Jacques Benveniste - Ma v Rit Sur La M Moire de l Eau

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    Jacques Benveniste

    en collaboration avec Franois Cote

    Ma vritsur la mmoire

    de l

    eau

    Prface du professeur Brian D. Josephson

    Albin Michel

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    Table

    Avant-propos............................................................................................................... 4Prface, par le professeur Brian D. Josephson................................................................. 5

    Introduction ............................................................................................................. 7

    1. Itinraire dun chercheur gt....................................................................... 102. tre ou ne pas tre... publi dans Nature........................................................ 253. La contre-enqute ........................................................................................... 384. Les rats quittent le navire................................................................................ 445. Censure scientifique........................................................................................ 546. Le champ des molcules................................................................................. 657. Le srum contamin ....................................................................................... 758. La tte sur le billot........................................................................................... 83

    9. La biologie numrique.................................................................................... 9510. Scientistes, intgristes, rigolades et diffamation ........................................ 104

    Conclusion............................................................................................................ 116

    Postface, par Jrme, Laurent et Vincent Benveniste................................................... 120

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    Avant-propos

    Jacques Benveniste a termin sa route le 3 octobre 2004. la fin des annes90, notre pre avait entrepris la rdaction de cet ouvrage; il conservait ce ma-

    nuscrit porte de main, l

    alimentant rgulirement de ses rflexions et correc-tions. Il aurait souhait le faire paratre une date symbolique, par exemple aulendemain dune monumentale publication scientifique (pourquoi pas dansNature?) qui aurait marqu la reconnaissance et lacceptation dfinitive de sesdcouvertes. Le destin en a dcid autrement; nous avons rsolu de porter cetexte la connaissance du public.

    Jrme, Laurent et Vincent Benveniste

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    Prface

    par le professeur Brian D. Josephson1

    J

    ai rencontr Jacques Benveniste pour la premire fois lors d

    un colloqueaux Bermudes, quelques mois avant la parution de son article trs controvers,publi par Natureen 1988. lpoque, jtais loin dimaginer la tournure queprendraient les vnements. Par la suite, nous sommes rests en contact et Jac-ques ma tenu inform de la progression de ses recherches. En mars 1999, mon invitation, il est venu donner une confrence Cambridge dans le cadredu colloque gnral du dpartement de physique. Nous lavions convi d-crire ses travaux, conscients de leur intrt scientifique et des consquences po-tentiellement considrables induites par leurs rsultats. Ces derniers ne man-

    quaient pas de surprendre, mais le laboratoire Cavendish de Cambridge a t lecadre de nombreuses dcouvertes tonnantes durant les cent vingt-cinq derni-res annes. Malgr la controverse entourant ces travaux, nous avons dcid dene pas suivre le troupeau et de ne pas ignorer ou censurer de telles recherches.

    Lors de son intervention, le docteur Benveniste a dcrit des expriences aucours desquelles un signal biologique est enregistr sur le disque dur dun or-dinateur, transmis par internet en un autre lieu dexprimentation o les effetsspcifiques de la molcule source sont alors restitus sur un systme biologique.Benveniste avait apport du matriel dexprience et il a reproduit devant nous

    ses plus rcentes expriences. Celles-ci se sont avres aussi probantes que pos-sible, compte tenu du temps limit dont nous disposions.

    Notre laboratoire a film la confrence et je projetais de publier cet enregis-trement un jour prochain, lorsque Jacques Benveniste aurait reu le prix Nobelpour llucidation des mcanismes biologiques relatifs la structure deleau. Mais cette distinction est dcerne aux scientifiques seulement de leur

    1

    Le professeur Brian Josephson est laurat du prix Nobel de physique 1973 pour ses travaux sur les supra-conducteurs coupls, appel aussi effet Josephson. Il fait partie du prestigieux laboratoire Cavendish del'universit de Cambridge.

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    vivant. Cest bien dommage. Je suis persuad que la contribution scientifique dudocteur Benveniste sera un jour reconnue sa juste valeur.

    Que nous dit la science sur la possibilit de lexistence de la mmoire deleau? Les scientifiques qui ne sont pas rudits en matire deau tendent en

    avoir une vision nave: un liquide compos de molcules H20 plus ou moins iso-les, en mouvement. En fait, leau est bien plus complexe, avec des molculesindividuelles sagglutinant temporairement pour former un rseau. Que cesmolcules puissent interagir de faon produire un mcanisme permettant lammoire de leau naurait rien dinconcevable. Les scientifiques bien informsau sujet de leau prennent beaucoup plus au srieux la proposition de mmoireque ceux qui ne le sont pas. En biologie galement, les scientifiques bien in-forms admettent limportance de la structure de leau.

    Enfin, je voudrais souligner les qualits personnelles de Jacques Benveniste,sa dtermination continuer ses recherches malgr tous les obstacles, et sans jamais se dpartir de son sens de lhumour. Ceux qui affectent de croire queBenveniste tait condamn au dclin ds lors quil saventurait en dehors desdomaines conventionnels o il avait recueilli tant dapprobation et de succs, setrompent totalement.

    Professeur Brian D. Josephson

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    Introduction

    28 juin 1988: la revue britannique Nature, la plus influente des revues scienti-fiques gnralistes au monde (avec sa concurrente amricaine Science), publie

    un article intitul

    :

    Dgranulation des basophiles humains par de trs hautesdilutions dun anti-srum anti-IgE. Le titre est parfaitement obscur pour legrand public, pourtant la rdaction en chef de Naturea pris soin de diffuser cetexte aux grands mdias de la plante, comme chaque fois quun article impor-tant est publi dans la revue. Dans tous les pays, la presse donne un formidablecho cet article et traduit en termes courants le contenu de larticle: leaupourrait conserver un souvenir, une empreinte, de substances qui y ont transit.Cela reprsente une vritable rvolution scientifique, la tte de laquelle me voici bombard. Quelques semaines plus tard, la suite dune contre-

    enqute mene dans mon laboratoire par une quipe de Nature dans desconditions particulirement choquantes, la revue dcide que les rsultats demes expriences nont aucune ralit. Commence alors pour moi un processusde marginalisation qui me conduit de la direction dune unit de recherches delInserm1 comptant plusieurs dizaines de personnes celle dun laboratoire in-dpendant pour lequel je dois trouver moi-mme les crdits de fonctionne-ment. Ce laboratoire est une ancienne annexe en prfabriqu situe sur le par-king de lunit que je dirigeais.

    21, 22 et 23 janvier 1997: le quotidien Le Monderevient sur cette affaire. Trois

    jours de suite et sur six pleines pages, le journaliste ric Fottorino retrace ceroman-feuilleton chez les scientifiques. Lenqute, fouille et honnte, estremarquable. Mais sa lecture provoque chez moi un condens des impressionset des motions, bonnes et, plus souvent, mauvaises, que jai ressenties au longde ces huit dernires annes. Ce ne sont pas les crits dric Fottorino qui in-duisent ce malaise, mais les inepties profres par bon nombre des scientifi-ques quil a interviews pour les besoins de son enqute et dont il a retranscritles propos. De soi-disant scientifiques et de pseudo-chercheurs donnent grave-

    ment leur avis sur mes travaux relatifs aux hautes dilutions (la mmoire de1Institut national de la sant et de la recherche mdicale.

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    leau) sans avoir assist mes expriences, ou mme sans en avoir lu attentive-ment les rsultats; certains vont jusqu maccuser de fraude scientifique, sansen apporter le moindre commencement de preuve.

    Jai donc estim quil tait temps pour moi de livrer dans le dtail mavrit

    sur le dossier de la mmoire de leau, de raconter les manuvres, les coups bas,les lchets, les lchages et les insultes dont jai t lobjet depuis dix ans. Je necherche nullement passer pour une victime ou rgler mes comptes. Jai vcuquinze ans dune aventure passionnante; si je ne souffrais pas du mal de mer, jepourrais la comparer un tour du monde en solitaire, pour lexcitation perma-nente et les frayeurs occasionnelles. Car il faut dans cet exercice tre assez lu-cide avec soi-mme jaime la comptition dans la recherche, la bagarre scienti-fique, la baston intellectuelle, dans le respect des rgles dontologiques.

    Mort aux cons! mcrit un scientifique de mes amis en quittant avec d-got une position trs officielle (ce qui ne lempche pas de continuer siger,sans rire, lAcadmie des sciences). Je suis plutt daccord avec cette ptitionde principe. Mais, pris et appliqu au pied de la lettre, ce mot dordre consti-tuerait un gnocide scientifique. Une telle affirmation traduit-elle mon arro-gance, ma paranoa? Larrt de tout progrs en physique thorique depuis lesannes 30, le surplace, par-del les exploits technologiques, de la science en g-nral et de la biologie en particulier, suffiraient donner un dbut de justifica-tion ce massacre intellectuel programm. Pourquoi cette lthargie?

    J

    esquisserai trois explications.1) Le rgne du Big Science/Big Business/Big Organization.La subordination, en dernier ressort, de la recherche largent date du Pro-

    jet Manhattan (fabrication de la bombe A) qui a entran la mainmise du gou- vernement amricain sur la recherche, linjection de capitaux normes et lacration de gigantesques structures conomico-scientifiques. Cette prdomi-nance du business peut expliquer laccueil rserv aux travaux sur les hautesdilutions, susceptibles de bousculer les grands quilibres de lindustrie pharma-

    ceutique. La libert de pense est par ailleurs compromise par les grandes re- vues scientifiques qui outrepassent leur ncessaire fonction de diffusion desconnaissances en oprant une censure des ides qui drangent ou une dstabi-lisation de leurs auteurs. Il est vrai que si lon pouvait compter sur la pressepour faire les rvolutions (scientifiques ou autres), a se saurait.

    2) La psychologie de la soumission aux matres et aux vrits intangiblesdune Science triomphante.

    Il en rsulte une slection par la soumission: pour assurer sa carrire dansces grands organismes, il faut au pralable faire allgeance. Les matres de la

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    Science (professeurs apparatchiks, laurats de prix Nobel) ne vivent que parleurs ides. Plus que leurs recherches ou leurs ralisations concrtes, ces ides cette idologie constituent leur substance. Le non-aboutissement des travauxquils sont censs mener importe peu.

    3) La rification et linstrumentalisation de la Science, desse scularise,seul espoir dune humanit inquite face aux grands dfis en matiredenvironnement et de sant.

    Consquence: dans un systme o la parole mdiatisable pse infinimentplus que lobscure action quotidienne, un laurat Nobel peut impudemment etimpunment affirmer nimporte quoi dans nimporte quel domaine situ auxantipodes de sa spcialit.

