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Troisième Année. IParait tous les jVIeroï*eclls — TV° 31. LE L D ANNONCES ABONNEMENTS : Un an, pour Issoire, . . . 5 fr. id. pour le Département, . 6 fr. id. hors du Département, . T fr. Un Numéro 1O c. On s'abonne à, Issoire, à, l'Imprimerie BOUNOURE «Se OLLIER RUE DE CHATEAUDUN ET BOULEVARD DE LA MANUKRE. ANNONCES : Annonces Judiciaires, ii-O c. la ligne Réclames et Avis divers, 2 5 c. la ligne Les Articles fi'Agriculture et de Littérature sont insérés gratuitement. CAISSE La Caisse d'Epargne d'Issoire a reçu dimanche dernier de 63 déposants dont 23 nouveaux, la somme de <Ho3o fr. 50 c. Elle a remboursé il6i- fr. 59 c. Issoire, le 24 Mai -1876. VILLE DISSOIRE.— SALLE DU THÉÂTRE. Lundi 29 Mai 4876. Spectacle Concert DONNÉ PAR LA SOCIÉTÉ LYRIQUE Avec le Concours des premiers Artistes de LÀ TROUPE D'OPÉRA DE CLERMOMT PREMIÈRE PARTIE 1» L'ISSOIRIEX, Pas redoublé, (C. BUN.) exécuté par la Société. 2° TÉNOR LÉGER, chanté par M. CHADORGE. 3° FANTAISIE PASTORALE, pour violon et piano, de (ROBBEBRECH) exécutée par MM. de SEREYS et CLAUSSMANN. i-° CAVATINE duBarbior ds Séville, chantée par Madame VAREZ. 5" UXE CHAMBRE A DEUX LITS, vaudeville en un acte de MM. VARIX et LEFEVRE, joué par 2 Sociétaires. 6" GRAND AIR DU CtlALET (ADAM). Exécuté par la Société Lyrique. •• vr.v-T-•-•-..'... Quinze minutes d'entr'acte. -••"f**->••*.<??•••••-:• DEUXIÈME PARTIE. •1° NE TOUCHEZ PAS A LA REINE, . (BOIS?EI.OT). Fantaisie exécutée par la Société Lyrique. 2° DIEU SEUL ME LA RENDRA, . (P. HENRION). Romance chantée par M. LAFARGE. AIR DU BAL MASQUE, chanté par M. DUFFAURE. 4° FANTAISIE pour Piano, exécutée par M. CLU:SSMAN\N\ LE MAITRE DE CHAPELLE, opéra comique en un acte, paroles de M ma Sophie GAY, musique de M. PAER. Distribution: Barnabe, maître de Chapelle. . MM. DUFFAURE. Benetto, son neveu KEIÏKOVEN. Gertrade, cuisinière de Barnabe. M r " c VAREZ. 6° BADE, Polka, exécutée par la Société lyrique (***) Le Piano sera tenu par M. CLAUSSMANS. Ouverture des bureaux à 7 h. 1/4. On commencera à 8 h. PRIX DES PLACES: Premières, 2 f. Secondes 1 fr. On pourra, se procurer des Billets à Vacance au bureau du Journal. FEUILLETON DU MONITEUR DISSOIRE (3) CHEMIN LE PLUS LONG : Vous savez donc la musique maintenant? s'écria Marie; à peine pouviez-vous la lire autrefois. Oui, j'ai appris au moins à jouer certains airs, ceux que vous aimiez, ajouta-t-il tout bas. Ainsi, à chaque instant, par raille occasions, se ré- veillait le feu qui avait couvé si longtemps et que les tendresses maternelles de M ma Primsay, les délicatesses charmantes de Marie ne pouvaient éteindre. Gaston ad- mirait la sérénité de Marie et la confiance qu'elle lui témoignait. Assurément, la situation était plus dillicile encore pour elle que pour lui ; et cependant elle sor- tait de toutes les épreuves sans qu'il en coulât rien à sa dignité, sans le moindre soupçon de coquetterie ; jamais elle n'était prise au dépourvu; jamais elle n'appuyait sur la blessure ineurable de Gaston; ou, quand elle le faisait, c'était pour lui rendre du courage en lui témoi- gnant qu'elle entendait les secrètes souffrances de son coeur ; et elle réussissait à le consoler sans jamais lui lais- ser la moindre espérance. Lui, au bout de deux jours, commençait à sentir que, si les premiers bonheurs de l'in- timité retrouvée avaient un instant endormi ses regrets, tout en leur laissant le charme d'une mélancolie innocente, jl allait lui devenir impossible de supporter plus long- emps une telle situation. LE SALON DE 1876. CAUSERIES D'UN FLANEUR (5 e article) A M. le Directeur du Moniteur d'Issoire: Mon cher ami, A travers la multitude des sujets qui appellent plus ou moins puissamment le regard, ceux vers lesquels la foule se dirige avec le plus de complaisance sont incon- testablement les sujets contemporains. Cela se conçoit. Devant une scène mythologique ou historique; devant une idée abstraite ou une symboli- sation presque toujours obscure, quelle entraînement peut-elle éprouver ? Tandis que, là où elle saisit d'em- blée et sans être obligée à un appel si infructueux a sa mémoire, elle s'arrête et contemple. Pour peu que le peintre ait été clair, notre foule est entièrement satisfaite: elle est à ce qu'elle veut voir, et surtout ce qu'elle veut voir est à elle. Quand je me suis dirigé