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ISLAM La civilisation islamique - La philosophie Article écrit par Christian JAMBET, Jean JOLIVET Prise de vue Vers la fin du II e siècle de l'hégire, le champ théorique est entièrement occupé par, notamment, une théologie où l'on débat de l'unité de Dieu, de ses attributs, du sens qu'il faut donner aux noms et aux descriptions qui en sont attestés par le Coran, de la liberté humaine, de la foi, du péché et du salut, du pouvoir et de sa légitimité, et même de la nature des corps. En somme, une théologie, une morale et une physique, pour reprendre une nomenclature usuelle en philosophie. Quel espace reste-t-il à cette dernière ? Elle va pourtant s'y faire une place, non sans paradoxe puisqu'elle est importée dans la société islamique, venue d'un monde étranger et païen – ce qui explique que cette place lui sera toujours contestée. Pour imaginer cette situation, on peut se représenter par contraste celle de la spéculation chrétienne à ses débuts, née et formée en relation avec des écoles philosophiques actives et installées dans le contexte social, politique et spirituel de l'Empire romain. De ce fait, la théologie chrétienne a eu d'emblée une tonalité philosophique, fût-elle polémique. Inversement, le problème originel de la philosophie en islam a été de se situer par rapport à la Révélation en termes peut-on dire de périhélie et d'aphélie : autrement dit, d'être marquée du caractère de la croyance ou de celui de l'infidélité. I-Les débuts de la philosophie arabo-islamique Évoquant les « sages des Arabes » d'avant l'islam, le théologien et historien des doctrines Abū l-Fatḥ al-Šahrastānī (VI e s. hég./XII e s. apr. J.-C.) les présente comme « un groupe peu important dont les maximes consistent en saillies du caractère et en coups de génie ». Sans préciser davantage ce qu'il pouvait considérer comme leurs productions, il les rattache ainsi à l'ensemble des littératures aphoristiques qui foisonnaient dans l'Orient antique : sagesse donc plutôt que philosophie au sens technique du mot – sens restreint sans doute mais historiquement pertinent. Cependant, les régions conquises par les Arabes aux dépens des empires byzantin et sassanide au cours du I er siècle de l'hégire étaient hellénisées, la philosophie et la sagesse grecques y étaient connues, des traductions d'ouvrages grecs en syriaque y existaient dès les V e et VI e siècles de l'ère chrétienne : ainsi Sergius de Reš‘ayna (mort en 536) avait traduit en cette langue des ouvrages de médecine et des traités de logique d'Aristote ; Paul le Perse avait composé un Traité sur l'œuvre logique d'Aristote le philosophe dont on ne sait s'il a été écrit directement en syriaque ou d'abord en pehlevi ; ce traité était dédié au roi de Perse Chosroès I er (531-578). Il faut tenir compte aussi des livres restés en langue grecque et qui étaient conservés dans divers centres du Proche-Orient et de l'Égypte : toute une littérature spécialisée était ainsi disponible et attendait en quelque sorte que de nouveaux lecteurs viennent à leur tour s'y intéresser. Or l'histoire de l'islam à ses débuts ne se réduit pas à des succès militaires. Le contenu de la religion nouvellement révélée était plus riche et structuré que les traditions sapientiales évoquées par Šahrastānī, il avait suscité et entretenait une dynamique spirituelle dont la fécondité doctrinale était considérable. Au texte du « Livre indubitable » que Dieu avait fait descendre sur Muḥammad s'ajoutaient les dits du Prophète et les relations de ses faits et gestes. Cet ensemble fournissait une abondante référence aux croyants soucieux de pratiquer scrupuleusement leur religion : ainsi se construisaient une dogmatique et une éthique. Événements et rivalités politiques, attitudes et conduites des califes posèrent rapidement la question de la foi et des œuvres, celle du péché et de la liberté ou non des actes humains. Ce dernier problème fut l'un des plus anciens et des plus décisifs pour la constitution d'une théologie musulmane. Dans le siècle qui suivit la mort du Prophète (11/632) se constitua toute une problématique et s'affirmèrent des positions doctrinales qui allaient donner sa forme essentielle à la spéculation théologique en islam et aussi à la théorie juridique. Si l'on prend comme point de repère commode la date du remplacement de la dynastie omeyyade par celle des Abbassides (132/749), on constate qu'elle coïncide à peu près avec celle de la mort des plus importants parmi les premiers théologiens : Ǧahm b. Ṣafwān (mort en 128/745), Wāṣil b. Aṭā' (mort en 131/748). Au long du siècle qui suivit s'échelonnent les fondateurs des quatre grandes écoles juridiques : Abū Ḥanīfa (mort en 150/767), Mālik b. Anas (mort en 179/795), Šāfi‘ī (mort en 205/820), Ibn Ḥanbal (mort en 241/855). La philosophie est donc apparue dans le monde arabo-islamique postérieurement aux premières élaborations religieuses, mais pas très longtemps après elles. Un mouvement culturel décisif l'avait préparée et

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ISLAM La civilisation islamique - La philosophieArticle écrit par Christian JAMBET, Jean JOLIVET

Prise de vue

Vers la fin du IIe siècle de l'hégire, le champ théorique est entièrement occupé par, notamment, une théologieoù l'on débat de l'unité de Dieu, de ses attributs, du sens qu'il faut donner aux noms et aux descriptions qui ensont attestés par le Coran, de la liberté humaine, de la foi, du péché et du salut, du pouvoir et de sa légitimité,et même de la nature des corps. En somme, une théologie, une morale et une physique, pour reprendre unenomenclature usuelle en philosophie.

Quel espace reste-t-il à cette dernière ? Elle va pourtant s'y faire une place, non sans paradoxe puisqu'elle estimportée dans la société islamique, venue d'un monde étranger et païen – ce qui explique que cette place luisera toujours contestée. Pour imaginer cette situation, on peut se représenter par contraste celle de laspéculation chrétienne à ses débuts, née et formée en relation avec des écoles philosophiques actives etinstallées dans le contexte social, politique et spirituel de l'Empire romain.

De ce fait, la théologie chrétienne a eu d'emblée une tonalité philosophique, fût-elle polémique. Inversement,le problème originel de la philosophie en islam a été de se situer par rapport à la Révélation en termes peut-ondire de périhélie et d'aphélie : autrement dit, d'être marquée du caractère de la croyance ou de celui del'infidélité.

I-Les débuts de la philosophie arabo-islamiqueÉvoquant les « sages des Arabes » d'avant l'islam, le théologien et historien des doctrines Abū l-Fatḥ

al-Šahrastānī (VIe s. hég./XIIe s. apr. J.-C.) les présente comme « un groupe peu important dont les maximesconsistent en saillies du caractère et en coups de génie ». Sans préciser davantage ce qu'il pouvait considérercomme leurs productions, il les rattache ainsi à l'ensemble des littératures aphoristiques qui foisonnaient dansl'Orient antique : sagesse donc plutôt que philosophie au sens technique du mot – sens restreint sans doutemais historiquement pertinent. Cependant, les régions conquises par les Arabes aux dépens des empiresbyzantin et sassanide au cours du Ier siècle de l'hégire étaient hellénisées, la philosophie et la sagesse grecquesy étaient connues, des traductions d'ouvrages grecs en syriaque y existaient dès les Ve et VIe siècles de l'èrechrétienne : ainsi Sergius de Reš‘ayna (mort en 536) avait traduit en cette langue des ouvrages de médecineet des traités de logique d'Aristote ; Paul le Perse avait composé un Traité sur l'œuvre logique d'Aristote lephilosophe dont on ne sait s'il a été écrit directement en syriaque ou d'abord en pehlevi ; ce traité était dédiéau roi de Perse Chosroès Ier (531-578). Il faut tenir compte aussi des livres restés en langue grecque et quiétaient conservés dans divers centres du Proche-Orient et de l'Égypte : toute une littérature spécialisée étaitainsi disponible et attendait en quelque sorte que de nouveaux lecteurs viennent à leur tour s'y intéresser.

