Jean-Pierre Bréhier, « Octave Mirbeau et les francs-maçons »

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  • 8/9/2019 Jean-Pierre Bréhier, « Octave Mirbeau et les francs-maçons »

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    OCTAVE MIRBEAU ET LES FRANCS-MAÇONS La franc-maçonnerie n’est-elle pas toujours de saison ? Elle l’était assurément à la fin

    du XIXe siècle et au début du XXe, qui furent le té!tre d’un essor sans précédent" #ettemaçonnerie-là $a dès lors représenter l’un des remparts, principau% et or&anisés, un recours

     pour ainsi dire, contre ce cléricalisme qui triompe depuis la 'estauration et s’appuis sur unimpérialisme culturel (le di$orce a été supprimé dès le mois de mai )*)+ et ne sera rétabliqu’a$ec la loi aquet du . juillet )**/0" 1n cléricalisme qui a fait main basse sur l’écolea$ec une cléricature con&ré&aniste et un cler&é séculier qui partout relè$e la t2te" La politiqueultra réactionnaire de #arles X à partir de )*/ fera le reste"

     #acun sait, sans doute, que la maçonnerie moderne remonte au début du X3III e

    siècle 4Les constitutions du pasteur 5nderson ne datent que de l’année ).)., mais elles nefont que codifier une pratique qui e%istait déjà dès le milieu du X3II e siècle6" Elle nous $ientd’5n&leterre et s’est répandue en 7rance dès la fin du X3IIe siècle, sous l’influence des8tuart" #ette nou$eauté $enue d’outre 9ance séduira très rapidement la société distin&uée dusiècle et l’on sait, par e%emple, que 9ontesquieu sera reçu franc-maçon à Londres en ).:;"9o

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    - . juillet )M;/ Loi #ombes sur les #on&ré&ations interdites d’ensei&nement (mile#ombes était lui-m2me franc-maçon et 9irbeau lui $ouait une réelle admiration0"

    - M décembre )M;O Loi de séparation des &lises et de l’tat"#es trois dates donnent à elles seules une idée de l’influence que la maçonnerie, et le

    HA7 en particulier, pou$aient e%ercer à l’époque sur la politique en 7rance" Il était connu

    qu’un bon radical-socialiste ne sortait jamais le soir sans ses C décors D, cQest-à-dire sontablier et ses &ants blancs" 9ais un simple retour en arrière de quelques années nousrappellera la #ommune de aris en mars )*.), oJ l’on a $u les maçons $ersaillais de9onsieur Piers tirer sur leurs frères communardsB et $ice-$ersaO"

    #’est surtout a$ec l’affaire Are=fus, qui commence fin )*M/, que la franc-maçonneriefrançaise $a 2tre mise à l’épreu$e" L’antisémitisme et l’antidre=fusisme étaient partout, et

     jusque dans certaines lo&es maçonniques oJ ils sé$issaient aussi, à telle ensei&ne que le randHrient, lors de l’inau&uration de son #on$ent+ de )*M*, crut de$oir faire la proclamationsui$ante

     Fidèles au traditions qui sont l’orgueil de la !ranc"ma#onnerie $ !idèles au principes

    de la %évolution qui a proclamé l’égalité des hommes devant la Loi, quelle que soit leur race, quelles que soient leur philosophie et leurs cro&ances, et promis à tous les garantiesd’une égale 'ustice $ passionnés par la grandeur de la patrie !ran#aise, en ce que ces

     principes se sont incarnés, et pour le bon renom de son armée nationale qui doit être la gardienne de la 'ustice et la sauvegarde du droit humain $ ils proclament, comme leurs prédécesseurs, que toute violation du droit est une diminution de la patrie( Ils dénoncent comme criminelle et honteuse pour le pa&s de la )éclaration des )roits de l’*omme lacampagne trop longtemps tolérée qu’un parti de mal!aiteurs ne craint pas de poursuivre,

     sous prétete de race ou de con!ession, contre une catégorie de cito&ens(+ 4.6 

    Un marronnier de plus ? 

