52
IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES EDUCATEURS JUDICIAIRES, ACTEURS ESSENTIELS DE LA JUSTICE AUPRES DES MINEURS ? Mémoire de DUT Session de Juin 2010 LATREMOLIERE Tristan Directeur du mémoire : POGNANT Patrick

IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

  • Upload
    others

  • View
    6

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

IUT Paris Descartes

Département de Carrières sociales

DUT Carrières sociales

Option : Animation sociale et socioculturelle

LES EDUCATEURS JUDICIAIRES,

ACTEURS ESSENTIELS DE LA JUSTICE

AUPRES DES MINEURS ?

Mémoire de DUT

Session de Juin 2010

LATREMOLIERE Tristan

Directeur du mémoire : POGNANT Patrick

patri
Zone de texte
patri
Zone de texte
Rubrique « Meilleurs travaux étudiants » du département Carrières sociales de l’IUT de Paris Accueil de la page : <https://www.iut.parisdescartes.fr/metiers-du-social-socioculturel/meilleurs-travaux-etudiants-carrieres-sociales/>
Page 2: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

Remerciements

Je tiens à remercier M. Patrick POGNANT, Directeur de mon mémoire

pour m’avoir encadré et guidé pendant toutes mes recherches et m’avoir fait

bénéficier de ses nombreux conseils qui m’ont permis de mieux ordonner mon

travail.

Je souhaite remercier Mme Claire TALEM, éducatrice à la PJJ, qui s’est

rendue disponible tout au long de l’année pour répondre à mes questions et qui

m’a donné toutes les informations nécessaires à l’élaboration de mon mémoire.

Je remercie également Me Karine MARTEAU-FASSEL, professeur de

droit et Avocate à la Cour pour toutes les informations qu’elle a pu me fournir et

pour sa participation à mes recherches.

Pour leur soutien permanent dans l’évolution de mon mémoire et leur ac-

compagnement dans ma réflexion, je veux remercier ma famille et mes

proches.

Page 3: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

Sommaire

Remerciements .................................................................................................. 1

Introduction ........................................................................................................ 1

Partie I. ............................................................................................................... 3

Historique de l’intervention des éducateurs à la PJJ .......................................... 3

1. Situation des mineurs avant la Seconde Guerre mondiale....................... 4

2. Situation des mineurs après la Seconde Guerre mondiale ...................... 7

Partie II ............................................................................................................. 10

Tableaux d’une exposition : la PJJ dans tous ses états ................................... 10

1. Présentation Générale ........................................................................... 11

1.1. Du métier d’éducateur ..................................................................... 11

1.2. Formation des professionnels .......................................................... 12

1.3. Le public de la PJJ ........................................................................... 13

2. La Justice en amont de la PJJ ............................................................... 14

2.1. La procédure.................................................................................... 14

2.2. La gamme des sanctions ................................................................. 15

3. La PJJ, cadres et contours ..................................................................... 17

3.1. Les structures de la PJJ................................................................... 17

3.2. Partenaires ...................................................................................... 20

3.3. Les lois ............................................................................................ 20

Partie III ............................................................................................................ 23

Enjeux et limites du rôle des éducateurs .......................................................... 23

1. Des mineurs à la société : des intervenants au rôle décisif .................... 24

1.1. Intervenir auprès des mineurs ......................................................... 24

1.2. Renouer les liens ............................................................................. 26

1.3. Travailler à la prévention : promesse d’avenir ................................. 27

2. Les limites de l’intervention des éducateurs judiciaires .......................... 28

2.1. Les limites humaines et matérielles ................................................. 28

2.2. Jeu de miroirs : des médias au politique .......................................... 31

2.3. Les cadres de la loi .......................................................................... 33

2.4. Le hors-cadre : partenaires et travailleurs de l’ombre ...................... 36

Page 4: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

Conclusion ....................................................................................................... 39

Sources documentaires ................................................................................... 43

Document sur papier..................................................................................... 43

Documents numériques ................................................................................ 44

Documents audiovisuels ............................................................................... 45

Divers............................................................................................................ 45

Annexe ............................................................................................................. 46

Annexe A : Glossaire .......................................................................................... I

Page 5: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

1

Introduction

« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de

l’enfance ».

Ordonnance relative à l’enfance délinquante du 2 février 1945.

Les éducateurs judiciaires, communément appelés éducateurs de la PJJ

(Protection Judiciaire de la Jeunesse) ont suscité chez moi un vif intérêt que ce

mémoire de fin d’études va me permettre d’expliciter.

Ce travail est pour moi l’occasion d’approfondir mes connaissances sur

ce métier et d’en acquérir sur la PJJ qui était une terre inconnue. Je vois aussi

dans le choix de ce sujet une opportunité pour moi d’éclairer la dimension édu-

cative d’une profession qui m’attire par son originalité et par le lien entre le

monde judiciaire et celui de l’éducatif. Dans une société qui se sent de plus en

plus menacée par la délinquance juvénile, j’ai souhaité me renseigner sur la

façon dont elle considère aujourd’hui les mineurs délinquants*.

Par ailleurs, il se trouve que ces professionnels sont indirectement au

cœur de l’actualité compte tenu du nombre croissant de mineurs délinquants.

Au moment où j'écris ces lignes, un projet de loi comprenant la création d'un

tribunal correctionnel pour les mineurs récidivistes est discuté au Sénat, entraî-

nant une évolution des conditions de travail des éducateurs. D’autres change-

ments sont à prévoir dès à présent.

Aujourd’hui, la délinquance juvénile est un phénomène de société qui,

pour la comprendre, nécessite des approches pluridisciplinaires. Ainsi, afin de

réaliser mon travail sur les éducateurs de la PJJ et sur les mineurs délinquants,

je me suis appuyé sur des témoignages issus d’expériences professionnelles

d’éducateurs et sur des travaux de chercheurs en sciences humaines et en

sciences de l’éducation. Il m’a fallu tenir compte du cadre légal de l’action édu-

cative et étudier le contexte historique de l’institution judiciaire. Les différents

* Les mots et locutions suivis d’un astérisque renvoient au glossaire proposé en annexe A

Page 6: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

2

auteurs qui m’ont permis de faire mes recherches ont tous, plus ou moins, été

confrontés à des mineurs ayant commis des délits et ont effectué des travaux

dans les sciences sociales.

Mes recherches m’ont amené à me poser une question à laquelle j’ai

tenté d’apporter une réponse : en quoi l’intervention des éducateurs de la PJJ

auprès des mineurs se révèlerait-t-elle importante pour eux et quelles en se-

raient les limites? Je me suis aperçu que l'on ne pouvait y répondre qu'à travers

un questionnement plus vaste, que l'on ne pouvait comprendre les conditions

d'intervention des éducateurs qu'à travers la représentation que notre société

se fait des mineurs délinquants et celle de la place qu'elle veut leur accorder. Il

m'a fallu considérer en quoi l'évolution des mentalités dans les cinquante der-

nières années accélère les transformations du métier d'éducateur. Enfin, et en

rapport avec l'actualité de la législation sur les tribunaux correctionnels pour

mineurs, je me suis demandé comment, dans une société crispée sur ses

peurs, le rôle des éducateurs, qui est de restaurer le lien social, est sinon mar-

ginalisé, du moins détourné de son sens.

Pour ce faire, dans un premier temps seront présentés l’historique de

l’Institution puis l’intervention des éducateurs en son sein, ensuite le cadre de

leurs actions afin d’établir un état des lieux, et en dernier ressort une analyse

des enjeux du rôle de ces professionnels mais aussi des limites de leur métier.

Page 7: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

3

Partie I.

Historique de l’intervention des éducateurs à la PJJ

Page 8: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

4

La PJJ n’a pas toujours existé. Plusieurs siècles se sont écoulés avant

que cette institution ne prenne place dans notre société. L’intervention des édu-

cateurs a dû évoluer en fonction du regard porté sur les enfants délinquants.

Cette administration a toujours été soumise à d’incessantes mutations.

1. Situation des mineurs avant la Seconde Guerre mondiale

Il a fallu attendre le XIXe siècle pour que la société porte une « attention

particulière à la situation des mineurs de justice*1 ». Dans l’Antiquité, Socrate

s’inquiétait : « Nos jeunes [...] ont de mauvaises manières, se moquent de

l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des

tyrans2 ».

Sous l’Ancien Régime l’enfant n’a pas d’existence propre, il est considéré

comme un adulte en miniature. Jean-Jacques Rousseau est le premier à mon-

trer que l’enfant, comme l’adolescent, obéit à des valeurs différentes de celle

des adultes. Dominique Youf dira : « il n’y aurait pas eu d’éducation des mi-

neurs délinquants sans l’Émile de Rousseau […]3 ».

En 1791, après la Révolution Française, la prison était la peine principale

de droit commun et un moyen de privation de liberté pour l’ensemble de la po-

pulation. Le peuple considérait alors les peines votées par les Constituants

comme répressives par leur durée et par leur aspect correctionnel – avec le

travail forcé.

La répression a été encore plus importante et plus accentuée lorsque

Napoléon 1er est arrivé au pouvoir. En effet, les maisons centrales qui rassem-

blaient les détenus issus de tous les départements français ont été construites

à cette époque. Les prisonniers effectuaient un travail pénal, comme cela a été

le cas à Gand en Belgique. Le Code pénal datant de 1810 a rétabli les peines

1

VIMONT, Jean-Claude La prison à l’ombre des hauts murs, Boulogne-Billancourt : Gallimard, coll. « Découvertes », 2004, p. 30.

2 SOCRATE, s.n.e. cité par BOCKEL, Jean-Marie. La Prévention de la Délinquance des Jeunes,

novembre 2010, p. 1.

3 YOUF, Dominique, Juger et éduquer les mineurs délinquants Vottem (Herstal) : Dunod,

coll. « Protection de l’enfance », 2009, p. 19.

Page 9: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

5

perpétuelles de travaux forcés et a vu proliférer les exécutions capitales. Les

emprisonnements correctionnels se sont trouvés allongés. À cette époque, il n’y

avait aucune distinction entre les adultes et les mineurs. Ceux-ci subissaient les

mêmes peines que les majeurs. Il n’y avait pas de prison pour mineurs.

C’est seulement dix ans plus tard, en 1820, que les philanthropes* ont

considéré que le mélange des mineurs avec les repris de justice pouvait provo-

quer une réelle « flétrissure morale4 ».Le mouvement philanthropique a changé

le regard que portait la société sur sa jeunesse. Dans les maisons centrales, il y

a eu une volonté d’aménagement de quartiers séparés, à proximité du quartier

des femmes, et qui s’est concrétisée en 1824. À Gaillon, par exemple, un « dor-

toir distinct est affecté aux mineurs5 ».

En 1840, les colonies agricoles* pour les jeunes ont été instaurées. La

colonie de Mettray, près de Tours a été la première ouverte. C’étaient des «pri-

sons aux champs », « sans barreaux » mais pourvues « d’un quartier cellulaire

disciplinaire6 ». L’objectif était de permettre aux jeunes d’être réintégrés dans la

société par « le travail de la terre, par l’instruction et l’éducation religieuse ».

Ces colonies ont été officialisées le 5 Août 1850. La société commence à se

préoccuper de l’avenir de ces mineurs délinquants considérés comme enfants

« victimes de leur environnement familial7 », dont il est nécessaire d’assurer la

protection. À cette époque, on assiste à une grande expansion des sociétés

charitables et des patronages* qui se donnent pour mission d’éduquer les

jeunes et de les protéger.

Dès la fin du XIXe siècle, la société s’est voulue garante d’une politique

pénale adaptée à l’égard des mineurs pour favoriser leur survie. Malgré tout,

dans les faits, elle a continué à faire subir aux jeunes l’enfermement dans les

colonies pénitentiaires.

Dans les débuts du XXe siècle, il n’y a pas de changements radicaux de

la société concernant la jeunesse jusqu’en 1914, mise à part la création des

tribunaux pour enfants et de la liberté surveillée ordonnée par la loi de juillet

4VIMONT, Jean-Claude, op. cit., p. 31.

