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JULIA

DU M Ê M E AUTEUR :

Le Jobard, Olivier Orban, 1980.

Henry NOULLET

J U L I A

r oman

Olivier Orban

Ouvrage publié sous la direction de

Françoise Roth

© Olivier Orban, 1983 ISBN-2-85565.228.6

A Sylvie

L'HEURE A ROME

Solstice d'hiver Solstice d'été

Prime 7 h 33 à 8 h 17 4 h 27 à 5 h 42 Seconde 8 h 17 à 9 h 02 5 h 42 à 6 h 58 Tierce 9 h 02 à 9 h 46 6 h 58 à 8 h 13 Quarte 9h 46 à 10h 31 8 h 13 à 9 h 29 Quinte 10 h 31 à 11 h 15 9h 29 à 10h 44 Sexte 11 h 15 à 12 h 10h 44 à 12h Septime 12 h à 12 h 44 12 h à 1 h 15 Octave 12 h 44 à 1 h 29 1 h 15 à 2 h 31 None 1 h 29 à 2 h 13 2 h 31 à 3 h 46 Decime 2 h 13 à 2 h 58 3 h 46 à 5 h 02 Undecime 2 h 58 à 3 h 42 5 h 02 à 6 h 17 Duodecime 3 h 42 à 4 h 27 6 h 17 à 7 h 33

LES MESURES

Poids La livre = 327 g L'once = 27, 28 g

Longueur Le pied = 0,29 m La coudée = 0,50 m Le pas = 0,73 m Le mille = 1 478 m

Superficie La perche = 10 pieds carrés

Capacité L'amphore = 26 l = 48 setiers L'urne = 131 = 24 setiers

Monnaies La sesterce = 2 as 1/2 Le denier = 10 as

L'ARMÉE ROMAINE

Chapitre premier

Au dernier col, Taxli s'arrêta pour souffler. Depuis la ville, il avait trotté sans une pause. De la même foulée, il avait franchi tous les murets, les haies d'épines, les diguettes, les roubines et les canaux qui, sur le plateau, tressaient un réseau d'obstacles. Il avait dévalé les collines et les avait escaladées au même rythme avant d'aborder le sentier de chèvres qui paraphait la montagne. La vraie, ce mur de grès qui, comme une digue, s'opposait vers le sud au déferlement des sables. Malgré le froid, il transpirait sous son manteau de bure. Au-dessus de lui, le ciel était une coupole de glace noire pailletée de clignotements. Mais ces lueurs, si faibles fussent-elles, faisaient scintiller çà et là dans la pierraille des éclats de mica. Au fond de la vallée qui s'ouvrait devant lui, une lumière s'alluma, fugitive. Elle était trop vive pour n'être qu'un reflet d'étoile. Quelqu'un était donc là qui attendait. S'aidant de son long bâton de berger, il se jeta dans la pente raide avec tant d'impétuosité qu'il ne put éviter de faire rouler quelques cailloux. Il lui sembla alors que tous les échos de la montagne se réveillaient et propageaient le bruit de ses pas jusqu'aux oreilles des sentinelles postées aux crénaux de Zraïa. Il s'arrêta de nouveau. Inquiet, il se demanda si d'en bas on avait pu l'entendre. Commet- tant cette imprudence, il avait enfreint les consignes de

discrétion que le Maure ne cessait de répéter. « Quand vous marchez près de l'ennemi, vos pieds ne doivent pas toucher le sol (comme si c'était facile...). Vous devez surprendre la gerboise avant qu'elle n'ait disparu dans son trou. » Mais le premier poste romain était à deux heures de marche. Jamais leurs patrouilles ne s'étaient avancées aussi loin. Un instant il écouta la respiration de la terre endormie et le murmure lointain du vent qui, du nord, se levait. Au fond du ravin, il emprunta le lit d'un ruisseau tari. Le chemin était dès lors tracé. Il suffisait de le suivre entre les fourrés de myrte et de lauriers pour atteindre le lieu du rendez-vous. C'était une grotte comme il y en avait cent, taraudées par l'infatigable bouillonnement de l'eau au temps lointain où le désert était un lac, et chaque ravine un torrent.

Tout près de lui, quelqu'un étouffa une toux rauque. Il s'approcha. L'homme accroupi dans une niche de broussailles ne l'avait pas entendu venir. La silhouette qui se dressait au-dessus de lui lui parut gigantesque. Il bredouilla.

— Quoi ? Hé ! Qui est-ce ? Même quand il chuchotait l'on se rendait compte de

son terrible enrouement. — C'est moi, Taxli. Tu t'es laissé surprendre,

Rwad ? — Non ! Tu as flanqué par terre la moitié de la

montagne en descendant. — Et tu tousses à la veille ! Le Maure finira par te

trancher la gorge pour te faire taire. — Et pour la guérir sans doute ! J'en crèverai de

toute façon. — On crèvera tous, imbécile. Et en plus, tu as fait du

feu ? — Je ne l'ai pas allumé. Je l'ai apporté tout vif.

C'était mon tour de garde et de lumière. — Ce n'était pas celui d'alerter la terre entière. La terre entière ! Un oued à sec dans un cirque de

rocailles stériles, peuplé de lézards et de criquets. Cette manie qu'avait Taxli de brandir le Maure comme une menace, comme s'il était partout et sans cesse à l'affût du moindre geste de ses gens. Rwad se racla la gorge

avec affectation cette fois, comme par défi. Mais le vallon s'animait peu à peu d'ombres haletantes. Les hommes, une trentaine, arrivaient de tous les points de l'horizon. Certains de très loin, des bords du chott de S i t i f i ce champ de sel aveuglant, craquelé comme le vernis d'un pot au four de l'été, d'autres, de leurs villages de tentes aussi mouvants que les dunes au creux desquelles ils se muchaient. D'autres encore, les plus nombreux, venaient de la ville et de ses alentours. Ils avaient dû traverser les fossés du limes, et peut-être les murailles à la barbe des légionnaires gavés du lard et de la vinasse des jours de paye.

Taxli, scrupuleux comptable, chuchota l'appel des partisans, moins pour les dénombrer — qu'il en manquât un importait peu — mais pour s'assurer qu'un chacal ne s'était point mêlé au troupeau. Leur sourde réponse le rassura. A sa suite, ils se remirent en marche. Leurs armes tintinnabulèrent discrètement. Tous étaient armés en effet. Les mieux équipés cachaient dans les plis de leurs houppelandes des glaives de bronze ou de fer, dépouilles d'une sentinelle égorgée à son poste ou d'un éclaireur surpris au détour d'un sentier. Le reste était frondes, massues d'olivier, lames de faucilles emmanchées, arcs d'if grossière- ment surliés mais dont le carreau, à soixante pas, bosselait une armure et transperçait les devantiers de cuir comme une aiguille un tissu de lin.

