Jacob Boehme - De La Triple Vie de L'Homme

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  • De la triple vie de lhomme

    Selon le mystre des trois principes de la manifestation divine

    crit daprs une lucication divine

    par Jacob Boehme

    autrement dit le Philosophe teutonique

    en lanne 1620

    Traduction de Louis-Claude de Saint-Martin

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    2006

  • DE LA PRSENTE DITION

    Le 4 janvier 1795, Louis-Claude de Saint-Martin crit son ami Nicolas-Antoine Kirchberger : Je relis prsent ma traduction franaise de la Triple vie ; cest pour moi comme un pays tout neuf en comparaison de lallemand, et mme en comparaison de ce que jen retirais en tradui-sant.

    Cest en 1793 que le Philosophe inconnu commena ce travail, demandant parfois son ami suisse de laider traduire certains termes ou expressions difficiles. Ce texte ne sera pas publi du vivant de Saint-Martin, mais en 1809 chez Migneret, grce linitiative de Joseph Gilbert et de Prunelle de Lire.

    Cette dition sera rapidement puise, et il faudra at-tendre 1982, date laquelle les ditions dAujourdhui en publient un fac-simil dans leur collection Les Introuva-bles , pour quon puisse lire nouveau cette uvre es-sentielle de Jacob Boehme. Ce volume nest plus disponible depuis bien des annes ; cest donc un plaisir pour nous que den offrir une nouvelle dition, en esp-rant quelle comblera lattente des lecteurs.

    Marie FRANTZ

  • PRCIS DE CET OUVRAGE

    Haute et profonde base de la triple vie de lhomme, ta-blie sur les trois principes,

    Dans laquelle est clairement dmontr ce quil y a dternel, et ce quil y a de mortel ;

    Pourquoi Dieu (qui est le suprme bien) a produit toutes choses la lumire ;

    Pourquoi aussi une chose est toujours en opposition avec lautre, et la dtruit,

    Et ainsi ce quil y a de vrai et ce quil y a de faux, et comment une chose spare de lautre ;

    En quoi consistent particulirement les trois principes, qui sont la seule origine et la seule source do les choses d-coulent et sont engendres ;

    O surtout on reconnatra clairement la multiplicit des opinions religieuses ; do a pu natre parmi les enfants des homme une si grande diversit dopinions sur lessence et la volont de Dieu ; de mme, ce quil est utile et ncessaire que lhomme fasse pour devenir parti-cipant de lternel bien ;

    En outre, de lissue et la fin de toutes choses ; pourquoi chaque chose se montre sous telle proprit et sous telle essence,

    Pour le soulagement des malheureuses mes humaines blesses et malades, et pour la rdification de la vraie religion chrtienne, o lAntchrist est entirement d-pouill et mis dcouvert.

    Rdig pour nous-mme, comme un mmorial et un sou-tien dans ces temps dgarement, de misres et de trou-bles1.

    1 Le traducteur croit devoir faire remarquer que ceci a t crit par lauteur dans le dix-septime sicle.

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  • CHAPITRE I

    De lorigine de la vie ; de lternelle gnration de lEssence divine

    1. Si nous voulons considrer le commencement de notre vie, et le comparer lternelle vie qui nous est promise, nous ne pouvons ni dire ni trouver que dans cette vie ex-trieure nous soyons dans notre demeure, car nous voyons le commencement et la fin de cette vie extrieure, et avec cela lentire dissolution et corruption de notre corps. En outre, nous ne savons ni ne voyons aucune re-tour dans cette vie, et nous nen avons non plus aucune promesse de la part du suprme et ternel bien.

    2. Puisquil y a donc en nous une vie qui est ternelle et imprissable, avec laquelle nous nous portons vers le su-prme bien ; de plus, une vie de ce monde laquelle est prissable et finie, et en outre une vie dans laquelle se tient la source et loriginal de la vie, (et) o se trouve le plus grand danger de lternelle perdition, il nous est es-sentiel de considrer le commencement de la vie do toutes ces choses procdent et tirent leur origine.

    3. Et lorsque nous considrons la vie et ce quelle est, nous voyons quelle est un feu brlant qui consume, et lorsquelle na plus rien consum, elle steint comme cela se voit dans tous les feux. Car la vie tire sa nourriture du corps, et le corps la tire des aliments ; car si le corps na plus daliments, il est consum par le feu de la vie, de manire quil se ferme et se sche, comme fait une fleur des champs qui na point deau.

    4. Mais puisquil y a en outre dans lhomme une vie ter-nelle et imprissable, cest--dire lme qui est aussi un feu, et doit avoir sa nourriture aussi bien que la vie mor-telle lmentaire ; nous devons galement considrer quelle est sa source et son aliment, ce que cest qui lui donne sa nourriture, de manire quelle ne puisse jamais steindre.

    5. Et troisimement, nous trouvons que dans la vie de no-tre me il y a encore un apptit plus grand pour une vie

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    plus leve et meilleure ; savoir, pour le plus suprme bien, qui est appel la vie divine, en ce que lme ne se contente pas de sa propre nourriture, mais quelle dsire avec un grand attrait et une grande ardeur, ce bien su-prme et parfait, non seulement pour des dlices, mais comme presse par le besoin de se nourrir.

    6. Et alors nous apercevons dans une grande science, et dans une vraie connaissance que chaque vie dsire pour nourriture sa mre, do la vie est ne. Cest ainsi que le bois est la mre du feu, laquelle le feu dsire, et sil est spar de sa mre il steint. Ainsi la terre est la mre des arbres et des plantes, et ils la dsirent ; ainsi leau avec les autres lments est la mre de la terre, et sans cela elle resterait dans la mort, et il ne crotrait en elle ni m-taux, ni arbres, ni plantes, ni herbes.

    7. Nous voyons particulirement que la vie lmentaire consiste dans un bouillonnement, quelle est une bulli-tion, et que quand elle ne bout plus elle steint. Nous sa-vons aussi que la constellation allume les lments, que les toiles sont le feu des lments, que le soleil en-flamme les toiles, de faon quil y a un travail et un bouillonnement lun dans lautre ; mais la vie lmentaire prend fin et est prissable, au lieu que la vie de lme est ternelle.

    8. Si donc elle est ternelle, elle doit aussi tenir de lternel, comme le cher Mose en a crit avec raison. Dieu a souffl lhomme un souffle vivant, et lhomme est devenu une me vivante.

    9. Mais nous ne pouvons pas dire, sur ce que lhomme consiste en une triple vie, que chaque vie existe spar-ment avec une forme particulire ; mais nous trouvons que ces vies sont les unes dans les autres, et cependant que chacune a son opration dans son rgime, cest--dire dans sa mre. Car comme Dieu le Pre est tout, puisque tout sort de lui, quil est prsent en tout lieu, et est le complment de toute chose, et que la chose ne le comprend pas, quainsi la chose nest pas Dieu, ni son es-prit, ni sa vraie essence divine, de manire quon ne peut dire daucune chose saisissable : cela est Dieu, ou bien Dieu est ici plus prsent quailleurs ; tandis que, cepen-dant, il est rellement prsent, il contient les choses et les choses ne le contiennent point ; car il ne demeure pas

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    dans les choses, mais en soi-mme dans un autre prin-cipe.

    10. De mme aussi est lme de lhomme souffle par Dieu ; elle demeure dans le corps, elle est environne des toiles et de lesprit lmentaire, non pas seulement comme un vtement couvre le corps, mais elle est impr-gne par les toiles et lesprit lmentaire, comme la peste o une autre maladie infecte lesprit lmentaire, de manire quelle empoisonne son corps, le fait dcliner et prir. Alors la source des toiles se spare aussi de lme, et se consume elle-mme, puisque la mre lmentaire se brise. Alors lesprit des toiles na plus aucune nourri-ture, et cest pour cela quil se consume lui-mme ; mais lme demeure dans la nudit, car elle vie dune autre nourriture.

    11. Ainsi concevez-nous de cette manire. Quoique lme soit emprisonne par les toiles et par lesprit lmen-taire, de faon que leur travail agisse dans lme, cepen-dant lme a une autre nourriture et vit dans un autre principe, et est aussi dune autre essence ; car ses essen-ces ne tiennent point de la constellation, mais elles tirent leur origine et leur runion corporelle de lternel lien, de lternelle nature, qui est de Dieu le pre, avant la lu-mire de son amour, o il entre dans lui-mme et fait lui-mme le second principe dans son amour, do il engen-dre toujours, et dternit en ternit, sa parole ternelle et son cur. Car l, le saint nom de Dieu se produit lui-mme sans cesse, et contient sa nature divine en soi-mme comme un esprit dans le second principe, et ne demeure en rien, mais seulement et purement en lui-mme.

    12. Car quoique le lien de lternelle nature soit en lui, cependant le divin esprit nest point assujetti ce lien, puisque cest lesprit qui enflamme ce lien de la nature, afin quelle soit claire et mue par la puissance de la lu-mire dans lamour et dans la vie de la parole du cur de Dieu, de manire quelle soit une sainte joie et un paradis de lesprit, qui est appel Dieu.

    13. De mme aussi lme humaine est-elle part du lien de lternelle origine, tout en y demeurant ternellement, et elle dsire en soi-mme de pntrer jusqu Dieu dans le second principe, et de se rassasier de la puissance de Dieu.

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    14. Mais puisque avec tout son tre, avec ses propres es-sences, elle ne peut pas plus entrer dans la lumire et la puissance de Dieu, que lternelle nature ne peut pntrer dans la lumire de Dieu, de manire se saisir de la lu-mire en proprit et en puissance propre ; mais que la lumire brille hors de lamour dans son propre principe, dans lternelle nature, de faon quainsi la lumire de-meure un matre de lternelle nature, puisque lternelle nature ne peut la saisir, mais se rjouit dans la lumire et produit au dehors ses merveilles dans la puissance et lintelligence de la lumire, o alors elles sont mises en manifestation.

    15. De mme aussi lme de lhomme ne peut, avec ses essences, pntrer dans la lumire de Dieu pour la domi-ner ; mais elle doit en elle-mme, comme dans un second principe, pntrer en Dieu dans son amour. Car tu dois ici entendre une seconde nouvelle naissance dans lme, en ce quelle ne doit pas seulement sortir hors de la vie as-trale et lmentaire, mais aussi hors de la source de sa propre vie, et puiser sa volont dans lamour de Dieu si elle y veut tre ; et cette volont puise est reue de Dieu, et Dieu demeure dans cette volont. Ainsi la lumire et la vie divine viennent dans lme, et elle est enfant de Dieu ; car elle demeure dans sa source et dans sa vie, comme Dieu lui-mme demeure dans la source de lternelle nature.

