114
JURISPRL!DENCE 89' No 3612.- Tribunal de commerce de Bruxelles (ch. extraord.). - 24 juin 1936. MM. Mosselman, jug·eunique;- Piret, référ.;- Pl.: Mtres Damnont et Vermoesen, avocats. (Drossart, opposg,nte _cf. So_c; f.tocluG§rs ]!i_st1jbuting ______ _ Corporation). Société anonyme.- Serment litisdécisoire.- Délation à un administra- teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.- Non-recevabilité. N'est pas recevable la délation à nne société d'un serment litisdécisoire, qui devrait être prêté par l'administrateur délégué de la société, si cet administmteur n'a pas reçn le pouvoir de transiger. Attendu que l'opposition est rég·ulière en la forme et que sa recevabilité n'est pas contestée; Attendu que la société demanderesse réclame l'exécution d'une clause pénale qu'elle a stipulée dans la convention verbale de location conclue avec Attendu qu'aux termes de la dite convention verbale, la dame Drossart, exploitante du cinéma Majestic à Cuesmes, se serait eng·agée à ne pas laisser exhiber le film «Les Bateliers de la Volga»,· lui loué, dans un autre établissement que ses cinémas de Cuesmes et de Ghlin ; Attendu qu'il n'est pas dénié que le film «Les Bateliers de la Volga» a été passé, par l'intei'médiaire de la dame Drossart, dans un cinéma de Quareg·non ; Attendu que la dame Drossart soutient que le sieur P ... , directeur de la société demanderesse, l'avait autorisée à céder le film à l'èxploitant de ce cinéma de Quaregnon; Attendu que le soutènement de la dame Drossart est en contradiction avec les faits; Attendu qu'aucun des documents versés aux débats ne fait allusion au droit de l'opposante de passer ou laisser passer le film <<Les Bateliers de la Volg·a » dans un établissement autre que ses salles de Cuesmes et de Ghlin ; Attendu que la facture dressée le 23 septembre 1935 ne fait mention que du pas- sage du film dans le cinéma de Cuesmes, moyennant le loyer de !JOO fr. ; Attendu que la lettre de confirmation adressée par la demanderesse le Let· octobre -1935 porte, il est vrai, que la location pour l'établissement de Cuesmes était de 300 fr.; Mais qu'il ne peut être déduit de celte circonstance, comme le voudrait l'oppo- sante, que la différence, soit 200 fr., était la contrepartie du droit lui reconnu de céder le film en sous-location à un tiers ; Attendu qu'il est plus log·ique d'admettre, avec la demanderesse, que la rédaction de la lettre du 1er octobre 1935, est due à une confusion survenue dans l'esprit du préposé de la demanderesse, confusion d'ailleurs très explicable ; ce préposé aurait cru que le film devait passer d'abord à Ghlin pour le loyer de oOO fr. et ensuite à Cuesmes pour le loyer à 300 fr., alors qu'il avait été convenu que le passag·e aurait lieu d'abord à_ Cuesmes, puis à Ghlin ; Attendu qu'en ordre subsidiaire, l'opposante, autorisée par son mari, défère à la demanderesse le serment litisdécisoire ; N°3612

JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

  • Upload
    others

  • View
    6

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRL!DENCE 89'

No 3612.- Tribunal de commerce de Bruxelles (ch. extraord.). -24 juin 1936.

MM. Mosselman, jug·eunique;- Piret, référ.;- Pl.: Mtres Damnont et Vermoesen, avocats.

(Drossart, cLéfemleresse_flJ~igmaiJ'fi._ opposg,nte _cf. So_c; f.tocluG§rs ]!i_st1jbuting ______ _ Corporation).

Société anonyme.- Serment litisdécisoire.- Délation à un administra­teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.- Non-recevabilité.

N'est pas recevable la délation à nne société d'un serment litisdécisoire, qui devrait être prêté par l'administrateur délégué de la société, si cet administmteur n'a pas reçn le pouvoir de transiger.