Pour accéder à la grotte, l'on devait emprunter une sorte d'escalier abrupt aux marches irrégulièrement taillées si bien qu'elles semblaient, de loin, naturelles. De même, l'on y pénétrait par une anfractuosité si étroite qu'elle apparaissait comme une lézarde dans le mur de la falaise. Un par un ils se faufilèrent dans le boyau sinueux qui servait de vestibule à la caverne. Ses méandres même constituaient un filtre à la lumière du jour. En revanche, pas un rai de lumière ne pouvait être aperçu du dehors. Au milieu de la salle voûtée de ténèbres, un foyer brasillait. Ils s'assirent

1. Sétif.

autour, sur leurs talons, muets, fascinés p a r le rou- geoiement de ce maigre feu, leurs mains crevassées d'engelures tendues vers lui comme pour en quéman- der la caresse. La toux sèche de Rwad rompi t le silence. Les hommes s 'ébrouèrent. Quelques-uns se raclèrent la gorge à leur tour. Une épée sonna sur la p ie r re . Des m u r m u r e s s ' é levèrent e t des r i res contraints. Ils avaient presque chaud maintenant , ils étaient bien. On entendit le glouglou d 'une outre vidée à la régalade.

— Êtes-vous comme des nourrissons qui ne savent a t tendre le sein de leurs mères sans brai l ler ? Qui parle ici le premier ?

La voix, métall ique, résonna dans la grotte, ampli- fiée pa r les échos que se renvoyaient les parois de roc. Ils se figèrent à nouveau dans le silence. Comme d 'habitude, il avait surgi du néant . Il s 'était glissé derrière eux sans qu 'on s'en aperçût, comme un serpent, jusqu 'à son trône de chef, une pierre un peu plus haute que les autres. Toutes les occasions lui étaient bonnes pour s 'assurer de leur vigilance. Qui sait même s'il n 'étai t pas arrivé le premier pour guet ter dans l 'ombre leurs faux pas sur le sentier. Impitoyable, il sanctionnait toutes défaillances p a r des chât iments dont le moindre était peut-être la mort . Il ignorait la récompense. On craignait sa cruauté. On admira i t sa rigueur. On avait une foi aveugle dans son expérience de guerrier. Lui seul savait du Romain les heures et les routes, comme s'il avait lu par-dessus son épaule les ordres de Sextus Furius, le préfet de camp, comme s'il avait écouté aux portes du prétoire les commentaires des centurions et, au tour des tables des bouges, les bavardages de leurs soldats.

Il n 'é ta i t pour ses gens qu 'une silhouette anonyme engoncée dans un man teau grisâtre. Personne ne pouvait se vanter d 'avoir vu son visage. La nuit, il fuyait la lumière. Le jour, il se dissimulai t derrière les plis d 'une écharpe dont il se coiffait comme d 'un heaume. Il avait un nom, Aguellid, que l 'on évitait de prononcer. D'ailleurs, était-ce le sien ? Alors les Berbères de Numidie l 'appelaient le « Maure », ce qui désignait tous et personne. Car il était tous et

personne. Les uns prétendaient qu'il venait du désert, les autres de l 'océan que l'on savait très loin à l 'ouest. Mais qu'il fût de l 'un ou de l 'autre importa i t peu. Il étai t de l 'espace et du vent, symboles des libertés pour lesquelles il leur apprenai t à se bat tre .

Il y avait deux mois peut-être qu'il ne les avait pas réunis. Ils s'en étaient inquiétés jusqu 'au jour où il leur avait dépêché ses messagers. Des bergers d'ail leurs étaient venus faire paî t re leurs chèvres au pied de leurs villages. Furieux de leur outrecuidance, ils avaient couru sur eux bâtons levés. Mais les gamins avaient sorti de leurs besaces un galet gravé maladro i tement d 'une tête de bélier. Alors, sans plus at tendre, ils avaient empoigné leurs armes, fourré du pain dans leurs sacs et confié aux vieillards leurs t roupeaux et leurs femmes.

La voix du Maure s'éleva de nouveau sans irr i tat ion cette fois, monocorde et si basse que certains durent tendre l'oreille.

— Rome ...(il cracha devant lui en signe de mépris) Rome somnole depuis trop longtemps dans sa paix. Dans les provinces d'Afrique, elle a couvert de ses champs les plaines et les plateaux, et les collines de ses vignes et de ses oliviers. Dans les jarres de ses silos s 'accumulent l 'orge et le blé, le vin et l 'huile dans les amphores de ses caves. Elle a envahi de ses jardins les pâ turages où nous menions avant eux nos troupeaux. Mais le moment n'est pas venu de por ter le feu à leurs moissons, la hache à leurs vergers, de raser leurs aqueducs et leurs maisons. Il faut que Rome — il c racha encore — craigne pour ses légions sans les- quelles toutes ces richesses ne seraient que ruines et cendres. Sans leurs chefs, les mercenaires ne sont plus qu'insectes d 'une fourmilière écrasée qui s 'enfuient affolés en tous sens.

« Dans trois jours, avant que le jour tombe, le centurion de manipule Publius Vernaclus reviendra d ' inspecter ses tours de guet au pied du Ms'il. Il sera escorté p a r un peloton d'auxiliaires à cheval. Il se peut que Publius, p a r prudence, se confonde avec ses

cavaliers en adoptan t leur tenue. Je ne veux que sa peau, à lui. Qui le reconnaî t ra pa rmi ses hommes ?

Taxli, qui ne manqua i t pas une occasion de se met t re en avant , c ru t devoir répondre au nom des autres.

— Tous ceux de Zraïa le connaissent. — Comment le sais-tu ? Tu n'es pas de la ville. Tu

l 'as vu, toi, Taxli ? — Non, mais... — Alors laisse par le r Gaia qui s 'agite comme s'il

avait un scorpion sous sa chemise. — Moi, je connais bien l'esclave de sa femme. Un

fumier ! Il fut des nôtres autrefois. — Son tour viendra. Gare à celui à qui je confierai la

mor t du centurion. Qu'il prenne soin de ne pas le confondre avec l 'un des gens de sa suite sous prétexte qu'il au ra une belle gueule ou un cheval nerveux.

— Moi, je ne me t romperai pas. Je travaille près de sa maison. Je le rencontre souvent avec sa femme.

Le ton du Maure s 'aigrit soudain. — Sa femme, sa femme... Tu en parles beaucoup. Tu

la trouves à ton goût sans doute ? — Elle est romaine.. . — Et alors ! Gaia, décontenancé, hésita à répondre, mais il

es t ima que cela n 'é tai t pas t rahi r que de t rouver belle la veuve de sa victime.

— ... Elle a des yeux noirs, comme les nôtres. Les yeux, c'est tout ce qu'elles osaient montrer .

Mariées, elles n 'étaient plus qu 'un regard sombre dans un tas de guenilles. Gaia avait laissé la sienne, prostrée, devant son réchaud de terre éteint. Elle n 'avai t eu, en le voyant part i r , pas un soupir, pas un m u r m u r e de tendresse, rien qu 'un vague geste d 'une ma in déjà desséchée qui pouvait expr imer au tan t l ' indifférence que la résignation. Chaque voyage compor ta i t sa pa r t de périls. Il se pouvait que Gaia ne revînt pas de celui-là. Sur l ' instant, il é tai t tout à son exaltat ion d 'avoir été distingué entre tous et à son orgueil de mont re r que, malgré ses épaules chétives, il pouvait, lui aussi, bander un arc à faire chanter sa corde.