    16. Ici maintenant nous concevons que hors de la lumire de Dieu, (ou) du second principe, il y a dans lternelle nature une source angoisseuse. Car le lien de la vie existe dans le feu ; mais si ce mme feu est imprgn et enve-lopp par le saint amour divin, la vie en soi-mme se porte dans un autre principe, car un autre principe lui est ouvert dans lequel elle vit, et le vivre est en Dieu, de mme que Dieu demeure en soi-mme, et est cependant vritablement tout, tout est provenu de sa nature. Mais tu ne dois pas entendre que tout vienne de lternelle nature (seulement les mes et les esprits angliques) ; mais de sa volont cre qui a un commencement, cest--dire de lexterne ; cest ce qui fait que tous les tres de ce monde son prissables.

    17. Et nous trouvons ici au-dedans de notre me, la grande et terrible chute de nos premiers parents, ce qui fait quelle est entre dans lesprit de ce monde dans une demeure trangre, et a abandonn la lumire divine

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    dans laquelle elle tait un ange et un enfant de Dieu ; cest pour cela quelle doit repasser dans une nouvelle naissance dans la vie de Dieu.

    18. Mais comme cela ntait pas possible lme, la vie divine est venue de lamour et de la grce vers nous dans la chair, et a pris de nouveau en soi notre me humaine dans la vie divine et dans la puissance de la lumire, afin que nous puissions, en une nouvelle naissance, jusqu Dieu dans cette mme vie (divine).

    19. Car de mme quavec lme dAdam, nous sommes passs tous hors de la vie divine, et que nous avons tous engendr et hrit le mauvais suc de lme de nos pa-rents comme dune fontaine ; de mme la vie de Dieu en Christ nous a engendrs de nouveau, de faon que dans la vie du Christ nous pouvons de nouveau entrer dans la vie de Dieu.

    20. Ainsi maintenant il arrive que notre me est dans le lien de lternel original, infecte par lesprit de ce monde, et emprisonne par la colre de loriginal dans la vie de lternel feu ou de lternelle nature. Cest pour cela que nous devons tous, chacun pour son propre compte, nous introduire avec notre me dans la vie du Christ vers Dieu, dans la nouvelle naissance, dans la vie et lesprit de Dieu. Et ici il ny a rien retirer de lhypocrisie de la saintet extrieure, ni des propres uvres mritoires ; car la pau-vre me ne peut tre soulage, moins que dans soi-mme ou dans une volont nouvellement cre, elle nentre par une ferme rsolution dans la vie du Christ. L elle est reue par Dieu et ses enfants dans le second prin-cipe avec de grands honneurs, on lui donne le noble et cher trsor, ou la lumire de la vie ternelle qui claire la source du feu de lme dans le premier principe, o elle existe ternellement avec ses essences substantielles ; son angoisse se change en amour, et son lvement et son enflammement, qui sont la vraie proprit du feu, de-vient une humble et aimable joie dans de douces dlices.

    21. Et ainsi lme est la joie dans la vie divine ; ce que je pourrais comparer une lumire allume, lorsque le lu-mignon de la chandelle brle et rpand un doux clat ; dans cet clat il ny a aucun bouillonnement, mais une claire joie, et cependant le lumignon enflamm continue de brler. Toutefois tu dois concevoir ceci comme ny ayant aucune peine dans le lumignon brlant, mais une

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    cause de lclat de la vie, puisquon ne peut comparer au-cun feu au feu divin ; car la nature divine do senflamme le feu de la vie divine est imprgne de lamour de Dieu, de faon que la lumire divine fait en soi un second prin-cipe, dans lequel aucune nature nest apercevable, car il est la fin de la nature.

    22. Cest pourquoi lme dans ses propres essences ne peut saisir la lumire de Dieu pour sen emparer, car lme est un feu dans lternelle nature, et natteint point la fin de la nature. Car elle demeure dans la nature comme une crature produite de lternelle nature ; et l cependant il ny a aucune comprhensibilit, mais un es-prit en une forme septnaire ; quoique nanmoins dans loriginal il ny ait pas sept formes de connues, mais seu-lement quatre, lesquelles soutiennent lternel lien, et sont la source en angoisse en quoi consiste ce qui est ternel. Et del sont engendres toutes les autres formes, en quoi consiste Dieu et le royaume des cieux ; et dans les quatre formes est langoisse et la peine si elles sont seules et nues, et l nous entendons le feu infernal et la colre ternelle de Dieu.

    23. Et quoique nous ne connaissions pas loriginal de lessence de Dieu, puisquelle nen a point ; cependant nous connaissons lternelle gnration qui na jamais eu de commencement, elle est encore aujourdhui ce quelle a t ds lternit ; cest pourquoi nous pouvons bien comprendre ce que nous voyons aujourdhui, et que nous reconnaissons dans la lumire de Dieu. Et personne ne doit nous juger ignorant, parce que Dieu nous donne connatre sa propre essence, ce que nous ne pouvons ni ne devons nier, sans exposer notre salut ternel et sous peine de perdre la lumire divine ; car il est impossible tout homme de la possder, moins que Dieu, par sa grce, ne la lui donne dans son amour ; et si elle lui est donne, alors lme demeure dans la connaissance des merveilles de Dieu ; elle ne parle point de choses tran-gres et loignes delle, mais des choses dans lesquelles elle demeure, et delle-mme ; car elle voit dans la lu-mire de Dieu, de manire quelle peut se connatre elle-mme.

    24. Pour que la chose soit ainsi, pensez que dans loriginal les essences de lme sont dans le premier principe, et que la lumire divine brille en elle-mme et forme le se-cond principe ; ainsi de l ils sont deux ; et lme par la

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    haute connaissance de la lumire du second principe, voit ce qui brille en son pays natal dans lequel elle vit ? et toi, monde insens, tu voudrais le lui dfendre ! toi qui, plon-g dans le troisime principe, dans lesprit des toiles et des lments, es encore aveugle pour Dieu et li dans lternelle colre et dans la source de loriginal !

    25. Puisque cela est ainsi, nous voulons poser la base de lternel lien, comme un miroir pour celui qui dsire voir ; quoiquil soit certain quil ne puisse pas lapprendre de nous, moins quil ne marche lui-mme dans la renais-sance, dans la vie de Jsus-Christ, afin que la lumire di-vine elle-mme brille en lui, sans quoi nous ne serons pour lui quun historien et il ne nous entendra pas.

    26. Mais si nous parlons du bouillonnement du feu et de son enflammement (ce que nous entendons du feu de la vie), nous savons trs certainement, quavant lenflammement du feu et dans loriginal, il ne consiste quen deux formes, et na quune seule mre qui est lastringent et attire, et cependant cette mre nest rien en soi quune volont du Pre ternel dans lternelle na-ture, laquelle mre il a plac en lui-mme pour se mani-fester et montrer ses merveilles.

    27. Or cette volont est ternelle, et nest mue par rien que par soi-mme ; et si cela ntait pas ainsi, tout ne se-rait quun nant sans lumire ni tnbres : ainsi donc, sil y a quelque chose, il faut que ce soit lternelle volont qui est attractive et dsireuse, savoir particulirement des merveilles de sa cration. Car, puisquil y a un dsir, ce dsir attire en soi, et ce qui est attir dans le dsir, rend la volont pleine, de faon que le dsir est plein ; car la volont est vide comme un rien, et ce qui est attir dans la volont, rend la volont substantielle et est son tn-bre ; alors lternel dsir est dans le tnbre.

    28. Si maintenant la volont attire soi dans le dsir, cet attrait (ou atract), est un aiguillon de mouvement ; car la volont est mince comme un rien et tranquille comme un rien. Si donc la volont est un ternel dsir, elle attire en soi ternellement, et l cependant il ny a rien attirer, mais elle sattire elle-mme et sengrosse elle-mme, de manire que de rien vient un tnbre, et lattract fait laiguillon de la premire essence, de faon quil y a un mouvement et un principe de mobilit.

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    29. Mais alors la volont ne peut supporter la fois laiguillon et lengrossement, car elle voudrait tre libre et elle ne le peut, car elle est dsireuse ; et comme elle ne peut pas tre libre, elle entre en soi avec le dsir, et conoit (compacte) en soi une autre volont de sortir des tnbres en soi-mme, et cette seconde volont connue est lternelle me ; elle entre en soi comme un prompt clair, et elle dissipe les tnbres : elle sort en soi-mme et elle demeure en soi-mme et se forme ainsi un autre principe dun autre bouillonnement (ou qualit), car laiguillon du mouvement demeure dans le tnbre.

    30. Maintenant nous devons parler des formes dans la na-ture astringente tnbreuse ; car cest de cette proprit et par cette voie que soriginalise la nature, puisque nous concevons que le tnbre a une tendresse vers la lumire qui est ternellement devant lui, quoique dans un autre principe.

    31. Car les deux formes, savoir, lastringent et lamer ai-gu, sont loriginal de tous les tres, et lternelle volont est la mre dans laquelle ils sengendrent ; et il nous faut entendre que lastringent, par la compaction de la volon-t, attire toujours soi, et que lattract est laiguillon du mouvement, ce que lastringent ne peut supporter. Car lastringent dsire le fort astringent-enfermement dans la mort, et lamer aigu est louvreur, et cela cependant ne serait rien en soi sans sa volont.

    32. Lors donc que lastringent attire si fort quil ne puisse supporter laiguillon, ou le propre attract de lastringent, mais quil se meut violemment, et que lastringent ne peut pas non plus supporter le mouvement, alors il dsire la tranquille mort ; telle est la chane et le lien qui se pro-duit sans cesse lui-mme et qui na aucun producteur.

    33. Or ceci va rapidement de lun lautre comme une prompte pense ; laiguillon voudrait sortir hors de lastringent, mais il ne le peut pas non plus, car lastringent lengendre et le retient ; et comme il ne peut se surmonter lui-mme, il est tournant comme une roue, et lastringent attir sentrouvre, et fait un continuel brouillement et mlange dans lequel consiste la rupture et la peine, quoiquil ny ait l aucune sensibilit, mais seu-lement les formes de la nature. Et nous entendons ici la sensibilit, et cependant il ny en a point, car il ny a au-cune matire ; mais seulement loriginalit de lesprit ou

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    de lternelle nature dans lternelle volont, car le dsir astringent attire et opre en ligne droite et lamertume sentrouvre en roue tournante, de faon quainsi il en r-sulte la multiplicit des essences, et cela est comme une sorte de franchise, ou, ainsi que je pourrais lexprimer par comparaison, un brouillement de lternelle mobilit, une cause des essences.

