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Séminaire de Mésologie -2016- La perception 1 Fabrice Millet architecte d.p.l.g. ITINERAIRES DES PERCEPTIONS METROPOLITAINES La perception par essence multiple permet divers itinéraires La Perception En tant qu’architecte la question de la perception ou des perceptions m’intéresse. Un thème peu développé dans les écrits, les traités et les manifestes sur l’architecture. Quand il l’est c’est essentiellement à partir de la vision. L’œil domine la conception architecturale contemporaine, même si de Alvar Alto à Peter Zumthor, une conception plus tactile de l’espace est présente. Cette question de la perception a surtout été développée par les philosophes. Le fait métropolitain est un processus global qui étend des réseaux de toute nature et réplique des objets construits standards ou spectaculaires à travers la planète. Mais ce processus ne se fait pas sur le modèle de la table rase moderne. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas destructeur de l’environnement. Ce qui fait la différence et qualifie ce processus de métropolisation c’est la manière dont il se contextualise dans un territoire et une culture ou comment une culture et un territoire l’absorbent. Ce mélange, urbanité et phénomènes métropolitains, transforme le vécu des habitants dans le temps et l’espace. Ce qui induit des modes de vie itinérant et déplace la perception. Les temps changent. La cité historique nous apparait un idéal de composition harmonieuse d’époqu es successives. Les citadins y habitent un temps sculpté par l’histoire dont l’étendue dépasse en durée la vie humaine. Dans les métropoles contemporaines, on observe une inversion de cette relation temps- espace. L’espace qui s’étend sans limite apparente réduit le temps à une réactualisation permanente et paradoxe, réduit aussi l’espace qui se resserre et se referme. Le fait métropolitain enclenche un double processus : d’extension vers d’autres territoires et de densification de son propre territoire. Ainsi plus la métropole s’étend plus l’espace se resserre. Cet itinéraire des perceptions métropolitaines reprend et développe ce qui a été pressentie dans une précédente étude sur les pratiques itinérantes à Tokyo (Bourse d’études : Envers des Villes AFAA Caisse des Dépôts) : TOKYO ITINERAIRE MODE DE VIE, 1998 La notion d’itinéraire est considérée ici comme une pratique qui englobe l’ensemble des déplacements dans une ville de grande dimension : (circuits, trajets, trajectoire, cheminements, passages, traversée déambulations détours …).C’est aussi une notion qui renvoie à une très ancienne expérience de l’espace dans la culture japonaise : l’Art du détour où l’espace se révèle au cours d’un parcours. Ces itinéraires sont infinis car la métropole contemporaine est si vaste qu’un seul regard ne peut en percevoir l’étendue, ni en déceler tous les détails sous l’accumulation des phénomènes de masse qu’elle engendre. L’expérience sensible Réalisée à Tokyo en 1998 cette exploration des pratiques des habitants et de leurs habitudes est une interrogation sur le sens d’une ville comme Tokyo dont la forme procède d’une croissance spontanée sans planification apparente et échappe à toutes représentations classiques. Tokyo est souvent décrite comme la figure du chaos, une figure ambivalente à la fois fascinante et maléfique. Cette figure indéchiffrable est à parcourir, elle est perçue ici de l’intérieur à partir des déplacements de ses habitants pour saisir les relations entre les activités quotidiennes et la figure éclatée de Tokyo. Comment le corps perçoit-il l’étendue métropolitaine? Pour étudier la perception au quotidien, il faut la localiser. Les lieux et les évènements de la vie métropolitaine seront perçus à partir de trois manières d’habiter la ville. Deux sont réelles : celles d’un habitant résident et d’un habitant touriste, la troisième est fictive, celle du flâneur de Baudelaire: Mais y at-il encore une place pour la figure du flâneur dans les métropoles contemporaines? Habitant : résident, touriste ou flâneur, l’intuition de cette exploration urbaine est d’avoir révélé l’importance du facteur temps. Trois temporalités sont retenues, elles accompagnent les trajets du résident, les circuits du touriste, la marche du flâneur. Le temps du touriste est un temps programmé par les circuits des guides, le temps du résident est un temps répétitif avec les trajets quotidiens, le temps du flâneur est rapporté au temps étiré de la marche. On le verra c’est le passage d’une temporalité à une autre dans le vécu quotidien de l’habitant qui transforme à Tokyo la contrainte des déplacements en mode de vie itinérant. L’hypothèse formulée par Diderot dans « La lettre sur les aveugles » est que chaque sens organise et déploie son champ d’activités à l’intérieur d’une spatialité

Itinéraire des perceptions métropolitaines / Fabrice Millet

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Séminaire de Mésologie -2016- La perception

1 Fabrice Millet architecte d.p.l.g.

ITINERAIRES DES PERCEPTIONS METROPOLITAINES La perception par essence multiple permet divers itinéraires

La Perception

En tant qu’architecte la question de la perception ou des perceptions m’intéresse. Un thème peu développé dans les écrits, les traités et les manifestes sur l’architecture. Quand il l’est c’est essentiellement à partir de la vision. L’œil domine la conception architecturale contemporaine, même si de Alvar Alto à Peter Zumthor, une conception plus tactile de l’espace est présente. Cette question de la perception a surtout été développée par les philosophes.