Attendu que l'opposition est rég·ulière en la forme et que sa recevabilité n'est pas contestée;

Attendu que la société demanderesse réclame l'exécution d'une clause pénale qu'elle a stipulée dans la convention verbale de location conclue avec l'oppo~ante;

Attendu qu'aux termes de la dite convention verbale, la dame Drossart, exploitante du cinéma Majestic à Cuesmes, se serait eng·agée à ne pas laisser exhiber le film «Les Bateliers de la Volga»,· lui loué, dans un autre établissement que ses cinémas de Cuesmes et de Ghlin ;

Attendu qu'il n'est pas dénié que le film «Les Bateliers de la Volga» a été passé, par l'intei'médiaire de la dame Drossart, dans un cinéma de Quareg·non ;

Attendu que la dame Drossart soutient que le sieur P ... , directeur de la société demanderesse, l'avait autorisée à céder le film à l'èxploitant de ce cinéma de Quaregnon;

Attendu que le soutènement de la dame Drossart est en contradiction avec les faits;

Attendu qu'aucun des documents versés aux débats ne fait allusion au droit de l'opposante de passer ou laisser passer le film <<Les Bateliers de la Volg·a » dans un établissement autre que ses salles de Cuesmes et de Ghlin ;

Attendu que la facture dressée le 23 septembre 1935 ne fait mention que du pas­sage du film dans le cinéma de Cuesmes, moyennant le loyer de !JOO fr. ;

Attendu que la lettre de confirmation adressée par la demanderesse le Let· octobre -1935 porte, il est vrai, que la location pour l'établissement de Cuesmes était de 300 fr.;

Mais qu'il ne peut être déduit de celte circonstance, comme le voudrait l'oppo­sante, que la différence, soit 200 fr., était la contrepartie du droit lui reconnu de céder le film en sous-location à un tiers ;

Attendu qu'il est plus log·ique d'admettre, avec la demanderesse, que la rédaction de la lettre du 1er octobre 1935, est due à une confusion survenue dans l'esprit du préposé de la demanderesse, confusion d'ailleurs très explicable ; ce préposé aurait cru que le film devait passer d'abord à Ghlin pour le loyer de oOO fr. et ensuite à Cuesmes pour le loyer à 300 fr., alors qu'il avait été convenu que le passag·e aurait lieu d'abord à_ Cuesmes, puis à Ghlin ;

Attendu qu'en ordre subsidiaire, l'opposante, autorisée par son mari, défère à la demanderesse le serment litisdécisoire ;

N°3612

Page 2: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

90 JURISPRUDENCE

Qu'elle conclut à ce que la demanderesse déclare sous serment, par l'org-ane de son administrateur- délégué, qu'elle n'a pas consenti au passage du film dans un cinéma de Quareg·non ;

Attendu que l'offre de serment litisdécisoire ainsi présentée n'est pas recevable; - Attendu que l'acte constitutif de la société demanderesse, du H) janvier 1926, don­

nait, à son conseil d'administration le pouvoir de transig·er, et l'autorisait à délég·uer à l'un de ses membres la g·estion journalière ;

Attendu que le sieur P .. , à qui l'opposante voudrait faire prêter le serment, n'a donc pas uualité pour transig·er au nom de la demanderesse ;

Attendu que le serment litisdécisoire présuppose une véritable transaction cOin­prenant une offre de l'auteur de sa délation et une acceptation de la part de l'autre partie;

Que celui qui accepte de prêter serment doit donc avoir le pouvoir de transig·er ; Que ce pouvoir de transig·er ne se confond pas avec celui de représenter la société

en justice (RESTEAU, Sociétés anonymes, 1933, t. II, nos 901 et 1108; -- PAs~mLECQ, Sociétés comme1'ciales, no 1831 ; - LAURENT, Principes lle droit civil, t. XX, no 234; - Civ. Anvers, 11 juillet 1911, Rev. not., 1912, H>9);

Que si la jurisprudence a parfois admis la recevabilité d'une délation de serment faite à un administrateur, ce fut en constatant au préalable le pouvoir de l'adminis­trateur de transig·er au nom de la société (Comm. Liég·e, 18 juin 1929, Rev. soc., 351));

Par ces motifs, Le Tribunal rejetant toutes autres conclusions ; Revu, en expédition enregistrée, le jug·ement par défaut du 8 janvier 1936; Reçoit l'opposition en la forme, en déboute les opposants, les condamne aux dé-

pens ; dit que le prédit jug·ement sortira ses pleins et entiers effets ; Déclare le présent jugement exécutoire nonobst~nt appel sans caution

Observations. - Ce jugement e~t conforme à l'enseignement de la doctrine et de la jurisprudence. Les sociétés commerciales sont sou­mises au deoit commun en matière de preuve, comme les personnes physiques sujets de deoit. L'administration des preuves se fait, quant à elles, au moyen de leurs organes légaux et statutaires. Mais ces organes doivent à cette fin être dûmeilt qualifiés et nantis des pouvoirs que supposent ou requièrent les modes des preuves à faire ou à sup­porter. Ainsi en a-t-il été maintes fois jugé en matière d'interrogatoire sur faits et articles. Voir a ce propos: Trib. comm. Gand~ 5 juillet 1933 (Revue, 1933, no 3332, p. 253 et les références citées).