— Tu m'écoutes, Gaia ? Tu a t tendras les Romains là

où ils ont t ranché la montagne pour faire passer leur grand chemin. Ils ont inscrit l 'exploit sur la borne milliaire.

— Je la connais. Ce n'est pas si loin de la ville. — Taxli te donnera un arc et une flèche. — Une seule ! ! — Tu n 'aurais pas le temps de t irer la deuxième du

carquois que tu serais déjà hérissé de javelots comme un porc-épic. Tu te replieras p a r les rocailles, droit derrière toi, sans te retourner. Leurs chevaux ne pourront pas t 'y suivre et ils n 'oseront abandonner la charogne de leur chef en travers de la route.

— Comment saurai-je si je l'ai tué, si je ne me retourne pas ?

— Sa maison retent ira des chants funèbres et des cris des pleureuses. Ce sera ta récompense de les écouter.

Le chef se tut enfin. Le meil leur moment de cette nuit de galopades dans la pierre et le froid était venu. Les hommes posèrent devant eux leurs besaces de sparterie. Solennels comme pour célébrer quelque liturgie, ils en sort i rent les galettes de méteil que leurs femmes avaient pétries en les c laquant d 'une paume à l 'autre et qu'elles avaient cuites sur la pierre de leurs foyers. Ils brisèrent cette pâte aussi dure qu 'une tuile et ils en frottèrent d'ail les tessons. D'une bouteille de poterie, passée de main en main, ils les oignirent parc imonieusement d 'une huile épaisse et verte. Puis, le regard vide, ils mast iquèrent ce repas avec l 'applica- tion et le respect de ceux qui savent la peine du pain. Ils buren t aussi à une outre que l 'on fit circuler, un vin au goût de résine et de cailloux. L'estomac satisfait, ils rotèrent ensemble pour remercier les dieux de les avoir nourris.

Le feu n 'é tai t plus qu 'un point rouge dans la nui t qui avait envahi la caverne. La tête posée sur la pierre qui leur avait servi de siège ils s 'endormirent , enroulés dans leurs manteaux. Dehors, au pied de la falaise, un guet teur veillait a t t endant la relève que Taxli lui amènerai t . La lune s 'était levée, blafarde de gel. Elle éclairait la barre du M'sil qui lui répondai t p a r l 'écho d 'une phosphorescence bleuâtre. Dans le fond des

vallées, le brouil lard se figeait en givre. La sentinelle vit descendre le Maure. Elle ret int son souffle. Mais la silhouette incertaine s'éloigna de son pas élastique de coureur de pistes. Elle avait à peine échappé à sa vue qu 'une autre surgit véloce et furtive. « C'est Taxli, pensa le guetteur. Je ne croyais pas que mon temps de garde avait passé si vite. » Mais Taxli passa devant lui sans le voir t an t il était préoccupé de ne pas perdre la trace de celui qui le précédait .

Il n 'y avait pas tel lement d ' i t inéraires que le Maure pû t emprun te r dans la montagne. Taxli décida de le suivre jusqu 'au carrefour où ils se croisaient tous. Au moins saurait-il la direction qu'il prendrai t . De là il en déduirai t le but. Mais il avait à peine parcouru cinquante pas que le Maure s 'évanouit dans la brume. Taxli revint sur ses pas. La sentinelle croisa sa lance sur le sentier.

— Qui est là ? — Taxli, crétin ! — Tu aurais pu être un autre. — Rentre ! Je finirai la veille à ta place. Une telle mansuétude étai t tout à fait inhabituelle.

L'homme, intrigué, hésita avant de s'éloigner.

Taxli s 'adossa contre un bloc de roche éboulé. A travers la laine de son manteau, il sentit le froid de la pierre. Il savait qu 'à ce contact il resterai t éveillé... en admet t an t qu'il eût sommeil. Il avait quelque raison en effet d 'être soucieux. Depuis quelque temps, il lui semblai t que le Maure ne lui accordait plus la même confiance. Bien qu'il ne lui ait jamais demandé le moindre avis sur les décisions qu'il prenait , il lui arr ivait de lui en donner la pr imeur. Aujourd'hui, Taxli avait appris en même temps que les autres son projet d 'exécuter Publius Vernaclus. Le ton qu'il avait emprun té pour répondre à son zèle était celui de l 'agacement, pour ne pas dire de la répr imande. Il en avait été profondément blessé. Et cette égrat ignure à son orgueil lui avait fait découvrir tout à coup tous les griefs qu'il nourrissait à l 'égard de son chef et qu'il n 'avait jamais osé s 'avouer : sa morgue et son goût de

la solitude qui lui interdisaient de par tager ne fût-ce que l 'amitié... Son souci maniaque de dissimuler ses origines, sa vie privée... De quoi vivait-il ? Où vivait- il ? A Zraïa, sans doute. Il fallait qu'il eût des relations avec l 'occupant pour deviner jusqu 'à ses intentions les plus secrètes. Quelqu 'un connaissait-il seulement son visage ? Une compagne peut-être. Mais il n 'é ta i t point h o m m e à se confier à une femme. Tous ces mystères dont il se cuirassait contr ibuaient , pour une large par t , à son ascendant sur ses hommes. Au fond, c 'étai t ce pouvoir que Taxli jalousait . Il réfléchit qu'en haïssant le Maure, il aura i t moins de scrupules à l 'él iminer pour prendre sa place. Mais il rejeta cette idée comme s'il s 'était agi d 'une pensée sacrilège.

Chapitre II

Le centur ion Publius Vernaclus étai t de bonne humeur . Sur son visage massif et d 'ordinaire impla- cable, voltigeait l 'ombre d 'un sourire. Il se surpr i t même à fredonner une sonnerie mili taire. Mais il se tu t tout aussitôt. Il n 'é ta i t ni digne ni convenable en effet qu 'un officier de sa responsabil i té fût pris p a r ses hommes en flagrant délit d ' insouciance. Il avait quelques raisons d 'être satisfait. Sur la vingtaine de tours qu'il avait inspectées tout au long du limes, aucune n 'avai t donné lieu à de sérieuses crit iques. Certes, ici, la pluie torrentielle de l ' au tomne avai t délité la terre ba t tue d 'un créneau; là, une bourrasque avait décoiffé un toit de quelques tuiles; ailleurs, une citerne fuyait, une échelle étai t branlante , u n grain d'oxyde verdissait sur le bronze d 'un glaive. Tous ces détails, seul un œil sévère et exercé pouvai t les déceler. Le moral des garnisons étai t excellent. Approvision- nées d 'abondance, sans pré tendre soutenir un siège elles pouvaient résister à tous les harcèlements . Les relèves étaient régulières et les fréquentes visites de ses centurions prouvaient la sollicitude que Rome por ta i t aux défenseurs de ses frontières.

