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62 | | V12N5 JON SILVER, PRÉSIDENT, LES ALIMENTS UNIQUE Un Montréalais et sa vision désaltérante PAR MARTIN LEMIRE, L’ACTUALITÉ ALIMENTAIRE À PARTIR DE SON QUARTIER GÉNÉRAL SITUÉ DANS UN ARRONDISSEMENT BRANCHÉ DE MONTRÉAL, JON SILVER DIRIGE UNE SOCIÉTÉ TOUT AUSSI BRANCHÉE. LANCÉE EN 1996 PAR LES DEUX FRÈRES SILVER, JON ET JOSH, LES ALIMENTS UNIQUE DISTRIBUE ET REPRÉSENTE PLUSIEURS PRODUITS STYLISÉS DU SECTEUR DES BOISSONS : EAUX VITAMINÉES, BOISSONS GAZEUSES VINTAGE, EAUX PROTÉINÉES, EAUX DE GLACIERS ET PLUSIEURS AUTRES. ENTREVUE AVEC JON SILVER. L’ histoire entrepreneuriale de la famille Silver a débuté au Canada par l’arrivée du grand-père Leonard Silver à Montréal, en provenance de l’ex-URSS, dans les années 1910. « Mon grand-père a fondé Leonard Fruits, un petit commerce de fruits et légumes. Au fil du temps, il a pressenti un besoin pour le secteur des services alimentaires et s’y est consacré. Il fut d’ailleurs l’un des importants fournisseurs des Forces armées canadiennes durant la Seconde Guerre mondiale, notamment pour la préparation du départ des troupes », raconte Jon Silver. Leonard Fruits a alors fait place à Alimentation Silver, à la fin des années 1940. Le père de Jon, Brahms E. Silver, y a fait ses classes, pour ensuite en occuper le poste de président pendant 33 ans. « Alimentation Silver a été la première entreprise de services ali- mentaires à utiliser les fruits et légumes surgelés. Il fallait être assez audacieux à cette époque, raconte Jon. L’entreprise a également été le premier distributeur en importance de produits Kraft et Heinz au Québec. » La recherche de l’innovation semble être de toute évidence une belle histoire de famille chez les Silver. L’autre lignée familiale a également le volet entrepreneurial déve- loppé. Le grand-père maternel de Jon, Joseph Schinasi, a eu le privilège de faire partie de l’histoire de Montréal, dans le domaine de la menuiserie, en étant un des « artistes » du bois ayant fabriqué les sièges de l’ancien et emblématique Forum de Montréal. Rien de moins ! Difficile de ne pas demander à Jon s’il en a conservé un en souvenir, à la suite de la vente des ces saints sièges : « Malheureu- sement non… j’étais trop jeune pour réaliser ce qui se passait ; mais qu’à cela ne tienne, j’ai mes billets de saison pour les Canadiens ! » L’ÉCOLE DE LA VIE Sans vouloir tomber dans le patriotisme ou la politique, Jon a tou- jours été fier de maîtriser l’anglais et le français. Jeune étudiant en sciences politiques à l’Université Concordia, il a même choisi de faire un échange afin d’aller étudier en France durant une année, à Villefranche-sur-Mer, une décision sûrement liée au fait que sa mère a été professeure de français pendant 42 ans. C’est d’ailleurs au retour de son escapade outre-mer qu’il a pris la décision de demander à son père s’il pouvait se joindre véritablement et formel- lement à l’entreprise familiale. Il voulait apprendre de son père et de son grand-père. « Mon grand-père a été actif au bureau jusqu’à 94 ans ! Il était vraiment inspirant. Je voulais poursuivre la tradition familiale », raconte Jon Silver. JON SLIVER

JON SILVER, PRÉSIDENT, LES ALIMENTS UNIQUE · a eu un coup de foudre pour les produits Stewart’s, des boissons gazeuses vintage aux saveurs d’origine, dont le succès a débuté

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CAHIER SPÉCIAL

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GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

JON SILVER, PRÉSIDENT, LES ALIMENTS UNIQUE Un Montréalais et sa vision désaltérantePAR MARTIN LEMIRE, L’ACTUALITÉ ALIMENTAIRE

À PARTIR DE SON QUARTIER GÉNÉRAL SITUÉ DANS UN ARRONDISSEMENT BRANCHÉ DE MONTRÉAL, JON SILVER DIRIGE UNE SOCIÉTÉ TOUT AUSSI BRANCHÉE. LANCÉE EN 1996 PAR LES DEUX FRÈRES SILVER, JON ET JOSH, LES ALIMENTS UNIQUE DISTRIBUE ET REPRÉSENTE PLUSIEURS PRODUITS STYLISÉS DU SECTEUR DES BOISSONS : EAUX VITAMINÉES, BOISSONS GAZEUSES VINTAGE, EAUX PROTÉINÉES, EAUX DE GLACIERS ET PLUSIEURS AUTRES. ENTREVUE AVEC JON SILVER.