La règle à suivre est la même quant à la délation de serment. Cette procédure ne se rapporte pas exclusivement à l'oedre des modalités de preuve; elle se rattache aussi étroitement à la matière des contrats, puisqu'elle est inséparable, à raison de ses effets légaux, de la trans­action. Tel est le motif pom· lequel le droit de recourir, activement ou passivement, à cette procédure, n"est pas ou pas nécessairement

N° 3612

Page 3: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 91

compl'is dans le potiVoir de représentation en justice conféré~ en termes simplement généraux~ à tel ou tel mandataire de la société : adminis­trateur on directeur. D'ou il suit que pour pouvoil' y recourir, il faut que l'organe de représentation judiciaire de la société soit, en outre, pom~vu.dtLpouvoir expr·.è_s_de_ transiger,e'est-a-dire de disposer_ab_s_glu­ment et intégralement de l'intét·êt en libge.

Voir outee l'espèce citée au jugement (Trib. comm. Liége~ 18 juin 1929; Revue, 1929, no 3002, p. 355), un jugement du Tribunal de com­met·ce d'AnvePs .du 29 janvier 1930 (Re.mte~ 1930, no 3054, p. 173) rendu sm· le cas d'un dil·ecteur.

No 3613. - Cour d'appel de Liége (2e ch.). - 24 juin 1936. MM. Slegers, prés.;- Delwaide, av. gén.;- Pl. : Mtres Poncelet (Dinant)

cf Herbiet (Dinant) et Marcel Philippart (Liége), avocats. (Faillite soc. an. Soclexaf cf Jomaux.)

Société anonyme.- 1. Insuffisance du capital.- Action en nullité for­mée contre la société. - Recevabilité. - Nullité de la société.

Il. Libération des actions en nature.

Une action en nullité peut être introdztite contre 1tne société anonyme lorsque ne sont pas réunies les conditions de fond exigées par l'art. 29 de la loi pour éviter la fonda­tion de sociétés ne présentant aztmtne garantie de vitalité ni de sécurité; notamment lorsque le capital souscrit n'atteint pas le chiffre que les fondateurs devaientjnger ind·is­pensable pour permettre à la société de vivre et de fonctionner régulièrement.

Si la libération des actions peut se faire par un apport en nature, c'est à la condition qne cet apport soit réel et sérieux et qn'il ait a1t moins la même valezt1' que le versement dzt cinquième en nwnél'aire dont il tient lieu.

Revu l'arrêt de profit joint en date du 17 décembre 1935 et la réassignation par l'exploit du 4 février '1936 de la partie Jomaux qui continue à faire défaut;

Attendu que le curaleur de la faillite Sodexaf soutient que telle qu'elle est intentée l'action n'est pas recevable parce que le créancier, pour agir en vertu de l'art. -J 167, aurait dû mettre à la cause ceux qui avaient agi en fraude de ses droits, c'est-à-dire les personnes qui avaient comparu à l'acte constitutif de la société Sodexaf et non uniquement cette société qui n'avait posé aucun acte portant préjudice au créancier J omaux; qu'il plaide au fond que, contrairement à l'opinion du premier juge, l'apport de Tonneau a été valablement fait et que cet apport fut-il même fait en fraude des droits des créanciers, il n'en résulterait pas nécessairement que la société fût nulle du n1oment qu'avaient été respectées les dispositions légales relatives à sa consti­tution;

Attendu qu'il importe donc du double point de vue de la reeevabilité et du fond de déterminer quel est l'objet du litig·e soumis à la Cour ;

Attendu que, depuis le 7 mai1931, Léon Jomaux était créancier pour une somme d'environ 16.000 fr. d'un sieur Tonneau qui avait acquis à une vente publique faite

N° 3613

Page 4: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

92 JURISPRUDENCE

à la requête de Jo maux trois têtes de bétail pour l'exploitation de sa ferme de Rome­denne ;

