ouvertement des minorités. Les minorités, auparavant présentées comme des

objets, des phénomènes à voir, n’ont plus du tout le même statut. Les mentalités ont changées

depuis ce temps et des groupes de défense des handicapés ont vu le jour et ce genre de

« spectacle » n’est plus acceptable socialement. Le changement est même tellement profond que

les handicapés, loin d’être encore des « phénomènes » à voir, sont devenus, dans un cas du moins,

les artistes seuls du cirque. En effet, il existe maintenant un cirque chinois composé uniquement

d’handicapés. « Plus qu’un exploit pour les jeunes artistes chinois : tous son infirmes ! En réalisant

l’impossible, au prix d’un rude apprentissage, ils remplacent la pitié par l’admiration dans le regard

émerveillé des spectateurs » (Fargier, 1996, 27) Les numéros des cirques nouvelle vague,

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notamment ceux du Cirque du Soleil, ne font plus du morbide l’élément d’attraction principal de

leurs numéros. Ils mettent plutôt l’accent sur la virtuosité des artistes. On ne présente plus les

personnes comme de simples « attractions » mais plutôt comme des gens qui ont du talent.

L’ouverture des cultures les unes aux autres, notamment par l’entremise des médias et des moyens

de transport, a eu comme effet de sensibiliser les gens aux réalités culturelles qui ne sont pas les

leurs. Par exemple, au Québec, les contorsionnistes chinoises du Cirque du Soleil sont maintenant

le plus souvent perçues comme étant des artistes ayant un talent hors du commun et non pas

comme d’exotiques et bizarres personnages d’Orient capables de se disloquer pour le bon plaisir

des gens !

Qui plus est, les numéros de ces cirques ne présentent pas d’animaux. A priori, cela peut sembler

une nouveauté, mais il n’en est rien et ce, depuis fort longtemps. En effet, les cirques en Chine

n’en ont pas non plus. Même si cela est devenu une tradition du cirque occidental, le cirque

chinois n’avait pas les moyens de payer les frais d’acquisition et d’entretien de ces animaux. On

l’aura compris, le choix du cirque chinois est avant tout basé sur une décision économique. Bref,

un cirque sans animaux n’est pas une nouveauté, mais étant donné que c’est une tradition

occidentale d’en avoir, la nouvelle vague de cirques fait contraste à cette tradition. Même si ce

« manque » peut en décevoir certains et même si par exemple, les responsables du Cirque du Soleil

n’ont jamais nié la possibilité d’avoir des animaux, il serait surprenant de voir réapparaître les

animaux dans le cirque nouvelle vague. Cette modification du spectacle est tout à fait en accord

avec une idée de plus en plus partagée dans notre société. En effet, depuis que le nombre de forêts

diminue, que les espèces disparaissent les unes après les autres et que de nouveaux problèmes

environnementaux surgissent abondamment, l’idée que l’être humain ne doit pas nécessairement

dominer la nature à fait son bout de chemin dans les mentalités. Cette conscientisation des gens au

respect de la nature rendra de plus en plus difficile la possibilité de faire de la domination des

animaux un « spectacle attrayant ». Cette idée fait maintenant partie de l’univers symbolique des

cirques post-modernes. Le rêve de la domination absolue et nécessaire de la nature s’estompe au

profit de sa conservation. De nombreux mouvements visant le respect et la conservation de la

nature ont vu le jour.

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Une autre caractéristique de ce nouveau spectacle concerne ses clowns. Ceux-ci remplissent bien

sûr les rôles des clowns traditionnels, qui sont de faire rire l’assistance et d’animer les spectateurs

entre les numéros ; mais ils remplissent aussi un autre rôle très innovateur. Ces clowns rient des

arts traditionnels du cirque moderne ; ils les tournent en ridicule. Ils semblent se dissocier, prendre

de la distance par rapport au cirque moderne. Ils dérogent ainsi aux règles informelles du cirque

moderne, ce qui leur donne la liberté de le critiquer et de le ridiculiser à leur guise. De plus, ils se

moquent de certaines réalités quotidiennes. Par exemple, le clown qui fait le chef d’orchestre dans

le spectacle Saltimbanco ridiculise complètement ce noble métier et cela fait rire aux larmes. Mais

pourquoi ? Nous aurons l’occasion d’approfondir ce sujet dans la section traitant de l’univers

symbolique.

Un autre trait caractéristique des cirques nouvelles vague est que « la majorité des artistes ont reçu

leur formation dans une école de cirque alors que, dans les cirques traditionnels, ils viennent de

familles d’acrobates ou de clowns où le savoir se transmet de génération en génération au sein du

clan » (Guéricolas, 1997, 16). En fait, les écoles de cirque existaient déjà dans les pays de l’Est où

le cirque était nationalisé. La nouveauté ici, c’est que les écoles de cirque ne sont plus des

institutions étatiques. Cependant, il nous semble que l’idée de fond soit la même. Il s’agit de faire

aux arts du cirque ce que l’on a fait, au Québec par exemple, aux « métiers d’art », soit

d’institutionnaliser les savoirs. Finalement, le dernier trait des cirques postmodernes « réside dans

sa capacité de faire voler en éclat les frontières entre les différentes disciplines » (Guéricolas, 1997,

16). Pierre Cayouette du journal Le Devoir le qualifie même d’une « sorte d’hybride empruntant à

la fois au théâtre et au cirque traditionnel » (Cayouette, 1996, B-8) Vous n’avez qu’à aller voir un

spectacle du Cirque du Soleil pour vous convaincre qu’on est loin de Barnum & Bailey sans

toutefois être au théâtre.

Voici réalisé un bref mais nécessaire survol de l’histoire du cirque. Cette histoire très synthétisée a

l’avantage de présenter en quelques pages les origines du cirque moderne, ses différents types, ses

composantes générales ainsi que les pays qui font partie de son histoire. Cela nous permet de nous

situer dans le temps et dans l’espace et, par le fait même, de tenter d’expliquer la nouvelle

vague du cirque, vague qui débuta en 1980. Cet historique sert aussi d’assise pour aborder les

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deux autres volets de cette recherche exploratoire sur le cirque, soit le rayonnement de celui-ci

dans d’autres formes d’art et dans les études universitaires ou simplement historiques ainsi que les

représentations symboliques qui l’entourent.

2.2) Le rayonnement du cirque

« Le cirque a connu un rayonnement extraordinaire dans les autres arts, peut-être plus qu’aucune

autre forme de spectacle » (Jando, 1977, 204). En effet, le spectacle du cirque a laissé des traces

dans de nombreuses formes d’art, notamment en peinture, au cinéma et au théâtre. Et ce thème

n’intéressa pas seulement les artistes. Quelques chercheurs y portèrent aussi attention. En effet,

quelques études ont été réalisées sur certains aspects particuliers du cirque, et leur lecture s’avère

fort utile pour comprendre l’attrait du cirque sur le public. Il est indispensable, dans une étude

exploratoire sur le thème du cirque, de retracer sommairement ce rayonnement ainsi que de tenter

de l’expliquer. Alors, nous nous attarderons ici aux études qui ont été réalisées sur certains aspects

du cirque et, par la suite, nous verrons son rayonnement dans les oeuvres d’art.

2.2.1) Le rayonnement dans les études

Les études réalisées sur le rayonnement du cirque, qu’elles soient universitaires, historiques ou

autres, représentent un intérêt documentaire incontestable. C’est pourquoi nous avons alors cru

bon, pour approfondir cette étude exploratoire, de lire quelques-unes de celles qui nous ont été

conseillées par les spécialistes consultés ainsi que celles qui reviennent souvent dans les

bibliographies de livres que nous avons lus sur le cirque. À cette effet, nous fournissons en Annexe

I une bibliographie commentée des études que nous avons lues

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2.2.2) Le rayonnement dans les arts

Tentons maintenant d’expliquer l’attrait des artistes pour le spectacle du cirque. Selon Jando le

cirque est une source d’inspiration inépuisable puisqu’il est une sorte de creuset de toutes les

passions humaines. En effet, au cirque, les passions et les sentiments humains se mélangent et se

confondent, car chaque numéro évoque quelque chose de différent selon les personnes. Cette

explication de Jando est intéressante, mais elle doit être bonifiée par celle de Le Coultre pour être

complète selon nous. « Que les poètes et les peintres aient été fascinés par le monde du cirque, on

le conçoit sans peine. Ils y trouvaient un spectacle trépidant de rythme et de lumière, un

divertissement populaire, une évasion merveilleuse hors de la grisaille quotidienne, un monde

palpitant d’émotion et de joie. Cet oasis de plaisir, à l’écart des obligations de la vie courante,

c’est ce que chacun de nous attend du cirque. Mais les artistes y ont trouvé bien d’autres thèmes »

(Le Coultre, 1977, 421). Par autres thèmes, Le Coultre mentionne la mort, l’absurde, la fatalité,

l’inédit, la découverte et le voyage. On comprend que l’attrait des artistes pour le cirque soit en

partie dû à la diversité des thèmes qu’il peut évoquer chez l’artiste. Nous présentons ici quatre

éléments qui résument assez bien cet attrait des artistes au cirque.

D’abord, le cirque diffère du théâtre, parce qu’il montre l’action elle-même, et non pas l’action

rejouée. Pour un artiste, créer une oeuvre sur le spectacle du cirque représente un effort immense

car il doit saisir le moment même, saisir la réalité du cirque, saisir l’instant présent. C’est un défi

très grand, mais c’est aussi ce qui explique que de nombreux artistes aient tenté de relever ce défi.

Un autre élément explicatif est la piste du cirque. En effet, la piste ronde rassemble la foule en

communauté, car les gradins convergent tous vers un même point focal. La coupure entre la

fiction et la réalité est donc amoindrie, autant pour l’homme de la rue que pour l’artiste.

Cependant, ce qui est propre à l’artiste, c’est qu’il cherchera à produire une oeuvre (il y aura des

retombés) de cette particularité du cirque. « Ainsi, le cercle de la piste, symbole de la totalité,

deviendra souvent pour les artistes l’image du monde » (Le Coultre, 1977, 422). Sur la piste,

l’auteur pourra voir assemblées toutes les passions humaines et les opposer. Il pourra opposer le

monde irréel au monde tangible. « À la fois et inversement image du monde et lieu hors du monde,

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le cirque a connu de multiples métamorphoses dans l’imagination des créateurs » (Le Coultre,

1977, 422). C’est donc une immense source d’inspiration, et une source d’inspiration beaucoup

plus grande que le théâtre, par exemple, car il ne représente pas autre chose que lui-même. Les

significations du spectacle du cirque ne sont pas préétablies. C’est ce « vide » qui a permis à tant

d’artistes de créer en empruntant au monde du cirque. Ce vide, c’est la liberté de créer,

d’imaginer, et n’est-ce pas cela le propre de l’artiste ?

Maintenant que nous comprenons pourquoi les artistes ont été (et sont encore) attirés par le

cirque, retraçons le rayonnement du spectacle du cirque au fil de l’histoire. Le but poursuivi ici

n’est pas de dresser une liste exhaustive de toutes les oeuvres artistiques qui ont été produites sur

le thème du cirque, nous tenterons simplement d’en retracer les grandes lignes en mentionnant au

passage les artistes et les oeuvres que nous jugeons incontournables. Cependant, si le lecteur veut

en connaître davantage sur l’histoire générale du cirque dans les arts, nous lui recommandons le

livre Circus and Allied Arts de Toote-Stott.

Pour la section à venir, nous présentons de manière succincte deux excellentes analyses qui furent

réalisées sur le rayonnement du cirque autant dans les arts visuels, littéraires et de scène. Ce sont

celles d’Alain Le Coultre et d’Henry Thétard.

a) Avant Astley

Pratiquement depuis le début de l’histoire écrite, on possède des objets témoignant de

spectacles d’amuseurs publics. Il existe en effet plusieurs peintures égyptiennes à Beni

Hassan, en Égypte ainsi que de nombreux vases de l’époque hellénistique représentants

ceux-ci. À l’époque romaine, les images des jeux sont nombreuses (mosaïques, peintures

murales, bas-reliefs, etc.) Le Moyen Âge ne se fait pas aussi généreux en témoignages,

parce que les troupes d’amuseurs publics étaient beaucoup moins en vue, comme nous

l’avons expliqué dans l’historique.

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Cependant, la date charnière du début d’un véritable rayonnement du cirque dans les arts

littéraires et visuels, c’est le XVIIe siècle. En effet, les troupes d’amuseurs, par le biais des

foires populaires, apparaissent alors dans la littérature et la peinture. Citons notamment la

peinture La Foire de la Saint-Barthélémy (1614) de Ben Jonson ainsi que celle de Teiniers

le Jeune La foire de l’Impruneta. Le Coultre explique que la foire intéressa les artistes car

elle représente un moment privilégié, en marge du quotidien.

b) Le cirque dans la littérature

Les premiers textes concernant le cirque sont des chroniques. Fascinés par les funambules

et les acrobates, les auteurs trouvent fantastique ce spectacle qui dépasse les règles

communes. L’oeuvre de Goethe Les Années d’apprentissage de Wilhelm Meister ainsi que

Jongleurs indiens d’Hazlitt font partie de ces chroniques. D’autres chroniques, notamment

celles de Théophile Gauthier, furent réalisées pour donner le goût d’assister au spectacle

du cirque.

Comme nous l’expliquions précédemment, le spectacle du cirque se prête à diverses

lectures, suggère divers thèmes selon les auteurs. Ainsi, le cirque fut perçu par certains

auteurs comme étant simplement un spectacle naïf et populaire, définition qui, selon nous,

est fort incomplète et péjorative pour le spectacle du cirque. Selon, Le Coultre, l’oeuvre de

Dickens Les Mémoires du clown Grimaldi est porteuse de cette idée. Baudelaire, quant à

lui, perçoit le clown comme prisonnier de sa condition, comme un être toujours voué à

l’échec. C’est cette association du comique à la misère qui est évoquée dans Le vieux

Saltimbanque. Nous verrons que les choses ne sont pas aussi simples dans la section Le

Cirque un spectacle transculturel. Cependant, d’autres artistes perçoivent les gens du

voyage comme étant l’image des hasards du destin humain. Le roman Les Vagabonds de

Karl von Holtei ainsi que Les Mésaventures de Jean-Paul Choppart de Louis Desnoyers se

situent dans cette lignée. Il est aussi arrivé que la littérature s’intéresse au cirque en le

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regardant de l’intérieur comme un lieu d’épreuve, de dépassement, comme c’est le cas

dans The Leopard Man’s Story de Jack London. Il faut aussi mentionner que la dimension

surhumaine des artistes du cirque a inspiré plusieurs auteurs, dont Eleanor Furneaux Smith,

Louis Bromfield et William Saroyan. On l’aura compris, les thèmes sont très diversifiés et il

serait fastidieux de retracer la totalité du rayonnement littéraire du cirque.

c) Le cirque sur scène

L’art du cirque a toujours fasciné les auteurs de théâtre, que ce soit à cause de la maîtrise

technique qu’il réclame, de son public populaire ou bien du climat communautaire que la

piste dégage. En fait, ces trois éléments sont indissociables du cirque moderne. Cependant,

ils sont peu adaptables au théâtre. C’est plutôt en s’inspirant du travail de l’artiste de

cirque que le théâtre a bâti des pièces autour du spectacle de cirque. Les premières

incursions furent, en 1831, Les saltimbanques de Du Mersan et Varin ainsi que la pièce

Woyzeck de Büchner, un auteur dramatique allemand. Dans la deuxième moitié du X1Xe

siècle, l’opéra s’empara du sujet. Mentionnons notamment La fiancée vendue de Smetana

ainsi que Les saltimbanques de Louis Gamme. Comme en littérature, les auteurs de théâtre

perçoivent le cirque sous divers angles. Ainsi, dans la pièce Auguste, Auguste, Auguste de

Pavel Kohout le cirque devient une métaphore du monde sur le plan social et politique

tandis que dans Le roi Lear, mis en scène par Giorgio Strehler, le cirque est considéré sur

un plan plus philosophique, car Strehler s’attarde à certaines valeurs que le cirque

représente pour lui.

d) Le cirque au cinéma

Les cirques exploitèrent le cinéma dès son apparition, à la fin du XXe siècle. C’est

d’ailleurs au succès de ces projections ambulantes que cette nouvelle forme d’art dut en

grande partie son essor. De plus, le cirque fournit au cinéma quelques-uns de ses premiers

sujets. Par exemple, Little Tich apparut dans des films des frères Lumière et de Georges

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Méliès, et Émile Reynaud s’inspira, pour son premier praxinoscope, du cirque Molier et

des sketches de Foottit et Cholocat, des célèbres clowns français.

Mais ce n’est qu’à partir de 1920 que des films entiers furent consacrés au thème du

cirque. Les plus connus étant Celui qui reçoit les gifles de Sjöström, Les quatre diables de

Murnau, Variétés de Dupont ainsi que Sally, fille de cirque de Griffith. De plus, beaucoup

d’artistes se sont vus propulsés sur la piste du cirque à l’occasion d’un film, notamment

Max Linder dans Le roi du cirque, Chaplin dans Le cirque et les frères Marx dans Un jour

au cirque.

Mentionnons maintenant les quelques tendances que l’on peut dégager des films produits

sur le cirque. Dans le cinéma américain des années 1940, le cirque est représenté comme

étant un univers naïf, proche de l’enfance, ou les rires et les larmes se mêlent. Il fut une

source d’inspiration très vaste où les sensations et les sentiments se mélangent sans cesse.