5 Ibid. p. 31.

6 Ibid. p. 43.

7 Ibid. p. 48.

Page 10: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

6

1912. En plus des conséquences que l’on connaît, la Première Guerre mon-

diale a eu une influence sur la délinquance juvénile. Celle-ci a été en pleine

augmentation durant ces quatre années de guerre à cause de la « dislocation

des familles, consécutive à la mobilisation des pères au front et des femmes

dans les usines […]8 ».

Face à cette poussée, l’État a mis en place une répression excessive à

l’égard des jeunes délinquants. La nouvelle politique – à travers les « camisoles

de force de La Faye », les « coups mortels à Mettray9 » – a été dénoncée en

1924 par la presse qui a révélé ces scandales à la population. Dès lors, la sup-

pression des bagnes des enfants a été exigée. Dans la période de l’entre-deux-

guerres, les médecins de Fresnes ont expérimenté des examens médicaux

psychologiques sur les jeunes prisonniers.

En 1927, l’administration pénitentiaire, par ordre d’un décret, s’est ren-

forcée d’un service d’Éducation surveillée. Les colonies correctionnelles sont

changées en maisons d’éducation surveillée qui prennent en charge les jeunes.

Les éducateurs appelés « surveillants des colonies » deviennent « les éduca-

teurs de jeunes inadaptés10 ».

En 1936, ce sont des professionnels de l’Éducation Nationale qui pren-

nent en charge l’éducation des jeunes délinquants dans les centres

d’apprentissage pour les former à un avenir professionnel, ce qui met fin aux

colonies pénitentiaires.

Le 27 juillet 1942, le parlement adoptait une loi sur la « nécessaire réé-

ducation des mineurs après une phase d’observation de la personnalité 11 » qui

a fait remplacer les maisons d’éducation surveillée par les IPES (Institutions

Publiques d’Éducation Surveillée).

8 Ibid. p. 52.

9 Ibid. p. 64.

10 FREUND, Véronique. Le métier d’éducateur de la PJJ, Mesnil-sur-l’Estrée : Firmin-Didot,

coll. « La Découverte », 2010, p. 33. 11

VIMONT, Jean-Claude, op. cit., p. 70.

Page 11: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

7

2. Situation des mineurs après la Seconde Guerre mondiale

Alors que la France venait de subir la Seconde Guerre mondiale et que

sa jeunesse était marquée par la violence de cette guerre, la Justice des mi-

neurs a pu, à partir de 1945, se construire et s’organiser d’une meilleure façon

que dans le passé. Le Gouvernement Provisoire de la République a rendu

l’ordonnance du 2 février 1945 en affirmant « c’est par une politique de protec-

tion de l’enfance que la France parviendra à faire reculer la délinquance juvé-

nile12 ». Ce texte, édicté par le Général de Gaulle, a été d’une importance capi-

tale pour l’avenir des mineurs. Cette ordonnance a permis au ministère de la

Justice de disposer, dans ses services, de la DES (Direction de l’Éducation

Surveillée). Un corps d’éducateurs de l’Éducation Surveillée a été officialisé

pour répondre aux missions dictées par ce texte. La nouvelle institution ne pou-

vait plus être dirigée par l’administration pénitentiaire.

Cette décision de justice prévoyait la spécialisation du travail d’un magis-

trat dénommé Juge des Enfants. Ce juriste qui, par ce titre, obtenait des « at-

tributions pénales et civiles » devenait « compétent en matière d’assistance

éducative13 ».

L’un des principaux fondements que la Justice des mineurs doit à

l’ordonnance de 1945 est le principe de protéger les mineurs et non de les ré-

primer. Selon Dominique Youf, l’ordonnance avait deux idéologies. La première

consistait à « protéger l’enfant délinquant », la deuxième à « l’éduquer »

puisque le jeune était « juridiquement incapable et irresponsable 14 ». Elle pro-

pose un « modèle de justice où les mesures de protection, d’éducation et de

réforme doivent se substituer aux peines15 ».

Cependant, comme l’affirme Jean-Marc Dupuy, l’ordonnance « n’excluait

pas le recours à la sanction pénale et à l’incarcération16 ». Elle repose sur la

protection du jeune et sur une alternative pénale.

12

YOUF, Dominique, op. cit., p. 11. 13

GUILLIEN, Raymond (dir.), VINCENT, Jean (dir.). Lexique de termes juridiques, Paris : Dal-loz, 1974, p. 203. 14

YOUF, Dominique, op. cit., pp. 17-22. 15

Ibid. p. 35. 16

DUPUY, Jean-Marc. « L’intervention de l’éducateur P.J.J de milieu ouvert auprès du mineur incarcéré ».Revue Adolescence, Marseille : L’esprit du temps, 2005, n°54, p. 977.

Page 12: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

8

L’ordonnance a aussi défini les différentes mesures et/ou sanctions pos-

sibles17 dont pouvait disposer le juge des enfants : la remise aux parents,

l’admonestation* du jeune, la réparation* à l’égard du mineur, la liberté surveil-

lée ou encore la possibilité de placer le jeune dans des structures de place-

ments* éducatifs. Il avait aussi le choix de mettre le jeune sous protection judi-

ciaire. Cette ordonnance a défini le travail des éducateurs, à savoir : enquêter

auprès du mineur et de sa famille afin d’essayer d’établir les causes de son

comportement.

En 1948, l’Éducation Surveillée comptait « 11 établissements avec 265

éducateurs 18 ». Ils avaient pour objectif de « changer par l’éducation 19 » les

jeunes dont ils s’occupaient. Ils seront plus nombreux en 1978.

Ce texte législatif ne permettait pas de traiter les problèmes de l’enfance

en danger. L’ordonnance relative à l’enfance en danger datant du 23 décembre

1958 vient compléter l’ordonnance de 1945. C’est le juge des enfants qui peut

décider de son exécution. Il peut intervenir dès lors que « la sécurité, la santé

ou la moralité de l’enfant sont en danger ou lorsque ses conditions d’éducation

apparaissent gravement compromises (art 375 code civil) 20 ». Au vu de cette

ordonnance, le juge peut décider pour le jeune en danger une « action éduca-

tive en milieu ouvert » ou un placement qui entraîne le « retrait du mineur de

son milieu naturel ». L’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) prend en charge le suivi

de ces jeunes.

C’est appuyée sur ces deux ordonnances, que l’Éducation Surveillée ef-

fectue sa mission, en s’occupant de mineurs délinquants mais aussi depuis

1958, d’enfants en danger, que ce soit pour des raisons pénales ou civiles.

L’avancée représentée par ces deux ordonnances n’a pas paru une ga-

rantie suffisante pour que, en mai 1968, les professionnels en restent là. Ils

« s’interrogent sur la signification politique de leur action éducative21» et es-

sayent de lutter contre l’injustice sociale.

17

FREUND, Véronique, op. cit., p. 16. 18

YOUF, Dominique, op. cit., p. 55. 19

Ibid. p. 19. 20

FREUND, Véronique, op. cit., p. 16 21

Ibid. p. 42.

Page 13: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

9

Les années 1970 sont marquées par la création des Institutions Spé-

ciales de l’Éducation Surveillée qui ont une « fonction d’hébergement, de forma-

tion et d’accueil en milieu ouvert 22 ».

L’Éducation Surveillée a été la première institution officielle à vouloir pro-

téger la jeunesse en mettant en place des actions éducatives, comme la forma-

tion professionnelle visant l’intégration des jeunes dans la société, en préparant

à divers CAP, des métiers du bâtiment par exemple.

En 1990, l’Éducation Surveillée est devenue la Protection judiciaire de la

jeunesse avec pour mission d’avoir « une politique de protection judiciaire de la

jeunesse adaptée aux différents contextes et garantir une égalité de traitements

des justiciables sur tout le territoire 23 ».

En partant du principe que rien n’est ancré ni acquis, la PJJ va connaître

une évolution profonde qui tend à modifier les ordonnances de 1945 et 1958.

Les professionnels, acteurs de cette institution subissent de même ces chan-

gements puisqu’ils n’ont plus les mêmes missions que les personnels éducatifs

de l’époque.

Afin de bien comprendre les nouveaux enjeux de cette administration, il

est important d’exposer une photographie actuelle présentant l’institution, le

métier des éducateurs de la P.J.J, les structures dans lesquelles ils travaillent et

le public* concerné par leurs actions éducatives.

22

Ibid. p. 44. 23

Ibid. p. 47.

Page 14: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

10

Partie II

Tableaux d’une exposition : la PJJ dans tous ses états

Page 15: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

11

L’année 1990 marque un tournant dans l’histoire de la Justice des mi-

neurs. L’Éducation Surveillée est devenue la PJJ et de nombreux changements

ont eu lieu au sein de l’institution et de son fonctionnement. Le métier des édu-

cateurs a aussi évolué à partir de cette date, confrontés qu’ils sont à un public

devenu plus difficile. La PJJ a développé de nouvelles structures afin de mieux

répondre aux besoins d’une population complexe. Elle a dû prendre en compte

les exigences de la société et régler les conflits sociaux. La justice pour enfants

prend « en considération […] la victime, le coupable et la société 24 » tout en

restant la plus neutre possible. Elle porte une attention plus particulière à la

personnalité du mineur qu’à son délit. Cette institution spécialisée préfère

mettre en place des actions éducatives à l’égard du jeune. Elle propose des

solutions qui visent à reconstruire les liens entre le mineur et la société, mais

aussi à rétablir la communication avec la famille.

1. Présentation Générale

1.1. Du métier d’éducateur

Les services de la PJJ ont pour mission d’établir un examen sur la situa-

tion du mineur afin de lui proposer une action éducative adaptée à son cas.

Pour répondre à ces missions, les services ont besoin des professionnels qui,

avant 1990, s’appelaient éducateurs de l’Éducation Surveillée et sont devenus

les éducateurs de la PJJ. Ce sont eux qui « conduisent des actions

d’investigations auprès des mineurs délinquants (ordonnance du 2 février 1945)

ou en danger (article 375 et suivants du code civil) 25 ». En 2010, il y avait envi-

ron 5000 éducateurs répartis dans les différents services de la PJJ.

Il ne faut pas les confondre avec les éducateurs dits de rue 26 qui eux,

exercent un travail préventif en étant en permanence implantés dans les quar-

tiers et proposant des activités éducatives aux jeunes qu’ils peuvent rencontrer.

Contrairement aux éducateurs de la PJJ, ils ne sont pas mandatés par la Jus-

24

YOUF, Dominique, op.cit., p. 173. 25

Ministère de la Justice et des Libertés. Fiche métier « Éducateur de la Protection de la Jeu-nesse », 2010 (page consultée le 15 avril 2011) <http://www.justice.gouv.fr/art_pix/fmeduc.pdf> 26

Entretien réalisé avec Claire TALEM, éducatrice à la PJJ dans l’Unité Goubet, Service Terri-torial Éducatif en Milieu Ouvert, Paris 19

e, 2010.

Page 16: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

12

tice. Cependant, ils peuvent être amenés à travailler avec les éducateurs judi-

ciaires en raison de leur lien permanent avec les jeunes des quartiers.

Au pénal, les éducateurs de la PJJ ont pour mission de répondre aux

demandes du juge des enfants pour ce qui concerne l’insertion et l’éducation du

jeune27. Il s’agit aussi d’essayer d’apporter une réponse aux problématiques*

familiales et, le cas échéant, de reconstruire les liens avec la famille. Par

exemple, un placement du mineur hors de son milieu naturel constitue une mis-

sion pour les éducateurs et peut améliorer les relations familiales. Les éduca-

teurs aident le jeune à « construire un projet de vie et affronter les difficultés

judiciaires 28 ». Leur travail consiste aussi à donner des règles au mineur pour

construire son avenir et développer son autonomie. Ils suivent le mineur au

quotidien, quelle que soit la structure où il se trouve. Considérant que le jeune

est en rupture sociale, les éducateurs « élaborent un projet éducatif de réinser-

tion sociale, scolaire et/ou professionnelle29 ».

1.2. Formation des professionnels

Pour mettre en place ces actions éducatives, les professionnels ont suivi

une formation intensive à l’ENPJJ (École Nationale de Protection Judiciaire de

la Jeunesse) à Roubaix. La formation a évolué depuis la création du métier et

continue de s’adapter afin de mieux répondre aux difficultés de la société.