vers le tableau de M. DÉTAILLE, En reconnaissance, il était entouré d'une bonne ving- taine de curieux, qui ne bronchaient pas et prenaient leur temps. Ils dégustaient l'épisode sans songer assez les égoïstes! que d'autres avaient le désir de voir comme eux,... et j'étais des plus avides parmi ces au- tres. Je me glissai, je me haussai, je me baissai ; je me livrai à une gymnastique toute particulière pour faire pénétrer mon regard entre les épaules et les tètes, et en prenant un bout par ci, un bout par là, je finis par posséder assez bien mes troupiers. Très-remarquable composition. Rien n'y vise au tour de force, et elle vous captive. Le (milan tombé sous sou cheval, le bonhomme guidant lus soldats, les sol- dats eux-mêmes, les habitants timidement curieux qui hasardent un coup d'oeil dans la rue de ce village un engagement vient d'avoir lieu, tout cela est posé juste, tout cela est touché vrai, tout cela est émou- vant. Avant-garde et troupe débouchant dans le fond sont disposés de la façon la plus saisissante. C'est soi- gné, pas léché, et d'une vérité de mouvement qui vous fait dire: « Je viens de voir ça!... » Une autre toile à succès, plus grande et aussi bien traitée dans un autre genre, est le Pinel, médecin en r!:ef de la Salpêtrière en 1795, de M. Tony ROBERT- FtEUttï.[Jusquos-!à lous et folles n'étaient traités... qu'avec de mauvais traitements. Le célèbre docteur intervient, et sa courageuse initiative, aussi humaine qu'éclaircc, obtient un plein succès en délivrant ces malheureux de leurs ceintures de fer et de leurs chaînes. Celle qui lui ombrasse la main traduit bien ce sentiment. La figure du docteur doit être un excellent portrait. Quant aux pauvres enfermés, il était dilïic-ile de mieux saisir les nuances diverses de leur folie; chaque physionomie a de- mandé certainement une étude profonde, et l'on est navré en voyant ces intelligences éteintes comme des flambeaux sur lesquels on a soufflé... Oh! la triste chose que le cerveau d'où la raison est partie ! Maintenant en manière de contraste, si vous voulez remonter aux premiers âges du monde, nous y voici Tout lui était un prétexte à réveiller des choses qu'il fallait laisser dormir. Un matin, il arriva de très-bonne heure et ne trouva personne au salon. Le piano était ouvert; il rejoua la vieille valse et chercha dans sa mé- moire d'autres airs qu'il avait appris pour s'entretenir de loin avec elle; mais toujours revenaient sous ses doigts des motifs do la Lucie: une histoire, une mu- sique, que n'écouteront jamais sans pleurer ceux qui ont aimé et qui redemandent ce qu'on ne retrouve jamais, les bonheurs et les désespoirs du premier amour. Lui aussi ne venait-il pas réclamer un bien qui était a lui? Il se sentait emporter par ce courant de regrets que précipitait la passion impétueuse de son coeur, sans cesse ranimée par ce crescendo de douleur qui est comme la perpétuelle harmonie du poème de Douizetti. Et toujours ce thème plaintif dominait sa pensée, con- duisait sa main, {'égarait en variations plus gémissantes encore, pour le ramener à cet air où éclatait la désolation, avec un accent d'ironie dont il enivrait sa douleur: Entcnd3-tu ces chante de ft!t2 ? C'est ton hymen qai s'apprête : Va de fleura orner ta tète, Tu pcar être heureuse encor. Marie était entrée sans qu'il l'entendît. Elle vint se placer derrière lui ; il l'aperçut en se retournant : elle paraissait plus émue qu'à l'ordinaire. Gaston lui je- ta un regard plein de désespoir et de reproche et, sans lui dire une parole, il frappa de nouveau les pre- mières mesures du chant qui exprimaient si bien ses angoisses : Entends-tu ces chants de fetc? Marie jeta ses mains sur le clavier, en lui disant d'une voix tremblante: Taisez-vous. — Et, fermant avec le Caïn et Abel de M. FALGUIËAJ?. Ce tableau étonne. L'artiste a-t-il voulu rompre avec la tradition biblique, ou a-t-il découvert une tradition apocryphe? En tout cas la Bible ne dit rien de cet enlèvement, de ce trans- portement de la victime par son meurtrier. Après que Dieu l'a maudit, puis pourtant assuré qu'on ne le tue- rait pas, voici ce que fait le fratricide selon l'Écriture: « Cain sortit donc de la présence du Seigneur, et s'en- fuit..., » laissant bien entendu, le cadavre de son frère. Ceux qui n'ont pas le livret ne devinent pas facile- ment le premier