L’ histoire entrepreneuriale de la famille Silver a débuté au Canada par l’arrivée du grand-père Leonard Silver à Montréal, en provenance de l’ex-URSS, dans les années 1910. « Mon

grand-père a fondé Leonard Fruits, un petit commerce de fruits et légumes. Au fil du temps, il a pressenti un besoin pour le secteur des services alimentaires et s’y est consacré. Il fut d’ailleurs l’un des importants fournisseurs des Forces armées canadiennes durant la Seconde Guerre mondiale, notamment pour la préparation du départ des troupes », raconte Jon Silver. Leonard Fruits a alors fait place à Alimentation Silver, à la fin des années 1940. Le père de Jon, Brahms E. Silver, y a fait ses classes, pour ensuite en occuper le poste de président pendant 33 ans.

« Alimentation Silver a été la première entreprise de services ali-mentaires à utiliser les fruits et légumes surgelés. Il fallait être assez audacieux à cette époque, raconte Jon. L’entreprise a également été le premier distributeur en importance de produits Kraft et Heinz au Québec. » La recherche de l’innovation semble être de toute évidence une belle histoire de famille chez les Silver.

L’autre lignée familiale a également le volet entrepreneurial déve-loppé. Le grand-père maternel de Jon, Joseph Schinasi, a eu le privilège de faire partie de l’histoire de Montréal, dans le domaine de la menuiserie, en étant un des « artistes » du bois ayant fabriqué les sièges de l’ancien et emblématique Forum de Montréal. Rien de moins ! Difficile de ne pas demander à Jon s’il en a conservé un en souvenir, à la suite de la vente des ces saints sièges : « Malheureu-sement non… j’étais trop jeune pour réaliser ce qui se passait ; mais qu’à cela ne tienne, j’ai mes billets de saison pour les Canadiens ! »

L’ÉCOLE DE LA VIESans vouloir tomber dans le patriotisme ou la politique, Jon a tou-jours été fier de maîtriser l’anglais et le français. Jeune étudiant en sciences politiques à l’Université Concordia, il a même choisi de

faire un échange afin d’aller étudier en France durant une année, à Villefranche-sur-Mer, une décision sûrement liée au fait que sa mère a été professeure de français pendant 42 ans. C’est d’ailleurs au retour de son escapade outre-mer qu’il a pris la décision de demander à son père s’il pouvait se joindre véritablement et formel-lement à l’entreprise familiale. Il voulait apprendre de son père et de son grand-père. « Mon grand-père a été actif au bureau jusqu’à 94 ans ! Il était vraiment inspirant. Je voulais poursuivre la tradition familiale », raconte Jon Silver.

JON SLIVER

CAHIER SPÉCIAL

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GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

ENTRETIEN CLASSE AFFAIRES AVEC JON SILVER

Peu de temps après, au début des années 1990, Alimentation Silver a été vendu au Groupe Oshawa, qui a fait l’objet d’une série de transferts de propriété pour se retrouver au sein de la compa-gnie Sysco. Dans cette aventure, Jon, qui maîtrisait l’anglais et le français, était un précieux atout pour l’organisation, et c’est vers lui que tout le monde se tournait dès que venait le temps de transiger et de tisser des liens solides entre le Québec et le reste du Canada et des États-Unis. À cette époque, les francophones se comptaient sur les doigts de la main dans l’entreprise. « Dans mon milieu, au Québec, ça se passe beaucoup en français, et je suis fier d’en faire partie. » Jon est resté quelques années en poste avant de véritablement s’enflammer pour une passion qui l’habitait déjà depuis un bon moment, ce qui l’a conduit à lancer la compagnie Les Aliments Unique.

COUP DE CŒUR VINTAGE : STEWART’SÀ l’occasion de la visite d’un salon commercial aux États-Unis, Jon a eu un coup de foudre pour les produits Stewart’s, des boissons gazeuses vintage aux saveurs d’origine, dont le succès a débuté avec la légendaire root beer. Jon a pris contact avec l’entreprise et a su convaincre ses dirigeants de lui confier la marque pour le Canada. Parti à ses débuts avec quelques caisses dans le coffre de sa voiture, Jon a réussi à faire en sorte que Stewart’s soit aujourd’hui distribué dans plus de 5000 points de vente au Canada. Ce n’est pas peu dire pour une marque qui aujourd’hui appartient à Schweppes, et qui est la seule de ce groupe à être encore entièrement gérée à l’externe, au Canada : un privilège signé Les Aliments Unique.

