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EXIONS Une dérive inquiétante U ne initiative populaire cantonale ayant récolté plus de 12 000 signatu- res doit être soumise au peuple. Avant le scrutin, le Grand Conseil vaudois procède à un examen de la validité juridique de l’initiative: il examine si elle respecte le droit supérieur, c’est- à-dire le droit fédéral et le droit international contraignant. Une voie de recours est ouverte contre sa décision, si besoin jusqu’au Tribunal fédéral. Si l’invalidation est définitive- ment prononcée, l’initiative est classée à la verticale. Dans le cadre de cet examen, le Grand Conseil est censé se pencher uniquement sur la vali- dité juridique de l’initiative, et non sur le fond de celle-ci. La procédure de validation par le Grand Conseil ne doit en aucun cas devenir un moyen d’écarter une initiative dont on ne par- tage pas les objectifs politiques. Or l’actualité révèle que cette procédure est malheureusement en passe de se transformer en manœuvre politique de la majo- rité pour faire obstacle à des propositions «dérangeantes» ve- nant de la minorité. Parmi les initiatives cantona- les ayant abouti ces derniers mois, la validité juridique de quatre d’entre elles a été contes- tée: l’initiative «D’Artagnan» pour une police unique, l’initia- tive pour un salaire minimum, l’initiative «Sauver Lavaux» et l’initiative pour un rabais d’im- pôt. L’invalidation d’une initiative ne doit être prononcée que lors- que sa non-conformité au droit supérieur est manifeste. En cas de doute, le Tribunal fédéral exige de trancher en faveur de la validation. La Cour constitutionnelle avait confirmé la validité de l’ini- tiative «D’Artagnan», ce qui a permis l’organisation du scrutin de septembre dernier. S’agissant du salaire minimum, le parle- ment a déclaré le texte invalide à une très courte majorité, mais se fera très certainement désavouer par le Tribunal fédéral, qui a reconnu dans un arrêt tout ré- cent la validité d’une initiative genevoise analogue. Pour les deux initiatives res- tantes, dont la validité sera exa- minée prochainement, nous nous trouvons dans une situa- tion similaire: personne ne peut prétendre péremptoire- ment qu’elles sont manifeste- ment contraires au droit supé- rieur. Dans cette situation d’in- certitude, le Grand Conseil doit prendre ses responsabilités; en tant que premier pouvoir repré- sentant le peuple, il doit se pro- noncer en faveur de la validité, et laisser place au débat démo- cratique. Mon propos n’est pas de plai- der pour la suppression du con- trôle de la validité des initiati- ves. Ce contrôle est crucial: il permet de veiller au respect des droits fondamentaux et de pré- server notre Etat fédéraliste. Mais l’invalidation d’une initia- tive est un acte lourd de consé- quences. A force d’abuser de cet instrument, on lui fait perdre sa crédibilité pour les rares fois où il devrait réellement être em- ployé. Combien de fois la majorité du parlement va-t-elle se faire réprimander par la justice avant de se rendre compte qu’il est préférable, en cas de doute, de laisser place au débat démocra- tique? Les représentants du peuple auraient-ils peur du peu- ple? Il est tout de même fâcheux que ce soit à la justice de rappe- ler au Grand Conseil vaudois son rôle véritable et la valeur de notre démocratie participative. «L’examen de la validité des initiatives est en passe de devenir une manœuvre politique pour faire obstacle aux propositions de la minorité» L'INVITÉ RAPHAËL MAHAIM DÉPUTÉ, LES VERTS

JO G P D B T U - WordPress.comfavorable, et ne pas craindre d'empit er sur leur sacro-sainte compt itivit, qui, le plus sou-vent, n'est qu'une excuse pour licencier au premier revers

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Page 1: JO G P D B T U - WordPress.comfavorable, et ne pas craindre d'empit er sur leur sacro-sainte compt itivit, qui, le plus sou-vent, n'est qu'une excuse pour licencier au premier revers

20 VENDREDI 30 AVRIL 201024 HEURESOPINIONS

Contrôle qualitéVC5

RÉFLEXIONS

SIGNÉ BURKI Marée noiredans le golfe du Mexique.

Contre la loi de la jungle!F in mars, le canton de

Vaud comptait plus de25 890 personnes à la re-

cherche d’un emploi, soit 7,8%de la population active: une aug-mentation de 25% sur un an.Parmi les sans-travail déclarés,près d’un quart sont des chô-meurs en fin de droits et iront aumieux grossir les rangs des béné-ficiaires du revenu d’insertion.Lausanne en dénombrait plus de7000 en décembre 2009.

C’est justement au momentoù tout devient plus difficilepour les salariés que le Conseilfédéral choisit de durcir davan-tage l’assurance-chômage. Pourles jeunes, comme pour les tra-vailleurs âgés, cette «assu-rance» rabote une fois encoreses prestations. Alors qu’elle de-vait être une protection contreles effets néfastes des licencie-ments, elle devient de plus enplus une fabrique d’indigence etde précarité.

Bien sûr, il faut savoir répon-dre à cette arrogance des nantis,et leur retourner sans tarderleur projet dans les gencives.Après le référendum contre larévision de la LPP, signons etfaisons passer celui contre larévision de la loi sur l’assurance-chômage! En attendant celuicontre la 11e révision de l’AVS…

Car la droite comme les em-ployeurs s’acharnent. Cela de-vrait nous mettre la puce àl’oreille. Les batailles défensivessont nécessaires, mais il fautaller au-delà, reconstruire peu àpeu un rapport de force plus

favorable, et ne pas craindred’empiéter sur leur sacro-saintecompétitivité, qui, le plus sou-vent, n’est qu’une excuse pourlicencier au premier revers con-joncturel et continuer à s’enmettre plein les poches.

