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A propos d'un graffite du Palais des Papes d'Avignon Joachim de Sade et Madeleine Lartessuti La chapell e de Saint-Martial an Palais des Papes porte, sur le sou- b"ssement de ses peintures, un cer tain nombre de graffites de dates diverses du XV· au XIX· siècle. L'nn d'eux, SUl' la paroi ouest, il gn.uehe de la port.e d'entrée : 1510 lMcqhtt be ( ·s t cel ui de Joachim de Sade qui fut capitaine du Palais précisé- ment. en Hi.lO, dans dcs ch-collstances qlÙ scront précisées ci-après. Joachim de Sade appartenait il, h\ célèbre famille de Sade, qui re- montait au XII" siècle et , a toujours été fort importante il Avignon (1). l! était, le second fil s de Pierre cle Sade, consul d'Avignon en 1476 ct (le de Farets, celle-ci appartenant il unc famille d'origine piémon taise qui, émigrée à Avignon au début du XV" siècle, s' était ,'nriclùe dans la fabrication et le commerce des draps. Joachim de Sade fut coseigneur de Caumont et de Saint-Saturnin. an Comtat Venaissin, capita.ine et gouvcrneUl' des ville et château de Vaison, plusieurs fois consul et viguier d'Avignon. l! fut marié avec la célèbre Madeleine Lartessuti, fille adult érine de Pons L" rtes- sut .i, d'Avignon, et de Thore de Médicis (2). ( 1) Laba nde, Aoig'lon au X pe sièck Légatioll de eba,les de BOllfhon el dll. ("(J,dina{ ,Julien dt ::Üesse du Comté Penaissill, d'AvigllOJl li de la p,incipauti d'O,ange, I743-1 7So,t. llI, p.199-Z00.

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A propos d'un graffite

du Palais des Papes d'Avignon

Joachim de Sade et Madeleine Lartessuti

La chapelle de Saint-Martial an Palais des Papes porte, sur le sou­b"ssement de ses peint ures, un certain nombre de graffites de dates diverses du XV· au XIX· siècle. L'nn d'eux, SUl' la paroi ouest, il gn.uehe de la port.e d'entrée :

1510 lMcqhtt be ~attze

(·st celui de Joachim de Sade qui fut capitaine du Palais précisé­ment. en Hi.lO, dans dcs ch-collstances qlÙ scront précisées ci-après.

Joachim de Sade appartenait il, h\ célèbre famille de Sade, qui re­montait au XII" siècle et, a toujours été fort importante il Avignon (1).

l! était, le second fils de Pierre cle Sade, consul d'Avignon en 1476 ct (le ~{""guerite de F arets, celle-ci appartenant il unc famille d'origine piémontaise qui, émigrée à Avignon au début du XV" siècle, s'était ,'nriclùe dans la fabrication et le commerce des draps.

Joachim de Sade fut coseigneur de Caumont et de Saint-Saturnin. an Comtat Venaissin, capita.ine et gouvcrneUl' des ville et château de Vaison, plusieurs foi s consul et viguier d'Avignon. l! fut marié avec la célèbre Madeleine Lartessuti, fille adultérine de Pons L"rtes­sut.i, d'Avignon, et de Thore de Médicis (2).

(1) Laba nde, Aoig'lon au X pe sièck Légatioll de eba,les de BOllfhon el dll. ("(J,dina{ ,Julien

dt (~) :t:'::~~C'ir~~'I;i;t~;;/de I/~I ::Üesse du Comté Penaissill, d'AvigllOJl li de la p,incipauti d'O,ange, I743-1 7So,t. llI, p.199-Z00.

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A PROPOS D'Uri GRAFFITE 187

Comme les Sade, les Lartessuti (3) remontaient à la commune d'Avignon du XIIe siècle (4). Pons Lartessut i était jUl'isconsul te, docteur ès-lois et ès-decrets (5), procureur fiscal prés la cour tempo­relle d'Avignon (6), juge à la même cour, lieutenant du viguicr (7) ; il fut aussi délégué de la ville dans les « procès du Rhône" et le « procès de la Durance li (8), etc. ; il était célibataire (solutus).

Thore de Médicis était fille de Verio de Médicis, - ét" hli comme changeur à A vignon. dès 1429-1430, reçu membre du Conscil de ville en 1452, syndic en 1456, décédé de la peste la même année (9) - et de Raymonde de Strata (10). Elle avait épousé Michel de Porta 011

de la Porte, dit de Comps, dont la famille n'était ni moins ancienne ni moins importante que celles des Sade et dcs Lartessnti ; ellc re­montait aux chevaliers d'Avignon du XIIIe siècle (11). Le père de Michel, Pierre de Porta , mourut la même r.nnée que Verio de Médi­cis (12), laissant, ontre Michel, un <n,tre fil s, Antoine de Porta, dit de Comps. qui fut viguier, puis premier consul d'Avignon ct joua un grand rÔle dans cette ville à la fin du XV. siècle, ainsi qu'à Marseille dont il fnt viguie.r. TI mOUl'nt en 1494, après lwOir fait la ville d'Avi­l,'llon son héritière universelle. Le magnifique tombe,1U que celle-ci lui fit ériger est aujoill'd'hui mutilé et divisé, l'enfeu ct le soubasse­ment étant restés dans l 'église Saint-Didier de cette ville, tandis que le gisant en armure de chevalier et quelques fragments étaient traus­férés au Musée Calvet (aujourd'hui au Musée lapidaire) (13).