Le fait métropolitain est un processus global qui étend des réseaux de toute nature et réplique des objets construits standards ou spectaculaires à travers la planète. Mais ce processus ne se fait pas sur le modèle de la table rase moderne. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas destructeur de l’environnement. Ce qui fait la différence et qualifie ce processus de métropolisation c’est la manière dont il se contextualise dans un territoire et une culture ou comment une culture et un territoire l’absorbent. Ce mélange, urbanité et phénomènes métropolitains, transforme le vécu des habitants dans le temps et l’espace. Ce qui induit des modes de vie itinérant et déplace la perception. Les temps changent. La cité historique nous apparait un idéal de composition harmonieuse d’époques successives. Les citadins y habitent un temps sculpté par l’histoire dont l’étendue dépasse en durée la vie humaine. Dans les métropoles contemporaines, on observe une inversion de cette relation temps-espace. L’espace qui s’étend sans limite apparente réduit le temps à une réactualisation permanente et paradoxe, réduit aussi l’espace qui se resserre et se referme. Le fait métropolitain enclenche un double processus : d’extension vers d’autres territoires et de densification de son propre territoire. Ainsi plus la métropole s’étend plus l’espace se resserre. Cet itinéraire des perceptions métropolitaines reprend et développe ce qui a été pressentie dans une précédente étude sur les pratiques itinérantes à Tokyo (Bourse d’études : Envers des Villes AFAA Caisse des Dépôts) :

TOKYO ITINERAIRE MODE DE VIE, 1998

La notion d’itinéraire est considérée ici comme une pratique qui englobe l’ensemble des déplacements dans une ville de grande dimension : (circuits, trajets, trajectoire, cheminements, passages, traversée déambulations détours …).C’est aussi une notion qui renvoie à une très ancienne expérience de l’espace dans la culture japonaise : l’Art du détour où l’espace se révèle au cours d’un parcours. Ces itinéraires sont infinis car la métropole contemporaine est si vaste qu’un seul regard ne peut en percevoir l’étendue, ni en déceler tous les détails sous l’accumulation des phénomènes de masse qu’elle engendre.

L’expérience sensible

Réalisée à Tokyo en 1998 cette exploration des pratiques des habitants et de leurs habitudes est une interrogation sur le sens d’une ville comme Tokyo dont la forme procède d’une croissance spontanée sans planification apparente et échappe à toutes représentations classiques. Tokyo est souvent décrite comme la figure du chaos, une figure ambivalente à la fois fascinante et maléfique. Cette figure indéchiffrable est à parcourir, elle est perçue ici de l’intérieur à partir des déplacements de ses habitants pour saisir les relations entre les activités quotidiennes et la figure éclatée de Tokyo.

Comment le corps perçoit-il l’étendue métropolitaine?

Pour étudier la perception au quotidien, il faut la localiser. Les lieux et les évènements de la vie métropolitaine seront perçus à partir de trois manières d’habiter la ville. Deux sont réelles : celles d’un habitant résident et d’un habitant touriste, la troisième est fictive, celle du flâneur de Baudelaire: Mais y at-il encore une place pour la figure du flâneur dans les métropoles contemporaines? Habitant : résident, touriste ou flâneur, l’intuition de cette exploration urbaine est d’avoir révélé l’importance du facteur temps. Trois temporalités sont retenues, elles accompagnent les trajets du résident, les circuits du touriste, la marche du flâneur. Le temps du touriste est un temps programmé par les circuits des guides, le temps du résident est un temps répétitif avec les trajets quotidiens, le temps du flâneur est rapporté au temps étiré de la marche. On le verra c’est le passage d’une temporalité à une autre dans le vécu quotidien de l’habitant qui transforme à Tokyo la contrainte des déplacements en mode de vie itinérant. L’hypothèse formulée par Diderot dans « La lettre sur les aveugles » est que chaque sens organise et déploie son champ d’activités à l’intérieur d’une spatialité

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qui lui est propre. En reconnaissant et en suivant ces différents itinéraires : circuits touristiques, trajets quotidiens, promenade on va pouvoir identifier les modes de perception qui s’y déploient.