On était à la fin de la onzième heure. Ils avaient le temps de visiter le dernier poste et d 'ar r iver sous les murs de Zraïa avant la nui t tombée. Les chevaux

n'étaient pas ferrés. C'est pourquoi l'on cheminai t sur les bas-côtés de la route où la poussière était souple et douce sous la corne des sabots. Dans l 'air figé par le gel, la buée qu 'exhalaient les naseaux, se dissipant lentement, étirait derrière la colonne une mince écharpe de brume. Bien qu'il ne redoutâ t rien de la poignée de gueux qui hanta ient la montagne, Publius, parce que le règlement des troupes en campagne l ' imposait , avait détaché en avant-garde deux éclai- reurs. A leur initiative, ils escaladaient au trot ici un tertre, là un talus d'où ils pensaient avoir une vue plus lointaine. Leurs silhouettes se détachaient peintes à fresque sur le bleu profond du ciel. Immobiles, ils observaient, les mains en auvent sur le frontal du casque car le soleil baissait et l'on marchai t vers le couchant . Puis pour signaler route libre, ils levaient leurs lances et l 'escorte, un instant ralentie, retrouvai t son allure.

Oui, le centurion Publius Vernaclus n 'avait pas lieu d 'être mécontent . Dans moins de deux heures, il serait chez lui. Rétmi, l 'esclave à tout faire de sa femme, se précipi terai t pour bouchonner le cheval et garni r sa mangeoire de provende. Avec la même célérité, il remontera i t pour le débarrasser de ses armes et délacer ses brodequins. Julia lui servirait une coupe de vin chaud épicé d 'herbes sauvages comme elle l 'avait fait jusqu 'a lors chaque fois qu'il rentra i t de ses tournées d'hiver.

Et ce serait la dernière fois ! Le lendemain, au cours d 'une cérémonie sans apprêt , comme le voulait la simplicité légionnaire, il recevrait des mains du préfet Sextus Furius, son chef, la plaque de bronze qui, le l ibérant du service actif, allait faire de lui un vétéran. Le mot ne l 'effrayait pas. A cinquante ans, l'on pouvait être un vétéran sans être un vieillard. Certes, l 'âge venant, il s 'était alourdi. Il allait être forcé de boucler au dernier t rou les épaulières de sa cuirasse d 'appara t . Qu ' impor ta i t ? Il n 'avait r ien perdu de son agilité. Il se met ta i t en selle sans l 'aide d 'un montoir ou des mains croisées d 'un palefrenier. Il était encore capable de crever d 'un jet de javelot une cible de cèdre. Alors, il pourra i t bien pousser la charrue dans les jachères,

dresser des bouvillons sous le joug et por ter au pressoir les hottes des vendanges. Car demain, avec ses droits à la retraite, il allait recevoir la pa r t de sol romain qu'il avait préférée au pécule. Il al lai t enfin réaliser son rêve et celui de Jul ia : posséder une terre, y vivre, en vivre dans la paix dont il avait été si longtemps l 'artisan.

Cette terre de Fraxine, il la connaissait bien. Cent fois, sachant qu 'un jour il en serait le maître , il en avait avec Jul ia reconnu les limites et pa rcouru les champs. Huit cents perches, une olivette, dix rangs de vigne et, auprès des frênes qui lui avaient donné son nom, une ferme t rapue de pierres ocres dont l'U cernai t sur trois côtés un jardin délaissé. Mais il n 'é ta i t que de lever la vanne d 'un canal pour faire de ce carré d 'argile desséchée un asile d 'ombre et de fraîcheur.

Vers l'ouest, le ciel commencai t à rosir. Publius frissonna. A rester immobile sur sa selle, il se sentai t glacé. Il rassembla au tour de sa poitr ine les plis de son manteau . Il n 'avai t pas jugé utile de revêtir la cotte de mailles légère qu'il por ta i t d 'habi tude en tenue de campagne. Mais l 'on n 'é tai t pas en campagne. Et où avait-on vu qu 'un tricot de fer fût un obstacle au froid ? Le froid, la pluie, le brouil lard, le vent plus que les Barbares avaient été ses ennemis, en Bretagne, hui t ans déjà, alors qu'il servait sous les aigles de la I I Augusta.

Ils arr ivaient en vue de la dernière tour. Toutes se ressemblaient , massives, carrées, construites de bri- ques crues sur des soubassements de maçonnerie . Seuls, les toits différaient. Les unes étaient coiffées d 'un chapeau de tuiles. Celle-ci étai t surmontée d 'une terrasse crénelée d'où, la nuit, on pouvait b rand i r les signaux de détresse, et d'où, le jour, on apercevait les rempar t s de Zraïa. Heureux de se dégourdir , Publius sauta à terre. Les six hommes de la garnison, qui tenaient leurs lances au repos, la ramenèren t devant eux à loucher sur la hampe. « C'est bien, pensa le centurion, voilà une troupe qui ne s 'abandonne pas. » Il connaissait leurs noms, depuis le temps, même ceux

des quat re Berbères. Il les interrogea brièvement dans leur langue, ce dont ils furent flattés. Puis, précédant le chef de poste, il gravit lestement l'échelle qui condui- sait à l'étage. La salle de garde n 'é tai t éclairée que p a r ses meurtrières. C'est à la lueur d 'un f lambeau qu'il procéda à son inspection. Tout étai t en ordre, les armes et les vivres, et même les vêtements pliés sur les lits de sangle. Au rez-de-chaussée, il constata qu 'une mince couche de glace recouvrait la citerne. Un quar t ier de lard gelé qui pendai t à une poutre semblai t un pan de marb re livide. Il s ' a t t a rda sur la plateforme de guet. Tourné vers l'Aurès, il contempla le chemin qu'il venait de parcourir . Les dalles de la route étaient les écailles de ce serpent de pierre qu 'aucun obstacle n 'arrê ta i t entre la mer des Syrtes et celle des Atlantes. Publius, à la vue de ce gigantesque ouvrage, se pr i t à regret ter de ne plus être demain de ceux qui édifiaient cette grandeur et cette gloire. Il fut rasséréné en pensant qu'il n 'avai t r ien à envier à ceux qui avaient accompli une telle tâche. N'avait-il pas été lui-même un de ces bâtisseurs soldats qu 'Hadr ien avait envoyés c o n s t r u i r e en B r e t a g n e u n m u r t o u t a u s s i f o r m i d a b l e ? C'était en 122. Il se souvint de l 'inscrip- tion que ses hommes avaient gravée sur le moellon poli d 'une tour de Vercovice :

LEG II AVG — COH VII — C III — SV CV PUBLIUS — F

« De la deuxième Augusta, VI I cohorte, la troisième centurie, sous les ordres de Publius, a fait cela » ! Ces auxiliaires, ces Gallois querelleurs mais rudes à l'ouvrage, il les avait aimés bien qu'ils ne fussent pas romains, comme ses légionnaires. Vercovice, c'était autre chose que ces fortins de terre battue ! Trois hectares de murailles, de terrasses, d'escaliers, de bâtiments, de silos, capables d'abriter et de nourrir toute une cohorte ! Oui, le grand mur de l'empereur avait été un peu son œuvre à lui, Publius Vemaclus. Il pouvait en être fier. Alors, il se tourna vers la ville, vers sa maison où l'attendait un bonheur tranquille, et, plus loin, vers Fraxine, sa récompense.