Pensons simplement au film Dumbo de Walt Disney ainsi qu’à Sous le plus grand chapiteau

du monde de Cecil B. de Mille. Vers 1950, les films inspirés du cirque se rejoignent par

leur ton désespéré, comme c’est le cas de La nuit des forains de Bergman et de Lola

Montès de Max Ophüls. En 1960, le ton change et c’est la nostalgie des rêves enfantins qui

devient le point commun. C’est notamment le cas de Yoyo de Pierre Étaix, de Parade de

Jacques Tati et de Les clowns de Fellini. Ce cinéaste italien fut sans doute le cinéaste le

plus fasciné par le cirque, car ce thème revient dans trois autres de ses films, soit 81/2,

Juliette des esprits et La Strada. Nous fournissons en Annexe II la liste des meilleurs long-

métrages réalisés sur le thème du cirque selon Pascal Jacob. Cependant, si le lecteur désire

une documentation plus précise en ce qui concerne le cirque et le cinéma, Paul Adrian

fournit une filmographie dans le numéro 194 de la revue Cinéma 75.

e) Le cirque en peinture

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Rares sont les images du cirque datant de la première moitié du X1Xe siècle. Carle Vernet,

Victor Adam, Rowlandson et Cruikshank figurent parmi les quelques artistes qui laissèrent

des gravures du cirque. Le premier grand peintre qui s’inspira du cirque fut Daumier

(1808-1879). Mais c’est à partir de la fin du X1Xe siècle que le cirque prit vraiment une

place dans la peinture. Les artistes trouvent dans le cirque de nouveaux types d’humains,

loin des héros traditionnels et de la mythologie ainsi que des couleurs, des lumières et des

mouvements qui fascinèrent les peintres. En France, le cirque Fernando devint le point de

rencontre des peintres. Il accueillit Renoir et Degas. Mais le plus célèbre des peintres du

cirque est sans doute Toulouse Lautrec, dont les oeuvres sont à la fois précises et

évocatrices. On raconta qu’il fréquentait assidûment le cirque de Molier, le Nouveau cirque

et le cirque Fernando. Il y puisa l’inspiration pour peindre des chef-oeuvres du cirque,

notamment sa série de trente-neuf dessins sur le cirque en 1899. Picasso s’est aussi

intéressé au cirque, et aux saltimbanques en particulier. De plus, il est intéressant de

constater à quel point certaines oeuvres d’art peuvent refléter les préoccupations de leur

l’époque. Par exemple, entre les deux guerres, le thème du cirque fut utilisé par de

nombreux peintres, comme Beckmann et Dix, pour exprimer, par les acrobates, l’instabilité

du monde. Voici dressé un tableau général du rayonnement du cirque dans la peinture.

Cependant, si le lecteur désire une documentation plus précise sur celui-ci, il existe le livre

de Camille Mauclair Le théâtre, le Cirque, le Music-Hall et les Peintres.

Comme vous l’aurez constaté, le cirque fut une source d’inspiration pour des artistes provenant de

domaines très variés. « Miroir déformant de l’ambition humaine, creuset des métamorphoses, le

cirque a connu et connaîtra encore bien des avatars dans l’univers multiple et fluctuant des formes

artistiques » (Le Coultre, 1977, 448). Cependant, autant les artistes trouvent tous leur source

d’inspiration dans la fascination qu’exerce sur eux le cirque, autant ils divergent quant à la

perception du spectacle. Phénomène compréhensible, car le cirque est une énigme pour laquelle

chacun possède une bonne réponse !

2.3) L'univers symbolique

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La section précédente fait très bien ressortir le fait qu’un spectacle de cirque peut revêtir diverses

significations selon l’angle par lequel on l’aborde. Tentons ici d’entrer un peu plus en profondeur dans

l’univers symbolique des spectacles de cirque.

2.3.1.1) Définition de cet univers

Les idées, les concepts, les représentations et les croyances forment l'univers symbolique. Cet univers

relie les composantes sociales, rend possible la communication et surtout, il renvoie à la société sa

propre identité. Sans univers symbolique, l'existence même de la société est inconcevable. Cet univers

nous est donné à travers notre langage, nos moeurs, nos coutumes, nos rituels.

Le symbolisme, c'est le langage concrétisé à un moment particulier de l'histoire sans qu'il soit

nécessairement possible de retracer ses origines. L'interprétation par symboles se fait depuis toujours ; le

symbolisme est à la base même de la formation des sociétés.

L'univers symbolique permet la communication entre les membres d’une collectivité à travers de notions

communes et, sans ces notions communes, il n'y a pas de société. L'univers symbolique sert de cadre de

référence à toute société. Il permet aux gens d'une société de se reconnaître à travers ces symboles.

L'interprétation symbolique donne une signification aux événements vécus, et fait partager une même

vision du monde. En ayant une vision commune, les individus sont en mesure de consolider leurs liens,

leurs vies communes.

A l'intérieur d'une culture, la représentation symbolique est équivoque. Par exemple, le feu peut

représenter la purification, le confort, la chaleur humaine, tout comme il peut représenter la destruction.

D'une culture à l'autre, la représentation symbolique est encore plus ambiguë puisque le symbole peut

revêtir des significations différentes. Un exemple serait l'éléphant qui, en Inde, symbolise la noblesse et

la puissance et qui, en Afrique, représente la longévité (Larousse, 1993, 222). En plus de varier d'une

culture à l'autre, la signification que l'on donne à un symbole peut se transformer dans le temps. Par

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exemple, aux États-unis, les spectateurs semblent fascinés par les pachydermes. La noblesse des cirques

est jugée là-bas par la grosseur du troupeau d’éléphants. Sachant que l’éléphant est le plus gros

mammifère vivant sur la terre, on peut supposer que les Américains s’identifient à celui-ci au plan des

nations de la terre.

2.3.1.2) Définition du symbolisme

Les symboles servent à concrétiser et à rendre visuelles et tangibles des réalités abstraites. Le symbole

se définit comme une association d'un signifiant concret à un signifié généralement abstrait et valorisé.

« Le symbole relève de l'expression par sa résonance affective. L'action symbolique, elle, signifie une

activité de substitution et de compensation à défaut d'un résultat escompté » (Larousse, 1993, 222).

Le symbole est composé de quatre éléments ; le signifiant, l'objet qui en remplace un autre, le signifié,

la chose dont le signifiant tient lieu, la signification, le rapport entre le signifiant et le signifié et, le code,

qui définit la signification et qui doit être connue et apprise par les sujets auxquels s'adressent les

symboles (Rocher, 1969, 69).

2.3.2) Le symbolisme comme langage/communication

L'univers symbolique donne lieu à la communication. En fait, la plupart des échanges et des actions qui

caractérisent une société peuvent être analysés comme des codes ou des langages. Sachant cela, nous

sommes en mesure de dire que l'art et le spectacle sont une forme de langage, puisqu'ils font

intégralement partie de la culture.

La sociologie du spectacle s'inscrit dans la sociologie de la culture, qu'elle soit de masse ou non. L'étude

sociologique du spectacle est une étude des représentations qu'une société se fait d'elle-même. Si tel est

le cas, la société se développe à travers ses spectacles et ses spectacles représentent les valeurs de cette

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société. Il peut ainsi y avoir profusion de modèles culturels qui véhiculent des messages, des idéaux et

des valeurs (Demarcy, 1973, 11).

2.3.3) Le cirque comme spectacle simple

Le cirque est une forme d'art souvent comparée au music-hall en raison de ses spectacles brillants et

étourdissants qui requièrent précision et clarté. Les numéros y sont généralement présentés sans ordre

logique sauf, peut-être la création d'un intérêt croissant. Nous disons « généralement » car ce n’est plus

le cas des cirques de la nouvelle vague, comme nous l’avons expliqué dans la section 2.1.3, Le cirque

post-moderne. La programmation de ces spectacles est organisée de façon qu’il n’y ait pas de temps

morts. Le spectateur n'a pas le temps de penser à ce qu'il voit, il n'a pas besoin d'y penser... Ayant vite

compris, la foule est instantanément émerveillée.

Le cirque est un spectacle simple. Simple dans le sens qu'il est évident et qu'il ne requiert pas

d'éducation spéciale pour être accessible. Comme le dit Paul Bouissac, assister à un spectacle du cirque

ne requiert pas de connaissances spéciales, mis à part une intégration, aussi minime soit-elle, à la

société. Tout semble d'une évidence telle que l'on est tenté de prétendre qu'il n'y a rien à comprendre.

Comme nous le verrons dans la section Univers symbolique et imaginaire, derrière ces spectacles, ce

phénomène social, il y a cependant quelque chose à comprendre. « C'est faire injure à nos plaisirs de

nous contenter de les subir » (Bouissac, 1976, 6).

2.3.4) Fonction du cirque/miroir de la société

Répétons-le, le cirque a une fonction clairement définie dans notre culture, soit celle d'amuser, d'épater

et d’émouvoir. Cependant, sa relation avec la culture au sens ethnique n'est pas aussi claire. Paul

Bouissac avance l'idée que cette relation n'est pas claire parce que le cirque semble être à la fois à

l'intérieur et à l'extérieur de la culture. « This impression is fully justified, since the circus can be defined

as a metacultural code, [...], as a code that implicitly refers to the cultural codes » (Bouissac, 1976, 7).

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Le cirque a un statut particulier à l'intérieur de la société ; les gens de tous âges, de toutes classes, de

toutes cultures y sont attirés. Les gens sont captivés par le cirque et éprouvent un plaisir certain à y

assister.

On remarque que lorsque l'on parle du cirque (et non du spectacle), c'est souvent avec une connotation

péjorative. Comme si le cirque était une forme d'art mineur (Bouissac, 1976, 6-7). Un art mineur est un

art qui manque de raffinement. Il ne faut pas confondre cela avec un art populaire, soit un art qui

s’adresse à tous. Art populaire et art mineur ne sont pas des synonymes. Cette erreur est fréquemment

commise à propos du cirque qui est, tout comme le music-hall, une forme d'art souvent dénigrée et mal

comprise par les critiques et même par les spectateurs. Paul Bouissac explique cette forme de répulsion

en insistant sur le fait que ce sont les bouleversements des symboles qui choquent. Le cirque et le

music-hall jouent avec les mythes, les symboles, les représentations du monde en transformant et en

bouleversant notre système culturel. Le respect des modèles symbolise généralement l'adhésion à des

valeurs, qui symbolisent à leur tour l'appartenance à une collectivité donnée. Le cirque ridiculise ces

modèles. Il peut donc être considéré comme un outil de critique sociale puisqu’il construit les limites et

les seuils de certaines facettes de notre société.

2.3.5) Environnement culturel

Rappelons aussi le lien entre l’environnement culturel et le cirque pour bien comprendre l’ensemble de

l’univers symbolique. En examinant les éléments des numéros de cirque, on peut facilement les identifier

comme étant des éléments provenant de notre environnement culturel; les costumes, la musique, les

animaux, les effets de lumière et même les schèmes de comportements sociaux sont des éléments, des

symboles présents dans le spectacle du cirque qui nous permettent, comme spectateurs, de comprendre

et de capter l'essence même du spectacle.

Par environnement culturel, nous entendons la totalité des expériences sociales de l'individu et son

interprétation du monde. Tout en impliquant les objets tangibles dans la définition de l'environnement

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culturel, nous pouvons y ajouter le système de relation établi avec ces objets. Comme l'explique

Bouissac dans Circus and Culture, un spectacle de cirque est facile à comprendre puisqu'il est

représentatif des catégories à travers lesquelles nous percevons notre univers comme système. Le

spectacle en tant que tel est gratifiant parce qu'il nous permet de capter, dans sa totalité, dans un espace

et un temps restreint, l'ensemble d'une action sociale.

En plus d'être une représentation du contexte culturel, on peut dire que le cirque est un discours

métaculturel. Les éléments culturels sont combinés différemment qu'il le sont dans le système habituel

de la société. Les lois de compatibilité sont transformées et inversées. La logique de la vie quotidienne

n’a pas sa place dans un spectacle de cirque. Il ne se laisse pas approcher par la raison. Par exemple, en

assistant à un spectacle de cirque on pourrait voir un éléphant se servir d’un téléphone. Sachant qu'un

éléphant ne doit pas ou ne devrait pas habituellement se servir d'un tel appareil, les spectateurs riront de

l'absurde, de l’illogique d'une telle situation.

2.3.6 ) Le cirque, un spectacle transculturel

Avant de lire cette section, il est impératif de préciser quelques points sur la notion de valeur et de

transculturalité. Un spectacle peut être considéré comme une forme de langage. Cela signifie qu’un

spectacle de cirque est toujours lié à son environnement culturel, donc qu’il véhicule invariablement

certaines de ces valeurs et de ces croyances. Cela implique que le spectateur comprenne toute la portée

du spectacle, qu’il doive être en mesure de comprendre les valeurs véhiculées même si cela ne requière

que très peu de socialisation et ne nécessite pas la compréhension de la langue du spectacle.

Par exemple, comme nous l’avons déjà expliqué, les spectacles de cirque post-moderne ne contiennent

pas d’exhibitions d’handicapés car celles-ci ne sont plus acceptées dans le monde occidental. De plus,

les animaux ont été exclus des cirques post-modernes car, en Occident, la nécessité de domination

absolue de la nature est une idée de moins en moins présente puisqu’on en connaît maintenant les

conséquences négatives. On comprendra alors que cette nouvelle vague de cirque véhicule en fait de

nombreuses valeurs très occidentales. On est très loin de la neutralité axiologique. Par exemple, qui

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pourrait affirmer que l’idée du beau, de l’esthétique, de l’acceptable et du comique véhiculée par le

Cirque du Soleil n’est pas du tout porteuse d’une perception très occidentale du monde ?

Étant donné que les perceptions ne sont pas encore toutes pareilles sur le globe, il est impossible dans

ce sens d’affirmer que les valeurs véhiculées par un spectacle de cirque sont carrément universelles.

Dans cette optique, la transculturalité du cirque devient un leurre, comme est un leurre l’idée de la

neutralité culturelle de la technologie occidentale exportée dans d’autres cultures. En effet, la

technologie occidentale transporte avec elle toute l’idée typiquement occidentale de progrès.

Ceci dit, lorsque nous exprimons l’idée que le spectacle du cirque semble être transculturel, nous

voulons dire par cela qu'il contient dans son langage certains éléments communs à plusieurs cultures

différentes, comme le désir de rêver, de se divertir et de s’identifier à quelque chose qui nous dépasse.

Par spectacle transculturel, nous entendons que le cirque a la possibilité de voyager d'une culture, d'une

société à une autre et non pas qu’il soit neutre culturellement. Le texte suivant, doit être compris dans

cette optique.

En étudiant l'historique du cirque par pays, il nous apparaît évident que la forme du cirque reste

toujours plus ou moins semblable. La plupart des éléments, des numéros se ressemblent d'un pays à

l'autre. Du simple fait qu'un cirque peut voyager d'une société à l'autre, ayant à changer quelques détails

mineurs pour s'ajuster à une culture en particulier, on peut en déduire que le cirque est un langage

universel.

Le langage du cirque est universel justement puisque les ajustements des codes caractérisent le langage.

Quand un numéro de cirque est mis sur pied, ou quand il est présenté, les spectateurs sont exposés à

des séquences d'événements audiovisuels qui sont en fait des messages. Les spectateurs comprennent ce

qui est dans l’arène et envoient des signes d'amusement et d'approbation. Ce processus de

communication prend place seulement parce qu'il existe des codes et des signaux partagés entre le

public et les artistes. On peut en juger par la réaction de la foule à divers numéros. Par exemple, le

clown qui donne un coup de pied à un autre clown peut faire rire la foule. Si c’est le cas, donc si la

foule a capté le code, elle rira. Si ce n’est pas le cas, elle restera muette. Et les codes du cirque ne sont

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pas limités à un seul groupe, une seule nation ou une seule classe. Ils sont plutôt partagés par des gens

parlant diverses langues et provenant de diverses cultures (Bouissac, 1976, 5).

Lorsqu'un cirque part en tournée, les numéros équestres, acrobatiques et funambules n'ont presque pas

a être modifiés. Ce sont les numéros clownesques qui semblent avoir le plus à s'adapter, car leur

rapport avec les gens est plus direct. Cependant, leurs numéros ne comportent pas de réelles

barrières culturelles. Remarquez que l’on change la forme des numéros (quelques mots, quelques

sons) mais que leur fond demeure semblable. Cela est explicable, selon nous, parce que les clowns

expriment des choses qui sont susceptibles de toucher n’importe quel être humain par son contenu,

par exemple la faiblesse humaine, le bien, le mal, etc.

Il est vrai que les clowns, dont le nom serait la déformation du mot anglais clod signifiant cul-

terreur, ont dû s’adapter dans l’histoire. Par exemple, les premiers clowns apparurent en

Angleterre : leur spectacle était composé de démonstrations équestres et de dialogues comiques

entre eux ou de monologue pour le public. C’étaient en quelques sortes des experts de jeu de

mots ! « Ils étaient considérés comme les héritiers directs de l’humour shakespearien en

adoucissant cet humour cependant » (Girard, 1993, 17). Cependant, lorsque le cirque moderne

sortit de son nid, les clowns durent adapter leur spectacle s’ils voulaient continuer à avoir une

raison d’être, car des jeux de mots en anglais sur des réalités anglaises sont difficilement

exportables. Lorsque le cirque atteignit la France, les clowns, tout en continuant leurs prouesses

équestres, introduisirent un élément qui donna à leur discours humoristique un côté plus visuel,

pour attirer l’attention du public. En effet, c’est par cette volonté de communiquer que l’on

imagina le clown auguste et le clown blanc, pour l’effet comique et très visuel de l’antagonisme de

leurs caractères et de leurs différences vestimentaires. Mais l’adaptation ne s’arrêta pas là. En

effet, rendus aux États-unis, les clowns durent encore adapter leurs numéros à cause, cette fois, du

gigantisme des salles américaines. En effet : « Placé dans un contexte de surinformation, tant

visuelle qu’auditif, le clown a du d’abord modifier certaines de ses habitudes. Ainsi, pour se rendre

plus visible, le clown accentuera chacune des expressions de sa personnalité et modifia en premier

lieu son déguisement » (Girard, 1993, 18). Quand au niveau verbal, en raison de la distance qui le

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séparait de son public, le clown dut apprendre à en dire moins. Il a en réalité simplifié son langage

pour porter davantage attention à son aspect visuel.