(3) La forme latine Lartessuli existait dcpui 1> le XIlIe siècle (Labande: Af,jgnon au XIII~ siècle, p. 306) j elle est employée couramment au XVI! (Laban de, Avignon au X Ve si~cle, p 17,23). Exceptionnellement, on trouve la forme Lartessucbii en 1436 (Arch. municip. d'AvÎ -

::o~'m~:l!e ll,~e~$out~3r:lid~: f~o3;cS~Ç;~'8~,n c:c.~~tel:~~â;:::·( l bi~.~Jn22'3~I~O~t 311'; )~~i~~o~~ Curt (t. Ill , p. 139, 16.h 200) dit Lartissul.

(.) Labande, /l f/jgnon au X IIIe siècle, p. 306. (s) Le l eT janvier 1500, il est procureur de la communau té de Caderousse dans un procés

crj(r;;n~~~~~~~, ~!i~i!:::,u XV~~7:;le~o~. ~~, note l , et 138, note I. Il es t confirmé dans ce~ fonctions par bref du pape Sixte IV, le 16 ma i 1475 (Arch. municip. d' Avignon, boite 97. nO 3334)·

(7) Labandc, op. cit., p. 546, HS, 549.

~!~ ~~:' i~~~~;'p~ 'I~~6~o~~t:, ~'t ~~~. '!t~;é!5~~rî~tde5~1~~~~js~1~~ ~iédicis n'eu rent plus à A\·i· gnon que des agents ou correspondants, tels que Miche! Dini, en 1479, ell liaison avec leur banque à Lyon (Id., ibid ., p. 18 et 259).

(10) Testament de Raymonde de Strau, veu\'e de Ver io de Méd icis (Arch. départ. de Vau·

cI(~el') ~:\:!~':i;, E~~tg:o~a;~inX~: ?ïf/ie,f;l: 2~1.4) . 31 ( j:?Il?ti~i:~o7n (~er:h~id~$p~dePj~:~ccl~~c~~~~af;:~:c ~;~df: IsM~trti~b~~~:c:~i. ~8)~i~~ ::p~!~lb~~ 14$9 (Ib id., Ill , fol. ~47), 7 juillet 1460 (IbId. , 11 2, à la date).

ci;~;:~e~'~~:2:!~'Tt~ d:;edé::;t~~;:n~, ~8~g,:o;., 7~~~ s dl~Sti;:;f~el~~~~uj . d~i!: r:,ér.~:,~:;e dé~l~:(: Catalogue Jlllwré, 1924, p. 58.

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188 .JOSEPH GmARD

Michel de Porta n'eut pas la carrière brillante de son frère; il n'exer­ç"" aucune charge publique ; sa vie matrimoniale ne fut pas heureuse . Les deux époux durent être séparés d'assez bonne heure. Dans un testament du 7 novembre 1460, Michel de Porta ne fait aucune aUu­sion à sa femme (14), tandis que celle-ci, qui rédige il son tour "fS

dernières volontés le 5 juillet 1463, ne mentionne son mari que pour lni enlever la tutelle de ses enfants « légitimes », - Madeleine et PiM­re , - ct l'administration de scs biens qu'elle confie l'une et l'autl'€! i, sa mère. Par contre, dans ce t estament, apparaît Pons Lartessu ti. encore simple bachelier ès-lois, à qui Thore reconnaît devoir dix-huit écus empruntés dans un mome·nt d'urgent besoin (15) et qu'elle fait Bon exécuteur testamentaire (16). L'année suivante, dans des actes du 9 féVI'ier 1464, on voit que Thore de Médicis a encore clmrgf ole ses affaires Pons Lm·tessuti (17) et qu'elle n'h:1bite plus ,\\'cc " .,n mari (li bis).

De ses relfltions avec Pons Lartessuti, elle eut trois enfants, Gabl'iel, Françoise et Madeleine, qui fnrent légitimés par lettres du "ardinàl Julien de ]:, Rovère, légat d'Avignon, du ~~ juin 1481, confirmée. par bref du pape Innocent VIII, du 14 juin 1485 (18). Dans ces act,l'~,

l 'ainé, Gabriel, est désigné comme laïc; mais il est déclaré susceptibl. d'être revêtu du caractère clérical et d'être promu 'lUX honnenrs ou offices séculiers. Il était sans doute décédé avant 150'1, car il n 'èH pas mentionné dans une nouvelle bulle de légitimation accordéB " (,ette date à ses deux soom's par le pape Jules II (19).

L'ainée des deux filles épous" Christophe Camot, lieutenant du viguier d'Avignon en 1500, viguier en 1503 et qui fit partie, nous l~

verrons, de l'ambassade envoyée pal' les Avignonnais pour prêter obédience à leut· ancien légat , Julien de la Rovère, devenu le pape Jules II (20).

)Ia.d.eleinc J.JartcsButi venait en troisième rang parmi les cruanti>

ct (:~ ::o~~~~eàils:aAi:!e ~~~~t;dk ~:~~!~i~~ ~Ii~ ~:~;i~~ad~u~~~efld:~l~ :~~ I:n~~~~sd~ ;::a;r~~~: ~~t~i~le, 1u'i~ fJ!~c)~ outre 50n bêriticr universel d son exéc uteur tC5tamentairc (Etude Ma r­

( 15) • Causa veTi mutui seu gracia amoris et in sua urgcnti nece~sitatc facti ~ . (16) Etud e Martin 739, fo l. 67.