L’éducateur de la PJJ est un fonctionnaire de catégorie B qui se forme pendant

une durée de deux ans alternant stages et partie théorique. Il existe plusieurs

formes de concours et de manières pour suivre la formation à l’ENPJJ. Un con-

cours externe est organisé pour les personnes titulaires du bac+2, pour les VAE

(Validations des Acquis de l’Expérience) ainsi que pour les personnes âgées de

quarante-cinq ans et plus. Le concours interne concerne seulement les fonc-

tionnaires ou agents de l’État qui ont plus de trois ans de métier dans le service

27

Ibid. 28 GENTIL, Luc. Les métiers de la justice – Lionel Baglin, éducateur de la protection judiciaire

de la jeunesse, 2007, durée 03:26. (Page consultée le 15 avril 2011)

<http://justimemo.justice.gouv.fr/JustiMemo.php?id=75> 29

Ministère de la Justice et des Libertés. Fiche métier « Éducateur de la Protection de la Jeu-nesse », 2010 (page consultée le 15 avril 2011) <http://www.justice.gouv.fr/art_pix/fmeduc.pdf>

Page 17: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

13

public. Pour les éducateurs spécialisés, qui ont le DEES (Diplôme d’État

d’Éducateur Spécialisé), il suffit de passer un entretien avec un jury qui juge

l’aptitude à exercer ce métier. Leur formation ne s’étalera que sur une seule

année. Il existe une possibilité d’intégrer l’école des éducateurs de la PJJ pour

les candidats qui ont cinq ans d’expérience professionnelle ou bénévole dans le

milieu social, sportif ou culturel. Enfin, certains professionnels de la PJJ,

comme les agents techniques d’éducation peuvent aussi prétendre à la forma-

tion. Les élèves suivent des cours « de droit, de psychologie, de psychopatho-

logie, de sociologie et étudient les grands courants pédagogiques 30 ». L’élève

est rémunéré pendant la durée de sa formation mais, en échange, doit servir

l’État pendant une durée de cinq ans. La formation ne s’arrête pas à l’École

puisque l’éducateur de la PJJ reçoit une formation en continu pendant sa car-

rière. Il peut par promotion ou par concours interne devenir chef de service

éducatif ou directeur de service.

1.3. Le public de la PJJ

L’éducateur de la PJJ ayant son diplôme ne peut exercer qu’auprès d’un

public de mineurs comme le prévoient l’ordonnance de 1945 et celle de 1958.

Juridiquement un mineur est une « personne poursuivie pour des faits commis

avant ses 18 ans 31 ». La délinquance se définit comme « l’ensemble de crimes

et délits commis sur un espace et en un temps donné 32 ». Elle associe le mi-

neur coupable d’un acte de délinquance et les services de la PJJ. L’ordonnance

de 1945, rappelons-le, autorise la PJJ à intervenir quand un mineur délinquant

est mis en cause par la Justice.

Selon Claire Talem33, éducatrice à la PJJ, la caractéristique de la popula-

tion des mineurs délinquants n’est pas qu’elle est délinquante mais que c’est

une partie de la population qui, ayant des difficultés diverses, se fait entendre

par la violence et non par la parole puisqu’elle n’y a pas suffisamment accès.

30

FREUND, Véronique, op cit., p. 155. 31

Ministère de la Justice et des Libertés, Les mineurs détenus, 2007. (Page consultée le 15 avril 2010) <http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/les-personnes-prises-en-charge-10038/les-mineurs-detenus-12008.html> 32

BOCKEL, Jean-Marie, op. cit., p. 8 33

Entretien réalisé avec Claire TALEM (voir note 26 p. 11).

Page 18: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

14

Le public de la PJJ est celui des mineurs âgés de seize à dix-huit ans

mais parfois aussi des jeunes majeurs de dix-huit ans jusqu’à vingt-et-un ans.

Ce sont les jeunes de dix-huit ans qui sont les plus nombreux. La PJJ s’occupe

de jeunes majeurs quand il s’agit de mise à l’épreuve*. Ce sont des adoles-

cents en difficulté avant d’être des personnes difficiles. Cette population est

touchée « par le chômage, la précarité, la pauvreté et par l’affaiblissement des

liens sociaux 34 ». La délinquance est principalement le fait des garçons car,

selon Claire Talem, elle est « la manière pour les garçons de se faire entendre

puisque pour les filles on parle davantage de violence intérieure comme les

passages à l’acte suicidaire ou la prostitution 35 ». Alors qu’avant 1990, on

n’évoquait peu la délinquance des filles, aujourd’hui, il y a une croissance im-

portante des « groupes de filles qui deviennent de plus en plus violentes pour

défendre leur quartier 36 ». Les enfants délinquants sont jugés par la justice des

mineurs en fonction de ces différentes caractéristiques (sexe, âge), mais aussi

selon le délit.

2. La Justice en amont de la PJJ

2.1. La procédure

Pour faire face au problème de la délinquance juvénile, la Justice des

mineurs s’est organisée au cours des dix dernières années. Pour elle, « l’enfant

ne doit pas être jugé comme un adulte 37 » puisqu’il y a une nécessité de le pro-

téger et de l’éduquer, ce qui n’est pas envisageable pour un majeur. La Justice

des mineurs pour juger les jeunes les répartit selon différentes juridictions.

Lorsque l’enfant commet un délit minime, il est envoyé devant la Chambre des

conseils où il dialogue seul avec le juge des enfants. Celui-ci peut

« l’admonester » et/ou « le remettre aux parents 38 ».

34

FREUND, Véronique, op. cit, p. 168. 35

Entretien réalisé avec Claire TALEM 36

PIETRASANTA Sébastien, France Inter, « Le téléphone sonne » (Banlieues, états limites

après le lynchage d’un jeune homme à Noisy-le-Sec), 2011, 40 minutes. (Page consultée le 14

avril 2011) <http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/letelephonesonne/index.php?id=103680> 37

YOUF, Dominique, op cit. p. 5. 38

EINAUDI, Jean-Luc. Les mineurs délinquants, La Flèche : Fayard, 1995, p. 137.

Page 19: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

15

Quand le délit est plus sérieux et qu’il appartient au domaine du correc-

tionnel, alors le mineur est auditionné au Tribunal des enfants face à un juge

des enfants et à deux adjoints. Ils peuvent décider d’une liberté surveillée jus-

qu’à la majorité, de travaux d’intérêt général ou encore d’une réparation à

l’égard de la victime.

Lorsqu’il y a crime, deux possibilités existent pour le mineur selon son

âge. S’il a moins de seize ans lors des faits, il sera jugé par le Tribunal des en-

fants. Par contre, au-delà de cet âge, il s’agit d’une affaire devant la Cour

d’Assise des mineurs qui se compose de deux assesseurs (des juges pour en-

fants) et de juges aléatoires. La spécificité de cette Cour est que les audiences

se déroulent à huis-clos, c'est-à-dire sans public.

Pour que la Justice et la PJJ puissent intervenir, il faut un constat du délit

commis par le mineur. Dès l’interpellation d’un mineur par la police, la Justice

met en place une série de dispositifs à son encontre. Soit il est placé en garde à

vue avec l’assistance d’un avocat et d’un médecin, soit il est confié au SEAT

(Service Éducatif Auprès du Tribunal) où des éducateurs le prennent en charge

et tentent d’établir un diagnostic qui aidera le juge à prendre une décision. Dès

lors qu’il y a une poursuite judiciaire, un juge des enfants se charge du dossier

et prend une sanction à l’égard du mineur. Avant de prendre sa décision, il or-

donne une investigation* du jeune.

2.2. La gamme des sanctions

Les sanctions prises à l’encontre d’un mineur peuvent être de trois

types : placement, suivi dans un milieu ouvert* ou mise en détention. Le place-

ment, peut se faire dans un EPE (Établissement de Placement Éducatif) ou

dans un CEF (Centre Éducatif Fermé). En ce qui concerne le milieu ouvert, le

mineur est placé par exemple dans un STEMO (Service Territorial Éducatif en

Milieu Ouvert). Enfin, la mise en détention se fait pour un mineur dans un EPM

(Établissement Pénitentiaire pour Mineurs) comme celui de Meyzieu à Lyon

ouvert en 2007. Ce sont des lieux où sont appliquées des sanctions pour

l’essentiel à but éducatif. Le juge des enfants peut décider une mesure de liber-

té surveillée préjudicielle*, d’une mesure de liberté surveillée, d’un contrôle ju-

Page 20: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

16

diciaire*, d’un sursis avec mise à l’épreuve ou encore de travaux d’intérêt géné-

ral d’une durée comprise « entre 40 et 240 heures de travail au profit d’une col-

lectivité 39 ». Une des autres sanctions consiste à suivre un stage de formation

civique sur la vie en collectivité.

La détention provisoire est d’une durée variable : s’il s’agit d’une peine

correctionnelle de moins de sept ans, la durée de détention ne dépasse pas un

mois avec toutefois une possibilité de renouvellement d’une durée maximale

d’un mois. Si la peine dépasse sept ans, la durée de la détention provisoire se-

ra de quatre mois renouvelables dans la limite d’une année. Pour une peine

criminelle, la loi prévoit une durée de détention provisoire variable de six mois à

deux ans, selon que le mineur a moins de treize ans, moins de seize ans ou

plus de seize ans.

Il existe aussi les mesures de réparation qui visent à « faire prendre

conscience au jeune de ses actes et de ses responsabilités 40 ». Maryse VAIL-

LANT, dans son livre De la dette au don, explique l’intérêt de faire comprendre

que « réparer ne veut pas dire effacer l’acte transgressif ou agressif mais le

reconnaître, se reconnaître acteur des éléments de sa vie, puis auteur de ses

actes 41 ». La réparation peut être très importante pour réintégrer le mineur

dans la société et lui expliquer ses devoirs et ses obligations ainsi que pour la

victime. L’acte réparateur permet au jeune de comprendre la souffrance de sa

victime dans la mesure où il s’y implique, par un processus inverse de celui qui

vise à reproduire sur autrui les préjudices que l’on a soi-même subis. L’action

éducative permet « de viser la réparation du mineur ou la réparation par le mi-

neur, la réparation de la victime ou celle de la collectivité 42 ». La réparation

permet de responsabiliser le mineur ainsi que ses parents. Soit le mineur se

répare lui-même, soit il se répare à travers la réparation de la victime ou de la

société.

39

Ibid. p. 85. 40

Ibid. p. 85. 41

VAILLANT, Maryse (dir.). De la dette au don, Aubenas d’Ardèche : ESF éditeur, 1994, p. 199. 42

Ibid. p. 201.

Page 21: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

17

3. La PJJ, cadres et contours

3.1. Les structures de la PJJ

Pour mettre en œuvre toutes les sanctions que le juge peut prononcer et

que les éducateurs appliquent, il a fallu créer des structures qui favorisent

l’éducation du mineur. Ces dernières se sont développées depuis une dizaine

d’années pour la plupart, mais ont subi une restructuration le 6 novembre 2007

par le décret n°2007-1573 relatif aux établissements et services du secteur pu-

blic de la protection judiciaire de la jeunesse. Les professionnels de la PJJ tra-

vaillent soit dans des établissements du secteur public de la PJJ, soit dans des

services du secteur public de la PJJ 43.

Le vocable établissements désigne des structures « qui mettent en

œuvre des mesures de placement soustrayant le mineur à son milieu

rel 44 » alors que l’appellation services s’applique aux centres qui « mettent en

œuvre les mesures d’investigation […], les activités de jour ainsi que

l’intervention éducative auprès des mineurs incarcérés 45 ».