    34. Lternelle volont doit prouver cela en soi ; cest pourquoi elle conoit une autre volont de senfuir hors de cette roue, et cependant elle ne le peut pas, car cest l sa propre essence et comme elle ne le peut pas, et que cependant elle ne peut pas non plus abandonner son ternel dsir et son attrait, elle retient et attire nanmoins soi, de manire que les essences sont continuellement engendres, et cependant hors le dsir elles sont un rien ; et ainsi toute la forme consiste en son, et se nomme mar. Et comme la volont ne peut pas tre libre, elle tombe en angoisse (pour parler selon lintelligence humaine, afin que le lecteur puisse saisir le sens et la profondeur), car la volont est la conception, et ce qui est connu dans la volont est son tnbre, et le dsir est lessence, et la vo-lont oppose est la roue de la multiplicit des essences, de faon quon ne peut en dterminer aucunement le nombre, mais la multiplicit est dpendante de la mobili-t.

    35. Ces deux formes sont les ternelles essences, et lternel lien qui sopre lui-mme et ne saurait faire au-trement ; car la grande tendue sans fin dsire un resser-rement et une compaction dans laquelle elle puisse se manifester : or, dans lespace et le repos il ny aurait au-cune manifestation, cest pourquoi il faut quil y ait un at-tract et une enclosure dans laquelle la manifestation brille.

    36. Aussi doit-il y avoir une contre-volont, car une vo-lont limpide et tranquille est comme un rien et nengendre rien ; mais si une volont doit engendrer, elle doit tre en quelque chose o elle puisse former et en-gendrer dans cette chose. Car rien nest rien, si ce nest un ternel repos sans mouvement ; l il ny a ni tnbre, ni lumire, ni vie, ni mort.

    37. Mais si nous voyons clairement quil y a lumire et t-nbre, et en outre une ternelle mobilit et formation, qui non seulement est dans le lieu de ce monde aussi loin que

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    nos sens peuvent stendre, mais sans fin et sans nombre l o le monde anglique brille clairement, et non pas ce-pendant dans lenclosure des tnbres, alors nous devons lever nos penses vers le monde anglique, lequel ce-pendant nest point hors de ce lieu ; mais dans un autre bouillonnement et dans lternelle lumire, et cependant il ne pourrait l y avoir aucune lumire, sil ny avait pas une engendreuse (une matrice).

    38. Si donc elle doit briller hors de lengendreuse, elle doit sortir hors de lengendreuse, car lengendreuse est un t-nbre ; et l cependant il ny aurait rien aussi, sil ny avait l la parole ternelle qui opre lternelle volont, et est dans cette opration la naissance de lessence ter-nelle. Cest de l que saint Jean dit : Au commencement tait le Verbe, et le Verbe tait au commencement avec Dieu ; et le Verbe tait Dieu. Toutes choses ont t faites par lui, et sans lui rien na t fait de ce qui a t fait.

    39. Ici, ma chre me, considre do viennent la lumire et les tnbres, ainsi que la joie et la souffrance, lamour et la haine, de mme que le rgne du ciel et de lenfer, le bien et le mal, la vie et lenfermement de la mort.

    40. Tu dis : Dieu a cr ces choses ! Oui, en effet. Pour-quoi cependant es-tu aveugle et ne reconnais-tu pas cela, si tu es la similitude de Dieu ? Pourquoi parles-tu de Dieu plus que tu ne sais, et quil ne ta t manifest ? Pour-quoi fais-tu des lois des volonts de Dieu, ne les sachant nullement, puisque tu ne les connais pas ? ou pourquoi renfermes-tu la vie dans la mort, si tu peux rellement vivre et connatre Dieu qui demeure en toi ? car tu as en-tendu aussi de saint Jean, que toute chose a t faite par le Verbe.

    41. Mais si Dieu est la parole qui a tout fait, il doit tre dans toute chose, car un esprit nest pas une essence faite, mais une essence engendre en soi-mme, qui a en soi-mme le centre de la gnration, sans quoi elle serait prissable.

    42. Ds lors le centre doit demeurer dans lternel op-rant, sans quoi il serait passager, et l il ny a rien de toute ternit, que seulement la parole, et la parole a t Dieu. Ainsi il doit tre ternellement son propre oprant, et doit se prononcer lui-mme comme une parole de foi, comme de son propre oprant : car l o il y a une pa-role, il y a aussi un parleur qui la prononce. Puisque cest

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    son pre qui la prononce, et que la parole est son fils qui est prononc du centre du pre, et que le pre se nomme dans son centre un feu dvorant, au lieu que le fils ou la parole est nomm une lumire de lamour, humilit, dou-ceur, puret, saintet, et que le pre de la parole est ainsi appel et connu dans toute lcriture. Cest nous de considrer le bouillonnement du feu dans le centre du pre, puisque le pre et la parole sont une seule chose, seulement sous deux formes, et que la colre ainsi que labyme de lenfer demeure dans le centre du pre ; car saint Jean dit : De et par lui toutes choses ont t faites, et sans lui rien nest fait.

    43. Car lorsque la parole voulut crer, et le pre par la parole, il ny avait alors aucune matire dont il pt oprer. Car tout tait un rien, ni bon, ni mauvais, ni lumineux, ni tnbreux ; mais le centre y tait, et ctait lternelle vo-lont, et le pre est le centre, et la volont est son cur ; son fils, sa parole. Cest l seulement lternel tre, et le lien qui soprait soi-mme ; et l cependant on ne peut pas saisir ainsi la divinit, puisque ltre donne une diff-rence et brille en deux principes ; cest pourquoi nous voulons vous exposer la base telle quelle nous est certai-nement connue.

    44. Et lobjet et le but de notre crit est, que vous voyez combien vous tes aveugles et combien vous agissez sans lumire, lorsque vous faites tant de dissertations sur les crits des saints, au sujet de ltre et de la volont de Dieu, et que cependant vous ne le connaissez pas.

    45. Vous vous poursuivez, vous vous injuriez, vous vous outragez les uns et les autres ; vous faites des guerres et des insurrections, vous dvastez des pays et des nations par rapport la vraie connaissance de Dieu et de sa vo-lont ; et cependant relativement Dieu, nous tes aussi aveugles que des pierres. Vous ne vous connaissez pas vous-mmes, quoique vous soyez si furieux et que vous combattiez au sujet de Dieu, qui est le crateur, le conservateur et le soutien de toutes choses, qui dans tout est le centre. Vous combattez au sujet de sa lumire, qui, cependant ne brille jamais dans la colre et la mchance-t, mais qui sort de son centre dans le doux amour et dans lhumilit. Ainsi vous tes insenss et furieux, et vous pensez que vous lavez ainsi sur votre langue dans les

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    les combats de la mchancet ; vous ne lavez pas, mais seulement lhistoire des saints, qui ont eu la lumire bril-lante de son propre centre ; cest pour cela quils ont par-l de lEsprit saint, qui ont eu la lumire brillante de son propre centre ; cest pour cela quils ont parl de lEsprit saint qui sort de la lumire. Mais vous prenez leurs paro-les et le centre de votre cur est ferm, il marche et court dans les quatre formes de la mchancet.

    46. Je veux donc vous montrer la base des deux ternels principes sortant dun centre, afin que vous puissiez voir comment vous courrez dans le rgne du dmon, pour que peut-tre vous vous retourniez, que vous abandonniez votre orgueil, que vous entriez en vous-mmes, et quainsi vous obteniez le suprme et ternel bien.

    47. Je veux vous montrer ce que nous sommes dans le corps et dans lme, ce que cest que Dieu, le ciel et lenfer ; ne prenez pas ceci pour des bagatelles, car cela se confirme (et se prouve) dans toutes choses, et il ny a rien de trop petit o ceci se manifeste ; seulement ne vous aveuglez pas dans vos tnbres avec votre pitoyable orgueil. Recherchez la base de la nature, prouvez toutes choses et ne marchez pas en insenss daprs les lettres nues de lhistoire, et ne faites point ainsi des lois aveugles daprs votre obscurit, avec lesquelles vous vous pour-suivez les uns et les autres ; en cela vous tes plus aveu-gles que les paens.

    48. Recherchez le cur et le sens des critures, de ma-nire quil naisse en vous et que vous sentiez ouvrir en vous le centre de lamour divin ; vous pourrez alors re-connatre Dieu et parler de lui avec justesse ; car histori-quement personne ne peut se nommer matre et savant dans ltre divin, mais par lEsprit saint qui brille dans un second principe dans le centre de la vie de lhomme, et reluit celui qui cherche srieusement et avec droiture. Comme le Christ nous recommande de frapper et de chercher son pre, cest--dire au centre de la vie avec une humilit franche, sincre et pleine de dsirs, cest par l que nous trouverons.

    49. Car personne ne peut reconnatre Dieu pour son ma-tre, le chercher et le trouver sans le Saint-Esprit qui sort dun cur humble et cherchant, et claire lme afin quelle claire les sens, et que le dsir se tourne vers Dieu. Celui-l seul trouve la chre Vierge de la sagesse de

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    Dieu qui le conduit par le droit sentier, et lamne aux eaux fraches de lternelle vie et ranime son me. Ainsi crot le nouveau corps de lme en Christ, ce dont nous traiterons profondment par la suite.

    50. Nous rappelons au lecteur qui cherche et qui aime Dieu, de reconnatre ceci comme venant de Dieu, afin quil ne se laisse pas drober son me et sa pense, jus-qu chercher la pure divinit seulement au-dessus des toiles, comme demeurant seul dans un ciel do il rgne dans ce monde par son seul esprit et sa puissance, de mme que le soleil demeure dans une haute profondeur, et opre par ses rayons en tout lieu et dans tout le monde. Non.

    51. La pure divinit est partout, entirement prsente en tous les lieux et dans toutes les rgions : partout est la naissance du triangle en un seul tre, et le monde angli-que atteint toutes les rgions o stend ta pense, de mme que dans la terre, les pierres et les rochers. Ainsi lenfer et le royaume de la colre de Dieu est aussi par-tout.

    52. Car le royaume fougueux, dans la colre des tn-bres, est au centre, et conserve son bouillonnement et son rgime dans les tnbres, et la divinit sort en soi-mme dans le centre, et lui fait une joie en soi-mme qui est impntrable et incomprhensible aux tnbres, car elle ouvre un autre principe.

    53. Car la parole ternelle est lternelle volont, et une cause de lternelle nature ; et lternelle nature est lternel Pre, dans lequel toutes choses sont cres par la parole (entendez dans lternelle nature) ; et si lternelle volont ne puisait pas en soi une seconde vo-lont de sortir en soi-mme (comme une lumire brillante brle hors dune bougie, et ne sloigne pas de la bougie) le pre serait seul, et un profond tnbre, et aussi ce monde, ou le troisime principe, naurait pas pu tre cr.