1. De l'embouchure de la Solvay à celle de la Tyde.

De g r a n d e s f l a q u e s d ' o m b r e s ' é t a l a i e n t m a i n t e n a n t d e r r i è r e les c a v a l i e r s s u r le t e r r e - p l e i n d u p o s t e . Les r ê n e s s u r l ' enco lu r e , les c h e v a u x e n c e n s a i e n t . Que l -

q u e s - u n s p i a f f a i e n t e t f a i s a i e n t vo l e r l a p o u s s i è r e s o u s l eu r s s a b o t s . E n gu i se d ' a d i e u , le c e n t u r i o n se c o n t e n t a d e p o s e r s a m a i n s u r l ' é p a u l e d u sous-off ic ier , s a n s u n m o t . Q u e p o u v a i t - i l lui d i r e ? Qu ' i l é t a i t c o n t e n t d e lui ? Il su f f i sa i t qu ' i l n e lui e û t fa i t a u c u n r e p r o c h e . O u q u ' i l le r e m e r c i a i t ? L 'on n e r e m e r c i a i t p a s u n s o l d a t d ' u n d e v o i r a c c o m p l i . Il a c c e p t a n é a n m o i n s s o n a i d e p o u r se r e m e t t r e e n selle, c a r il s a v a i t q u e d a n s s o n ges te , l ' h o m m e v o y a i t h o n n e u r e t n o n se rv i l i t é .

Le g r o u p e se r e m i t e n r o u t e . L a d o u z i è m e h e u r e a l l a i t ve r s s a fin. Le ciel r o u g i s s a i t , p r o m e s s e de b e a u t e m p s p o u r le l e n d e m a i n . A m o i n s d ' u n mi l l e , la r o u t e s ' é t r a n g l a i t d a n s u n g o u l e t d e roca i l l e s . Dès s a so r t i e , l ' on a p e r c e v r a i t d i s t i n c t e m e n t les m a i s o n s d e l a vi l le b a s s e e t les l u e u r s d e l eu r s p r e m i e r s feux. P u b l i u s se r e p r i t à s o n g e r . Il n ' é t a i t p a s f r é q u e n t q u ' h o r s d u s o m m e i l il s ' a b a n d o n n â t à l a r êve r i e . M a i s le c a l m e d u

soi r , la m a j e s t é d e la m o n t a g n e q u e le sole i l i n c e n d i a i t d e ses d e r n i e r s r a y o n s , l 'y p o r t a i e n t .

Il p e n s a à J u l i a e t il r e v i t T e r r a c i n e o ù il l ' a v a i t c o n n u e . Il y a v a i t h u i t an s . Off ic ie r f ra i s n o m m é à s o n retour de Bretagne, il était affecté à la I I Parthica où il attendait le commandement d'une manipule. Terra- cine, un port, une garnison comme tant d'autres; un troupeau de maisons blanches entassées face à la mer, comme si elles avaient été poussées dans le dos par le moutonnement des collines. Ici et là, émergeant des vignes et des blés, des villas se devinaient à leurs bosquets de pins et de cyprès. C'était au bord de la via Appia, à la sortie du camp militaire, que Servius Verro, un vétéran, tenait une manière de cantine à soldats. C'était le plein été bruissant de cigales. Revenant d'un exercice, Publius s'était assis sous la tonnelle de l'entrée. Il avait commandé une coupe de Falerne, et de l'eau car il savait ce vin capiteux. Une jeune fille l'avait servi si prestement qu'il n'avait pas eu le temps de voir son visage. La devinant belle, il l'avait suivie du regard alors qu'elle retournait à sa tâche. Sa natte noire lui arrivait aux reins et se balançait au rythme de son pas

dansant. Elle était vêtue d'une tunique très courte comme en portaient, filles ou garçons, tous les adolescents de la campagne. Comme elle se penchait sur un baquet où trempait quelque lessive, elle avait laissé voir le haut de ses cuisses jusqu'à son pagne blanc. Le centurion n'avait vu là aucune provocation. Tant de candeur et d'abandon l'avait ému. Il l'avait rappelée; elle s'était redressée et l'avait dévisagé avec des étincelles d'insolence dans ses yeux sombres.

— Que désires-tu, centurion ? — Tu connais donc les grades, gamine ? — Crois-tu que tu sois le premier militaire à

t'asseoir à cette table ? — Comment te nommes-tu ? Qui es-tu ? Quel est ton

âge ? — Je m'appelle Julia. Servius est mon père. Je vais

avoir seize ans. Il était revenu le lendemain et le surlendemain, et les

jours suivants; si bien qu'à le voir tous les soirs attablé, ses camarades se demandaient quel tourment profond, quel souci poussaient à la boisson un homme dont la sobriété avait valeur d'exemple. En vérité, il se serait peut-être mis à boire si Servius Verro lui-même ne s'était inquiété de son étrange comportement. Stimulé par une ivresse quelque peu provoquée, il avait fini par avouer au tavernier l'amour qu'il portait à sa fille. Servius ne s'en était pas offensé. Loin de là. La réserve du prétendant augurait bien de la solidité de ses sentiments. Tant valait un timide qu'un mirliflore, un fanfaron à la cuirasse trop pleine mais au casque vide. Bien que Julia fût quelque peu réticente à lier sa vie à celle d'un militaire, elle avait accepté de tendre au centurion la main qu'il avait demandée à son père. Ils s'étaient mariés aux vendanges, au temps où les pampres se rouillent. Julia portait une robe d'un jaune éclatant serrée autour de sa taille par une ceinture de laine à double nœud. Elle arborait un lourd collier d'argent, mais elle n'était coiffée que d'une couronne de, verveine. L'on s'était rendu en farandole chez le prêtre et chez l'augure. Devant eux, car les présages étaient favorables, ils s'étaient donné leur consente- ment.

— Ubi tu, Publius. — Ego, Julia1. Les invités avaient crié Feliciter ! Et l 'on avait

festoyé jusqu 'à la nuit. Les filles d 'honneur avaient pris Julia des mains des garçons qui lui avaient fait franchir le seuil de la maison nuptiale. Sans qu'elle en touchât le sol, elles l 'avaient déposée sur le lit, laissant à son mari le soin et le plaisir de la dévêtir.

Gauchement , dans sa hâte, il avait batail lé avec les cordons de ses sandales et les nœuds de sa ceinture. Lorsqu'il avait voulu la défaire de son pagne, elle s 'étai t soulevée pour qu'il pu t le faire glisser le long de ses hanches. Les reins ainsi cambrés, sans pudeur , elle avait offert à son é tonnement ravi, sous une brousse de soie noire, la source des plaisirs dont il avait pa ru si altéré. Sous le poids de son corps, Jul ia avait haleté un peu, puis gémi. Craignant alors de lui avoir fait mal, il s 'é tai t séparé d'elle. Ses trai ts é taient crispés et cette al térat ion de son visage faisait croire en effet à quelque souffrance exquise. Sans ouvrir les yeux, elle avait chuchoté dans un souffle :

— Reste, Publius. Je ne suis pas ta femme encore... Alors, très vite, elle l 'était devenue. Il y avait hui t ans déjà... cette nuit... Jul ia é ta i t

toujours aussi belle, même dans l ' humeur ou la colère. L'on pardonna i t bien ses bouderies à un enfant : à vingt-trois ans, qu'était-elle d 'aut re ?