La première catégorie comprend les établissements de placement édu-

catif et les CEF. Les EPE (Établissements de Placements Éducatifs) se compo-

sent de plusieurs unités éducatives. Les UEHC (Unités Éducatives

d’Hébergements Collectifs) gèrent les accueils d’urgence des mineurs sous

mandat judiciaire. Les UEHD (Unités Éducatives d’Hébergement Diversifié)

s’occupent des jeunes qui veulent être logés individuellement dans des foyers

collectifs (« foyer de jeunes travailleurs, résidence sociale, réseau des fermes

d’accueil à dimension sociale 46 ») mais aussi des jeunes placés dans des fa-

43

Ministère de la Justice et des Libertés, décret n°2007-1573 relatif aux établissements et ser-vices du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, 2007. (Page consultée le 15 avril 2011) <http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000283187&dateTexte=> 44

Ministère de la Justice et des Libertés, Les établissements et services de la DPJJ, 2010. (Page consultée le 15 avril 2011) < http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/la-dir-de-la-protection-judiciaire-de-la-jeunesse-10269/les-etablissements-et-services-de-la-dpjj-18682.html> 45

Ibid. 46

Ministère de la Justice et des Libertés, Les établissements de placements, 2010. (Page con-sultée le 15 avril 2011) < http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/la-dir-de-la-protection-judiciaire-de-la-jeunesse-10269/les-etablissements-de-placement-18684.html>

Page 22: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

18

milles d’accueil. La PJJ a mis en place les UE-CER (Unités Éducatives-Centres

Éducatifs Renforcés) afin de créer une rupture de courte durée entre le mineur

et son mode de vie. La mission des CER est d’ « accueillir des mineurs en

grande difficulté ou en voie de marginalisation très ancrée dans la délinquance

ayant souvent derrière eux un lourd passé institutionnel 47 ». Les professionnels

de la PJJ assurent un suivi éducatif et un enseignement des règles de vie pen-

dant tout le séjour du mineur. Si l’EPE ne dispose pas d’une de ces trois unités

éducatives, il devient un EPEI (Établissement de Placement Éducatif et

d’Insertion) avec une UEAJ (Unité Éducative d’Activité de Jour).

L’UEAJ organise « des activités scolaires, professionnelles, culturelles

et sportives adaptées aux mineurs 48 ». La loi définit les CEF comme des éta-

blissements qui accueillent des mineurs :

placés en application d'un contrôle judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un placement à l'extérieur ou à la suite d'une libération condition-nelle. La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l'emprisonnement du mineur49.

Pour la deuxième catégorie, celle des services de la PJJ, il s’agit d’une

autre organisation. Le STEMO (Service Territorial en Milieu Ouvert) est respon-

sable des investigations auprès d’un mineur qui sont demandées par le juge

avant un jugement. Sa mission est de prendre « en charge les mineurs mainte-

nus dans le milieu familial 50 ». Il dispose de plusieurs unités dont une UEAT

(Unité Éducative Auprès du Tribunal) et d’une UEAJ (Unité Éducative d’Activité

de Jour). L’UEAT est un service qui doit mener une investigation auprès du mi-

neur tout comme un SEAT. Ce dernier se compose d’une seule unité : UE-

SEAT (Unité Éducative-Service Éducatif Auprès du Tribunal). Le STEI (Service

Territorial Éducatif et d’Insertion) contribue à l’insertion sociale du jeune avec 47

Ministère de la Justice et des Libertés, « Centres éducatifs renforcés », Actes du colloque de Lyon, janvier 2000, cité par FREUND Véronique, op cit., p. 73. 48

Ibid. 49

Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 - art. 62 JORF 7 mars 2007. (Page consultée le 15 avril 2011) <http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=26B15F3CCCB6FAE6E238A02005CB1C20.tpdjo17v_3?cidTexte=JORFTEXT000000517521&idArticle=LEGIARTI000006495369&dateTexte=20110506&categorieLien=id#LEGIARTI000006495369 > 50

FREUND, Véronique, op. cit., p. 18.

Page 23: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

19

des activités professionnelles dans les ateliers de production qui « ne courent

pas de risque économique. Ces lieux de travail sont gérés par une association-

support et font un chiffre d’affaires mais n’ont pas de délais de production à

respecter 51 ». Les STEI proposent aussi des activités culturelles autour de

l’expression théâtrale et écrite.

Enfin, les derniers services du secteur public de la PJJ sont les SE-EPM

(Services Éducatifs-Établissements Pénitentiaires pour Mineurs). Ils ont été

construits dès 2002 et mis en service en 2007. Ces lieux de détention pour mi-

neurs sont pourvus d’un espace éducatif puisque selon la loi du 9 septembre

2002 « les mineurs de treize à seize ans ne peuvent être placés en détention

que dans les seuls établissements qui garantissent la présence

d’éducateurs 52 ». Les éducateurs reçoivent les jeunes, entretiennent les liens

avec leur famille, proposent des animations éducatives, suggèrent des aména-

gements de peine, et étudient ses possibilités d’intégration. Les EPM ont une

seule unité : l’UE SE-EPM (Unité Éducative Services Éducatifs-Établissements

Pénitentiaires pour Mineurs).

La Direction judiciaire de la jeunesse possède environ « 1500 structures

de placement et de milieu ouvert 53 » et prend en charge 170 500 mineurs

chaque année54. Les éducateurs de la PJJ interviennent dans tous ces services

et établissements et sont obligatoirement mandatés par un juge. C’est d’ailleurs

le juge qui choisit le service en fonction du lieu d’habitation. Leurs actions édu-

catives ne sont pas les mêmes selon les différents lieux où les éducateurs tra-

vaillent. La durée de leur travail change en fonction des sanctions infligées aux

mineurs qu’ils suivent. Un éducateur accordera peut être plus de temps à un

jeune incarcéré que lors d’une investigation.

51

Ibid. p. 105. 52

DRPJJ, La protection judiciaire de la jeunesse, une institution d’éducation au service de la justice, 2004. (Page consultée le 15 avril 2011) < http://www.idf.pref.gouv.fr/biblio/publications/activites_2004/fiches_04/DRPJJ_04.pdf > 53

Ministère de la Justice et des Libertés, Les établissements et services de la DPJJ, 2010. (Page consultée le 15 avril 2011) < http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/la-dir-de-la-protection-judiciaire-de-la-jeunesse-10269/les-etablissements-et-services-de-la-dpjj-18682.html> 54

Ministère de la Justice et des Libertés, Une justice pénale et civile spécifique, 2011. (Page consultée le 15 avril 2011) <http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/>

Page 24: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

20

Son rôle est aussi d’assurer un lien avec la famille du jeune en difficulté

puisque ce dernier est mineur et que ses parents sont responsables. Le profes-

sionnel a l’obligation de convoquer les parents et de les avertir des actions qu’il

veut mettre en place. Les entretiens avec le mineur restent néanmoins privés.

Un éducateur travaille avec le jeune, certes, mais aussi avec le jeune et sa fa-

mille. Seulement, le contact avec la famille ne suffit pas pour que l’éducateur

fasse un travail éducatif adapté et efficace. En effet, il a besoin de partenaires

extérieurs.

3.2. Partenaires

Le juge est la première personne à qui le professionnel fait appel quand il

souhaite élaborer une action éducative. Il peut être amené à collaborer avec

des assistantes sociales, des psychologues lors d’une investigation. Si le tra-

vailleur social exerce son métier dans un EPEI, il fera sans aucun doute appel à

des professionnels de l’Éducation Nationale et/ou aux missions locales. Avoir

un emploi pour un jeune, à sa sortie d’un EPM par exemple, peut être détermi-

nant pour être plus facilement réintégré à la société. L’éducateur de la PJJ peut

donc travailler avec les CIO (Centres d’Informations et d’Orientation) pour orien-

ter le jeune vers des études ou un travail. Ces différents partenaires n’ont pas

toujours travaillé avec les professionnels de la PJJ. Les rapports entre eux évo-

luent quotidiennement et s’intensifient.

3.3. Les lois

La nouvelle organisation des services et des établissements a provoqué

des modifications importantes pour les éducateurs de la PJJ. Les changements

ont supprimé des structures comme les CPI (Centres de Placements Immé-

diats) et les FAE (Foyers d’Action Éducative) et ont donné le jour aux CEF et

aux EPM. Depuis 1990 à nos jours, une succession de lois est à l’origine de ces

évolutions de la PJJ. Alors que la PJJ et la Justice des mineurs se veulent pro-

tectrices de la jeunesse en adaptant les sanctions et en éduquant le jeune pour

qu’il puisse se reconstruire après sa peine, les gouvernements rédigent des lois

et des circulaires de plus en plus répressives à l’égard des mineurs délinquants.

Page 25: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

21

En 1992 par la circulaire du 2 octobre de la même année, la loi ne « fait

pas la distinction entre mineurs et majeurs, l’un et l’autre sont des individus ra-

tionnels 55 ». Les individus rationnels sont des personnes dont les comporte-

ments sont soumis à la raison. La loi Toubon datant de 1996 considère que le

mineur doit être responsable de ses actes. En 1992, les statistiques ont révélé

que la délinquance juvénile représentait « 13,88% de la délinquance géné-

rale 56 ». Le gouvernement de l’époque a, semble-t-il, voulu mettre un terme à

cette hausse par l’application de ces lois. Le constat est le même plusieurs an-

nées après puisque le 9 septembre 2002, le parlement a voté la LOPJ (Loi

d’Orientation et de Programmation pour la Justice). Cette loi considère que

« les mineurs […] sont pénalement responsables des crimes, délits ou contra-

ventions dont ils ont été reconnus coupable 57 ». La LOPJ autorise la création

des CEF et des EPM.

Avec la loi Perben II du 9 mars 2004, la PJJ doit appliquer des sanctions

éducatives associées à une peine : « remise de peine, fractionnement ou sus-

pension de peine, semi-liberté, libération conditionnelle, placement sous surveil-

lance électronique, placement extérieur 58 ». Les mineurs peuvent avoir comme

nouvelle sanction un stage de formation civique à effectuer. La Loi du 5 mars

2007 relative à la prévention de la délinquance diminue la différence juridique

entre les mineurs et les majeurs. Les moins de dix-huit ans peuvent, à partir de

cette date, être sanctionnés de la même manière que les adultes. Par exemple

il sera possible d’appliquer le contrôle judiciaire dès le premier acte de délin-

quance du jeune. Enfin, la loi du 10 août 2007 « instaure, en cas de récidive,

des peines-plancher dès l’âge de treize ans et la suppression de l’excuse de la

minorité pour les plus de seize ans, sauf décision motivée du magistrat 59 ». Les

jeunes mineurs rencontrent des difficultés d’intégration puisqu’ils sont exclus

socialement du système où « l’échec scolaire est massif et les perspectives

d’insertion professionnelle faibles 60 ». Les mineurs écartés du système scolaire

55

YOUF, Dominique, op. cit., p. 111. 56

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 10. 57

YOUF, Dominique, op. cit., p. 115. 58

FREUND, Véronique, op. cit., p. 59. 59

Ibid. p. 60. 60

FREUND, Véronique, op. cit., p. 23.

Page 26: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

22

« perdent leur reconnaissance sociale, leur identité sociale 61 » . Pour le secré-

taire d’État à la Justice, la difficulté des jeunes est de se confronter à l’autorité

et donc à la législation de la société62. Il constate que les familles n’ont plus la

même autorité qu’auparavant. En effet, les parents sont souvent disqualifiés par

une différence de culture, de scolarisation ou d’absence du père.

Ainsi, depuis 1990, la PJJ a-t-elle connu des modifications rapides mais

nécessaires. Le travail des éducateurs a mieux été défini, formant une institu-

tion unique dans les services de la Justice. La délinquance juvénile évolue se-

lon les années, ce qui pousse les éducateurs à s’adapter aux situations des

jeunes qu’ils rencontrent en offrant des établissements et des services ajustés

aux cas des mineurs. Les sanctions ne sont plus les mêmes, elles se sont diffé-

renciées avec les nouvelles lois en vigueur. Ces lois, qui modifient le travail des

éducateurs, notamment dans les centres fermés et les établissements péniten-

tiaires, apportent d’autres missions aux professionnels de la PJJ. Afin de mieux

comprendre la nécessité du travail des éducateurs de la PJJ, il est utile de voir

les enjeux et les limites de leur intervention auprès des mineurs.

61

MUCCHIELLI, Laurent, France Inter, « Le téléphone sonne », op. cit. 62

BOCKEL, Jean-Marie, op. cit., p. 13.

Page 27: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

23

Partie III

Enjeux et limites du rôle des éducateurs

Page 28: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

24

Depuis 1945, le travail des éducateurs de la PJJ n’a pas cessé de

s’enrichir et de progresser. Il évolue en fonction du regard que porte la société

sur sa jeunesse parmi laquelle les mineurs, qui endurent des difficultés de plus

en plus graves. Ces professionnels sont chargés d’une part de répondre aux

besoins de la société et d’autre part de protéger ces jeunes en danger. Ces

deux missions affirment donc l’importance du rôle de ces éducateurs, exposés

à des difficultés qui marquent les limites de leur action éducative.