    54. Mais si le Pre contient en soi dans son essence lternelle nature, et est lternelle volont elle-mme, et engendre de soi une seconde volont qui, dans la pre-mire ternelle volont qui est le Pre, ouvre le principe de la lumire dans lequel le Pre avec lternelle essence devient aimable, joyeux, clair, paisible, dans son ternelle volont originelle, alors le Pre nest point dans le bouil-lonnement des tnbres ; car la volont recompacte qui

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre I

    sort du centre et disperse les tnbres, est son cur, et demeure en soi-mme et claire le Pre ; et cette volont est la parole de lternel Pre, qui est engendre de lternelle essence, et est juste titre une seconde per-sonne, et elle demeure en soi-mme dans les essences du Pre ; et cest la lumire du Pre, et cette parole ou vo-lont a cr toutes choses, entendez de lessence du Pre, car elle est lternelle Toute-puissance, puisquelle ne peut pas tre atteinte par lternelle essence ; car elle disperse lternelle essence et demeure en soi-mme et brille hors de lessence ; et cependant il arrive quelle ne peut pas plus sloigner de lessence, que la clart ne sloigne du feu.

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  • CHAPITRE II

    De la base de la divine Engendreuse

    1. Puisque nous vous avons montr un pareil principe, nous voulons en outre vous montrer la base de lengendreuse, car nous voyons cela clairement dans ce monde dans le rgime des lments, et encor bien plus en nous-mme, dans notre me, do rsultent les sens, par le moyen desquels lhomme peut marcher, courir et faire toutes ses actions ; nous voyons, dis-je, quil y a une engendreuse par qui cela est donn. Or, pour quil y ait une engendreuse, il faut quil y ait un centre ou un cercle de vie, dans lequel lengendreuse tient son rgime. Car le rien ne se remue pas ; mais l o il y a un mouvement qui meut toute vie, cela ne doit tre tranger, puisque dans toute chose il y a son esprit et sa vie, soit dans les choses muettes et vgtales, soit dans les choses vivan-tes.

    2. Ne te laisse pas sduire par les hypocrites, qui ne sont que des savants historiques qui sen vont se vantant avec un langage tranger, et veulent se faire honorer par les choses dont ils nont cependant pas la moindre intelli-gence. Ils nentendent pas leur langue maternelle ; par la langue maternelle on entend la nature ; sils lentendaient rellement, et lesprit de la lettre, alors ils y reconna-traient la nature.

    3. Il y a un orgueil qui tempche de la chercher, afin que tu ne la trouves pas, et que cet orgueil au contraire, dans son habitacle couronn, puisse, comme une femme arrogante, flotter au-dessus des merveilles divines ; cest ainsi que le veut le diable, afin quil ne soit pas connus. Ils (ces hypocrites) sont plus aveugles que les simples.

    4. Veux-tu chercher ? frappe pour que la vraie porte te soit ouverte, et cherche dans la crainte et lamour de Dieu ; alors tu pourras trouver. Ne te laisse pas tromper par les mensonges des orgueilleux ; car si la vraie porte souvre pour toi, tu verras comme ils sont aveugles : leur orgueil a aveugl le monde, de faon que chacun ne parle

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    plus que de lart, de lloquence en langage tranger, et se persuade quil lentend. Ainsi ils gouvernent les mes des hommes, et cependant leur science ne consiste que dans un pur doute, comme on peut le voir leurs dispu-tes.

    5. Jajoute encore que lon ne doit point confier son me aux hommes de lhypocrisie, car lme ne demeure point dans ce monde, mais dans loriginal de ltre des tres, et est dans le centre de lternel lien, dans lequel, Dieu, le royaume du ciel et de lenfer rsident ; et o elle peut, si elle atteint lamour de Dieu dans la lumire (qui demeure dans son centre), contempler lternelle nature et en ou-tre Dieu, le royaume du ciel et de lenfer. Que seulement elle ne se laisse pas aveugler ; cela nest pas difficile, il ne sagit que de la reconnaissance des tnbres la lumire, sans quoi tu ne peux pas atteindre dans la profondeur du centre.

    6. Maintenant parlons du centre ou du cercle de vie, et considrons lengendreuse, qui est le centre ou lessence de toute essence. De lternel centre sont engendres toutes choses, et de lengendr sont cres toutes les choses qui son en tre, comme nous vous en avons expo-s le principe. Savoir : quau commencement ou dans le centre, a t la parole ternelle, et la parole est Dieu, et lternelle volont est cette mme parole ; car lternel Dieu a cette mme volont en soi, et est son cur, et se-lon cette mme volont recompacte dans lternel Pre de toutes choses, la divinit a son nom, Dieu.

    7. Car nous ne pouvons pas dire que Dieu a un agent ; or la volont na pas non plus dagent, car elle se fait tou-jours elle-mme de toute ternit ; et l cependant il ny a aucun agent, mais une ternelle naissance ; savoir, la parole dans le Pre ; et lesprit qui sort dans la puissance, est la vie de la divinit.

    8. Mais nous voyons que le but reste dans le centre ; car Dieu est aussi un Dieu colrique et jaloux, et un feu dvo-rant ; et dans ce mme bouillonnement se trouve le creux abyme, et la colre et la mchancet de tous les dmons, aussi bien que le poison de toute crature. Et il se trouve que sans poison et sans colre, il ny a aucune vie ; et de l rsulte lopposition de tout combat, et il se trouve que le plus serr et le plus colrique est le plus utile, puisque

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    cest ce qui fait toutes choses, et cest la seule cause de la mobilit et de la vie.

    9. Car, comme il est dit ci-dessus, lternelle parole ou lternelle volont du Pre, est le crateur de toute chose, et lternelle nature est lessence des essences do la pa-role a tout cr, et les essences sont ltre qui occasionne les volonts. Car entendez ceci : il y a deux volonts dans un seul tre, et elles occasionnent deux principes ; lun est lamour, lautre est la colre, ou le bouillonnement de la fureur.

    10. La premire volont ne sappelle pas Dieu, mais la na-ture ; la seconde volont sappelle (alpha et omga) A et O, commencement et fin, dternit en ternit ; et dans la premire volont la nature ntait pas manifeste, cest la seconde volont qui la manifeste, car elle est la puis-sance dans la force, et lune ne serait rien sans lautre.

    11. Mais comme la volont du Pre est la premire dans lternit, elle est aussi la premire personne dans le triangle, cest--dire le centre mme. Or, tel est le propre de la volont ou du centre, cest particulirement de dsi-rer dengendrer la parole ou le cur ; car autrement il ny aurait rien, et aussi rien auparavant ne peut tre nomm que le dsir en volont.

    12. Pntrons dans la profondeur des sens de lme, et nous trouverons que le dsir est astringent et attirant, car il est la force serrante le large en troit, non pas particu-lirement en une rgion, mais partout et pour se manifes-ter ; car autrement dans la grande profondeur il ny aurait rien et rien ne paratrait, mais tout serait un ternel re-pos.

    13. Ainsi le dsir attire soi, et l cependant il na rien que de lui-mme, et lattir est lempressement du dsir, et le dsir fait plaire, et l cependant il ny a rien quun tnbre ; car lattir est plus pais que la volont, cest pour cela quil est le tnbre de la volont mince, car la volont est mince comme un rien et entirement tran-quille ; mais le dsir la rend pleine, et cet attir dans le dsir est les essences ou laiguillon de la sensibilit qui combat contre lenfermement, lequel le dsir ne peut pas supporter, et attire dautant plus fort soi ; ainsi laiguillon en devient plus grand et semporte contre lattir, et ne peut cependant pas en sortir, car le dsir

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    lengendre, et ne peut cependant pas lendurer, car cest une inimiti comme le chaud et le froid.

    14. Car le dsir, qui est aussi en soi un attract, rveille par son attract un semblable furieux qui pique aussi dans la tranquille volont ; alors lattract devient aussi astrin-gent et fortement attirant pour contenir laiguillon, do il donne la mobilit comme une vie de mouvement ; et dans lui lattract reoit la premire secousse du tremblement, do rsulte une angoisse oppose ; car dans langoisse de lattract, dans le dur attirant, il slve une forte froi-deur, et ce tir est son aiguillon astringent amer, de faon quil donne une puissance effroyablement forte que laiguillon ne peut pas souffrir, et il voudrait sen chapper et cependant il ne le peut pas, car il est retenu par sa propre mre qui la engendr ; et comme il ne peut pas schapper au-dessus de soi, il devient tournant comme une roue, et disperse lastringent do rsultent les essen-ces de la multiplicit.

    15. Et cela est le vrai centre, car dans la roue nat la na-ture de la mobilit et des essences, et cest un lien de lesprit, quoique sans sentiment ou intelligence ; mais dans cette forme il sappelle tous uniment le centre, car il est le cercle de vie qui a resserr le dsir provenu de la tranquille immensit dans un dtroit, et quoiquil ne soit pas saisissable, mais partout ainsi seulement esprit et forme de la nature.

    16. Puisque le tempteur fait aussi une roue piquante et amre dans le froid astringent, le centre alors est terrible, et comme une grande angoisse o la vie est toujours bri-se et rebtie de la mme manire par les essences, et est semblable la vie et la mort.

    17. Les philosophes et les fameux naturalistes crivent que la nature consiste en trois choses ; savoir, le soufre, le mercure et le sel. Cela est vrai, mais le simple ny com-prendra rien ; et quoique les sages laient eu souvent en comprhension, cependant ils ne connaissent que la plus petite partie du centre ; mais ils ne la connaissent quhistoriquement, comme on connat la thologie par la bouche des aptres, (ce qui fait que cette thologie) nest autre chose quune histoire sans force, et sans lesprit de vie qui lanimait du temps des aptres, comme cela est trs manifest par les dissertations de bouche et les dis-putes littrales.

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    18. Si donc par la grce de Dieu nous pouvons atteindre la lumire et reconnatre le centre, qui est la naissance de notre vie, nous avons aussi le pouvoir de manifester, ce qui est compris et entendu dans les trois mots, soufre, mercure et sel ; non pas que nous ddaignions par l laveuglement des ignorants, mais comme un chrtien nous voudrions leur transmettre et donner la lumire ; et quoique notre langage paraisse trs simple, cependant notre sens et notre conception sont trs profonds. Que personne ne soffense la simplicit de notre langage, comme si nous navions pas la conception profonde ; quil le lise seulement avec attention, et quil le considre s-rieusement dans la crainte de Dieu, il trouvera de quel esprit nous sommes enfants dans nos crits ; nous vou-lons franchement le prvenir contre les dtracteurs et les hypocrites.

    19. Comme il a t dit du soufre, le centre peut bien se nommer phur ; mais si la lumire est engendre, alors la lumire brillante hors du phur se nomme sul, car elle est son me. Ce que je dis du centre tnbreux, dans lequel la lumire divine est engendre, je le dis aussi de la na-ture, quoique cela ne soit quun ; mais je dois parler ainsi pour pouvoir parvenir la pense du lecteur, de manire quil puisse approprier son me la lumire, et par ce moyen lobtenir.

    20. Car des deux formes, savoir le piquant froid et amer, qui sengendrent par lattract, dans lternelle volont, tiennent le centre et font la roue des essences, do rsul-tent continuellement et ternellement les penses, et le sentiment de la mobilit.