    Bien au-del de mes difficults personnelles, ces facteurs expliquent le GrandFroid qui a saisi la Science franaise dans les annes qui prcdrent la secondeguerre mondiale. Cest pourquoi, si jentends parler ici de mon cas (ma carrirede chercheur a t bloque par laffaire de la mmoire de leau), mon proposse doit dtre plus large. Je me suis heurt, et me heurte encore, des institu-tions gardiennes dune Science officielle hors laquelle il nest point de salut.Mes recherches, et les dveloppements de ces recherches vers des domaines an-nexes, sont victimes dun systme dvaluation conu pour dfendre les dog-

    mes, les paradigmes imposs par l

    tat actuel des connaissances scientifiques. Jememploierai donc dcrire et dnoncer ces procdures de blocage, de cen-sure et de verrouillage, car cest lavenir de toute la recherche en biologie (etdonc en biomdecine, ce qui peut concerner directement chacun dentrenous) qui est en cause. Or cette biologie connat une crise. Elle est patente auniveau mondial, mais plus prononce dans notre pays cause de larchasmedes institutions et du mode de pense franais. Je crois que nous ne pourronssortir de cette crise que si nous brisons le carcan de la pense scientifique uni-que (et inique) qui nous rgit actuellement.

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    CHAPITRE 1

    Itinraire dun chercheur gt

    Mon jeune ami, pourquoi voulez-vous que je fasse de la recherche alors queles Amricains sen chargent trs bien? Nous sommes en 1965 et cest un

    grand patron d

    endocrinologie qui nonce benotement devant moi ce pointde vue aux allures de catastrophe nationale, assez reprsentatif de ltat despritdu milieu mdical franais lpoque. Pour ma part, jai dj derrire moi uneexprience de plus de dix annes de mdecine hospitalire en tant quexternepuis interne des Hpitaux de Paris. A la diffrence, je crois, de beaucoup dechercheurs, jai fait le tour de la mdecine classique. Jai connu les servicesde ranimation des cancreux, les nuits de garde aux urgences lpoque ocela signifiait tre le seul et unique mdecin prsent dans tout lhpital. Aprssix ans dinternat, jai limpression davoir tout vu, quaucun cas clinique, au-

    cune urgence ne peut plus me surprendre.Certes, le patron en question me propose de me nommer. tre nom-m, cela signifie devenir professeur, empocher un double salaire (chef de ser- vice et enseignant), sans compter les activits de consultation prive. La belle vie, quoi! Tout cela parce que javais fait preuve dun certain espritdorganisation au milieu du bordel ambiant quest alors (et encore en grandepart aujourdhui) le fonctionnement technique des services hospitaliers. Lespatrons de mdecine hospitalire aiment la mdecine, les malades, tout le tra-vail directement li au diagnostic et la thrapeutique. Mais, de rares excep-

    tions prs, ils sont compltement indiffrents lorganisation de lentreprisehpital. Cest ainsi qu cette poque (le milieu des annes 60), je contribue introduire lAssistance publique (les Hpitaux de Paris) le systme de pres-cription encore en vigueur aujourdhui. Il apparat tellement lmentaire quejen pargnerai au lecteur la description. Mais, par rapport au systme borde-logne sans doute en vigueur depuis le Moyen ge, il sagissait dune vritablervolution. Pourtant, je navais fait quimaginer le principe dune fiche de pres-cription individuelle en tirant des lignes sur une feuille de carton (quelle au-

    dace

    !). Il a suffi de deux articles consacrs cette question dans la presse mdi-cale pour que je devienne un expert international. Jen ris encore.

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    Ma vie professionnelle parat son apoge ou au point mort, comme on vou-dra. Bref, comme la France de lpoque, je mennuie. Cest sans doute pour cet-te raison que je rponds une annonce releve dans la salle de garde dun h-pital parisien. Un chercheur du CNRS de Villejuif1 recrute un interne pour

    faire de la recherche en immunologie. Lors de notre premire rencontre, jene peux mempcher de lui demander pourquoi il souhaite embaucher un in-terne: Parce que les internes ne brillent pas par leur intelligence, ni par leurcrativit, mais ils sont travailleurs, me rpond-il. Quand on a russi le concoursde lInternat des Hpitaux de Paris, cela signifie que lon peut rester des annesassis sur une chaise ingurgiter le programme (cest--dire toute la mde-cine).

    Ainsi prvenu, jentame mes recherches en immunologie lInstitut du Can-cer du CNRS de Villejuif, mi-temps. Joccupe par ailleurs un poste de chef declinique lhpital de lInstitut Gustave-Roussy, sur le mme campus. Et assezrapidement, je commets quelques rsultats qui auront plus tard les honneurs du Journal of Immunology, revue amricaine de rfrence dans son domaine. Je re-viendrai plus loin sur limportance que doit (ou que devrait) revtir pour toutchercheur le fait de voir le fruit de ses recherches publi au plus haut niveau.

    En Mai 68, le mouvement de contestation npargne pas les hpitaux. Vil-lejuif, cela me donne loccasion de mengueuler copieusement avec AndrLwoff, homme de gauche mais autoritaire sil en fut, co-laurat du prix No-

    bel de mdecine 1965, avec Franois Jacob et Jacques Monod, pour leurs re-cherches sur la biologie molculaire. Une bonne manire damorcer une car-rire de chercheur. Jenfonce le clou au dbut de lanne suivante en adressantau journal Le Monde une tribune libre dans laquelle je mets en causelorganisation mandarinale du systme scientifique et mdical franais2. Publiepar le quotidien, cette tribune fera quelque bruit. Je nen resterai pas l et si-gnerai plusieurs textes critiques sur le mme thme.

    La mme anne, je pars pour la Californie. Un poste de chercheur pleintemps ma t propos par la Scripps Clinic and Research Foundation, un cen-

    tre de recherche mdicale de rputation mondiale, install La Jolla, une ban-lieue chic de San Diego. Ds mon arrive, je suis surpris par le climat de libertqui rgne au sein de cette riche fondation. Je suis ainsi tmoin dune scne ini-maginable en France. Le patron de la Scripps est Frank Dixon, un des pionniersde limmunologie, lun des scientifiques les plus influents des Etats-Unis, amipersonnel du prsident Nixon. Comme tous ses confrres, il donne rgulire-ment des confrences de prsentation de ses recherches les plus rcentes. Ces

    1

    Il s'agit de Jean-Claude Salomon, qui voudra bien m'excuser de jeter son nom la vindicte publique et prive,en tant que responsable de ma prsence gnante dans l'appareil de recherche franais.2Politique, politique de sant et promotion mdicale, Le Monde, 2 janvier 1969.

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    runions, ouvertes tous, se droulent toujours dans une atmosphre dten-due. lissue de sa prsentation, un jeune thsard qui vient dintgrer le cen-tre, mais est dj connu comme un petit gnie, lve la main. Dixon lui accordela parole.

    Monsieur, dit le jeune type, ce que vous venez de raconter est un tissu dec...

    Eh bien, jeune homme, rpond Dixon sans snerver, vous allez devoirnous le dmontrer.

    Ltudiant pose son Coca, sapproche du tableau, vtu dun short et dun tee-shirt. Tout juste revenu de la plage, il a encore les cheveux mouills. En quel-ques minutes, il dmontre que les rsultats prsents par Dixon sont effective-ment entachs derreurs flagrantes. Vous venez de marquer un point, lcheDixon pour seul commentaire.

    Il y avait dans lattitude de ce jeune chercheur un peu de larrogance des uni-versitaires de la cte Est (il sortait dHarvard), mais il fallait oser. En France, untudiant qui contesterait publiquement, mme avec beaucoup plus de courtoi-sie, les travaux dun mandarin, un laurat de prix Nobel par exemple, verrait sacarrire brise net.

    la Scripps Clinic, un certain nombre de thmes de recherche sont propo-ss. Lun dentre eux retient mon attention: il consiste tudier et approfon-dir une observation qui contredit un principe alors dominant de la biologie. Se-

    lon ce paradigme, chaque cellule a sa fonction, un point c

    est tout. Ainsi, parmiles composants du sang, certains globules blancs liminent les bactries; dau-tres globules blancs produisent les anticorps; les globules rouges transportentloxygne; les plaquettes sanguines permettent la coagulation, etc. Les cellulesde types diffrents ne sont pas censes collaborer les unes avec les autres. Orune srie dexpriences menes dans un laboratoire du groupe de recherchesauquel je suis affect tend montrer que la coopration entre globules blancs etplaquettes sanguines favorise la cration de lsions rnales.

    Aprs deux ans de travail sur ce thme, je parviens isoler chez le lapin un

    mdiateur, une substance chimique qui passe dune cellule une autre en vhi-culant des informations. Cest ce mdiateur qui autorise la coopration des glo-bules blancs et des plaquettes. Je dcris le mdiateur, la faon de le produire, etlui donne un nom: platelet-activating factor(PAF), facteur dactivation des pla-quettes1.

    Et non seulement mes recherches confirment la possibilit dune collabora-tion entre des cellules de natures diffrentes, mais en outre le mdiateur quejai isol est de nature lipidique. Pas de chance, il sagit encore dune (petite)

    1La dnomination scientifique complte de ce mdiateur est PAF-acether.

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    hrsie scientifique: il tait admis jusqualors que les mdiateurs ne pouvaienttre que des protines.

    En outre, ces travaux permettent de prciser la nature exacte des globulesblancs tudis (des basophiles, dj). Cela tend prouver que des cellules appa-

    remment spcialises dans le dclenchement dallergies contribuent crerdes pathologies inflammatoires, notamment rnales et articulaires1.

    En 1972, je publie cette dcouverte dans le Journal of Experimental Medicine,lune des plus prestigieuses revues internationales dans le domaine de la re-cherche mdicale.

    En 1973, quelques mois aprs mon retour en France, jintgre lInserm, auniveau plutt modeste de charg de recherches. Je suis affect lunit 25, sp-cialise en immunologie et dirige par le professeur Jean Hamburger. Au re-gard de mes titres, de mon exprience et des articles publis, jaurais sans douted obtenir un poste de matre de recherches, 5 000 francs par mois au lieu de3 500. Pourquoi ce traitement de dfaveur? Jai une petite ide sur la question.Lors de mon sjour La Jolla, jai rencontr un professeur de mdecine fran-ais du centre Inserm de lhpital Saint-Louis Paris, un des hauts lieux de larecherche mdicale franaise (et lun de ses principaux centres de pouvoir). Jaipass quelques heures expliquer mes travaux au professeur en question et, ac-cessoirement, lcouter dgoiser des vacheries sur bon nombre de ses coll-gues franais. Quelques semaines plus tard, il ma propos de manire fort

    condescendante un poste Saint-Louis. Selon ses propres termes, j

    aurais eu ma disposition un coin de paillasse et pas daide technique2. Plong danslambiance amricaine, jai naturellement, et navement, refus cette offre. Er-reur fatale: au lieu daccepter et de me prosterner devant tant de magnanimit,je commettais un crime de lse-mandarin.