Or l'histoire de l'islam à ses débuts ne se réduit pas à des succès militaires. Le contenu de la religionnouvellement révélée était plus riche et structuré que les traditions sapientiales évoquées par Šahrastānī, ilavait suscité et entretenait une dynamique spirituelle dont la fécondité doctrinale était considérable. Au textedu « Livre indubitable » que Dieu avait fait descendre sur Muḥammad s'ajoutaient les dits du Prophète et lesrelations de ses faits et gestes. Cet ensemble fournissait une abondante référence aux croyants soucieux depratiquer scrupuleusement leur religion : ainsi se construisaient une dogmatique et une éthique. Événementset rivalités politiques, attitudes et conduites des califes posèrent rapidement la question de la foi et desœuvres, celle du péché et de la liberté ou non des actes humains. Ce dernier problème fut l'un des plus ancienset des plus décisifs pour la constitution d'une théologie musulmane. Dans le siècle qui suivit la mort duProphète (11/632) se constitua toute une problématique et s'affirmèrent des positions doctrinales qui allaientdonner sa forme essentielle à la spéculation théologique en islam et aussi à la théorie juridique. Si l'on prendcomme point de repère commode la date du remplacement de la dynastie omeyyade par celle des Abbassides(132/749), on constate qu'elle coïncide à peu près avec celle de la mort des plus importants parmi les premiersthéologiens : Ǧahm b. Ṣafwān (mort en 128/745), Wāṣil b. Aṭā' (mort en 131/748). Au long du siècle qui suivits'échelonnent les fondateurs des quatre grandes écoles juridiques : Abū Ḥanīfa (mort en 150/767), Mālikb. Anas (mort en 179/795), Šāfi‘ī (mort en 205/820), Ibn Ḥanbal (mort en 241/855).

La philosophie est donc apparue dans le monde arabo-islamique postérieurement aux premières élaborations religieuses, mais pas très longtemps après elles. Un mouvement culturel décisif l'avait préparée et

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l'accompagnera pendant au moins un siècle : il s'agit de la vaste entreprise de traductions, qui aboutit àconstituer, à partir d'ouvrages écrits en diverses langues – sanscrit, persan, grec surtout – une bibliothèquescientifique et philosophique accessible aux lecteurs du syriaque et de l'arabe. L'histoire précise de cemouvement est loin d'être entièrement claire et les débuts en particulier ne s'en laissent pas saisir aussiprécisément qu'on le souhaiterait. Il nous suffit de savoir qu'à la fin du Ier/VIIe siècle la langue arabe devint lalangue officielle de l'empire musulman par décision du calife omeyyade ‘Abd al-Malik, substituée ainsi aupersan et au grec dans l'usage institutionnel ; que les premiers ouvrages traduits furent des traitésscientifiques, de médecine et d'astrologie en particulier ; que le travail des traducteurs commença sous lesOmayyades, donc avant le milieu du IIe/VIIIe siècle, mais fut surtout suscité et soutenu par le pouvoir aprèsl'installation de la dynastie abbasside : citons en particulier les califes al-Manṣūr (137-158/754-775), Hārūnal-Rašīd (170-193/786-809), al-Ma'mūn (198-218/813-833). Les premiers traducteurs d'œuvres grecques, ceuxdont le travail est le plus directement important pour l'histoire de la philosophie, transposaient en syriaqueet/ou en arabe les ouvrages écrits en grec ; par la suite, la connaissance de cette langue s'éteignit et lestraductions en arabe se firent souvent à partir des traductions syriaques. Il serait peu utile d'énumérer lesprincipaux traducteurs qui travaillèrent pendant environ deux siècles, de la fin du IIe/VIIIe à celle du IVe/Xe ; il estplus intéressant de noter que beaucoup d'entre eux ne se spécialisèrent pas dans un seul domaine : ainsiḤunayn b. Isḥāq (IIIe/IXe s.) s'occupa de philosophie et de médecine ; Qusṭā b. Lūqā (IVe/Xe s.) de philosophie etde mathématiques.

L'un des plus anciens prosateurs en arabe, Ibn Muqaffa‘ (mort en 140/757), traduisit non seulement desouvrages écrits en pehlevi (dont le célèbre Kalila et Dimna), mais aussi plusieurs traités de logique d'Aristote etconstitua un premier état du lexique arabe de cette discipline. On possédait déjà des traductions syriaques dediverses parties de l'Organon, des traductions arabes s'y ajoutèrent, chaque traité étant traduit à plusieursreprises. L'œuvre entière d'Aristote, sauf la Politique, mais avec de nombreux apocryphes, fut ainsi traduite, demême qu'un bon nombre d'ouvrages de ses commentateurs grecs. Platon le fut aussi ; on en a des marquesévidentes, mais on ne peut dire exactement dans quelle mesure. Parmi les apocryphes aristotéliciens, il fautciter deux livres qui relèvent en fait du néo-platonisme : la Théologie d'Aristote, composée de textes tirés desEnnéades IV-VI de Plotin ajustés entre eux et commentés par Porphyre sans doute ; le Livre du Bien purconstitué au IIIe/IXe siècle par un auteur inconnu à partir des Éléments de théologie de Proclus principalement.On pourrait citer encore beaucoup d'ouvrages philosophiques grecs qui furent traduits en arabe ; certaines deces traductions nous sont parvenues, d'autres sont attestées sans qu'il nous en reste rien ; d'autres encorenous sont connues par des extraits, des citations, ou parce que tel auteur les utilise sans toujours les nommer :il reste beaucoup de travail à faire pour avoir une idée complète et précise de cet ensemble. Il suffit d'avoirnoté que les philosophes d'expression arabe eurent accès à beaucoup d'œuvres de nombreux philosophesgrecs, sans que cela nous autorise, bien entendu, à les considérer comme de simples épigones.