    21. or ces deux formes sont en elles-mmes dans une grand et terrible angoisse, sans les autres formes qui sont nes delles. Car lastringent se compare une pierre dure, et laiguillon de lattract est le briseur de lastringent ; ainsi cela ressemble une roue, et se peut bien nommer phur, comme le langage de la nature le donne dans la syllabe.

    22. Quoique les deux formes entrent en soi si terrible-ment dans la volont, et retiennent la volont dans les tnbres, cependant elle ne peut pas tre captive, car sa vraie proprit est dtre douce et tranquille, et elle ne peut pas abandonner cette proprit dans les deux for-mes, car elle est insaisissable, et nanmoins elle doit tre

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    dans les deux formes, et elle demeure dans laiguillon, et est son clair. Car les deux formes sont tnbres en elles-mmes, et non pas la volont, car elle est libre en soi ; mais les deux formes la prennent dans leur proprits, car elle est leur pre et elle saiguise dans leurs propri-ts, de faon quelle brille en soi comme un clair.

    23. Car lastringent fait le tnbre, et laiguillon amer dans la roue dissipe le tnbre. Ainsi la libert de la vo-lont tranquille brille dans la roue, dans le tournoiement, comme un clair de feu ; car elle saiguise ainsi de lastringent, de manire quelle devient trs forte, attendu quil en est de mme que si on frottait une pierre et un acier lun contre lautre, de manire en faire sortir du feu.

    24. Car il faut entendre deux choses dans le feu, la libert hors de la nature, et la force de la nature, comme vous en avez lexemple dans une pierre do on tire du feu ; car plus vous frappez sur la pierre, plus laiguillon amer de la nature saiguise et devient irritable, car la nature est bri-se dans laiguisement, de manire que la libert brille comme un clair. Et voyez ici combien cela est vrai ; car aussitt que la libert brille, le tnbre se dissipe, et de l laiguisement (ou laigu) de Dieu le Pre, se nomme un feu dvorant. Car aussitt que lclair saisit dans laiguisement quelque chose qui soit substantiel, il le consume linstant, de faon quil ne reste plus l aucune nature.

    25. Et de ce que lclair steint si rapidement, cela r-sulte de ce que laiguisement ne le peut contenir, car par sa nature il est libre, et ne peut tre vu que dans le bri-sement.

    26. Et nous vous donnons entendre que cette libert hors de la nature est Dieu le Pre, et la nature est ainsi engendre en lui, de faon quil est le Tout-Puissant sur la nature, comme lme de lhomme est au-dessus des sens, car tout a le mme original (titre), comme nous vous le montrerons ci-aprs.

    27. Pour nous tendre plus loin sur la naissance de la na-ture, nous vous donnons ceci entendre, mais comme une similitude ; quand lclair brille ainsi dans langoisse astringente, il se fait un trs grand (effroi) que lastringent saisit, et elle seffraye dautant, car sa tn-breuse puissance en mort astringente est tue dans un

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    clin dil, de faon quelle perd sa forte puissance et se prcipite en bas, et ainsi ne peut plus fortement attirer. Aussi lclair va droit au travers de laiguillon du temp-tement de la roue tournante ; car l laiguillon doit scarter de chaque ct, et lclair marche par le milieu. Ainsi de la roue il vient une croix, et elle ne peut se tour-ner ; mais elle demeure tremblante dans la puissance ai-gu de la volont de lternelle libert, qui est Dieu le Pre.

    28. Lorsque la forte astringence a resserr lclair de la li-bert, jusqu lui faire perdre sa proprit ; alors est nes la quatrime forme, savoir, lesprit de sel ; car la colri-que duret samollit par le feu et leffroi, et cependant conserve son aigu ; et cette forme est comme un esprit deau aigu, et lclair ou leffroi est la troisime forme1 qui fait en soi-mme un esprit de soufre dans lastringente angoisse tue.

    29. Car si la forte astringence perd la premire proprit sche, alors elle doit devenir douce, et cependant elle ne le peut pas, car elle est terriblement aigu, et ici est le terme de lternelle mort ; car le dsir hors de la libre vo-lont ne peut plus ainsi tenir, puisquil est dans langoisse de leffroi et retient cependant sa proprit dans lattirant.

    30. Car chaque angoisse a la volont de sortir du tour-ment, et la tendance naturelle de langoisse est de pous-ser hors soi, et cependant elle ne le peut pas ; mais le tourment nen devient par l que plus expressif et plus grand ; comme on le voit dans une plaie douloureuse et angoisseuse, o le membre travaille dans les essences loigner de soi la douleur, et devient plus grand dans le travail des essences, et le tourment ne fait que se gonfler en esprit de soufre ; plus les essences combattent, plus la roue de langoisse devient grande : je donne ceci consi-drer la pense.

    31. Je vous donne ainsi considrer la nature, et ceci ne peut se contredire, si vous lobservez bien ; car cela est dans toutes choses, et a sa naissance justement ainsi, et ainsi la nature est dans le centre en quatre formes.

    32. Savoir, premirement dans un fort attract astringent qui sappelle astringent, et fait en soi-mme une forte froideur.

    1 Dans le Menschwerdung, p. 1, ch. 4, n 8, le feuer blitz est nomm la quatrime forme.

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    33. Et secondement, lattract est son aiguillon qui tem-pte dans lastringence et brise dans la duret, et fait la roue des innombrables essences dans laquelle les mer-veilles sont engendres.

    34. Mais lclair de la libert de lternelle volont qui saiguise dans lastringence et devient un feu dvorant, lui brise sa roue dans laquelle il pntre comme un clair dans un clin dil, et effraye sa mre ; savoir, lastringence qui perd sa proprit froide, et est naturali-se en un aigu semblable au sel, et dans cet aigu laiguillon perd aussi son propre titre et devient amer, car il y a deux formes en soi ; savoir, le temptement et lclair du feu ; elles sassimilent au soufre, et la puis-sance du feu est brlante, car le bouillonnement du feu est dedans.

    35. Ainsi entendez-nous bien, lclair du feu fait la troi-sime forme dans la nature ; car il fait dans lastringence et hors du tempteur, qui est laiguillon amer dans langoisse astringente, un esprit de soufre dans lequel demeure lclair, et lme ou lternelle vie est de la qua-trime forme ; car langoisse refait en soi un dsir de sor-tir de langoisse, et l cependant il ny a rien qui puisse sen aller. Mais il est ainsi dans le centre, et ne sappelle plus ici le centre.

    36. La quatrime forme est le changement de la dure as-tringence, lorsque leffroi (schrack) de lclair pouvante la tnbreuse astringence, de manire quelle faiblit et est surmonte comme morte ; l elle tourne en sel, et contient cependant encore la proprit de lattract astrin-gent.

    37. Ainsi les quatre formes de la nature ne sappellent plus le centre, quoiquelles aient le centre en elles dans leur original ; mais soufre, mercure et sel. Car lesprit de soufre est lme des quatre formes, attendu quil a le feu en soi, de faon que les quatre formes ont en elles-mmes une ternelle volont qui leur est propre. Car cette volont est de senvoler au-dessus de la nature, hors des quatre formes, et de percer la nature dans le feu, et ainsi dtre une puissance effrayante, comme on le peut voir dans les diables qui vivent dans cette volont, comme je le montrerai ci-aprs.

    38. Ainsi entendez-nous bien sur ce que les anciens sages ont entendu par les trois mots soufre, mercure et sel.

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    Quoiquils naient pas pu tous en saisir la haute lumire, ils en ont cependant assez compris dans la lumire de ce monde, ou dans le troisime principe, qui tout a le mme sens et la mme signification ; seulement ils nont pas compris les principes, sans quoi ils auraient connu Dieu ; mais ainsi avec leur intelligence ils sont demeurs dans la lumire de ce monde comme les paens. Car ils ont trouv lme des quatre formes dans la lumire de la puissance du soleil, et le second principe ne leur a pas t plus am-plement manifest.

    39. L, lme demeure dans un ternel lien ; et l, dans la croix de la nature, du sein de la plus profonde ternelle volont, est engendr lternel Verbe qui est le crateur et loprateur dans la nature. Ceci leur a t cach, et mme lest encore aujourdhui ; mais le temps se dcou-vre o cela doit tre expos un jour, ce dont il sera parl en son lieu.

    40. Ainsi la raison pleine de sens trouve clairement dans un crit ce quest le soufre (sulphur), le mercure, et le sel. Car sul est lme, et mme est lesprit de soufre qui a en soi lclair de feu avec toutes les formes. Mais si le pouvoir et la lumire du soleil oprent dedans, puisque lme demeure dans la chair et le sang ; il fait de lastringent esprit de sel, au moyen de ses bienfaisants rayons, une huile. Cela allume le feu ; ainsi lesprit de soufre brle, et est une lumire dans les essences, et de la volont angoisseuse vient linstinct, et de la roue des essences les penses ; car la puissance du soleil a aussi linstinct qui ne demeure point dans langoisse, mais qui se rjouit dans la puissance de la lumire.

    41. Ainsi sul est lme ; dans la plante cest une huile, et aussi dans lhomme selon lesprit de ce monde dans le troisime principe qui est toujours engendr de langoisse de la volont dans linstinct, et le ver de soufre est lesprit qui a le feu et brle. Phur est la roue astringente en soi qui occasionne cela.

    42. Mercure comprend toutes les quatre formes mesure que la vie slve, et na pas cependant son commence-ment dans le centre, tel que phur ; mais aprs lclair de feu, lorsque la forme astringente, dure, tnbreuse seffraye, o la duret se change en un faible aigu, o la seconde volont ou la volont de la nature qui sappelle angoisse slve ; l mercure (mercurius) a son original.

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    Car mer est la roue tremblante, vraiment effrayante, ai-gu, venimeuse, et hostile, qui se nomme ainsi dans lastringence de lclair de feu, de faon que la vie colri-que en rsulte. La syllabe cu est le pressant hors de la forte angoisseuse volont de linstinct de la nature qui va slevant, et veut sortir par l-haut. Ri est la compression de lclair de feu, qui donne dans mer un ton clair, un son, car lclair fait le son. Ainsi lesprit de sel devient sonnant, et sa forme est graveleuse comme le sable ; et ici naissent les voix, les sons, les bruits, de faon que cu saisit lclair ; ainsi le pressant est comme un vent qui se jette en haut et donne lclair un esprit, de manire quil vit et brle ; ainsi la syllabe us se nomme le feu brlant qui, par lesprit, chasse toujours de soi en avant, et la syl-labe cu presse toujours lclair.