On l’aura compris, les clowns se sont adaptés dans l’histoire pour rendre leur langage plus simple,

pour atteindre plus facilement les gens de l’assistance. Cependant, même s’il est vrai que les

numéros présentés doivent être retouchés pour s’adapter aux diverses cultures, l’attrait pour ceux-

ci, pour ce qu’ils signifient, demeure. Les clowns sont des éléments indissociables des spectacles

de cirque. Allons assister à des spectacles du cirque américain, asiatique ou européen, ils auront

immanquablement leur place ! Et cela pour deux raisons selon nous.

Tout d’abord, l’attrait des clowns est dû aux mariages d’émotions et de sensations qui se dégagent

de leurs numéros. Ce mariage possède un éloquent pouvoir de rassemblement. Tellement puissant,

en fait, que Barnum a un jour déclaré que : « Les clowns sont les patères auxquelles on accroche

les cirques. » De plus, les clowns symbolisent la condition humaine et en cela ils sont séduisants.

Ils sont des miroirs déformants de nos ambitions et de nos travers d’être humain. Par exemple, la

personnalité du clown auguste est de ne jamais réussir ce qu’il entreprend. Or, ses tentatives

vaines sont une preuve, un rappel de notre condition humaine. De même, le clown blanc (son

antagoniste) qui le regarde, rit de lui et le domine, peut être perçu comme une sorte d’être

supérieur. Et ces extrêmes de la vie, cette polarisation du monde touche les spectateurs car ils se

retrouvent dans cela. Ils voient comment leur vie peut être absurde et sont amenés à en rire. En

cela, disons que le clown est une sorte de caricature de la vie. « Nous serions portés à nous

attrister sur ce pitoyable sort (âmes trop naïves, désirs physiques et émotifs mal comblés...) mais

l’aveu de sa faiblesse lui confère une dignité qui, finalement, le rend supérieur à nous. Loin de

susciter de la pitié, il évoque vulnérabilité et respect. Cette infériorité avouée et notre condition

humaine dont il est le miroir font de lui un personnage attachant et capable de relations

particulièrement complices » (Girard, 1993, 23). Cependant, même si les clowns exposent des

réalités humaines, ils ne jugent pas le public. En cela, les gens les aiment !

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Bref, les clowns sont, contrairement à ce que l’on serait porté à croire, une excellente preuve de

l’aspect transculturel du cirque et cela à cause de l’univers de sentiments, des travers et des

faiblesses humaines qu’ils personnifient.

2.3.7) Un spectacle visuel d’abord

Le cirque est d'abord et avant tout un spectacle visuel qui a comme fonction d'impressionner. Couleurs,

costumes, gestes, lumières sont de mise pour que le spectacle soit esthétique et flamboyant.

Les couleurs vives sont des couleurs de base qui peuvent facilement être associées par les spectateurs, à

des éléments de la vie quotidienne. Le rouge, le bleu, le jaune et le vert rappellent festivité, joie, richesse

et rêve. Les costumes aussi vifs en couleurs sont ornés de brillants, de pierres et de plumes. Les

costumes des artistes et des animaux semblent quasi irréels par leurs styles, leur harmonie esthétique.

Lors du processus de création et de mise en scène d'un spectacle, les troupes de cirque ne conservent

que les gestes, figures et numéros produisant un effet incontestable. Comme l'écrit Julie Boudreault, «

Peu importe, en définitive, le degré de difficulté ou le danger éventuel que représentent les numéros ;

l'essentiel tient non pas au risque pris par l'artiste, mais plutôt à l'impression laissée par la réalisation du

numéro, soit celle d'un véritable exploit » (Boudreault, 1993, 36).

2.3.8) Univers symbolique et imaginaire

Ayant pris conscience de ce qu’est un univers symbolique, il convient d’explorer le lien entre celui-

ci et l’attrait qu’exerce le cirque sur les gens. Selon nous, cet attrait serait aussi dû à un autre

élément qu’implique le spectacle du cirque. L’univers symbolique ne peut expliquer à lui seul

l’attrait du spectacle du cirque, il faut quelque chose de plus. « La juxtaposition et la confrontation

de signes appartenant à la vie sociale et de signes relevant de l’expérience affective [ce qui

compose l’univers symbolique], portent avec elles une force d’attraction et de séduction »

(Duvignaud, 1967, 132). Et cet autre élément, cette force d’attraction et de séduction, c’est selon

nous l’imagination que le spectacle du cirque déclenche chez les individus. En effet, nous croyons

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que le cirque ne séduit pas simplement parce qu’il surprend et étonne le public, mais aussi parce

qu’il active de manière non négligeable l’imagination des spectateurs. « C’est le spectateur qui

batît la signification au fu et à mesure de ses associations. Comme le disait Roland Barthes : le

sens n’est pas au bout du récit, il le traverse » (Vigeant, 1989,10) Mais n’en est-il pas de même

pour toutes les formes d’art ? Bien que ceci soit exact, nous pensons que cela est davantage vrai

pour le cirque.

Pour comprendre cette clef explicative de l’attrait du cirque, retournons à la définition du symbole

de Guy Rocher. « Le symbole est composé de quatre éléments ; le signifiant, l'objet qui en remplace un

autre, le signifié, la chose dont le signifiant tient lieu, la signification, le rapport entre le signifiant et le

signifié et, le code, qui définit la signification et qui doit être connue et apprise par les sujets auxquels

s'adressent les symboles » (Rocher, 1969, 69). Or voilà que le code, qui définit la signification et qui

doit être connu et compris par les sujets, est minime au cirque. Il suffit d’être un temps soit peu

intégré à la société. La preuve, c’est qu’il ne faut absolument pas de pré-requis pour comprendre

un spectacle du cirque. Autant les adultes que les enfants y trouvent quelque chose. Et cela est vrai

justement parce que la signification des numéros du cirque est laissée libre à chacun. Le cirque ne

dit pas ce qu’il faut en comprendre ; il ne fait que jouer avec des signifiants. La porte est donc

laissée ouverte à la libre interprétation des spectateurs, et c’est là que l’imagination individuelle

entre en jeu. Pour les spectateurs, le cirque c'est le merveilleux, l'exploit. Assister à une représentation

de cirque, c'est être témoin d'exploits humains. Des humains qui frôlent l'irréel par leur force, leur

agilité, leur flexibilité. Des humains qui sont grotesques, absurdes, épeurants, imposants, braves. Des

humains qui ont un rapport extrême de domination sur les lois de la nature, de la gravité. Rares sont les

occasions, dans la vie quotidienne, où une personne peut être témoin d'autant d'exploits en un aussi

court laps de temps. Les exploits se succèdent avec une telle rapidité qu'ils laissent au spectateur

l'impression d'être irréels.

La phrase de Duvignaud sur la place de l’imagination, « Nous sommes autant ce que nous avons

imaginé pour vous que ce que vous imaginez par nous », prend ainsi tout son sens dans un

spectacle de cirque. Disons que le cirque trouve tout son attrait dans le fait que l’univers

symbolique qui l’entoure est sans signification préétablie et n’en rêvait qu’à partir du moment que

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le spectateur imagine son propre cadre de compréhension. Le cirque, c’est un peu un amalgame

d’outils nous permettant de rêver librement.

2.4) Des pistes à explorer

Voici présentés tous les aspects formant notre problématique de recherche. Nous espérons que

nous avons bien réussi à exposer les diverses aspects entourant le thème du cirque et ce, autant

dans ce qu’ils contiennent de clarté que d’ambiguïté. Et justement concernant l’ambiguïté, il nous

semble que tous les points ambigus du cirque, soit parce que la majorité des auteurs lus ne s’y

aventurent pas ou parce que leurs opinions divergent complètement, tournent autour de deux

points.

D’abord, les raisons qui pourraient expliquer l’attrait que le cirque provoque semblent un peu

vagues à prime abord. Notre section sur l’univers symbolique visait justement à éclaircir ce point.

Pour résumer nos idées, disons que l’attrait du cirque chez des personnes de divers âges, classes

sociales et cultures, peut être expliqué par l’univers symbolique qui entoure le cirque ainsi que par

l’imagination qu’il suscite chez le spectateur. L’autre point ambigu concerne la définition du cirque

moderne. On l’aura remarqué dans la section L’idée d’une présentation sur le cirque, les auteurs

consultés ne s’entendent absolument pas sur les composantes qui font qu’un spectacle est un

spectacle de cirque.

2.5) Conceptualisation des pistes de recherche

Tentons d’apporter un certain éclairage à ces points ambigus. Pour ce faire, il est nécessaire de

définir nos trois principaux concepts, soient les perceptions, les motivations et l’attrait et, pour

chacun d’eux, d’indiquer les dimensions explorées et les indicateurs qui leur sont associés. Les

indicateurs que nous utiliserons sont intentionnellement très englobants et ils devraient nous

permettre de classer les perceptions et les intérêts en de larges catégories.

a) Les perceptions

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Les plus grands spécialistes du cirque, comme Thétard, Jando et Renevey4, donnent tous

une définition différente du spectacle du cirque, car ils ne le perçoivent de la même

manière. Cependant, nous aimerions savoir si le cirque est quelque chose d’aussi complexe

pour les non spécialistes ou bien s’il existe une idée commune quant à la perception qu’ont

généralement les gens du cirque ? La perception du spectacle est-elle plus évidente pour

eux ?

Les perceptions sont les impressions qui se produisent en nous à la présence d’une chose,

d’un phénomène, d’un événement, etc. Pour découvrir celles que les gens ont du cirque,

nous demanderons aux répondants comment ils perçoivent le cirque, que ce soit dans leur

propre vie ou dans la société. Ensuite, nous explorerons la perception qu’ont les gens du

contenu d’un spectacle de cirque. Nous utiliserons, pour sonder cette dimension, les divers

types de numéros et de présentations comme indicateurs. Ces deux dimensions devraient

fournir une idée globale de la manière dont le cirque est perçu généralement.

b) Les motivations à assister à un spectacle de cirque

À travers son histoire, le cirque est un spectacle qui demeure à peu près inchangé depuis

plus de deux siècles. Que dégage le cirque pour créer un attrait tout autour de la planète ?

Qu’est-ce qui motive les gens à aller voir ce genre de spectacle ?

Les motivations, ce sont les forces, les raisons qui déterminent le comportement. Celles qui

poussent les gens à assister à un spectacle de cirque tiennent à la fascination et à

l’éblouissement. Nous pensons qu’il est possible de vérifier cela en posant une question

ouverte sur les motivations qu’ont les gens à assister à un spectacle de cirque. Nous

croyons aussi que les motivations résident dans l’identification à un personnage, un numéro

ou aux deux.

c) L’attrait du cirque

4C’est l’auteur principal d’un collectif sur le cirque, Histoire du cirque, qui est à notre avis aussi riche en contenu

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Quel attrait exerce un spectacle de cirque ? Que dégage-t-il ? Que provoque-t-il ? L’attrait,

c’est ce qui fait venir les gens à un spectacle de cirque. L’attrait est interne au spectacle,

contrairement aux motivations qui proviennent de l’extérieur. Ce concept peut tout

d’abord s’expliquer par l’univers symbolique. En effet, les symboles que représentent les

cirques sont compréhensibles par tous. Chacun y comprend bien ce qu’il veut car il n’y a

pas de significations préétablies. Des personnes d’âges, de cultures et de classes sociales

différentes trouvent toutes un intérêt dans le même spectacle. C’est en posant des

questions sur l’attrait des jeunes et des moins jeunes ainsi que sur la transculturalité du

cirque que nous pourrons explorer cette dimension.

La faculté de l’esprit de se représenter des images et d’en créer en combinant des idées,

soit l’imagination, est fortement mise à contribution lors d’un spectacle de cirque. Pour

explorer cette dimension, nous poserons des questions en lien avec l’ambiance et le côté

« hors du commun » et « jamais vu » du spectacle pour voir si la créativité, la fantaisie et

l’inventivité des gens sont stimulées par ce genre de spectacle.

3) La méthodologie

Les pistes que nous jugeons essentielles d’explorer étant clairement exposées, expliquons

maintenant l’ensemble de la démarche méthodologique qu’il nous fallut suivre pour parvenir à nos

fins. Dans un premier temps, nous expliquerons la structure de notre questionnaire. Nous

enchaînerons avec le pré-test et les ajustements qui ont du être apportés au questionnaire. Nous

terminons avec les détails de l’échantillon, le déroulement de la collecte des données et les limites

de l’étude.

3.1) À propos du questionnaire

que le livre de Thétard quoique beaucoup moins connu.

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Nous avons construit et administré un questionnaire à 40 visiteurs du Musée de la civilisation pour

faire ressortir l’ensemble de leurs perceptions et de leurs intérêts à l’égard d’une exposition sur le

thème du cirque. Vous trouverez une copie de celui-ci en Annexe III. Expliquons-en ici

brièvement la structure.

Tout d’abord, la page de présentation explique les buts du questionnaire et que l’étude est réalisée

dans le cadre d’un cours de sociologie de l’université Laval, en espérant que ce détail dispose

favorablement les répondants à compléter le questionnaire.

La moitié des questions sont ouvertes afin de recueillir des réponses détaillées et personnelles.

Pour chacune de ces questions, nous avons des hypothèses de réponse mais nous utiliserons ces

hypothèses uniquement lorsque nous en serons à l’analyse et l’interprétation.

Dans la première partie, nous cherchons à connaître les motivations qu’ont les gens à assister à un

spectacle de cirque (Qu’est-ce qui vous a attiré à un spectacle de cirque ?) ainsi que leur propre

définition de ce qu’est un cirque (À quoi le mot cirque vous fait-il penser ?). Ces deux questions

sont ouvertes et avaient comme but de recueillir les perceptions des gens à l’égard du cirque sans

que leur réponse soit inspirée des choix que nous suggérons par la suite dans notre questionnaire.

Qui plus est, cette partie vise à connaître les éléments que les gens croient essentiels à un spectacle

de cirque. C’est pourquoi nous proposons des choix de réponse avec une échelle d’attitude afin de

connaître l’importance attribuée par nos répondants à chacun des éléments. Notons qu’il existe,

pour cette question, la possibilité d’ajouter d’autres réponses ce qui a permis de recueillir un

maximum d’information et non pas seulement la vérification de nos propres hypothèses de

réponse.

La deuxième partie vise à connaître les éléments qui pourraient expliquer l’attrait du cirque autant

dans ce qu’il évoque que dans ce qu’il provoque. Afin de faciliter la réflexion à la question sept,

nous avons jugé bon de fournir des pistes de réponse, tout en demandant aux gens de préciser

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chacun de leur choix. Les questions neuf et dix portent aussi sur l’attrait du cirque, mais plus

précisément sur sa transculturalité et sur la diversité de son public.

La troisième partie vise à connaître les divers éléments que les gens aimeraient découvrir dans une

exposition sur le thème du cirque. Cette partie doit invariablement faire partie du questionnaire

puisque un des buts poursuivit dans cette étude exploratoire est de connaître comment les visiteurs

aimeraient voir aborder une exposition sur le cirque ainsi que le matériel qu’ils aimeraient y

retrouver.

3.2) Pré-test et ajustements

Suite à un pré-test et à une rencontre avec Hélène Dionne et Lucie Daigneault, responsables de

l’exposition sur le thème du cirque, certaines modifications ont été apportées au questionnaire.

Tout d’abord, quelques précisions de notre page titre se sont avérées inutiles puisque nous avons

convenu que nous administrerions le questionnaire aux gens, au lieu de les laisser le remplir, de

manière à éviter la possibilité que le sens de certaines questions ne soient pas clair. De plus, les

responsables du Musée nous ont dit que les gens refusent rarement de répondre à un questionnaire

lorsqu’ils n’ont pas à le remplir eux-mêmes. Cela s’est avéré vrai lors de la collecte des données.

De plus, nous avons modifié la structure du questionnaire pour rendre plus progressif l’ordre de

nos questions. Notons au passage que cela nous permettait d’emblée de savoir si les gens avaient

déjà eu des contacts avec le monde du cirque. Sachant cela, nous pouvions éviter de poser les

questions impertinentes aux gens qui n’avaient jamais mis les pieds dans un cirque, à savoir leur

nombre de visite, leurs motivations à assister à ce genre de spectacle, etc. La présentation des

certaines questions a aussi changée car d’après l’expérience de madame Dionne et madame

Daigneault, certaines tournures de phrases sont plus pratiques, plus appropriées que d’autres, ce

qui explique la reformulation de quelques questions dans un langage plus familier.

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Ajoutons que toutes les échelles d’attitude ont été réduites à quatre possibilités de réponse au lieu

de cinq car, selon Hélène Dionne, la différence entre beaucoup et tout à fait est difficile à

interpréter et pourrait confondre les répondants. Il faut dire que les enquêtes qui ont été réalisées

jusqu’à présent au Musée ont toujours comporté des échelles d’attitude à quatre choix de réponse

et cela n’a jamais créer de confusion aux enquêteurs pour l’interprétation des résultats. Pour notre

part, précisons que nous aurions préféré utiliser une échelle à cinq choix car elle facilite

l’interprétation des résultats selon nous puisqu’elle comprend un point milieu. Cela permet de

relativiser les résultats car ceux-ci ne sont pas nécessairement d’un côté ou de l’autre de l’échelle.

3.3) La population visée

Notre choix d’administrer le questionnaire à 40 visiteurs du Musée vient des rapports de

recherche, effectués par le Musée, qui montrent que cet échantillon permet d’atteindre le seuil de

saturation, donc de recueillir toutes les idées différentes sur un thème donné (Daigneault,

Routhier, 1993, 12-13). L’utilisation de ce nombre précis de répondants est donc une habitude

d’enquêtes du Musée pour un questionnaire réalisé dans le cadre d’une étude exploratoire.