Quand on regarde de près le portfolio des Aliments Unique, on remarque qu’au-delà des boissons se glissent quelques produits d’épicerie : croustilles, brownies et Pita Bites. Est-ce que l’entre-prise pense se diversifier ? Pas vraiment, affirme Jon : « L’industrie des boissons est une industrie extrêmement compétitive. Il faut respecter le fait que nous pouvons être bons dans un secteur, mais pas nécessairement dans tous les secteurs. Comme l’expression le dit : il faut mettre le chapeau qui nous fait. »

Dans la catégorie des boissons, les acheteurs sont inondés de pro-duits, toutes les semaines. C’est à ce moment qu’il est important d’avoir bâti de solides relations. « Tout le monde dit avoir un bon produit, mais quand Les Aliments Unique appelle les distribu-teurs, ils savent qu’il y aura quelque chose de spécial. C’est notre signature. »

« Il fallait vraiment croire dans l’explosion de la catégorie des boissons, ajoute Jon Silver. Je me souviens encore quand l’idée de présenter du thé glacé au Québec m’est venue. On me disait : "Es-tu malade ? On ne va jamais boire sérieusement du thé glacé au Québec !" » Le temps a donné raison aux frères Silver.

Y a-t-il encore de la place pour de nouveaux produits ? Le président est catégorique : « Je ne dis jamais non pour tester un nouveau produit. Par contre, soyons francs, dans la très grande majorité des cas, il n’y a rien de véritablement nouveau, ou qui fait WOW. Le marché des boissons énergisantes, par exemple, est tellement occupé qu’il y a très peu de chance de se faire une place et d’y rester. » Dans son spectre d’analyse en matière de produits, son idée est claire. « D’abord, il faut un produit haut de gamme et non une commodité. Ensuite vient le caractère novateur, puis le lien potentiel avec la santé. Personnellement, j’ai des enfants et je me plais à croire que je peux contribuer à générer une offre alimen-taire positive, en offrant des solutions de rechange aux produits plein de sucre. Les gens recherchent des produits qui les aident à mieux vivre. »

LE RÊVE DE DEVENIR FABRICANT : ACTIVATE !« Dans la vie, il n’y a pas de hasard, lance spontanément Jon Silver. Il faut que je vous raconte la petite histoire qui nous a propulsés dans une nouvelle aventure. En 2013, nous avions pris la décision de dis-tribuer les produits Activate au Canada, une eau enrichie de vitamines en poudre encapsulées dans le bouchon, et libérées au moment de consommer. La marque avait été lancée vers les années 2005-2006 aux États-Unis. »

PARTI À SES DÉBUTS AVEC QUELQUES CAISSES DANS LE COFFRE DE SA VOITURE, JON A RÉUSSI À FAIRE EN SORTE QUE STEWART’S SOIT AUJOURD’HUI DISTRIBUÉ DANS PLUS DE 5000 POINTS DE VENTE AU CANADA.

JON, SON PÈRE, SON FRÈRE JEFF ET DEUX EMPLOYÉS

Henry Rosenblum, CPA, CA Conseiller principal et chef d’équipe, Transformation alimentaire, MNP

Jon Silver, un entrepreneur québécois de troisième génération, connaît la recette pour permettre à son entreprise de se démarquer de ses concurrents. L’un de ses principaux ingrédients ? L’innovation ! La diversifi-cation de sa gamme de produits en est un bel exemple, car il s’agit d’une stratégie et d’un cycle qui demandent toujours de se renouveler. M. Silver n’hésite pas à prendre des risques, comme en témoigne la décision récente de la société de se lancer dans la fabrication de produits. Les connaissances et l’expérience qu’il a acquises au sein de l’entreprise familiale ont été précieuses. En effet, c’est auprès de mentors comme son grand-père et son père qu’il a pu obtenir les outils qui lui ont permis de parfaire

ses talents d’entrepreneur. Il a également appris que l’honnêteté et le travail acharné et réfléchi portaient leurs fruits.

Malgré la forte concurrence et l’évolu-tion de la démographie et des tendances chez les consommateurs, M. Silver croit fermement à l’établissement de relations professionnelles et personnelles solides et significatives avec ses associés et ses collaborateurs. Il est tout naturel pour lui de cultiver ces relations, auxquelles il accorde autant d’importance aujourd’hui que le jour où il a commencé à bâtir son entreprise. Voilà autant de facteurs clés qui lui permettent de continuer à faire croître l’entreprise et à connaître du succès.

