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Traitement de substitution aux opiacés à l’entrée en milieucarcéral : résultats initiaux de l’étude prospective IRCAMS

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Traitement de substitution aux opiacés à l’entrée en milieu

carcéral : résultats initiaux de l’étude prospective IRCAMS

JN. Marzo1, M Rotily M2, F Meroueh3, C Bourbier2, P Leger4, P Preziosi2, PY Robert5, B. Vanrenterghem6, F

Mestdagh6, Seltz F7 et le groupe RECAMS

1 : UCSA de Villepinte et de Nanterre ; 2 : ClinSearch, Bagneux ; 3 : UCSA de Villeneuve les Maguelone, 4 : SMPR

de Rouen, 5 : UCSA de Nantes ; 6 : UCSA de Dunkerque ; 7 : UCSA d’Osny

Auteur correspondant : Michel Rotily, ClinSearch, 1 rue de l’Egalité 92220, Bagneux. email :

[email protected]

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INTRODUCTION

Les conduites addictives chez les personnes entrant en milieu carcéral demeurent un problème de

santé publique. En 2003, la prévalence de l’usage d’opiacés illicites chez les entrants en milieu

carcéral était de 6,6 % et celle des traitements de substitution de 7,5 % [1]. La prise en charge

médicale des personnes détenues est définie notamment par la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994,

dont l’objectif est d’assurer aux détenus une prise en charge sanitaire équivalente à celle de

l’ensemble de la population. Plus spécifiquement, la note interministérielle

DGS/DHOS/DAP/MILDT du 9 août 2001 recommande le repérage systématique des addictions à

l’incarcération et, pour les personnes dépendantes aux opiacés, l’initiation ou la continuation d’un

traitement substitutif. Malgré ces orientations, une enquête réalisée par l’OFDT en 2003 auprès de

157 établissements pénitentiaires [2] montrait que le repérage des personnes dépendantes n’était

pas encore systématique et que l’accès aux traitements de substitution n’était pas garanti dans tous

les établissements, certains médecins opposant un refus de principe à la poursuite ou à l’initiation

de cette thérapeutique. Il apparaît donc utile de compléter ces données portant sur des

établissements par des données individuelles portant sur des personnes dépendantes aux opiacées

nouvellement incarcérées. Une étude rétrospective a également montré qu’il existait une relation

entre la prise d’un traitement de substitution aux opiacés durant une période d’incarcération et la

réduction du nombre des réincarcérations ultérieures dans les trois années et demie suivant la

première incarcération [3].

L’étude prospective non interventionnelle IRCAMS se propose de comparer le taux de

réincarcération et secondairement le taux de mortalité de détenus dépendants aux opiacés, selon

qu’ils bénéficient ou non d’une prescription initiale ou renouvelée d’un traitement de substitution

dans la semaine suivant leur incarcération. Le présent travail porte sur les données d’inclusion.

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METHODES

Sélection des établissements

Les établissements pénitentiaires éligibles pour cette étude étaient des maisons d’arrêt accueillant

des détenus prévenus ou condamnés à des courtes peines (de durée inférieure ou égale à deux ans),

et des centres pénitentiaires, incluant une maison d’arrêt. L’expérience montre en effet que les

personnes toxicomanes sont le plus souvent incarcérées dans ce type d’établissement. L’autre

critère de sélection était la disponibilité de l’équipe médicale de l’établissement pour participer à

l’étude ; quelle que soit l’attitude de ladite équipe vis-à-vis des traitements de substitution.

Sélection des sujets

Les sujets inclus devaient être majeurs, consentants, dépendants aux opiacés, et examinés durant

leur première semaine d’incarcération. Tous les sujets répondant à ces critères devaient être inclus,

quel que soit leur mode de consommation des opiacés et qu’ils aient bénéficié ou non d’un

traitement substitutif avant l’incarcération.

Recueil de données

Les caractéristiques sociodémographiques, médicales et pénales des sujets furent recueillies par un

médecin du centre, sur un formulaire ad hoc, lors de la visite médicale d’entrée. Le traitement

initial des sujets fut recueilli par le pharmacien de l’établissement, sur un second formulaire.

Analyse statistique

Les sujets furent répartis, pour l’analyse, en deux groupes, selon qu’un traitement de substitution

aux opiacés leur était ou non prescrit (initié ou renouvelé) par le médecin de l’établissement. Les

caractéristiques de ces deux groupes furent décrites par des effectifs et pourcentages, puis

comparés par des tests du χ2 de Pearson, au seuil de 0,05.