assassinat. Puis Caïn n'a vraimont pas l'air assez mauvais pour le crime qu'il vient de com- mettre; on dirait plutôt un passant qui s'est chargé d'un blessé pour lui porter secours. Dans cette pein- ture l'on voudrait peut être un peu plus d'énergie, ou sent néanmoins le sculpteur. L'effet, corps blancs sur fond noir, en a été trop facile à. obtenir. J'en préfère l'agencement à l'expression. Lorsqu'un genre se trouve abonder, faut-il à toute force voir une tendance? Je ne sais >i jamais Sa- lon a contenu autant de natures moi'lrs que nous en rencontrons cette année... et c'est la îv.ajnrité qui est bonne, qui est excellente. Si nous nous ><i:nines arrêté avec plaisir devant la plupart de ces sujets, très-variés, très-spirituels parfois, dans leur pittoresque monotonie, il nous sera bien impossible de vous ii-< ih-crire en détail. Comment nous reconnaître au inilii-u de ces fruits, de ces fleurs, de ces porcelaine-. de ces cris- taux, de ces tentures, de ces bouquins, du ces armures, de ces ustensiles de toutes sortes, sans compter les poissons, les gigots, les tètes de morts, el nussi les cha- teries et les gourmandises, huîtres, pâtés, vins, biscuits, etc., etc., etc.? Ce serait un bariolage à IMI perdre la vue. Tenons-nous en à la généralité... <v.\ admettant l'exceplion. Une des moins grandes de ces toiles, puulo minora .. .canamus,- m'a attire d'une façon . .to.u't.... exceptionnelle ;; : c'est celle intitulée "modestement Pêches, de M. TCHEH- KASKT. Ce n'est rien que ce titre, n'ess-cu pus ? Mais il faut voir le parti que le peintre en a tiré. Sur une table, dont un angle vous arrive en premier plan, est tendu un tapis aux riches couleurs; sur ce lapis est jetée une délicieuse guipure, très-curieusement drapée. Sur tout cela l'artiste a posé un pot en vieux Sèvre, un verre à moitié rempli de vin, puis une corbeille ;i jour sont blotties les pèches qui II.-IÎIS provoquent de leurs belles joues rouge tendre. Beaucoup d'auteurs rie natures mortes enlèvent leurs sujet--, sur un fond noir, ou au moins très-foncé, et obtiennent sans peine un effet. M. Tcherkasky, dont le tableau est si agréa- blement lumineux, a tout détaché clair sur clair. Son fond est une draperie de soie brodôu. D'en haut, à droite, glisse une chaude lumière, qui se répand doucement sur l'ensemble et donne de la valeur aus détails, en même temps fins et solil's. —11 y avait un pendant à ce tableau. Oranf/as... On se demande pourquoi il n'est pas à v-M de son frère ? Tous deux sont à croquer. Après nous être promené parmi ces nombreuses natures mortes, oit il y a parfois bien do la vie relative, re- venons à la vraie vie. L'invocation d: la mariée va piano, elle l'emmena presque de farce dans le jardin. Ils se promenèrent quelque temps en silence. Enfin Marie dit à Gaston: — Gaston, il faut suivre le conseil que ma mère vous donnait hier: il faut vous marier. — Jamais répondit Gaston d'une vnk sourde ; jamais! — Pourquoi? vous m'avez bien donné le même con- seil, presque le môme ordre. — Vous êtes cruelle. Madame. Pourquoi me rap- peler un acte insensé dont le souvenir seul empoisonne ma vie, mais qui, grâce à Dieu ot à vous n'a perdu que moi? Écoutez-moi, Marie. J'ai tenu la promesse que vous avez exigée de moi aussi fidèlement qu'il m'a été possible; j'ai fait de grands eiforts pour vous laisser croire que j'avais oublié le passé; j'ai retenu mes re- gards ; j'ai fait taire mes regrets ; j'ai caché les larmes qui ma venaient au moment vous me supposiez le plus tranquille ; vous avez même réussi à me faire passer entre vous et votre mère quelques bonnes heures qui compteront dans ma vie. En retour de la rude con- trainte que je me suis imposée, et maintenant que je vais vous quitter, laissez-moi vous aimer toujours, et souffrez que je vous le dise: Oui, Marie, je vous ai- merai toujours et vous seule. — Vous n'êtes pas raisonnable, Gaston: une autre vous donnerait peut-être le bonheur que vous n'auriez pas trouve avec moi. — Non, cela est impossible. Recevez le dernier ser- ment que vous entendrez de ma bouche. Jamais une au- tre ne prendra votre place dans ce coeur qui a été tout à vous et qui n'a jamais cessé de vous appar- tenir. Oh ! Marie ne comprenez-vous pas que la perte que j'ai faite est irréparable? Commentpourrai-jetrou- ver une autre Marie? La femme que j'épouserais, je