1. Des mineurs à la société : des intervenants au rôle décisif

L’intervention des éducateurs est essentielle pour deux acteurs : le mi-

neur et la société représentée par la Justice. En effet, sans les éducateurs, les

jeunes n’auraient pas la même protection et le même accompagnement, et la

société aurait eu plus de difficulté à gérer le phénomène de la délinquance ju-

vénile.

1.1. Intervenir auprès des mineurs

Claire Talem disait que l’objectif pour les mineurs était leur réinscription

dans le droit commun en sortant des services de la PJJ63. Pour elle, les éduca-

teurs aident le jeune à mettre des mots sur l’acte délictueux commis. La famille

doit jouer un rôle important pour la réinsertion sociale du jeune. Il faut que le

mineur puisse continuer à évoluer au sein de sa famille, même si celle-ci

s’avère nocive pour lui. Claire Talem pense que des liens mêmes nocifs avec

des proches restent avant tout des liens qui ne doivent pas se rompre. Ce point

de vue est bien entendu contestable. Tout dépend de ce que l’on entend par

« liens nocifs ».

Le travail des éducateurs permet d’avoir une vision globale du parcours

du jeune de façon à ce qu’il avance. L’intervention consiste aussi à essayer de

comprendre le jeune et à créer du lien avec lui afin d’analyser pourquoi il a

commis un délit. Un mineur délinquant est en décalage par rapport à la société

et le travail des éducateurs aide à restreindre, voire à éviter ce décalage.

63

Entretien réalisé avec Claire TALEM (voir note 26 p. 11).

Page 29: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

25

La PJJ ne considère pas un mineur comme un délinquant mais comme

un jeune qui a des difficultés et qui a accompli un acte délictuel64. La rencontre

avec des éducateurs permet à l’adolescent de disposer d’une sanction éduca-

tive et d’éviter une sanction pénale qui peut être préjudiciable. Pour Jean-Luc

Einaudi,

le pari de l’action éducative est précisément de parvenir à influer sur la cause des troubles qui trouvent leur origine dans la petite enfance et permettre ainsi à la personnalité du jeune de se développer positivement, de ne pas se structurer dans la délinquance65.

Afin de permettre aux jeunes de se reconstruire, les professionnels éla-

borent des nouveaux cadres éducatifs qui consistent, par exemple, à apporter

avec les mineurs dont ils s’occupent une aide humanitaire dans des pays qui en

ont besoin. Ainsi, l’intervention de l’éducateur n’est pas figée : elle se diversifie

pour éduquer le jeune et elle est une ressource pour ce dernier. L’importance

du travail des éducateurs, comme le souligne Véronique Freund, est d’essayer

« au-delà de l’image que le jeune donne de lui-même de déceler ses capacités

et d’imaginer avec lui un avenir possible66 », d’autant plus que ces jeunes sont

le plus souvent dans des situations dramatiques où ils subissent des violences

de la part de leurs parents67.

Lorsque les jeunes sont confiés à la PJJ, les éducateurs, dans les limites

des sanctions qui ont été infligées à leurs jeunes, mettent en place des me-

sures éducatives qui ont pour objectif de faire en sorte qu’à la sortie de leur

peine, ils ne récidivent pas. En ce sens, l’éducation peut être comprise par le

mineur comme une sanction car elle le contraint à respecter les règles.

Les éducateurs jouent un rôle essentiel pour le mineur puisqu’ils lui pro-

posent un accompagnement approprié, lui donnent des moyens pour se réa-

dapter dans la société. Leur travail est un atout qui peut faire que le jeune

prenne ou reprenne confiance en lui, confiance qu’il a pu perdre à cause de

64

VAILLANT, Maryse (dir.), op. cit., p. 201. 65

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 286. 66

FREUND, Véronique, op. cit., p. 11. 67

Propos d’un auditeur, France Inter, « Le téléphone sonne », op. cit.

Page 30: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

26

problèmes graves (violence dans la famille ou autres). L’enjeu majeur de cette

intervention est d’éviter la récidive. Même si les éducateurs doivent protéger les

adolescents et les éduquer, ils ont aussi la mission de proposer réparation des

préjudices subis par la société.

1.2. Renouer les liens

La Justice des mineurs agit au nom de la société en sanctionnant le

jeune pour le délit qu’il a commis. Elle a pour mission de rétablir les liens qui ont

été rompus entre les différents acteurs : la victime, l’auteur du délit et la société.

Il s’agit de réparer au mieux le tissu social entre chacun de ces trois protago-

nistes68. Afin que le travail des éducateurs soit le plus efficace possible, la so-

ciété, à travers la Justice, doit permettre au mineur de rencontrer « des per-

sonnes qui entendent ces questions et qui voient en lui un jeune en maturation

et qui lui donnent le temps et les moyens relationnels de le devenir 69 ». De

plus, la société doit laisser du temps aux éducateurs, à la PJJ et au mineur pour

que ce dernier puisse se reconstruire et évoluer vers une situation régulière et

profitable à tous les acteurs de la société.

La priorité de l’intervention est d’appliquer des sanctions éducatives mais

elle peut être plus autoritaire lorsqu’ « il est vital, pour le mineur lui-même et

pour la société, de mettre un coup d’arrêt à l’escalade délinquante et de répri-

mer l’acte commis70 ». La société génère de plus en plus cette fermeté, à tort

ou à raison, et se donne les moyens de la mettre en œuvre. Même si le travail

éducatif doit rester une priorité, les éducateurs de la PJJ sont amenés à

prendre en compte la demande de sévérité émanant de la société. La PJJ a le

devoir de « combattre la récidive des mineurs délinquants, condition nécessaire

à leur insertion sociale71 ». Si la PJJ remplit sa mission, la société peut autoriser

la réintégration du jeune en son sein. C’est pourquoi le lien entre la société et la

PJJ est déterminant pour l’avenir des mineurs.

68

VAILLANT, Maryse (dir.), op. cit., p. 199. 69

Ibid. p. 201. 70

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., pp. 291-292. 71

DRPJJ, La protection judiciaire de la jeunesse, une institution d’éducation au service de la justice, 2005. (Page consultée le 15 avril 2011) < http://www.idf.pref.gouv.fr/biblio/publications/activites_2005/fiches_pdf_05/DRPJJ.pdf>

Page 31: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

27

À travers l’intervention des éducateurs, la Justice apporte des solutions

aux problèmes de la délinquance juvénile. Le travail des professionnels de la

PJJ autorise la reconstruction des rapports entre les mineurs et la société. Il

aide le jeune à progresser par le biais de l’éducation en lui inculquant des prin-

cipes fondamentaux (sur la citoyenneté par exemple). L’éducation d’un mineur

est aussi un moyen de limiter la reproduction des actes de délinquance dont le

corps social souffre. Les éducateurs épargnent aux jeunes des sanctions ré-

pressives en échange de sanctions éducatives dans l’intérêt de la société tout

entière.

1.3. Travailler à la prévention : promesse d’avenir

Afin de limiter la délinquance juvénile, les éducateurs essaient de mettre

en place un travail préventif auprès des mineurs avec l’intervention de parte-

naires extérieurs. La prévention est un objectif fondamental pour les éducateurs

qui vise à faciliter l’intervention des professionnels de la PJJ. Il existe plusieurs

moyens de faire de la prévention. Des équipes de prévention ont été mises en

place dès 1972 pour accomplir des actes de prévention auprès des mineurs. Le

principe est que « les membres de ces équipes agissent volontairement, béné-

volement. L’action est mise sur l’amitié et la liberté des jeunes d’établir ou non

une relation avec les membres de l’équipe72 ». Les résultats de ces clubs*sont

positifs. Comme le dit Jean-Marie Bockel, « prévenir la délinquance des mi-

neurs, c’est garantir la certitude de l’intervention éducative73 ». Pour développer

la prévention de la délinquance et les rapports entre les jeunes et la société,

une solution est possible avec la police dite de proximité (rebaptisée en 2010, la

" Brigade Spéciale de Terrain"). Selon Michel Marrec, délégué d’Unité Syndicat

Général de la Police, « elle connaît les individus74 », facilite la communication et

a été très efficace en très peu de temps. Enfin, les éducateurs de la PJJ travail-

lent aussi avec les éducateurs de rue qui font continuellement de la prévention

en proposant des activités aux jeunes.

72

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p.292. 73

BOCKEL, Jean-Marie, op. cit., p. 72 74

MARREC, Michel, France Inter, « Le téléphone sonne », op. cit.

Page 32: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

28

Pour toutes ces raisons, le travail des éducateurs est aujourd’hui néces-

saire à la fois pour le mineur et pour la société. C’est donc un enjeu pour les

jeunes dits délinquants considérés avant tout comme des enfants en danger.

Les enjeux de ces interventions auprès des mineurs sont considérables et né-

cessitent du temps pour être atteints. Au-delà de l’importance des actions édu-

catives que les professionnels de la PJJ réalisent, ils sont confrontés au-

jourd’hui à des difficultés qui mettent en péril leur intervention auprès des

mineurs. Afin de cerner le rôle des éducateurs dans le milieu judiciaire, il est

important de présenter les limites de leur travail.

2. Les limites de l’intervention des éducateurs judiciaires

Le travail des éducateurs est aujourd’hui menacé par des réformes qui

restreignent de plus en plus l’intervention des professionnels de la PJJ. Ils se

retrouvent confrontés à des réalités qui entravent leur action. Ces limites peu-

vent être d’ordre juridique, politique, matériel, humain ou professionnel.

2.1. Les limites humaines et matérielles

Les limites humaines peuvent correspondre au travail des éducateurs, au

public de la PJJ alors que les limites matérielles traduisent un manque de

moyens. Ces dernières limites sont celles qui sont les plus visibles. En effet, les

éducateurs dénoncent le rétrécissement du travail des éducateurs de la PJJ

dont le champ d’action s’arrête à celui du pénal depuis peu d’années. Aupara-

vant, grâce à l’ordonnance de 1958, la PJJ pouvait prendre en charge, outre les

mineurs délinquants, les enfants en danger. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. La

PJJ s’occupe exclusivement de mineurs qui ont commis des délits.

Un des problèmes importants est sans doute le manque de temps dont

disposent les éducateurs pour s’occuper de chaque mineur. Pour Claire Talem,

trois mois de placement dans un centre fermé est une période trop courte pour

permettre de créer un lien éducatif avec un mineur. Sachant qu’il exerce vingt-

cinq à trente mesures*, un éducateur ne peut pas s’occuper longtemps d’un

Page 33: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

29

mineur ou de ses proches75, ce qui montre aussi que les « équipes ne sont pas

assez nombreuses pour prendre en charge l’ensemble des mesures ordonnées

par les magistrats76 ». Il arrive que le professionnel travaille seul et qu’une me-

sure couvre deux à trois années entre le moment où le jeune est repéré et le

jour où le juge aura prononcé la sanction. Alors que la PJJ manquait de profes-

sionnels en 1995, les politiciens ont supprimé « plus de deux cents emplois

d’éducateurs77 ». C’est toujours le cas à notre époque où les éducateurs de-

mandent la sécurité de l’emploi contre les licenciements.

Par ailleurs, le travail des éducateurs n’est ni évident ni facile. En effet,

ils travaillent avec des jeunes qui ont des difficultés sociales. Malgré leurs com-

pétences, ils rencontrent des obstacles dans leur travail. Aujourd’hui, le gouver-

nement demande à ces professionnels d’ « intégrer les orientations sécuri-

taires78 » qu’il souhaite mettre en œuvre. Les compétences changent puisque

comme le dit Jean-Marc Dupuy, « c’est le délit et plus la personnalité qui est

d’abord pris en compte79 ». Le travail n’est plus le même puisqu’il faut réprimer

et non plus éduquer.

Malgré leurs actions éducatives, les éducateurs ne peuvent pas en milieu

pénitentiaire empêcher des dégâts dévastateurs pour les mineurs. Pour Jean-

Luc Einaudi, « un mineur incarcéré c’est toujours le constat d’un échec de

l’action éducative et l’arrêt momentané de celle-ci80 ». Cela montre bien la limite

des compétences des éducateurs dans le milieu pénitentiaire.