    Quelque temps plus tard, lorsque je passe le concours dentre lInserm, lemme professeur est membre de la commission charge dexaminer les dossiersdes postulants. Voil peut-tre une des raisons pour lesquelles je suis nommcharg et non matre de recherches. Jai le sentiment que ds cette priode,

    pour une partie du groupe Inserm de lhpital Saint-Louis, je ne suis pas... enodeur de saintet. Mon affectation lunit de Jean Hamburger ne peut arran-ger les choses: Hamburger est, lpoque, lennemi intime et le grand rival deJean Bernard, patron du groupe Inserm de Saint-Louis.

    1Trente ans plus tard, ces dcouvertes n'ont pas vraiment t intgres dans le corpus des connaissances en

    immuno-pathologie et encore moins en thrapeutique. Il faut dire que la recherche sur les mcanismes quicrent les maladies a disparu, au profit presque exclusif de la biologie molculaire. J'en reparlerai plus loin.2C'est--dire pas de techniciens de laboratoire affects aux manipulations courantes.

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    En 1974, un de mes articles sur le mdiateur PAF-acether est publi danslhebdomadaire britannique Nature. Jy explique que le PAF, que jai identifichez le lapin lors de mes travaux La Jolla, est galement prsent chez lhom-me. En 1977, Naturemouvre nouveau ses colonnes pour un article dans le-

    quel je prcise la structure de ce mdiateur.Ces travaux et publications me permettent de gravir rapidement les chelons

    lInserm et de rattraper mon retard. Je cre lintrieur de lunit 25 ungroupe informel baptis immuno-pathologie (pathologie: tude des mala-dies) de lallergie et de linflammation. Traditionnellement, linflammationfait lobjet de peu de recherches en France (alors quil nexiste pas de maladiesans composante inflammatoire). Elle ne serait pas assez spcifique, prten-dent certains, qui considrent en fait que cest un thme trop mdical, tropconcret. Remarque difiante dun responsable de lunit laquelle je suis affec-t, lhpital Necker: Nappelle pas ton groupe allergie. Cest trivial, a faitmaladie. Appelle-le plutt hypersensibilit immdiate ou quelque chosedans ce got-l.

    Je commence comprendre. En France, cette poque, tudier ce qui rendles gens malades, cest nul. Mme lInserm. Une rapide tude me confirme lephnomne: pour lanne 1978, la comparaison des intituls des units delInserm avec les statistiques de morbidit (pourcentage de malades dans la po-pulation) et de mortalit en France donne un rapport inversement proportion-

    nel. On trouve par exemple plus d

    une dizaine d

    units dont les travaux concer-nent la transplantation rnale, un problme qui touche seulement quelquesmilliers dindividus en France. Lallergie quant elle fait lobjet de trs peudtudes de recherche fondamentale. Pourtant, elle est dj lpoque un pro-blme majeur. Par la suite, le dveloppement de lurbanisation en fera une ma-ladie en progression constante, surtout chez les plus dfavoriss. La mortalitdue lasthme a plus que doubl durant les quinze dernires annes. Le cotconomique (traitements, absentisme) est norme. lheure actuelle, la quasi-totalit des produits actifs est produite par des firmes trangres. Et il ny a plus

    dunit Inserm ddie titre principal ltude de lallergie, depuis la fermeturede lunit 200 que jai cre en 1980 et dirige jusqu sa fermeture en 1993.Ds mes dbuts lInserm, japplique les mthodes de recherches que jai

    observes La Jolla. Lorsque des collgues uvrant dans une discipline que jeconnais prsentent des rsultats de recherches, je nhsite pas mettre sur cestravaux des critiques, constructives mon sens, mais souvent mal perues. Cenest pas du mauvais esprit, ce doit tre la rgle en matire de recherche.Consquence: dans le milieu scientifique, le nombre de mes ennemis et deceux qui me traitent demmerdeur ou de rouleur de mcaniques pro-gresse avec les annes. Jalimente moi-mme la tendance, il est vrai, en signant

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    ds 1974 dans Le Mondeune tribune libre (encore une) o je dnonce violem-ment le scandale des pratiques de la mdecine prive au sein de lhpital pu-blic, qui, depuis, na fait que crotre et embellir avec le soutien actif de la droiteet rsign de la gauche.

    Je suscite par ailleurs une certaine crainte car, en tant que dirigeant de la sec-tion Biologie de la commission de la recherche du Parti socialiste entre 1975 et1980, je suis considr par certains collgues comme un possible ministre de laRecherche ou un directeur de lInserm en puissance, si la gauche arrive au pou-voir. Je sais que ce ne sera pas le cas, mais eux ne le savent pas.

    Ainsi, un jour de 1978, le professeur Jean Hamburger, grand patron lhpi-tal Necker et fort influent lInserm, me convoque dans son bureau: Benve-niste, o voulez-vous tre nomm? me demande-t-il. Je feins de ne pas com-prendre: Mais, monsieur, je suis dj nomm... lInserm.

    En fait, peut-tre pour se dbarrasser de moi, il me propose un poste de pro-fesseur agrg... en province. Cela me permettrait de cumuler un traitementconfortable et des vacations trs rmunratrices, et reviendrait doubler monsalaire. Je refuse loffre.

    Assez paradoxalement, je conserverai de bonnes relations personnelles avecHamburger. Nous aurons toujours des discussions assez libres et je ne lui de-manderai jamais aucune faveur, la diffrence des courtisans qui, de rares ex-ceptions prs, constituent son entourage. Laffection amicale quil me porte,

    conjugue mon statut d

    pine dans le pied de certains mdiocres du lieu, mepermettra quelques mois plus tard de ngocier mon dpart vers une unitdimmunologie en cration Clamart.

    En 1980, je cre dans ces mmes locaux de Clamart ma propre structure,lunit 200 de lInserm, spcialise dans limmunologie de lallergie et de lin-flammation. De nouveau, jai droit quelques remarques mprisantes. La plusreprsentative mane dun chercheur lequel en particulier na jamais rien d-couvert de lInstitut Pasteur (la Mecque de la recherche franaise en immuno-logie).

    Le problme avec vous, Benveniste, cest que vous faites de la recherchemdicale. Nous, ici, nous faisons du fondamentl1.Mes recherches portant sur le mdiateur PAF-acether et sur lhistamine, lune

    des substances responsables de lallergie2, ont abouti en 1979 la publicationdans les Comptes rendus de lAcadmie des sciences (CRAS) dun article prcisant lastructure du PAF. De toute lhistoire des Comptes rendus de lAcadmie des sciences,cette contribution deviendra lun des deux articles les plus cits par les revues

    1On sait dsormais qu'au sein de l'Institut Pasteur, Luc Montagnier a d faire face l'hostilit de ce genre de

    crtins prtentieux dans ses recherches sur le sida tout au long des annes 80-90, pour se retrouver finalement New York.2Les allergiques en connaissent bien l'antidote : les antihistaminiques.

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    scientifiques internationales1. Pas trop mal pour de la recherche bassementmdicale.

    Entre mon retour en France en 1972 et la cration de lunit 200, jai eumaintes fois loccasion de me heurter aux us et coutumes du milieu de la re-cherche franaise. Lappartenance une cole ou une chapelle scientifique yest quasiment obligatoire, avec tout le systme dallgeances et de renvois das-censeur que cela suppose. Or, dans ce milieu, je suis plutt considr commeun lectron libre qui ne sest jamais plac dans le sillage daucun professeur oumandarin. Cest donc dune part la reconnaissance de mes travaux (cest--dire leur publication dans des revues scientifiques de haut niveau), dautre part mon appartenance au PS et au pouvoir que lon my prte (bien tort, je lerpte) que je dois mon ascension au sein de lInserm.

    Je lai dit, les chapelles scientifiques ne sont pas seulement des courants tho-riques. Leur influence politique sexerce par lintermdiaire de centres de pou-voir qui psent lourdement sur lattribution de moyens matriels, laffectationdes chercheurs et le droulement de leurs carrires. Comme dans nimportequel domaine dactivit, les pouvoirs en place ont une tendance naturelle vou-loir sy maintenir. cet effet, ils combattent la constitution de nouveaux ples,mais aussi toute dcouverte manant dun intrus dans le systme ou relevant

    d

    une discipline juge

    infrieure

    . Un ami chercheur de l

    industrie pharma-ceutique a baptis ce comportement la politique de la carabine:Tout le monde est accroupi sous la table, explique-t-il. Ds que lun des par-

    ticipants quitte cette position pour exprimer une ide originale ou novatrice,tous les autres se redressent, lui tirent dessus et replongent labri.

    Ne peut-on pas tablir un rapport entre ces pratiques et le bilan dsastreuxde la recherche franaise dans le domaine pharmaceutique? Tenter demp-cher un concurrent dmerger, cela peut la rigueur tre considr comme l-gitime en matire conomique ou politique; dans le domaine de la recherche,

    cest nier la raison dtre du systme.La communaut scientifique franaise sest donc organise autour de clivagesthoriques, politico-gographiques et administratifs. Selon ces clivages et enfonction de leur humeur, les personnalits au pouvoir classent les chercheursou groupes de chercheurs en: bon/mauvais; prestigieux/mineur; ortho-doxe/hrtique; prometteur/dfinitivement perdu pour la cause; doit recevoirune subvention ou une distinction/peut aller se faire voir.

    1

    Comme cela ressort de l'article de E. Garfield, Citation perspective on Jacques Benveniste. Dew process atlast?, Current Contents, 1989, vol. 32, pp. 3-10. Current Contentsest une publication amricaine qui recense etpublie chaque semaine le nombre de citations des articles scientifiques.

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    Premier clivage, la recherche fondamentale par opposition la rechercheapplique. Dans le domaine mdico-scientifique et de la biologie, il existe enFrance une hostilit de lestablishment scientifique envers tout ce qui concernela recherche applique. Avant la guerre, au contraire, la mdecine franaise et

    ses grandes coles prospraient dans les domaines cliniques. Les laboratoires derecherche taient peu nombreux. Par la suite, les mandarins ont compris quepour garder le pouvoir, il leur fallait faire de la recherche. Cest dans cette voieque se sont engages deux grandes figures de la mdecine franaise daprs-guerre, Jean Hamburger et Jean Bernard.