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Troisième Année. IParait tous les jVIeroï*eclls — TV° 31.

LEL D ANNONCES

ABONNEMENTS :Un an, pour Issoire, . . . 5 fr.

id. pour le Département, . 6 fr.id. hors du Département, . T fr.

Un Numéro 1 O c.

On s'abonne à, Issoire, à, l'Imprimerie

BOUNOURE «Se OLLIER

RUE DE CHATEAUDUN ET BOULEVARD DE LA MANUKRE.

ANNONCES :Annonces Judiciaires, ii-O c. la ligneRéclames et Avis divers, 2 5 c. la ligneLes Articles fi'Agriculture et de Littérature

sont insérés gratuitement.

CAISSELa Caisse d'Epargne d'Issoire a reçu dimanche

dernier de 63 déposants dont 23 nouveaux, la sommede <Ho3o fr. 50 c.

Elle a remboursé i l6i- fr. 59 c.

Issoire, le 24 Mai -1876.

VILLE DISSOIRE.— SALLE DU THÉÂTRE.

Lundi 29 Mai 4876.

Spectacle ConcertDONNÉ PAR

LA SOCIÉTÉ LYRIQUEAvec le Concours des premiers Artistes de

LÀ TROUPE D'OPÉRA DE CLERMOMTPREMIÈRE PARTIE

1» L'ISSOIRIEX, Pas redoublé, (C. B U N . )exécuté par la Société.

2° TÉNOR LÉGER, chanté par M. CHADORGE.3° FANTAISIE PASTORALE, pour violon et piano, de(ROBBEBRECH) exécutée par MM. de SEREYS et CLAUSSMANN.i-° CAVATINE duBarbior ds Séville, chantée par Madame

VAREZ.5" UXE CHAMBRE A DEUX LITS, vaudeville en un

acte de MM. VARIX et LEFEVRE, joué par 2 Sociétaires.6" GRAND AIR DU CtlALET (ADAM).

Exécuté par la Société Lyrique. ••

vr.v-T-•-•-..'... Quinze minutes d'entr'acte. -••"f**->••*.<??•••••-:•

DEUXIÈME PARTIE.

•1° NE TOUCHEZ PAS A LA REINE, . (BOIS?EI.OT).Fantaisie exécutée par la Société Lyrique.