    8’il est bien un sujet de réfle%ion passionnant, pour qui $eut a$ancer un peu plus loindans l’>u$re du rand Imprécateur, c’est d’obser$er ce sin&ulier tropisme  qu’il manifesta$ers la franc-maçonnerie et les maçons, sujet que j’ai tenté d’e%plorer depuis quelque tempsdéjà, dans la mesure oJ il semble bien qu’il n’ait pas encore été traité*"

     5lors, un marronnier de plus, et jusque ce< 9irbeau ? eut-2treB éanmoins, je prends le risque" Re n’ima&ine d’ailleurs pas que 9irbeau ait été si peu que ce soit initié à la pratique de l’5rt 'o=al et qu’il fi&ur!t S mais, après tout, pourquoi pas ? S dans les listes detelle ou telle lo&e" Las T il n’est à ce jour aucune des trois obédiences de l’époque, à sa$oir le"H"A"7" (rand Hrient de 7rance0, la plus importante, la "L" (rande Lo&e de 7rance0 etA"@" (Aroit @umain0 qui le re$endique pour a$oir été l’un de ses membres" #ela étant, etm2me s’il est   tou'ours hasardeu d’associer un homme à une institutionM D, le moins quel’on puisse dire, c’est qu’il flirta allé&rement a$ec la 3eu$e (si elle $eut bien me permettre

    O Et dans cet ordre d’idées peut-2tre n’est-il pas inutile de rappeler l’épisode de la uerre du 9e%ique, oJl’on $erra un maçon, Uenito Ruare< en$o=er au poteau d’e%écution, le )M juin )*+., un autre maçon, 9a%imiliend’5utrice, qui pensait bien écapper au c!timent, du fait de sa qualité maçonnique" 9ais en $ain"

    + #on$ent assemblée &énérale annuelle d’une obédience, qui fonctionne abituellement sur le modeassociatif de la loi de )M;), si ce n’est que seuls les maçons a=ant atteint le &rade de maVtre (à la différence desapprentis et des compa&nons0 peu$ent = participer"

    . 3oir l’article de Lucien 8aba, C La 7ranc-maçonnerie et l’antisémitisme D, dans la  %evue des études 'uives, )MM+"

    * E%cepté, bien entendu, pour Louis-5mable 9irbeau senior, a$ec le très intéressant article de 9a%

    #oiffait"M #f" Rean-ierre Lassalle in C 5ndré Ureton et la franc-maçonnerie D,  *istoires littéraires, nW ), ;;;, pp" */-M;"

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    - Le !ran"-ma%on "omme ar",(pe de l.an(i"lri"al c’est dans )ingo, a$ec ladescription qui nous est faite de iscot le jardinier

     .ournalier de son état, Piscot va là o1 il & a de l’ouvrage 6 du gros ouvrage, s’entend 6 car il le reconna7t avec bonne gr8ce, pour les travau qui demandent de la !inesse, il n’&a pas la main( 3uin4e 'ours che4 l’un, huit 'ours che4 l’autre, il attrape tout ce qu’il peut(

     Les opinions politiques et religieuses ne lui en imposent pas( Il les a toutes et  successivement, selon les personnes qui l’emploient/ 9n 'our, clérical, et, le lendemain, franc-maçon , cela ne l’embarrasse pas/

     

    Là encore le procédé comique est contenu et irrésistible à la fois, sobre et cocasse la pointed’ironie administrée pour rele$er le plat juste ce qu’il faut le terme de franc-maçon esttellement plus é$ocateur S a$ec tout le secret et tout le folGlore qui l’entourent S qu’un motcomme C anticlérical D ou C libre"penseur  D" #’est bien la pointe de soufre qui fait tout,n’est-ce pas ? 5u demeurant, en fait de $ersatilité idéolo&ique, le &rand écri$ain sa$aité$idemment de quoi il parlait, si l’on $eut bien se référer à la préface de ierre 9icel à ses

     Premières chroniques esthétiques, oJ, en pa&e ., se trou$e é$oqué son double en quelque

    sorte, le éros du roman 9n gentilhomme+ qui se $oit amené à C prostituer sa plume D au plusoffrant C Il sert donc des ma7tres au orientations politiques et religieuses les plusdiverses :  mais, précise-t-il, C mécaniquement , sans 'amais se laisser contaminer par leursidées, qui sont le  plus souvent contraires au siennes" D ’est-ce pas là, une manière demessa&e codé, ou d’a$eu implicite ?