    Mais partir des annes 50-60, la recherche applique devient lobjet dunecertaine forme de mpris. Cest de la sous-recherche, cest vulgaire. Cest mdi-cal. Les tudes fondamentales prennent le dessus en termes de prestige et decrdit(s). Exemple: depuis une trentaine dannes, la biologie se doit dtremolculaire. Contrairement ce que ladjectif pourrait laisser croire, ce quelon dsigne par biologie molculaire consiste observer non pas les mol-cules des organismes vivants en gnral, mais exclusivement les molcules desgnes, cest--dire lADN et lARN. Cette dnomination de biologie molcu-laire reprsente en fait un hold-up smantique sur lensemble de la biologie;il faudrait logiquement parler de gntique molculaire. Il ne suffit donc pasde faire de la recherche en biologie sur des molcules pour faire partie duclub de la gntique molculaire. Quoi quil en soit, il est infiniment plus

    prestigieux de travailler sur l

    ADN (acide dsoxyribonuclique) qui entre dansla composition des chromosomes du noyau cellulaire, que sur la cellule elle-mme. Parmi les disciplines qui relvent de cette biologie molculaire, cestltude des processus internes au cerveau qui constitue actuellement en Francele fin du fin de la recherche en biologie. Cela explique la prdominance poli-tique de la neurobiologie, mme si, aprs plus de trente ans de recherche, ellena pratiquement apport aucune rponse aux interrogations sur les fonctionscrbrales, la pense consciente, et que si peu de progrs ont t raliss dans letraitement des maladies du cerveau (psychoses, Alzheimer, sclrose en plaques).

    Quand des avances ont eu lieu en ce domaine, elles ont trs rarement dcoulde la recherche fondamentale.Exemple frappant du mpris dans lequel est tenue la recherche mdicale, ce-

    lui, dj cit, du professeur Luc Montagnier. Le dcouvreur du virus du sidantait pas un chercheur en virologie molculaire (recherche fondamentale,biologie molculaire), cest--dire celui qui identifie les gnes des virus, maisplutt un taxonomiste. Il sattachait classifier les virus en les tudiant par desprocds dpasss comme la microscopie lectronique (recherche mdicaleapplique). De plus, il nappartenait pas au groupe dominant, celui des troisprix Nobel 1965, Lwoff-Monod-Jacob, et de leurs affids, condition sine qua non

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    de survie Pasteur. Quand Montagnier a dcouvert le virus du sida et la an-nonc aux instances dirigeantes de lInstitut Pasteur, il a dans un premier tempst conduit. Selon un tmoin direct, Montagnier et ses rsultats ont t rejetsdans les mmes termes que ceux qui seront utiliss mon gard propos de la

    mmoire de leau: Ce nest pas possible.Labsence de clairvoyance, ou tout simplement douverture desprit, de cer-

    tains mandarins de Pasteur a entran, pour la recherche sur le sida en gnralet pour les quipes franaises en particulier, un retard de plusieurs annes. R-sultat: en 1997, sur la douzaine de mdicaments administrs aux sidens dansle cadre des trithrapies, pas un seul nest franais.

    Autre distinction, les thmes nobles et les autres. Au nombre des premiers,on la vu, on compte la neurobiologie, cest--dire ltude du fonctionnement etdes dysfonctionnements du cerveau et du systme nerveux central. Il faut prci-ser central car ltude des maladies de la moelle pinire est beaucoupmoins bien considre. Cest priphrique, mdical, donc sans intrt intellec-tuel. Autant travailler sur les troubles lis aux rgles ou le rhume de cerveau.

    Troisime type dopposition, la rgion parisienne contre la province. A com-ptences gales, il est assez rare quun chercheur totalement li une rgion deFrance puisse faire la mme carrire et bnficier des mmes honneurs et desmmes pouvoirs que ses collgues parisiens. Le recensement des dcouvertesscientifiques franaises depuis deux sicles pourrait mme aboutir au thorme

    suivant

    : les chances de voir une dcouverte reconnue sont inversement propor-tionnelles au carr de la distance qui spare le chercheur de la place du Pan-thon. Cest en effet dans les Ve et VIe arrondissements de Paris que lon trouveles lieux les plus cots. Tout dabord, lcole normale suprieure, rue dUlm.Son laboratoire de biologie nest pas parmi les plus productifs, mais il jouit duprestige de Normale Sup. Rue des coles, les professeurs au Collge de Francene donnent certes que des cours suivis par des auditeurs libres, mais des labora-toires et des moyens importants sont mis leur disposition et celle de leurstudiants. Un peu plus louest, quai Conti, lAcadmie des sciences semploie

    consciencieusement coopter les petits matres bien en cour afin de dvaler leclassement des acadmies nationales, dont elle occupait une des premires pla-ces en compagnie de la Royal Society de Londres au dbut du XXe sicle.

    Lhpital Saint-Louis, situ rive droite, tire son prestige des succs remportspar Jean Bernard et par Jean Dausset (prix Nobel de mdecine 1980). Lhpitalest un centre de pouvoir lui seul, mais aussi une ppinire de chercheurs quiont essaim et constitu un rseau cohrent. Quelques mois avant le dclen-chement de laffaire de la mmoire de leau, une confidence dun chercheurdont la femme travaille Saint-Louis me confirmera la puissante influence decette institution:

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    Je ne comprends pas comment tu fais pour survivre avec Saint-Louis contretoi, mexpliquera-t-il.

    Ah bon? Jai Saint-Louis contre moi? Mais quest-ce que jai pu faire quidplaise Saint-Louis?

    Illustration du pouvoir de ce vritable lobby que reprsente Saint-Louis: en1997, la prsidente du conseil scientifique de lInserm est issue de ce groupe,tout comme le directeur du secteur sciences de la vie (biologie) du CNRS. In-serm et CNRS sont deux organismes qui distribuent de largent et des postes dechercheurs permettant la cration dunits et dquipes de recherche.

    Il existe encore un autre centre de pouvoir, moins localis, celui des mde-cins hospitalo-universitaires. Au-del du cursus classique des praticiens, ils ontobtenu lagrgation de mdecine. Cela leur confre le titre de professeur etleur permet dexercer la fois des fonctions hospitalires, des activitsdenseignement et, dans le cadre dun troisime mi-temps, parfois, souvent,trop souvent, de pratiquer la consultation prive. Cest ainsi que la rmunra-tion mensuelle globale de certains mdecins hospitalo-universitaires peut at-teindre 150 000 francs1 ou plus. titre de comparaison, le salaire mensuel plein temps dun directeur de recherche Inserm en fin de carrire atteint aumaximum 30 000 francs2. Dtail important: pour les hospitalo-universitaires quiprtendent en outre des nominations honorifiques, mieux vaut tre rattach un hpital parisien.

    L

    Institut Pasteur, rue du Docteur-Roux, sur la rive gauche, est un dinosaurede la recherche en biologie. En trs nette perte de vitesse dans les annes 60, ila t sauv par le prix Nobel de mdecine attribu Lwoff, Monod et Jacob. Letriumvirat en a profit pour prendre le pouvoir Pasteur. Linstitut, fondationprive, vit des dons et legs quil recueille, mais bnficie en outre de subven-tions de lInserm et du CNRS, et de contrats passs avec les laboratoires phar-maceutiques. Du groupe proche des Nobel 1965, un jeune chercheur merge-ra: Jean-Pierre Changeux, spcialiste en neurobiologie. Son appartenance Pasteur et sa spcialit lui valent fort logiquement dtre lu au Collge de

    France et lAcadmie des sciences. Cela le conduira galement la prsidencedu conseil scientifique de lInserm et prendre la succession de Jean Bernard la tte du comit consultatif national dthique en 1992. Lexemple de cumulest caricatural. La boucle est boucle. Autre illustration: Franois Gros, gale-ment issu de Pasteur et du groupe Lwoff-Monod-Jacob, sera conseiller Mati-gnon pour les questions de biologie larrive de la gauche au pouvoir, puisdeviendra Secrtaire perptuel de lAcadmie des sciences.

    123 000 euros.

    24 500 euros.

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    Dans un vaste jeu de chaises musicales, une cinquantaine dindividus trustentles fonctions de direction de ces institutions. Ils sigent galement (et se passentla rhubarbe et le sn) aux instances dirigeantes de la Fondation pour la re-cherche mdicale (organisation prive qui recueille des dons privs et redistri-

    bue ces fonds) et bien dautres comits, conseils et associations caritatives.

    En 1981, je ne fais pas partie de ces quelques dizaines de hirarques de la re-cherche franaise et nen prouve pas le besoin. En revanche, je compte profi-ter de mon engagement au PS pour influer sur la politique scientifique des so-cialistes. Je nai aucun intrt personnel en tirer puisque mon unit existe etfonctionne bien, mais jai envie dessayer de combattre, avec mes moyens, cequi, mon sens, paralyse la recherche. Je maperois assez vite que ma positionpolitique au Parti socialiste est encore moins solide que je ne limaginais. Pourplusieurs raisons; dabord, je nai pas particip aux luttes de pouvoir internesau parti; ensuite, bien que trs proche du Ceres de Jean-Pierre Chevnement,jai dfendu des positions intermdiaires et pragmatiques qui ntaient pas tou-jours trs apprcies. Pour caricaturer ma position, les rocardiens me prennentpour un chevnementiste et vice versa. Cela mtait gal, car je nai jamais envi-sag de carrire politique. lautomne 1981, lorsque Jean-Pierre Chevnement,ministre de la Recherche et de la Technologie, me demande, aprs beaucoup

    d

    hsitations, de collaborer avec lui, je deviens

    consultant extrieur

    du mi-nistre pour les questions de biologie et plus prcisment de mdicaments. Lafonction suppose quelques aprs-midi de prsence par semaine rue de Grenelleet peu ou pas de rmunration ( la diffrence dun conseiller technique, postequi implique un engagement plein temps et rmunr).

    Pendant les deux annes durant lesquelles joccupe cette fonction de Mon-sieur Mdicament du ministre, je memploie convaincre les firmes pharma-ceutiques franaises de combler les vides bants de notre industrie du mdica-ment, notamment en matire dinflammation et dallergie. Et, plutt que de se

    disperser en rachetant des maisons de parfums et autres cosmtiques certes lu-cratifs pour les actionnaires, je leur suggre de se concentrer sur leur mtier:les mdicaments et la recherche. Ce qui me vaut dtre promptement rappel lordre par un directeur de cabinet du ministre, qui confondait sans doutepharmacie et drugstore. On voit aujourdhui les rsultats.