Le centurion, la main levée en signe de mise en garde, a r rê ta son escorte. L'on a t tendi t que les éclaireurs fussent postés à la sortie du défilé. Le terrain ne permet ta i t pas d 'aut re manœuvre . Il eût fallu en effet que les hommes fussent mille pour soulever chaque pierre et que leurs montures fussent aussi agiles que des chèvres pour s 'aventurer dans ce fantast ique éboulis. Et puis quoi ! La ville étai t là. En tendant l'oreille, on entendai t sa rumeur . Les chevaux, si proches de l'écurie, s ' impat ientaient . L'officier,

1. « Partout avec toi, Publius. — Moi de même, Julia. »

m a l g r é la p r e s s i o n d e ses j a m b e s s u r les f l ancs d e s a j u m e n t e t la t e n s i o n des r ênes , ne p a r v e n a i t p a s à l ' e m p ê c h e r d e d a n s e r . Dès q u ' i l r e n d i t l a m a i n , e l le p a r t i t a u ga lop . P o u r u n e fois il la l a i s s a fa i re . Les a u t r e s s u i v i r e n t .

Les c r ê t e s de l 'Aurès c o m m e n ç a i e n t à se d é t a c h e r s u r la p â l e u r de l ' a u b e q u a n d G a i a r e p r i t le c h e m i n de s o n v i l lage . H u i t m i l l e s ! E n t r o t t a n t b i e n , il a r r i v e r a i t à t e m p s p o u r t r a i r e ses c h è v r e s e t d o n n e r a u x m o u t o n s . B i e n q u ' i l g r e l o t t â t d e f ro id et q u e s o n e s t o m a c , si tô t , c r i â t f a m i n e , c ' e s t r e m p l i d ' a l l é g r e s s e qu ' i l s ' é l a n ç a s u r le s e n t i e r . D a n s d e u x j ou r s , si les d i e u x le v o u l a i e n t , il s e r a i t le h é r o s d e la c a u s e . Les j e u n e s fil les c a q u e t t e - r a i e n t r o u g i s s a n t e s , l eu r s m a i n s d e v a n t la b o u c h e , e n le v o y a n t p a s s e r . P o u r les g a r ç o n s q u i n ' é t a i e n t p a s e n c o r e e n âge d e se b a t t r e , il s e r a i t le g u i d e e t l ' e x e m p l e . E t s ' i l v e n a i t à m o u r i r , les v i e i l l a r d s m â c h o n n e r a i e n t s a l é g e n d e a u x e n f a n t s . S o u s ses p i e d s nus , l ' h e r b e ro id i e p a r le g iv re c r a q u a i t avec u n b r u i t t é n u d e p a i l l e b r i s ée . La c h u t e d ' u n e p i e r r e lui i n d i q u a q u ' i l a b o r d a i t la m o n t a g n e . Le ciel é t a i t e n c o r e t r è s s o m b r e a u - d e s s u s d e la va l lée . Seu l e s , s c i n t i l l a i e n t les c o n s t e l l a t i o n s e s sen t i e l l e s . M a i s il n ' a v a i t p a s b e s o i n d ' é t o i l e s p o u r s ' o r i e n t e r . Il ne s ' a r r ê t a q u ' a u s o m m e t d e la d e r n i è r e co l l ine . Le p l a t e a u qu ' i l d o m i n a i t é t a i t u n lac d e b r u m e q u e d é c h i r a i e n t ici e t là c o m m e d e s a r c h i p e l s les c i m e s d e s b o s q u e t s . Tel le u n e é p a v e , é m e r g e a i t d ' u n e t o u r u n to i t d e tu i l e s q u e r o s i s s a i t l ' a u r o r e . G a i a p l o n g e a s a n s a p p r é h e n s i o n d a n s ce t u n i v e r s l a i t e u x o ù les s o l d a t s r o m a i n s ne p o u v a i e n t v o i r p l u s lo in q u e le fe r d e l e u r l ance . S o n a r c à l ' é p a u l e , il f r a n c h i t s a n s e n c o m b r e s le fossé d u l i m e s e t t r a v e r s a l a r o u t e .

Le h a m e a u s ' éve i l l a i t . U n c o q c h a n t a . Des ch i ens , f l a i r a n t u n e a p p r o c h e , se m i r e n t à a b o y e r avec f u r e u r . Les t r o u p e a u x , t o u j o u r s a p e u r é s , b ê l a i e n t d a n s les b e r g e r i e s . S a n s ces s i gnes de vie, u n é t r a n g e r a u r a i t e u d e la p e i n e à d i s t i n g u e r l ' o u v r a g e d e l ' h o m m e d a n s ces c a b a n e s q u i f o n d a i e n t l eu r s m u r s d e p i e r r e s d a n s la g r i s a i l l e d ' u n p a y s a g e m i n é r a l . Il c a c h a son a r m e s o u s

u n b u i s s o n a v a n t d e r e n t r e r c h e z lu i . S a f e m m e

a c c r o u p i e s u r ses t a l o n s e s s a y a i t d e r a n i m e r les b r a n d o n s d e l a vei l le . E l l e l eva s u r lui des y e u x

l a r m o y a n t s e t r o u g i s p a r la f u m é e . S a n s u n m o t , il p r i t p l a c e d e v a n t le foyer . E l l e d i s p a r u t a l o r s d a n s u n r e s t e d e n u i t q u i s t a g n a i t a u fond d e la p i èce . El le e n r e v i n t c h a r g é e d ' u n e c h o s e v a g i s s a n t e e m p a q u e t é e d e gue- n i l les . É c a r t a n t cel les d o n t e l le é t a i t vê tue , e l le e n s o r t i t u n se in c r a s s e u x q u ' e l l e f o u r r a d a n s l a b o u c h e d u bébé . Il se m i t à t é t e r b r u y a m m e n t . G a i a j e t a s u r ce q u ' i l p o u v a i t d i s t i n g u e r d e son fils u n r e g a r d a t t e n d r i . M a i s il n e s ' a t t a r d a p a s à c e t t e c o n t e m p l a t i o n c o m p l a i - s a n t e . D a n s l e u r é t a b l e a u fond d e l a c o u r e t t e , t r o i s

c h è v r e s s ' a g i t a i e n t , i m p a t i e n t e s , le p i s l o u r d d e la i t . T a s s é e s sous u n a u v e n t d e c h a u m e , les b r e b i s n ' é t a i e n t