    43. Et le troisime mot sel est lesprit de sel, puisque les anciens sages ont vu comment la nature se divisait ainsi en plusieurs parties ; l aussi chaque forme de la nature a dans ce monde sa matire particulire, comme cela se voir sur la terre ; et particulirement lesprit de sel est le plus grand dans lessence corporelle, car il prserve le corps afin quil ne se dissolve pas ; ainsi ils ont bien pos cette porte seule : savoir, la mre de la nature, car de cette forme est venue dans la cration, la terre, les pier-res, leau et tous les mtaux, cependant avec un mlange des autres formes, comme on le verra ci-aprs. Ainsi, mon cher lecteur, comprenez-vous selon notre sens et notre entendement.

    44. Ces quatre formes en soi-mme sont la colre et la fureur de Dieu, dans lternelle nature, et ne sont rien en elles-mmes que seulement un bouillonnement, une pro-prit et une gnration telle quelle existe dans les tn-bres, et nest rien de matriel, mais loriginalit de lesprit, sans quoi il ny aurait rien. Car ces quatre formes sont une cause de toutes choses ; comme vous vous re-prsentez que toute vie est un poison, et que le poison mme est la vie ; cest pour cela que plusieurs cratures sont venimeuses et mauvaises, parce quil y a une origi-nalit venimeuse.

    45. Et il faut vous reprsenter que la nature, quoique cela soit la principale cause de la nature, existe dans un bien plus grand nombre dautres formes. Cest l ce que fait la roue des essences qui opre des formes innombrables, o chaque essence redevient le centre, de faon quainsi une

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    gnration entire peut paratre dune toute autre forme ; cest pour cela que la puissance de Dieu est inscrutable.

    46. Nos crits nont point pour objet en cela de vouloir sonder la Divinit dans sa nature ternelle. Non, cela ne peut tre ; mais seulement denseigner laveugle la voie quil doit suivre lui-mme. Nous ne pouvons pas marcher avec ses pieds ; mais comme chrtien nous voulons bien le conduire, et partager avec lui ce que nous avons, non pas pour notre renomme, mais pour aider planter le grand corps en Christ avec ses membres, et dont nous vous parlerons ci-aprs, et ce pourquoi ces choses trs leves vous ont t traces pour que nous vous mon-trions le vrai point dans loriginal, afin que vous puissiez vous reconnatre vous-mmes, et que vous appreniez comprendre le cours de ce monde ; comment tout est si aveugle sur Dieu, et quelle en est la cause, et quelle en est la fin.

    47. Nous vous ajoutons ceci, afin que vous puissiez vous bien reprsenter que ces quatre formes sont dans toutes choses, mais non comprises dans leurs vritables essen-ces dans ce monde, cest--dire, dans le troisime prin-cipe ; car la puissance du soleil tempre tout dans les lments, de sorte que les essences ne dominent pas ain-si dans un bouillonnement colrique, quelles sont une joie dune vie amicale, de mme que la lumire hors du second principe, qui est la lumire hors de la parole et du cur de Dieu le Pre, claire les quatre formes dans le centre de lesprit anglique, de faon quelles sont, dans leur propre centre, laimable et habitable royaume de joie.

    48. Et vous pouvez bien rflchir sur la chute des dmons qui ont perdu la lumire du cur de Dieu, et qui mainte-nant doivent rester dans les quatre formes de loriginal, dans un tourment angoisseux, tel quil a t dit ci-dessus.

    49. Ainsi lme de lhomme lui a t aussi souffle de lternel lien, et a t claire de la lumire de Dieu ; mais dans la chute dAdam elle a pass de lternelle lu-mire du cur de Dieu dans la lumire de ce monde, et elle doit sattendre maintenant, que si elle ne rentre pas dans la lumire de Dieu, elle demeurera, lorsque la lu-mire de ce monde se brisera pour elle, dans les quatre formes hors de la lumire, dans la premire naissance de la vie auprs des dmons.

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    50. Car les quatre formes, sans lternelle lumire, sont labyme, la colre de Dieu et lenfer ; et le terrible clair de feu dans la roue du brisement, dans lchappement de mercure en esprit de soufre, est leur lumire quils doi-vent veiller en eux-mmes, sans quoi leur esprit reste dans un ternel tnbre et est un forme vivante de labyme, un rgime du svre bouillonnement qui slve ainsi en clair de feu au-dessus de Dieu et du royaume cleste, et cependant ne peut ni latteindre, ni le voir, ni le sentir ; car cest un principe que ne saisit ni ce monde, ni le monde anglique, et cependant nest point dans un lieu et une place spare.

    51. Car nous vous donnons ceci considrer : de mme que nous hommes, avec nos yeux de ce monde, nous ne pouvons voir ni Dieu ni les anges, qui sont cependant tout moment devant nous. Comme la Divinit est aussi en nous, et cependant nous ne pouvons la saisir moins que nous ne mettions notre imagination et notre opinitre vo-lont en Dieu, alors Dieu brille en nous dans la volont et remplit lme, et nous sentons Dieu, et nous le voyons avec nos yeux.

    52. De mme aussi, si nous tablissons notre imagination et notre volont dans la mchancet, nous recevons la proprit infernale dans la colre : et le dmon dans la colre de Dieu nous saisit dans le cur, et nous ne le voyons pas avec ces yeux (du corps) ; seulement lesprit et la pauvre me dans lternel bouillonnement de loriginal le conoivent et tremblent devant cette colre, de manire que plusieurs mes se dsesprent et se pr-cipitent delles-mmes dans le bouillonnement de loriginal, et poussent le corps la mort par lpe, par la corde, par leau, afin quelles puissent seulement tre d-livres de ce tourment dans cette vie, car elles sont expo-ses la drision entre le royaume du ciel et le royaume de ce monde ; cest pourquoi elles se prcipitent vers labyme.

    53. Aussi nous vous donnons ceci considrer trs s-rieusement : savoir, que Dieu na pas proprement cr un enfer, une ghenne particulire o il voulut tourmenter les cratures, cest--dire les anges et les hommes, puis-quil est un Dieu qui ne peut pas vouloir le mal, quil le dfend lui-mme, et a cet effet laiss son cur devenir homme, afin quil put retirer lhomme de cet angoisseux

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    et ternel tourment. Cest ainsi que nous devons consid-rer le svre tourment de labyme qui est ternel.

    54. Cest pourquoi aussitt que les dmons se sparrent de la lumire de Dieu, et voulurent dominer dans la puis-sance du feu sur la douceur du cur de Dieu, ils furent ds linstant et dans un clin dil dans labyme infernal qui les y contint ; car il ne leur fut fait aucun tourment particulier, mais ils demeurent hors de Dieu, dans les quatre formes de lternelle nature.

    55. Il en est ainsi dans lme des hommes, lorsquelle nest pas claire de la lumire divine, qui, nanmoins, se tient avec un grand dsir devant lme, et est cache dans le centre, et seulement il est de lme de poser de nouveau sa volont, comme une vgtation de quatre formes, dans la lumire de Dieu ; alors elle sera rgn-re de nouveau dans la volont et la vie de Dieu.

    56. Nous ajoutons pour le cher lecteur, que les cratures, le dmon, aussi bien que les mes damnes, nont pas seulement les quatre formes dans le lien de leur vie ; mais leurs formes sont infinies comme les sens de lhomme sont infinis, et elles peuvent se changer dans les formes de toutes les cratures. Mais il ny en a que quatre qui leur soient manifestes, comme aussi dans labyme de lenfer ; mais elles peuvent produire toutes les formes hors de la matrice, except la lumire : le feu est leur vraie vie, et lastringence des tnbres leur nourriture.

    57. Car une essence nourrit lautre, de sorte quil y a ainsi un lien ternel ; et les dmons ainsi que les mes des damns ne sont que des esprits vivants dans les essences de lternel original, dont ils sont aussi crs ; car cette matrice est la plus radicale gnratrice qui sengendre toujours de lternelle volont.

    58. Et selon cette forme, Dieu se nomme un Dieu jaloux et colrique, et un feu dvorant : car le feu de cette source est dvorant, puisquil est au centre de lternel lien. Cest pourquoi, sil senflamme dans laigu astringent, il consume tout ce qui se montre de substantiel dans les quatre formes (ny comprenez pas ce qui est n de leur source, car les dmons sont de cette source, qui ne peut pas les consumer, puisquils sont nus et sans corps), comme on le voit dans les sacrifices de Mose et dIsral, que le feu dvorait, aussi bien que dans lie et les deux capitaines de cinquante hommes, en ce que le feu de Dieu

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    dvora deux fois les cinquante, lorsque Isral tait conduit par la parole dans la source du Pre.

    59. Je veux maintenant vous montrer plus amplement la forme de la Divinit, afin que vous sondiez labyme de lternelle vie, et que vous appreniez comprendre lternel bien, et aussi lternel mal ; de mme que ce qui est mortel en ce monde, et que vous appreniez pntrer et connatre la volont du suprme bien, et ce quest Dieu, le ciel, lenfer, le dmon, et ce monde, et ce que vous avez y faire.

    60. Jean, vangliste, crit justement, profondment et clairement, que dans le commencement tait le Verbe, et que le Verbe tait Dieu, et que toutes choses ont t fai-tes par lui ; car la parole manifeste la Divinit et engen-dre le monde anglique, un principe en soi-mme, ce quil sera ais de comprendre.

    61. La premire ternelle volont est Dieu le Pre, (et est) dengendrer son fils ou sa parole, non pas dautre chose que de lui-mme. Or nous vous avons instruits des essences qui sont engendres dans la volont, et com-ment la volont dans les essences est tablie dans les t-nbres, et comment les tnbres dans la roue de langoisse sont brises par lclair de feu, et comment la volont vient en quatre formes, qui, dans loriginal, ne font toutes les quatre quune seule ; mais dans lclair de feu brillent ainsi en quatre formes, et comme lclair de feu se dclare, en ce que la premire volont saiguise dans lastringence colrique, de faon que la libert de la volont brille en clair. L nous vous avons aussi donn entendre que la premire volont brille dans lclair de feu, et est consumante cause de laigu angoisseux ; car l la volont brille en aigu et contient en soi la seconde volont (entendez dans le centre de laigu), de sortir de laigu, et de demeurer en soi-mme dans lternelle liber-t sans tourment.

    62. Maintenant nous vous donnons entendre que cette mme seconde volont recompacte de sortir de laigu, et de demeurer en soi-mme dans lternelle libert sans tourment, est libre de sa nature, cest--dire de sa ru-desse ; car elle demeure dans le centre en soi-mme et contient en soi-mme toutes les forces et toutes les for-mes du centre hors de toutes les essences, attendu quelle est la force de la premire volont, et est engen-

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    dre dans la premire volont, et fait dans la libert de la premire volont un centre de gnration des quatre for-mes insaisissables, dans la premire volont. Et cette mme seconde volont, engendre dans la premire vo-lont, est le cur de la premire volont, car elle est lternel centre de la premire volont, et est dans la premire volont comme une parole qui se meut en soi-mme et demeure ternellement dans la naissance de la premire volont, car elle est son fils ou son cur, et est cause de cela spare de la premire volont, de faon quelle tient en soi un centre particulier.