LE TEMPS PROGRAMME

C’est un temps planifié. Car la contrainte d’un touriste est de disposer d’un temps limité. Pour pallier à cette contrainte le touriste dispose d’un outil « le guide ». Paradoxe : le temps des loisirs devient un

emploi du temps rempli de sites à visiter. La perception d’un touriste est essentiellement visuelle.

Les circuits des guides sont nommés:

Tokyo « morning tour », Tokyo « weekend end drive » ou expérience de la culture japonaise, ou encore qualifié par leur durée, « Tokyo d’un jour », « Tokyo deux jours », ou encore en relation avec la météo « Tokyo jour de pluie ». Dans un autre registre le guide Autrement décrit les impressions ressenties par un voyageur c’est-à-dire : sa déception en constatant le décalage entre son goût pour la perfection de l’esthétique japonaise et le désordre du paysage urbain de Tokyo. Les représentations graphiques de ces circuits sont très variées : sur les prospectus une série d’images commentées, sur les dépliants une carte illustrée ou les sites et les monuments sont dessinés en perspective sur une carte stylisée. La figuration du circuit peut aussi se limiter à une simple ligne reliant des sites à visiter. Cette disposition processionnelle rappelle les cartes des pèlerinages au Moyen Age où ne sont détaillées que les étapes du voyage, le paysage traversé étant vécu comme une contrainte. On peut lire les sites des circuits touristiques ou les étapes des pèlerinages comme des unités de ce temps programmé. Cette conception du temps est également celle du temps scientifique qui mesure des quantités.

L’objet guide et ses potentialités dans le vécu métropolitain. Le guide mode d’emploi de la ville ? Dédié initialement au touriste le guide devient pour les résidents une assistance à la perception du lointain: des activités et de leur localisation dans l’étendue métropolitaine. D’autres formes de guides sont possibles:

Le récit de voyage

Le circuit intentionnel de Jacques Roubaud à Tokyo. Cette intention est de composer un «haiku » par jour dans les 26 stations de la ligne Yamanote. Le livre qui retrace ce parcours « Tokyo Infra ordinaire » décrit les péripéties du projet qui sont autant de prétextes à une découverte aléatoire de la ville. Par exemple, la surprise de découvrir que le plan à l’entrée des parcs change à chaque entrée.

Made in Tokyo

Le « guide » des situations bizarres. Cet ouvrage réalisé par un collectif d’architectes recense à Tokyo des situations bizarres ou étranges, non des architectures savantes ou spectaculaires mais des constructions ordinaires métamorphosées par leurs contextes tokyoïtes. Quelques exemples : Notre Dame à Shinjuku est composée de trois immeubles qui évoquent la silhouette de Notre Dame L’immeuble central est occupé par des salles de jeux de pachinko, les deux autres par des prêteurs sur gage. Soit le voisinage programmatique d’activités complémentaires. Une station-service a trois niveaux qui se connectent aux trois niveaux de circulations automobiles, présent à cet endroit. Soit la métamorphose d’un équipement ordinaire par les superstructures de circulations. Le magasin et le temple Shinto. Sous l’effet de la pression foncière le terrain occupé par un temple Shinto a été densifié par la construction d’un magasin. Ensuite le temple a été reconstruit sur le toit terrasse de ce magasin. Comme l’accès au temple doit partir du sol naturel, un escalier extérieur monumental entoure le magasin et métamorphose sa banalité. Le monde de la marchandise et du sacré sont réunis dans une même structure hétérogène.

L’architecte Kazuo Shinohara a développé le concept d’hétérogénéité dans son architecture et utiliser l’image d’un satellite pour l’illustrer. Chacune des parties du satellite est construite dans le matériau le plus adapté à sa fonction. Ces situations finement observées et analysées par les architectes sont pour la plus part imperceptibles pour un voyageur. Made in Tokyo apparait un manifeste possible de l’urbanisme chaotique de Tokyo.

La perception visuelle

Les panoramas les points de vue élevés du haut d’un building sont les lieux privilégiés visités par les touristes avec les monuments célèbres et les musées. La prédominance de la vue dans l’expérience

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sensible du touriste est-elle la conséquence de la contrainte d’un temps limitée ? Pas seulement. D’une part la culture contemporaine est une culture de l’image. La perspective, est une construction idéalisée de la vision, qui a instituée la discipline architecturale par la proportion, le contrôle des échelles et des dimensions. La photographie reproduit la réalité en tant qu’image, et la rend plus accessible, les images de synthèse la simule, l’imagerie médicale sonde le corps humain et permet des visions inaccessibles au sens. Avec la télévision nous vivons dans un flux d’images qui augmente dans la vie quotidienne, l’hégémonie de l’œil, l’actualité le confirme.