Attendu que, le -16 février 1932, était constituée à l'initiative de Tonneau devant l\'1° l\'Iathieu, notaire à Huy, une société anonyme dénommée «Société d'exploitations

---ag-rtool-e-et-1-urestîèreSüâexaf n ali capital de 150.000 fr., rept'esenté par trois cents actions de 500 fr. chacune ; que les statuts de la société furent publiés au Monitezt1' du 3 mars -1932, no 1697 ;

Attendu que Tonneau, actuellement en faillite et représenté par son curateur Me Herba y, fig-ure parmi les fondateurs et déclare faire apport d'un matériel, cheptel et mobilier, en rémunération duquel il lui est attl'ibué 225 actions entièrement libérées; qu'il souscrivait en outre 14 actions à libérer en numéraire ; que, le 1er mars 1932, soit avant la publication au jfonitenr, il rachetait à un autre fondateur Leflot, qui déclarait avoir souscrit 40 actions, 3D titres au prix de 100 fr.; qu'il s'est attribué -19 titt'es sUI' les 25 qu'un autre fondateur Marchand déclarait avoir souscrits ; qu'ainsi Tonneau, notoirement insolvable, t'eprésentait en fait 288 actiot}S sm 300 formant le capital social ;

Attendu que la simple description faite aux statuts des objets formant le matériel et le mobilier et l'énoncé des quelques têtes de bétail formant Je cheptel, démontrent le caractère fantaisiste de l'apport décrit;

Attendu que, le 18 février 193 2, Tonneau cédait à bail à la Sodexaf les bâtiments restreints et 67 hectares presque totalement incultes d'une ferme pompeusement baptisée cc Domaine du Ilepnimont » au prix sig·nificalif de 2!5 fr. l'hectare pour les trois pt'emières années; qu'il se réservait l'entière disposition d'un taillis de cinq hectares;

Attendu qu'en l'absence de toute éniture et comptabilité commerciales et à raison de l'insolvabilité notoire de Tonneau, on f'eut affirmer avec son curateur que Ton­neau n'a rien versé pom libérer en numéraire les actions par lui souscrites ; que, pat'tant, lasociété créée soi-disant pour faire toutes opérations d'agriculture, d'éle­vage, de culture et d'exploitations forestières n'avait, pour réaliser son objet social, ni terres appropriées, ni bois, ni argent ;

Que c'est dans ces conditions que le créancier Jomaux a, le 13 avril1932, ajourné son débitem Tonneau et la société anonyme Sodexaf en la personne de son conseil d'administration; qu'il fait grief au premier d'avoir, par la constitution insolite de la société, fait disparaîtt;e son actif de façon à le rendre insaissisable en l'engloutis­sant ·dans la société, dont il demande la nullité parce qu'elle ne remplissait pas les conditions intrinsèques requises pour la validité d'une société anonyme;

Attendu qu'en dehors des formes extrinsèques qui, en l'espèce, ont été respectées, la lui en son article 29 émunére les conditions de fond qui sont exigées pour éviter la fondation de sociétés ne présentant aucune g·arantie de vitalité, ni de sécurité ; que la société anonyme est une réunion de capitaux, se fondant en un seul capital, qui est la base même de la société et constitue son crédit jugé nécessaire pour assu­rer son fonctionnement normal et-lui permettre d'atteindre son but social ; qu'il est de jurisprudence (Cass., 7 juillet 1892 et 5 décembre -190J) que sont constituées en violation de la loi les sociétés dans lesquelles le capital souscrit n'atteint pas le chiffre que les fondateurs eux-mêmes devaient juger indispensable pour permettre à la société de vivre et de fonctionner régulièrement;

Attendu que si la libération des actions est permise autrement que par versement

Page 5: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 93

en numéraire, et notamment par un apport effectif, c'est à la condition que cet apport soit réel et sérieux et que l'apport en nature ait au moins la même valeur que le versement du cinquième en numéraire dont il tient lieu ;

Attendu que l'absence de l'une ou de l'autre des conditions indiquées par l'art. 29 des lois coordonnées sur les sociétés et parmi lesquelles figurent la souscription intégTale du capital social et le versement partiel du capital consistant en numéraire,

-- -entraîne-l'inexistence de la société-et accorde à tout intéressé le droit d'en poursuiyr_e_ _ _ __ la nullité ;