    63. Alors le pre ou la premire volont prononce toute chose par cette parole ou par le centre, et ce qui procde hors du Pre par cette parole, est lesprit de la puissance de la parole dans le Pre, qui forme le prononc la ma-nire desprit, de faon quil brille comme un esprit.

    64. Car dans la matrice astringente, ou dans le fiat, tout est comprim, et lesprit de la parole le forme dans le centre de cette mme essence dans laquelle le Pre se meut, et parle par le Verbe, de faon quil est et demeure en essence. Car ce qui est form dans lternel, est esprit et ternel, tel que les anges et les mes des hommes.

    65. Mais comme il se pourrait que nous fussions pour vous comme muets et inintelligibles, puisque la compr-hension nappartient point lesprit de ce monde ; nous allons vous montrer les trois autres formes clestes, comment elles sont engendres, dans lesquelles il faut entendre particulirement Dieu, le royaume du ciel, le pa-radis, et le monde anglique, afin que le lecteur puisse tre introduit dans le sens (ou lintelligence).

    66. Il ne faut pas entendre que la Divinit prenne ainsi un commencement, ni quelle subisse un changement. Non. Mais jcris de quelle manire on doit apprendre com-prendre ltre divin, car nous ne pouvons point employer de mots angliques, et quand mme nous les emploie-rions, cependant cela nen paratrait pas moins crature dans ce monde, et terrestre lintellect terrestre. Car nous ne sommes quun particule du total, et nous ne pou-vons pas parler du total, mais des parties, ce que le lec-teur doit considrer.

    67. Car lesprit divin, dans le cur de lhomme, est seul un tout, et hors de l rien ne lest ; car hors de l tout demeure dans les essences, et Dieu seul est libre, et hors

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    lui, nul autre. Cest pour cela que nous parlons de la par-tie, et nous saisissons le tout dans la pense ; car nous navons aucune langue pour lexprimer ; donc nous nous prsentons seulement au lecteur comme pour lui servir dchelle.

    68. Si donc nous voulons crire ou parler de Dieu avec justesse, nous ne le pouvons que par la lumire et la flamme de lamour ; ce nest que l que Dieu se fait en-tendre.

    69. Nous ne pouvons pas dire que le bouillonnement du feu soit la lumire, seulement nous voyons quelle brille hors du feu : or nous nous avons instruits de loriginal du feu ; comment il est engendr dans la roue des essences dans le dur aigu angoisseux, et prend son clair de lternelle libert, l o la libert est pousse dans la na-ture, de faon que de la libert vient un bouillonnement qui est le feu.

    70. Nous vous avons instruits aussi comment lclair part rapidement au travers de la roue des essences, dans le dur aigu angoisseux, et fait une croix : et alors la roue des essences ne tourne plus, mais demeure tremblante dans le son, et toutes les essences prennent leur force et leur puissance dans lclair de la croix : car lclair perce droit au travers et partage les essences de la roue, et les essences passent obliquement au travers de lclair ; car lclair est leur esprit, qui fait une forme sulphureuse dans lastringent.

    71. Ainsi la gnration est en travers comme une croix, et elle a en dessous le centre pour naissance, et en dessus portion de lclair qui pousse, et toute la gnration est comme une plante. L le feu pousse en haut, et les es-sences se pressent aprs lesprit de feu, cest--dire aprs leur propre esprit qui les attire et les dsire ; car elles sont son aliment et sa nourriture, et il est leur vie, et lun sans lautre nest rien.

    72. Maintenant entendez-nous concernant leffroi du feu qui est effrayant et destructeur, et subjuguez toutes les formes de toutes les essences. Car aussitt que lclair part, toutes les formes des tnbres sont brises, et la tnbreuse astringence, ou la mort pre, seffraye de la vie et tombe en arrire comme morte ou subjugue, et de dure devient faible et mince ; elle devient plante comme tant impuissante et non fine en elle-mme, et de l vient

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    la pesanteur de la nature ; car la matrice astringente de-vient mince et lgre, et un esprit deau, de l leau est engendre.

    73. Et maintenant cet effroi de lastringence dans la mort tnbreuse devient un effroi dune grande joie ; car au lieu des tnbres vient la lumire. Et si maintenant lclair saperoit l dans lastringence de laiguillon, il seffraie bien plus fort que sa mre lastringence, et nest pas aussi un effroi ennemi, mais un effroi de joie, trs riche en joie ; de faon quil trouve ainsi sa mre mince, faible et douce, do il perd sa proprit igne, et devient (dans lternelle libert de lternelle volont dans le centre) blanc, clair, lumineux, aimable et joyeux, et sort par l de la cinquime forme de la nature, cest--dire la saint amour. Car l lclair dsire avec une grand ardeur sa mre comme une nourriture, et est l le vritable original de la vie ; car cest l lallumement de la lumire dans lastringente matrice, o la svre astringence se change en douce.

    74. Et vous pouvez bien entendre cela, non pas entire-ment du centre de leur tre, mais, selon que jen pense parler, en similitude, comme si une huile tait engendre dans la douceur, do la lumire brille dune manire sta-ble, et dure toujours, tandis que lclair perd sa proprit. Ainsi hors de sa forme il y a une lumire, un clat dans lequel rside un centre particulier, do slve un royaume de joie ; et cependant les quatre premires for-mes conservent leur centre pour elle, et le tnbre de-meure comme un tre enferm, et la lumire brille dans les tnbres, et les tnbres ne le comprennent point.

    75. Ce sont comme deux principes, et cela pour raison, puisque la douceur drive de la premire volont ter-nelle, qui, par nature, est libre en soi, et est mince comme un rien, et est tranquille. Ce qui est tranquille et na aucun tre en soi, na point de tnbre en soi, mais est purement une douceur paisible, claire, lumineuse sans tre, et cela est lternit sans quelque chose, et sappelle Dieu avant tous les autres ; car il ny a rien de mauvais dedans, et cela est sans tre.

    76. Ainsi comprenez-nous. Dieu le Pre est en soi, mais sans nom, car il est en soi la claire, pure et lumineuse ternit, sans tre, autant que nous pouvons parler de la lumire de Dieu.

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    77. Mais comme il ne peut pas tre sans tre, cest pour-quoi nous entendons sa volont quil amasse en soi de rien, purement de et en soi-mme, et nous concevons dans sa volont le dsir, et dans le dsir le centre de la gnratrice dans laquelle ltre est engendr.

    78. Maintenant lternelle gnratrice ne dsire rien que la parole qui cre dans la gnratrice ; car lternel repos et la joie lumineuse ne cre rien, mais elle est purement tranquille et claire ; car l o il ny a point de tnbre, l est une pure lumire sans changement ; car la gnra-trice dans le dsir fait un attract, de faon quil y a aussi un tnbre qui est ternel, dans lequel la nature est en-gendre, comme il est dit ci-dessus.

    79. Maintenant lternelle engendreuse dsire son premier attract la libert, cest--dire Dieu, et non pas les tn-bres en soi, car elle nen veut point ; mais seulement la parole qui a cr dans le dsir de lengendreuse, et aussi il ne peut y avoir aucun engendreuse sans un attract, qui sengrosse lui-mme en volont, dans lequel engrosse-ment consiste le centre de la nature, et il ny aurait point de parole sil ny avait point de nature, car cest dans la nature que la parole puise son original (ou origine).

    80. Et nous vous donnons ainsi ici une haute et profonde connaissance, comment, dans la nature, il y a deux paro-les qui sont engendres ; lune dans le premier centre de la gnratrice, dans lpre astringence, pour prononcer la forte puissance de la mre de la premire astringente co-lre dans le feu, qui ici sappelle la nature de Dieu le Pre, quil engendre ainsi dans sa paisible joie, dans la compac-tion de sa volont, sans toucher la libert de la lumire.

    81. Et la seconde parole quil engendre de la nature et de la douceur ; entendez dans laquelle lternelle libert de la lumire, qui est appele Dieu, et est hors de la nature, envisage la nature tnbreuse, la vrit dans le feu de laigu, comme il a t dit ci-dessus : mais lastringence seffraye dans sa propre qualit tnbreuse, et perd sa qualit dure.

    82. Car lclair rend mince de nouveau lpre force tn-breuse, et ainsi sort en lui une vgtation dinnombrables essences, qui est la puissance du second centre ; car dans ce jet il y a un dsir damour qui saisit lternelle lumire de la libert hors de la nature : de faon quainsi la libert

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    hors de la nature senflamme dans cet amour, et devient ainsi une lumire dsirante dans laquelle slve lclat.

    83. Car hors de la nature il ny a aucun clat, quoiquil y ait une habitation paisible et lumineuse ; mais lclat nat de laigu. Mais dans llvation de lamour, aucun aigu nest perceptible, et quoique (cette lvation) y ressemble ( laigu), ce nest cependant quune gnration de la joie, et un juste complment de la premire volont, qui est de Dieu, laquelle il tablit en dsir, et ainsi engendre la na-ture, et de la nature la vgtation de lamour.

    84. Ainsi la seconde parole ou le rejeton damour, de-meure dans la premire volont, et est son vrai compl-ment et en est dsire ; car elle est douce, aimable et joyeuse ; elle est la puissance et le cur du premier vou-loir, do lternel dsir est toujours en croissance de la volont.

    85. Et ainsi la lumire rompt les portes des tnbres, et la plante de lamour sort de la nature tnbreuse et de-meure dans lternel repos du Pre, et est la puissance du Pre, et est appel son fils. Car le Pre lengendre de son vouloir ternel, et l se manifeste lclat du Pre, qui au-trement brille seulement en feu dans la premire volont, dans la nature tnbreuse ; mais dans le second centre, dans lamour, il parat en lumire.

    86. Et ici se considre lamour et linimiti, comme ils sont en opposition lun et lautre ; car lamour est la mort de la colre, et par son coup dil il te la colre sa puis-sance. Et ici nous considrons avec raison la puissance de Dieu dans lamour et dans la colre.

    87. Mais pour que la naissance de lamour puisse tre en-gendre, cest la premire volont hors de la tranquille demeure qui en est la cause ; car la tranquille demeure est sans labeur, elle nengendre point la colre, et cepen-dant elle fait la colre ; et sil ny avait point de colre, il ny aurait point daigu ; le second centre de lamour ne pourrait point non plus tre engendr, hors duquel centre la lumire surnaturelle est brillante ; car cest l que nat le nom de Dieu le Pre, et de Dieu le fils.

    88. Car si lternelle libert nengendrait point lessence de la nature, il ny aurait point de Pre, mais un rien ; mais ds quelle engendre lessence de la nature, lengendreur do vient lengendr sappelle Pre.