II-Kindī et ses successeursLe premier de ces philosophes, arabe lui-même et de noble lignée comme cela est mentionné

traditionnellement, est Abū Yūsuf Ya‘qūb b. Isḥāq al-Kindī, né vers la fin du IIe/VIIIe siècle et mort après 256/870. Son œuvre abondante tant en philosophie qu'en sciences ne nous est parvenue que très partiellement, pour un cinquième environ des deux cents titres et plus que mettent sous son nom les biobibliographes. Son activité scientifique couvre tout le champ du savoir, des mathématiques à l'astrologie, et touche même à plusieurs techniques. Nombre d'indices, biographiques et internes à son œuvre, conduisent à penser que dans les dissensions religieuses de son époque il avait épousé les thèses mu‘tazilites les plus proches de la philosophie. Contemporain du grand mouvement de traduction en sa phase la plus productive, il y prit part lui-même en groupant autour de lui les traducteurs de plusieurs ouvrages néo-platoniciens (c'est pour lui qu'Ibn Nā‘ima traduisit l'apocryphe Théologie d'Aristote). Souvent, il se réfère explicitement à des auteurs grecs : il donne son Épître sur l'âme pour « un résumé d'Aristote, de Platon et des autres philosophes » ; il écrit tout un traité sur les livres d'Aristote, leur classification et leur contenu (il n'y cite pas la Théologie). Ce même traité contient une sorte de discours de la méthode, qui fait des mathématiques et de la logique la propédeutique à la philosophie. La place de celle-ci dans le champ théorique, historique et spirituel est nettement précisée dans le chapitre I de son Livre de la philosophie première (Kitāb al-falsafat al-ūlā), dont il ne nous reste que la première partie, composée de quatre chapitres. Combinant des définitions transmises par les philosophes grecs d'Alexandrie, il la présente comme « le plus haut et le plus noble des arts humains, science des choses en leur vérité autant que l'homme en est capable » ; le but du philosophe est de connaître le vrai et d'agir selon le vrai. Deux des mots caractéristiques employés ici sont falsafa et faylasūf, et la simple transposition d'une langue à l'autre rend la référence au grec immédiatement évidente. Elle est présente aussi dans la suite, où Kindī rend hommage à ses prédécesseurs, évoque l'accumulation séculaire des acquis philosophiques, expose au long son projet de mener à l'achèvement, « selon l'usage de la langue et la coutume du temps », ce qu'ont élaboré avant lui « des gens qui parlaient un autre langage [...], des peuples lointains et des nations étrangères » : ces

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pages reprennent, et parfois à la lettre, divers passages d'Aristote, notamment du livre α de la Métaphysique.On trouve encore dans ce premier chapitre une critique violente de prétendus savants en matière religieuse,mais qui sont en fait étrangers à la religion comme ils le sont au vrai : car, précise Kindī, « la science deschoses en leurs vérités » (c'est-à-dire la philosophie) est d'une part la science de l'unité et de la souverainetédivines, d'autre part la science de la vertu : cela même qu'ont apporté les prophètes. Ainsi, dès le début decette œuvre essentielle est scellé l'accord entre la philosophie et la religion ; en écho pour ainsi dire, lechapitre IV (ici s'arrête pour nous cet ouvrage) se conclut par un assez long développement philosophique surla création, analysée comme une donation aux choses de l'unité émanée de « l'Un vrai et premier » auquel onne peut attribuer aucune des catégories et notions philosophiques, comme il a été établi au long de cechapitre. Ce dernier point exprime, dans un vocabulaire néo-platonicien, un thème essentiel au kalāmmu‘tazilite, parfaitement net ici, comme l'est à la dernière ligne l'allusion aux « attributs que Lui prêtent lesmécréants ».

Chacun des deux passages qu'on vient de résumer formule donc et réalise à sa manière une jonction entrela théologie islamique et la philosophie grecque ; les cadres et concepts de cette dernière sont bien visiblesdans tout le texte qui nous est parvenu. Cela ne se résout pas en une inféodation de Kindī à Aristote, car ladémonstration de la finitude du corps du monde (chap. II) est étendue à son extension temporelle. Du corps, dumouvement et du temps aucun ne précède l'autre, ce qu'admet évidemment Aristote, mais tous trois sont finis,ils tirent leur origine d'un mode spécial de génération qui est, comme Kindī le dit ailleurs, la « constitution enêtre », la création. En un autre endroit encore (Épître sur l'Agent vrai), il définit la création comme la« première action véritable », « l'existentiation des existants hors de l'inexistance ». Très remarquable est lefait que l'épître déjà citée sur les livres d'Aristote contient un commentaire philosophique, en des termesrigoureusement techniques, d'une suite de versets coraniques qui évoquent la création (sourate 36, Yā' Sīn,78-82). L'Épître sur l'Agent vrai expose les grandes lignes d'une cosmologie et d'une ontologie qui, grecquesdans leur formulation, ne le sont plus dans leur teneur essentielle puisque la création y est posée au principe.Moins radicalement mais de façon analogue, l'Épître sur la prosternation du corps le plus lointain (Risāla fīl-ibāna ‘an suǧūd al-ǧirm al-aqṣā) commente la formule coranique selon laquelle « l'étoile se prosterne »devant Dieu (s. 55, Al-Raḥmān, 6) en mettant en jeu la philologie arabe et l'astronomie grecque. Untémoignage plus caché mais non moins net de l'attitude complexe de Kindī à l'égard de la philosophie grecquese trouve dans son Épître sur l'intellect (Risāla fī l-‘aql), où est décrite très sobrement une hiérarchie noétiquedominée par un « intellect premier » qui n'est pas Dieu comme chez Aristote ; ici, les références (implicites)vont à la philosophie néo-platonicienne (Porphyre, la Théologie d'Aristote, Jean Philopon) ; de même, ladialectique de l'un et du multiple qui se lit au chapitre III de la Philosophie première procède du livre II de laThéologie platonicienne de Proclus, qui lui non plus n'est pas cité.

Dans ces divers exemples, on peut voir des corollaires diversement inférés du postulat exprimé au débutde la Philosophie première : philosophes et prophètes enseignent les mêmes choses ; à moins queréciproquement on n'y voie les éléments d'une induction qui fonderait ce principe. Quoi qu'il en soit, la positionde Kindī à ce propos est claire en son principe du moins ; il l'explique, d'un point de vue épistémologique, ensomme, dans l'Épître sur le nombre des livres d'Aristote (Risāla fī kammiyya kutub Arisṭū) : il est deux types descience, la science humaine et la science divine ; la première est acquise au prix de longs efforts selon ceprocessus que décrit, elle aussi, la Philosophie première ; la science divine est communiquée d'un seul couppar Dieu à ses prophètes et exprime avec concision ce qu'un philosophe ne peut formuler que par desdéveloppements complexes : ainsi procède Kindī, comme on l'a dit déjà, en commentant en plusieurs pages ceque le Coran dit en quelques versets.

L'influence de Kindī s'est étendue assez précisément à deux ou trois générations de philosophes. Citons,outre Aḥmad b. al-Ṭayyib al-Saraẖsī, mort en 286/899, philosophe et mathématicien et que nous aurons à citerplus loin, Abū Zayd Aḥmad b. Sahl al-Balẖī, né vers 236/850 et mort en 323/934, mal connu mais qui sembleavoir eu un savoir étendu et un intérêt particulier pour les sciences naturelles, la médecine, la géographie ; sonélève Abū l-Ḥasan Muḥammad b. Yūsuf al-‘Āmirī, mort âgé en 381/991, qui commenta Aristote et dont onconnaît des ouvrages qui témoignent d'un intérêt pour la religion et la morale philosophique : ainsi son Kitābal-amad ‘alā l-abad (titre qu'on traduirait assez exactement par « De l'eschatologie »), dont les premierschapitres évoquent plusieurs philosophes grecs (Empédocle, Pythagore, Socrate, Platon, Aristote), les plusanciens ayant eu communication d'une sagesse dont avaient bénéficié des inspirés (Luqmān) et des prophètes(David, Salomon). ‘Āmirī fut aussi le maître d'Abū l-Faraǧ b. Hindū (mort en 420/1029), auteur des Proposspirituels inclus dans les aphorismes grecs (Al-kalim al-rūḥāniyya fī l-ḥikam al-yūnāniyya) : ainsi se dessine unmouvement culturel sur lequel il faudra revenir.