D’autre part sur un plan physiologique, la vue est l’organe le plus adapté à une captation rapide de l’environnement par la combinaison de la vision périphérique la plus rapide et de la vision centrée, la plus lente mais la plus précise. A propos de l’attitude recueillie d’un visiteur devant une œuvre d’art, Walter Benjamin énonce

«qui se recueille devant une œuvre d’art s’y perd»

Dans la durée courte du temps programmé, la vision d’un touriste ne dure pas. Cet état le préserve du danger de se perdre dans la contemplation d’un panorama. Les images souvenirs, cartes postales, images personnelles des sites ou d’un touriste lui-même photographié dans les sites visités sont le moyen pour lui de retenir les sensations ressenties. Un touriste appréhende un site par l’information et les images des guides, parcourt les lieux et ensuite fabrique ses propres images mais il n’est pas certain qu’il retrouve dans ses images l’émotion réelle ressentie devant un panorama

Le regard contemporain

Dans le roman le Voyeur Alain Robbe-Grillet transforme la manière classique et romantique de décrire un paysage en privilégiant le regard, un regard objectif, précis, sans affect ou superficiel. Ce qui fait dire à Roland Barthes dans un article critique sur ce roman :

« on dirait qu’après des siècles de vision profonde Alain Robbe-Grillet se fixe comme objectif une exploration des surfaces »

En effet, le paysage est ramené à une épure géométrique,(plaisir de la vision) soit un système de plans et de surfaces où l’objet (le paysage) perd toute substance pour devenir un itinéraire visuel. On reconnait là l’influence du cinéma. Le voyeur est aussi un roman sur le temps. S’y opposent deux conceptions du temps. D’un côté le temps mécanique d’un représentant de commerce en montres, son temps est un emploi du temps, de l’autre le temps des habitants (de l’ile) réglé sur les cycles de la nature. Les changements de luminosité au cours de la journée, la position du soleil, le niveau de la mer dans le port suivant le cycle des marées sont les repères du temps qui passe pour les gens de l’ile. Ce temps ne se compte pas en secondes et en minutes…le représentant ne placera pas ces montres auprès des gens de l’ile. Enfin le voyeur est un roman policier, il y a une enquête et dans les enquêtes les indices sont visuels. Le roman policier, le feuilleton sont des genres littéraires apparus avec le développement des transports publics. Nous changeons de temporalité.

LE TEMPS REPETITIF

Les trajets quotidiens neutralisent la perception par habitude, leurs localisations: principalement les lignes de transport, les rames de métro, les stations, les gares, les quartiers autour des gares, de l’habitation, du bureau… Les déplacements sont la réalité quotidienne des habitants. Leur répétition déplace la perception vers une forme de neutralisation. Il s’agit de comprendre comment. Cette question peut être abordée par deux schémas représentant des déplacements individuels à Paris et à Tokyo. Ils permettent d’interpréter la configuration des réseaux de transport dans les deux villes:

Le schéma pour Paris est connu, il s’agit des trajets annuels d’une étudiante habitant le 16ème arrondissement qui ont été relevés par le sociologue Paul Henry Chombart de Lawe. La figure révèle la position centrale du logement par rapport aux trajets. Ce relevé de trajets déjà effectués est tourné vers le passé. A Tokyo, les trajets sont représentés par un diagramme diffus aux multiples connexions, dessinés par l’architecte Toyo Ito dans les années 80: « la ville de Tokyo est formé d’un réseau de nombreux points et nous, habitants de Tokyo en sommes les seules connexions ». Ce schéma exprime des potentialités de trajets, il est tourné vers le futur. Ces deux diagrammes nous indiquent aussi clairement que possible comment se réalise dans deux situations différentes la contextualisation du phénomène métropolitain. De ces schémas on peut déduire certaines caractéristiques propres à chacune des deux villes. A Paris on observe une configuration centralisée

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des trajets sur un schéma représentant des évènements passés. L’histoire et la centralité sont une caractéristique forte de Paris. Les réseaux métropolitains puis régionaux sont tous les deux centralisés malgré le décalage dans le temps de leurs conceptions et de leurs réalisations. La décision de construire le réseau régional selon un modèle radioconcentrique a été politique et non technique. L’accès au centre de la ville a été privilégié. Entre Paris et sa banlieue la limite n’est pas une ligne active qui distribue des flux de toute nature c’est une coupure à franchir. Tout l’enjeu du grand Paris est là. A Tokyo, la ligne circulaire « Yamanote line » est l’aiguillage de l’ensemble du réseau métropolitain aux potentialités multiples: possibilité infinie de connexions des lignes entre elles et adaptation quasi instantanée du réseau aux flux de passagers. Décrivant des potentialités de trajets le schéma de Tokyo est tourné vers le futur. La situation du logement est différente sur les deux schémas. A Paris, le logement est situé au centre des déplacements, Sur le diagramme plus programmatique de Tokyo le logement n’est qu’un point parmi d’autres points, sa position n’est pas identifiée. Ce qui suggère un mode de vie nomade, un thème du travail de Toyo Ito, « la composante nomade de notre société s’est amplifiée. Avec les téléphones portables nos semblables se déplacent de plus en plus, cependant il conserve un lieu où habiter. Nous avons deux visages » Dans le cadre d’une exposition Toyo Ito a formalisé la configuration métropolitaine d’un habitat nomade, appelé le Paro. C’est une structure légère et métallique en forme de Yourte destinée aux femmes célibataires de Tokyo. Le Paro est un refuge permettant de s’isoler tout autant qu’un support pour se préparer avant d’entrer dans l’espace métropolitain. Ce projet interroge la répartition quotidienne du vécu entre le logement et la ville.