q u ' u n e d é s o l a n t e l a m e n t a t i o n . Il l e u r j e t a u n e b o t t e d e m a u v a i s foin. C h a q u e m a t i n , i ls a c c o m p l i s s a i e n t les m ê m e s ges t e s : e l le a t t i s a i t le feu e t n o u r r i s s a i t l ' en f an t ; lu i a l l a i t s o i g n e r les bê t e s . C o m m e c h a q u e m a t i n , i ls p r i r e n t e n s i l ence l e u r p r e m i e r r e p a s d e bou i l l i e de fèves e t d e ca i l lé . C o m m e c h a q u e m a t i n , il s o r t i t s u r son seu i l p o u r e s t i m e r le t e m p s . U n g r a n d solei l r o u g e s ' é l eva i t e n m a j e s t é d a n s u n ciel im- m u a b l e . Il p r o m e t t a i t d u gel e n c o r e e t p o u r p l u s i e u r s j o u r s . G a i a fu t r a s s u r é . N i l a ne ige , n i l a p l u i e n e l ' e m p ê c h e r a i e n t d e v o i r e t d e v i se r . Il n ' é t a i t p l u s q u e d e s 'y e n t r a î n e r . Il s a v a i t u n r a v i n p r o p i c e a u t i r où , s ' i l é t a i t s u r p r i s , s o n t r o u p e a u lui s e r a i t u n p r é t e x t e . A v a n t d ' o u v r i r l ' é t a b l e , il c o u r u t à l ' e n d r o i t o ù il a v a i t d i s s i m u l é ses a r m e s . L ' a r c y é t a i t b i e n e t les t r a i t s d ' e x e r c i c e à p o i n t e s d e s i lex q u e lui a v a i t conf i é s Taxl i . Il les c a c h a d a n s u n e b o t t e d e se igle d o n t il s ' é t a i t c h a r g é . L ' a u t r e , la v r a i e f lèche, avec s a p e t i t e l a n g u e d e fer a i g u i s é e c o m m e l a t r a n c h e d ' u n e h e r b e , il l ' enve lop - p a d ' u n ch i f fon et la r e c o u v r i t d e t e r r e .

T o u t le j o u r , t a n d i s q u e ses m o u t o n s r â p a i e n t l e u r m a i g r e p a t u r e , il t i r a s u r la c ib l e de pa i l l e e t , l o r s q u e cel le-ci n e fu t p l u s q u ' u n t a s de b r i n d i l l e s , il l ' o f f r i t à ses bê t e s . D ' a i l l e u r s , la n u i t v e n a i t . Il é t a i t s a t i s f a i t . A c i n q u a n t e p a s , il a v a i t c h a q u e fois f a i t m o u c h e s o u s le l i en d e l a b o t t e c o m m e il c o m p t a i t le fa i re s o u s le c e i n t u r o n d e P u b l i u s V e r n a c l u s .

Le l e n d e m a i n , ve r s s e p t i m e , à l ' h e u r e o ù le j o u r se p a r t a g e , il r e v i n t c h e z lu i . D ' o r d i n a i r e , il f a i sa i t p a î t r e j u s q u ' a u soir . S a f e m m e , e n le v o y a n t a p p a r a î t r e à la p o r t e d a n s l a d u r e l u m i è r e d e m i d i , a v e c l ' i n t u i t i o n d e ce l l es d e s a r a c e q u i l e u r f a i t r e s s e n t i r l ' i m m i n e n c e d u deu i l , d e v i n a qu ' i l n e r e v i e n d r a i t p a s . E l l e s ' a g e n o u i l l a d e v a n t lui e t , lu i e n t o u r a n t les chev i l l e s d e ses b r a s , t e n t a d e le r e t e n i r . B r u t a l e m e n t , il l a r e p o u s s a d ' u n c o u p de p i e d . E l l e a l l a s ' a c c r o u p i r p r è s d e la c o u c h e d e l ' e n f a n t e t le b e r ç a n t , c o m m e n ç a à g e i n d r e , e n sou r - d i n e d ' a b o r d , p u i s à p l e i n e gorge , e n d o d e l i n a n t d e l a tê te , v e u v e d é j à a u x c h e v e t de son m o r t .

G a i a l a i s s a les a u t r e s à la s o u r c e d u Cèdre , u n p u i t s t a r i a u p r è s d u q u e l d e p u i s l o n g t e m p s ne p o u s s a i t p l u s q u e ce t a r b r e , u n t r o n c t o r t u r é , c h e v e l u d e v e r t s o m b r e , q u i n e se d é c i d a i t p a s à m o u r i r . A v a n t de c h o i s i r son e m p l a c e m e n t d e t i r , il d e s c e n d i t j u s q u ' a u b o r d d e l a r o u t e . Les c h e v a u x é t a i e n t b i e n p a s s é s le m a t i n . R i e n n ' a v a i t e f facé les t r a c e s d e l e u r s p i e d s . Il r e m o n t a d a n s l ' é b o u l i s o ù il a v a i t r e p é r é u n e s tè le n a t u r e l l e q u i p o u v a i t lui s e r v i r d e b o u c l i e r . Il b a n d a son a r c , m a i s son c o u d e r e n c o n t r a la p a r o i r o c h e u s e d r e s s é e d e r r i è r e lu i . U n p e u p l u s h a u t , u n e fa i l le e n t r e d e u x b locs c o n s t i t u a i t u n e m e u r t r i è r e a c c e p t a b l e . I ls é t a i e n t a s s e z é levés p o u r q u ' i l p û t t i r e r d e b o u t . Ce la i r a i t . Les c a v a l i e r s s e r a i e n t a v e u g l é s p a r le so le i l à s o n déc l i n . M ê m e a t t e n t i f s , ce q u e p e u t - ê t r e ils a u r a i e n t cessé d ' ê t r e si p r è s d e l eu r s q u a r t i e r s , i ls a u r a i e n t d u m a l à d i s t i n g u e r d a n s la p i e r r a i l l e u n e f o r m e t a p i e . Il vé r i f i a l a t e n s i o n d e son a r c e n e n f a i s a n t v i b r e r la co rde . E l l e

r e n d i t u n son g r a v e c o m m e u n b o u r d o n n e m e n t . Il n ' y a v a i t p l u s r i e n à f a i r e q u ' à r e s t e r f igé d a n s l ' a t t e n t e , à l ' é c o u t e d u b r u i t d e s a b o t s q u ' a s s o u r d i r a i t la p o u s s i è r e des b e r m e s d u c h e m i n . L à - h a u t , d e r r i è r e lui , a u f l anc de la m o n t a g n e , il s a v a i t le r e g a r d d e ses c o m p a g n o n s fixé s u r lui . P l u s i e u r s fois, il se r e t o u r n a b r u s q u e m e n t c o m m e s ' i l a v a i t s en t i d a n s son c o u l a c h a l e u r d e l e u r

souff le . Au loin, il c r u t e n t e n d r e u n a p p e l . Il f r i s s o n n a . E t si, t o u t à l ' h e u r e , le f ro id f a i sa i t t r e m b l e r s a m a i n ? E t si, r e t a r d é s , i ls n e r e v e n a i e n t q u e la n u i t t o m b é e ? E t si... ? L ' a n g o i s s e lui s e r r a la go rge . Il e u t e n v i e s o u d a i n d e r e n o n c e r . Mai s , p a s p l u s q u ' u n é c h e c , n e lui

s e r a i t p a r d o n n é s o n a b a n d o n . Il a v a i t à c h o i s i r e n t r e le c o u t e a u d u M a u r e e t les j a v e l o t s d e s l é g i o n n a i r e s , e n t r e le c e r t a i n e t le p r o b a b l e . D a n s l ' i n c o n n u r é s i d a i t s a s eu l e c h a n c e . Il e u t h o n t e d e s a f a ib l e s se e t s a m a i n

s e r r a , à b l a n c h i r ses p h a l a n g e s , l a p o i g n é e d e s o n a r m e . Le so i r é t a i t en f i n v e n u . Les ne iges d e l 'Au rè s é t ince - l a i e n t . G a i a c o n t e m p l a ce s p e c t a c l e e t le t r o u v a b e a u . Il n e d o u t a i t p l u s d e m a i n d ' y a s s i t e r e n c o r e .