2° DIEU SEUL ME LA RENDRA, . (P. HENRION).Romance chantée par M. LAFARGE.

3° AIR DU BAL MASQUE, chanté par M. DUFFAURE.4° FANTAISIE pour Piano, exécutée par M. CLU:SSMAN\N\n° LE MAITRE DE CHAPELLE, opéra comique en un

acte, paroles de Mma Sophie GAY, musique de M. PAER.Distribution:

Barnabe, maître de Chapelle. . MM. DUFFAURE.Benetto, son neveu KEIÏKOVEN.Gertrade, cuisinière de Barnabe. Mr"c VAREZ.

6° BADE, Polka, exécutée par la Société lyrique (***)

Le Piano sera tenu par M. CLAUSSMANS.Ouverture des bureaux à 7 h. 1/4. On commencera à 8 h.

PRIX DES PLACES: Premières, 2 f. Secondes 1 fr.On pourra, se procurer des Billets à Vacance au bureau

du Journal.

FEUILLETON DU MONITEURDISSOIRE

(3)

CHEMIN LE PLUS LONG—: Vous savez donc la musique maintenant? s'écria

Marie; à peine pouviez-vous la lire autrefois.— Oui, j'ai appris au moins à jouer certains airs, —

ceux que vous aimiez, ajouta-t-il tout bas.Ainsi, à chaque instant, par raille occasions, se ré-

veillait le feu qui avait couvé si longtemps et que lestendresses maternelles de Mma Primsay, les délicatessescharmantes de Marie ne pouvaient éteindre. Gaston ad-mirait la sérénité de Marie et la confiance qu'elle luitémoignait. Assurément, la situation était plus dillicileencore pour elle que pour lui ; et cependant elle sor-tait de toutes les épreuves sans qu'il en coulât rien àsa dignité, sans le moindre soupçon de coquetterie ;jamais elle n'était prise au dépourvu; jamais elle n'appuyaitsur la blessure ineurable de Gaston; ou, quand elle lefaisait, c'était pour lui rendre du courage en lui témoi-gnant qu'elle entendait les secrètes souffrances de soncœur ; et elle réussissait à le consoler sans jamais lui lais-ser la moindre espérance. Lui, au bout de deux jours,commençait à sentir que, si les premiers bonheurs de l'in-timité retrouvée avaient un instant endormi ses regrets,tout en leur laissant le charme d'une mélancolie innocente,jl allait lui devenir impossible de supporter plus long-emps une telle situation.

LE SALON DE 1876.

CAUSERIES D'UN FLANEUR(5e article)

A M. le Directeur du Moniteur d'Issoire:Mon cher ami,

A travers la multitude des sujets qui appellent plusou moins puissamment le regard, ceux vers lesquelsla foule se dirige avec le plus de complaisance sont incon-testablement les sujets contemporains.

Cela se conçoit. Devant une scène mythologique ouhistorique; devant une idée abstraite ou une symboli-sation presque toujours obscure, quelle entraînementpeut-elle éprouver ? Tandis que, là où elle saisit d'em-blée et sans être obligée à un appel si infructueux asa mémoire, elle s'arrête et contemple. Pour peu quele peintre ait été clair, notre foule est entièrementsatisfaite: elle est à ce qu'elle veut voir, et surtout cequ'elle veut voir est à elle.

Quand je me suis dirigé vers le tableau de M. DÉTAILLE,En reconnaissance, il était entouré d'une bonne ving-taine de curieux, qui ne bronchaient pas et prenaientleur temps. Ils dégustaient l'épisode sans songer assezles égoïstes! que d'autres avaient le désir de voircomme eux,... et j'étais des plus avides parmi ces au-tres. Je me glissai, je me haussai, je me baissai ; jeme livrai à une gymnastique toute particulière pourfaire pénétrer mon regard entre les épaules et les tètes,et en prenant un bout par ci, un bout par là, je finispar posséder assez bien mes troupiers.