Précisons que ce nombre s’est avéré amplement suffisant pour recueillir l’ensemble des idées

différentes. À vrai dire, lors de l’administration des huit derniers questionnaires, nous n’avons pas

vraiment recueilli d’idées nouvelles. De plus, avec ce nombre de répondants nous pouvons

comparer statistiquement le profil socio-démographique de notre échantillon avec celui des

visiteurs habituels du Musée.

Étant donné qu’une exposition sur le cirque ne s’adresse pas à un public particulier du Musée mais

plutôt à tous ses visiteurs, notre population cible fut exactement celle des visiteurs habituels du

Musée. Pour ce faire, nous avons choisi nos répondants afin qu’ils correspondent exactement au

public fidèle du Musée, ce qui explique que la sélection de l’échantillon s’est faite en utilisant les

variables ayant servies à caractériser le public fidèle du Musée lors de leurs deux enquêtes grand

public. C’est en consultant le plus récent rapport sur le profil socio-démographique des visiteurs

habituels du Musée nommé Étude sur le public fidèle du Musée de la civilisation de l’hiver 1993.

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que nous avons pris conscience des quatre variables utilisées par le Musée pour dresser le profil de

ses visiteurs. Nous avons donc cherché à ce que le sexe, la catégorie d’âge, la provenance et le

niveau de scolarité de nos répondants soient proportionnellement similaires à ceux des visiteurs

habituels.

Cela signifie que nous avons choisi les répondants d’après leur groupe d’âges, majoritairement des

gens de 25 et 54 ans : plus des deux tiers des visiteurs du Musée se situe dans cette strate d’âge

(Allaire, Pineau, 1993, 54) Pour le dernier 40%, nous avons tenté de questionner autant de

personnes âgées de plus de 54 ans et de moins de 25 ans, afin d’avoir un échantillon le plus

englobant possible. Nous nous sommes assurés d’avoir autant d’hommes que de femmes.

Ajoutons que le jour de visite est une autre variable qu’il a fallu respecter. Nous devions donc

administré quinze questionnaires le mardi et quinze autres la fin de semaine. Nous avons ainsi

touché la majorité de la clientèle du Musée, puisque les mardis sont gratuits et que les samedis et

dimanches sont les jours les plus achalandés après les mardis. Les dix autres questionnaires

devaient être administrés durant les autres jours de la semaine, c’est-à-dire soit le mercredi, le

jeudi ou le vendredi.

3.4) La collecte des données

Afin que notre échantillon respecte les variables mentionnées précédemment, les vingt premiers

répondants ont été sollicités au hasard parmi les visiteurs. Nous avons administré dix

questionnaires le jeudi 23 janvier 1997 entre 11h. et 13:15h. et 13 autres le samedi 25 janvier 1997

entre 11h. et 14:05h. Suite à cela, nous avons compilé les résultats afin de connaître les groupes

d’âges et le nombre d’hommes et de femmes qu’ils nous manquaient, lors de l’administration des

17 derniers questionnaires, pour obtenir l’échantillon désiré. C’est donc dire que la deuxième

étape de notre collecte de données fut réalisée suivant la technique de l’échantillon par quotas,

c’est-à-dire lorsque « les sujets sont choisis parce qu’ils représentent certaines caractéristiques

recherchées et permettent de reproduire un modèle d’un ensemble donné selon ces caractéristiques

» (Gauthier, 1995, 563) En effet, le 28 janvier 1997, nous devions choisir que des personnes âgées

entre 25 et 44 ans, et parmi celles-ci, il devait y avoir neuf hommes et huit femmes.

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La collecte des données eut lieu dans le hall du Musée de la civilisation ainsi qu’aux environs de la

cafétéria, située au niveau 0 du Musée. La manière la plus efficace de procéder était d’aller voir les

gens lorsqu’ils étaient assis sur les bancs situés un peu partout dans le hall, parce

qu’habituellement à cet endroit, ils fument une cigarette, ils se reposent ou bien ils attendent des

gens. Bref, ils sont disponibles. En utilisant cette méthode, nous n’avons eu aucun refus. En effet,

les trois seuls refus que nous avons eus furent lorsque nous nous sommes adressés à des gens qui

circulaient dans le Musée et il ne s’agissait pas de refus de répondre au questionnaire mais bien de

refus dus à des contraintes de temps et de santé. Par exemple, deux Françaises ont refusé de

répondre car elles étaient en retard à une visite guidée.

3.5) Les limites du sondage

Nous identifions clairement deux limites à notre sondage liées au fait que notre population visée

correspond aux caractéristiques du public fidèle du Musée d’après un rapport d’étude qui date de

l’hiver 1993. Premièrement, il se peut que le public fidèle du Musée ait relativement changé dans

l’espace de quatre ans. Cependant, étant donné que pour l’analyse des données nous ne nous

concentrons pas particulièrement sur une tranche d’âge, nos résultats ne seront pas faussés par

cela.

La deuxième limite en est une concernant les caractéristiques de l’échantillon du public fidèle. « Il

faut garder à l’esprit que les résultats obtenus ne sont représentatifs, en théorie, que des visiteurs

fidèles ayant fréquenté le Musée de la civilisation entre le 2 février et le 5 mars 1993. On ne peut

donc généraliser à l’ensemble des visiteurs fidèles du Musée » (Allaire, Pineau, 1993, 5). Puisque

notre échantillon en est la copie conforme, nous suivrons la même logique que les auteurs du

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rapport et dirons que nos résultats peuvent être généralisés à l’ensemble des visiteurs du Musée

dans la mesure où le public fidèle est une copie fidèle du public général.

4) Analyse et interprétation des résultats

La première partie de cette section compare les caractéristiques socio-démographiques de nos

répondants avec celles des visiteurs habituels du Musée de la civilisation afin d’en montrer la

représentativité. Ensuite, nous abordons l’analyse et l’interprétation des pistes que nous voulions

explorer, soient les perceptions que les gens ont d’un spectacle de cirque, leurs motivations à

assister à ce genre de spectacle ainsi que l’attrait du spectacle en tant que tel. Par la suite, nous

nous attarderons aux thèmes que les gens aimeraient voir aborder ainsi qu’au matériel qu’ils

aimeraient découvrir dans l’exposition.

4.1) Les caractéristiques socio-démographiques des répondants

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Mentionnons, à titre informatif, que la comparaison entre nos données et l’Étude sur le public

fidèle du Musée de la civilisation de l’hiver 1993 est proportionnellement significative puisque le

Musée a interrogé 60 personnes pour réaliser son rapport et nous en avons interrogé 40. Ainsi,

lorsque nous comparons nos pourcentages avec les leurs, les résultats explicites malgré le fait que

notre échantillon peut sembler relativement petit pour être livré à ce type de comparaisons. Suite à

la compilation des résultats, nous avons réalisé que nous obtenions les résultats escomptés, soit

avoir un échantillon similaire à l’échantillon du public fidèle, dans une proportion presque parfaite.

Jetons-y un coup d’oeil.

Pour ce qui est du sexe, nous avons interrogé autant d’hommes que de femmes (20 personnes dans

chaque catégorie), ce qui est pratiquement identique au public fidèle du Musée, qui est composé

de 52% d’hommes et 48% de femmes. La provenance de nos répondants est aussi similaire à celle

du public fidèle du Musée. En effet, 68% nos répondants proviennent de la région de Québec.

Pour notre part, c’est 62,5%. Ajoutons que le rapport du Musée ne spécifie pas d’où proviennent

les visiteurs qui habitent à l’extérieur de la région de Québec. Pour notre part, 12,5% proviennent

de Montréal, 15% d’une autre région du Québec et 10% hors du Québec. Notons que la différence

entre leur pourcentage et le notre peut s’expliquer par le fait que notre cueillette de données s’est

effectuée peu de temps avant le Carnaval de Québec, ce qui pourrait expliquer qu’il y avait au

Musée un peu plus de personnes de l’extérieur de la ville.

Le niveau de scolarité est similaire. 5% de nos répondants ont une scolarité de niveau primaire

(contre 2% pour le public fidèle), 22,5% une scolarité de niveau secondaire (contre 25% pour le

public fidèle), 35% une scolarité de niveau collégial (contre 25% pour le public fidèle) et 37,5%

une scolarité de niveau universitaire (contre 48% pour le public fidèle). Notons au passage qu’il

nous fut absolument impossible de contrôler cette variable. Nous la mentionnons à titre informatif

uniquement.

Observons maintenant les catégories d’âge en précisant que, pour construire notre questionnaire,

nous avons utilisé les mêmes catégories que le Musée, soit moins de 18 ans, 18-24 ans, 25-34 ans,

35-44 ans, 45-54 ans, 55-64 ans et 65 ans et plus. Cependant, afin de faciliter la comparaison nous

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les avons regroupées ici en trois catégories, soit les moins de 25 ans, les 25-54 ans et les plus de

55 ans, ce qui correspond aux trois grands groupes à cibler selon Lucie Daigneault. 28 des 40

personnes interrogées (70% des répondants) étaient âgées entre 25 et 54 ans, ce qui est

pratiquement identique au pourcentage du Musée qui est de 66%. Pour la catégorie en-dessous de

celle-ci, soit les gens de moins de 25 ans, nous avons interrogé 7 personnes (soit 17,5% de nos

répondants). Notons que 15% de la clientèle habituelle du Musée se retrouve dans cette catégorie.

Finalement, la catégorie des 55 ans et plus comporte 18% de la clientèle du Musée et 12,5% de

nos répondants. Bref, nos répondants se retrouve, en proportion sensiblement égale, dans les

mêmes catégories d’âge que les fidèles du Musée. En somme, vous l’aurez constaté, les quatre

variables de notre échantillon est proportionnellement semblable à celles des visiteurs habituels du

Musée de la civilisation. Ceci étant évident, passons maintenant à l’analyse et à l’interprétation des

résultats en tant que tel.

4.2.1) Les perceptions du spectacle du cirque

Il s’impose ici de faire une brève remise en contexte de la raison pour laquelle nous nous sommes

intéressés aux perceptions qu’ont les gens du spectacle du cirque. Après avoir lu sur l’histoire du

cirque, nous nous sommes aperçus que ses plus grands spécialistes donnent tous une définition

différente du spectacle du cirque. Pour ne prendre qu’un exemple, Jando met toute l’importance

du cirque sur sa piste et ses chevaux tandis que Bouissac y voit un spectacle hautement

symbolique. C’est le constat de ces évidentes divergences d’opinions qui nous a amené à nous

demander si le cirque est un spectacle aussi complexe pour les non spécialistes (nous entendons

par là le public en général) ou bien s’il existe un consensus quant à la perception du cirque. Bref,

nous cherchions à savoir si la perception du spectacle du cirque serait plus consensuelle pour nos

répondants.

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Pour ce faire, nous avons posé deux questions (À quoi le mot cirque vous fait-il penser et D’après

vous, est-ce qu’un spectacle de cirque comporte les éléments suivants ?) qui correspondent chacune à

une dimension de la façon de percevoir le cirque. La mise en commun de celles-ci devait nous

fournir une idée globale de la manière dont le cirque est généralement perçu par les non

spécialistes de la question. Analysons donc ici les résultats de chacune d’elle indépendamment et

ensuite, nous serons en mesure de voir s’il y a ou non consensus.

Dans un premier temps, nous avons cherché à connaître les idées et les objets que les gens

associent au cirque. Nous leur avons posé une question ouverte : À quoi le mot cirque vous fait-il

penser ? Les gens y répondaient généralement par mot-clé. Nous avons répertorié jusqu’à 50

réponses différentes à cette question. Bien sûr, ces réponses ont pu être regroupées en neuf

catégories, que l’on retrouve ici au nombre de neuf. Il faut mentionné d’existence d’une dixième

catégorie, soit la catégorie des autres5. Il s’agit des réponses ont dû être éliminées du sondage car

il nous fut impossible de les classer. Un dernier commentaire. Dans l’analyse de la question qui va

suivre, les réponses sont clairement séparées en deux groupes, soit celui dont les réponses furent

mentionnées dix fois et plus et l’autre soit moins de dix fois. Nous considérerons pour l’analyse de

cette question qu’il semble y avoir une idée commune lorsque dix personnes ou plus ont

mentionné grosso modo la même chose sans s’être consulté et sans avoir eu de choix de réponse.

Revenons-en à notre intérêt principal ; la perception du spectacle du cirque. Qu’est-ce qu’un

cirque dans l’esprit de non spécialistes ? Les mots qui sont revenus le plus souvent cher nos

répondants furent les mots clown6 (19 répondants sur 40), animaux7 (18 répondants sur 40) ainsi

que acrobatie8 (18 répondants sur 40). Ensuite, on retrouve la catégorie de l’aspect théâtral9 du

cirque avec 12 mentions. La catégorie ambiance, qui inclut la musique, les couleurs et la foule, fut

mentionnée le même nombre de fois. Le côté amusant10du cirque compte un peu moins de

répondants, soit seulement huit. Reste à mentionner les catégories que l’on pourrait qualifier de

5Autres : Moscou, évolution, manège, maison noire et bohème6Clown : clown et nez rouge7Animaux : animaux, éléphants, tigres et lions8Acrobatie : pirouettes, trapèze, funambules, gymnastique, jongleurs, acrobatie et acrobates9Aspect théâtral : personnages, texte, décors, jeux, lumières, costumes, piste, chapiteau, ballon et échasses10Amusant : détente, rire, amusement, niaiserie, pour le fun, plaisir, bonheur, gaiété, joie et amusement

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marginales. En effet, l’aspect du travail11exigeant et les nombreuses pratiques qui sont le lot

quotidien des artistes fut mentionné uniquement par quatre répondants, même chose pour la

fascination12 que le spectacle provoque ainsi que la magie13qu’il dégage.

L’autre question que nous posions visait à connaître les perceptions des gens sur des éléments bien

précis, soit les éléments que doit contenir un cirque. Nous avons dressé une liste des 12 éléments

qui, d’après nos recherches, font ou ont fait le plus couramment partis des spectacles de cirque.

Nous demandions ensuite de qualifier la place des éléments dans un cirque.

Afin d’alléger le texte et afin de faire ressortir bien distinctement les trois catégories dans

lesquelles se sont regroupées les réponses obtenues, mentionnons que les catégories

moyennement et tout à fait ont été ici regroupées. 92.5% de nos répondants trouvent nécessaire il

y ait des acrobates dans un cirque. Le même pourcentage de répondants pensent qu’un chapiteau

et que les clowns ont aussi leur place au cirque. De plus, 87.5% des personnes trouvent que les

funambules doivent faire partie d’un cirque. Bref, il nous semble que les acrobates, les clowns, les

funambules et le chapiteau soient les quatre éléments les plus essentiels pour qu’un spectacle de

cirque soit un spectacle de cirque selon la majorité de nos répondants.

Qui plus est, certains éléments apparaissent aussi avoir une place de choix dans un cirque même si

leur pourcentage n’est pas aussi élevé que ceux ci-haut mentionnés. En effet, en fusionnant les

catégories moyennement et tout à fait, on obtient la faveurs de 77,5 % des répondants pour les

gymnastes, soit exactement le même pourcentage qu’ont obtenu les animaux domptés ou dressés.

De plus, 67,5% des individus interrogés trouvent qu’une scène a sa place. Donc, les gymnastes, les

animaux domptés ou dressés ainsi qu’une scène sont des éléments qui ont une place de choix dans

les composantes d’un cirque pour nos répondants.

11Aspect du travail : risque, performance, habileté, travail et pratique12Fascination : cachet, incroyable, inimaginable, fascination et impressionnant

13Magie : magiciens et magie

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Certains des éléments de notre liste ont surtout été présentés dans les cirques dits modernes, ce qui

signifie qu’on les retrouve de moins en moins de nos jours. Comme nous nous en doutions, ceux-

ci ne font pas non plus partie des éléments que nos répondants trouvaient essentiels. En effet, les

personnes ayant un handicap extraordinaire, comme la femme à barbe et l’homme éléphant, ne

seraient pas bien vues dans un cirque au Québec : 70% des répondants trouvent qu’ils n’ont pas

du tout leur place dans ce genre de spectacle. Ce pourcentage est de 55% pour les animaux ayant

une particularité extraordinaire comme la poule aux oeufs d’or et il grimpe à 85% si l’on y

additionne les répondants qui sont peu en accord. Les kiosques de foire, que l’on retrouvaient

autrefois à proximité du grand chapiteau des cirques américains, ne semblent pas faire vraiment

partie de l’idée que nos répondants ont d’un cirque. Cependant, ils ne les agacent apparemment

pas autant que les deux précédents, car seulement 22,5% sont tout à fait contre et 52,5% peu en

accord.

4.2.2) Le cirque dans l’idée populaire

En interprétant et en combinant les réponses obtenues aux deux questions précédentes, nous

sommes maintenant en mesure de définir comment le cirque a tendance à être représenter dans

l’idée populaire. Nous entendons par l’expression « idée populaire » une représentation abstraire

partagée par le plus grand nombre de nos répondants. On peut être tenté d’élargir nos conclusions

à l’ensemble de la population, mais cela serait quelque peu audacieux étant donné la taille de notre

échantillon. Cependant les élargir au public fidèle du Musée nous semble tout à fait raisonnable.

Un cirque, ce serait tout simplement un chapiteau sous lequel on assiste à des numéros (qui ont

lieu sur une scène) de funambules, d’acrobatie, d’animaux domptés ou dressés et à des

clowneries. C’est un spectacle très théâtral, très animé et dont l’ambiance est quelque peu

magique.

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Sachant cela, nous avons jugé bon de faire quelques suggestions au Musée. Vous trouverez celles-

ci à la section 5.

4.3) Les motivations à assister à un spectacle de cirque

Comme vous l’avez constaté en lisant l’historique, le cirque est un spectacle qui demeure à peu

près inchangé depuis plus de deux siècles. Bien sûr, les cirques post-modernes sont quelques peu

différents mais nous pouvons affirmer que le contenu général d’un spectacle de cirque demeure

sensiblement le même. Suite à ce constat, nous nous sommes demandé ce que dégage le cirque

pour créer un attrait planétaire. Bref, qu’est-ce qui motive les gens à s’y rendre ?