     Aans un re&istre asse< proce, nous remarquerons, au capitre 3I des ;< 'ours d’unneurasthénique, les propos pr2tés par 9irbeau à 9" eor&es Le=&ues, beau spécimen de

     politicien professionnel, ministre pour ainsi dire incontournable, $oire inamo$ible, quelle quesoit la couleur politique de la #ambre" Lui arri$e-t-il d’ésiter de$ant l’impré$u, lui auraitdemandé 9irbeau

     6 5anière ironique de parler, cher 5onsieur/ -n réalité, 'e n’admets pas qu’une tellecirconstance puisse arriver/=ene4 0 >e qui peut arriver, c’est un ministère clérical/ -hbien, mais/ 'e suis l’homme indispensable de cette combinaison nouvelle/.’ai tout prêt dans un tiroir de mon bureau, un pro'et de ré!orme sur l’enseignement/ Il est admirable( 6 .e n’en doute pas 6 Il est admirable en ceci que 'e donne au 'ésuites le monopole eclusi! del’enseignement à tous les degrés/ .’en ai d’ailleurs un autre par quoi, en vue d’unevictoire républicaine, ce monopole exclusif /  je le donne aux francs-maçons…  car jesuis persuadé qu’il existe aussi des francs-maçons/ Alors, quoi 2 ?ous vo&e4 bien quela circonstance dont vous parle4 est par!aitement inadmissible/

    Et l’on $oit 9irbeau se li$rer à une manière d’anton=mie et dési&ner, par le trucement du

    ministre, la franc-maçonnerie comme le contraire absolu de la #ompa&nie de Résus, l’antidote,usant du m2me procédé que dans  )ingo  lorsqu’il é$oque les facultés d’adaptation du journalier iscot" Et il amène sa $ictime, l’ineffable eor&es Le=&ues, à surencérir C S >ar 'e suis persuadé qu’il eiste aussi des !rancs"ma#ons/  D Hbser$ons au passa&e que laformulation adoptée par le 9aVtre, comme d’ailleurs tout ce qu’il écrit, d’une remarquable

     précision, est a priori  loin d’2tre fortuite" 5insi, le C 'e suis persuadéB D ne si&nifieé$idemment pas C 'e  saisB D, mais plutFt quelque cose comme C  .’imagineB D, ou bienencore C 'e me douteB mais 'e n’en suis pas certain( Ils sont tellement secrets, ces gens"là,que l’on ne peut être s@r de rienB D #ette sorte de coseB Et, pourquoi pas ? cette formuledu ministre peut-elle tout aussi bien 2tre interprétée sous la forme sui$ante C .e suis

     persuadé/ parce que '’ai de bonnes raisons de le penser B D Et pourquoi ai-je C de bonnes

    raisons de le penser  D ? eut-2tre bien, tout simplement, parce que je le suis moi-m2me,franc-maçonB Le seul ennui, c’est que personne ne sait aujourd’ui si eor&es Le=&ues

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     passa un jour a$ec succès la formalité du bandeau)) D et s’il fut initié" Les spécialistescontinuent de spéculer sur cette importante question" éanmoins ne serait-ce pas là lemessa&e subliminal que 9irbeau, abituellement bien rensei&né, s’est plu à faire passer, minede rien, à ses lecteurs ?

    Kuoi qu’il en soit, c’est là une manière infiniment subtile de sous-entendre qu’un tel

    C en est bien/ de la !ranc"ma#onnerie D, et ce, sans a$oir à le C dévoiler  D officiellementcomme cela se fait très sou$ent aujourd’ui dans la presse au asard de l’un ou l’autre de cesmarronniers précités)" 9ais surtout, n’était-ce pas une façon particulièrement abile demettre le doi&t, là oJ ça fait mal, cQest-à-dire sur la onteuse collusion du ministre Le=&uesa$ec la faction cléricale au détriment de l’école publique au cours des années )*M; ? Il faudraattendre patiemment les lois de )M;/ et surtout celle de )M;O, pour que soit consacré le

     principe quasi constitutionnel de la laYcité, loi qui ne fut remise en cause qu’une fois, a$ec leré&ime de 3ic= dès )M/;):"