Enquêtes sur le réseau de transport de Tokyo

Cette enquête a été réalisée auprès de 50 habitants de Tokyo pour mieux appréhender leurs déplacements quotidiens ; Il s’agissait d’identifier les modes de déplacement, le temps de marche entre l’habitation et la station, la durée du trajet le matin, les éventuels changements de lignes, la station d’arrivée et le temps de marche jusqu’au lieu de travail. Ensuite se posait la question de la forme et de la durée du retour vers le logement ou la maison. Trois qualités du réseau métropolitain de Tokyo se dégagent de cette enquête.

Le maillage serré des lignes de transport maintient une qualité de service à peu près équivalente sur toute l’étendue du territoire. Les gares ne sont pas de simples équipements coupés de la ville, mais le lien même de la vie sociale. Cette qualité relationnelle est présente quelque-soit la taille et la situation de la gare dans Tokyo. Seule change la masse des connexions et des flux. La station Shibuya est ainsi une véritable compression métropolitaine de marchandises, de sensations et d’émotions. Le retour à la maison en fin de journée s’organise comme un détour, une déambulation dans l’espace commercial urbain qui absorbe une partie des fonctions traditionnelles de la maison : les salles de sport sont des jardins, les bars de conversation des salons, les « small cafés » de Koen-Ji des refuges pour la nuit, la piscine du bain public une salle de bain. La déambulation étire la durée du temps répétitif du quotidien …

Du trajet au détour

Cette qualité des gares de pouvoir dépasser leur fonctionnalité d’infrastructure de transport pour constituer le lien si précieux de la vie sociale, permet aux habitants de quitter leurs habitudes. Le temps d’un détour, ils peuvent pratiquer l’une des activités concentrées autour des gares.

A chaque fois ces détours constituent des changements de temporalité et de perceptions. Le détour est dans la culture japonaise une très ancienne expérience de l’espace ou celui-ci se découvre progressivement par un cheminement. Le Genkan ou vestibule entre la ville et la maison matérialise cette notion d’art du détour au quotidien. Ce dispositif prolonge dans la durée le franchissement du seuil de la maison. La pratique du dessin fait partie en 1998 du détour malgré le développement des cartes électroniques. Il est le support schématique mais précis de l’itinéraire à emprunter pour rendre visite à un ami ou une connaissance et était en 1998 encore envoyé par fax.. Cette pratique suppose la lecture simultanée de la carte et du territoire. Les schémas ne mentionnent cependant ni la distance ni la durée de ce détour.

Ainsi à Tokyo on ne se rend pas directement chez quelqu’un, on débute la rencontre par un détour dans les rues de son quartier ensuite vient le rituel du seuil. Au cours de ce parcours l’interprétation de la carte et du paysage mobilise l’attention optique. Bien-sûr en refaisant ce parcours, l’habitude remplacera l’attention

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L’habitude et la neutralisation de la perception

Résider en un lieu s’est y fabriquer des habitudes ou y inscrire des habitudes comme mode d’adaptation à son milieu. L’habitude dans un lieu familier neutralise une forme de perception car notre attention n’y est pas constante. Lorsque les données du parcours ont été mémorisées, l’orientation se fait comme sans y penser. Seules des impressions tactiles nous renseignent sur une adaptation immédiate aux conditions climatiques de l’environnement : le vent, la pluie, le froid, la chaleur Une familiarité ou une habitude vis-à-vis de l’environnement en neutralisant la perception ou une forme consciente de perception libère l’activité cérébrale d’une attention au milieu. Dans ces circonstances le déplacement du corps dans le territoire peut s’accompagner d’une rêverie, en partie détachée de l’environnement tout en se mêlant aux sensations comme en retrait perçues par le corps. Si un évènement imprévu survient, il sera perçu immédiatement et rappellera à la conscience la présence de l’environnement.