Très-remarquable composition. Rien n'y vise au tourde force, et elle vous captive. Le (milan tombé soussou cheval, le bonhomme guidant lus soldats, les sol-dats eux-mêmes, les habitants timidement curieux quihasardent un coup d'œil dans la rue de ce village oùun engagement vient d'avoir lieu, tout cela est poséjuste, tout cela est touché vrai, tout cela est émou-vant. Avant-garde et troupe débouchant dans le fondsont disposés de la façon la plus saisissante. C'est soi-gné, pas léché, et d'une vérité de mouvement qui vousfait dire: « Je viens de voir ça!... »

Une autre toile à succès, plus grande et aussi bientraitée dans un autre genre, est le Pinel, médecin enr!:ef de la Salpêtrière en 1795, de M. Tony ROBERT-FtEUttï.[Jusquos-!à lous et folles n'étaient traités... qu'avecde mauvais traitements. Le célèbre docteur intervient,et sa courageuse initiative, aussi humaine qu'éclaircc,obtient un plein succès en délivrant ces malheureuxde leurs ceintures de fer et de leurs chaînes. Celle quilui ombrasse la main traduit bien ce sentiment. La figuredu docteur doit être un excellent portrait. Quant auxpauvres enfermés, il était dilïic-ile de mieux saisir lesnuances diverses de leur folie; chaque physionomie a de-mandé certainement une étude profonde, et l'on estnavré en voyant ces intelligences éteintes comme desflambeaux sur lesquels on a soufflé... Oh! la triste choseque le cerveau d'où la raison est partie !

Maintenant en manière de contraste, si vous voulezremonter aux premiers âges du monde, nous y voici

Tout lui était un prétexte à réveiller des choses qu'ilfallait laisser dormir. Un matin, il arriva de très-bonneheure et ne trouva personne au salon. Le piano étaitouvert; il rejoua la vieille valse et chercha dans sa mé-moire d'autres airs qu'il avait appris pour s'entretenirde loin avec elle; mais toujours revenaient sous sesdoigts des motifs do la Lucie: une histoire, une mu-sique, que n'écouteront jamais sans pleurer ceux quiont aimé et qui redemandent ce qu'on ne retrouve jamais,les bonheurs et les désespoirs du premier amour. Luiaussi ne venait-il pas réclamer un bien qui était a lui?Il se sentait emporter par ce courant de regrets queprécipitait la passion impétueuse de son cœur, sanscesse ranimée par ce crescendo de douleur qui estcomme la perpétuelle harmonie du poème de Douizetti.Et toujours ce thème plaintif dominait sa pensée, con-duisait sa main, {'égarait en variations plus gémissantesencore, pour le ramener à cet air où éclatait la désolation,avec un accent d'ironie dont il enivrait sa douleur:

Entcnd3-tu ces chante de ft!t2 ?C'est ton hymen qai s'apprête :Va de fleura orner ta tète,Tu pcar être heureuse encor.

Marie était entrée sans qu'il l'entendît. Elle vint seplacer derrière lui ; il l'aperçut en se retournant : elleparaissait plus émue qu'à l'ordinaire. Gaston lui je-ta un regard plein de désespoir et de reproche et,sans lui dire une parole, il frappa de nouveau les pre-mières mesures du chant qui exprimaient si bien sesangoisses :

Entends-tu ces chants de fetc?

Marie jeta ses mains sur le clavier, en lui disantd'une voix tremblante: Taisez-vous. — Et, fermant l«

avec le Caïn et Abel de M. FALGUIËAJ?. Ce tableau étonne.L'artiste a-t-il voulu rompre avec la tradition biblique,ou a-t-il découvert une tradition apocryphe? En toutcas la Bible ne dit rien de cet enlèvement, de ce trans-portement de la victime par son meurtrier. Après queDieu l'a maudit, puis pourtant assuré qu'on ne le tue-rait pas, voici ce que fait le fratricide selon l'Écriture:« Cain sortit donc de la présence du Seigneur, et s'en-fuit..., » laissant bien entendu, le cadavre de son frère.Ceux qui n'ont pas le livret ne devinent pas facile-ment le premier assassinat. Puis Caïn n'a vraimont pasl'air assez mauvais pour le crime qu'il vient de com-mettre; on dirait plutôt un passant qui s'est chargéd'un blessé pour lui porter secours. Dans cette pein-ture où l'on voudrait peut être un peu plus d'énergie,ou sent néanmoins le sculpteur. L'effet, corps blancssur fond noir, en a été trop facile à. obtenir. J'en préfèrel'agencement à l'expression.