Pour trouver réponses à nos interrogations, nous avons posé une question visant à connaître les

motivations qui ont poussé nos répondants à se rendre à un spectacle du cirque. Soit dit en

passant, la très grande majorité de nos répondants (82.5%) ont déjà assisté à un spectacle de

cirque. Et pour être plus précis, 9,7% de toutes les personnes interrogées en ont vu un seul, 71%

en est vu entre deux et cinq fois et 19.3% y sont retournés plus de six fois. Ainsi donc, nous

sommes portés à croire que les gens savaient de quoi ils parlaient en répondant à notre

questionnaire.

La question que nous avons posée était ouverte : Qu’est-ce qui vous a attiré à un ou plusieurs

spectacle(s) de cirque ? Nous pensions que les motivations étaient principalement dues à la

fascination et à l’éblouissement produit sur les gens par un spectacle de cirque. De plus, nous

croyions que les personnes avaient tendance à s’identifier à une ou plusieurs personnage(s) de

cirque (ou un ou plusieurs numéro(s)) en allant au cirque. Jetons un coup d’oeil aux résultats

obtenus pour voir ce qu’il en est après compilation des résultats.

Mais d’abord, quelques précisions. En compilant les résultats, nous avons découvert qu’il n’y avait

pas moins de 37 réponses différentes à notre question sur les motivations. Or, avec un pareil

chiffre, surtout lorsque l’on a seulement 40 répondants, l’analyse statistique est impensable.

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Comme pour la question quatre, dont les réponses ont été présentes plus haut, les réponses

obtenues ici, à la question sept, ont été en huit grandes catégories de réponse.

L’une des deux principales raisons, qui a été mentionnée par 12 répondants sur 40, ce fut pour y

voir des animaux. Ces résultats sont surprenant car ils en concordent pas avec l’hypothèse que

nous avions proposée, à savoir cet « attrait » des cirques avait tendance à disparaître étant donné

qu’il suppose un rapport de domination sur la nature. En effet, dans la section sur les cirques post-

modernes, nous expliquions que l’idée que, étant donné que l’être humain ne croit plus nécessaire

de dominer la nature, cela rendra de plus en plus difficile la possibilité de faire de la domination des

animaux un « spectacle attrayant ». Bref, le rêve de la domination absolue et nécessaire de la

nature s’estompe au profit de sa conservation. Avions-nous totalement tord ? Que partiellement

car ce résultat requière quelques précisions. En effet, il s’agit d’une des raisons pour lesquelles les

gens sont allées au cirque. Or, neuf des 12 répondants ayant mentionnées cette réponse étaient

âgés de 35 ans et plus. On est donc porté à croire que cette raison a été la principale avant

l’entrée en scène des idées de conservation de la nature au lieu de l’une domination absolue et

nécessaire. Rien nous dit que c’est encore la principale de nos jours.

Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une des deux raisons les plus mentionnées. Il est donc

permis de conclure que, même si la tendance actuelle est au respect et à la conservation de la

nature et de ses animaux, il n’en demeure pas moins que les animaux « sauvages » continuent

d’exercer un attrait certain sur les humains, parce que ce sont et demeureront toujours des

« curiosités » dans nos vies de la plupart d’entre nous. Cependant, la relation entre l’humain et

l’animal, pour les cirques qui en ont encore, change dans le sens de ce que nous ont indiqué nos

répondants. « Le dressage moderne s’oriente moins vers la parodie que vers la complicité. Et tous

les effets visent à rendre à l’animal sa noblesse naturelle. En supprimant tabouret et accessoire,

Louis Knie faisait de la présentation de son groupe de tigres une séance de jeu sans contraintes et

parvenait à faire oublier la cage » (Jacob, 1992, 79).

L’autre raison qui fut mentionnée dans la même proportion, c’est que les gens s’étaient rendus au

cirque pour voir les numéros de certains artistes du cirque, notamment les trapézistes, les

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acrobates, les clowns et les dompteurs de lions. Donc, notre hypothèse concernant l’identification

des spectateurs à un personnage ou un numéro, qui peut sembler être confirmée ici, ne l’ait pas

réellement puisque nos répondants n’ont pas évoqué une seule fois l’idée de l’identification. Ils ont

plutôt mentionnés qu’ils recherchaient les émotions fortes14que le cirque procure. C’est fut le cas

de 17,5% des répondants. Notons au passage que dans le cirque « les effets spéciaux, comme le

notait avec justesse un critique américain, ce sont les artistes eux-mêmes » (Cayouette, 1996, B-8)

et cela peut expliquer en partie les émotions fortes qu’il procure. De plus, certains répondants

appréciaient les performances physiques des artistes15 (15% des répondants) du fait que ce sont

des numéros hors de la portée de tout et chacun. De plus, deux répondants ont dit s’être rendu au

cirque parce le genre de numéros qui y présentaient les divertissaient16. On peut en conclure que

les personnes ne semblent pas s’identifier aux artistes ou aux numéros de cirque comme tel, mais

qu’ils veulent les voir pour d’autres raisons.

Les troisième et quatrième raisons mentionnées correspondent grosso modo à notre hypothèse sur

la fascination et sur l’éblouissement. En fait, 11 répondants disent être allés au cirque à cause du

côté fascinant du spectacle17. Quant à son côté éblouissant18, soit le côté qui frappe d’admiration

la vue, qui émerveille, nous avions visé juste puisque le quart des répondants l’ont mentionnée.

Comme vous le remarquerez en observant les réponses englobées dans cette catégorie,

l’éblouissement signifie ici être frapper d’admiration par le côté théâtral du cirque. C’est donc

l’ensemble des décors, des couleurs, de la musique, etc. qui éblouit au cirque et non pas un

élément isolé.

De plus, le cirque semble être une sortie familiale très prisées car huit de nos répondants ont dit

s’être rendus au cirque pour faire plaisir à leurs enfants ou pour faire une sortie familiale. Nous

reviendrons cependant sur ce point plus loin car il mérite une attention particulière du fait que,

14Émotions fortes : émotions fortes, émotions et suspence15Performances physiques : beauté des numéros, les talents, la dextérité ainsi que les performances physiques16Divertissement : désir d’évasion et divertissement17Côté fascinant : spectacle en général, mise en scène, côté théâtral, éclairage, musique, costume, décor, couleurs,créativité, originalité et jamais vu18Côté éblouissant : beauté, fantastique, féerie et magie

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selon nous, autant les jeunes que les moins jeunes y trouvent son l’intérêt dans cette « sortie pour

les enfants ».

4.3) L’attrait du spectacle

Nous aborderons ici les questions liées à l’attrait d’un spectacle de cirque et cela suivant l’ordre dans

lequel elles figuraient dans le questionnaire. Notre débuterons ainsi l’analyse par les questions qui

visaient à connaître le public particulier d’un spectacle de cirque et enchaînerons en nous penchant sur

la transculturalité du cirque ainsi que sur la stimulation de l’imaginaire dans un tel spectacle.

4.3.1) Le cirque a-t-il un public particulier ?

À partir de nos recherches antécédentes, nous en sommes venus à la conclusion que le cirque est

accessible. S'il est accessible, avions-nous dit, c'est parce qu'il est un spectacle simple en ce sens qu'il est

évident et qu'il ne requiert pas d'éducation spéciale pour être compris. En nous appuyant sur les écrits

de Paul Bouissac, nous avions démontré, dans la section 2.3.3.) Le cirque comme spectacle simple,

qu'assister à un spectacle de cirque requiert qu'une minime intégration sociale. À partir de ces

indicateurs, nous sommes en mesure de supposer deux choses.

D'abord, nous supposons que le cirque s'adresse à tous et ce, peu importe le sexe, la classe sociale et

l'éducation. Deuxièmement, nous croyons que le cirque attire autant les jeunes que les moins jeunes.

Afin de vérifier ces deux hypothèses, nous avons formulé deux questions distinctes à l'intérieur de notre

sondage. Certaines des études précédantes permettaient de croire qu'il était facile de dissocier la

dimension d'accessibilité à tous à celle de l'attrait selon l'âge. L'analyse de nos résultats nous a indiqué

qu'il en était tout autrement. Nous n'avons probablement pas mis assez d'emphase sur la spécificité

mutuellement exclusive des deux questions. L'une questionnait les informateurs sur l'attrait du cirque

pour un public en particulier et l'autre, qui était plus précise, sur l'attrait du cirque pour un groupe d'âge.

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Pour cette raison, nous posions la question cinq comme suit : Selon vous, le cirque est un spectacle qui

s'adresse à quel(s) public(s) en particulier ? À partir de cette question, nous cherchions à savoir si les

répondants croyaient que le cirque s'adressait à un groupe social, économique, culturel plus qu'à un

autre.

Quant à la question qui la suivait, elle était formulée comme suit : D'après vous, est-ce qu'un spectacle

de cirque attire autant les jeunes que les moins jeunes? Qu'est-ce qui expliquerait ce phénomène ?

Nous voulions ici savoir si les répondants croyaient que le cirque s'adressait à un groupe d'âge en

particulier.

Quoique significatifs, les résultats n'ont pas été tels qu'escomptés. Les réponses aux questions cinq et

dix sont souvent semblables, ce qui fait que les résultats peuvent être confondus. Dans la plupart des

questionnaires, nous remarquons que les informateurs se sont répétés. En fait, à la question cinq, les

répondants donnaient une simple réponse d'un mot ou deux qu'ils élaboraient ensuite à la question dix.

Malgré cette ressemblance au niveau des réponses, nous étudierons d'abord le résultat des deux

questions séparément.

Pour ceux et celles qui remarquerons que nous avons une plus grande fréquence de réponse que le

nombre de répondants, notons que les questions étaient ouvertes. Si elles étaient ouvertes, il était donc

possible que l'informateur donne plus qu'une réponse. Cette remarque s'applique aussi à la question dix.

À la question dix : Selon vous, est-ce que le cirque s'adresse à un public en particulier ?, 33 des 40

répondants ont dit que le cirque était destiné à tous. La notion de tous insinue que le cirque s'adresse

aux gens de tout âge et de toute classe. Plus précisément, nous avons regroupé six réponses pour

former cette catégorie. À savoir: le cirque ne s'adresse pas à un public en particulier; le cirque s'adresse

à des gens de tout âge; à ceux de 7 à 77 ans; à ceux de toutes classes; à tous et au public général. Cette

question recoupe donc la question dix qui questionne les répondants sur le groupe d'âge que le cirque

attire.

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Si la majorité des répondants s'entendent à dire que le cirque s'adresse à tous les publics, une minime

portion des répondants, soit 10%, n'est pas de cet avis. Ces répondants disent que cela dépend de

divers éléments. Lors de l'analyse de données, nous avons regroupé dans cette catégorie les réponses

suivantes: cela dépend des numéros, cela dépend du cirque et cela dépend des goûts.

De tous les répondants, 17.5% ont dit que le cirque était plus un événement familial19. Notons que si le

cirque s'adresse surtout aux enfants, les parents auront tendance à y assister dans le but d'y

accompagner leurs enfants. Ajoutons que certains répondants ont spécifié leur réponse en disant que le

cirque faisait revivre l'enfant en soi.

Analysons maintenant l’autre question en lien avec le public du cirque, soit la question 11 : D'après

vous, est-ce qu'un spectacle de cirque attire autant les jeunes que les moins jeunes? Qu'est-ce qui

expliquerait ce phénomène ? Les spécialistes du cirque, qui divergent souvent d’opinion comme nous

l’avons souligné, s'entendent cependant tous pour dire que le cirque attire autant les jeunes que les

moins jeunes. Cette accessibilité du cirque est expliquée par la simplicité du spectacle, par la multitude

des numéros présentés et par la place laissée à l'imaginaire. Nos hypothèses ont été confirmées et même

précisées par l'étude des résultats de notre enquête. Pour être mieux en mesure d'étudier nos données,

nous avons classifié nos réponses en quatre catégories conceptuelles distinctes: l'accessibilité;

l'imaginaire; la différence et l'enfance.

Si le cirque attire autant les jeunes que les moins jeunes, c'est aussi parce que l'on demeure toujours un

enfant. Ce côté enfantin est camouflé dans la vie quotidienne par les contraintes et par les normes

sociales. En assistant à un spectacle de cirque, l'adulte se souvient de son enfance; il redevient enfant en

se libérant de son quotidien. Ce retour à l'enfance fait en sorte qu'adultes et enfants se sentent attirés par

le cirque. Des 40 personnes formant notre échantillon, 15 ont expliqué ce phénomène par le fait que

tous sont enfants quand ils assistent à un spectacle de cirque. S'il ne le sont pas en âge, ils retrouvent

l'enfant qui sommeille en eux; ils redeviennent enfant pour la durée du spectacle.

19Événement familial : surtout les enfants, la famille

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La notion de l'imaginaire est souvent rattachée à la définition du cirque. À partir de l'information

recueillie lors de l'étude exploratoire, nous définissions l’imaginaire comme étant une force d'attraction

et de séduction déclenchée chez les individus; si le spectacle séduit, ce n'est pas simplement parce qu'il

surprend et étonne le public, c'est aussi parce qu'il active l'imagination des spectateurs. Cette faculté de

l'esprit de se présenter des images et d'en créer en combinant des idées est fortement mise à contribution

lors d'un spectacle de cirque. Comme nous l'avons déjà noté, le cirque constitue un amalgame d'outils

qui nous permet de rêver librement. L'attrait du cirque s'explique par cette notion d'imagination20 pour

12 des répondants.

Pour d'autres répondants, ce qui expliquerait l'attrait du cirque autant auprès des jeunes que des moins

jeunes, c'est le fait que tous y trouvent leur compte. C'est de dire que tous y sont attirés différemment,

soit parce qu'ils y trouvent leur source d'intérêt, soit parce que les numéros plaisent différemment à

chacun. Comme l'a si bien résumé un répondant : « Nous regardons avec différents yeux le même

numéro, le même spectacle ».

L'accessibilité, mot clé de notre première catégorie, se compose de quatre éléments: la facilité de

compréhension; la notion de groupe; le divertissement pour tous et la fascination. La notion

d'accessibilité expliquerait, selon dix des répondants, le fait que le spectacle de cirque attire autant les

jeunes que les moins jeunes.

4.4.2) Le cirque, un spectacle transculturel ?

Dans la section 2.3.6.) Le cirque, un spectacle transculturel, nous avions tenté de démontrer que le

spectacle de cirque est une forme d'art universelle. Pour affirmer une telle chose, nous avions établi que

le spectacle de cirque est lié à son environnement culturel par son langage. Ceci insinue donc que le

spectacle véhicule certaines valeurs et croyances liées à son pays d'origine. Pour qu'un spectateur soit en

mesure de comprendre la portée du spectacle, il doit pouvoir comprendre et connaître les valeurs et

croyances qui font partie du spectacle en question. Les perceptions n'étant relatives à la culture, il est

donc impossible d'affirmer que les valeurs présentes dans un spectacle sont universelles. Selon ce point

20Imagination : magie, épatement, rêverie, émerveillement, féerie, dynamisme, beoin d’évasion

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de vue, cette définition nous porterait à conclure qu'il n'y a pas de transculturalité. Par contre, nous

croyons que le spectacle de cirque est transculturel en ce sens qu'il contient dans son langage certains

éléments qui sont communs à plusieurs cultures différentes. Le cirque a la possibilité de voyager d'une

culture et d'une société à une autre mais il n'est pas pour autant culturellement neutre. Les codes du

langage de cirque ne sont pas limités à un seul groupe, à une seule nation et à une seule classe parce

qu'ils sont partagés par des gens parlant diverses langues et provenant de diverses cultures.

Dans le questionnaire, par curiosité plutôt que par principe méthodologique, nous avons posé une

question sur le concept de transculturalité du spectacle de cirque : Selon vous, est-il possible d'exporter

un spectacle de cirque d'un pays à un autre sans en modifier le contenu ? Suite à cette question, nous

enchaînions en demandant à la question neuf : Si oui, pourquoi ? Si non, quelles sont les adaptations

que l'on devrait apporter à un spectacle de cirque pour qu'il puisse être exportable ? Ces questions,

nous le concédons, ne sont pas directement pertinentes pour la mise en oeuvre d'une exposition sur le

cirque. Elles étaient plus liées à des curiosités personnelles quant à l’opinion de la population générales

sur celles-ci.

À la question neuf, 67,5% des informateurs ont répondu Oui. Pour comprendre la portée et la

signification de cette réponse, il faut étudier la question dix où les répondants précisaient leur réponse.

L’ambiguïté, comme nous allons le voir, réside dans le fait que les éléments utilisés pour justifier la

réponse précédente sont les mêmes, à quelques fréquences près, que le répondant ait dit oui ou qu'il ait

dit non. Observons maintenant les résultats de la question qui visait à connaître les adaptations que l'on

devrait apporter à un spectacle de cirque pour qu'il puisse être exportable.

Des répondants, 17.5% ont dit qu'il était possible d'exporter un spectacle de cirque sans pour autant en

modifier le contenu, ont justifier leur réponse en précisant que cela dépendait de la culture21. Des

répondants disant qu'il était nécessaire de modifier le contenu, neuf ont dit qu'il fallait tenir compte des

cultures dans lesquelles le spectacle était présenté. Pour la première catégorie, nous obtenons, si nous

confondons les réponses affirmatives et négatives, 16 informateurs qui disent que la transculturalité d'un

cirque dépend de plusieurs éléments culturels.