Les limites de l’intervention des éducateurs sont dues à la définition de

leurs missions, au manque de moyens, mais elles peuvent aussi être liées au

public de la PJJ car les mineurs qui paraissent en justice ont des difficultés qui

génèrent des conséquences directes sur leur travail. Ils sont confrontés à des

problématiques familiales inquiétantes et lourdes, à des « situations familiales

et sociales de plus en plus dégradées81 ». On constate que la notion de famille

75

FREUND, Véronique, op. cit., p. 88. 76

Ibid. p. 88. 77

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 288. 78

FAURE, Sonya. « La mutation majeure des éducateurs pour mineur ». Libération, 2010, n°9168, pp. 12-13. 79

DUPUY, Jean-Marc, op. cit., p. 978. 80

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 291. 81

FREUND, Véronique, op. cit., p. 97.

Page 34: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

30

évolue rapidement ; souvent, les liens familiaux sont rompus et la famille divi-

sée, et il y a de plus en plus de « familles monoparentales au sein desquelles la

mère se retrouve seule avec ses enfants 82 ». Il peut avoir dans ces situations

des problèmes d’éducation des enfants. Il y a de fortes possibilités que ces

jeunes aient un lourd passé derrière eux et qu’ils n’arrivent pas à s’en sortir.

Les éducateurs, acteurs extérieurs de la vie des jeunes, voient donc arri-

ver à la PJJ des adolescents avec des difficultés familiales. La limite de

l’intervention éducative est que ces professionnels se retrouvent face à des

problèmes qu’ils ne peuvent pas résoudre. En outre, l’action éducative est effi-

cace dès lors que le jeune souhaite « se saisir des opportunités que l’adulte lui

aura proposées et que la vie lui offre, afin d’en tirer les meilleurs bénéfices pos-

sibles83 ».

Les professionnels doivent ainsi éviter d’imposer au jeune une éducation

par la contrainte et par la brutalité puisque, comme le dit Alain Dru, (CGT), « on

n’éduque pas un gamin contre son gré84 », d’autant que les mineurs ont une

représentation de la loi différente de la réalité. Selon le maire d’Asnières-sur-

Seine, les mineurs estiment que « la prison et la garde à vue sont des moyens

d’avoir de l’estime de soi et de devenir un homme lorsqu’on est un caïd85 ».

Lorsqu’ils sont interpellés par les forces de l’ordre, les mineurs délinquants

« considèrent leur arrestation comme une malchance et non comme le résultat

d’une faute86 ».

La difficulté pour les éducateurs est de faire comprendre aux mineurs la

réalité, au premier rang de laquelle les sanctions qu’ils encourent, mais tout en

les responsabilisant. Le travail consiste à donner une représentation positive de

la vie collective dont les adolescents n’ont pas toujours conscience. À l’inverse

Ils ne réalisent pas, semble-t-il, la gravité des actes qu’ils commettent. Viennent

d’être pointées les difficultés que rencontrent les éducateurs face à un public

difficile et d’être examiné comment ils tentent d’y répondre. Cependant, il est

très délicat pour ces professionnels de trouver des solutions, d’autant qu’ils

82

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 284. 83

VAILLANT, Maryse (dir.), op. cit., p. 199. 84

FAURE, Sonya, op. cit., p. 13. 85

PIETRASANTA Sébastien, France Inter, « Le téléphone sonne », op. cit. 86

BRUEL Alain, De la dette au don, VAILLANT, Maryse (dir.), p. 61.

Page 35: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

31

œuvrent souvent sous le feu des médias, ce qui ne facilite pas leurs interven-

tions.

2.2. Jeu de miroirs : des médias au politique

Les dépôts de plainte et rapports de police sont les plus susceptibles

d’alerter les pouvoirs politiques de l’évolution de la délinquance juvénile. Ce-

pendant, à notre époque et notamment avec l’essor de l’internet, faut-il préciser

que les médias ont un rôle de plus en plus important dans le formatage de

l’opinion. Régulièrement les médias évoquent la délinquance juvénile à travers

des reportages, des faits divers, des enquêtes ou encore en diffusant des sta-

tistiques. Implicitement ils mettent en cause le travail des éducateurs, abiment

l’image de la Justice des mineurs et touchent à la notoriété de la PJJ. Or, on

sait que la Justice des mineurs subit des modifications importantes décidées

par les gouvernements qui dénaturent l’institution, le rôle des professionnels qui

y travaillent et dictent les sanctions à l’égard des mineurs, ce que les médias

omettent trop souvent de rappeler. L’influence médiatique a un rôle plus insi-

dieux que les pouvoirs politiques mais induit leurs décisions.

Dans le contexte des années 1990, les médias présentaient à la société

une image des mineurs délinquants différente de celle que donnaient la PJJ et

les forces de l’ordre (police et gendarmerie). Comme le montre Jean-Luc Ei-

naudi, les médias affirmaient que la délinquance des mineurs était en hausse,

alors qu’entre 1982 à 1992 « le nombre de mineurs mis en cause par la police

et la gendarmerie est passé de 104 749 à 98 86487 ». Les journalistes avan-

çaient que « les mineurs sont aujourd’hui responsables de plus du tiers des dé-

lits commis avec violence88 », informations qui sont démenties par des en-

quêtes et des statistiques. Ces données faussées sont encore présentes dans

la société contemporaine. Les médias semblent profiter de chaque occasion

pour alarmer la société sur une éventuelle hausse de la délinquance juvénile.

Chaque fois, ces chiffres remettent en cause l’utilité de l’intervention des éduca-

teurs, qui dans ces cas-là, paraît inefficace.

87

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 10. 88

Ibid. p. 10.

Page 36: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

32

Pour les professionnels de la PJJ, il est important de ne pas stigmatiser

les jeunes mineurs et de montrer une fausse réalité. Il y a quelques mois, le

secrétaire d’État à la Justice a rapporté que la délinquance juvénile s’était am-

plifiée de « 19% depuis le début de l’année 2010 […] dans la capitale89 ». Ce-

pendant « il n’existe pas de statistiques suffisamment fiables pour permettre

d’évaluer de façon scientifique l’évolution de la délinquance des mineurs90 ».

Tous ces chiffres ont des conséquences directes sur les services de la

PJJ et le travail des éducateurs. Prenant conscience de ces statistiques, l’État

va vouloir mettre en place des mesures contraignantes visant la diminution de

la délinquance juvénile. Les médias informent de la situation mais, soucieux de

plaire au public en alimentant ses peurs, peuvent influencer négativement

l’action éducative de la PJJ. L’impact médiatique censure moins le travail des

éducateurs que ne le fait l’influence politique. Cette dernière organise la Justice

des mineurs et contrôle l’intervention éducative. Pour faire face aux problèmes

des mineurs, l’État a mis en place dès 1990 des mesures restrictives, ce qui n’a

pas échappé aux médias. En effet, Sonya Faure constate aujourd’hui que de-

puis la création de la PJJ « les gouvernements prônent un retour à la fermeté

voire à la fermeture91 ».

Les propos sécuritaires répétés à l’envi par les médias finissent par in-

fluencer les politiques et par justifier des modifications importantes dans les

institutions éducatives, et poussent à la création d’établissements péniten-

tiaires. En outre, ces discours dévalorisent l’action des éducateurs. Depuis

2002, la création des CEF et des EPM illustre le constat que la « politique à

l’égard des mineurs s’est considérablement durcie92 ». Par cette répression po-

litique, le métier des éducateurs et l’action éducative sont remis en cause.

Dans une relation spéculaire avec les médias, les politiques actuelles

exercent des limites au métier des éducateurs. Les pouvoirs politiques vont

prendre des dispositions qui tendent à réformer complètement l’ordonnance de

1945. La profession des éducateurs de la PJJ risque d’évoluer de façon brutale.

Il suffit d’un décret ou d’une loi pour changer les missions des travailleurs so-

89

BOCKEL, Jean-Marie, op. cit., p. 78. 90

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 14. 91

FAURE, Sonya, op. cit., p. 13. 92

FREUND, Véronique, op. cit., p. 47.

Page 37: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

33

ciaux. Les éducateurs ne peuvent pas réellement s’opposer aux avis politiques

et aux mesures répressives adoptées si tant est par des grèves. Le nouveau

cadre juridique qui a été mis en place depuis les années 2000 détermine lui

aussi l’intervention des éducateurs, limités à nouveau dans leurs actions éduca-

tives.

2.3. Les cadres de la loi

La Justice des mineurs est actuellement en pleine révision puisque les

pouvoirs politiques optent pour une justice plus répressive. Selon la DRPJJ,

deux lois sont responsables des changements que subit l’activité de la PJJ. La

première est la LOPJ, adoptée en 2002 et la seconde, la LOLF (Loi

d’Orientation pour les Lois de Finances). Cette dernière soumet aux services de

la PJJ « une rationalisation de leurs objectifs, une obligation de résultats et des

procédures systématiques d’évaluation93 ». Comme le souligne Véronique

Freund, la LOLF est responsable de la diminution du financement de la PJJ

(perte de 1% qui correspond à la suppression de 140 postes)94. Les éducateurs

endurent une pression permanente pour démissionner. La loi autorise la ferme-

ture d’« une structure […] jugée non rentable95 ». Les établissements les plus

touchés sont les hébergements puisque la loi favorise les CEF et les EPM. Pour

les éducateurs, l’action éducative est plus difficile à pratiquer dans un milieu

pénitentiaire et cette loi va à l’encontre de leur intervention. Elle les oblige à

travailler dans des lieux impropres à l’éducation.

D’autre part, le premier Code des mineurs vient d’être mis en place. De-

puis peu, le cadre législatif en adoptant ce Code, transforme le SEMO (Suivi

Éducatif en Milieu Ouvert) qui « ressemble étrangement à un contrôle judiciaire

pour mineurs, dont la sanction n’est pas la prison, mais le placement96 ». La

limite pour l’intervention éducative est de savoir où se situe la rupture entre

l’éducatif et la répression par le contrôle. Le Code transforme le fonctionnement

de la Justice des mineurs et se démarque de l’ordonnance de 1945. Celle-ci

93

FREUND, Véronique, op. cit., p. 123. 94

Ibid. p. 123. 95

Ibid. p. 124. 96

Article 131-4, Projet de Code de la justice pénale des mineurs, 2009, cité par YOUF, Domi-nique, op. cit., p. 223.

Page 38: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

34

avait voulu accommoder le droit pénal aux jeunes alors que « le projet du Code

des mineurs veut appliquer aux mineurs les principes du droit classique 97 ».

Les appellations changent : le juge des enfants devient le juge des mineurs et

le tribunal pour enfants, tribunal des mineurs. Ces désignations n’interfèrent pas

dans les actions éducatives mais le Code le fait. Véronique Freund dénonce la

cessation de la continuité du travail des professionnels et les mesures éduca-

tives qui imposent aux mineurs l’obéissance à une multitude de règles. Elle

dit aussi qu’« avec ce projet, on en revient à une justice rétributive centrée sur

l’acte délictueux sans aucune prise en compte globale de la problématique du

jeune98 ».

Les nouvelles modifications sont des limites très restrictives pour le tra-

vail des éducateurs car la Justice va juger le jeune en fonction de son délit sans

prendre en compte les problèmes que le mineur aura pu rencontrer. Ce cadre

législatif, qui s’éloigne de celui fixé par l’ordonnance de 1945, détermine le nou-

veau travail des éducateurs en favorisant la répression au détriment de

l’éducation. Le travail des éducateurs devient alors limité par la législation. Il n’y

a pas que le cadre législatif qui a évolué puisque le fonctionnement de la Jus-

tice a aussi été remanié.