La perception distraite ou perception dans la distraction

Walter Benjamin analyse en termes d’attention les mutations des modes de perception de nos sociétés. La caractéristique de cette nouvelle attention serait la réception par la distraction. Le moteur de cette modification serait le cinéma, un art nouveau appelant des perceptions nouvelles : « la perception distraite ». Elle serait opposée à la réception de la peinture qui elle fait appel au recueillement ou à la contemplation. Benjamin ajoute que cette perception distraite était déjà présente dans la réception de l’architecture. Dans son essai Théorie et Histoire de l’architecture Manfredo Tafuri s’empare de ce sujet la perception distraite ou réception par la distraction :

«L’architecture est toujours entrée en contact avec le public par une lecture distraite, Il y a deux manières d’accueillir un édifice on peut le regarder on peut l’utiliser l’accueil peut être tactile ou visuel ».

Comme le précise Tafuri il n’y a pas d’équivalent de la perception tactile dans le domaine visuel, celle-ci se fait moins par voie d’attention que d’accoutumance .Cette précision éclaire la réception quotidienne de l’architecture et la place l’habitude comme la résultante d’une progressive accoutumance au lieu. On peut donc distinguer la réception tactile de l’architecture de la perception par la distraction. Dans la suite de l’ouvrage Tafuri poursuit sa démonstration en revenant à la réception visuelle de l’architecture, pour décrire des architectures d’une conception monumentale dont l’intention est d’échapper à un regard distrait.

«Ces architectures comme le Yamashi Building à Tokyo,le Governement Center à Boston et le Capitol de Dacca ne peuvent faire partie d’une observation distraite de la ville car à la base de leurs conceptions, il y a le refus de participer à un processus entièrement résolu par l’utilisation et la consommation ».

Les bienfaits de la perception distraite

Cette distraction des sens serait une défense vis-à-vis de l’environnement métropolitain, densité de signes visuels, d’images, de formes et de signaux sonores qui se transforment en permanence. Ainsi pour Jean Christophe Bailly, la perception vague serait un mode de défense contre la violence des sensations produites par la ville.et pour Georges Simmel une réserve émotionnelle du sujet métropolitain pour supporter les foules anonymes autour de lui. Les campagnes publicitaires sont bien là pour faire sortir le sujet de sa réserve et l’amener à consommer. A Paris les passages construisent un monde de rêve autour de la marchandise loin des bruits et des tracas de la ville. Les promoteurs des passages se servent de la promenade ou détournent la promenade pour faire entrer les passants dans un univers marchand, riche de sensations luxueuses. A Tokyo le dispositif des gares semble reprendre ce principe mais autrement, en détournant les voyageurs du rythme répétitif du quotidien, le temps d’une promenade commerciale, culturelle ou sportive

Périodicité des situations

Le rythme répétitif du quotidien autorise des échappatoires que la structure complexe du réseau de transport organise. Nous allons aborder une autre manifestation de cette souplesse de l’usage dans certains lieux dont la destination change en fonction de l’alternance des activités de travail et de loisirs par le rythme hebdomadaire de la ville. La pratique de la dérive expérimentée par les Situationnistes leur a permis d’instaurer de nouvelles relations entre la géographie de la ville et la subjectivité du sujet qui ne soit pas déterminées par les contraintes de la vie quotidienne. Cette pratique urbaine explorée à Paris : de détourner le plan de la ville pour révéler ce qu’il cache me semble avoir trouvé à Tokyo une

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application concrète avec l’apparition d’un espace public partagé à l’emplacement même de certaines voies de circulations. Comme l’avait bien suggéré Augustin Berque :

«Sans entrer dans le détail, on peut retenir une caractéristique profonde de la langue japonaise et de la culture japonaise en général : une souplesse qui permet de cheminer d’une interprétation à l’autre d’une situation à l’autre. On a même parler d’un situationnisme japonais»

Une avenue comme Ginza est interdite chaque week-end à la circulation des voitures. L’avenue change d’ambiance devient un boulevard piétonnier bordé de terrasses de café. Ce qui est étonnant c’est la rapidité et la simplicité de la mise en place de cette réversibilité de l’espace urbain. On observe un phénomène similaire dans le quartier autour de la gare de Shibuya. L’ambiance affairée et trépidante de la semaine change le week-end venu : les rues et avenues sont alors envahies par une collection d’activités de loisirs : le trottoir se métamorphose en une succession de salles de concerts en plein air, de studios de photographies improvisés, d’espaces de conférence informels etc. Cet usage multiple et successif de l’espace, alternativement espace de circulation et espace de détente ou de flânerie laissé à une libre appropriation des habitants à Tokyo, n’a pas d’équivalent à Paris. Des évènements comme Paris Plage et en partie la Fête de la musique ou Nuit Blanche sont des programmes ludiques et culturels, relevant d’un temps programmé par la Municipalité à destination des habitants, touristes ou résidents, et selon Bruce Bégout «Une sorte d’injonction faite aux habitants de marcher en se divertissant. Dans son essai «Suburbia» il analyse la portée et les significations de cette transformation

évènementielle de l’espace urbain.