:~ ~:~};n:~::~i~~JIIl~:i;è:C4~Cc:l1iC?:)~~~Sce~~~~:i~!~:c~9';~i,igpnr~~u~::: :eesT~e;:;~d~is~:li~ ;:: ips(;7T~:;a·h~bti~~ ~(;b}J~ef~7. ~~).o domini J ohanlli s de Cruc!.', licenciati in ]<'gibus, in l!u a

('Sl Boite 97, n O 33 17 et 33 18 . (19 Bulle du 26 oc~obre '504 {Boi te 97, n<J 33 19}. (2Q Lahande,op.clt.,p.S4o etS46.

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A PROPOS D'UN GRAFFITE 189

légitimés de Pons L~rtessuti et de Tbore de Médicis. Nous ne con­naissoIls pas la date de sn. naissance, pas plus que celle de ses frère et sœur. Lorsqu'elle épousera en 1492 Joachim de Sade, elle devait avoir suivant les régies eanouiques au moins treize ans; elle était donc née avant 1479.

Thore de Médicis était décédée en 1490 ; il est alors question d'un Pierre de Médicis, qualifié de " fils et héritier de Tbore de Médicis 1>,

dans des actes passés en 1490 et 1492 avec Pons Lartessuti (21). Pons La.rtessuti survécut longtemps à Thore de Médicis. I l testa

le 19 août 1507, en désignant pour ses héritières universelles" ses filles naturelles et légitimes ou légitimées », Françoise, épouse de Christopbe Carnot, et Madeleine, épouse de Joachim de Sade; il avait r .. it élection de sépulture en l'église des Dominicains, " derrière,la gmnde cbaire , (22). JI mourut sans doute entre 1512 (23) et 1520 (24).

* *. Le contrat de mariage entre Madeleine Lartessuti ct Joachim de

Sade porte la date du 31 janvier 1492 (25). La mariée n'est désignée que par son prénom Madeleine, fille de Pons Lartessuti, le nom de sa mère étant p"ssé sous silence. Pons Lartessuti constituait à sa fille une dot de mille écus d'or du roi de France sine sole, accompagnée de vêtements et de joyaux pour une somme de 200 écus du même coin; il s'engageait à. remettre, avant la. cérémonie du maria.ge, à Joachim de Sade, mille florins monnaie d'Avignon pour payer les vêtements nuptiaux de Madeleine, le reste de la dot restant il titre de dépôt en­t re ses mains. De Son côté, J oacbim de Sade reconnaissait à sa future éponse un augment de dot de 300 écus d'or ; - on sait que l'augment, était une somme, qu'en cas de prédécés du mari 1" veuve de.vait pré­le'n;l' sur la succession de celui-ci (26).

Deux ans aprés le mariage, le 6 février 1494, Joachim de Sade don­na quittance à son beau-père de 1200 écus d 'or sine sole représentant la dot de Madeleine et se décomposant comme suit : 1°) 333 écus 1 /3

(:ll) 6 février t490, vente à Pons Lartc5sutÎ d'une pension de vingt florins sur la commu-

::u3t:ot)c; ~v:;lId:ce~b~~1l~:9;:ganc~a~e d~~~~ ;~;:.::s deu 2ifi::l~~ ,:: faa~:%~~~~~t~BJ:~ej~r; d'Avignon, so.uscrite au profit de Pons Lartcssuti, par Pierre de Médicis, pour le prix de 60 <écus d'or (IlJld., nO 3306).

(21) Boite 97, nO 3336. (23) 17 février ISlZ (Bibl. d'Avignon, ms. 4381, fol. 45 v o) (l. ... ) 19 octobre 1520 (Etude Pons 2078, fol. 99)'

f:J~ :~i~u~I~~c~OD~!~/~omQin et pratique méridionale au Xpu siècle. Eliemu Bertrand, '-9371 in-8°,p·J3I.

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190 JOSEPH GIRARD

Vu.h1nt mill e florins d 'Avignon l'e<:us :lV:1nt la. célébration du ma,ria,gr ; ~Q ) 733 écus 1 /3 employés ell "cbr,t de pensions SUI' diverses COIl1-

muna.utés (Ta,ra,scon. Yedènes, S~llHS . Pertuis, les Juifs d'Avignon) ; :;0) ]33 écus 1 /3 en bijoux (27).

Après son ma.tÎn,ge, Joachim de Sade remplit des fonctions muni­O"ip<1les ; il fu!; élu maHre des l'ues (·n 1-194, m"ltre des victuailles l ' Il

1497 (28). Sa. sœur puînée, Annette de Sa.de. îtvait épousé en secondes no(~cs

Piene B<troncelli, constructBur de la, belle maison gothique appelée "ujourd'hui le Palais du Roure. A.près la. mort de Pierre Baroneelli. dont il fut un des exécuteurs tcstamenta,ires, Joachim de Sade assista· ti il sœm' dans le l'églemcnt de ses affaires et notamment, le 3 septem­bre 1499, il figure, :wpc son beau-père P ons L&rtessuti dans 1:.1 qui t ­t.~nee qu'Annette de S"de donne de son 'lUgment de dot de 1000 fl o­rins versé p.M.' Julien B:M'onceHi, fils en premières noces de Pierre Eil, ~

,'oneelli' (29). Nous ne savons l'ien sur lc-s comportements du lTl.énage de Joachün

<le S"de et de Madeleine Lar tessuti dans les années qui suivent. On ,"oit J oa,chim de Sade "dministrer 1:1 dot de Slt femme (30) . En 1500, il fait son test·:-::m ent en désignant )fadeleine pOUl' son héritière uni·· vel'selle, à condition qu'elle ;."!,ssocie ses m'mes à celles de son mari. - elles seront ainsi mi-pltr ties (dispartite), - et qu'clle se fasse "ppe-1er" M"deleine de Sacle alias L"rtessuti » (31 ).