Attendu qu'il n'est pas sans intérêt de remarquer que le curateur même de Ton­neau, mieux informé des conditions dans lesquelles fut constituée cette singulière société, admet que la bonne foi des co-fondateurs ou de certains d'entre eux a été surprise ; que seuls deux d'entre eux ont libéré leur unique action de 500 fr. et que le reste n'a pas été rapporté ;

Attendu qu'il suit de ces considérations qu'à bon droit le premier juge a déclaré la demandP recevable et fondée; que la société ayant été constituée par acte authen­tique et régulièrement publiée au j}foniteur, ayant donc une existence propre, c'est contre elle qu'il fallait ag·ir pour obtenir que soit décrétée sa nullité pour vice intrin­sèque;

Par ces motifs et ceux du jug-ement a quo; La Cour, ouï en son avis conforme M, l'avocat g·énéral Delwaide, statuant contra­

dictoirement vis-à-vis du curateur à la faillite du sieur Adhémar Tonneau et par défaut itératif à l'ég·ard de l'intimé Jomaux; rejetant comme non fondées toutes con­clusions autres ou contl'aires; confirme le jug·ement frappé d'appel; condamne l'appe­lant quaUtate qua aux dépens d'appel vis-à-vis de toutes les parties.

Observations. - Les cas de nullité en matièt'e de société anonyme ont été, on le sait, presque entièrement abolis par le législateur belge de 1913, qui a substitué à cette sanction toujours gt·ave pour les inté­rêts des associés et des créanciers, celle de la responsabilité solidaire des fondateurs ou des administrateurs. Il en est notamment ainsi en ce qui concerne le défaut de sousceiption intégrale et valable du capi­tal social.

Mais il faut se garder de confondre le cas de souscription incomplète du capital avec celui del 'insuffisance du capital statutaire. La sanction de la sousceiption incomplète du capital relève du droit spécial des sociétés. La sanction de l'insuffisance du capital relève fondamentale­ment du droit commun des contrats : elle consiste dans la nullité de la société; tandis que la sanction de la souscription incomplète du ca­pital consiste dans la responsabilité solidaire des fondateurs quant à la partie non valablement souscrite.

Il est aisé de se rendre compte des motifs de cette différence. Le contrat de société, en effet, comporte une .mise en commun con­

venue dans la vue de paetagee le bénéfice qui pourea en être retiré (0. civ., art. 1832). Ce contrat est donc formé pour assurer l'exercice

N° 8613

Page 6: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

94 JURISPRUDENCE

d'une activ)té lucrative au moyen du capital constitué par la réunion des mises. Cette notion suppose nécessairement que la mise en com­mun convenue soit réellement suffisante pour peemettre à la société d'exercer l'activité lucrative commune envisagée comme objet par les

---pm'tle~~i la mise en commun convenue étaiCéconomiquement et fonc­tionnellement insuffisante pour assurer l'exercice de l'activité visée, la formation de la société serait un acte contractuel feustl'atoire : en tant que convention, elle manquerait d"objet. Or, Pexistence d'un ob­jet certain est une des conditions essentielles de validité des conven­tions (C. c~v., a1·t. 1108). Par conséquent, la société à laquelle ses fondateurs assignent un capital fonctionnellement insuffisant, est tme société nulle.

La dispositio·n de droit spécial de l'article 35, 2° des lois coordon­nées sur les sociétés commerciales n'a lieu d'enteer en applicaUon que dans l'hypothèse de la suffisance incontestée du capital convenu, pour la poursuite des fins sociales.

Dans l'espèce curieuse jugée par la Cour d'appel de Liége, c'est bien la nullité de la société et non la responsabilité des fondateurs qui de­vait être peononcée, une fois qu'il appaeaissaît acquis en fait que la société avait été constituée sciemment sans capital suffisant, la déter­mination d'un capital à l'acte et toute la fondation dela société n'ayant été, dans les intentions du peincipal fondateur, qu'un trompe-l'œil et un subterfuge imaginés par cet insolvable pour se soustraire aux poursuites de ses créanciers.