Changement de temporalité : la marche, mélodie du milieu

Le promeneur suivrait-il une ligne mélodique en marchant ? Cette hypothèse n’est pas seulement musicale. Dans cette temporalité d’un temps qui s’étire dans la durée, il s’agit peut-être de découvrir comment déchiffrer la ville comme une partition musicale, pour reprendre la métaphore de Chris Marker dans son film Sans Soleil :

«Il m’a dit que cette ville doit être déchiffrée comme une partition musicale, autrement on risque de se perdre dans les grandes masses orchestrale et c’est une image vulgaire de Tokyo que l’on crée: inhumaine, mégalomane, surpeuplée. Il développe ensuite sa pensée pour métamorphoser les habitants: «Il croit y voir des rythmes plus subtiles, des grappes de visages aussi différenciés et précises que des groupes d’instrument de musique. Tout cela s’accordait comme les voix d’une fugue un peu compliquée mais il savait les séparer et s’accrocher à l’une d’elles pour la suivre»

La direction proposée par Chris Marker n’est pas formelle, elle n’est pas non plus directement sonore c’est-à-dire produite par la bande son de Tokyo comme l’escalier Ginza une marche une note. Elle est à découvrir au cours d’un processus de déchiffrage que la marche pourrait enclencher en mettant les sens à l’épreuve dans la durée. Avec le temps étiré de la promenade, il n’y a plus d’itinéraire formatée ou déterminé par les lignes de transport, la marche trace son propre sillage

Le temps de la marche et l’idée de durée

Le temps étiré contient l’idée de durée et inscrit la perception dans la durée au sens qu’Henri Bergson lui a donné celui de durée intérieure ou mélodie intérieure. Cette notion telle qu’elle est développée par la science est incapable de rendre compte de cette intuition. Le temps divisé en unité mesurable convient parfaitement à la pensée scientifique. Ce temps convient aussi aux conventions de la vie sociale, pour être à l’heure, mais n’a rien à voir «avec ce flux continu cette pure durée » dont parle Bergson et qui est «la donnée fondamentale de la conscience ». Cette dichotomie entre temps et durée Bergson l’éclaire par des exemples concrets : les pas du piéton, les coups de marteau sur l’enclume, le va et vient d’une cloche lointaine, Ainsi on peut percevoir la succession des coups de marteau distinctement à intervalle régulier mais on peut aussi entendre la mélodie qui s’en dégage. Bien-sûr dans cette perception de la situation vécue il y a une intuition du réel qui ne peut pas être démontrée

L’art du cheminement

Marcher dans Tokyo est la clé pour comprendre la ville, d’innombrables secrets ne se révèlent que par un cheminement patient. Le marcheur rencontre le paysage, éprouve la topographie. C’est en marchant que l’on peut comprendre le lien qui unit le tracé des rues et des avenues à la topographie de Tokyo en

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creux et vallonnement. En effet, la marche possède le pouvoir de nous faire ressentir le cheminement originel qui a déterminé le tracé de l’avenue où l’on chemine. Giuseppe Penone dans son œuvre a, entre autre, recherché dans la poutre, en partant d’un nœud du bois, la présence de l’arbre d’où elle vient. Cette mémorisation du temps dans la matière est aussi une expression de la durée. Par l’action de la marche les sensations immédiates et la mémoire se conjuguent à partir de là on peut rêver, voire même délirer sa ville et entendre la subtile mélodie que l’on a su dégager des grandes masses orchestrales. Marcher dans la rue n’est donc pas nécessairement effectuer une lecture attentive et précise de l’espace pour en établir un inventaire à la manière de Georges Perec. C’est plus couramment créer sa propre partition musicale des lieux traversés. Le géographe reconnait lui le terrain avec patience, il le sonde, le palpe, l’étalonne, Georges Pérec est à sa manière un écrivain géographe

«Ce qui caractérise la marche c’est qu’il s’agit d’une action s’accomplissant par phases successives mais dans le moment présent ». C Monakow et R Mourgue.

L’activité cérébrale et la fine mécanique de la marche : « chez l’homme la locomotion est un phénomène fort complexe, le système métamérique de la moelle donne la série successives des mouvements pendulaires de la marche, le cervelet en relation avec le système vestibulaire et la région de la calotte préside au réflexe de posture et au mouvement d’oscillation du tronc…les circonvolutions centrales interviennent dans la fine mécanique de l’adaptation rythmique du pied à la configuration du terrain. Les parties du cortex dispersées çà et là déterminent la direction de la marche, son but, la modalité de la progression d’après de mélodies kiné-tiques bien déterminées.