Cette dernière prétention ne devait guère convenir à ~li1deleine qui n'oubliait p"s qu'olle était fille d'une :Médicis et entretenait des l'da­j'ions avec l'illustre famille. Le 2 octobre 1500, Piorre de Passis, pro­f:.ureur du cm'dinal J ean de Médicis, - le futur Léon X, - se substit.lw Madeleine Lr.,rtcsButi pour l'éclamer ct recevoir des hoira de JeaH i\fatheron, docteur ès lois, d'Aix 11 deux mules du dit l'evérendissin1t~

(·'.Lrdinn.l confiées an di t Mathel'on, à. Florence )) ou, à, défaut des mules. percevoir leur légitime prix (32).

L'fLnnée suiv Uinte, j\iadeleine Yimd à. Pierre de ):Iédicis, àe Flol'enc'(', et à Henri Doda , de Gênes, 31 pièces d'or ( dites médailles antiques u.

deux f( coquillC'l) de perle» ét une pe.ti te chr\line. d'or. BIle remet cp.~

(27) Boite 97, nO H $2. (28) labande, A 'iJigllon 11/1 'yVe sii<lr, p. 559-560. {29) Etude de Beau lieu ,o.p, fol. 163 v". (30) En 1+98, il donne quittance de la pension de la ( ')mm unauté de S~ lla s (Etude Pu n·

' 402,101. 13)· (31) + avril '500 (Etude Puns 1403, fol. ICJ \."). (32) lbid., fo l. 4<J vo.

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A PROPOS D 'UN GRAFFITE 191

objets à Thomas Doria et Georges Vento, marchands de Gênes , ha ­bitants et citoyens d'Avignon, qui lui versent le prix, 200 écns d 'or, suivant la lettre d 'avis l'eçue des deux lICbeteUI's (33) .

La situation dn ménage devait être assez obérée, cal' quelques ail ­nées plllB t ard, quand Madeleine Lartessuti rejoindra son mari à Ro­me, elle aura recoUI'S à sa belle-sœUI', Mme Baroncelli, à qui elle em ­prnntera 30 écus d'or sol en lui donnant en gage une bagne d'or garnie d'un diamant et d'une pierre qui fm'cnt par la suite reconnus c( fau x et de nnlle valeUI' li (34).

Dans qnelles circonstances sc fit ce départ pOUI' Rome ? La réponse à cette qnestion, - celle de Madeleine Lartessuti, - nolis est fOUI'nie par les mémoires que déposeront pins tard ses procnreurs dans les procés qu'elle entreprendra pOUI' obtenu la restitut ion de sa dot extorqnée, selon ses dires, par son mari (35).

Ces docnments font ét at en premier lien des relations du ménage avec GaJéot Franciotti de la Rovère, n~ven et Iientenant à Avignoll de son oncle le cardinal-légat Jnlien de la R ovère. Galéot Franciotti, évêqne de Savone, exerçait les fonctions de vice-légat, - titre qn'il fut le premier à porter, - et de recteur dn Comtat. Il avait fait son entrée solennelle à Avignon le 19 mai 1502. Aprés l'élection de Jules II, il snccéda à celui-ci comme cardinal de Saint-Pierre-ès-Iiens et quitta Avignon le 18 décembre 1503. Il passa par Lyon " pour visiter le roi de France)) avant de rentrer en Italie. Une « ambassade)) avignonnaisc , dans laquelle sc trouvaient François Baroncelli et Christophe Carnot, - celui-ci, on s'en souvient, beau-frère de Joachim de Sade, - l\('­

eompagna le nouveau Cardin,,] dans sou voyage ; elle allait l'endre hommage, an nom de la ville d 'Avignou, a u pape Jules II, son a ncien légat (36).

J oaehÎln de Sade faisait partie, non de l'am bass:1de, mais de la suite personnelle dn cardinal. Pend:1nt le séjoUI' it Lyon, l 'éminent personnage acheta, nous rapporte un des mémoires précités, une

a!~ 5~~~~t~:r~~~e~~9 d~ l:a ~~~r~ J::chl:ild~s~~dc se décida à prendre l'engagement de rembourser les 30 écus si mal gagés. Il ne s'était pas encore acq uitté au décès de sa sœ ur et les trois filles de cclle ~ci héritèrent de ce tte créance. L'une d'ellcs Jeanne Baroncclli donn a

:;~~:~~~' !: IJr~~l~~I:e r:;:~~:eJt~:~~~ ;~n~a~~SJ,°f:l.s~ i;)~t des 3° écus, la bague litigieuse

( 35) Boite 97, n OI 3486, 3488, 3490 j ce ux qui sont conse rvés SQ US ce dernier n O sont lc ~ plus détaillés.

(36) Labande, op. cit., p. 53z-S33, 54°-541-

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boite pleine de joyaux et de pierres préeieuses qu'il ~ n,-oya à Madt,­leine Lartessuti, au vu et su do Bon ma.ri (37). Il lui expédia en mêmt' temps une « belle mule Il pour la conduire i" Rome. I\fad-el{"ine IJartes­suti se mit en route, escortée par Robert d~ Nydi~, prévot de l 'é~li""

de Marseille, de Vincent Batenet, chanoine de Saint-Didi,,' <l 'Avi­gnon (38), et de « divers a mis en qui son époux a "ait confiance H.