Avec un philosophe de sa lignée comme ‘Āmirī, Kindī occupe une place bien déterminée sur l'échiquier de la philosophie islamique : celle où l'on s'efforce d'unir à la religion révélée par le Coran une part au moins de la tradition grecque. Un contemporain de Balẖī (il meurt à peu près en même temps que lui) se tient à l'autre

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extrémité : c'est Abū Bakr Muḥammad b. Zakariyā' al-Rāzī (251/865-313/925), esprit encyclopédique lui aussi,mais surtout connu comme philosophe et comme médecin (son grand ouvrage médical, Al-ǧāmi‘, fut mêmetraduit en latin au Moyen Âge sous le titre, littéralement fidèle, de Continens, et étudié pendant plusieurssiècles). D'autre part, il se réclame lui aussi de plusieurs philosophes grecs ou en recueille la tradition ; sapensée est l'une des plus fortes de cette période mais pour sa hardiesse même elle a été occultée. Son traitésur La Vie philosophique (Kitāb al-sīrat al-falsafiyya) commence par une brillante évocation de Socrate, quiaurait vécu d'abord en ascète – et la conduite que Rāzī lui prête correspond à une part de celle des philosophescyniques –, puis serait passé à une vie de mesure et de frugalité qui est celle du vrai philosophe – ce queprécisément prétend être Rāzī, qui invoque son mode de vie pour revendiquer ce nom. En bref, l'ouvrages'achève par une reprise de la définition platonicienne de la philosophie : « s'assimiler à Dieu autant qu'unhomme le peut » – Dieu qui est appelé à la dernière ligne de cet ouvrage le « Donateur de l'intellect ». C'estégalement de Platon, mais aussi de Galien, que s'inspire Rāzī dans sa Médecine spirituelle (Kitāb al-ṭibbal-rūḥānī). Dans son Traité de métaphysique (Maqāla fim̄ā ba‘d al-ṭabī‘a cite un nombre relativement élevé dephilosophes grecs : Jean Philopon, Porphyre, Empédocle, Proclus..., certains d'après Galien, lui-même trèsprésent dans cette œuvre. Cependant, Rāzī ne se place pas dans le courant philosophique classique : atomistequant à sa conception de la matière, il énumère d'autre part, au témoignage de Bīrūnī, cinq principes éternelsqui sont Dieu, l'âme, la matière, l'espace, le temps. Par cette doctrine, il est fort éloigné de ses prédécesseursmusulmans, et il l'est tout autant par sa négation de la prophétie (point sur lequel il avait été précédé parSaraẖsī qui, peu fidèle en cela à la pensée de son maître Kindī, considérait les prophètes comme descharlatans) : Dieu, qui donne à chaque homme l'intellect, n'a pas besoin d'en élire certains pour enseigner lavérité aux autres, et même si on ne la trouve pas, du moment qu'on la cherche on se règle déjà sur elle. Letraité où Rāzī exposait ces vues ne nous est connu que par les citations qu'en fait pour le réfuter soncompatriote et contemporain Abū Ḥātim al-Rāzī dans ses Sommets de la prophétie (A‘lām al-nubuwwa) ; demême, comme on l'a dit, sa doctrine des cinq principes nous est parvenue indirectement. De son œuvreabondante il nous reste peu de chose du fait de sa discordance foncière avec le milieu où elle est apparue, del'opposition et de la censure qui l'ont étouffée.

III-FārābīLa mort de Kindī coïncide, ou peu s'en faut, avec la naissance de celui qui inaugure vraiment la lignée

classique des grands e̱alāsifa : c'est Abū Naṣr Muḥammad b. Muḥammad b. Ṭaraẖān b. Ūsaluġ al-Fārābī, mort,selon l'avis le plus courant, en 339/950. On remarque avant tout chez lui un puissant intérêt pour la logique, àlaquelle il a consacré un bon nombre d'ouvrages (commentaires et paraphrases des traités aristotéliciens,monographies). On peut dire qu'il est le premier philosophe de l'islam à y avoir consacré un tel effort (on n'aconservé aucun des ouvrages de Kindī sur cette discipline, mais la liste de ses livres ne contient sous cetterubrique que peu de titres et ne paraît pas témoigner d'une enquête très étendue). Très informé des ouvragesd'Aristote, il en fait un libre usage en rapport avec les conditions réelles, hic et nunc, du travail théorique, cequi constitue une méthode caractéristique de la démarche propre à Fārābī et de l'esprit de la philosophieislamique en général. Ainsi le cinquième environ de son traité sur Les Termes utilisés en logique (Kitāb al-alfāẓal-musta‘mala fī l-manṭiq), où il s'inspire des deux premiers traités de l'Organon, est consacré aux particules dela langue arabe. De même, son Livre des lettres (Kitāb al-ḥurūf), où l'on peut voir un ensemble deconsidérations autour de la Métaphysique d'Aristote, contient des analyses détaillées sur le vocabulaire del'être et notamment sur la copule dont l'expression en grec (comme la comporte du moins la formulationcanonique des logiciens) n'a pas de parallèle exact dans la syntaxe arabe. Cet intérêt pour le langage estsolidaire d'un effort pour considérer selon un schéma général ce qu'on pourrait appeler la sociologie culturelle :le même Livre contient des développements sur l'origine de la langue dans une nation quelconque, surl'apparition des techniques et des arts du raisonnement, sur la relation entre la religion et la philosophie. Cettepartie se trouve au centre de l'ouvrage, intercalée entre un lexique commenté des termes principaux de lalogique et de la philosophie et un examen des particules interrogatives et de leur usage dans les différentesdisciplines. Son Énumération des sciences (Iḥṣā' al-‘ulūm) présente successivement la science du langage, lalogique, les mathématiques, la physique, la métaphysique, la politique, le fiqh et le kalām. Un noyau relevantdes classifications aristotélicienne et alexandrine des sciences est ainsi inclus entre des sciences traditionnellesen islam, le cas des deux dernières étant d'ailleurs particulier : si le fiqh est présenté comme une doctrinepositive du droit, l'attitude de Fārābī à l'égard du kalām, d'une théologie donc qui n'est pas philosophique, esttrop purement informative pour n'être pas réservée. Du moins y décrit-il un état des choses en la matière, demême que les détails qu'il donne sur les mathématiques, notamment, expriment à leur manière le progrès deces sciences après la période hellénistique sans bien en saisir encore le sens épistémologique.