    Par ailleurs, je suis plutt oppos la politique dite de mobilit, un termeen vogue lpoque pour dsigner le renforcement de la collaboration entre larecherche et lindustrie. Je suis videmment convaincu de la ncessit dunetransmission des ides entre ces deux secteurs, mais la politique que Chevne-ment et les directeurs dorganismes de recherche souhaitent mettre en uvre

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    implique galement une mobilit des hommes. Or un systme dallers et re-tours des chercheurs et des salaris entre le public et le priv est mon avis troplourd et peu productif. Lexemple du Japon, o la mobilit des hommes est trsfaible et la circulation des ides trs forte, me conforte dans ma position.

    lpoque, nous mergions en outre de quinze annes de penses pompido-lienne et giscardienne. Or le mot dordre Enrichissez-vous! ne sappliquantgure la recherche, les organismes sont dj exsangues et vont encore tre sai-gns par le monstrueux dveloppement de la structure administrative.

    Je moppose galement Jean-Pierre Chevnement et lensemble de sesconseillers sur lopportunit du grand colloque de la recherche qui doit se teniren 1982. Cette grand-messe a pour objet de consulter les chercheurs sur les r-formes engager dans le secteur. Elle va entraner le ralentissement ou larrtde lactivit des laboratoires pendant plusieurs mois et la rdaction dune ava-lanche de rapports que personne ne lira. La recherche franaise en ressortiradans le mme tat quauparavant, sauf pour une mesure dramatique: la fonc-tionnarisation des personnels de tous les organismes de recherche dpendantsdu ministre. Cette rforme est adopte sous la pression des syndicats dominspar le Parti communiste. Le rgime prcdent, drogatoire de la fonction pu-blique, procurait aux chercheurs une stabilit demploi largement suffisante.Consquence de cette mesure et de labsence de toute culture dentreprisedans ces organismes, une bonne partie des chercheurs, dsormais nomms

    vie, arrteront du jour au lendemain de travailler. Je le constaterai moi-mmedans mon laboratoire. Nous navons pas fini den payer les consquences. Lamobilit, objectif dclar de la rforme, est demeure un niveau drisoire. Leschercheurs, ligots par leur statut de fonctionnaires, sont interdits de crationdentreprise.

    Mme la recherche trangre en a indirectement pti: les Anglais et lesAmricains rigolent tellement la simple mention de chercheurs fonctionnai-res que leur rendement en est affect...

    Je manifeste enfin mon dsaccord avec le ministre quant aux modalits

    dorganisation de lanniversaire des vingt ans de lInserm qui aura lieu en 1984.Des professeurs seront achemins depuis les tats-Unis vers Paris en premireclasse, et cest un Amricain qui prsidera les crmonies anniversaires duninstitut de recherche franais. Sous un gouvernement de gauche! Il sagit enfait, pour les chefs de file des diffrentes coteries qui structurent lInserm, de sefaire bien voir de prestigieux scientifiques amricains susceptibles de peser surlattribution de futurs prix Nobel des chercheurs franais. Mauvais calcul.

    En acceptant cette tche de consultant, jentendais faire valoir ce qui est lpoque (et reste encore aujourdhui) mon point de vue sur les carences de larecherche en France. Mon diagnostic peut sexprimer en une comparaison trs

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    simple. En 1938, larme franaise aurait d aligner son mode dorganisationsur celui de larme la plus efficace au monde, celle de lAllemagne; en 1981, larecherche franaise qui, dans le domaine de la biologie ou des mdicaments,na pas produit de dcouverte importante depuis les annes 60, devrait sinspi-

    rer des appareils de recherche amricain et britannique quant leur structure:des organismes de petite taille, souples, dcentraliss, dlocaliss et autonomespar rapport aux lobbies politico-scientifiques. Les structures centrales ne sontque de gros machins inutiles et budgtivores car gnreusement pourvus enpostes administratifs. Ces lignes Maginot de la recherche devraient tre dman-teles. Qui aura le courage politique de le faire?

    Ds la premire anne de mes activits de conseiller, je comprends que je neserai pas entendu, que je ne parviendrai pas bousculer les institutions de larecherche, ni faire voluer un tant soit peu les murs fodales du milieu. Jemattaque trop forte partie et ma position au sein du PS est trop isole. Desurcrot, dans le choix de leurs conseillers scientifiques, le prsident de la R-publique et les ministres semblent se ficher royalement du PS et salignent surles quilibres figs de lestablishment scientifique. Ainsi, lorsquil sera questionde rformer les socits savantes (associations de chercheurs regroups selonleur spcialit: socit franaise dimmunologie, etc.), une enqute seraconfie ... Jean Bernard, le mandarin des mandarins. Cest dire que rien naboug et que rien ne bougera.

    En exagrant peine, je pourrais conclure que l

    une des rares mesuresconcrtes que je russirai faire adopter est... ma propre nomination au conseilscientifique de lInserm, la plus haute instance collective de linstitut. Certainsde ses membres sont en effet dsigns par le ministre partir dune liste surlaquelle jinscris tout simplement mon nom. Les autres membres sont lus parles chercheurs. Ayant toujours refus de participer aux jeux de pouvoir qui ca-ractrisent le fonctionnement de lInserm, je naurais jamais pu accder auconseil par la voie lective. Personne naurait vot pour moi.

    Ds ma nomination au conseil scientifique, je dmissionne de mes fonctions

    de consultant du gouvernement et jai pendant quatre ans le petit plaisir de fai-re partie de cette haute instance dans laquelle lestablishment scientifique ad-met difficilement ma prsence. Par la suite, une anecdote me confirmera quelpoint les individus placs aux commandes de la communaut scientifique ontintgr les pratiques de dosage des nominations. Sans que je demande rien, leconseil scientifique me nomme reprsentant de lInstitut au CSCRT (Conseilsuprieur consultatif de la recherche et de la technologie). Or, alors que jtaisencore conseiller du ministre, javais contribu dfinir les critres de compo-sition de ce conseil, qui runit quarante reprsentants du monde de la recher-che et de lindustrie. Le CSCRT a pour vocation de remplacer ce que lon appe-

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    lait le conseil des sages de la dfunte Dlgation gnrale la recherche scienti-fique et technique. Javais pralablement fait valoir que ce conseil, groupe res-treint de sept ou neuf personnes, remplissait parfaitement son rle danimation,mais mon avis navait pas t pris en compte.

    Le fait de siger au conseil scientifique de lInserm me donne loccasiondapporter cet organe mes connaissances des rouages administratifs acquiseslors de mon passage au ministre. Il me permet aussi de participer aux dbatssur les nominations aux postes responsabilit et de pousser quelques coups degueule.

    Le bilan de cette priode pendant laquelle jai trs marginalement conseilldeux ministres de la Recherche (Chevnement puis, dans une moindre mesure,Laurent Fabius) est donc plutt maigre: ma propre nomination au conseilscientifique de lInserm et quelques coups de pouce des chercheurs talen-tueux, gns dans leur carrire par une trop grande indpendance desprit ouun mauvais choix de leur thme de recherche (en clair: un thme ne com-portant pas de biologie molculaire). Jai un jour mis en balance ma dmissionpour viter le pire un chercheur de lhpital Bichat qui avait le malheur detravailler sur les neutrophiles (globules blancs du sang qui constituent la pi-taille peu glorieuse de la lutte contre les infections). Une fois les turbulences de

    la polmique sur la mmoire de l

    eau venues, il se rangera du ct de mes d-tracteurs...Jai par ailleurs gard de bonnes relations personnelles avec certains de ces

    ministres de gauche. Ils me croient certainement honnte, un peu naf. Ilsmcoutent parfois, mais ne prennent aucunement en compte mon point devue. Je ne pense pas que Jean-Pierre Chevnement me tienne rigueur de monopposition constante tout ce qui pouvait ter ses chances la recherche fran-aise. Depuis, il a peut-tre mesur lampleur de lchec, et quel point il taitillusoire de demander aux chercheurs installs dans le systme de le rformer

    loccasion dassembles gnrales dignes de Mai 68. Lide des tats gnrauxde la Recherche tait bonne en soi. Il y manquait seulement le tiers tat.Ds avant larrive de la gauche au pouvoir, je ne mtais pas priv dexpri-

    mer ma position sur la politique scientifique des socialistes. En 1977, lors d uncolloque intitul Science et pouvoir, javais agress le premier secrtairedu PS, Franois Mitterrand, en linterpellant sur son groupe dexperts quicourt-circuitaient (dj) le parti. La suite a montr quel point javais tortdavoir raison. Rapporteur ce colloque, javais os mettre lhypothse selonlaquelle, du point de vue du citoyen de base, il ny aurait gure de diffrenceentre intellectuels de gauche et de droite. Dans les deux cas, la prise de pouvoir

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    sur les choses et les personnes relverait du mme principe: elle seffectueraitdu haut vers le bas. En nonant ce constat (cette prdiction) pessimiste, javaisdclench la fureur de certains de mes amis, surtout ceux qui, appels plus tard de hautes fonctions, allaient essentiellement faire le jeu des lobbies htive-

    ment repeints en rose...

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    CHAPITRE 2

    tre ou ne pas tre... publi dans Nature

    Au dbut des annes 80, lunit 200 de lInserm (U 200) que je dirige comp-te plus dune vingtaine de personnes (ce nombre slvera jusqu cinquante au

    plus fort de l

    activit de l

    unit). Nous sommes installs Clamart, prs de l

    h-pital Antoine-Bclre. Lun de nos axes de recherche consiste observer lecomportement des cellules responsables de lallergie, notamment un type deglobules blancs du sang appel (polynuclaires) basophiles1.

    Les basophiles sont sensibles certains antignes auxquels le patient est al-lergique (pollens, poussire, blanc duf, que lon dnomme allergnes) et in vitro (en prouvette) des anticorps comme lanti-immunoglobuline E (anti-IgE), en prsence de laquelle ils librent diffrentes substances, dont les granu-les. On dit alors que les cellules dgranulent. Dans nos travaux, nous prati-

    quons frquemment un test que jai mis au point entre 1970 et 1975 et qui a tutilis par la suite et jusqu aujourdhui par un certain nombre de laboratoiresdanalyse clinique et de recherche fondamentale dans le monde2. Il se droulede la faon suivante: on fait agir de lanti-IgE (un anticorps) sur un chantillonde sang humain dont la concentration en basophiles a t pralablement mesu-re. Aprs dix quinze minutes, lexprimentateur ajoute lchantillon unmlange dalcool et dun colorant appel bleu de toluidine. Leffet est double:lalcool tue les basophiles et fige dfinitivement leur tat; le bleu de toluidinecolore les basophiles ou plus exactement leurs granules. Ceux des basophiles

    qui ont t activs, ayant perdu leurs granules, ne fixent pas le colorant. Alissue de la manipulation, lexprimentateur compte au microscope la quantitde basophiles colors, qui sont visibles, et en dduit le nombre de ceux, invisi-bles, qui ont t activs. Ce procd est appel test de dgranulation des baso-philes.