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La seconde catégorie en importance, que nous appellerons blagues se résume à dire que les blagues

doivent être adaptées à l'humour des gens. Par adaptation de l'humour, nous entendons qu'il est possible

que ce qui fait rire varie d'une culture à l'autre. Par exemple, un clown peut présenter, en Amérique, une

parodie d'un homme politique et faire rire. S'il présente la parodie dans un pays où il est mal vu de rire

des politiciens, il ne fera pas rire. Comme nous l'avons vu dans la section 2.3.6.) Le cirque, un spectacle

transculturel, ce sont les numéros clownesques qui semblent le plus avoir à s'adapter, leur rapport avec

l'audience étant plus direct. Cette catégorie démontre que les répondants sont conscients du fait que le

bagage culturel des sociétés est différent et variable. Deux répondants, qui jugeaient que le cirque devait

modifier certains aspects, ont dit que les blagues devaient être modifiées. Nous avions remarqué, en

réalisant l’historique du spectacle du cirque, que lorsqu'un cirque part en tournée, les numéros

équestres, acrobatiques et funambules n'avaient presque pas a être modifiés. Le rapport du clown avec

le spectateur étant plus direct, ce sont les numéros clownesques qui semblent avoir à s'adapter le plus.

Nous avions conclu que contrairement à ce que nous serions porté à croire, l'humour est une excellente

preuve de l'aspect transculturel du cirque. Ceci s'explique par l'univers des sentiments, des travers et des

faiblesses humaines rattachées à l'humour et aux blagues.

Le cirque est perçu, par quelques uns de nos répondants comme un univers où la parole n'est pas

dominante22. Quatre répondants expliquent qu'il n'est pas nécessaire de modifier le contenu du spectacle

de cirque puisque tout ce qui a à être compris réside dans le non-dit, dans le non verbal.

L'accessibilité23 et l'universalité24 du cirque, concepts élaborés ci-haut, justifient, selon 22.5% des

répondants, le fait que le contenu du spectacle n'a pas à être modifié selon les cultures pour être

apprécié. Trois répondants ont insisté sur le fait que le spectacle de cirque devait être présenté de façon

intégrale25 et ce, peu importe les différences culturelles pouvant exister.

21Dépend de la culture : existe différent attrait à chaque pays, cahque nationalité est particulière, variances selonpays, variances selon culture, différentes mentalités, peut amener nouvelle dimensions, transporte la culture22Concept sans paroles : spectacle non verbal, concept sans paroles23Accesibilité : prouesses attirent tous, spectacle facile à comprendre, rend tous le monde joyeux24Universalité : cintient des éléments universels, est international25Intégral : est général, doit être présenté de façon intégrale

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4.4.3) La stimulation de l’imaginaire

Une des hypothèses proposée concernant l’attrait d’un spectacle de cirque est la stimulation de

l’imagination, soit la faculté de l’esprit de se représenter des images et d’en créer en combinant des

idées, est fortement mise à contribution lors d’un spectacle de cirque. Et en évoquant ici

l’imagination, nous sommes forcément renvoyés à l’univers symbolique. Ainsi donc, avant d’aller

plus loin dans l’explication de notre hypothèse, nous rappellerons brièvement ce que signifie le

concept d’univers symbolique ainsi que le lien qu’il entretient avec l’imaginaire.

À la section 2.3.1.1, nous expliquions que « Les idées, les concepts, les représentations et les

croyances forment l'univers symbolique. Cet univers relie les composantes sociales, rend possible la

communication et surtout, il renvoie à la société sa propre identité. Sans univers symbolique, l'existence

même de la société est inconcevable ». L'univers symbolique sert donc de cadre de référence à toute

société puisqu’il permet aux gens d'une société de se reconnaître à travers ces symboles. L'interprétation

symbolique donne une signification aux événements vécus, et fait partager une même vision du monde.

Or, cette idée de vision commune, qui nous est fournit par l’univers symbolique, ne peut expliquer que

partiellement l’attrait d’un spectacle de cirque. Il y a autre chose. Duvignaud est d’ailleurs du même avis

: « La juxtaposition et la confrontation de signes appartenant à la vie sociale et de signes relevant

de l’expérience affective [ce qui compose l’univers symbolique], portent avec elles une force

d’attraction et de séduction » (Duvignaud, 1967, 132). Et nous pensons que cette force

d’attraction et de séduction est due à la stimulation de l’imagination que le spectacle du cirque

déclenche chez les individus. Notre hypothèse étant située dans son contexte, poursuivons-en

l’explication.

Nous voulions donc explorer la dimension de l’imagination. Pour ce faire, nous avons posé une

question qui cherchait à connaître les éléments qui pourraient expliquer l’attrait que provoque le

spectacle de cirque. Nous voulions, par celle-ci, connaître les idées des gens à propos de l’attrait

du cirque en général et non pas seulement recueillir leurs opinions personnelles sur le sujet. Afin

d’ouvrir des pistes de réponse (car à priori cette question n’est pas évidente), nous avions fourni

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les quatre principaux éléments qui sont susceptibles de déclencher l’imaginaire au cirque. Les gens

commençaient par dire si tel élément pouvait être explicatif ou non de l’attrait et, s’il le considérait

comme explicatif, devaient nous préciser pourquoi. Et c’est dans ces « précisions » que nous

pensions voir émerger le fait que la créativité, la fantaisie et l’inventivité des gens sont stimulées

par le spectacle du cirque. Ces mots (créativité, fantaisie et inventivité), croyions-nous, seraient

nos indicateurs de l’existence ainsi que l’importance de l’imagination dans un spectacle de cirque.

Pour l’analyse et l’interprétation des résultats, nous procéderons de la manière suivante. Tout

d’abord, nous expliquerons chaque énoncé et analyserons les commentaires qui en sont découlés.

Par la suite, nous dresserons un tableau général de ces commentaires. Nous pourrons alors voir

s’ils vont dans le sens de la stimulation de l’imaginaire ou bien s’ils expriment une autre réalité.

Mentionnons en passant que, pour cette question, nous avons obtenu jusqu’à 80 réponses

différentes, que nous avons regroupées en dix grandes catégories. Cependant, il nous est resté sur

les mains sept réponses qu’il nous fut absolument impossible de classer. Nous les avons exclues de

l’analyse mais nous vous en fournissons ici la liste en bas de page à titre informatif26. Qui plus est,

nous avions laissé un espace afin que les gens ajoutent les éléments que nous n’avions pas

mentionnés mais qui, selon eux, expliqueraient aussi l’attrait. Cet espace fut utilisé par onze

répondants. Toutefois, lorsque les diverses réponses furent regroupées en de larges catégories, il

n’est absolument rien demeuré de nouveau dans cet espace, c’est donc à dire que chaque réponses

a pu être catégorisée.

Notre premier énoncé C’est un spectacle hors du commun fut considéré comme un fait explicatif

de l’attrait du cirque par 32 personnes sur 40. Par le fait même, ce fut sans doute l’énoncé qui

déclencha le plus de précisions et de commentaires. La raison qui revint le plus régulièrement (elle

fut mentionnée 14 fois), c’est que le cirque est un spectacle hors du commun parce qu’il est un

événement rare27. Il est donc hors du commun au sens temporel ici. Le fait que le cirque ne soit

pas un spectacle que l’on peut aller voir quand bon nous semble, qu’il ne soit pas comme le cinéma

disponible en tout temps, le fait donc qu’il ne fasse que passer, semble grandement expliquer son

26Autres : complicité, pas d’attrait, vie artiste, Cirque du Soleil, télékinésie et tradition27Événement rare : brise le quotidien, inhabituel, curiosité, nouveau, invention, rareté, exotisme, spécial, rarement,neuf, pas à la télévision, extraordinaire et événement rare

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attrait. Il brise le quotidien des gens, il brise la routine des passe-temps habituels. En effet, il nous

semble être toujours nouveau parce qu’il n’est presque jamais là. Sa rareté crée littéralement une

partie de son attrait. Ce fait nous pousse à croire que le cirque, qui depuis longtemps est associé

au voyage, semble devoir maintenir cette « association » car elle semble fortement contribuée à

son attrait. La force d’attraction de ce spectacle est incontestable certes, mais sans doute

chuterait-elle si le cirque avait tendance à devenir un spectacle stable. Effectivement, il y eut des

cirques stables en France et en Angleterre au XIXe et au début du XXe siècles, mais leur succès fut

éphémère. On peut donc dire que ces cirques furent l’exception qui confirme la règle des cirques

ambulants dans le monde du cirque. Cette idée de l’événement rare confirme notre idée que

l’attrait du cirque s’étiolerait si ce dernier se sédentarisait. Il perdrait tranquillement une partie de

sa magie. Pour demeurer lui-même, nous entendons par là pour demeurer conforme à la

représentation que les gens s’en font, il semble préférable que le cirque demeure un événement

rare, un événement à saisir !

L’idée d’un spectacle hors du commun a inspiré cependant de nombreuses autres raisons. Six

répondants ont dit que c’était un spectacle fantastique28. Il est ici compris comme étant hors de

commun du point de vue esthétique. Nous avions ainsi visé juste avec notre hypothèse sur la

stimulation de l’imaginaire, car si la fantaisie crée une partie de l’attrait du cirque pour quelques

personnes, cela signifie que l’imagination se trouve nécessairement impliqués de quelque façon que

se soit. Un même nombre de répondants nous ont dit que le cirque est hors du commun parce

qu’on y retrouve des performances physiques29. Derrière l’expression « performances physiques »,

il y a l’idée de l’exploit, l’idée d’un défi lancé aux limites habituelles du corps. Il s’agit réellement

d’un exploit aux yeux des gens car ils se doutent du niveau très élevé de difficulté des

performances et de la dose de courage, de travail et de concentration que la réalisation de celles-ci

requière. Ajoutons à cela que la performance obtient du succès auprès des spectateurs puisque les

artistes font preuve de créativité, d’inventivité et de courage tout à la fois. Bref, notre capacité

d ’imagination se trouve à être stimulée par les diverses performances de cirque.

28Fantastique : impressionnant, magie, féerie, imaginaire, irréel, ça flash, envoûtement, émerveillement etfantastique29Performances physiques : performance physique, limite du corps, défi, habileté humaine, courage, incapable,performance, latente, prouesses, concentration, travail, gynnastes, culture physique et perfection

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Seulement trois répondants sur 40 ont dit que le cirque est hors du commun parce qu’il dégage

une ambiance de fête30. Il est vrai que l’ambiance de fête du cirque est sans doute la plus intense

de toutes les formes d’art que nous connaissons. Le cirque, c’est un condensé de joie et de rires. Il

plaît donc, entre autres, par le contraste qu’il crée avec la réalité quotidienne. Cette ambiance de

fête semble contagieuse car elle déteint souvent sur l’humeur des spectateurs. Elle leur injecte une

dote de bonne humeur ! Ajoutons qu’un seul répondant explique le côté hors du commun du

cirque par la beauté (musique, éclairages et couleurs) de son spectacle, un autre par un aspect que

dégage rarement l’art, soit le suspense31 et enfin un autre répondant dit que le cirque est un

spectacle différent des autres parce qu’il fait appel à l’enfant en nous32. Nous reprendrons ces

catégories plus loin.

Notre deuxième affirmation était la suivante : Un cirque attire à cause de son ambiance. 29

répondants étaient en accord avec cet énoncé. La réponse la plus courante fut ici la beauté du

spectacle, mentionnée huit fois. Cette affirmation ne surprendra personne car nous sommes

naturellement portés à faire le lien entre la beauté d’un spectacle (musique, éclairages et couleurs)

et l’ambiance général qui s’en dégage. Suite à cette raison viennent à égalité l’ambiance de fête du

cirque ainsi que le fait qu’il charme l’enfant en nous. Une ambiance particulière mène souvent à un

état d’esprit particulier. Et l’ambiance d’un cirque semble propice à s’émerveiller et c’est cela que

signifie précisément selon nous l’idée de l’enfant en nous. On comprendra que ces deux raisons se

rapportent en fin de compte à la capacité qu’a un cirque de stimuler l’imaginaire, de nous

« transporter dans le monde des rêves ».

Ajoutons que cinq répondants nous ont dit que l’animation33, soit l’entrain et le mouvement que

l’on retrouve dans un cirque et qui favorisent l’intégration et la participation de la foule, était une

des raisons pour lesquelles l’ambiance d’un cirque attire. Cinq autres personnes ont dit que, pour

leur part, c’était le suspense. Ce « moment de nature à faire naître un sentiment d’attente

30Ambiance de fête : côté fête, joyeux, plaisant, joyeurisme, diversissant et amour31Suspence : suspence, frisson, thrill, risque, surprise et émouvant32Enfant en nous : enfance, rires d’enfant et naïf33Animation : animation, action et foule

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angoissée » (Larousse, 1990, 1901), ce moment d’incertitude est donc quelque chose de

particulier à cette forme d’art. En effet, un spectacle de cirque comporte des risques. Le risque

que le funambule tombe, le risque que le dompteur se fasse attaquer, etc. Comme le disait Georges

Stahley « En acrobatie, le dernier mot n’est jamais dit ». C’est cette possibilité, ce moment

possible de tragédie, non planifié et non planifiable, qui donne au spectacle du cirque une place à

part, un charme particulier aux yeux des spectateurs. Reste à nommer les réponses secondaires à

cet énoncé, soit que l’ambiance du cirque attire parce qu’elle séduit l’enfant en nous (7,5% des

répondants), parce qu’elle est tout simplement relaxante (5% des répondants) et parce qu’elle est

rare (5% des répondants).

Notre troisième énoncé était le suivant. Le cirque attire parce qu’on y voit des exemples de

domestication de la nature par des êtres humains. Uniquement six répondants ont jugé que cet

élément était explicatif de l’attrait du cirque. Et les deux raisons mentionnées furent que la

domestication est toute une performance physique de la part du dompteur (mentionné quatre fois)

et, pour deux autres personnes, le fait que ce genre de numéro soit entouré de suspense. Il est aisé

de fusionner ces deux raisons et dire que les exemples de domestication de la nature par des êtres

humains attirent des gens parce que ce sont des performances qui impliquent une dimension de

catastrophe potentielle, d’originalité et de courage tout à la fois. Dans cette réponse, on peut voir

la confirmation de notre hypothèse concernant la nouvelle place des animaux dans les cirques, à

savoir qu’une tranche de la population veut encore voir des animaux, mais cela non pas pour

assister à des exemples de domestication, tout simplement pour les raisons évoquées ci-haut.

Quant au fait que le cirque attire parce qu’on y voit des exemples de dépassement des limites du

corps humain, l’idée que ces dépassements sont de véritables performances physiques est revenue

18 fois. Nous croyons que les « performances » n’attirent pas seulement parce qu’elles ne sont pas

à la portée de la majorité d’entre nous (ce qui leur procure un statut privilégié dans l’esprit des

gens) mais aussi parce qu’elles n’ont généralement pas été imaginées par les spectateurs. L’effet

de surprise, d’étonnement joue ici selon nous. L’imagination est plus que stimulée par le spectacle,

elle lui est grandement due. Cela explique un des charmes du cirque auquel nous n’avions

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absolument pas pensé. L’inconnu, l’imprévisibilité des performances attirent sans doute plus qu’on

ne le pensait à prime abord.

L’attrait dû aux exemples de dépassement des limites du corps humain fut aussi expliqué par le fait

que c’est un événement rare (mentionné sept fois). Dans le cas de cet énoncé, il fallait s’attendre à

une telle explication. Nous l’expliquons par les mêmes raisons que précédemment. De plus, l’idée

de l’enfant en nous revint quatre fois. En effet, on peut comprendre que les spectateurs, en voyant

des numéros de dépassement des limites du corps, sentent revivre eux l’enfant. Car enfance, n’est-

ce pas le temps où tout est possible, où l’on rêve de dépasser nos propres limites physiques ? Les

numéros de contorsionnisme et de funambulisme, n’est-ce pas un peu le fantasme de chaque enfant

de pouvoir en faire autant ? Ces numéros étant d’autant plus merveilleux parce qu’ils ne font pas

partie de la réalité quotidienne. Ajoutons aux explications de cet énoncé qu’un seul répondant

prétend que c’est l’ambiance de fête que dégage ce genre de numéro qui attire.

Dressons un tableau général de l’attrait d’un spectacle de cirque, sans tenir compte toutefois des

énoncés. Voici l’ensemble des catégories que nous avons recueillies avec le nombre total de fois

qu’elles furent mentionnées. Un spectacle de cirque attire principalement parce qu’il s’agit d’un

événement rare (mentionné 24 fois), parce qu’il est le lieu où l’on peut assister à de véritables

performances physiques (mentionné 22 fois) et aussi parce qu’il éveille l’enfant en nous, donc

parce qu’il ravive notre capacité d’émerveillement (mentionné 21 fois).

Demeure d’autres explications de l’attrait du cirque, de moindre importance toutefois. L’ambiance

de fête qu’il dégage semble plaire aux gens (mentionné 12 fois) ainsi que sa beauté particulière

(mentionné 11 fois) due à l’originalité de ces décors, de ces couleurs, de son architecture (le

chapiteau) et de sa musique. Le suspense de certains numéros (mentionné 8 fois), l’animation, la

relation entre la foule et le spectacle (mentionné 5 fois) ainsi que le fait qu’il soit relaxant

(mentionné 2 fois) sont aussi sur la liste des explications de l’attrait quasi intemporel du spectacle

Astley.

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On peut donc dire que notre hypothèse selon laquelle le spectacle du cirque attire car il stimule

l’imagination du spectateur de manière significative s’est avérée vraie...et incomplète ! En effet,

l’idée de performance physique, de l’enfant en nous et de l’ambiance sont des évocations

indirectes mais bien réelles de la place laissée à l’imagination, comme vous avez pu vous en rendre

compte au fil de notre texte. Cependant, l’attrait n’est pas seulement dans la stimulation de

l’imagination. Sa réalité est plus complexe. Nous avons en effet découvert que l’animation du

spectacle de cirque, le suspense que crée certains numéros, sa beauté originale ainsi que le fait

qu’il soit un événement rare, sont des éléments qui doivent être ajoutés aux explications visant à

démystifier le complexe attrait du cirque.