Fārābī vécut à une époque où le démembrement de l'empire musulman commençait à se précipiter, à l'Ouest comme à l'Est ; on ne peut faire abstraction de cela quand on considère sa philosophie politique et morale, élément capital de sa pensée – le principal même selon certains. Elle consiste essentiellement en une

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réflexion sur la cité idéale, dans une manière minutieuse et abstraite qui rappelle celle de Platon, et combineune utilisation des sources grecques dans l'esprit qu'on a dit plus haut, une noétique dans la ligne d'Aristote etde ses commentateurs, et une conception de la religion qui intègre ces deux éléments. Fārābī s'est efforcé dedémontrer l'accord de ses sources grecques dans le traité intitulé précisément L'Accord entre les vues desdeux sages (Kitāb al-ǧam‘ bayna ra'yī l-ḥakīmayn). Outre un compendium des Lois, Fārābī est l'auteur d'unensemble de trois traités : L'Obtention du bonheur (Taḥṣīl al-sa‘āda), La Philosophie de Platon, La Philosophied'Aristote. Disons très sommairement que Fārābī marque la connexion entre le terme de la morale, qui est laperfection que l'homme atteint par la connaissance intellectuelle, et ses conditions sociales et politiques. Lephilosophe, dirigeant de la cité, promulgue la religion ; celle-ci a pour rôle de présenter à l'imagination deshommes ce dont la philosophie obtient un savoir démonstratif : ainsi la philosophie est antérieure dans letemps à la religion, qui l'imite ; et c'est dans la science politique que culminent les activités des vertusthéorétiques. Ces conceptions, qui s'associent à une doctrine métaphysique complète, sont exprimées dansplusieurs traités, dont le plus développé s'intitule Les Vues des habitants de la meilleure cité (Kitāb arā' ahlal-madīnat al-fāḍila). On y lit notamment que l'être de tous les existants a pour cause l'Existant premier,unique et un, qui a plusieurs attributs du Dieu coranique mais qui en outre est un intellect ; à ce caractèrearistotélicien est joint cet autre : d'être le moteur des cieux. À partir de lui se déroule par émanation (fayḍ) deson être la procession (ṣudūr) des « existants seconds » qui sont les intellects des cieux et leurs corps ; ladescription qu'en donne Fārābī sera reprise et précisée par Ibn Sīnā. D'une façon analogue, l'âme humaine, lecorps humain, l'intellect présentent chacun à sa façon une structure hiérarchique : tel est le schème qui règletout cet ouvrage. La cité elle aussi a un dirigeant (ra'īs) unique ; dans le cas de la cité la meilleure, lesintelligibles émanés sur son intellect à partir de Dieu par la médiation de l'Intellect agent (celui de la dernièresphère céleste) se répandent d'une certaine manière sur sa puissance imaginante. Il est ainsi sage, philosophe,doué de l'intelligence des situations concrètes, et prophète, capable d'enseigner aux hommes les actions parlesquelles on parvient au bonheur, c'est-à-dire apte à développer les représentations religieuses. On retrouveainsi la conception farabienne des rapports entre la philosophie et la religion et l'antériorité de celle-là parrapport à celle-ci.

Kindī postulait un accord de fond entre la philosophie et la prophétie à l'avantage de cette dernière, quiconsiste en une révélation divine ; pour Fārābī aussi, il y a entre elles un accord, mais les termes en sont toutdifférents, puisque le chef de la cité traduit en images, en tant que prophète, les savoirs rationnels que, commephilosophe, il reçoit de l'Intellect agent ; la meilleure expression de la vérité est donc philosophique. Mais lesiècle qui suit la mort de Fārābī, période qui dans l'histoire du califat abbasside est celle où les sultans de ladynastie ši‘ite des Bouyides sont les vrais dépositaires du pouvoir, est aussi le moment où se développe unmouvement doctrinal qui à sa façon affirme à nouveau l'accord de la philosophie avec la prophétie et laprévalence de cette dernière ; cet accord a pour moyen terme la notion de « sagesse ». On peut en noterquelques prodromes dans la période précédente : Ḥunayn, le traducteur, est l'auteur d'un recueil d'aphorismesintitulé Les Joyaux des philosophes et des sages (Nawādir al-falāsifa wa-l-ḥukamā'), et dont on ne connaît quedes extraits ; la définition classique de la philosophie comme étant l'amour de la sagesse était bien connue, deKindī notamment ; Abū Ḥātim al-Rāzī distingue parmi les philosophes ceux qu'il appelle les « philosophessages ». À l'époque qu'on a dite, plusieurs auteurs, moins géniaux que Kindī, Abū Bakr, Rāzī et Fārābī maisimportants à leur manière, suivent cette voie jusqu'au bout. Parmi tous ceux qu'on pourrait énumérer, nousn'en retiendrons que deux, et seulement sous ce point de vue dont ils sont sans doute les représentants lesplus significatifs. Le premier est Abū ‘Alī Aḥmad b. Muḥammad Miskawayh (mort en 421/1030), pour un livreintitulé La Sagesse éternelle (Al-ḥikmat al-ẖālida) et qu'il donne comme la reprise d'un ancien ouvrage persan.Il y rapporte des propos et des doctrines de sages perses, indiens, arabes, grecs, et de quelques « philosophesde l'islam ». Or la sagesse exprimée entre ces larges limites temporelles et spatiales est homogène et touteproche de la révélation coranique dans ses thèmes et même dans certaines de ses formulations. Le second estAbū l-Wafā' al-Mubaššir b. Fātik, né vers le moment de la mort de Miskawayh. Il a composé un recueild'Aphorismes choisis (Kitāb muẖtār al-ḥikam) sur le même principe, bien que le contenu doxographique, outenu pour tel, en soit pour une part sensiblement différent de celui du livre de Miskawayh ; sa préface, trèssubtilement construite, énonce clairement la parenté intime qui unit la philosophie à la sagesse, c'est-à-dire àla prophétie. Ces deux auteurs, comme bien d'autres de la même époque, marquent un retour aux traditionssapientiales de l'Orient et de la Grèce, et donc à des époques où, selon des exemples tirés de ‘Āmirī,Empédocle et Pythagore fréquentaient le sage Luqmān et Salomon. Ces cautions prophétiques, ces remontéesà des antiquités lointaines ouvertes aux révélations donnent évidemment à la philosophie une caution propre àlui garantir dans la culture islamique cette place que Kindī cherchait déjà à lui assurer. Mais ici une différenceéclate aussitôt : Kindī a une conception historique, tandis que le retour à une « sagesse éternelle » achète lesdroits de la philosophie au prix de son progrès et de son renouvellement ; il marque une pause dans sacréativité entre Fārābī et ses successeurs dans la voie de la falsafa.