Lorsqu'il fut avisé de sa prochaine arrivée, J oachim de Sade alla "u-devant d'elle et la conduisit dans la maison qu' il habitait à Rome, où ils vécurent tous deux pendant trois ans, le mari s'absent,l,ut tou­tefois à diverses reprises pour faire des séjours à Axignon . LC'fS mé­moires pl'écités lui font grief de ces absences pelld:t.nt lesqul'1lca sa femme était « laissée (derelieta) avec le l'evérendi.%inw Cardinal dl' Saint-Pierre-ès-liens, nevou du pape Jules II ".

Pendant cetto période, Madeleine I,al'tessuti fut l'objet d'un vol important qui montre combien sa situation avait thangé. Elle In-ail,

à Rome maison monté<~ avec chapelain, femme <1(:> clw .. mbl'l' . etc. I.~ premier, Philibert Tonning, prêtre du diocèse dt Chartres, et la. se­conde, Marion Billard, lui dérobèl.'ent un sac contenant. 800 ducat.s d'or larges (lot deux anneaux, ornés l 'un d.'un diamant I( (.'"n table et à facettes n, l 'autre d'une émera.ude « en t.a.ble Îort. grande J) . les dits bijoux payés 600 ducats à un joaillier "énit·ien nomm,' Audr;\ Mer­catel (?), Au moment du vol, dit une déposition de la chambl'il' I'e, la dame de logis se trouva.it « en présence l) dû Louis Rossi :. ee dernier. alors protonotaire apostolique, fut plus tarcl pl'Omu :tll cardinalat pal' son cousin germain, le pa.pe J.éon X . Les deux complie('s s'enfuit'ent en France où ils fUl'ent arrêtés, mais ils offrirent, l'un des bijoux i\

princesse d'Orange, l'autre à la duchesse clc Nemo urs, qui les firent « eschapper et saillir hors de pl'ison » (39). En '15.19, ~bdelcinc LaJ'-

(37) •... Seeumquc duxit dietu~ quondam J 03chimum, eius maritum = e~ t'od.cm prnc ilte. emit unam boetam plenam joeahbus et lapidibus preeiosis, quam boctam eum 111i$ jocalibu! misit ad eaudem dominam Magdalenam ... , presente et eOIl ~e ntîentc sc mFt'r dicto quondam dus marito ... ,. (Boite 97, nO 3490).

(38) Victor Batcnet fut ensuite chanoine de la Métropole d'Avignon . En 1513~ i l fit J oachim de Sade son héritier universel, en même temps que Martin Roquete, prêtre, eqllis partibus. (Boite 97, nO 3308).

(39) 7 avril 1507, déposition de la femme de chambre, Ma rion Billard, dc\'ant le garde des sceaux de la châtellenie de La Cbapelle-Ia-Reine (Seine-et-Marne); le vol avait eu lieu deu% an$ auparavant (Boite 97, nO 3335)' A cc document, est jointe ulle note rés umant l'affaire, note postérieure au 6 juillet 1$17, date de la promotion de Louis Ro!~ i qu i y es t mentionne 41 vecsontitreeard ina lice (IhJd. )

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A PROPo.s n'UN GR~Fl'ITE 193

tessuti poursuivait encore la récupération des pièces et bijoux: volés, mais on ne sait si elle finit par l 'obteuir (40).

Nous ne savons rien sur Joachim de Sade jUlqu'au 28 mai 1510. C'est alors, au cours d'un de ses séjours à. Avignon qu'il fut nommé capitaine du Palais.

Le cardinal GCOfges d'Amboise, légat d'Avignon, était mort il. Lyon le 25 mai 1510, d'une « goutte remontée Il (41). Dès l 'annonce de ce décès, le 28 mai, le conseil de ville se réunit pour prendre des mesures pour assurer la garde de. la cité et du Palais apostolique, afin d'éviter que cet édifice ne fût occupé par de « mauvaises gens li au détriment de l'obéissance et de la soumission dûes au Pape et à. la Sainte Eglise romaine, allusion aux incidents et aux diificultés qui avaient marqué les précédents changements de légat (42). Le Conseil désigna donc une délégation qui, de concert avec les consuls, se réuuit le 1er juin, pour nommer noble J oacbim de Sade, damoiseau d'Avi­gnon, comme « capitaine ayant la garde du Palais et de sa porte d'en­trée avec douze hommes fidèles et idoines ». Le lieutenant du viguier ayant reçu le serment du nouveau capitaine, les consuls et les délégués se rendirent aussitôt au Palais où ils furent reçus, « dans la chambre neuve existant entre les deux: galeries Il, par J ean Arzellier, docteur ès-droits, chanoine de Vienne et lieutenant du légat, à. qui ils sigui­fièrent la nomination de Joachim de Sade comme capitaine du Palais. na réclamèrent en même temps la délivrance des clefs que détenait Bernard de Panet, capitaine du Palais au temps du feu légat, rem­placé il. cette heure par Michel Rousset, vice-capitaine. Le lieutenant du légat donna aussitôt ordre il. ce dernier de remettre toutes les clefs l'éunies en trois sacs ou trousseaux (in tribus ma .. iPulis sive molonis ) ; les dites clefs étaient au nombre de vingt-sept, tant grandes que petites. Dans un des sacs, se trouvaient les clefs des portes d'entréc, claves portarum ingressus ; dans un autre, les clefs de « la porte vers l'église Notre-Dame-des-Doms Il (43) et daus le troisième, les clefs du