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    89. Ainsi la lumire brille dans le tnbre, et le tnbre ne la comprend pas, comme dit Jean lvangliste. Ainsi la lumire et le tnbre sont en opposition lun et lautre, et ainsi la lumire est le cur matre des tnbres, et cest une ternelle alliance ; l aucun deux ne vient en tre lun sans lautre. Et ici nous pouvons avec droit considrer lopposition contre la puissance dans la lumire de Dieu, comme chacune delle se produit.

    90. Car le tnbre tient dans son centre lastringente co-lre, langoisse piquante dans lesprit de soufre, la cuisson dans lclair de feu, la grande puissance dans la roue de la rupture, llvement des essences dans lclair de la puissance du feu ; et cependant il ny a aucun envole-ment, mais il en rassemble la volont, et cela est un es-prit, ; et telle est lalliance de la nature, que Dieu le Pre engendre dans sa volont, avec laquelle il se manifeste dans lternel repos : l o autrement il ny aurait rien, et Dieu le Pre est avec laigu de son feu, et fait par ce moyen un Dieu fort et jaloux et un feu dvorant.

    91. Que ceci vous montre, vous philosophes, ce qui vous est manifeste du conseil de Dieu, dans le septime sceau dans le saint Ternaire.

    92. Ainsi la fontaine de lamour est une compression et une dtention de la forte colre, un surmontement de la forte puissance, car la douceur te la forte astringente et dure force du feu son pouvoir, et la lumire de la dou-ceur tient les tnbres prisonniers, et demeure dans les tnbres.

    93. Ainsi la forte puissance ne sent que la colre et lenfermement dans la mort ; car la svre astringence est un enfermeur dans la mort ; et la douceur pousse de-hors comme un vgtal, et verdoie hors de la mort, et surmonte la mort, et opre lternelle vie, et de linimiti fait de lamour.

    94. Que ceci soit une lumire pour vous thologiens, et considrez mieux les crits des Saints, et contemplez avec un autre il les merveilles de Dieu ; considrez ce quest Dieu dans lamour et dans la colre ; remarquez comment les deux principes se manifestent, comment lun dsire lautre ; abandonnez la sagesse naturelle de ce monde, et contemplez lternelle nature ; alors vous trou-verez Dieu et le royaume des cieux. Vos lois ne font rien, il vous faut une autre ardeur (instinct). Voulez-vous

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre II

    connatre Dieu ? il vous faut sortir de Babel, afin que vous atteigniez le centre du fils de Dieu. Alors vous serez en-gendrs dans la douceur et dans lamour, alors vous pour-rez patre le troupeau du Christ ; autrement vous tes son meurtrier et un voleur, et vous marchez dans le centre de la colre ; l, vous ne faites que dvorer le troupeau du Christ, et vous soufflez avec le feu infernal. Oh comme vous en agissez faussement envers lamour ! Comment paratrez-vous cependant lorsque le soleil se lvera, et quand vous serez dans la lumire ? cela vous sera alors plac devant les yeux.

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  • CHAPITRE III

    De la sixime forme de la nature, et aussi un avertissement touchant la connaissance divine

    1. Si nous voulons maintenant approfondir la sainte naissance de lamour et do elle drive, nous devons sonder le centre intrieurement, et poser devant nous la sixime forme de la nature ; savoir, le mercure dans le-quel le son est engendr, et nous trouverons dans la nais-sance de lamour, le ton, lclatement, et le chant ; et par les cinq sens, savoir, le voir, loue, lodorat, le got et le tact, dans quoi la vie est aussi entendue, ainsi que la peine et le tourment, aussi bien que la joie et lamour, le dsir du bien, et aussi le dsir du mal ; quoique dans la nature il ny ait rien en soi rejeter, les deux doivent se trouver, sans quoi Dieu ne serait pas manifeste, et tout ne serait quun tranquille rien ; et le tout ensemble est dans le Dieu un. Personne ne lui a jamais rien engendr ni fait ; lui seul dans son ternelle volont, qui est lui-mme, fait lengendreuse.

    2. Il est seul lternel commencement et comprime le centre en engendreuse, lequel fait lternelle mre de lengendreuse de ltre de tous les tres. Car Dieu na point de commencement, et il ny a rien avant lui, que lui ; mais sa parole a un ternel insondable commence-ment en lui, et une ternelle infinissable fin. L cependant elle nest pas appele fin, mais personne, cest--dire cur du pre, car ce cur est n de lternel centre, non pas comme une forme du centre qui appartienne au cen-tre, mais comme le bourgeon dun autre centre, hors du premier ternel.

    3. Cest pour cela quil est le fils du premier, et il est avec justice la flamme de lamour, et lclat du Pre dans lternelle volont ; il est aussi la seconde mre de lengendreuse, nommment aussi le monde anglique ; il est de soi-mme un principe qui est appel la misricorde de Dieu, et du centre duquel sort la vierge de lternelle sagesse de Dieu, et par lequel Dieu a cr ce monde, sa-

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre III

    voir le troisime principe hors du premier, ensemble tous les tres et toutes les cratures.

    4. Et nous voulons avertir sincrement le lecteur de ne pas chercher notre sens dans la sagesse de ce monde, mais dans la lumire de lternelle nature o nous vou-drions lavoir conduit, cest--dire dans la nouvelle renais-sance dans la vie de Christ. Autrement nous serons muets pour lui, nous nen serons pas compris, sans cette condi-tion (de la renaissance), il peut laisser l cet crit sans le censurer, ou bien il mangera de la nourriture du premier centre, et son mpris le rongera dans le feu de sa propre vie.

    5. Nous voudrions bien le faire jouir de la lumire ; cest pour cela que cette main a dpos ainsi les profonds se-crets, non pas pour les profits qui y sont attachs, mais par rapport au lys et cause du monde anglique.

    6. Remarque seulement ici particulirement, tu verras ce que tu nas point vu depuis la terrible chute dAdam ; et pense seulement sur cela ce que cela signifie, et ce qui brille ici. Ne marche point dans les sentiers des orgueil-leux Pharisiens qui ont crucifi Jsus-Christ, et sont de-meurs aveugles la lumire, sans quoi il en sera de mme de toi.

    7. Ne considre pas non plus la main qui tient cette plume, qui ne peut rien ; mais bien le centre do la lu-mire brille. Elle ne brille pas seulement par cette main, mais dans le monde entier, comme un sceau ouvert dans lternel centre. Chacun peut la saisir ; elle nest pas seu-lement hors de lui, mais en lui ; elle ne fait que recom-mander douvrir, de crotre avec Jsus-Christ, et de pousser une fleur de ce monde dans le monde anglique ; cest ce dont nous voulons parler ici, et vous monter lessence ternelle.

    8. Nous vous avons montr ci-dessus la gnration des quatre formes de lternelle nature, et nous vous avons expliqu par l comment elles sont engendres de lternelle volont invariable, de lternelle volont divine. L nous vous avons aussi expos comment lternelle li-bert hors de la nature est une demeure paisible et lumi-neuse, quoique sans clat ; et comment lternelle libert lumineuse saiguise dans la dure et aigre astringence, de faon quelle brille comme un clair de feu, o alors elle dissipe les tnbres, et enlve la puissance

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre III

    lastringence, et reoit ainsi un clat de feu consumant, eu gard leffrayant aigu. Lors donc que lpre matrice devient une matrice angoisseuse, et quelle est ainsi im-puissante, puisque lclair lui enlve sa puissance, alors elle devient substantielle, et lclair saisit cette forme substantielle dans langoisse, comme un esprit de soufre qui est le corps de lclair, hors duquel il brle et brille.

    9. Et comme la roue des essences, ainsi que lclair du rigoureux triomphement sont maintenus, et le centre de-meure comme une roue en croix ; et tout demeure dans le son des essences comme une vgtation. L la vrit la roue pousse, mais au-dessus de soi ; cest pour cela que le bouillonnement du feu monte au-dessus de soi ; car toutes les formes de la nature sempressent aprs le feu, et le feu les fuit, car il veut tre libre, puisquil drive de lternelle libert, et cependant il ne le peut, parce que la nature le retient par son aigu qui est dans la nature.

    10. Et alors nous vous avons aussi dmontr comment le schrack du feu tue la svre matrice dans sa dure pro-prit ; cest par l quelle est vaincue, et se prcipite en arrire, do drive le poids de la nature, et la matire de tous les tres ; et alors comme lclair saperoit dans le triomphement, et alors il seffraye aussi dans sa douceur, de ce quil perd sa proprit igne, et de ce quil devient clair, ce qui fait le brillant de sa lumire, do lclat prend son origine : et aussi comme lternelle libert saisit lclat comme sa proprit, et la premire volont est remplie ici selon son dsir, ce qui est ce quelle voulait dans lorigine avec son dsir.

    11. Si maintenant le premier dsir aussi bien que les es-sences engendres, est rempli avec lclat de la lumire, alors toutes les essences que la lumire enferme demeu-rent dans la premire volont engendrante ; et la volont en ceci devient triomphante et pleine de joie, de ce quen elle est n lenfant de la lumire, et l le second centre slve en joie ; l lamour est le feu du centre, et lamour gnrateur de la premire volont tire sa joie soi, et la lumire brille hors de la joie ; ainsi cette chre sainte g-nration demeure sur la croix, l la roue des essences va en croix, et la joie, cest--dire le bouillonnement du feu slve au-dessus de soi, et le centre le retient.

    12. Ainsi la nouvelle volont engendre sort avec puis-sance et merveille, et fortifie la premire volont de la li-

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  • DE LA TRIPLE VIE chapitre III

    bert du Pre, avec le centre de la naissance damour du Fils. Car cette naissance est la parole ou le cur du Pre, laquelle il prononce hors de son essence ; et la sortie hors de lamour est lesprit de la parole, lequel forme les es-sences, et est en mme temps le Ternaire en une es-sence.

    13. Mais si maintenant le centre slve en parole dans la puissance de la lumire, hors de lamour, alors une forme embrasse lautre avec un dsir joyeux. Car la premire volont est dsirante, et fait le centre, comme il a t dit ci-dessus de la colre ; il en est ainsi de lamour, qui, au lieu dune volont oppose, nest quune pure saveur, et un attrait intrieur.

    14. Car ds que la roue des essences va en son, la sixime forme est engendre, car lastringence retient aussi bien sa fire force dans laigu de lamour ; mais elle est douce, et fait la sixime forme, voix, ton, et son, de faon quune essence entend lautre dans le son, et la gote en inqualifiant avec les essences de la roue, et la sent dans le dsir de lamour, et la touche par la brisure du bouillonnement, et la voit, dans la lumire, et est ainsi une forme vivante de lesprit, qui sort dans toutes les formes comme une vie, et est le mouvement des sens dans les essences, qui sont les sens (toiles, penses, constellations).

    15. Ainsi procde le vritable et surabondant dsir damour dans la premire volont qui sappelle le Pre ; car dans le centre du Fils est engendr l