IV-D'Ibn Sīnā à Ibn Rušd

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Le premier d'entre eux est Abū ‘Alī al-Ḥusayn Ibn Sīnā, l'Avicenne des Latins chez lesquels il exerça à partirdu XIIe siècle une influence considérable. Né en 370/980, mort en 429/1037, Ibn Sīnā mena une vie agitée entreplusieurs cours princières du nord-est et du nord de l'Iran, fort d'un savoir encyclopédique très tôt acquis etconnu surtout comme médecin : il est l'auteur d'un Canon de médecine traduit en latin et étudié pendantplusieurs siècles. Son œuvre philosophique est abondante, les thèmes et les genres en sont variés : de lalogique à la mystique, sous forme de commentaires, de gloses, d'opuscules et de récits mythiques retraçant lesaventures de l'âme. Surtout, il composa plusieurs encyclopédies plus ou moins détaillées dont les principalessont le Šifā' (La Guérison), la Naǧāt (Le Salut), les Išārāt (Les Instructions), et en persan le Dāniš-Nāma (Livrede science). Dans ce dernier type d'ouvrages, il prend pour appui et fil conducteur le corpus aristotélicienréparti en trois sciences principales : logique, physique, métaphysique, auxquelles le Šifā', la Naǧāt et leDānis-Nama ajoutent les mathématiques ; l'ordre interne de ces quatre encyclopédies diffère de l'une à l'autre.Son texte n'a pas la forme d'un commentaire mais d'un libre exposé qui se développe à partir d'Aristote sanss'y asservir, s'en éloignant parfois beaucoup pour développer des vues originales. C'est ainsi que la logiqueintègre en une synthèse forte la logique des classes et celle des énoncés. Sa philosophie proprement ditereprend pour une part des éléments doctrinaux élaborés par Fārābī, quitte à les préciser : ainsi pour le schèmede l'émanation et pour la noétique. Comme chez Fārābī, les êtres célestes procèdent par voie intellectuelle àpartir d'un Être premier, mais Ibn Sīnā attribue explicitement une âme à chacun des cieux, d'une façon plusnette donc que ne l'avait fait Fārābī. De même, il conserve comme celui-ci un tableau hiérarchique desintellects dérivé en dernière instance des commentateurs grecs d'Aristote, mais il y inclut un « intellect saint »qui est à la fois usage aisé des intelligibles de l'intellect acquis et ouverture aux révélations religieuses. Commechez Fārābī, l'Intellect agent communique les formes intelligibles aux âmes humaines et aussi les formesphysiques aux matières, moyennant, dans les deux cas, une certaine « préparation » : c'est la doctrine du« Donateur des formes ». Parmi ses doctrines originales, retenons deux points essentiels de sa métaphysique.D'une part, la division de l'être en nécessaire par soi et contingent par soi : tout ce dont nous avons laperception existe, certes, mais pourrait aussi bien ne pas exister et entre donc dans la seconde catégorie del'être. Cela dit, il est impossible qu'il n'existe que des êtres contingents ; l'ensemble qu'ils constituent, ycompris les êtres célestes, doit donc se rattacher à un Être qui soit nécessaire par son essence et dontréciproquement l'essence soit uniquement son existence. C'est de lui que procède l'Univers entier ; cetteprocession est nécessaire, de sorte que tout ce qui n'est pas l'Être nécessaire par soi existe nécessairement,mais « par un autre » : dès le premier Intellect émané, tout a ce statut d'être nécessaire par un autre etcontingent par soi. Selon le schéma farabien développé, l'Être nécessaire par soi amène à l'existence lepremier Intellect, qui est un (« de l'un ne procède que l'un »), mais dont la pensée se porte sur trois objets : surl'Être nécessaire par soi, sur soi-même comme nécessairement existant par lui, sur soi-même commecontingent par soi. De la première de ces intellections procède un second Intellect ; de la seconde, l'âme dupremier Intellect, et de la troisième son corps (sa sphère). Le processus continue ainsi jusqu'à l'Intellect agent,qui n'est suivi que du monde sublunaire. Toute cette émanation est éternelle, conformément à une doctrinearistotélicienne que refusait Kindī. Il faut citer d'autre part la doctrine avicennienne de l'essence, queretiendront chacun à sa façon plusieurs des grands théologiens latins à partir du XIIIe siècle. Ibn Sīnā l'aborded'au moins deux manières, dont l'une part de la définition de l'universel telle que la pose la logique : « ce dontla représentation prise en elle-même n'exclut pas qu'il soit attribué à plusieurs sujets », alors que,symétriquement, le particulier l'exclut. Mais il ne faut pas confondre l'universel en tant que tel et l'universel entant que « chose » à laquelle est rattachée l'universalité : ainsi l'universel « cheval » s'attribue certes à tous leschevaux mais contient un « signifié » qui n'est pas celui de l'universalité comme telle ; c'est la « chevalinité »,qui n'est pas l'universalité et ne l'inclut pas (sinon on ne pourrait attribuer la chevalinité à un chevalparticulier). Donc la chevalinité en elle-même n'est que chevalinité, ni une ni plurale, n'existant ni dans leschoses concrètes où elle est particularisée, ni dans l'esprit où elle est universelle, mais pouvant recevoir selonles cas l'une ou l'autre de ces déterminations existentielles. Elle ne peut que participer de l'un de ces modesd'existence, le physique ou le mental, mais comme telle, comme « chevalinité tout court », elle n'existe pas (cen'est pas une Idée platonicienne), alors que les modes d'existence s'y rattachent selon leurs « conditions ».Cette doctrine difficile, et qu'Ibn Sīnā distingue explicitement de toute autre qui l'ait précédée, est sans doutele témoignage le plus notable de son génie métaphysique.

Ainsi s'était constituée la falsafa classique. C'est cette tradition que recueillit l'occident du monde musulman, avec notamment Abū Bakr Muḥammad b. al-Ṣāyiġ Ibn Bāǧǧa, né à Saragosse à la fin du Ve/XIe siècle, mort à Fès en 533/1138 ; Abū Bakr Muḥammad b. ‘Abd al-Malik Ibn Ṭufayl, né à Cadix, mort très âgé à Marrakech en 581/1185 ; et surtout Abū l-Walīd Muḥammad b. Aḥmad Ibn Rušd, l'Averroès des Latins chez qui son œuvre fut aussi influente que celle d'Ibn Sīnā. Né en 520/1126 à Cordoue, il fut juriste comme le furent son grand-père, son père et son fils, auteur de traités en cette matière, ainsi que médecin. Ses Généralités concernant la médecine (Kulliyyāt fī l-ṭibb) furent une de ses toutes premières œuvres ; mais ce fut surtout un philosophe. Chargé par le sultan almohade Abū Ya‘qūb Yūsuf d'éclaircir les obscurités d'Aristote, il traite la totalité de son corpus (sauf la Politique, qui lui manquait ; mais il écrit un commentaire de la République de Platon). Ses méthodes d'écriture sont diverses ; les plus connues sont des commentaires de