    - Le !ran"-ma%on "omme / ra(on-la)eur 0 d.O"(a)e Mir#eau ? Uien a$ant Racques ré$ert, 9irbeau usait parfois du procédé de l’énumération, de la

    série oJ défilaient, comme dans C l’Inventaire D du poète, les items les plus étéroclites, les

     personna&es les plus disparates, ou improbables, et aussi les plus cocasses" 5u milieu de toutcela le franc-maçon, tel le célèbre raton-la$eur T ierre 9icel lui-m2me, d’ailleurs, se plaVtà é$oquer, dans sa préface à  La ;B"-B, C les énumérations o1 se glisse un intrus)// D Et,selon #" @er

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     Il englobe, dans une même haine, protestants, francs-maçons, libres penseurs, tous lesbrigands qui ne mettent 'amais le pied à l’église et qui ne sont d’ailleurs que des Juifsdéguisés , mais il n’est pas clérical, il est pour la religion, voilà tout/

    8ans doute ce premier in$entaire est-il modeste" Kuoi que, protestants, francs-maçons,libres penseurs, mais aussi tous les bri&ands (ceu% qui ne mettent jamais le pied à l’é&lise0,cela fait tout de m2me du monde, sans parler des Ruifs dé&uisés, ce qui nous ramène au c>ur du complot judéo-maçonnique é$oqué plus aut, tel que le fantasment Rosep et tous leslecteurs de La Libre parole" 5u surplus, les francs-maçons cités ici n’ont pas, de mon point de$ue, à se plaindre du $oisina&e qui = a-t-il de plus aimable que les protestants, les libres

     penseurs, les Ruifs, et m2mes ces brigands qui né&li&ent d’aller à l’é&lise ? #e faisant, et par le biais de cet amusant artifice, ce sous-entendu téléponé, 9irbeau leur décerne, à cesfrancs-maçons, ironiquement sans doute, un autentique certificat d’onorabilité quelle plus

     belle consécration, en effet, qu’2tre l’objet du ressentiment, la cible de la aine du jardinier-cocer Rosep, lecteur assidu de  La Libre parole  ? #e qui fait qu’ils ne peu$ent 2tre,décidémentB tout à fait mau$ais" 9ais, au fait, que $ient faire ici le petit ursidé du poète

    ré$ert = a-t-il $raiment sa place ? ourquoi pas, puisque 9irbeau aurait aussi bien pu citer,à la place des francs-maçons, et a$ec autant de pertinence, les a&nostiques et les atées, lesanarcistes et les dre=fusards (le roman paraVt en )M;; et l’5ffaire bat son plein0" Le messa&eaurait été assurément identique en ce sens qu’anarcistes et dre=fusards étaient bel et bien lesennemis à abattre pour un croisé comme Rosep" Et l’on peut se demander si, effecti$ement,les francs-maçons n’étaient pas là uniquement  pour le pittoresque au milieu de l’in$entaireB#K7A"

    1ne autre énumération, beaucoup plus fournie celle-là, se retrou$e dans une lettre de9irbeau à son ami aul @er$ieu, en juillet )**O, oJ il fait l’élo&e de PolstoY et de son roman

     La Euerre et la pai, commentée par ierre 9icel dans sa préface C Au prolétaire auEentilhomme D Ave4"vous lu La uerre et la pai% de =olsto 2 3uel admirable livre et quel 

     génie que ce %usse 0 .’en suis tout émerveillé( Figure4"vous la vie russe, toute la vie russe,vie civile au pa&s, vie militaire dans les camps pendant les campagnes de Gapoléon

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    9irbeau qui semble bien a$oir été C a!!ranchi D sur certains rituels, fin connaisseur, à ce qu’ilsemble, des C 5&stères D d’Eleusis)+, ne se pri$e pas de poursui$re la comparaison et lesallusions maçonniques a$ec l’enfermement supposé du jeune omme, sorte de fi&ure du tarotde 9arseille, dans la ca$e, autrement dit les entrailles de la terre).4).6 , jusqu’à la reddition deson cef-d’>u$re, le fameu% Pémistocle barbouillé" 8i cela ne sent pas la démarce

    initiatique et la maçonnerie, je consens à 2tre condamné au séjour à la ca$e, au risque d’enressortir a$ec le teint du pissenlit" 9ais ce qui surprend et réjouit à la fois, c’est cette référence à la franc-maçonnerie