Introduction Biologique à l’étude de la Neurologie et de la Psychopathologie 1927 C Monakow et R Mourgue

Rythme, allure, cadence

Les mêmes mots décrivent les mouvements de la marche et de la musique. Si l’on considère maintenant des rythmes et des allures de la marche on peut passer d’un pas lent au pas de danse en passant par le pas cadencé. Ces variations dépendent des circonstances. La rue, et les sentes les boulevards et les avenues se différencient par le type de marche et d’allure qu’ils sollicitent comme l’a précisé Pierre Sansot dans : Poétique de la ville.

Tokyo a des variations de son considérables suivant que l’on se situe dans l’environnement d’une avenue et parfois sous une autoroute urbaine, ou dans un quartier silencieux de maisons basses. Les pas de marcheur se font mieux entendre dans une rue étroite (phénomène d’écho) que sur un boulevard, de même une conversation animée entre plusieurs personnes. John Cage utilise les sons et les bruits de la ville dans sa musique

La marche active les 5 sens

Si Bachelard parle à propos de la marche de polyphonie des sens. Merleau Ponty insiste sur une vision corporelle. «Ma perception n’est donc pas une sommes de données visuelles, tactiles, auditives je perçois d’une manière indivise avec mon être total,»

La Vision périphérique est un opérateur de la marche. C’est elle qui permet au piéton de déchiffrer l’espace qui l’entoure. Contrairement à la vision centrale avec laquelle l’œil se fixe pour obtenir des détails, la vision périphérique laisse des impressions globales,

Le Toucher Ce sens établit un lien de proximité avec les matières des objets qui nous entourent, par exemple le contact avec une poignée de porte froide et ronde. Il renseigne aussi la vision par la mémorisation des données tactiles de l’environnement. Avec la vue ce sens nous relie au territoire. Notre peau ressent les écarts de température avec précision.

L’Ouïe: « l’expérience auditive la plus importante créé par l’architecture est la tranquillité » Juhani Pallasmaa. Mais on peut aussi entendre l’architecture et la ville. L’homme qui marche en ville est

enveloppé par les sons et les bruits Très tôt à Tokyo il y a eu des designers sonores.

L’Odorat, ce sens est très sensible, huit molécules suffisent pour déclencher une réaction de notre nerf

olfactif et nous pouvons détecter plus de dix mille odeurs.

Le Goût. La cuisine japonaise est un itinéraire des saveurs !

Séminaire de Mésologie -2016- La perception

8 Fabrice Millet architecte d.p.l.g.

Paris, 8 Janvier 2016

Références

Bailly Jean Christophe La phrase urbaine - éditions Fictions et cie - Seuil 2013

Barthes Roland article critique sur le roman le Voyeur - Dossier de Presse édition 10/18

Bégout Bruce Suburbia - éditions Inculte 2013

Benjamin Walter L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique éditions Folio traduction française de la version de 1939

Bergson Henri Durée et simultanéité - édition originale 1923:. Paris, Presses universitaires de France, 1992. (Quadrige),

Berque Augustin Du geste à la Cité – éditions Gallimard NRF 1993

Berque Augustin Ecoumène - éditions Belin 2000

Diderot Denis Lettre sur les aveugles, à l’usage de ceux qui voient 1744 collections Folio, impression 2004

IS Internationale situationniste - édition augmentée 1958- 1969 Fayard

Ito Toyo L’architecture du jour d’après éditions Les Impressions nouvelles 2014

Kaijima/Kuroda/Tsukamoto Made in Tokyo - 1ère publication 2001 Kajima institute publishing

Marker Chris Sans Soleil Film sur le Japon et Tokyo 1983 « L’éloignement

des pays répare la proximité des temps »

Merleau Ponty Maurice Phénoménologie de la perception - édition Gallimard 1945

Monakow et Mourgue Introduction biologique à l’étude de la neurologie et de la psychopathologie - éditions Félix Alcan 1927

Pallasmaa Juhani Le regard des Sens-éditions John Witey 2005 pour la traduction française éditions du Linteau 2010

Roubaud Jacques Tokyo Infra ordinaire éditions Le Tripode 2014

Robbe-Grillet Alain Le voyeur - éditions de Minuit 1955

Sansot Pierre Poétique de la ville - Paris éditions A Coli 1ère édition 1971

Simmel Georges Les grandes villes et la vie de l’esprit - Payol petite bibliothèque 2013 – 1903 pour l’édition originale

Tafuri Manfredo théories et Histoire de l’Architecture éditions SADG 2ème édition 1976

Projet et utopie De l’avant-garde à la métropole pour la traduction française éditions Dunod 1973