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genres variés (moins faciles d'ailleurs à distinguer qu'on ne l'a cru longtemps), mais il rédige aussi sur despoints particuliers un grand nombre de questions, abrégés, épîtres, etc., et enfin des ouvrages personnels. Sonprincipe est donc de retourner à Aristote par-delà les philosophes arabes et grecs qui avaient introduit dans saphilosophie des éléments plus ou moins platoniciens. Par exemple, Ġazālī ayant attaqué la philosophie dans unlivre intitulé L'Écroulement des philosophes (Tahāfut al-falāsifa), Ibn Rušd lui répond dans son Écroulement del'écroulement (Tahāfut al-tahāfut), en marquant également dans ce livre sa distance avec les conceptions deFārābī et d'Ibn Sīnā. La philosophie d'Ibn Rušd se constitue dans cette démarche d'intention exégétique ; nousen retiendrons trois expressions. En premier lieu il s'oppose à la cosmologie d'Ibn Sīnā, fondée sur la distinctiondu nécessaire et du possible, et l'axiome selon lequel « de l'un ne procède que l'un » : aucun ancien ne l'aénoncé et, de toute façon, il ne saurait valoir dans le cas de l'Un premier qui est dégagé de la matière et dontla causalité est celle de la fin et de la forme. Le système du monde ne doit pas être conçu comme uneprocession, fût-elle éternelle, d'Intellect en Intellect ; c'est une structure sans moments constitutifs, organiséeselon une fin commune et en cela comparable à une cité. De même, Ibn Rušd se sépare d'Ibn Sīnā sur un pointessentiel de la noétique : pour ce dernier, l'Intellect agent, unique, répandait les intelligibles sur les âmesindividuelles et plus précisément sur leurs intellects patients ; l'âme, qui n'est pas liée essentiellement à lamatière, survit à sa séparation d'avec le corps en conservant son savoir et les caractères acquis durant la vieterrestre ; ainsi s'ouvre la perspective d'une immortalité personnelle. Il n'en va pas ainsi pour Ibn Rušd.L'examen des textes d'Aristote et la critique des interprétations qui en ont été faites le conduisent à poser undouble intellect de l'espèce humaine entière : l'Intellect agent et l'Intellect matériel (ce mot ne veut pas direque cet intellect soit organique, mais qu'il se comporte à l'égard du premier nommé comme la matière àl'égard de la forme) ; c'est en eux que s'opère la connaissance intellectuelle. Chaque homme y participe, à sapropre initiative, par la médiation des images mentales qui lui sont propres et dont sont abstraits lesintelligibles. Or l'imagination, liée à l'organisme, n'est pas immortelle ; sont éternels en revanche les intellectset l'espèce humaine. La félicité humaine consiste à « se joindre à l'Intellect agent » au terme d'une progressioncontinue de la science acquise, mais non pas à survivre dans un autre monde en son âme individuelle : ainsi dumoins parle nécessairement le philosophe.

Sur ce point, Ibn Rušd s'écarte de ce qu'affirment les religions révélées, notamment, dans son cas, lareligion musulmane. Il pose la question des rapports entre la religion et la philosophie dans un opuscule intituléLe Traité décisif (Faṣl al-maqāl). Le fond de sa démonstration sur ce point est qu'il ne saurait y avoir decontradiction entre les deux, mais seulement une différence d'exposition. Cette différence est corrélative de ladiversité entre les genres d'argumentation et les types d'esprit. L'argumentation peut être démonstrative,dialectique, rhétorique ; la première est destinée aux philosophes, la troisième aux gens du commun ; l'une etl'autre sont légitimes parce qu'elles atteignent leur fin, qui est d'enseigner la vérité d'une façon convenable àdeux types d'esprit. La deuxième est celle des théologiens ; il faut la proscrire car elle sème le trouble dans lesâmes simples sans satisfaire aux exigences de la démonstration. Dans son Éclaircissement des méthodes despreuves (Kitāb al-kašf ‘an manāhiǧ al-adilla), Ibn Rušd applique ces principes aux questions essentielles dukalām en montrant à chaque fois que le texte du Coran suffit à les régler d'une façon accessible au peuple sanscontredire pour le fond aux doctrines philosophiques authentiques. Il est clair que cette conception peuts'interpréter de deux manières, selon qu'on y remarque surtout la vérité de la religion ou la supériorité de laphilosophie : l'histoire personnelle d'Ibn Rušd, décrié par les religieux, la lecture des historiens passés etprésents vérifient ce qu'on pouvait présumer a priori.

Nous revenons ainsi à nos remarques de départ précisées maintenant par ce survol de l'histoire de laphilosophie en islam et de ses parcours théoriques. Si le caractère problématique de sa situation est l'un de sestraits essentiels, on comprendra pourquoi nous n'avons pas même évoqué des auteurs et des courants dont lesapports spéculatifs sont pourtant riches : le kalām, la mystique, la pensée religieuse qui a poursuivi son coursen Iran après que la falsafa se fut éteinte après son dernier éclat en Andalus ; ainsi sont absents de cet exposé,pour citer un seul représentant de chacun de ces secteurs, des penseurs aussi profonds et prestigieux qu'AbūHāšim al-Ǧubbā'ī, Ibn ‘Arabī, Mulla Ṣadrā al-Širāzī. C'est qu'il s'agit là de corps doctrinaux qui peuvent bienrecroiser la philosophie ou l'assimiler comme l'un de leurs éléments mais qui en sont différents par principe, etqui donc devaient rester hors de notre propos.

Jean JOLIVET

V-La philosophie en IranSi la tradition philosophique de la falsafa prend fin avec la polémique d'Ibn Rushd, cet événement n'épuise

pas la vitalité de la philosophie islamique. Les penseurs iraniens n'ont cessé d'en nourrir la pensée, et cela pendant dix siècles. Rédigeant leurs traités en arabe ou en persan, les philosophes iraniens ont conçu leur œuvre comme une explicitation métaphysique du fait prophétique muhammadien, ou de la révélation de

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l'ésotérique du Livre saint. Sunnites ou shī‘ites, ils sont le plus souvent des gnostiques, pour qui l'élaborationconceptuelle ne se sépare jamais d'une réalisation personnelle et d'une expérience vécue.

Une première lignée de penseurs peut être isolée et identifiée par leur appartenance au vaste courant del'ismaélisme. On reconnaîtra ainsi que l'éclosion des traités fatimides a permis une renaissance de laspéculation néo-platonicienne. Nous mentionnerons le plus grand, sans doute, des philosophes iraniens gagnésà la cause fatimide, Abū Ya‘qūb Sejestānī (mort à la fin du Xe siècle). Le but de ce dignitaire ismaélien fut detraduire le tawhīd, la profession de foi en l'unicité divine, dans les termes d'un apophatisme rigoureux. L'Un estau-delà de l'existant, et il transcende l'être. Il est au-delà de toute nomination. Sejestānī est dans la droite lignede Plotin. Mais entre l'Un suressentiel et ses émanations, l'Intelligence, l'Âme et la Nature, Sejestānī introduitl'acte qui fait advenir l'être et qui est le Verbe ou l'Impératif. L'anthropologie recueille les leçons de cettestructure ontologique. L'imām, homme parfait, est, en effet, la manifestation de l'impératif divin. Cetapophatisme radical est l'inspiration de l'autre grand philosophe fatimide, Abū Mo‘in Nāsir-e Khosraw, né en1004 dans le Khorassān. Dans son Livre réunissant les deux sagesses, il construit une stricte hénologienégative. Il médite le concept de l'ibdā' ou instauration primordiale, le rapport du temps à l'éternité. Son butest d'homologuer les divers degrés de l'émanation aux nombres issus de l'Un, puis de leur faire correspondreles divers degrés de la Convocation ou hiérarchie ismaélienne. Mais il produit aussi une remarquable analysenominaliste du genre, de l'espèce et de l'individu, ainsi qu'une anthropologie mystique où la seconde naissancede l'homme s'apparente à la résurrection spirituelle.