    comme mètre-étalon de la drFlerie" Ae toute é$idence 9irbeau $o=ait celle-ci commea&rémentée d’un ressort comique comique du discours, de la &estuelle ou de l’accoutrement"8ans doute ne saura-t-on jamais lequel des trois l’amusait le plus" eut-2tre les troisd’ailleursBIl est $rai que le port du tablier, des insi&nes, des bijou%, de l’épée et du baudrier (le cordon0, la &estuelle, les in$ocations, tout cela pou$ait (et peut encore0 sembler ridicule,dérisoire, té!tral, cloNnesque" A’ailleurs Laurel et @ard=, ierre Aac,(et combien d’autresacteurs T0 n’étaient-ils pas francs-maçons ? 9irbeau a donc eu la dent un peu dure à l’é&ard decette institution du ri% de 'ome, supposée dès lors plus ridicule encore, plus dérisoire, plus

    té!trale, plus cloNnesque" Pelle est du moins la lo&ique du C poulet D paru un : no$embre)**O dans La France( Re n’ima&ine pas en re$ance que la franc-maçonnerie et les francs-maçons aient pu se formaliser de cette petite ciquenaude à leur amour-propre, A’abord, parceque, comparé à certains, le trait de 9irbeau n’a$ait rien d’assassin" Ensuite et surtout parceque, de toute é$idence, celui-ci n’entendait pas ridiculiser la franc-maçonnerie et faire ainsi le

     jeu des Arumont et de tous les lecteurs de  La  Libre parole, en bref de tous les Rosep et tousceu% de la 7rance ultra-réactionnaire"

     #& Les r!ren"es impli"i(es ou "odes Il en est une que nous trou$ons par e%emple dans cet article de 9irbeau au Eaulois du

    )O décembre )*.M, si&né Pout-aris, dans la rubrique C La Rournée parisienne D, sous le titreC Aans les brouillards D" #elui-ci = brocarde allé&rement les politiques C 5( Eambettaembrassait tendrement 5( Erév&, 5( Ferr& tordait .ules imon dans une étreinte amoureuseet !raternelle $ 5( Gaquet !ondait avec le père )idon une association d’assurance contre lesaccidents du mariage D la >orne de !élicité/ Ah 0 le brouillard a du bon 0 D Pout le mondeaura noté naturellement l’étreinte fraternelle du franc-maçon Rules 7err= et l’on me

     pardonnera de n’a$oir pas résisté à l’é$ocation de la s=mbolique de la corne destinée à pré$enirB les accidents de maria&e T e dit-on pas, d’ailleurs, qu’en franc-maçonnerie,C tout est s&mbole D ?

    - Le !ran"-ma%on du "omplo( ous décou$rons dans un article de ierre 9icel, C Hcta$e 9irbeau pilosémite D,

    que 9irbeau, secrétaire particulier d’5rtur 9e=er, patron du Eaulois, commettait,  pour lecompte et sous le nom de celui-ci, un certain nombre d’articles à la pige( #’est dans unéditorial du + décembre )**;, si&né 9e=er, mais de la main du nè&re 9irbeau, que nousdécou$rons ce titre C 1n crime et une faute D" 

     Le crime en question a été perpétré par un quotidien monarchiste, Le Priboulet , danslequel un article signé du pseudon&me de )under&, .ui!s et !rancs"ma#ons :, tente deréactiver l’anti"'udasme chrétien et de mobiliser son lectorat contre le danger représenté par les .ui!s alliés au !rancs"ma#ons( ans craindre d’être taéd’incohérence, le pseudo")under& présente les .ui!s comme une race sans !eu nilieu :, qui s’est donné la mission de chercher ou de drainer l’or : et qui s’abat sur un

    )+ #f" La 5aréchale (d" du Uoucer, ;;:, p" O:0"). Les entrailles de la terre au%quelles ren$oie le roman de Rules 3erne sont é&alement s=mbolisées par leC #abinet de réfle%ion D oJ attend et médite l’impétrant a$ant son initiation"

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    lo&e de la L7 porte le nom 9irbeau et 7rancisco 7errer parta&eaient cette préoccupation passionnée de l’ensei&nement à la jeunesse qu’il fallait à tout pri% soustraire à l’attractionmalfaisante de l’&lise, de toutes les &lises, tèmes que nous retrou$ons dans ébastien