Pour répondre aux exigences de la société et des pouvoirs politiques, la

Justice des mineurs a instauré « un système basé exclusivement sur la con-

trainte et l’enfermement (CPI, CER, CEF, EPM)99 ». Critiqués par la majorité

des professionnels, ces établissements obligent les mineurs à respecter des

règles sous peine d’être mis en détention. Selon le SNPES (Syndicat National

des Personnels de l’Éducation Surveillée), « 33% des mineurs placés ont été

incarcérés au cours de leur placement au CEF, dont bon nombre sans avoir

commis de nouveaux délits mais en raison de fugues ou d’un non-respect du

fonctionnement de l’établissement100 ». L’accroissement des mesures répres-

sives semble révéler un déclin du travail des éducateurs qui sont contraints de

réprimer et de moins éduquer. Pour Dominique Youf, « les condamnations, qui

97

YOUF, Dominique, op. cit., p. 222. 98

FREUND, Véronique, op. cit., p. 61. 99

DUPUY, Jean-Marc, op. cit., 100

SNPES-PJJ, PJJ : maillon de la chaîne pénitentiaire, 2005, cité par FREUND, Véronique, op. cit., p. 165.

Page 39: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

35

devaient être une exception, sont devenues une pratique ordinaire de la justice

des mineurs 101 ». On voit que ces nouveaux fonctionnements de la Justice limi-

tent de plus en plus l’intervention des éducateurs ce qui montre bien que le rôle

des éducateurs est de plus en plus restreint.

L’incarcération des mineurs a des conséquences psychologiques aggra-

vantes sur les jeunes. Pour le SNPES-PJJ (Syndicat National des Personnels

de l’Éducation Surveillée-Protection Judiciaire de la Jeunesse), les EPM repré-

sentent « une véritable militarisation du travail éducatif102 ». Il y a de plus en

plus de suicides de jeunes dans ce type d’établissements : de 2002 à 2008 leur

nombre a augmenté dans un rapport de 1 à 3. Ces structures ne semblent pas

adaptées aux jeunes et aux actions éducatives que peuvent mener les éduca-

teurs de la PJJ. C’est pourquoi certains professionnels critiquent les dysfonc-

tionnements de la Justice des mineurs et souhaitent la mise en place de solu-

tions à travers les réformes et les lois. Dominique Youf pense que la juridiction

néglige « la victime de l’infraction et le trouble social provoqué103 » par le mi-

neur quand elle estime que celui-ci souffre de problèmes familiaux et sociaux.

Enfin, les changements législatifs partagent le monde judiciaire en deux

camps : ceux qui voient dans ces nouvelles réformes un avenir pour la PJJ et

ceux qui constatent une régression du travail éducatif. Les éducateurs sont les

victimes indirectes de la Justice qui leur impose des changements dans

l’exercice de leur métier, en limitant leurs actions éducatives auprès des mi-

neurs. Toutefois, comme le souligne Maryse Vaillant, « l’intervention de la Jus-

tice selon le modèle classique est souvent mal ressentie et les décisions qu’elle

prend apparaissent souvent inadaptées ; elles ne satisfont ni le condamné, ni la

victime, ni la société104 ». Mais, les éducateurs de la PJJ rencontrent des limites

autres qu’institutionnelles, liées à des partenaires extérieurs, à l’image que la

société a de cette institution et enfin à une difficile reconnaissance.

101

YOUF, Dominique, op. cit., pp. 221-222. 102

FREUND, Véronique, op. cit., p. 99. 103

Ibid. p. 4. 104

ALLAIX, Michel, ROBIN, Michel, De la dette au don VAILLANT, Maryse (dir.), p. 29.

Page 40: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

36

2.4. Le hors-cadre : partenaires et travailleurs de l’ombre

Une des compétences des éducateurs est de savoir travailler en équipe,

avec d’autres personnes et des contacts extérieurs à la PJJ. Il n’est pas tou-

jours aisé d’établir des contacts et de travailler avec des partenaires (juges, po-

liciers…), qui peuvent parfois imposer des limites au travail des éducateurs.

Alors que la délinquance juvénile fait parler d’elle, les éducateurs de la PJJ res-

tent dans l’ombre. Cette méconnaissance de la part de la société peut limiter

leur rôle car les éducateurs, on le comprend, ont besoin d’une reconnaissance

de leur travail.

Les partenaires sont continuellement en contact avec la PJJ. Les pre-

miers sont les juges des enfants qui prennent en charge les mineurs et manda-

tent les éducateurs dès l’interpellation du jeune. Le lien entre ces deux acteurs

est fondamental. Or, Jean-Marie Bockel constate que « les juges des enfants

sont largement absents des dispositifs partenariaux et locaux de prévention de

la délinquance juvénile105 ». Finalement, les juges des enfants ne suivent pas

assez le travail des éducateurs. Puisque un éducateur obéit à des mesures ju-

diciaires, il a besoin d’informer en permanence les juges. Ceux-ci peuvent être

dépassés par leur charge de travail et selon le nombre de mesures, consacrer

plus ou moins de temps aux éducateurs. C’est donc une limite relationnelle

mais qui n’empêche pas les éducateurs et les juges de faire leur travail malgré

tout.

Aujourd’hui, le juge des enfants a de moins en moins de place dans la ju-

ridiction des mineurs. En effet, « les parquets deviennent la plaque tournante de

la justice des mineurs. Le juge des enfants n’est plus le personnage central de

la justice pour mineurs106 ». Les autres partenaires liés à la Justice des mineurs

sont les services d’ordre (police et gendarmerie) qui sont les premiers interve-

nants lorsqu’il y a un délit. Ce sont eux qui rencontrent les mineurs et saisissent

éventuellement le juge pour faire part du délit. Leur intervention est importante

pour les éducateurs mais aussi peut limiter le succès du travail des profession-

nels de la PJJ. Pour preuve :

105

BOCKEL, Jean-Marie, op. cit., p. 71. 106

YOUF, Dominique, op. cit., p. 113.

Page 41: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

37

Trop souvent les services de police ne voient pas l’intérêt qu’il y aurait à mettre un jeune venant de commettre un premier délit en rapport avec la justice des mineurs et les services éducatifs pour prévenir une possible dégradation ulté-rieure107.

Si le mineur n’est pas interpellé par la Justice des mineurs dès son pre-

mier délit, il peut récidiver sans comprendre pourquoi sa première infraction est

un délit. Si personne ne lui explique la gravité de son geste, pour lui-même et

pour les autres, il continuera et n’identifiera pas les causes de ses actes. Même

si la PJJ manque de moyens financiers, humains, matériels, il est nécessaire de

la faire intervenir dès le premier délit parce que cette action conditionne l’avenir.

Un adolescent ne peut pas construire sa personnalité sur des actes de violence

et ni sur une méconnaissance des causes qui l’ont poussé à commettre ces

actes. Alors que si les éducateurs le prennent en charge dès la première infrac-

tion, il a une chance de se construire sur des nouvelles bases qui lui auront ap-

pris que commettre un acte délictueux est sanctionné par la loi. Le manque de

communication entre les différents partenaires des éducateurs peut influer sur

leur travail. Outre les partenaires, la société agit, elle aussi, sur le travail des

éducateurs.

En conclusion, si les mineurs sont de plus en plus nombreux dans le mi-

lieu pénitentiaire, c’est, dit Claire Talem « non pas parce qu’il y a de plus en

plus de jeunes violents mais parce que la société est de plus en plus répressive

et moins éducative108 ». La société selon Jean-Luc Einaudi est « convaincue

d’assister ces toutes dernières années à une irrésistible et spectaculaire pous-

sée de la délinquance juvénile109 ». Or, ces mouvements sociétaux influent sur

l’intervention des éducateurs. Puisque la délinquance augmente, l’État qui sou-

haite satisfaire la société, va mettre en place des structures pénitentiaires pour

mineurs afin de faire baisser cette délinquance. Toujours selon le même auteur,

« vouloir des résultats rapides et visibles comme on a tendance à l’exiger de-

puis quelques années pour satisfaire l’opinion, hypothèque l’éducation elle-

107

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 117. 108

Entretien réalisé avec Claire TALEM (voir note 26 p. 11). 109

EINAUDI, Jean-Luc, op. cit., p. 10.

Page 42: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

38

même110 ». Cela montre bien que la société met des limites aux éducateurs en

demandant des réponses instantanées, exigence à laquelle ils ne peuvent pas

répondre. De plus, une grande partie de la population ne semble pas connaître

les services de la PJJ, ce qui constitue un frein pour les éducateurs dans leur

travail.

Il n’est pas facile d’effectuer un travail quand celui-ci est méconnu ou re-

gardé de façon malveillante. C’est trop souvent le cas pour les éducateurs de la

PJJ. Au début du XXIe siècle, la Cour des comptes « déplorait le nombre de

mesures en attente et le peu de temps consacré à chaque mineur111 ». Elle

pointait ainsi le manque de compétence de l’institution. Ces critiques portent

atteinte à l’image des éducateurs, de la PJJ et du travail de ces professionnels.

En revanche, elles ont le mérite de mettre en évidence le manque de moyens

des services de la Justice des mineurs. Les éducateurs et la PJJ subissent un

« déficit de considération au sein du ministère de la Justice et des Libertés112 ».

Ce manque de reconnaissance est un obstacle, une limite à leurs interventions

auprès des mineurs. Alors que les jeunes délinquants sont de plus en plus

stigmatisés, les éducateurs peinent à se faire connaître. Les relations avec les

différents partenaires sont parfois difficiles, la société est de plus en plus dure

avec sa jeunesse.

Avec la répression actuelle, la question est de savoir jusqu'à quand les

éducateurs pourront proposer des actions éducatives malgré les limites aux-

quelles ils se heurtent. La PJJ est nécessaire pour les jeunes délinquants puis-

qu’elle défend certains enjeux. Les limites pointées ici sont loin d’être exhaus-

tives. Tout l’avenir dépendra des influences politiques et sociétales.

110

Ibid. p. 286. 111

Cour des Comptes, La Protection judiciaire de la jeunesse, 2003, cité par FREUND, Véro-nique, op. cit., pp. 117-118. 112

BOCKEL, Jean-Marie, op. cit., p. 76.

Page 43: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

39

Conclusion

Page 44: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

40

« L’enfance a des manières de voir, de penser qui lui sont propres ; rien n’est

moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres ».

Jean-Jacques Rousseau (1762)113

La société a tardé à considérer les enfants comme des personnes à part

entière et non seulement comme des futurs adultes. Il a fallu attendre le XIXe

siècle pour qu’elle commence à protéger et à éduquer sa jeunesse.

L’ordonnance de 1945 concernant les mineurs délinquants et l’ordonnance de

1958 relative à la protection des enfants en danger ont concrétisé cette volonté

de s’occuper des jeunes marginalisés. Ce sont les deux textes fondateurs de

l’action éducative. Le métier des éducateurs, sous diverses appellations, s’est

construit au cours de plusieurs siècles. Ces professionnels ont mis du temps à

s’imposer dans la société. La profession a réellement été reconnue à partir de

l’ordonnance de 1945, texte qui a permis au système judiciaire de fixer des

sanctions éducatives adaptées aux mineurs. Pour les appliquer, la Justice a mis

en place une diversité de structures, soit de placement, soit de milieu ouvert.

Les problématiques que rencontrent les mineurs ont, elles aussi, évolué,

devenant de plus en plus aggravantes et délicates. Elles ont des conséquences

sur le travail des éducateurs. Rien ne garantit qu’un éducateur puisse efficace-

ment aider un mineur qui a subi des violences familiales répétitives. Le profes-

sionnel essaiera d’intervenir auprès du mineur le mieux possible en fonction

des moyens dont il dispose. Comme ces moyens tendent à être réduits, la for-

mation des éducateurs est essentielle. Ces derniers doivent savoir répondre le

plus efficacement possible aux problèmes des jeunes. Ressemblant autrefois

plus à une transmission de connaissances entre différents professionnels, au-

jourd’hui, la formation est bien différente et plus complexe. Elle répond au be-

soin de connaître le public avec lequel les futurs éducateurs vont travailler, les

institutions et leurs partenaires et enfin, le cadre juridique de l’intervention édu-

cative.

113

Rousseau, Jean-Jacques, Julie ou la Nouvelle Héloïse, 1762, cité par YOUF, Dominique,

op. cit., p. 26.