La philosophie ismaélienne accompagne l'expérience historique de la réforme d'Alamūt. En 1164, laproclamation de la Grande Résurrection délivre les fidèles du joug de la loi. Le bilan métaphysique de cetterévolution fut tiré plus tard par l'esprit universel que fut Nasīr al-Dīn Tūsī (1201-1274) dans ses Tasawwūrāt.Mieux, ce penseur, d'abord ismaélien, rallié ensuite au shī‘isme duodécimain, illustre les divers domaines dusavoir médiéval : mathématicien, astronome, grand politique, il accomplit au moins deux gestes théoriquesdécisifs pour la culture iranienne islamique. D'une part, il cherche, dans l'horizon d'Aristote, à fonder l'Éthique,en ses Akhlāq-e Nāsirī ; d'autre part, il sauve l'héritage d'Ibn Sīnā en commentant habilement le Kitābal-Ishārāt. Enfin, il unit philosophie et théologie dans ses divers ouvrages où il fonde le kalām shī‘ite.

Cependant, c'est plutôt dans l'élément du soufisme que nous devons situer la plus grande révolutionphilosophique connue par la pensée iranienne : celle de Suhrawardī (1155-1191). Sa philosophie del'illumination est responsable de ces trois données : d'une part la réconciliation de l'Iran pré-islamique et de laspiritualité néo-platonicienne, d'autre part la construction d'une « philosophie orientale » qui se veut unedéduction des lumières ou intelligences séparées, des lumières advenantes ou âmes célestes et sublunaires,enfin une anthropologie messianique culminant dans l'attente du khalife spirituel de Muhammad. Il introduitsurtout une réflexion de style dualiste dans la stricte émanation plotinienne : les corps sont des « substanceschargées de nuit et de mort », tandis que les lumières sont strictement immatérielles. C'est à lui que Nasīral-Dīn Tūsī doit son inspiration néo-platonicienne. C'est à lui que les grandes écoles de pensée de l'époquesafavide doivent l'origine de leurs problématiques.

Pour rencontrer la plus riche éclosion philosophique connue par l'Iran, il nous faut, en effet, nous tournervers le règne de Shah Abbās Ier (1587-1629) et vers la prédominance du milieu cultivé d'Ispahān. Le premierdes grands philosophes de cette époque est sans nul doute Mīr Dāmād (mort en 1631-1632). Il laisse un Livredes charbons ardents (Qabasāt), somme de recherches avicenniennes. Sa réflexion la plus originale porte surla nature de la temporalité. Pour résoudre la contradiction entre la création et l'existence éternelle, Mīr Dāmādproduit le concept de l'« éternellement advenant », qui permet de penser l'histoire surnaturelle sans porteratteinte au dogme coranique de l'éduction originelle de la création.

Son élève, Mollā Sadrā Shīrāzī, occupe une place centrale dans la philosophie islamique. Né en 1571-1572, mort en 1640-1641, il éclipsa son maître par son influence qui, aujourd'hui, règne encore sur les philosophes traditionnels en Iran. Dans ses Gloses sur Le Livre de la sagesse orientale de Suhrawardī, il délivre l'imagination créatrice de tout lien psychologique ou métaphysique avec la matière corporelle. Il affirme la prévalence de l'acte par lequel l'âme configure sa propre matière, spirituelle et supérieure, dans le monde imaginal (‘ālam al-mithāl). Le corps de résurrection de l'homme est ainsi le résultat des diverses décisions de l'homme pendant la durée de sa vie terrestre, des actes existentiaux qui préfigurent, au sens strict, le châtiment ou la récompense de la tombe. Cette thématique est reproduite dans son Livre sur la théosophie du trône. Mollā Sadrā est surtout connu pour avoir renversé la métaphysique des essences : selon lui, chaque substance est déterminée par son acte d'être et par le niveau atteint par l'intensité de cette existence (wojūd). Ainsi établit-il une gradation qui va de l'existence simplement mentale jusqu'aux plus hauts degrés du Malakūt et du Jabarūt. L'essence de la substance dépend de cette intensité. Il s'en déduit une éthique, qui propose à chacun d'intensifier son acte d'être. Le salut ou la damnation sont homologués à ces variations de l'acte d'être, qui situent l'essence au niveau du minéral, de l'animal, de l'homme ou de l'ange. La conséquence ontologique du

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primat de l'exister sur l'essence fut l'affirmation de l'univocité de l'être. On peut dire qu'à partir de Mollā Sadrātous les philosophes de l'Iran furent sommés de se prononcer sur trois questions : la nature de l'imaginationcréatrice, l'équivocité ou l'univocité de l'être, le primat de l'essence ou celui de l'existence. Le concept sadriendu mouvement intrasubstantiel, qui veut que chaque substance soit affectée par la mutation de son acted'exister au long de la ligne des degrés de l'être, du plus bas au plus haut, exige clairement que l'exister soitdit univoque, de Dieu à l'infime. C'est contre cette thèse que Qāzī Sa‘īd Qommī (1633-1691/1692) s'est élevé.Ce penseur nous laisse, outre d'importants commentaires des traditions des imāms, La Clé du Paradis, rédigéen persan. Il y professe un strict apophatisme, dont la conséquence pour l'être divin est de se distinguerradicalement de tout existant émané. L'équivocité de l'être suppose à son tour de revenir au primat del'essence sur l'existence. Une autre école singulièrement prolifique, l'école shaykhie, s'opposa à Mollā Sadrā.Shaykh Ahmad Ahsā‘ī (1753-1826), son fondateur, professa lui aussi l'équivocité de l'être, dans une lignenéo-platonicienne assez stricte. Mais ce qui ressort de son œuvre, comme de celle de Mollā Hādī Sabzavārī(1797/1798-1878), c'est la prévalence du thème de l'illumination, comme si Suhrawardī avait légué àl'ensemble de la philosophie iranienne sa tonalité originale, à travers les siècles.

Christian JAMBET

Bibliographie• A. BADAWI, Histoire de la philosophie en Islam, 2 vol., Vrin, Paris, 1972

• H. CORBIN, Histoire de la philosophie islamique, des origines jusqu'à la mort d'Averroès (1198), Paris, 1964 (1re éd.) ; texte repris inEncyclopédie de la Pléiade, Histoire de la philosophie, I, pp. 1048-1197, Paris, 1969, complété in III, pp. 1067-1188, Paris, 1974 (« Dela mort d'Averroès jusqu'à nos jours ») ; Temple et contemplation, Entrelacs, Paris, 2007

• M. CRUZ HERNÁNDEZ, Historia del pensamiento en el mundo islámico, 2 vol., Madrid, 1981

• M. FAKHRY, A History of Islamic Philosophy, Londres-New York, 1983 (2e éd.) ; trad. franç. de M. Nasr, Histoire de la philosophieislamique, Paris, 1989

• C. JAMBET, L'Acte d'être : la philosophie de la révélation chez Mollâ Sadrâ, Fayard, Paris, 2002

• S. PINES, « Philosophy », in The Cambridge History of Islam, 2, pp. 780-823, Cambridge, 1970

• F. SEZGIN, C. EHRIG-EGGERT, E. NEUBAUER et al. dir., General Outlines of Islamic Philisophy, Institute for the History of Arabic-IslamicScience at the Johann Wolfgang Goethe University, Francfort, 2000

•Voir aussi les notices consacrées à des philosophes d'expression arabe dans l'Encyclopædia Universalis et l'Encyclopédie de l'Islam.