    1Ce qui signifie : dont les granules des sortes de grains intracellulaires ragissent aux colorants basiques

    (alcalins) ; par opposition aux osinophiles qui prennent les colorants acides et aux neutrophiles qui se co-

    lorent mal.2Ce test a fait l'objet du brevet Inserm n 75-20-273, dpos en juin 1975 : Procd et composition mtachro-

    matique pour la numration des leucocytes et plus particulirement des basophiles.

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    Entre-temps, Bernard Poitevin ma mis en rapport avec le docteur Michel Aubin, directeur scientifique des Laboratoires homopathiques de France(LHF). Aubin me propose deffectuer sous contrat avec LHF un programme derecherche tudiant les effets de mdicaments homopathiques, qui sont par d-

    finition composs de substances haute dilution, sur le processus de dgranula-tion des basophiles.

    Ds cette priode (1984-85), lors de congrs et dans des articles, seul et encollaboration avec Bernard Poitevin, je commence faire tat de ces rsultatsqui posent problme au regard des fondements de la biologie traditionnelle,selon lesquels il ne peut exister dactivit biologique hors la prsence de mol-cules du principe actif. Je prsente notamment aux participants dune tableronde organise par une revue mdicale les travaux raliss sur les effets dinhi-bition de la dgranulation des basophiles provoqus par de hautes dilutionsdApis mellifica, produit obtenu partir de labeille crase. Lvocation de cettesubstance fait souvent sourire les profanes, les sceptiques et un certain nombrede malveillants imbciles. Pourtant, son action allergique dcoule du simple faitquelle contient plusieurs substances couramment utilises en pharmacologieclassique, dont lhistamine et la mellitine. Cela nest gure diffrent de certainsextraits de plantes, trs actifs voire mortels.

    Diffrents journaux et revues se font lcho de ces rsultats, ce qui provoqueun dbut de polmique. Il va de soi que le milieu de lhomopathie ragit trs

    favorablement ces nouveauts. Car ses tenants n

    ont jamais russi prouver ni expliquer les effets des trs faibles doses de mdicaments. Dans les milieuxmdicaux et scientifiques, ils font figure au mieux de doux rveurs, au pire decharlatans. Lintrt des homopathes pour ces recherches sur les hautes dilu-tions est dautant plus fort quelles manent dune unit Inserm, que je suis unscientifique reconnu et, cerise sur le gteau, tranger leur cercle. Les labora-toires Boiron1, avec lesquels jai galement t mis en contact par Bernard Poi-tevin, me proposent une collaboration. La signature de contrats annuels avecBoiron, auxquels sajoute la rmunration par cette entreprise de chercheurs et

    techniciens travaillant dans mon laboratoire, me permet de poursuivre et dedvelopper mes recherches. Je prcise quil sagit l dune procdure normaleet trs courante, encourage depuis 1981 par la direction de lInserm. Lescontrats passs avec Boiron et LHF, comme tous ceux, trs nombreux, que monunit a conclus avec lindustrie pharmaceutique, ont tous t cosigns par lad-ministration de lInserm.

    linverse, des mdecins hostiles lhomopathie, comme le rhumatologueMarcel-Francis Kahn, enragent de me voir collaborer avec lennemi. En mars

    1Aprs avoir rachet les Laboratoires homopathiques de France en 1988, Boiron deviendra le plus important

    fabricant de mdicaments homopathiques franais.

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    trois ans dattente, pour une contribution propose auJournal of Clinical Investi-gationdans les annes 70.

    Pourquoi cet acharnement faire publier des rsultats dexpriences dansune revue, aussi influente soit-elle? se demandera le lecteur peu inform des us

    et coutumes de la communaut scientifique. Il stonnera galement de me voirnumrer dans le dtail les articles que jai signs, leurs thmes et la renommeplus ou moins forte des revues. Il ne sagit point l dune marque de vanit.Pour un chercheur, la publication des travaux dans les revues scientifiques dehaut niveau est la seule reconnaissance qui vaille, le seulmoyen de porter laconnaissance dautres chercheurs ltat davancement de ses recherches, deconfronter ses rsultats ceux dautres quipes. ce sujet, les universitaires bri-tanniques ont, non sans humour, invent ladage suivant: publier ou prir(publish or perish). Pour filer la mtaphore musicale, on pourrait galement direquun chanteur classique, sil veut tre reconnu, doit se produire la Scala deMilan ou au Metropolitan de New York plutt qu lAlcazar de Rodez.

    Tandis que les discussions se prolongent avec Nature, nous ralisons des di-zaines de nouvelles expriences sur les hautes dilutions. Mais le principe des ob-servations volue. Elles sont dsormais axes sur lactivation de la raction dedgranulation des globules blancs par de hautes dilutions danti-IgE et non plussur linhibition de la dgranulation par de hautes dilutions dhistamine. Celaprsente lavantage de supprimer une tape exprimentale (celle de lactivation

    du processus par de l

    anti-IgE dose classique), ainsi que les multiples ractionscontrles correspondant cette tape, et autant de risques derreurs. Nousrenforons par ailleurs la dtection des causes dartefact, cest--dire les rsultatsobtenus par un accident opratoire ou un biais mthodologique. Dans cet ob-jectif, nous vrifions que les hautes dilutions danti-IgE ne contiennent plus au-cune molcule de principe actif, grce des membranes filtrantes qui retien-nent les molcules au-del dune certaine taille, infrieure celle des molculesdanti-IgE. Nous prtons une attention renforce aux effets produits sur les ba-sophiles par les solutions contrles. Il en existe deux types: leau dsionise t-

    moin et des solutions danti-IgG, ractif voisin de lanti-IgE mais qui ne provo-que pas de dgranulation des basophiles. Les nouvelles expriences produisentdes rsultats identiques ceux des prcdentes: ni leau dsionise tmoin, niles solutions danti-IgG hautement dilues et agites ne produisent deffet surles basophiles, quel que soit le niveau de dilution.

    Nous constatons par ailleurs que lactivit des solutions dhistamine et danti-IgE haute dilution est supprime par une exposition aux ultrasons. Ce nestpas le cas pour les solutions contenant des molcules de ces principes actifs (do-ses pondrales).

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    pharmacologie au monde) et le British Journal of Clinical Pharmacology. Ces arti-cles de 1987 et 1988 nont t ni contests ni contredits. Pourtant, le premierdpasse de beaucoup le cadre des exprimentations in vitro puisquil rapportedes expriences en aveugle effectues sur des souris auxquelles nous avons fait

    ingrer de hautes dilutions de silice. Aprs sacrifice des souris et prlvement deglobules blancs macrophages, nous avons constat quaprs activation les ma-crophages des souris ayant absorb les hautes dilutions de silice libraient deplus grandes quantits de PAF-acether que ceux des autres animaux. Ces tra-vaux raliss en aveugle ont t traits par ces deux revues selon les rgles habi-tuelles de la dontologie acadmique. Leurs diteurs ont respect un des prin-cipes fondateurs de la dmarche exprimentale: un rsultat est un rsultat et nedoit tre jug quen tant que tel. Les critres de jugement ne doivent pas varierselon les rpercussions potentielles de ce rsultat. Ntant pas un adepte de lamdiatisation tous crins, linverse de beaucoup de mes collgues qui annon-cent depuis vingt ans dans la grande presse des progrs dcisifs venir ouimminents dans la lutte contre le cancer ou dautres maladies, je norganiseaucun battage autour de ces articles officialiss par des revues comit de lec-ture.

    la fin du mois de mai 1988 se tient Strasbourg un congrs dhomopathiedevant lequel je prsente les travaux sur la dgranulation des globules blancsbasophiles par de trs hautes dilutions danti-IgE. Tout se passe comme si, dis-

    je en conclusion, l

    eau se souvenait d

    avoir vu la molcule.

    Ai-je employ les termes mmoire de leau? Je ne men souviens pas. Desjournalistes, dont Jean-Yves Nau du Monde, assistent ma confrence et en ren-dent compte dans leurs journaux. Cest sous la plume de lun dentre eux queviendra pour la premire fois lexpression mmoire de leau. Les articles delpoque font foi de mon extrme prudence: jexplique lors du congrs que jene comprends pas les rsultats que jobserve et que je ne peux en fournir uneexplication.

    Quelques jours plus tard, Le Mondepublie un article consacr mes recher-

    ches, non sur les hautes dilutions mais sur le mdiateur PAF. Le journaliste ainterview des scientifiques franais de lInserm lhpital Saint-Louis et delInstitut Pasteur. Lorsquil les a interrogs sur le PAF-acether, il a obtenu plu-sieurs reprises des ractions similaires: Cest encore une c... de Benveniste.

    Lauteur de larticle, le journaliste Franck Nouchi, relve judicieusement quecette c... a pourtant t reprise et cite par des dizaines darticles de revues in-ternationales. Les plus grands groupes pharmaceutiques y travaillent encore ac-

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    tuellement1. Rtrospectivement, le paranoaque que je suis en tire la conclu-sion quune partie de la communaut scientifique tait dans les starting-blockspour se farcir Benveniste.

    la mi-juin 1988, John Maddox, vraisemblablement titill par les articles de

    presse conscutifs ma confrence au congrs dhomopathie de Strasbourg,me contacte durgence alors que je suis en voyage aux tats-Unis. Il propose depublier larticle la fin du mois, mais impose une condition supplmentaire: jedois accepter le principe dune mission dexpertise charge de vrifier la qualitdes exprimentations. Elle serait dlgue ds le mois de juillet Clamart. Jesuis de nouveau surpris par cette exigence inoue, mais, pris de court et ne vou-lant pas renoncer alors que je touche au but, je laccepte. Vu lurgence, cestpar tlcopie que je dois expdier les rponses aux ultimes objections des refereesde Nature, rponses rdiges dans lavion qui me conduit au Canada.