Page 45: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

41

La PJJ, anciennement appelée l’Éducation Surveillée, a vécu des trans-

formations très importantes comme la fin de la prise en charge des enfants en

danger qui sont gérés aujourd’hui par les services de l’ASE. Cette institution se

prépare à en subir d’autres. La Justice pour les mineurs et pour les majeurs est

en pleine reconversion. Ses missions changent, les services dont elle dispose

évoluent et son fonctionnement est remis en cause. Le travail des éducateurs

est aujourd’hui indispensable à la société et aux mineurs délinquants. Malgré

des difficultés importantes, notamment budgétaires et matérielles, l’intervention

éducative doit être renforcée pour répondre à la délinquance juvénile. Les édu-

cateurs doivent aussi faire face aux influences de la politique et de la société.

La PJJ et les éducateurs restent cependant méconnus par l’opinion publique,

situation qui ne facilite pas leurs actions auprès des mineurs et auprès de la

Justice.

Aujourd’hui le constat est simple : l’action éducative est en péril car la

société est moins tolérante envers sa jeunesse qu’autrefois : à preuve, le dépôt

d’ « un texte de loi visant à abaisser l’âge de la majorité pénale à 16 ans114 ».

La société, parce qu'elle a peur de sa jeunesse, semble souhaiter que la loi la

mette hors d'état de nuire, alors que le rôle de la Justice est de la protéger. Elle

souhaite regrouper les sanctions prononcées à l’encontre des mineurs celles

avec des majeurs ; avis qui n’est pas partagé par tous puisque comme l’affirme

Robert Badinter « mieux vaudrait rapprocher la justice des jeunes majeurs de

20 ans de celle des mineurs de 18 ans, avec priorité à l’éducatif115 ». On cons-

tate aujourd’hui que la Justice ne veut pas aller dans le sens que propose

l’ancien Garde des Sceaux.

Il est impératif que la PJJ continue son travail éducatif mais aussi fasse

de la prévention, ce qu’elle met en place depuis quelques années. Il existe plu-

sieurs façons de prévenir la délinquance juvénile et aucune approche ne doit

être négligée, c'est pourquoi il faut privilégier les partenariats. Parce que la pré-

114

BOËTON, Marie, « Les mineurs, des délinquants comme les autres ? », La Croix, 2011,

n°38 974, p. 5. 115

Ibid. p. 5.

Page 46: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

42

vention « concerne tout autant les citoyens que les instances spécialisées116 »,

elle est un enjeu majeur pour la PJJ.

Au moment de conclure, il convient de porter un regard en arrière sur ce

qui a été écrit : l’objectif de ce travail a été, dans un premier temps, de proposer

une approche du métier des éducateurs de la PJJ et de la Justice des mineurs.

Il parait évident qu’il s’agissait ici d’un désir de découverte d’un milieu inconnu.

Dans un autre temps, ce mémoire a tenté de répondre à la problématique ini-

tiale, à savoir : montrer en quoi les éducateurs de la PJJ sont indispensables

pour l’avenir des mineurs délinquants ainsi qu’examiner les limites possibles à

leur intervention quotidienne auprès de ces jeunes. Ces questionnements né-

cessitent une réflexion supplémentaire et approfondie que ce travail n’a pas

permis d’apporter. En effet, face à leur multitude et à leur complexité, ce mé-

moire n’a mis en avant qu’une infime partie des enjeux et des obstacles du mé-

tier de ces professionnels. C’est pourquoi cette étude peut offrir dès aujourd’hui

une opportunité d’approfondissement des questionnements soulevés.

Les éducateurs sont confrontés à une réalité qui est que la société de-

vient globalement intolérante et plus que jamais répressive à l’égard des en-

fants délinquants : elle tend à oublier les principes de l’ordonnance du 2 février

1945. Pourtant comme le souligne Véronique Freund, « le travail effectué par

les éducateurs de la PJJ permet d’affirmer que d’autres réponses sont pos-

sibles117 ». Alors, dès aujourd’hui, la question qui se pose est de savoir si la PJJ

va continuer à favoriser l’intervention éducative (par le travail de ses profes-

sionnels ou par la prévention) ou bien persister à ne répondre aux difficultés de

sa jeunesse que par la seule répression.

116

VIOUT, Jean Olivier, cité par BOCKEL, Jean-Marie, op. cit, p. 80. 117

FREUND, Véronique, op. cit., p. 170.

Page 47: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

43

Sources documentaires

Document sur papier

Bibliographie

BLANCHOUT-BUSSON, Gabrielle. Les Carrières Sociales, Paris : l’Etudiant,

coll. « Métier & Formations », 2008, 223 p.

BOURGEOIS, Charlotte, FITZNER, Pascal, FOSSEUX, Sabine. Les métiers du

Social, Levallois-Perret : Studyrama, coll. « Guides », 2006, 214 p.

DUPUY, Jean-Marc. « L’intervention de l’éducateur P.J.J de milieu ouvert au-

près du mineur incarcéré ».Revue Adolescence, Marseille : L’esprit du temps,

2005, n°54, pp. 977-981.

EINAUDI, Jean-Luc. Les mineurs délinquants, La Flèche : Fayard, 1995, 308 p.

FREUND, Véronique. Le métier d’éducateur de la PJJ, Mesnil-sur-l’Estrée :

Firmin-Didot, coll. « La Découverte », 2010, 191 p.

VAILLANT, Maryse (dir.). De la dette au don, Aubenas d’Ardèche : ESF éditeur,

1994, 238 p.

VIMONT, Jean-Claude. La prison à l’ombre des hauts murs, Boulogne-

Billancourt : Gallimard, coll. « Découvertes », 2004, 128 p.

YOUF, Dominique. Juger et éduquer les mineurs délinquants, Vottem (Herstal) :

Dunod, coll. « protection de l’enfance », 2009, 231 p.

Articles de presse

BOËTON, Marie, « Les mineurs, des délinquants comme les autres ? ». La

Croix, 2011, n°38 974, p. 5.

FAURE, Sonya. « La mutation majeure des éducateurs pour mineur ». Libéra-

tion, 2010, n° 9168, pp. 12-13

Rapport et Décret

BOCKEL, Jean-Marie. La Prévention de la Délinquance des Jeunes, Novembre

2010, 94p.

DRPJJ, La protection judiciaire de la jeunesse, une institution d’éducation au

service de la justice, 2005, 6 p.

Page 48: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

44

DRPJJ, La protection judiciaire de la jeunesse, une institution d’éducation au

service de la justice, 2004.7p.

Ministère de la Justice. Décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux

établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la

jeunesse, Novembre 2007, 7 p.

Documents numériques

Les pages web

DPJJ. Éducateur de la Protection judiciaire de la jeunesse, 2010. (Page consul-

tée le 15 avril 2011) < http://www.justice.gouv.fr/art_pix/fmeduc.pdf>

Legifrance. Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 - art. 62 JORF 7 mars 2007,

2007. (Page consultée le 15 avril 2011)

<http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=9DEF7A63A8FF

A76D981E47E21E2291D3.tpdjo17v_3?cidTexte=JORFTEXT000000517521&id

Ar-

ticle=LEGIARTI000006495369&dateTexte=20110523&categorieLien=id#LEGIA

RTI000006495369>

Ministère de la Justice et des Libertés. Les établissements de placements,

2010. (Page consultée le 15 avril 2011) < http://www.justice.gouv.fr/justice-des-

mineurs-10042/la-dir-de-la-protection-judiciaire-de-la-jeunesse-10269/les-

etablissements-de-placement-18684.html>

Ministère de la Justice et des Libertés. Les établissements et services de la

DPJJ, 2010. (Page consultée le 15 avril 2011)

<http://www.justice.gouv.fr/justice-des-mineurs-10042/la-dir-de-la-protection-

judiciaire-de-la-jeunesse-10269/les-etablissements-et-services-de-la-dpjj-

18682.html>

Ministère de la Justice et des Libertés. Les mineurs détenus, 2010. (Page con-

sultée le 15 avril 2011). <http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-

10036/les-personnes-prises-en-charge-10038/les-mineurs-detenus-

12008.html>

Ministère de la Justice et des Libertés. Les services de milieu ouvert, 2010.

(Page consultée le 15 avril 2011) < http://www.justice.gouv.fr/justice-des-

mineurs-10042/la-dir-de-la-protection-judiciaire-de-la-jeunesse-10269/les-

services-de-milieu-ouvert-18683.html>

Page 49: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

45

Ministère de la Justice et des Libertés. Une justice pénale et civile spécifique,

2010. (Page consultée le 15 avril 2011) <http://www.justice.gouv.fr/justice-des-

mineurs-10042/ >

Documents audiovisuels

Vidéos

GENTIL, Luc. Les métiers de la justice – Lionel Baglin, éducateur de la protec-

tion judiciaire de la jeunesse, 2007, durée 03:26. (Page consultée le 15 avril

2011) <http://justimemo.justice.gouv.fr/JustiMemo.php?id=75>

Émissions radiophoniques

BEDOUET, Alain, France Inter, « Le téléphone sonne » (Banlieues, états li-

mites après le lynchage d’un jeune homme à Noisy-le-Sec), 2011, 40 minutes.

(Page consultée le 14 avril 2011)

<http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/letelephonesonne/index.php?id=10

3680>

Divers

Entretien

TALEM, Claire, éducatrice de la PJJ dans l’Unité Goubet, Service Territorial

Éducatif en Milieu Ouvert, Paris 19e, 2010.

Dictionnaires et Lexiques

GUILLIEN, Raymond (dir.), VINCENT, Jean (dir.). Lexique de termes juridiques,

Paris : Dalloz, 1974, 375p.

Le nouveau petit Robert de la langue Française. 2007. France : Société DIC-

TIONNAIRES LE ROBERT

Page 50: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

46

Annexe

Page 51: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

I

Annexe A : Glossaire

Admonestation : c’est le fait de réprimer quelqu’un sévèrement.

Centre de placements : le placement est une mesure qui consiste à retirer le

mineur de son milieu naturel.

Clubs de prévention : aussi appelés équipes de prévention, ils favorisent un

travail préventif auprès des mineurs.

Colonie agricole : ce sont des « établissements privés ou publics recevant de

mineurs et où le travail de la terre est censé les amender118 ».

Contrôle judiciaire : mesure contraignante et restrictive des libertés, puisque

la personne mise en examen, présumée innocente, est astreinte à une ou plu-

sieurs obligations retenues par le juge d'instruction parmi celles limitativement

énumérées par la loi.

Investigation : c’est « un examen de personnalité réalisé par des éducateurs,

des assistants de services sociaux et psychologues […] qui mettent à jour la

causalité sociale, éducative et psychologique à l’origine de la conduite délic-

tueuse119 ».

Liberté Surveillée Préjudicielle : liberté surveillée accordée avant un juge-

ment et qui s’arrêtera le jour de l’audience.

Mesure : elle correspond à la prise en charge d’un mineur. Une mesure cor-

respond au suivi d’un mineur.

Milieu ouvert : structure qui permet le maintien du mineur dans son milieu na-

turel et où « l’analyse des situations et les entretiens avec le jeune et sa fa-

mille120 » sont favorisés.

Mineur de justice : mineur qui est dans des procédures judiciaires pour avoir

commis une faute, un délit ou un crime.

Mineur délinquant : mineur contrevenant à une règle de droit pénal, qui

s’expose, de ce fait à des poursuites.

Mise à l’épreuve : situation où la peine est suspendue mais où la personne

est astreinte à se soumettre à des obligations durant une certaine période. Si la

personne ne respecte pas les conditions alors la peine redevient applicable.

118

VIMONT, Jean-Claude, op. cit., p.120. 119

YOUF, Dominique, op. cit., p. 38. 120

FREUND, Véronique, op.cit., p. 40.

Page 52: IUT Paris Descartes Département de Carrières …...IUT Paris Descartes Département de Carrières sociales DUT Carrières sociales Option : Animation sociale et socioculturelle LES

I

Patronages : sociétés où les mineurs sont encadrés par des employeurs qui

leur apprennent à travailler.

Philanthrope : personne qui s’emploie à améliorer le sort matériel et moral des

hommes121.

Problématique : ensemble des difficultés auxquelles les mineurs sont confron-

tés dans leur milieu naturel.

Public : mineurs pris en charge par les services de la PJJ.

Réparation : mesure judiciaire proposant à un mineur délinquant une activité

d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou de la collectivité122.

121

Le nouveau petit Robert de la langue Française. 2007. France : Société DICTIONNAIRES LE ROBERT 122

Ibid.