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RESULTATS

Recrutement

Sur 117 maisons d’arrêt ou centres pénitentiaires métropolitains, 113 furent contactés, et 47

participèrent effectivement à l’inclusion de 500 personnes détenues entre juin 2003 et septembre

2004. Les établissements participants qui sont répartis sur l’ensemble du territoire, regroupent

environ 46 % de la capacité d’accueil de l’ensemble des établissements métropolitains ; leur taille

moyenne est légèrement supérieure à la moyenne nationale. De même, le nombre moyen de

personnes détenues substituées pour 100 entrants (défini à partir de l’enquête un jour donné de la

DGS) est légèrement plus élevé dans les centres participants (9,2 versus 7,6).

Caractéristiques sociodémographiques et pénales des sujets

Les sujets inclus étaient, à 96 % des hommes ; 91 % d’entre eux avaient moins de 40 ans et 84 %

avaient un niveau d’étude inférieur ou équivalent au brevet (Tableau 1). Plus d’un tiers de ces

sujets (35 %) avaient une activité professionnelle régulière avant l’incarcération, et 45 % d’entre

eux recevaient une allocation de solidarité (ASSEDIC, RMI, COTOREP) ; les 20 % restants

vivaient de l’aide de tiers, d’un travail clandestin ou du trafic de drogue.

Antécédents médicaux et prise en charge

L’existence d’un traitement de substitution des opiacés juste avant l’incarcération a été renseignée

chez 498 sujets ; 347/498 (70%) en bénéficiaient. Parmi ces derniers, 35/347 (10%) avaient reçu

une prescription initiale lors d’une incarcération précédente et 324/347 (93%) ont vu leur

traitement de substitution reconduit à l’issue de la visite médicale d’entrée. Parmi les sujets qui ne

bénéficiaient pas d’un traitement de substitution avant leur incarcération, 69/151 (46%) ont eu une

prescription lors de la visite médicale d’entrée. Au total sur l’ensemble des sujets ayant participé à

l’étude, 394/500 (79%) ont eu une prescription (initiale ou reconduite) de traitement de substitution

aux opiacés lors de la visite médicale d’entrée. Pour la suite de l’article, nous avons considéré deux

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groupes, celui des « substitués », incluant les sujets ayant bénéficié d’une prescription (initiale ou

reconduite) de traitement de substitution aux opiacés lors de la visite médicale d’entrée, et le

groupe des « non substitués », incluant les sujets n’en ayant pas bénéficié lors de cette visite

(Tableau 1).

Les deux groupes ne différaient pas significativement pour la plupart des caractéristiques socio-

démographiques (âge, sexe, niveau d’étude et source de revenus) (Tableau 1). On note dans le

groupe substitué un plus fort pourcentage de bénéficiaires de la CMU, tandis que les sujets non

substitués étaient relativement plus nombreux à déclarer ne pas avoir de couverture santé. La

proportion de sujets condamnés ou ayant été précédemment incarcérés était plus élevée dans le

groupe substitué que dans le groupe non substitué (Tableau 1). La moyenne d’âge à la première

incarcération est plus faible dans le groupe substitué (20,7 vs 22,4 ans dans le groupe non

substitué, p=0,01) et les sujets substitués avaient un nombre moyen d’incarcérations plus élevé (5,9

vs 4,6 chez les non substitués, p=0,01).

On constate également, dans le groupe substitué, un état de santé perçu comme étant moins bon et

des antécédents liés à la toxicomanie plus fréquents. En corollaire, les sujets de ce groupe semblent

avoir eu un contact plus fréquent avec le monde médical, comme en témoigne d’ailleurs la

meilleure connaissance de leur statut sérologique VIH et VHC (Tableau 2).

Prescriptions à l’entrée

Le traitement substitutif prescrit à l’incarcération était la buprénorphine haut dosage dans 74 % des

cas (Tableau 2). Cette proportion est voisine de celle observée pour les substitutions antérieures à

l’incarcération (77 %). De leur côté, les sujets non substitués se sont vus plus souvent prescrire des

hypnotiques, des anxiolytiques ou des neuroleptiques que ceux substitués. En revanche, ces

derniers ont été relativement plus nombreux à recevoir des antidépresseurs (Tableau 3). Cinq pour

cent des sujets (25 % du groupe non substitué) n’ont reçu aucun traitement.