(40) 18 juillet 1519, procuration 1 Bertrand d'Ornesan, baron de Saint-Blancard, pour ré-

c u&~)eJ. IF:r:~~;,t~:s~;:T~ ~~b~:~: ~!'!a~f}.·~ et de la ville d'Avi,,,o" , édit. Duhamel, t. 1er,

p. d~~'sur Je. incjdents qui avaient . uivi le décès du cardinal Pierre de Foix (146.) et lur ceux qui avaient marqué le remplacement de Charl~8 de Bourbon par le cardinal Julien de

~aw~t~è::,~~7r;f v~~pt:i~~~dd~ ~~~i;nA';os!t:q'u:'~IAvri/r! ~tu s~;;~ !il~l:,t ~~~~. Ann~l;~ J'Avignon, 1930, p. 45-69.

(43) La porte Notre-Dame, située dan. l'angle nord-ouest de la cour d'entrée du Palai •.

' )

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.JOSEPH GIRARD

verger et celles de « la partie inférieUl'e du côté de hl ruu située sou' la Vice-Gérence et conduisant va"s la collégiale de Saint-Pie.rre » (44)

Les clefs remises fL Astorgc de Pasais, premier consul, furent aussitôt confiées à Joachim de Sade qui en donna quittance ct promit de n" lesl'endre qu'à un délégué ,lu Pape ou de la Sainte Eglise romaine (·15) .

Rober t de Guibé ou de Vitré, Cardinal-évêque de Nantes, fut nOIll­mé légat d'Avignon, non au début de 1511, comme on le dit généra­lement, mais seulement le 6 jlùllet 1513 (46), Néanmoins, sans qu'oll en sache la raison, les fonctions de Joachim de Sa,le au Palais deo Papes ne dUl'èrent que quelques mois (47). Ce fut assez pour qu'il traçat, daus la chapelle Sa,int-Martial, le grMfite que nous avon.­reproduit au début de cet article, Comme cc graffite n'est pitS le seul. - on en a relevé un de 1498, pluBicUl's du XVIe, du XVIIe et du XVIIIe siècle (un daté dc 1745 et un autre de 1755), - il faut croire que, contrairement il l'opinion courante, un plancher ,,,"ait été réta­bli, à l'étage de ['"ncien grand Tinel , aprés l'incendic qui ,,,,,ût détruit en 1413 l',,ile du Consistoire.

* *=!c

C'est quelques années pluB tard que se produisit ht )'upturc défini­tive cntre Joachim de Sade et Madeleine Lartessuti. Les mémoirp,\ cités précédemment nous fouruisBent la version de celle-ci. Ils assurent que «, sans avoir donné aucun sujet de plainte à son llllld )l, elle se vit désormais l'objet de mauvais tr"itements de la part de ce dernier . qui cessa bientôt d'habiter ave" elle ct refusa même de lui fouruir viVl'es et vêtements. Ensuite, désireux dc s·"pproprie1' 1 •. dot de Sil

femme et notamment les pensions qui en faisaient partie, il l'obligea à signer une « transaction» par laquelle elle l'cconnn.issait n,voil' re çu l'équivalent de sa dot en bijoux et joyaux, ce qui était m"nifestement faux, soutenaient les mémoÎl'es : ceux qu'elle possédait lui venaient. précisaient-ils, poUl' une petite l,artie, - jusqu'à 150 écus , - de son père et pour la plus grande partie de feu le cardinal Galéot Franciotti de la Rovère, neveu du pape Jule~ n, (48), no tamment uno croix d"

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A PROPOS D' UN GRAFFITE 195

dj"mnnts, mentionnée dans hl tTansaetion et qui avait été acquise, par Je généreux Cardinal, de J érôme Gentil, banquier à Rome.

La crainte de son mari et la faiblesse naturelle à sou sexe, a·ffirment les mémoires précités, conduisirent Madeleine Lartessuti à céder. Le 15 mai 1514, elle sign" dans l'église romaine des Augustins, là (, tranga,ction » présentée Pê1.l' son 111arÏ. Par cet acte, les deux époux reconnaissaient qu'ils ne pouvaient « cohabiter tranquillement et pacifiquement en se tr;'it'lnt mutuellement avec une a.ffection conju­gale l'. En conséquence, ils décidaient de se séparer; Madeleine don­lL'1it quittancc à SOIl mari de 1200 écus d'une part et de 250 ducats de l'autre sur le montant de sa dot (49).

R,ien ne retenait désOl'mais Joachim de Sade à Rome. Mais se trou­vant sans ~l'gt:n t liqnid(l, il eut recours a,lors à un neveu de feu Bon beau-frère Pierre Baron(~clli . Ce neveu, Jacques Baroncelli, qui réai­dait habituellement à Rome, lui prêta 44 ducats d 'or de la Chambre apostolique, pour lui permettre d'achever de régler sa dépense et celle de son serviteur; la reconnaissance de dette en provençal portait la da.t·e du 25 mai 1514 et était signée de J oachim de Sade (Joachim de Sauze) ; il était spécifié qu'elle semit remboursée à Avignon à premièr" réquisition. Ellc ne le fut pas, ear, le 25 septembre 1516, J acques BaronceIli, alors en séjoUl' à Avignon, fit comparaitre en la Cour t.emporelle Jor.chim de Sade et lui présenta la reconnaissance de (lette en lui demandant s'il reconnaissait l'avoir écrite et signée. Joa­chim de Sade fit alors une réponse stupéfiante, admettant avoir écrit et signé ht cédule, mais dér1<trant que le contenu en était faux et refu­sant de payer . J acques Bm'onceIli fit aussitôt dresser acte de cette carenee (50) ; mais nous ne savons ce qu'il " dvint par la suite à ce sujet.