Alors que les bonus s’envolentde nouveau, les patrons se pro-posent de geler les salaires deceux qui ont encore un emploi.Visiblement, la crise n’est pas lamême pour tout le monde. Re-fusons de payer pour leur crise:interdisons les licenciements, enpremier lieu dans les entrepri-ses qui font des bénéfices, etdéfendons l’introduction d’unsalaire minimum légal de4000 francs sur treize mois!

Si nous laissons le patronatsans cesse définir les règles dujeu à son profit, rien ne chan-gera vraiment, à quelque ni-veau que ce soit. Plus de200 millions de chômeurs auniveau mondial, plus de 1 mil-liard de personnes sous-alimen-tées, la destruction toujoursplus rapide de l’environnementnous rappellent que le systèmecapitaliste, en faillite, n’a plusaucun avenir.

La participation de la «gau-che» aux gouvernements s’estsoldée, en Suisse comme enEurope, par des échecs répétés àchanger véritablement les cho-ses. Les luttes de salariés, dejeunes, de retraités montrentune autre voie.

La mobilisation d’habitantsde quartiers populaires a per-mis d’éviter la fermeture de plu-sieurs bureaux de poste; lagrève des maçons a permis dedéfendre la convention collec-tive que les patrons voulaientmettre en pièces; la grève desouvriers de CFF Cargo, au Tes-sin, a permis de stopper le pro-jet de privatisation comme dedémantèlement de l’emploi etdu service public ferroviaire; lagrève des employés de l’aéro-port de Genève, début 2010, apermis une hausse de salaireconséquente et une améliora-tion des conditions de travail.

Ne lâchons rien de nos droitset luttons, toutes et tous ensem-ble, pour stopper les attaquesnéolibérales menées par le gou-vernement et le patronat!

«Ne lâchons riende nos droits

et luttons,tous ensemble,pour stopperles attaquesnéolibérales

du Conseil fédéralet du patronat»

L'INVITÉJEAN-MICHEL DOLIVOAVOCAT,DÉPUTÉÀ GAUCHE TOUTE!SOLIDARITÉS

Une dérive inquiétanteUne initiative populaire

cantonale ayant récoltéplus de 12 000 signatu-

res doit être soumise au peuple.Avant le scrutin, le GrandConseil vaudois procède à unexamen de la validité juridiquede l’initiative: il examine si ellerespecte le droit supérieur, c’est-à-dire le droit fédéral et le droitinternational contraignant.

Une voie de recours estouverte contre sa décision, sibesoin jusqu’au Tribunal fédéral.Si l’invalidation est définitive-ment prononcée, l’initiative estclassée à la verticale.

Dans le cadre de cet examen,le Grand Conseil est censé sepencher uniquement sur la vali-dité juridique de l’initiative, etnon sur le fond de celle-ci. Laprocédure de validation par leGrand Conseil ne doit en aucuncas devenir un moyen d’écarterune initiative dont on ne par-tage pas les objectifs politiques.

Or l’actualité révèle que cetteprocédure est malheureusementen passe de se transformer enmanœuvre politique de la majo-rité pour faire obstacle à despropositions «dérangeantes» ve-nant de la minorité.

Parmi les initiatives cantona-les ayant abouti ces derniersmois, la validité juridique dequatre d’entre elles a été contes-tée: l’initiative «D’Artagnan»pour une police unique, l’initia-tive pour un salaire minimum,l’initiative «Sauver Lavaux» etl’initiative pour un rabais d’im-pôt.

L’invalidation d’une initiativene doit être prononcée que lors-que sa non-conformité au droitsupérieur est manifeste. En casde doute, le Tribunal fédéralexige de trancher en faveur de lavalidation.

La Cour constitutionnelleavait confirmé la validité de l’ini-tiative «D’Artagnan», ce qui apermis l’organisation du scrutinde septembre dernier. S’agissantdu salaire minimum, le parle-ment a déclaré le texte invalide àune très courte majorité, mais sefera très certainement désavouerpar le Tribunal fédéral, qui areconnu dans un arrêt tout ré-cent la validité d’une initiativegenevoise analogue.

Pour les deux initiatives res-tantes, dont la validité sera exa-minée prochainement, nousnous trouvons dans une situa-tion similaire: personne nepeut prétendre péremptoire-ment qu’elles sont manifeste-ment contraires au droit supé-rieur. Dans cette situation d’in-certitude, le Grand Conseil doitprendre ses responsabilités; entant que premier pouvoir repré-sentant le peuple, il doit se pro-noncer en faveur de la validité,et laisser place au débat démo-cratique.

Mon propos n’est pas de plai-der pour la suppression du con-trôle de la validité des initiati-ves. Ce contrôle est crucial: ilpermet de veiller au respect desdroits fondamentaux et de pré-server notre Etat fédéraliste.Mais l’invalidation d’une initia-tive est un acte lourd de consé-quences. A force d’abuser de cetinstrument, on lui fait perdre sacrédibilité pour les rares fois oùil devrait réellement être em-ployé.

Combien de fois la majoritédu parlement va-t-elle se faireréprimander par la justice avantde se rendre compte qu’il estpréférable, en cas de doute, delaisser place au débat démocra-tique? Les représentants dupeuple auraient-ils peur du peu-ple?

Il est tout de même fâcheuxque ce soit à la justice de rappe-ler au Grand Conseil vaudoisson rôle véritable et la valeur denotre démocratie participative.

«L’examende la validité

des initiatives esten passe de devenir

une manœuvrepolitique

pour faire obstacleaux propositionsde la minorité»

L'INVITÉRAPHAËL MAHAIMDÉPUTÉ,LES VERTS

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