     %och et d’aucuns se sont interro&és sur les contacts que ces deu% anarcistes a$aient pu a$oir,les idées qu’ils a$aient pu écan&er, peut-2tre m2me parta&er C 3ue 5irbeau et Ferrer aient 

    échangé leurs vues, me semble évident( =ous deu étaient d’accord avec HaJounine, quidemande que l’éducation soit !ondée entièrement sur le développement scienti!ique de laraison et non sur la !oi $ sur le développement de la dignité personnelle et de l’indépendance,non sur la piété et l’obéissance $ sur le culte de la vérité et de la 'ustice à tout pri $ et surtout 

     sur le respect de l’humanité qui doit remplacer en toutes choses le culte divin)M( D 7rancisco7errer ()*OM-)M;M0 sera arr2té par le ré&ime espa&nol du roi 5lponse XIII à la suite desémeutes madrilènes de juillet )M;M, comparaVtra le M octobre sui$ant de$ant un tribunalmilitaire, puis sera ju&é, condamné à mort et e%écuté le ): octobre" Il est tombé sous les ballesen criant C ?ive l’école 0 D L’émotion fut immense en Europe et notamment en 7rance"7rancisco 7errer demeure aujourd’ui une fi&ure emblématique, la plus belle sans doute, et del’école et de la maçonnerie"

     $oquons aussi Rean Rosep-'enaud, à la fois, critique littéraire, et maVtre d’escrimequand il ne sié&eait pas à C La erfection écossaise D, cet atelier du "H"A"7" qu’il créa" L’onsait cependant qu’il prit fait et cause, dans ses articles publiés dans  L’Action de mai et juin)M;* pour l’auteur du  Fo&er  et contre Rules #laretie, l’indéboulonnable administrateur de la#omédie-7rançaise et son propre C !rère sur les colonnes D" #e dernier reçut du C !rère D ReanRosep-'enaud une $olée de bois $ert pour a$oir tenté de saboter la pièce de 9irbeau ju&éescandaleuse, mais que, par e%traordinaire, un ju&ement du tribunal de aris du )/ mai )M;*finit par sau$er ;" Kuoi qu’il en soit, cet épisode ne démontre-t-il pas que l’amitié, la $raie,

     pou$ait aller au-delà, bien au-delà d’une C !raternité D proclamée et pour ainsi dire, statutaire,sinon de façade ? 8ans doute en est-il de m2me aujourd’uiB

     Et aussi #atulle 9endès ()*/)-)M;M0, décrit par ierre 9icel comme un écrivain pol&valent et !or#at de la plume D" Ils se fréquentèrent jusqu’à ce qu’un article de 9irbeau,assassin, injuste et totalement e%a&éré, ne les conduise tous les deu% a$ec leurs témoins, unM décembre )**/, par un petit matin bl2meB sur le pré" Ils se réconcilièrent, une lettre de9irbeau du + a$ril )**. en atteste, l’un étant d’un naturel dou% et affable, l’autre

     probablement san&uin et emporté, mais sacant reconnaVtre ses erreurs, publiquement, commeil le démontra par ailleurs quand il fut question d’antisémitisme à l’époque des Erimaces"#atulle 9endès était franc-maçon, passablement prosél=te, amateur d’ésotérisme,d’occultisme et admirateur d’Elipas Lé$i (5lponse-Louis-#onstant à l’état ci$il, )*);-)*.O0" #’est à lui que 9aupassant écrira en )*.+ pour décliner son offre de de$enir franc-maçon, lui administrant au passa&e cet ar&ument inattendu mais péremptoire C .’aime mieu

     pa&er mon bottier qu’être son égal  D" Aès )**+, 9endès, sans doute peu rancunier de nature,ira au-delà du simple pacte de non a&ression et publiera plusieurs contes de 9irbeau dans La?ie populaire et, en )*M;, ébastien %och, en feuilleton dans L’cho de Paris" Il formulera enoutre d’élo&ieuses critiques pour ses deu% pièces  Les  5auvais Hergers et  Les a!!aires sont les a!!aires(