En d'auti'es tel'mes, pour que la société échappe à la nullité, il faut qu'il y aît volonté sérieuse de co_nstituer une société viable par des apports effectifs, c'est-à-diee, de souscrire et faire souscrire réellement un capital atteignant le chiffre que les fondateurs mêmes doivent juger indispensable pom· assurer la vitalité et la sécurité d~ la société eu égard à la nature de son activité statutaire. Cette condition intrinsèque étant remplie, le fait que le capital suffisant statutairement déterminé se trouverait être, en fait, incomplètement souscrit, entrainerait non plus la nullité de la société, mais la responsabilité solidaire des fon­dateurs.

Contee qui 1 'action en nulLité d'une société doit-elle être poursuivie? . La Cour de Liége remarque avec raison que lorsque l'acte authentique rempl.it les conditions de forme légalement exigées, la société anonyme est censée exister ; provision est due à son titre ; l'action en nullité dirigée contre elle est donc recevable. Mais il va de soi que la décision

N° 3613

Page 7: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 95

de justice qui interviendra sur une demar.de ainsi dirigé~, restera étran­gère aux fondateurs qui n'auront pas été appelés à la cause. Pour que la décision judiciaire de nullité ait toute sa portée, il faudrait donc que l'action en nullité fût dirigée à- la fois contre la société provision­née d'un titre formellement régulier et contre ses divers fondateurs.

II. ........ La libération des_actions est permise autrement que __ par_ des versements en numéeaiee, par un apport effectif : c'est ce que rlit ex­pressément l'article 29, 3° des lois coordonnées sur les sociétés com­merciales. Mais il va de soi que pour être" effectif, l'apport doit être réel et sérieux et d'au moins la même valeur que le versement du cinquième en numéraire dont il tient lieu. Ce sont là des questions de fait.

Cfr. Brux. 14 févr. 1913, Revue, no 2345, p. 274; - Cass. 23 oct. ] 905, Revue, p. 289. - NOVELLES, Soc. ëommz.,, nos 1069 à 1084.

No 3614. - Tribunal de comme·rce de Bruxelles (8e ch.). 28 décembre 1936.

MM. De Pauw, ff. prés. ; -Guillaume, prem. référ. adj. ; Pl. : l\ftres Rog·er cf Marchal, avocats.

(Soc. an. Banque X ... cf W ... ). Opérations de bourse.- Ordre de vente passé à un banquier.- Exécu­

tion à un jour de bourse autre que le jour indiqué au bordereau.­Différence des cours.- Préjudice. - l,Jsages de bourse. - Non-res­ponsabilité du banquier.

Les ttsages de bou1'se tégissant les relations ent1'e agents de change, ne sont pas oppo­sables à un banqttier servant d'intermédiaire pour l'exéctttion cl'un orclre de vente de t'Ït1'es. L'agent de change choisi par le banquier pour l'exécution, teste un tiers pout le donnew· d'otclte.

Vu l'exploit introductif d'instance (enregistré) sig·nifié le 13 juin 1935, par l'huis­sier Gilson ;

Attendu que l'action tend au paiement de la somme de 2512,50 fr., montant de la différence du produit de la vente de certains titres faite en appliquant le cours du 17 mai 1935, et non celui de la veille ;

Que le demandeur réclame, en outre, paiement de la somme de 120,50 fr., coût d'un exploit de l'huissier Sterckx ;

Attendu, qu'à la date du 16 mai 1935, le demandeur a chargé la société défende­resse de faire vendre pom son compte en bourse pour 55.000 fr. de titres du Crédit Communal 5 °/o 1931 (11 coupures de 5000 fr.) et pour Mi.500 fr. de titres de même nature (44 coupures de 1000 fr., 3 de 500 fr. au taux minimum de 90 °fo;

Attendu que le demandeur reconnaît actuellement que l'ordre devait être exécuté à la bourse du 16, contrairement à ce qu'il affirnie dans l'exploit introductif d'instance,

N° 3614

Page 8: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

96 JURISPRUDENCE

où il déclare expr,essément que les titres devaient être vendus à la bourse du lende­main 17 ; qu'il se contredit, d'ailleurs, en affirmant dans le même exploit que le bor­dereau de l'opération aurait dù lui être envoyé avant la bomse du 17 ;

Attendu que la prétention actuelle du demandeur consiste à reprocher à la défen­deresse d'avoir exécuté l'ordre le '17 tout en feig·nant l'avoir fait le 16;