4.4) Le public : les thèmes et le matériel qu’il désire

Pour répondre de façon adéquate au mandat que le Musée de la civilisation nous avait confié, il était

nécessaire d'inclure dans notre questionnaire une section portant sur les divers éléments que les visiteurs

aimeraient voir s'il y avait exposition. L'enquête que nous avons mené avait entre autre comme objectif

de relever l'intérêt des personnes interrogées pour un tel sujet et de leur demander ce qu'elles aimeraient

voir dans une exposition éventuelle ayant pour thème le cirque. Afin de cerner clairement les attentes

des visiteurs, nous avons divisé cette partie du questionnaire en deux. La première question cherchait à

savoir quels thèmes intéresseraient les visiteurs, tandis que la seconde visait particulièrement à connaître

le matériel de cirque les répondants voudraient voir.

4.5.1) Les thèmes

Nous avons demandé aux répondants d'évaluer, selon la même échelle présentée plus haut, certains

éléments: son rayonnement dans les arts visuels et littéraires; la vie des artistes en coulisses; la création

d'un spectacle de cirque; les types de cirques; les types de musique de cirque; l'histoire du cirque au fil

des siècles; l'historique du cirque au Québec. Nous présenterons les thématiques en ordre décroissant

d'intérêt manifesté.

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Son histoire au fil des siècles

Voir l'histoire de la civilisation à travers celle du cirque semble attirer beaucoup les répondants de notre

enquête. Pas un seul répondant s'est dit désintéressé. 85% des personnes interviewées ont répondu

qu'elles aimeraient tout à fait (75%) ou moyennement (10%) que l'histoire du cirque au fil des siècles

soit abordée. Un détail important à mentionner est que de toutes les modalités présentées à la question

onze, c'est l'historique du cirque qui semble le plus captiver “tout à fait” les répondants. Il est donc de

mise, nous semble-t-il, que l'historique du cirque soit abordée dans une éventuelle exposition sur le

cirque.

Son histoire au Québec

L'historique du cirque au Québec est un thème qui a suscité beaucoup d'intérêt. Les répondants sont

quasi-unanimes pour que l'on aborde un tel thème. 72.5% disent être tout à fait curieux face à ce sujet

et 12.5% disent l'être moyennement. 15% des répondants n'ont pas manifesté d'intérêt marqué (7.5%

ont répondu peu et 7.5% on répondu pas du tout). Nous croyons que la curiosité que les répondants

manifestent face à ce thème découle directement du succès du Cirque du Soleil qui s'est fondé ici même,

au Québec. Nous croyons important de mentionner que 90% des répondants habitaient au Québec et

que de ceux-ci, 62.5% était de la région de la ville de Québec.

La création d'un spectacle de cirque

Le processus de création d'un spectacle de cirque intéresse fortement les répondants. 92.5% des

répondant ont manifesté un intérêt à ce que l'on aborde, dans une exposition éventuelle, le processus de

création d'un spectacle de cirque. 70% des répondants sont tout à fait intéressés à ce que ce thème soit

abordé et 22.5% le sont moyennement. Une infime minorité des répondants (2.5%) ne voudrait pas du

tout que le thème du processus de création du spectacle soit présenté. Étant donné l'intérêt marqué,

nous recommandons fortement que le Musée songe à aborder le processus de création d'un spectacle de

cirque lors de l'exposition.

Les types de cirques

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Nous avions remarqué, lors de notre étude exploratoire, que le cirques s'était largement modifié et

diversifié depuis ces débuts. Comme nous l'avions noté, le cirque s'adapte aux réalités des sociétés dans

lesquelles il se fonde. Les cirques traditionnels, modernes et post-modernes existent toujours et ils sont

en constante évolution. La population québécoise a vu naître un cirque qui manifestait les mutations du

cirque traditionnel. Conscients des différents types de cirque (sans nécessairement les connaître), 82.5%

des répondants ont indiqué qu'ils voudraient en savoir plus à ce sujet. Plus précisément, 45% des

personnes enquêtées ont dit être tout à fait intéressées à ce que l'on aborde un tel thème. Une bonne

partie de l'échantillon, soit 37.5%, a toutefois indiqué que son intérêt était moyen. 17.5% des

répondants sont peu (5%) ou pas du tout (12.5%) curieux de connaître les différents types de cirque.

Les types de musique de cirque

Lors de l'administration du sondage, nous avons remarqué que la musique fut un des mots-clé souvent

mentionné quand nous demandions aux gens à quoi le mot cirque leur faisait penser. Il n'est donc pas

surprenant que 85% des répondants disent vouloir en savoir plus sur les différents types de musique de

cirque. En fait, 45% disent vouloir que l'on aborde ce sujet et 40% disent être moyennement intéressé.

Cependant, 12.5% des répondants ont manifesté peu d'intérêt et 2.5% se sont dit pas du tout intéressé.

Quoique la proportion des gens peu ou pas du tout intéressé n'est pas négligeable, nous croyons tout de

même que le Musée devrait retenir ce thème.

La vie des artistes en coulisses

L'intérêt suscité pour la vie des artistes de cirque en coulisses s'est manifesté de manière assez évidente:

37.5% des répondants ont dit qu'ils seraient tout à fait intéressés à ce que le Musée aborde ce thème. En

regroupant les répondants intéressés tout à fait et moyennement nous obtenons une catégorie largement

majoritaire se situant à 75%. Les répondants ne manifestant pas d'intérêt ou peu représentent 25% de

l'échantillon (10% et 15% respectivement). Un détail intéressant a noter nous a été émis par certains des

répondants qui justifiaient le fait qu'ils n'étaient pas du tout intéressé. Ceux-ci nous ont dit que ce qui

expliquait l'attrait du cirque, c'était en partie l'aspect inhumain que les artistes dégageaient. Dans la

même ligne de pensée, selon ces mêmes répondants, si l'on présente l'artiste comme une personne

normale, comme un humain, il perd tout ce qui faisait de lui quelqu'un de spectaculaire. Puisque cet

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opinion a été exprimé par 5% seulement des répondants, nous ne sommes pas convaincus qu'il soit

pertinent d'en tenir compte.

Son histoire dans d'autres pays

Nous avons été surpris par les résultats de cette question. De part l'information recueillie lors de l'étude

exploratoire, nous nous attendions à ce que les gens manifestent une plus vive curiosité par rapport à

l'histoire du cirque dans d'autres pays. Sachant que le cirque existe depuis deux cent ans et ce, à

l'extérieur du Canada, et encore plus ailleurs qu'au Québec, et qu'en plus, l'histoire du cirque québécois

remonte vaguement à pas plus de 50 ans, nous restons perplexe face à ces résultats. Sans vouloir nous

lancer dans un débat d'ordre culturel et politique, nous croyons que ces résultats doivent être pris avec

un bémol. Tandis que 35% des répondants disent vouloir “tout à fait” que ce sujet soit abordé,

seulement 15% manifestent un intérêt “moyen”, 15% manifestent “peu” de curiosité et 35% ne veulent

“pas du tout” connaître l'histoire du cirque dans d'autres pays. Si nous regroupons les quatre catégories

en deux seules, nous sommes en mesure de dire que l'intérêt est tout à fait divisé à égalité.

Son rayonnement dans les arts visuels et littéraires

Nous avions remarqué, lors de notre recherche exploratoire, le vif intérêt que manifestaient les

spécialistes de cirque (Jando, Le Coultre, Thétard et autres) pour le rayonnement du cirque dans les arts

visuels et littéraires. Afin de vérifier si cet intérêt était aussi prononcé chez les non-spécialistes, nous

avons inclût ce thème dans la question onze. Les réponses n'ont pas été aussi enthousiastes

qu'escompté. L'intérêt se manifeste comme étant divisé de façon quasi-parfaite entre les quatre choix de

réponses. 25% des répondants (10 personnes) ont dit ne pas être intéressés du tout à un tel sujet; 25%

des répondants ont dit être tout à fait intéressés par le rayonnement du cirque dans les arts visuels et

littéraires. Si nous regroupons les gens qui ont répondu pas du tout ou peu, et ceux qui ont répondu

moyennement et tout à fait, nous nous retrouvons avec 47.5% des gens qui ne sont pas intéressés et

52.5% des gens qui le sont. L'opinion étant clairement divisé, nous ne sommes pas en mesure de juger

s'il serait pertinent d'aborder ce thème, sachant que près de la moitié des répondants ne semblent pas

intéressé.

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4.5.2) Le matériel

La question allait comme suit : Une exposition sur le thème du cirque devrait-elle présenter...? Comme

pour les autres questions à échelles, le répondant évaluait son intérêt sur une échelle allant de un à

quatre. Dans l'ensemble, les réponses qui nous ont été données étaient polarisées. Pour la plupart des

questions, les réponses indiquaient un intérêt prononcé. En fait, à un pôle, nous retrouvions les gens qui

voulaient que le Musée expose tel ou tel thème, et à l'autre pôle, les gens ne manifestaient pas d'intérêt

pour la présentation de ces thèmes. Nous nous sommes donc donnés la liberté de regrouper les

réponses en deux catégories soit tout à fait et peu. Comme pour la question 11, nous présentons les

résultats en ordre d'intérêt décroissant.

Des objets et accessoires de cirque

Nous croyons que l'intérêt manifesté par les répondants face aux objets de cirque s'explique par le fait

que ceux-ci ne sont pas accessibles sur une base quotidienne. Par exemple, les spectateurs auront

rarement la chance de voir et de toucher un unicycle. 92.5% des répondants aimeraient qu'un tel

matériel leur soit présenté lors d'une exposition sur le cirque. 7.5% seulement des répondants n'ont pas

manifesté d'intérêt.

Des costumes de cirque

Les costumes de cirque, comme les objets et accessoires, sont des éléments que notre échantillon juge

comme étant essentiels. 92.5% des répondants voudraient que le Musée présente des costumes. La

raison, nous semble-t-il, est la même que celle évoquée à la question 12.1.

De la musique de cirque

Comme nous l'avions remarqué à la question 11.5, la musique de cirque dégage quelque chose de

fascinant, d'intrigant. Les réponses à cette question ont été dans le même sens qu'à la question ci-haut

mentionnée. 92.5% des répondants voudraient que cet élément soit présenté et 7.5% ne s'y intéresse pas

vraiment.

Des films sur le cirque

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85% de répondants aimeraient que le Musée présente, lors de son exposition, des films ayant comme

thème le cirque. 15% n'ont pas manifesté vouloir voir ce genre de films.

Des extraits vidéo

Pour ce qui en est des extraits vidéos, nous remarquons qu'ils n'ont pas suscité un intérêt marqué.

Toutefois, 82.5% des répondants ont dit qu'ils voudraient voir, dans une exposition ayant pour thème le

cirque, des extraits vidéos. 17.5% de notre échantillon ne voyait pas forcément la nécessité d'incorporer

de tels éléments dans une exposition.

Des photographies et des oeuvres d'art réalisées sur le thème du cirque

Encore une fois, l'intérêt est divisé. 77.5% de nos répondants voudraient voir des photographies et

oeuvres d'art réalisées sur le thème du cirque. 22.5% se disent peu intéressé à une telle présentation.

Des archives de cirque

La présentation d'archives de cirque est loin de faire l'unanimité au sein de nos répondants.

Contrairement aux autres sous-questions, L'intérêt est beaucoup moins prononcé. Seulement 75% des

répondants ont semblé intéresser par ce matériel d'exposition. Une forte proportion de notre échantillon

a répondu qu'elle était peu intéressée aux archives de cirque (25%).

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5) Suggestions pour le projet d’exposition sur le thème du cirque

Le Musée de la civilisation nous a confié, en septembre dernier, le mandat de réaliser une étude

exploratoire pour une éventuelle exposition sur le thème du cirque. Nous avons reçu la tâche, dans

un premier temps, d’énoncer la spécificité de la problématique du cirque. En d’autres mots, il

fallait dégager et exposer clairement l’ensemble des questions entourant le cirque. Nous avons

alors présenté la problématique du cirque en trois points, soit son historique, son rayonnement

dans les autres formes d’art ainsi que son attrait. Suite à cela, nous avons dégagé les deux pistes

de recherche qui avéraient les plus pertinentes à approfondir dans le cadre une exposition

éventuelle sur le cirque. C’est ainsi que nous avons chercher à connaître les perceptions qu’ont les

gens d’un spectacle de spectacle, ainsi qu’à en expliquer l’attrait.

De plus, le Musée voulait connaître les thèmes que les gens aimeraient voir aborder et le matériel

qu’ils aimeraient découvrir dans un exposition sur le thème du cirque. Pour répondre à nos

interrogations ainsi qu’à celles du Musée, nous avons construit et administré à des visiteurs du

Musée un questionnaire. L’analyse et l’interprétation des résultats de ce dernier sont exposés dans

la section Analyse et interprétation des résultats. Suite à l’interprétation des résultats obtenues,

nous sommes maintenant en mesure de faire des suggestions qui, espérons-nous, serviront à guider

la mise en place de l’exposition sur le thème du cirque.

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L’analyse des diverses perceptions que les gens ont du cirque nous a amené à constater que la

majorité des personnes interrogées perçoivent le cirque de la manière suivante : Un cirque, ce

serait tout simplement un chapiteau sous lequel on assiste à des numéros (qui ont lieu sur une

scène) de funambules, d’acrobatie, d’animaux domptés ou dressés et à des clowneries. C’est un

spectacle très théâtral, très animé et dont l’ambiance est quelque peu magique. Sachant cela,

voici quelques suggestions qui sont susceptibles d’éclairer les choix qui seront faits par les

concepteurs de l’exposition.

Connaître la perception de la majorité des visiteurs sur un thème donné, c’est un peu connaître la

manière dont l’exposition doit être présentée. D’abord, puisque la majorité des visiteurs perçoivent

le cirque comme étant un spectacle très théâtral, très animé et dont l’ambiance est quelque peu

magique, l’exposition devra accorder une place de premier plan à l’ambiance de l’exposition. En

mettant l’accent sur les couleurs du cirque, en donnant une place de premier plan à la musique, en

rendant l’exposition interactive, soit par des ateliers de maquillage et des numéros de jongleries

comme certains visiteurs l’ont conseillé, l’exposition devrait plaire.

De plus, l’exposition doit s’inspirer des motivations qu’eurent les gens à assister à un spectacle de

cirque. On doit entrer dans l’exposition et avoir l’impression d’entrer dans un cirque. Suivant de

cette idée, il serait bon que l’exposition réussisse à créer des émotions fortes chez les gens, à les

fasciner, à les éblouir. Encore une fois, faire de cette exposition carrément un cirque ; un cirque

portant sur les cirques. L’exposition doit faire appel autant sinon plus aux sens des visiteurs qu’à

leur désir d’apprendre. Une exposition animée, une exposition originale dans la présentation de

son contenu, une exposition qui, comme le cirque, soit un événement rare, voilà des idées qui

doivent restées constamment en tête des concepteurs de l’exposition.

L’enquête a révélé que 85% des répondants avaient déjà assisté à au moins un spectacle de cirque.

Cela signifie que la majorité des visiteurs connaissent déjà le contenu général d’un cirque.

L’exposition, dans ce sens, ne doit pas se contenter d’avoir une simple fonction de rappel, elle doit

surprendre par son côté informatif. Cela cependant ne doit pas être fait à la manière classique de

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présenter l’information dans une exposition, soit en utilisant des panneaux documentaires. Nous

croyons qu'il est de mise que l'exposition accorde une place de premier plan au volet historique du

cirque, ses principaux intérêts étant l'évolution du cirque au fil des siècles, l'histoire du cirque au

Québec, son histoire dans d'autres pays et les différents types de cirque, mais nous croyons aussi que

cela doit être fait de manière à surprendre le visiteur.

Les gens se sont dit intéressés par l’histoire du cirque si elle était présentée en mettant d’accent sur

les principales caractéristiques des cirques de divers pays et comparant ces caractéristiques. Dans

cette ordre d’idées, rappelons que l’histoire du cirque est remplie de faits cocasses et d’histoires

incroyables. Loin d’être aride, elle est passionnante à lire car remplie de rebondissements et

d’actions. Ainsi, elle se prête bien à une présentation dans le style Saviez-vous que...

Les répondants ont aussi manifesté un intérêt à ce que le Musée présente des informations relatives à

l'industrie du cirque et à la production d'un spectacle de cirque. La présentation de la vie des artistes en

coulisse serait propice à une telle présentation.

Le rayonnement du septième art dans les autres formes d'art ne suscite pas beaucoup l'intérêt des

répondants. Si le Musée tient à présenter ce thème, nous recommandons qu'il le fasse de manière

interactive de telle sorte que les visiteurs puissent apprendre tout en participant. Le Musée pourrait

aussi intégrer le rayonnement du cirque dans les autres formes d'art à un autre thème qui intéresse,

comme par exemple l'histoire du cirque. Les visiteurs seraient ainsi en mesure de voir l'évolution du

cirque par l'entremise de la peinture, de la littérature, du cinéma et du théâtre.

Ajoutons que la musique est un thème, comme nous l'avons déjà dit, qui revient souvent quand nous

demandons aux répondants de dire à quoi le cirque les fait penser. Il serait intéressant, pour l'exposition,

de faire entendre aux visiteurs différentes sortes de musique tout au long de la visite, de telle sorte que

l'ambiance du cirque puisse être reproduite. Il va sans dire qu'il est primordial de présenter des objets,

des accessoires et des costumes de cirque. L'intérêt manifesté est sans contredits prononcé.

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Aller au cirque, c’est un peu comme faire un rêve pendant quelques heures. Si l’exposition met

l’accent sur les éléments qui attirent les gens au cirque, si l’exposition réussit à devenir un cirque à

son tour, les gens seront séduits à coup sûr. Il ne faut pas oublier que le cirque n’est pas un

spectacle comme les autres et que les gens s’y rendent en grande partie pour voir un « spectacle

hors du commun ». Dans cet ordre d’idées, l’exposition doit en être une hors du commun.