    La liste pourrait encore s’allon&er a$ec les #laretie, les Pailade et les autresB aurisque de tomber dans l’ennu=eu%, le répétitif, le fastidieu%" 5ussi bien pou$ons-nous retenir que 9irbeau fut, au cours de sa $ie littéraire et journalistique, entouré par la franc-maçonnerie au tra$ers de ses amis proces, ou lointains, ou épisodiques" A’aucuns

    )M 9artin 8cNar

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     pourraient s’interro&er sur le fait qu’il n’ait jamais été, à ce qu’il semble, tenté lui-m2me de pénétrer plus a$ant les arcanes de cette société secrète

     O"(a)e Mir#eau+ un ma%on sans (a#lier ?

     

    Il est remarquable en effet que mal&ré un ata$isme certain et reconnu (Louis-5mable9irbeau son &rand père)0, mal&ré le nombre de ses amis membres de cette honorable société,les probables in$itations, $oire les C pressions  amicales D (comme ce< 9aupassant0 d’un#atulle 9endès, Hcta$e 9irbeau ne se soit pas senti l’en$ie de C !rapper à la porte du=emple D" 9ais est-ce si e%traordinaire que cela ? Le caractère que nous lui connaissons était-il en effet $raiment compatible a$ec les obli&ations maçonniques, et notamment cellesimposées au néop=te, à l’apprenti-maçon qu’il aurait été ? Re ne le crois pas une seconde etl’obli&ation de silence, par e%emple, imposée à ce premier &rade, en aurait probablement fait un furieu%, lui, l’atrabilaire qu’un rien suffisait parfois à faire e%ploser"

     9ais à cFté de ces e%plications que l’on pourrait qualifier de conjecturales, il en estune autre, objecti$e celle-là, qui intéresse sin&ulièrement aussi bien la franc-maçonnerie dans

    ses principes fondamentau%, que l’attitude ré$élée et manifestée par 9irbeau tout au lon& deson >u$re et de sa $ie" 8ouli&nons en effet que, selon ses propres statuts et, mutatis mutandis,selon l’obédience, la franc-maçonnerie se dit C une institution essentiellement 

     philanthropique, philosophique et progressive $ elle a pour ob'et la recherche de la vérité,l’étude de la morale et la pratique de la solidarité $ elle travaille à l’amélioration matérielleet morale, au per!ectionnement intellectuel et social de l’humanité/  D 'ien que cela,

     pourrait-on dire TB Et le profane qui le $oit écrit dans les traités de maçonnerie, lesenc=clopédies et autres dictionnaires offerts au public, de s’interro&er (comme l’aurait faitierre Uéomte"ponville D, nous ré$èle ierre 9icel in  Lucidité, désespoir et écriture(resses de l’1ni$ersité d’5n&ers, ;;)0 C Pour 5irbeau, l’univers est un vaste abattoir, unimmense et ineorable 'ardin des supplices o1, tous les 'ours, d’innocentes créatures sont mises à mort au terme d’atroces tortures/  D ierre 9icel écrit encore dans sa préface à La;B"-B  (p" sq"0 C >ette dém&sti!ication s&stématique et émancipatrice est en e!!et imprégnée d’une pensée lucide et radicalement pessimiste D C 5irbeau n’a de !oi ni enl’homme, ni en l’organisation sociale, ni en l’action politique/  D Le &rand spécialiste de

    9irbeau souli&ne aussi C ce pessimisme !oncier qui con!ine au nihilisme D" 5utrement dit, ilfaut bien admettre qu’un pessimiste au bord du niilisme comme Hcta$e 9irbeau, quid’ailleurs n’a jamais adéré à quelque &roupe libertaire que ce soit n’a$ait rien à faire dans lafranc-maçonnerie, qui postule dans ses te%tes fondateurs, comme on le sait, le pro&rès del’@umanité" essimisme qui confine au c=nisme, celui de Aio&èneB

    our résumer cette question du pessimisme foncier de 9irbeau à l’é&ard de l’ommeet de la société, peut-2tre serait-il pertinent, après tout, de rappeler cette sorte d’épitape quiclFt son dernier roman,  )ingo, lorsqu’il $oit son cien mort et que son journalier-braconnier 7lamant $a bientFt enterrer sous un c2ne C / Il tuait les poules/ 5ais il m’aimait et 'el’aimais/ sa tendresse valait mieu que celle d’un homme/ il m’aimait pour m’aimer( D92me si l’on sait que Léon Zert mit la main à la terminaison de  )ingo, je suis persuadé,

    moi, que ce te%te est bien de 9irbeau" 9irbeau, foncièrement pessimiste, lucide et sceptique) #f" ̂ annicG Lemarié et ierre 9icel, )ictionnaire Cctave 5irbeau, L’5&e d’@omme, ;)), p" );"