Lorsqu'un genre se trouve abonder, faut-il à touteforce voir là une tendance? Je ne sais >i jamais Sa-lon a contenu autant de natures moi'lrs que nous enrencontrons cette année... et c'est la îv.ajnrité qui estbonne, qui est excellente. Si nous nous ><i:nines arrêtéavec plaisir devant la plupart de ces sujets, très-variés,très-spirituels parfois, dans leur pittoresque monotonie,il nous sera bien impossible de vous ii-< ih-crire endétail. Comment nous reconnaître au inilii-u de cesfruits, de ces fleurs, de ces porcelaine-. de ces cris-taux, de ces tentures, de ces bouquins, du ces armures,de ces ustensiles de toutes sortes, sans compter lespoissons, les gigots, les tètes de morts, el nussi les cha-teries et les gourmandises, huîtres, pâtés, vins, biscuits,etc., etc., etc.? Ce serait un bariolage à IMI perdre lavue. Tenons-nous en à la généralité... <v.\ admettantl'exceplion.

Une des moins grandes de ces toiles, puulo minora ...canamus,- m'a attire d'une façon ... .to.u't....exceptionnelle ;;:c'est celle intitulée "modestement Pêches, de M. TCHEH-KASKT. Ce n'est rien que ce titre, n'ess-cu pus ? Maisil faut voir le parti que le peintre en a tiré. Sur unetable, dont un angle vous arrive en premier plan, esttendu un tapis aux riches couleurs; sur ce lapis estjetée une délicieuse guipure, très-curieusement drapée.Sur tout cela l'artiste a posé un pot en vieux Sèvre,un verre à moitié rempli de vin, puis une corbeille ;ijour où sont blotties les pèches qui II.-IÎIS provoquentde leurs belles joues rouge tendre. Beaucoup d'auteursrie natures mortes enlèvent leurs sujet--, sur un fondnoir, ou au moins très-foncé, et obtiennent sans peineun effet. M. Tcherkasky, dont le tableau est si agréa-blement lumineux, a tout détaché clair sur clair.

Son fond est une draperie de soie brodôu. D'en haut,à droite, glisse une chaude lumière, qui se répanddoucement sur l'ensemble et donne de la valeur ausdétails, en même temps fins et solil 's.

—11 y avait un pendant à ce tableau. Oranf/as... Onse demande pourquoi il n'est pas à v-M de son frère ?Tous deux sont à croquer.

Après nous être promené parmi ces nombreuses naturesmortes, oit il y a parfois bien do la vie relative, re-venons à la vraie vie. L'invocation d: la mariée va

piano, elle l'emmena presque de farce dans le jardin.Ils se promenèrent quelque temps en silence. Enfin

Marie dit à Gaston:— Gaston, il faut suivre le conseil que ma mère

vous donnait hier: il faut vous marier.— Jamais répondit Gaston d'une vnk sourde ; jamais!— Pourquoi? vous m'avez bien donné le même con-

seil, presque le môme ordre.— Vous êtes cruelle. Madame. Pourquoi me rap-

peler un acte insensé dont le souvenir seul empoisonnema vie, mais qui, grâce à Dieu ot à vous n'a perduque moi? Écoutez-moi, Marie. J'ai tenu la promesseque vous avez exigée de moi aussi fidèlement qu'il m'aété possible; j'ai fait de grands eiforts pour vous laissercroire que j'avais oublié le passé; j'ai retenu mes re-gards ; j'ai fait taire mes regrets ; j'ai caché les larmesqui ma venaient au moment où vous me supposiez leplus tranquille ; vous avez même réussi à me faire passerentre vous et votre mère quelques bonnes heures quicompteront dans ma vie. En retour de la rude con-trainte que je me suis imposée, et maintenant que jevais vous quitter, laissez-moi vous aimer toujours, etsouffrez que je vous le dise: Oui, Marie, je vous ai-merai toujours et vous seule.

— Vous n'êtes pas raisonnable, Gaston: une autrevous donnerait peut-être le bonheur que vous n'auriezpas trouve avec moi.

— Non, cela est impossible. Recevez le dernier ser-ment que vous entendrez de ma bouche. Jamais une au-tre ne prendra votre place dans ce cœur qui a ététout à vous et qui n'a jamais cessé de vous appar-tenir. Oh ! Marie ne comprenez-vous pas que la perteque j'ai faite est irréparable? Commentpourrai-jetrou-ver une autre Marie? La femme que j'épouserais, je