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Quelques mois après avoir conclu l’entente, l’homme d’affaires derrière Activate, qui avait un énorme respect pour Jon, va jusqu’à car-rément lui proposer de lui vendre l’entreprise. « Contre toute attente, la diligence raisonnable s’est faite en un temps record et la transaction avait lieu le mois suivant. »

La transaction marqua le début d’une nou-velle ère car Les Aliments Unique devint alors pour la première fois de son existence manu-facturier de son propre produit. L’entreprise voit ainsi s’ouvrir les portes de l’internatio-nal. L’homme en question de la compagnie Activate s’appelait Reza Mirza et il est au-jourd’hui président de Icelandic Glacial, une eau de source d’Islande. Preuve qu’il n’y a pas de hasard, Reza Mirza a confié à nul autre que Les Aliments Unique le soin de s’occuper de ses produits au Canada.

« Tout est connecté dans la vie. Si vous êtes honnêtes et que vous travaillez fort et bien, la vie vous le redonne », souligne Jon Silver avec philosophie.

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« TOUT EST CONNECTÉ DANS LA VIE. SI VOUS ÊTES HONNÊTES ET QUE VOUS TRAVAILLEZ FORT ET BIEN, LA VIE VOUS LE REDONNE ». JON SILVER

RICK CHARTIER, KATIE WRIGHT-BULL, SARAH DUNAJ, JONATHAN SILVER, KASSANDRA BUCKMASTER ET, ABSENTS SUR LA PHOTO, JOSHUA SILVER, MIKE TOBIN, CAREY HAWORTH, RYAN TROELSTRUP, SYLVAIN MORIN, LINDA MOSS ET KAMAL SINGH.

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ENTRETIEN CLASSE AFFAIRES AVEC JON SILVER

EN RAFALES, AVEC JON SILVER VOTRE SOURCE DE FIERTÉ ?« Sur le plan professionnel, il y a évidem-ment l’achat d’Activate et le tout récent prix Promies remis par la Chambre de com-merce juive. C’est fou le nombre de coups de téléphone que j’ai reçu à la suite de ce prix ! Mais sur le plan personnel, je suis particulièrement fier d’avoir saisi certaines occasions de me dépasser et de redon-ner aux autres. Un des meilleurs exemples concerne les arts martiaux. À l’âge de 17 ans, j’ai eu la piqûre pour le kung-fu, et j’ai fière-ment obtenu ma ceinture noire 25 ans plus tard. Je me souviens encore de l’examen qui a pris près de 17 heures. Toute une épreuve ! Aujourd’hui, j’enseigne bénévolement le kung-fu à des jeunes, à l’école même où j’ai étudié. C’est une très grande source de fierté pour moi. »

Jon Silver s’implique aussi dans le do-maine paramédical : « En tant que bénévole, j’ai beaucoup contribué dans ma com-munauté. J’ai d’ailleurs reçu des mains de la Gouverneure générale du Canada, en 2008, la médaille pour services distin-gués des services d’urgence médicale, en

reconnaissance de 20 années de conduite exemplaire dans la prestation de soins d’ur-gence médicale préhospitaliers au Canada. Je crois fermement que l’on doit redonner dans la vie. »

Et le meilleur pour la fin : ses deux jeunes fils de 12 et 13 ans, Justin et Dylan, et son épouse Joanna. Une famille occupée à courir les aré-nas, les stades et les dojos. « Les moments les plus fantastiques que j’ai dans la vie, ce sont ceux avec mes enfants. »

VOTRE VISION DU SUCCÈS ?« Le succès, on ne l’atteint jamais. C’est une quête perpétuelle. Si on pense l’avoir atteint, c’est le début de la fin. Oui, je suis conscient d’une certaine réussite, mais c’est déjà le passé. Il faut regarder vers l’avant. Le milieu est très compétitif et il ne faut jamais arrêter… »

VOTRE LECTURE DE CHEVET ?The Wealthy Barber : The Common Sense Guide to Successful Financial Planning (Un barbier riche : le bon sens appliqué à la pla-nification financière), de l’auteur canadien David Chilton.

VOUS DÉTESTEZ ?«Les gens qui ne sont pas honnêtes. Je n’ai jamais brisé un lien d’affaires. Si je te donne la main, tu peux compter sur moi, quoi qu’il advienne. »

VOTRE PROCHAIN DÉFI ?« Aller plus loin avec les bouchons des bois-sons Activate. On peut y mettre plus que des vitamines ! On peut penser aux probiotiques, aux oméga-3, et bien plus encore ! »