  • 8/9/2019 Jean-Pierre Bréhier, « Octave Mirbeau et les francs-maçons »

    12/12

    sur les cances d’améliorer la société ? #ertes" Et il n’est que de relire Le .ardin des supplicesou  Le .ournal d’une !emme de chambre" 9ais cela ne l’emp2cait cependant pas de

     promou$oir le perfectionnement intellectuel de la société _ ar ses croniques estétiques et l’aide qu’il apporta à ses contemporains en les

    déli$rant de l’académisme ambiant (cf"  supra  son article sur le ri% de 'ome0 et en les

    initiant au contraire à cette modernité que constituait à l’époque l’impressionnisme 9onet,3an o&, entre autresB ` propos de ce dernier, il est justement rele$é C 5irbeau est undes rares à réaliser l’ampleur des découvertes du peintre et à tenter de les déchi!!rer( Le

     public habitué à voir dans la peinture un ob'et en soi ne comprend pas ce que l’artiste luio!!re( Le critique va donc essa&er de le !amiliariser en éduquant son Nil et en lui en révélant le sens( D 

    _ Aans le domaine littéraire, faut-il rappeler combien de décou$ertes ou deconsécrations suscita sa plume de journaliste les 9aeterlincG, les 'em= de ourmont qu’ildéfendit après son article C Le Roujou patriotisme D, les Léon @ennique, les Rules 'enard, etcombien d’autresB

     Et surtout de pratiquer l’entraide et la solidarité il était e%tr2mement dé$oué à ses

    amis, Rean ra$e, Pailade:, mais aussi au&uin, pour qui il fit passer la sébile auprès de sesamis afin de financer son $o=a&e à Paiti" Et aussi ola, dont il pa=a la lourde amende commedomma&e collatéral de la Rustice française consécutif à son C R’accuse D" 'appelons aussi sonaide à 7éli% 7énéon, qu’il contribua à faire acquitter lors du C rocès des Prente D, et encore à5lfred Rarr= et à aul Léautaud, qu’il secourut acti$ement, sans parler des femmes, en dépitde sa &=nécopobie je ne crois pas qu’il les considér!t toutes comme des mantes reli&ieuses"Et je pense é$idemment à 9ar&uerite 5udou%" La liste pourrait s’allon&er, 9ais le propos estmoins de $erser dans le pané&=rique (ou l’a&io&rapie0 que de souli&ner combien 9irbeaun’a$ait nul besoin de porter le tablier pour pratiquer la solidarité, l’entraide amicale et$raiment fraternelle"

    Et s’il fallait un mot de la fin, il consisterait à pré$enir ceu% ou celles qui pourraient seméprendre sur l’e%pression C ma#on sans tablier  D et = $oir une tentati$e de récupération  post mortem  de C l’imprécateur au cNur !idèle  D, laquelle serait naturellement ors de

     propos" Il est en effet une cose de dire et souli&ner que 9irbeau pratiquait certaines $aleursdont se réclame la franc-maçonnerie, ce qui est difficilement discutable" Il en est une autre desous-entendre, de laisser croire, d’insinuer qu’Hcta$e 9irbeau \en serait peut-2tre bien] ouqu’il était tout simplement un franc-maçon sans le sa$oir ( 9irbeau était simplement un

     profane curieu% de tout, m2me de la maçonnerie, et bien peu, sans doute, lui importaient lesdécors, le tablier et les &ants blancs"

      Rean-ierre U'E@IE' 

     #f" ierre 9icel, Les >ombats d’Cctave 5irbeau, 5nnales littéraires de Uesançon, )MMO, p" ))/": 3oir illes icq, C 9irbeau S Pailade un malentendu D, >ahiers Cctave 5irbeau, nW );, ;;:"