L'incident n'empêcha p'," ,Joachim de Sade, qui avait été viguier {l'Avignon _en 1515-1516, d 'asGumer ensuite les fonctions de prem;cr consul (1517-1518). A ce deruier titre, il fut, au cours d'une peste, délégué par le Conseil de ville pour portel' à la chapelle de Sainte-Croix, a u sommet du Mont Ventoux, un cierge propitiatoÎl'e. Accompagné de quatre prêtres ct du courrier de la ville, il fit l'ascension le 6 juin lIH8 (51).

A cette époque, Madeleine LartesButi avait quitté Rome, - on ignore les rn,isons de ce (lépart, - ét s'était rendue à Marseille. Une

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196 JOSEPH GIRARD

j'econnaissance de dctte en sa faveur la montre installée dans cette ville depuis au moins le 7 avril 1518 (52). Le 18 juillet 1519, elle y donne procuration à Bernard d'Ornesan, baron de Saint-Blancard, pour poursuivre la r écupération des pièces et bijoux qui lui avaient été volés à Rome en 1505 (53). On ne sait comment elle était entrée en relations avec ce nouveau « consolateur ». Appartenant il une vieille famille de Gascogne, Saint-Blancard était il Marseille officier de ga­lères ; il fut plus tard vice-amiral des mers du Levant (1521-1525), puis général des galères (1530-1540) j François 1er le fit Marquis de·s Iles d 'Or en 1531 (54). A ses côtés, Madeleine Lartessuti joua, pen­dant prés de vingt ans, le rôle de commanditaire et d'associée, de " dil'ectrice commerciale des armements et des prises ». Elle conquit "insi une place de premier plan dans le commerce ct l'armement marseillais, ainsi que l'a démontré magistralement J. Billioud (55). Elle recevaiit des lettres royales, mais avait aussi conservé de puis­santes relations il Rome, comme le prouvent les faveurs pontificales dont elle était l'objet (56); elle se faisait appeler alors Madeleine <le J, al tessutis ou Madeleine Lartessuti de Medicis (57).

Pendant son long séjoUl' Il Marseille ct malgré ses multiples activités ùr.ns cette ville, Madeleine Lartessuti n'avait pas oublié son princi­pal grief contre son mari, la « transaction » passée en 1514 par laquelle clic avait renoncé à sa dot. Dès 152·5, elle avait obtenu du légat d'Avi­gnon, le c~n·dina.l François de Clermont, une ordonnance annulant. üetto transaction, Il elle arrachée, y était-il dit, par fraude et par vol, en abusant de la faiblesse de son sexe ct de l'affection qu'elle portait Ù· son mari ; elle était relevée de son serment, car « juramentmn, sou­ligMit le légat, non debet esse iuiquitatis vinculum » (58). Cependant, cette revanche âprement revendiquée et enfin obtenue, Madeleine Lartessuti ne l:1 fera valoil' qu'aprés la mort de son époux. Celui-ci poursuivait cependant il Avignon une carrière municipale honorée. i

il est encore premier consul en 1525-1526 ct en 1533-1534 (59).

(52) J. Billioud, Histoire du Commerce de Marsûlle, t. [II, p. 223. (53 ) Boite" 97, nO 3339· (54) Jean Vulllet, BtrlTand d'Ortlt%all , marguis des lIts d'Or, Toulon, 19j9-'9H: in-tz (55) J. Billioud, loe. cit., p. 223-114. (56) Bref d'immunité par Léon X (14 septembre 1510), confirmé par bulle de Clêment VII)

en mai 1537 (Boite 97, nOI 334 1 d 3405), (S])zlfévrierI51o(lbid. no334o). (58) 19 septembre 151.5 (Boite 97, nO 3484.)­(59) Boite 7, coté DD.

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A PROPOS D'UN GRAFFITE 197

C'est à la fin de cette année 1534, que Madeleine Lartessuti se ma­nifeste de nouveau dans la vie de son époux. Elle devait avoir alors 55 ana; ses relations avec Saint-Blancard étaient sans doute re­lâchées, - il était malade et devait mourir le 19 mars 1539 (60) -Elle aspire alors à revenir finir son existence à Avignon; toutefois elle redoute le ressentiment de son mari. Mais n'était-elle pas toujours très protégée ? Le bienveillant cardinal de Clermont était encore légat. On fait donc comparaltre Joachim de Sade devant le notaire de la ville, Girard Henry, et on lui fait signer une déclaration par la­quelle il accepte que sa femme vienne résider à Avignon ; à condition qu'elle y vive « honnêtement et honorablement li (honeste et honorifice), il promet de ne la molester ui inquiéter, pour quelque cause que ce soit; en garantie, il engage tous ses biens présents et à venir (61). Ainsi assurée, Madeleine Lartessuti était, dès 1536, de nouveau installée à Avignon et continuait à s'y occuper d'affaires (62).