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DISCUSSION

Les établissements ayant participé à l’étude représentent près de la moitié de la capacité d’accueil

métropolitaine en maison d’arrêt. L’échantillon étudié ici ne saurait cependant être considéré,

stricto sensu, comme représentatif. Bien que sélectionnés sans considération de leur attitude vis-à-

vis du traitement substitutif, les établissements participants avaient un nombre de personnes

détenues et substituées légèrement supérieur à la moyenne nationale. Les sujets participants ont, à

leur tour, été sélectionnés sans considération de leur profil clinique et de leurs antécédents de

substitutions.

On constate, dans cet échantillon, l’importance de la prise en charge médicale de la dépendance

aux opiacés avant l’incarcération, avec parfois d’ailleurs un traitement de substitution initié lors

d’une incarcération précédente. Ce traitement est poursuivi dans plus de neuf cas sur dix mais n’est

initié que chez près d’un sujet sur deux parmi ceux qui n’en bénéficiaient pas. Les différences de

profil médical observées entres substitués et non substitués, déjà notées dans une récente étude [4],

suggèrent que les considérations cliniques et psychosociales semblent globalement dominantes

dans la décision thérapeutique. Enfin, nous avons observé que la prescription de psychotropes, à

l’exception des antidépresseurs, au cours de la première semaine d’incarcération était plus

fréquente chez les personnes détenues et non substitués aux opiacés.

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REFERENCES

1. Mouquet MC. La santé des personnes entrant en prison en 2003. Drees, Etudes et Résultats ;

n°386, mars 2005.

2. Obradovic I. Addictions en milieu carcéral : Enquête sur la prise en charge sanitaire et sociale

des personnes détenues présentant une dépendance aux produits licites ou illicites ou ayant une

consommation abusive, 2003. OFDT, décembre 2004.

3. Levasseur L, Marzo JN, Ross N, Blatier C. Fréquence des re-incarcérations dans une même

maison d'arrêt : rôle des traitements de substitution. Ann Med Int 2002 ; 153 (3 Suppl) : 1S14-

9.

4. Reynaud-Maurupt C, Caer Y, Escaffre N, Gagneau M, Galinier A, Marzo JN, Meroueh F.

Substitution par buprénorphine haut dosage lors d’une incarcération : prise en charge de

détenus pharmacodépendants aux opiacés. Presse Med 2005 ; 34 : 487-90.

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Remerciements : Cette étude a bénéficié du soutien financier de l’Observatoire Français des Drogues et des

Toxicomanies OFDT, du GIP Recherche, Droit et Justice, ainsi que du laboratoire Schering-Plough, France. Nous

remercions les membres du comité de pilotage (OFDT : JM. Costes, H. Martineau, I. Obradovic ; Direction Générale

de la Santé, sous-direction de la santé et de la société : M. Clément ; Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation

des Soins, sous-direction de l’organisation du système de soins : Y. Feuillerat ; Direction de l’Administration

Pénitentiaire : B. Bossard, L. Cirba, A. Kensey, N. Noël ; GIP - Recherche Droit et Justice : N. Rivero), ainsi que les

médecins et les membres de leur équipe du groupe RECAMS (UCSA Villepinte (L. Levasseur), UCSA de Nanterre (L.

Montuclar), UCSA de Marseille (A. Galinier, JL Rippert, R. Barruet), UCSA de Dunkerque (B. Vanrenterghem,

F. Mestdagh), SMPR de Bois d’Arcy (L. Michel, K Taleb), UCSA de Toulon (A. Le Guhennec), UCSA de Brest (C.

Saccardy), SMPR de Rennes (M. Morin), UCSA de Villeneuve les Maguelone (F. Meroueh), UCSA de Nîmes

(Y.Caer), UCSA du Havre (C. Variot, UCSA de Luynes (P.Undreiner, UCSA de Albi (P. Baransky, SMPR de Rouen

(P. Léger, UCSA de Saint-Brieuc (P. Carrière), UCSA d'Osny (F. Seltz), SMPR de Toulouse (G. Laurencin, R. Haoui),

UCSA de Nantes (PY. Robert), SMPR de Fresnes (C. de Beaurepaire, JP Duquesne), UCSA de Valence, P. Dombret),

UCSA de Montauban (J. Heysch de la Borde), UCSA de Aiton (C. Badin), SMPR de Caen (B. Dauvert), UCSA de

Villefranche sur Saône (H. Gojon, N. Guillard), SMPR de Perpignan (AJ. Rémy), UCSA de Dijon (JM Petit), UCSA

de Montbéliard (P. Millet), UCSA de Pau (H. Villeneuve), UCSA de Laon (M. Hannequin), UCSA de Beziers (S.