E t p u i s , il les vi t , à u n d e m i - m i l l e p e u t - ê t r e . I ls a l l a i e n t a u p a s c o m m e il l ' a v a i t s o u h a i t é e t d a n s l ' o r d r e p r é v u . Il r e c o n n u t le c e n t u r i o n a u x b r e f s é c l a i r s q u e j e t a i t son c a s q u e d o r é q u a n d il t o u r n a i t la t ê t e . E t si ce n ' é t a i t p a s P u b l i u s , il s a u r a i t b i e n le d i s t i n g u e r p a r m i les s i e n s à s a s t a t u r e e t à l a p â l e u r d e s a p e a u . P e u a p r è s , il e n t e n d i t le c l i q u e t i s d e s a r m e s h e u r t é e s e t les r i r e s d e s c a v a l i e r s . Pu i s ce fu t le s i l ence , a b s o l u , s o u d a i n , c o m m e si les s o n s e t les i m a g e s q u ' i l a v a i t p o u r t a n t p e r ç u s n e t t e m e n t n ' a v a i e n t é t é q u ' u n e i l lu- s i on née d e son i m p a t i e n c e . O u b i e n a v a i e n t - i l s d é c e l é s a p r é s e n c e e t se d é p l o y a i e n t - i l s p o u r l ' e n c e r c l e r e t le s u r p r e n d r e ? Il r e g a r d a a u t o u r d e lui . A u c u n e o m b r e n e r a m p a i t a u t r e q u e ce l le d e s p i e r r e s . L ' o r d r e q u e d o n n a en f in l 'o f f ic ie r n e le c o n c e r n a i t pa s . Les é c l a i r e u r s p a s s è r e n t a u t r o t , à ses p i e d s , s a n s j e t e r le m o i n d r e r e g a r d d a n s s a d i r e c t i o n . Ils s ' a r r ê t è r e n t à l a s o r t i e d u déf i lé . C ' é t a i t l ' i n s t a n t . B i e n t ô t , il a l l a i t v o i r a p p a - r a î t r e , s ' e n c a d r a n t d a n s s o n c r é n e a u , la co i f fu re à a i g r e t t e s e t la t u n i q u e r o u g e d u c e n t u r i o n . E t ce fu t u n a u t r e s i l ence p l u s o p p r e s s a n t e n c o r e q u e le p r é c é d e n t , i n t o l é r a b l e , u n f r a g m e n t d ' é t e r n i t é . E t p u i s le p i é t i n e - m e n t p r é c i p i t é d ' u n ga lop . A t t e r r é , il se d e m a n d a c o m m e n t il p o u r r a i t a t t e i n d r e u n e c ib l e l a n c é e à c e t t e a l l u r e . D a n s son a f f o l e m e n t il t â t o n n a p o u r p l a c e r s u r la c o r d e le t a l o n d e l a f lèche . Q u a n d il v i t la t ê t e d e l a

j u m e n t , il t i r a , a u jugé , e n a v e u g l e , l a i s s a n t a u D e s t i n le so in d e g u i d e r le t r a i t j u s q u ' à son b u t . I l e n t e n d i t le è r i u n i q u e , n o n d e d o u l e u r m a i s d e r é v o l t e e t d e p r o t e s t a t i o n N o n !!! q u e r e p é t a l ' é cho j u s q u ' à ce q u ' i l n e fû t p l u s q u ' u n m u r m u r e .

G a i a r o u v r i t les yeux . C o m m e h a l l u c i n é , il s o r t i t d e s a c a c h e t t e à d é c o u v e r t , son a r c v i b r a n t e n c o r e d a n s s a m a i n . Il v i t le c h e v a l se c a b r e r . Il v i t l 'off icier , a r r a c h é

d e s a sel le , b a s c u l e r s u r les d a l l e s d e l a r o u t e . Il v i t les s o l d a t s s a u t e r à t e r r e e t se p r é c i p i t e r ve r s lui e n h u r l a n t . Il e s s a y a d e s ' en fu i r ; m a i s ses j a m b e s s e m - b l a i e n t f a i r e c o r p s a v e c le r o c h e r s u r l e q u e l il se t e n a i t . Il n ' e s q u i s s a p a s u n ge s t e d e d é f e n s e l o r s q u ' i l s l ' e m p o i - g n è r e n t e t le j e t è r e n t d e v a n t e u x d a n s l a p i e r r a i l l e . P a s d a v a n t a g e , il n e t e n t a d e p r o t é g e r s o n v i s a g e d e ses b r a s l o r s q u ' i l s le c r u c i f i è r e n t s u r le sol a v e c l e u r s j a v e l o t s . I ls le t r a î n è r e n t , p a n t e l a n t , à cô t é d e l e u r c h e f é t e n d u a u b o r d d u c h e m i n . L e u r s d e u x r e g a r d s se c r o i s è r e n t a lo r s , s a n s h a i n e , é t o n n é s . I ls m o u r u r e n t

e n s e m b l e e t l eu r s s a n g s se m ê l è r e n t d a n s l a p o u s s i è r e e n u n e m ê m e f l a q u e d e b o u e .

O n c h a r g e a le c o r p s d e P u b l i u s e n t r a v e r s d e s a se l le e t o n a b a n d o n n a l ' a u t r e a u x c h a c a l s . L a n u i t é t a i t

v e n u e . I ls j a p p a i e n t à l a m o r t .

Au I I siècle de notre ère, l'Algérie n'était qu'une loin- taine province de l'Empire romain. En ce temps-là déjà les fermes des colons sont attaquées, les moissons brûlent. La répression des légions d'Hadrien est impitoyable et la rébellion s'enflamme bouleversant le destin de la belle et intrépide Julia qui, plus que tout, chérit cette terre d'Afrique.

L'amour du centurion Neptunus, prêt pour elle à aban- donner le glaive, lui permettra-t-il de réaliser son rêve ? Comment Retmi, son esclave berbère, acceptera-t-il cet intrus ? Et qui est Aguellid, le chef rebelle insaisissable dont personne ne peut se vanter d'avoir vu le visage et à qui Julia a fait un jour l'imprudent serment de son silence ?

Tous ces colons, ces soldats, ces rebelles de Numidie ne sont pas tellement différents de ceux qui se sont battus pour les mêmes terres ou les mêmes causes dix-huit siècles plus tard.

Une évocation surprenante et émouvante d'une guerre qui était déjà la guerre d'Algérie.

Officier de carrière, Henry Noullet a servi en Algérie. Passionné d'archéologie romaine, il a mis à jour, en 1959, à Zraïa, les stèles funéraires de Neptunus et de Julia, les héros de cette histoire. Julia est son deuxième roman.

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