    Larticle intitul Dgranulation des basophiles humains induite par de trshautes dilutions dun antisrum anti-IgE parat dans le numro 333 de Naturedat du 30 juin 1988. Il est cosign par treize auteurs, parmi lesquels lisabethDavenas et Francis Beauvais (qui font partie de mon unit), ainsi que les res-ponsables des laboratoires italien, isralien et canadien qui ont reproduit lesexpriences. Bernard Poitevin, le mdecin homopathe qui a travaill Cla-mart, Philippe Belon, directeur scientifique des laboratoires Boiron, cosignentgalement le texte, tout comme Jean Sainte-Laudy, un chercheur qui a tudi la

    dgranulation des basophiles au sein de l

    unit 200 quelques annes plus tt.Mon nom apparat en dernire position, ce qui signifie que jai coordonnlensemble des recherches.

    Quelques jours avant la publication, la rdaction en chef de Nature, selon sonhabitude en cas dvnement important, inonde les autres rdactions dpreu-ves de larticle et engage un processus de mdiatisation dont on ne cessera parla suite de mattribuer la responsabilit.

    Le texte est annonc par un ditorial sign de John Maddox, intitulQuand croire lincroyable. Le rdacteur en chef de Nature y exprime la

    plus vive circonspection quant au contenu de larticle. La position de Maddoxpourrait tre rsume ainsi: On publie, mme si on ny croit pas, et on va v-rifier. Son ditorial se termine par la phrase suivante: Le principe de rservequi sapplique ici veut tout simplement que, quand une observation inattendueimplique quune part substantielle de notre hritage intellectuel soit abandon-ne, il est prudent de se demander plus attentivement qu lhabitude silobservation nest pas incorrecte.

    1

    En novembre 1997, j'apprendrai qu'une firme anglaise a introduit auprs des autorits sanitaires de l'Unioneuropenne et des Etats-Unis une demande d'autorisation de mise sur le march pour un anti-inflammatoireanti-PAF susceptible de soulager et de sauver la vie de patients atteints de pancratite aigu.

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    On peut juger que cette considration relve du bon sens le plus lmentaire.Et pourtant, elle mrite quon sy arrte. En ralit, ce bon sens-l est une loidexception, une condamnation mort de toute recherche innovante, de touteavance scientifique, parce quil apprcie les rsultats dune exprimentation

    non pas en fonction de ce quils sont, mais en fonction de leurs consquences. Sil

    peut exister un effet biologique sans molcule de principe actif, cela signifieque les connaissances accumules depuis deux sicles en physique et en biolo-gie sont dpasses, incompltes ou fausses. Et alors? La dcouverte de la roton-dit de la Terre, du fait quelle tourne autour du Soleil et non le contraire, ou,plus rcemment, lavnement de la relativit gnrale, de la physique atomiqueou de la mcanique quantique ont bien occasionn la relgation dune partiedes savoirs antrieurs. Et si lon considre quune hypothse scientifique nou-velle doit tre juge laune de ses consquences sur la validit des connaissan-ces de lpoque, il faut galement admettre quelle peut tre apprcie en fonc-tion de ses rpercussions sur le systme conomique (comme le pensait lillustreLyssenko). On pourrait aussi, pendant quon y est, estimer la validit dune d-couverte en fonction de sa compatibilit avec les valeurs de la religion domi-nante. a sest dj vu.

    la fin de notre article, une rserve ditoriale de la rdaction en chef re-met une couche de scepticisme et annonce que des enquteurs vont vrifier lareproductibilit de mes expriences, avec laimable collaboration du Dr Ben-

    veniste

    . La manipulation est lance.Malgr les rserves de Nature, le texte dclenche un sisme scientifique. Dansle monde entier, les journaux consacrent des dizaines darticles ce qui appa-rat comme une rvolution en chimie et en biologie, une dcouverte qui faitdate dans lhistoire de la science contemporaine. Les demandes dinterviews desjournaux, radios et tlvisions se succdent un rythme effrn. Tout au longde cette priode, jessaie de faire preuve dune certaine prudence, de prciserque je vais avoir besoin daide de la part de scientifiques travaillant dans desdomaines et disciplines que je ne matrise pas. Dans un texte publi par Le Mon-

    de1 quelques jours aprs larticle de Nature, je donne mon point de vue sur lesbouleversements du mode de pense scientifique quimpliquent nos rsultats etsur nos doutes passs:

    Nous-mmes, ds la constatation des premiers rsultats, tout au long de la pro-gression de cette recherche, et lorsque nous les prsenterons publiquement, avonsressenti et ressentirons une angoisse, infime quantit de doute prsent quelquepart. Cest ce qui nous a conduits recommencer encore et encore ces expriences

    1Un autre monde conceptuel, Le Monde, 30 juin 1988.

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    avec une rigueur rarement atteinte par les protocoles exprimentaux en biologie(...).

    Ces prcautions ont permis datteindre une certitude absolue de lexistence deces effets. Pourtant ceux-ci sont tellement incroyables et angoissants que nous ne

    pouvons nous empcher de dire frquemment

    : Ces rsultats, s

    ils existent... Maislobligation premire dun scientifique est de constater exprimentalementlexistence dun phnomne reproductible et ensuite seulement de sinterroger sursa signification et son mcanisme.

    (...) Rejeter des rsultats tranges alors mme quils sont vrifiables exprimen-talement (nous ne mentionnons ici, bien sr, que des essais pratiqus dans desconditions exprimentales rigoureuses par des chercheurs expriments) sous leprtexte que lon naccepte pas ce que lon ne comprend pas serait une attitudertrograde, antiscientifique, trop rpandue chez beaucoup de chercheurs, qui re-couvrent leur pusillanimit, leur conformisme, leur strilit scientifique sous lemanteau de la rigueur cartsienne. Cette situation explique dailleurs largement lagrande difficult de la France faire partie des pays de tte de linnovation en bio-logie.

    Trs schmatiquement, lensemble des rsultats exprimentaux que nous avonsobtenus tant sur des cellules isoles in vitro que chez lanimal entier dmontre sansaucune discussion possible que lon peut obtenir des effets biologiques spcifiquesavec de trs hautes dilutions de substances actives.

    Lincertitude qui rgne actuellement sur lorigine prcise de ce phnomne in-dique que nous devons maintenant aller dans trois directions:

    1) confirmer ce phnomne dans dautres systmes biologiques. Nous avons ob-tenu quelques rsultats pars mais qui demandent tre confirms. Ils indiquentcependant clairement quil sagit dun phnomne gnral;

    2) utiliser nos systmes biologiques pour, par des manipulations physicochimi-ques, tudier les comportements de ces activits inhabituelles;

    3) enfin, entreprendre des cooprations multidisciplinaires internationales, no-tamment avec des physiciens et des chimistes capables de nous donner peut-tre unjour la solution du problme.

    Dans les jours qui prcdent et suivent la parution de larticle de juin 1988, jeminquite aussi de prparer la visite de la commission denqute dpchepar Nature. Il me faut encore une fois prciser que cette exigence de Natureestabsolument contraire aux usages scientifiques. Si la rdaction en chef ntait paspersuade du srieux de la dcouverte, pourquoi diter notre texte avantla vi-site de la commission? John Maddox rpondra plus tard quil a cd la pres-sion, mon insistance voir larticle publi. Je ne conteste pas avoir persvr,deux ans durant et malgr les exigences toujours plus dmesures de Maddox,pour que larticle fasse lobjet dune publication. Cette attitude de constance

    est, ou devrait tre, celle de tout chercheur engag dans linvitable parcoursdu combattant de la dmarche exprimentale. La dcision daccepter larticle

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    na dailleurs t prise par Naturequaprs que jai rpondu toutes les objec-tions des refereesconsults. Enfin, si le rdacteur en chef de la plus influente re-vue scientifique internationale (et sans doute lune des plus conservatrices) napas suffisamment dautorit pour conduire un groupe de chercheurs dont les

    travaux lui paraissent tort ou raison dpourvus de tout fondement scien-tifique, il devrait peut-tre changer de mtier.

    Autre hypothse: peut-tre sagissait-il pour John Maddox de laisser dcollerce quil considrait comme une thorie pseudoscientifique justifiant lhrtiquehomopathie, pour mieux la faire exploser en plein vol. Je me suis toujoursdemand si Maddox na pas souhait livrer le combat de sa vie, soutenu par les-tablishment scientifique, contre la fausse science. Daucuns ont dit aussi quela certitude du scandale annonc, la publicit faite la revue et laccroissementdes ventes qui en a rsult ne seraient pas trangers cette situation.

    John Maddox me fournit la composition de la commission denqute. Lui-mme en sera lun des membres (alors que sa spcialit est la physique) et il se-ra accompagn de deux Amricains, Walter Stewart et James Randi. Les deuxnoms me sont inconnus et ce nest que quelques jours avant leur visite que jap-prends qui ils sont: Stewart, un expert en fraude scientifique; James Randi,lillusionniste qui prtend avoir dmasqu le magicien Uri Geller (je ne sais qui,de Geller ou de moi, en doit tre le plus flatt).

    Lorsque je prends pleinement conscience du pedigree des experts, je suis

    tent de refuser leur venue, pour plusieurs raisons. La premire est que Mad-dox se place clairement dans lhypothse de la fraude, comme le prouve la pr-sence dun illusionniste dans lquipe. Comme si jallais mamuser cacherdans ma manche, puis verser subrepticement dans les tubes essais quelquesgouttes danti-IgE. La personnalit de Stewart, lexpert anti-fraude, pose encoredavantage de problmes. Tout dabord, il a t lun des refereesde Naturepourlarticle sur la dgranulation des basophiles et ne sest pas oppos sa publica-tion. Ensuite, il est lun des protagonistes de la dplorable affaire Baltimore, dunom dun prix Nobel dimmunologie amricain que Stewart a accus de fraude

    quelques mois auparavant1. Dans un article de Nature publi, ironie du sort,dans le mme numro que notre texte, John Maddox se montre dailleurs plu-tt critique quant au rle jou par Stewart dans la mise en cause de David Bal-timore. Il explique notamment que Stewart et le scientifique amricain avec le-quel il est associ dans la chasse aux fraudes nont leur actif aucune publi-cation scientifique substantielle, quils ne sont que des gardiens auto-dsignsde la conscience scientifique. Et cest pourtant le mme Stewart, hystriquechasseur de sorcires, que John Maddox dcide de me coller dans les pattes, en

    1Baltimore et son quipe seront rhabilits en 1996 et Walter Stewart a, fort heureusement, disparu de la scne.

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    compagnie dun magicien pour relever le niveau. Ne manquaient plus que lesquilibristes et le montreur dours.