Lavigne), UCSA de Lyon Saint-Paul (P. Beaupère), UCSA de Sarguemines (JL Senninger), UCSA de Belfort (MC.

Claude), UCSA de Mulhouse (P. Vogt, UCSA de Nancy (H. Lambert), UCSA de Gradignan (G. Leport), UCSA de

Bourges (E. Bordes), UCSA d'Amiens (A. Hermant), UCSA du Pontet (A. Wajsbrot), UCSA de Troyes (MF. Panetta),

UCSA de Bayonne (G. Campagne), UCSA de Limoges (S. Marie-Dupond), UCSA du Mans (P. Serre), UCSA de

Beauvais (M. Serhani), UCSA de Bar le Duc (Y. Aubry), UCSA de Gueret (JP. Lamiraud), UCSA de Agen (O.

Jacquiez). Nous remercions également pour leurs conseils Hélène Morfini, DGS et Maguy Jeanfrançois, DHOS.

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Tableau 1 : Caractéristiques des sujets, selon qu’une substitution leur a été prescrite ou non

à l’incarcération

Substitués

(n = 394)

Non substitués

(n = 106)

N % N % p

Age 0,11

18-29 166 42 56 53

30-39 192 49 40 38

40-49 33 9 9 9

Sexe 0,39

Homme 377 96 104 98

Femme 17 4 2 2

Niveau d'étude 0,62

École primaire 45 11 8 8

BEPC, BEP ou CAP 284 72 81 76

Bac ou supérieur 49 12 14 13

Autre 16 4 3 3

Source de revenus avant l'incarcération 0,16

Activité professionnelle 134 46 39 38

ASSEDIC, RMI, COTOREP 183 29 40 38

Autre 72 25 25 24

Couverture santé < 0,001

CMU 225 59 46 44

Assurance Maladie 139 36 41 39

Aucune 20 5 18 17

Situation pénale < 0,001

Prévenu 129 33 54 51

Condamné 265 67 52 49

Précédemment incarcéré 318 81 72 68 0,005

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Tableau 2 : Antécédents médicaux des sujets, selon qu’une substitution leur a été prescrite

ou non à l’incarcération

Substitués

(n = 394)

Non substitués

(n = 106)

N % N % p

Prise en charge médicale pour un problème de drogue < 0,001

359 92 45 43

Substitution dans le dernier mois avant l’incarcération < 0,001

324 82 23 22

Si oui, traitement 0,50

Buprénorphine haut dosage 248 77 19 83

Méthadone 76 23 4 17

Statut VIH 0,02

Inconnu 45 12 23 22

Séronégatif 323 83 76 74

Séropositif 23 6 4 4

Dont traitement antiviral 16 70 2 50 0,58

Statut VHC < 0,001

Inconnu 48 12 27 27

Séronégatif 191 49 59 59

Séropositif 153 39 17 17

Dont traitement antiviral 26 17 3 18 > 0,99

Antécédent d’hospitalisation en psychiatrie (hors sevrage) 0,002

66 27 13 12

Antécédent de tentative(s) de suicide 0,01

157 40 185 28

Antécédent d’injection d’héroïne < 0,001

226 59 39 37

Antécédent de surdose 0,003

104 27 13 13

Etat de santé perçu 0,02

Plutôt bon / très bon / excellent 260 66 83 78

Plutôt mauvais / très mauvais 134 34 23 22

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Tableau 3 : Traitements psychotropes prescrits à l’incarcération

Substitués

(n = 394)

Non substitués

(n = 106)

N % N % p

Type de substitution prescrite

Buprénorphine haut dosage 290 74 — —

Méthadone 104 26 — —

Hypnotique 120 30 48 45 0,004

Anxiolytique 133 34 50 47 0,01

Anti-dépresseur 49 12 6 6 0,05

Neuroleptique 56 14 49 46 < 0,001