De Joachim de Sade, il n'est plus désormais question jusqu'à sa mort survenue en 1539. TI avait fait son testament en 1534, instituant pour son héritier universel son cousin et filleul, Joachim de Sade, seigneur de Mazan (63). Celui-ci qui avait embrassé la carrière juri­dique (64) avait été reçu conseiller au Parlement d'Aix en 1530 (65). D'après Pithon-Curt et Barjavel, il serait mort en 1538, noyé dans le Cala von, en allant de Saumanes à Aix (66), ce qui parait manifeste­ment une erreur, parce qu'il n'est remplacé dans sa charge qu'en 1555 (67). Pithon-Curt et Barjavel paraissent donc avoir confondu les deux Joachim de Sade, le mari de Madeleine Lartessuti et son cou­sin, le conseiller au Parlement. Faudrait-il croire alors que ce serait notre Joachim de Sade qui se serait noyé dans le Calavon ? Le fait qu'il est mort au Thor n'est pas pour infirmer l'hypothèse, car, au XVIe siècle, le Calavon traversait encore le terroir du Thor pour se jeter dans la Durance à Caumont (68) .

(60l Boit, 97, n' 35°4· . (61 Ibid. , nO 3485. (62 En septembrt: 1536, elle traite avec la ville d'Arles d'un achat de mille sextieu de blé

(Ibid., nO 3402) j voir aussi pour les ann~el suivante' nOI 3409 (1538), 3422 (1540), etc.

~:!~ ~i~~~ndftu~7u~ia!~J~nPdr~~~·::~ 5 la (E tude Pons 1409, fol. 86), docteur h-droits cn '510 (Bibl. d'Avignon, ms. 4080, fol. 1), en 152-7-1530 (Etude Pons 106" fol. 38 VO), etc.

(65\ Marquis de Boisge1in, Cbronologu: des otluiers des cours sou"Deraines de PrOfJence, p. 4l:1. (66 Pithon-Curt, t. III, p. 181 j Barjavel, DlCt. blogr. du départ. de Paucluse, t. II, p. 375.

5ol:!nct~1::~~~1e;!~~i:i~h::!~;: ~~~~:~~(~~~~~~icl:t~~la;eo~{.bLi:~:tê::r:~~d:s~o~::!:!~ teur du Mu séum Requien à Avignon).

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198 JOSEPH GIRAUD

Sinon les circonstances, tont a Il moins lé lieu et la dat,e <le la mort, de Joachim de Sade, nous sont connus par un acte juc1ic~ iHirc ; une décision de la Cour tcmporelle d'Avignon fllt on effet rendue, à la requête do la veuve désireuse ùe toucher l'augment de dot auquel son contra.t de mariage lui donna.it droi t, ce qui ne pOllvait, se faire qu'aprés constatation officielle du décès de son mari. En conséquence, clle fit comparaitre 10 20 déeemhrc 1539 le gill'dien et, des rcligieus du couvent des Cordeliers d'Avignon qui certifièrent que Joachim de Sadc était mort au Thol', diocèse de Cavaillou, au début de septem­bre, qu'ils étaicnt ttllé chercher son corps et l'avaient ensc l'eH dan~

leur église, dans la chapelle Sainte-Catberine (69). Madeleine Lartcssuti survécut quelqnes années à son mari, occupée

à poursuivre contre l 'héritier de celui-ci ln restitution de sa dot (70)

Le 21 janvier 1543, retirée à Chl1teaUDelÛ d~ Girau'd Amie (Chât ca,u· neuf-dc-Gadagne), clle fit son testamct en faveur de l'hôpit:>1 Saint,­Bernard (bôpital Sainte-Marthe) d'Angnon, pour un t iers, et pOU l' les deux autres tiers, eu faveur du fils du bill'on <le f;.lint-B1aneard et de sa propre nièce, Madeleine Vento, femme de Pie.l'l'C I snal'd. de Salou (71). Elle mourut peu aprés, entre le 25 marS (,1 bis) ct le 30 avril 1543 (72) ; selon sa volonté, elle fu t inhumée clans le tombeau qu'eHe avait fait construire chez les Dominicains d'Arignon, cha])ellt~

de Saint Vincent Ferrier, « derrière la grande ehaÎ..re J). où son -pèr<l reposait (72 bis).

Il reste aujourd'hui, comme souvenirs des ùeux singulier.') époux: dont nous venons d'esquisser l'histoire: de l'un, le graffite du Pala.i~

des Papes; de l'autre, l'énorme caisse, - la boite 97, - contenant ses archives, conservée dans la tour de la Campane, !I ll Palais des Papes, et au Musée Calvet, un magnifique luanuscrit e·nluminé du Dém'et de Gratien, du XIV. siècle, donné l'al' elle au couI'cnt des Célestins d'Avignon et sur lequel elle avait f.tit " jouter ~N al'lnoirie~,

mi-parties cles Laltessuti ct. des Mé,licis (73).

169; Boite 97, n O 3489-70 Ibid., nOs H86-3499 j Etude Pon~ 1977. fol. ::;04-71 Etude Pons uu, fol. II, et 1213 fo l. 6.j. VO.

(71 bi,) Date d'un codicile (Ibid. 12.12, fol. 2() )

,J . GIR..\HD

g~)bP,)j. ~!a~d~i:rJ;.c~e~nuti~,e~~,~~:;~e,: ~oer:~~~tr~.~:~~!;n~:';:~i~~l.l.~t" i:"OIl, d)n' Co'rgr,~$ IlTcbéologique, I909,t. Il ,p.JI8.

(73) Bibl. d'Avignon,. ms. 6S9 . Ce, a rmoiries ont été r..:produitcs- par .1 . Rilli ,wc!, Hi#oirt . tlu Commerce de Maruille, tome III, p, 160- 161