En guise de conclusion

Nous espérons que ce rapport fournira des réponses à la majorité des questions que se posait le

Musée de la civilisation concernant le thème du cirque. En effet, la première partie du rapport se

veut une synthèse de la problématique du cirque et peut s’avérer fort utile pour orienter le Musée

vers les faits importants de l’histoire du cirque. De plus, la partie empirique de notre rapport

explique brièvement mais clairement les perceptions d’un spectacle du cirque, les motivations que

les gens ont à y assister, l’attrait du spectacle comme tel, ainsi que les thèmes et le matériels que

des visiteurs aimeraient découvrir. Bien sûr, le sujet ne sera jamais vraiment épuisé, ne serait-ce

que parce que le cirque est encore bien vivant, mais nous avons le sentiment d’avoir fourni des

réponses plutôt complètes aux questions du Musée.

Il convient ici de souligner que nous croyons que des aspects importants du sujet méritent encore

d’être approfondis, notamment l’influence et la place de certains mouvements sociaux dans

l’univers symbolique du cirque, le rapprochement entre le théâtre et le cirque et la raison pour

laquelle le rayonnement du cirque semble d’éteindre en 1980 alors que c’est là le début du cirque

nouvelle vague. Cependant, il s’agit là de questions quelque peu éloignées de notre mandat de

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départ et c’est pourquoi nous les avons laissées en suspens. Mais qui sait, étant donné l’intérêt

croissant que les cirques suscitent, sans doute des « théories » explicatives de leur succès n’ont pas

finies de pleuvoir.

Bibliographie

ALLAIRE, André et Sophie PINEAU, Étude sur le public fidèle du Musée de la civilisation de l’hiver 1993, Québec, Musée de la civilisation, mai 1993, rapport numéro 2, 62 pages.

AMIARD-CHEVREL, Claudine et coll., Du Cirque au théâtre, Lausanne, Éd. L’âge d'homme, 1983,239 pages.

BOST, Pierre, Le Cirque et le music-hall, Paris, Éd. Au sans pareil, 1931, 253 pages.

BOUDREAULT, Julie, Le Processus de création au Cirque du Soleil : l'exemple du spectacleSaltimbanco, Québec, Université Laval, 1993, 199 pages.

BOUISSAC, Paul, Circus and Culture ; a Semiotic Approach, Bloomington, Indiana University Press,1976, 206 pages.

BRAUDEL, Fernand, Les Jeux de l’échange, Paris, Éd. Armand Collin, 1979, 600 pages.

BUREN VON, Alice, « Aux sources révolutionnaires du cirque » dans Courrier de l’Unesco,volume 45, avril 1992, pages 14-17.

CAYOUETTE, Pierre, « Le Cirque Éloize a sa place au soleil » dans Le Devoir,30 décembre 1996, page B8.

CLAVEAU, Estelle et Christine CÔTE, La Philosophie du Musée de la Civilisation et organisation

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du Musée de la Civilisation, Formation générale des bénévoles, Québec, Service de l'action et des relations avec les musées québécois, printemps 1996, 126 pages.

CORDON, Paul, Instants du cirque, Paris, Éd. du Chêne, 1977, 302 pages.

DAIGNAULT, Lucie et Christine ROUTHIER, Le Public adolescent : ses attentes et ses intérêts;Enquête préalable au projet d'exposition sur la Drogue, Québec, Musée de la civilisation, mars 1995, rapport d’étude numéro 15, 118 pages.

DAVIDSON, Sandy et David JAMIESON, La Passion du cirque, New York, Éd. Grund, 1980,95 pages.

DEMARCY, Richard, Éléments d'une sociologie du spectacle, Paris, Éd. Union Générale, 1973,447 pages.

DUVIGNAUD, Jean, Sociologie de l'art, Paris, Éd. Presses universitaires de France, 1967, 142 pages.

Encyclopédie française, Éd. Librairie Larousse, 24 volumes, 1986-1989.

ETAIX, Pierre, Joies du cirque, Paris, Éd. Hachette, 1977, 237 pages.

FARGIER, Marie-Odile, « Un cirque pas comme les autres » dans Sciences et Vie junior, numéro 78, février 1996, pages 27-30.

GAUTHIER, Benoît, Recherche sociale, Québec, Éd. Presses de l’Université du Québec, 2ième

édition, 1995, 584 pages.

GERMAIN, Georges-Henri, « Dragone, le philosophe du cirque » dans L’actualité, numéro 19, juillet 1994, pages 83-86.

GIRARD, Marie-Claude, Éléments de l’art clownesque au Québec, Québec, Université Laval, 1993,187 pages.

GUÉRICOLAS, Pascale, « En piste » dans Contact, Québec, Université Laval, hiver 1997,pages 16-17.

JANDO, Dominique, Histoire mondiale du cirque, Paris, Éd. Delarge, 1977, 212 pages.

JACOB, Pascal, La grande parade du cirque, Paris, Éd. Les Découvertes Gallimard/Tradition,1992, 176 pages.

JEAN, Pierre, Le Monde fascinant du cirque, Montréal, Éd. de l’Époque, 1987, 157 pages,

LE COULTRE, Jean, « Le cirque dans les arts » dans Le grand Livre du cirque, Genève,Ed. Bibliothèque des Arts, tome 1, 1977, 456 pages.

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LÉVY, Pierre Robert, « Les clowns » dans Le grand Livre du cirque, Genève, Ed. Bibliothèque des Arts, tome 1I, 1977, pages 81-138.

MINGHUA, Haang, « L’acrobatie chinoise a 2000 ans » dans Les cahiers de l’Unesco,numéro 41, janvier 1985, pages 1-38.

RAMON, Gomez de la Serna, traduit par Adolphe FALGAIROLLE, Le cirque, Paris,Les documentaires, 4ieme édition, 1927, 214 pages.

RENEVEY, Monica, « Le cirque russe » dans Le grand Livre du cirque, Genève, Ed. Bibliothèque des Arts, tome 1, 1977, pages 145-190.

ROCHER, Guy, Introduction a la sociologie générale, Québec, Éd. Hurtubise HMH, 1969, 562 pages.

ROUTEAU, Luc, « Au cirque » dans Esprit, numéro 370, mai 1980, pages 72-74.

RIVIÈRE, Claude, symbole social, dans Dictionnaire de la sociologie, Paris, Références Larousse,520 pages.

ROUTHIER, Christine, Entre la diffusion et la convivialité, Québec, Le Musée de la Civilisation etl’université Laval, 1991, 71 pages.

SAINT-PIERRE, Céline et Thierry ROUSSEAU, Bibliographie thématique sur le travail et latechnologie, Québec, Musée de la Civilisation, Août 1993, document numéro 6, 48 pages.

STAROBINSKY, Jean, Portrait de l'artiste en saltimbanque, Genève, Éd. Dans les sentiers de lacréation, Albert Skira, 1970, 154 pages.

THÉTARD, Henry, La merveilleuse histoire du cirque, Paris, Éd. Julliard, 1978, 635 pages.

VESQUE, Marthe et Juliette, Le Cirque en images, Paris, Éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, 1977,206 pages.

VIGEANT, Louise, La lecture du spectacle théâtral, Québec, Éd. Mondia, 1989, 228 pages.

WEIDER, Ben, Louis Cyr, l'homme le plus fort du monde, Montréal, Éd. VLB éditeur, 1976,173 pages.

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Annexe I

Bibliographie commentée

Voici la liste des études que nous avons jugés pertinentes de commenter, étant donné l’apportspécifique que chacune d’elles amènent au cirque. Elles sont classées par ordre alphabétique dunom de famille des auteurs.

BOUDREAULT, Julie, Le Processus de création au Cirque du Soleil : l'exemple du spectacleSaltimbanco, Québec, Université Laval, 1993, 199 pages.

La thèse de Julie Boudreault consiste à étudier les processus créateurs de la troupe du Cirque du Soleillors de la création de leur spectacle Saltimbanco. La thèse en tant que telle se divise en deux principalessections. D’abord, elle retrace rapidement l’histoire du cirque en général. Ensuite, elle se concentre surcelle du Cirque du Soleil. Ce livre donne un très bonne idée générale des composantes du cirque, carelle passe en revue et de façon détaillée tout les types de numéros de cirque.

GIRARD, Marie-Claude, Éléments de l’art clownesque au Québec, Québec, Université Laval, 1993, 187 pages.

Ce mémoire se veut un constat de quelques éléments constitutifs des clowns québécois. Pour sefaire, l’auteure retrace de manière précise l’apparition et l’évolution des clowns sous leschapiteaux français, anglais et américains pour expliquer d’où proviennent les divers éléments del’art clownesque au Québec. Il est intéressant à consulter car il considère le clown sous ses aspectshistoriques et sociologiques.

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THÉTARD, Henry, La merveilleuse histoire du cirque, Paris, Éd. Julliard, 1978, 635 pages.

C’est en quelque sorte la bible du cirque. Thétard, ancien dompteur de lion, retrace l’histoirecomplète du cirque, de l’Égypte ancienne jusqu’à nos jours. Les origines, les numéros, les pays, lesartistes, tout y passe et de manière très détaillée. L’auteur a travaillé au cirque, s’en est passionnéet a produit ce livre qui comblera autant les historiens que les simples curieux. Il s’agit du plusbeau bijou écrit sur l’histoire du cirque.

VESQUE, Marthe et Juliette, Le Cirque en images, Paris, Éd. G.-P. Maisonneuve et Larose, 206 pages.

Il s’agit d’un recueil de plusieurs dizaines d’images que les soeurs Vesque, des dessinatricesamateures passionnées de cirque, ont réalisées entre 1900 et 1950. Ces images sont intéressantescar elles sont en quelque sorte non pas de la matière brute, mais plutôt de la matière déjà analyséeofferte au jeu de l’interprétation du spectacle du cirque. Cependant, ce livre ne fait partque d’une toute petite partie du travail des soeurs Vesque. Pour une éventuelle exposition sur lecirque, nous mentionnons que le fond complet de ces archives se trouve au Musée national desarts et traditions populaires à Paris.

WEIDER, Ben, Louis Cyr, l'homme le plus fort du monde, Montréal, Éd. VLB éditeur, 1976, 173 pages.

Ce livre raconte de manière simple la vie du célèbre colosse du Québec, Louis Cyr. Il est captivantà lire, mais les événements mentionnés manquent beaucoup de détails. Par exemple, les dates desgrands événements de la vie de Louis Cyr sont souvent très imprécises, sinon inexistantes.Cependant, ce livre est un véritable recueil d’archives photographiques de la vie de Louis Cyr. Ony retrouve une série de photographies retraçant les différentes étapes de sa carrière d’homme fortet de propriétaire de cirque. Il peut être utile pour monter une exposition.

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Annexe II

Liste des meilleurs long-métrages réalisés sur le thème du cirque

Titre Année RéalisateurLe Cirque 1927 Charles ChaplinLe Cirque fantastique 1959 Joseph M. NewmanLe Clown et l’Enfant (Toby Tyler) 1959 Charles T. BarlonLes Clowns 1970 Frederico FelliniLe Fou du cirque 1957 Michael KiddFreaks 1932 Tod BrowningLes Géants du cirque 1954 James Edward GrantLes Gens du voyage 1938 Jacques FeyderLe jour où le clown pleura 1972 Jerry LewisLarmes de clown 1924 Victor SjöströmLimelight 1952 Charles ChaplinLola Montès 1955 Max OphülsLa Nuit des forains 1953 Ingmar BergmanParade 1974 Jacques TatiLa plus belle Fille du monde (Jumbo) 1962 Busby BerkodLe Plus Grand Cirque du monde 1964 Henry HathwaySous le plus grand chapiteau du monde 1952 Cecil B. de MillleSous le plus petit chapiteau du monde 1957 Basil Dearden

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Trapèze 1955 Carol ReedUn jour au cirque 1939 Edward BuzzelVariétés 1925 Ewald-André DupontYoyo 1965 Pierre Étaix

Source : JACOB, Pascal, La grande parade du cirque, Éd. Les Découvertes Gallimard/Tradition, Paris, 1992, p.165

Annexe III

Questionnaire__________________________________________________________________________________________________

Madame, Monsieur,

Nous sommes deux étudiants au baccalauréat en sociologie à l’université

Laval et nous réalisons ce sondage dans le cadre du cours Laboratoire de

recherche.

Suite à la demande du Musée de la civilisation, qui prépare actuellement

une exposition sur le thème du cirque, nous devons réaliser une étude

exploratoire. Cette étude a pour but de connaître les intérêts et les

perceptions qu’ont les gens à propos du cirque.

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Nous vous remercions à l’avance de prendre quelques minutes de votre

temps afin de compléter ce questionnaire.

Valérie Laflamme Francis Cauchon

PREMIERE PARTIE

1) Avez-vous déjà assisté à un (ou plusieurs) spectacle(s ) de cirque ?

1) oui [ ]2) non (passez à la question 4) [ ]

2) À combien de spectacle(s) de cirque avez-vous assisté(s) ?

1) un seul [ ]2) de deux à cinq [ ]3) plus de six [ ]

3) Qu’est-ce qui vous a attiré à un spectacle de cirque ?____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

4) À quoi le mot cirque vous fait-il penser ?__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

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__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

5) Selon vous, le cirque est un spectacle qui s'adresse à quel(s) public(s) en particulier ?__________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

6) D’après vous, est-ce qu’un spectacle de cirque comporte les éléments suivants :Pour chacun des éléments, répondre en encerclant le chiffre correspondant à votre choix selonl’échelle.

pas du tout peu moyennement tout à fait 1) une scène ?...............................................1 2 3 42) un amphithéâtre ?................................... 1 2 3 43) un chapiteau ?.........................................1 2 3 44) des clowns ?.............................................1 2 3 45) des animaux domptés ou dressés ?........ 1 2 3 46) des acrobates ?.........................................1 2 3 4 7) un maître de cérémonie ?........................1 2 3 48) des funambules ?.................................... 1 2 3 49) des gymnastes ?...................................... 1 2 3 410) des kiosques de foire ?........................... 1 2 3 411) des personnes ayant un handicap extraordinaire ?...................................... 1 2 3 4 (comme une femme à barbe, un homme élastique, etc.)12) des animaux ayant une particularité extraordinaire ?..................................... 1 2 3 4 ( comme une poule aux oeufs d’or, la plus grosse vache du monde, etc.)

DEUXIEME PARTIE

7) Parmi les éléments suivants, quels sont ceux qui pourraient expliquer l'attrait des gens à unspectacle de cirque ?Cochez autant de réponses que désirées.

1 [ ] C’est un spectacle hors du commun (précisez) : _____________________________________________________

_____________________________________________________

2 [ ] À cause de son ambiance (précisez) : _____________________________________________________

_____________________________________________________

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3 [ ] Parce qu’on y voit des exemples de domestication de la nature par des êtres humains (précisez) : (ex : le dompteur de lions, le dresseur d’éléphants, etc.)

_____________________________________________________ _____________________________________________________

4 [ ] Parce qu’on y voit des exemples de dépassement des limites du corps humain (précisez) : (ex : une contortionniste, une pyramide humaine, etc.)

_____________________________________________________ _____________________________________________________

5 [ ] Pour d’autres raisons, (précisez) : ______________________________________________________

______________________________________________________

8) Selon vous, est-il possible d’exporter un spectacle de cirque d’un pays à un autre sans en modifier le contenu ?

Oui [ ]1Non [ ]2

9) Si oui, pourquoi ? Si non, quelles sont les adaptations que l’on devrait apporter à un spectacle de cirque pourqu’il puisse être exportable ?____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

10) D’après vous, est-ce qu’un spectacle de cirque attire autant les jeunes que les moins jeunes ?Si oui, qu’est-ce qui expliquerait ce phénomène ?____________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________________

TROISIEME PARTIE

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11) Dans une exposition sur le cirque, aimeriez-vous que l’on aborde...Pour chacun des éléments, répondre en encerclant le chiffre correspondant à votre choix selonl’échelle.

pas du tout peu moyennement tout à fait1) son rayonnement dans les arts visuels et littéraires ?................................................1 2 3 42) la vie des artistes en coulisses ?...................1 2 3 43) la création d’un spectacle de cirque ?.........1 2 3 44) les types de cirque ?.....................................1 2 3 45) les types de musique de cirque ?.................1 2 3 46) son histoire au fil des siècles ?....................1 2 3 47) son histoire au Québec ?..............................1 2 3 48) son histoire dans d’autres pays* ?...............1 2 3 49) autre (s), précisez (en indiquant l’importance que vous y accordez selon l’échelle ci-dessus) :

____________________________________________________________

*si vous avez choisi un chiffre autre que 1, précisez le ou les pays : _______________________________ _______________________________

12) Une exposition sur le thème du cirque devrait-elle présenter :Pour chacun des éléments, répondre en encerclant le chiffre correspondant à votre choix selonl’échelle.

pas du tout peu moyennement tout à fait1) des objets et accessoires de cirque ?......1 2 3 4 2) des costumes de cirque ?........................1 2 3 43) des extraits vidéo ?.................................1 2 3 44) de la musique de cirque ?.......................1 2 3 45) des archives du cirque ?..........................1 2 3 4 6) des photographies et des oeuvres d’art réalisées sur le thème du cirque ?..1 2 3 47) des films sur le cirque ?..........................1 2 3 4

8) autre(s), précisez (en indiquant l’importance que vous y accordez selon l’échelle) : ______________________________________

______________________________________

Fiche biographique du répondant

1) le sexe : masculin [ ]1féminin [ ]2

2) la catégorie d’âge :moins de 18 ans [ ]118-24 ans [ ]225-34 ans [ ]3

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35-44 ans [ ]445-54 ans [ ]555-64 ans [ ]665 ans et plus [ ]7

3) la provenance : région de Québec [ ]1région de Montréal [ ]2autre région du Québec [ ]3autre région du Canada [ ]4hors du Canada [ ]5

4) le niveau de scolarité : primaire [ ]1secondaire [ ]2collégial [ ]3universitaire [ ]4