Journal Du Dimanche - 2.01.2000

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  • 8/2/2019 Journal Du Dimanche - 2.01.2000

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    "Je veux tre une star et je l'assume"Elle chante en anglais, vise l'Amrique, assume son ambition : "J'ai ram deux

    fois plus que les autres". Lara Fabian chante en anglais, a dcid de faire

    carrire aux Etats-Unis, et en profite pour rgler ses comptes. On aime ou on

    dteste, mais il faut le reconnatre, elle n'a pas la langue dans sa poche.

    Son interview par Alexis Campion.

    Un mois aprs la sortie europenne de "Lara Fabian", son album en anglais, la

    chanteuse - elle le rpte assez - se prpare devenir une star en Amrique,

    rien que a ! Son rve d'enfant.

    Produit par Sony en la personne de Tommy Mottola (ex-poux de Mariah Carey,

    producteur de Michael Jackson et de Barbra Streisand) avec une armada de

    compositeurs recherchs tels Pat Leonard (Madonna) ou Walter Afanassief

    (Michael Bolton), le disque est format au got de la varit dominante, entre

    violons doucereux, disco fade et cris hiratiques. Dans le sillage du

    bulldozer Cline Dion, on aime ou on dteste. En attendant la sortie de ce

    produit aux Etats-Unis, prvue pour mars 2000, Lara y croit. Farouchement.

    Vous voil sur les traces de Nana Mouskouri, qui vient d'achever sa tourne

    amricaine avec orchestre symphonique. Elle est parat-il, votre idole ?

    Oui ! Quand j'avais huit ans, je suis alle un de ses concerts. J'avais

    harcel ma mre pour qu'elle m'achte une robe rayures ridicule et un

    bouquet de jonquilles. Quand Nana m'a vue, elle a arrt sa chanson, O Soleil,

    soleil, et elle m'a fait monter sur scne avant de reprendre son concert. Je

    n'oublierai jamais.

    Qu'est-ce qui vous fascine chez elle ?

    Elle est mditrranenne, elle parle plusieurs langues, comme moi. Elle n'a

    jamais eu peur d'afficher son caractre elle, son physique elle. Dans

    notre socit, une femme mticuleuse et perfectionniste n'est qu'une

    "chieuse", alors qu'un homme est un grand professionnel. Et puis, elle a une

    constance qui me fait rver, car je ne l'atteindrai sans doute jamais, je suis

    trop camlon.

    Vous, qui tes-vous ?

    Je suis aujourd'hui, l'aube de mes trente ans, une femme qui a fait la paix

    avec elle-mme. J'ai toujours besoin de chanter l'amour et d'tre aime, mais

    je n'ai plus peur de ne pas tre aime. En fait, je suis consciente de la

    ralit : on peut tre aim et dtest pour les mmes raisons. Je suis le

    genre d'artistes qui suscite la controverse parce que, justement, j'ai cette

    franchise dont les gens se mfient tant.

    Pourquoi dites-vous a ?

    Parce que j'ai t blesse ! On m'a toujours ferm toutes les portes ! J'ai

    ram deux fois plus que les autres ! Les mdias ont constamment remis en

    question mon honntet et ma dmarche authentiques !

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    Pour une femme en paix, vous semblez bien nerve !

    Je ne me suis jamais assise dans le bureau d'un ponte qui ferait de moi une

    star en deux ans. Je suis auteur de 90% de mes textes et musiques. A vingt

    ans, j'ai mont ma maison de disques, Productions Clandestines, j'envoyais

    moi-mme les fax aux radios. Personne ne croyait en moi. J'tais nulle, trop

    autobiographique, trop grosse, trop tout. Et aujourd'hui, je le dis, tous ceux

    qui ont voulu me dtruire, tous ceux qui ne m'aiment pas, je ne les vois mme

    plus, Dieu les bnisse.

    Mais n'est-il pas vrai qu'aujourd'hui vous inspirez Sony un marketing

    forcen ? Vous tes aussi un produit, et cela brouille votre image.

    Non. Le marketing ne dnature rien, il n'est qu'une stratgie qui permet la

    cration d'exister plus grande chelle. Que croyez-vous ? Qu'on peut faire

    une carrire internationale avec douze chansons, piano-voix ? Soyons raliste

    ! Moi, mon rve depuis l'ge de cinq ans, c'est d'tre une star, de passer sur

    toutes les radios. Je l'assume, je suis vraie. J'en ai marre de cet tat

    d'esprit franais qui consiste refuser le paradoxe du show alli au

    business, croire que l'ambition est un problme, un mensonge. C'estcompltement dmago !

    Il parat que vous avez fait toute une histoire pour la pochette de votre

    disque ?

    Oui. Sony avait appel Sante Doracio, l'un des plus grands photographes du

    monde. Dans son objectif, j'avais l'air de ma soeur mongole le soir de

    Halloween. Je me suis dit que si les gens voyaient a, ils n'achteraient mme

    pas l'album. Je n'ai pas droit l'erreur. Finalement, la photo a t ralise

    par un ami qubcois, Carl Lessard, sans maquilleuse, sans coiffeuse.

    Pourquoi avez-vous voulu chanter en anglais ?

    Faut tre raliste, il suffit d'couter ce qui se joue sur les radios

    sudoises ou italiennes pour comprendre que la ralit du march

    radiophonique, c'est l'anglais. Mais j'ai aussi mis une chanson, Adagio, en

    italien. Il faut arrter de prendre les gens pour des cons. Si l'opra italien

    existe depuis cent ans, si Pavarotti et Boccelli vendent des millions de

    disques, c'est que les anglophones ne sont pas si obtus et ferms que a. Une

    motion sincre supporte toutes les langues.

    Vous semblez follement presse d'tre consacre.

    Ca fait douze ans que je trime ! Avec l'adrnaline que j'ai, je ne tiendrai

    pas jusqu' quarante ! Dans trois ou quatre ans, c'est sr, je vais m'asseoir,

    faire un gosse et cuire de la tarte aux pommes.Alexis Campion

    Journal du Dimanche (France) - 2 janvier 2000