    Lgitimement hostile la venue dans mon laboratoire de ces minables PiedsNickels, je nen suis pas moins bel et bien coinc. En premier lieu, Naturere-

    prsente une immense autorit scientifique. Comme un fervent catholique au-quel le pape demanderait son portefeuille, je ne suis pas cens imaginer quil vabarboter mon argent, remplacer mes papiers didentit par des faux et me livrer la police des murs scientifiques. Ensuite, si je refuse la vrification, on mac-cusera davoir quelque chose cacher.

    Je prends finalement la dcision daccueillir la commission, aprs concerta-tion avec mes collaborateurs et les cosignataires de larticle qui, ne doutant pasde la validit des expriences, tentent de se persuader quon ne peut pas trou-ver de fraude l o il ny en a pas.

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    CHAPITRE 3

    La contre-enqute

    Cest dans une ambiance tendue que les trois experts de Naturedbarquent Clamart, le 4 juillet 1988. Nous devons raliser plusieurs sries dexpriences,

    rparties sur cinq jours.Pendant les deux premires journes, quatre sries sont effectues. Lune nefonctionne pas, mais trois autres sont concluantes. Celle qui est ralise enaveugle donne mme les meilleurs rsultats. Je sens que John Maddox et sescomparses sont troubls. Le troisime jour, une srie dobservations se drouleen aveugle1 avec un systme de codage des tubes mis au point par James Randi.Ceci donne lieu un pisode rvlateur de ltat desprit de la fine quipe.Randi tablit la liste des codages des tubes, puis il lentoure de papier dalumi-nium et glisse le tout dans une enveloppe quil fixe au plafond laide de ruban

    adhsif. Le lendemain au moment du dcodage, il constate que lchelle trscourte et lgre utilise pour coller lenveloppe au plafond, chelle dont il avaitrepr lemplacement exact, a t dplace. Lexplication est simple: ma colla-boratrice Yolne Thomas, pntrant le lendemain dans son laboratoire et aper-cevant cette chelle dresse en plein milieu de la pice, avait jug logique de lareplacer l o elle reposait dhabitude. En rcuprant lenveloppe, Randi relvegalement que le rabat de lenveloppe sest dcoll, mais il conclut tout demme que la liste des codes na pas t consulte. Ces dtails figurent dans lecompte rendu de Nature, avec les effets dvastateurs que cela peut produire sur

    les lecteurs. Ceci est dautant plus navrant que la premire exprience effectueen aveugle avec le systme de codage folklorique de Randi fonctionne parfaite-ment. La courbe correspondante est tellement satisfaisante et conforme nosexprimentations les plus russies que jen fais la remarque haute voix. Danslarticle venir de Nature, mes propos seront reformuls de la faon sui-vante: Nous nen avons jamais vu de semblable [dexprience semblable] jus-qu maintenant. Phrase que je ne peux avoir prononce puisque lune des

    1

    L'expression en aveugle n'est en fait pas adapte la situation puisque les codages taient connus d'unedes parties, savoir les enquteurs de Nature, quipe comprenant un illusionniste ! Une procdure rellementen aveugle aurait suppos un deuxime codage par des tierces personnes.

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    courbes illustrant larticle de Naturedu mois de juin, et certains des rsultats ob-tenus par lquipe italienne, sont similaires la courbe en question.

    Progressivement sinstalle un climat carrment dltre. plusieurs reprises,Stewart pique de vritables crises dhystrie, au point de hurler contre on ne sait

    trop quoi. John Maddox doit intervenir et lui dire de se calmer.Pendant ce temps, et tandis que se droule une exprience en aveugle dci-

    sive, James Randi se livre des tours de passe-passe et fait tourner les aiguilles demontres sans y toucher, dclenchant des rires dans le dos des oprateurs enplein travail. Je regrette vivement davoir ouvert mon laboratoire ces trois zigo-tos et je me retiens difficilement de les flanquer la porte.

    Cette tension a pour effet principal de dconcentrer ma collaboratrice lisa-beth Davenas. Elle est une excellente opratrice pour des expriences dlicates,capable de compter pendant une journe entire des basophiles les yeux rivs son microscope, ce qui donnerait des maux de tte tout un chacun au bout dequelques minutes, a fortiori si un agit lui crie dans les oreilles pendant lamanuvre. Mais lisabeth est aussi une jeune femme extrmement sensible,peu faite pour la polmique et le combat. En, occasions, je la sens au bord deslarmes. un moment critique, je lui envoie travers la vitre du laboratoire unpetit baiser pour lencourager et la rconforter. Nos puritains anglo-saxonssinterrogent haute voix sur les relations que jentretiens avec ma collabora-trice.De linfluence des ondes affectives virtuelles sur le destin des basophiles...

    Durant les deux dernires journes, les conditions exprimentales sont ren-dues encore plus difficiles par le volume de manipulations qui nous est deman-d, deux ou trois fois plus que notre rythme habituel. Alors que les premiresexpriences plutt positives se sont succd selon une cadence raisonnable,il faut soudain acclrer le mouvement, avec les risques que cela comporte.Jajoute que, contrairement aux usages, aucun protocole de droulement desobservations ne ma t pralablement communiqu par John Maddox. Je suispour une part fautif de ne pas lavoir exig. Il sensuit que lordre, le rythme etles modalits des expriences peuvent tout moment tre modifis par les

    pseudo-experts. titre dexemple, sous prtexte dviter les fraudes, WalterStewart exige de procder lui-mme au remplissage des puits dexpriences lorsde certaines sries de manipulations, alors quil na aucune habitude de latechnique employe.

    Et ce qui devait arriver arrive. Les dernires sries donnent des rsultats nonutilisables: pour deux dentre elles, les tubes tmoins (qui ne contiennent pasdanti-IgE hautement dilu) produisent des rsultats fous; pour la troisime, latotalit des rsultats est illisible.

    Un soir de cette semaine, je me suis rendu dner linvitation du ministrede la Recherche Hubert Curien, en compagnie de John Maddox, dune quin-

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    zaine de scientifiques franais du plus haut niveau, du directeur gnral de lIn-serm Philippe Lazar et de lphmre ministre de la Sant Lon Schwarzen-berg.

    En me rendant ce dner, jesprais trouver de la part de la communaut

    scientifique franaise le soutien qui me faisait cruellement dfaut jusqualors.Jaurais en effet souhait que le ministre ou les autorits politico-scientifiquesdsignent une quipe dexperts reconnus chargs de me conseiller, de dter-miner quelles vrifications je devais effectuer et vers quelles hypothsesdinterprtation des rsultats je devais, ou ne devais pas, me diriger. Au cours durepas, jai trs vite compris que je ne pouvais compter sur aucune aide, et quejavais t convoqu ma propre excution publique. un moment, jai ttout bonnement accus par un professeur du Collge de France (qui porte unnom illustre, mais ne semble pas avoir fait de dcouvertes justifiant sa positiondans lestablishment scientifique, ni sa morgue) de dshonorer la communau-t scientifique franaise. Entendre par l: priver certains de mes compatriotesnoblisables de leur ventuelle distinction.

    Je suis dsormais seul, abandonn aux chiens par une communaut scien-tifique franaise vassalise, coca-colonise, apeure, planque sous la table. Cet-te communaut qui navait produit depuis trente ans quun nombre trs limitde travaux scientifiques majeurs sestimait dshonore parce que leau semontrait capable de mimer une activit biologique spcifique. Tout comme au

    XIX

    e

    sicle, l

    lite scientifique franaise jugeait inepte (et sans doute

    dshono-rante) lide que des engins plus lourds que lair puissent voler ou que desmtorites parcourent latmosphre1.

    La publication du dossier de contre-enqute dans le numro du 28 juillet1988 de Natureconfirme mes pressentiments les plus pessimistes. Sous le titreHautes dilutions, une illusion2, larticle, sign Maddox, Randi et Stewart, af-firme que lhypothse selon laquelle leau pourrait tre marque par le sou-

    venir de soluts y ayant transit est aussi fantaisiste quinutile. Tout en recon-naissant que la commission denqute forme un groupe htroclite etquaucun de ses membres ne possde une exprience personnelle dans ledomaine tudi par lunit 200 de lInserm, les trois signataires descendent enflammes nos exprimentations.

    Premier de leurs griefs, Maddox et ses amis se disent surpris de constaterque les expriences ne marchent pas toujours. Pincez-moi, je rve. Comment

    1

    Les pierres ne tombent pas du ciel, a dit un jour Lavoisier, membre de l'Acadmie des sciences, car il n'y apas de pierres dans le ciel.2High Dilution Experiments : a Delusion, Nature, 1988, 334, pp. 287-296.

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    des experts, autodsigns il est vrai, peuvent-ils profrer une telle ineptie pro-pos de biologie? Aucune exprience complexe de biologie ne fonctionne dans100 % des cas, mme pas la grossesse. En ce qui concerne les hautes dilutions,jai toujours prcis publiquement que je ne pouvais garantir 100 % de russite,

    mais plutt des rsultats largement significatifs en tendance.Une telle ignorance des ralits scientifiques doit sans doute tre mise au

    compte de labsence dexprience personnelle dans le domaine tudi deMaddox, Randi et Stewart. Le problme est que le ton de larticle est donn.Les enquteurs sont bien obligs de convenir que quatre expriences sur septont donn des rsultats positifs ou plutt, on notera la nuance, considrscomme positifs par le Dr Benveniste, mais la suite du rapport tend vers un butunique: instruire charge, dtruire nos rsultats par tous les moyens.

    Quant laspect le plus scandaleux de ce rapport, les lecteurs de Naturenepourront mme pas en prendre connaissance. Lorsque larticle relatant lacontre-enqute est achev, quelques jours avant la parution, John Maddox me lefait parvenir afin que je puisse exprimer mes remarques et contestations dansun texte qui sera publi dans le mme numro de la revue. Je prends connais-sance du manuscrit de Maddox and Co, et y relve la phrase suivante: Nouscroyons que la plupart des expriences de Benveniste, dont les rsultats sontconsidrs comme significatifs, sont des artefacts ou des erreurs statistiques.Mais cette remarque ne concerne manifestement pas toutes les donnes (com-

    me la quatrime srie d

    observations).

    La quatrime srie, comme je lai indiqu plus haut, a t effectue en aveu-gle et a donn dexcellents rsultats, semblables aux courbes publies dans lar-ticle du mois de juin 1988. Dans ma rponse, je pointe la double contradictionque renferme cette phrase:

    1) si une des sries a fonctionn et quelle nest pas entache dartefacts ouderreurs statistiques, cest donc bien la preuve quun phnomne existe;

    2) cette phrase est en contradiction avec tout ce que le