Attendu que le non f1J11dBIITe1Ttlltrœtteallégahon resulte suffisammenfCfeSélêments de la cause ; qu'il est établi que, le 16 mai 1935, la défendet·esse a exécuté correc­tement les ordres du demandeur en charg·eant un ag·ent de change, Gillet et Cie,. de vendre les titres, ordre qui a été exécuté par Gillet et Cie, le 16 mai, opérations dont le bordereau a été régulièrement envoyé à la défenderesse ce même jour ;

Que le demandeur prétend trouver la preuve de sa prétention dans le fait que la défenderesse ne lui a envoyé que le 17, entre 4 et 5 heures de l'après-midi, un bor­det·eau daté du '16 et arrivé à destination le 18 ;

Que bien à tort le demandeur incrimine la régularité de cette notification; que les usages de bourse auxquels le demandeur reproche à la défenderesse d'avoir contre­venu ne lui sont nullement opposables ; qu'en effet, la défenderesse n'est pas agent de change ; qu'elle n'est pas liée par les usag·es régissant les relations entre ag·ents de change; qu'elle n'est intervenue clans l'opération litig·ieuse que comme manda­taire du demandeur; qu'elle ne pouvait aviser le demandeur de la réalisation de l'opération avant d'avoir elle-même _reçu de son agent de chang·e, l'assurance de son exécution ; que les arg·uments tirés par le demandeur de la date du bordereau expédié par elle ('16 mai) et de celle des timbres fiscaux (H mai) sont sans relevance; que la défenderesse a pu préparer dès le 16 ses écritures, sauf à les timbrer et à les poster seulement le 17, après réception du bordereau de Gillet et Cïc ;

Attendu que la prétention du demandeur de recevoir la différence entre le cours du 16 et celui du 17 n'est donc pas justifiée ;

Attendu que c'est à tort aussi que le demandeur prétend faire supporter à la défen­deresse le coût de l'exploit sig·nifié le 22 mai 1935, par l'huissier Sterckx (enre­gistré) ; que c'est à juste titre que la défenderesse s'est refusée à donner acte au demandeur de certaines réserves en acceptant la remise des titres litigieux ; que si le demandeur a cru devoir faire acter ses rése!'Ves pal' un acte d'huissier, il doit sup­porter le coùt de cette procédure ;

Par ces motifs, Le Tribunal, écartant toutes fins et conclusions, autres ou contraires, dit le deman­

deur mal fondé en son action, l'en déboute, le condamne aux dépens. Donne acte à la défenderesse de ce qu'elle évalue l'action à plus'-(fe quinze mille francs.

Observations. - Un donneur d'ordre reproche 1:\ son mandataire, banquier, de ne pas avoir exécuté ou fait exécuter l'ordre au jour pré­tendûment indiqué dans l'avis d'exécution. Il se prétend lésé. Suffit­il qu'il assigne son mandataire en paiement de la différence~ montant du préjudice qu'il aueait subi par stüte de l'exécution de l'ordre le 16 plutôt que le 17 mai 1935 ?

Une telle action paraît mal engagée. Comme il s'agit d'un contrat de mandat, le mandant doit assigner son mandataiee en reddition de ses comptes, afin de sa voir si ce dernier fait raison de tout ce cg1 'il a

Page 9: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

,TU RISPRUDENCE 97

reçn (art. 1993, C. civ.). Le paiement d'une diffét·ence de cours impli­que nécessairement la production de l'ensemule des comptes délliteurs et ct•écliteui'S (G. LATERRE, Le mandat, nos 495 et ss., p. 67),'

Le donneur d'ordre peut-il se vlaindre d'avoir reçu seulement le 18 l'avis rl'opéré, lorsque l'opération a été exécutée le 16 mai?

Il est d'usage, eii I)]atière-cl'opél;ations {_le boùi·se~ d'aviser Iei-cfoi~ nenes d'OI'clt'e de l'exécution de leurs opérations, le jour même où celles-ci ont eu lieu, afin qu'ils en reçoivent l'avis le lendemain au matin. Toute réclamation concernant l'exécution d'un ordre doit, en effet, être formulée avant qu'une nouvelle séance de boul'se ait été tenue. Mais ici, il s'ag·it de valeurs cotées et le mandataire est un ban­quiet' autorisé à recueillir des oedres de bourse (art. 75, 75bis). Il doit donc, pour rexécution de l'oi'cli'e, se substituer un agent de change agTéé. Le banquier commissionnaire ayant passé à l'agent de change oeclt·e œexécution le 16 mai~ ne pouvait recevoir le bordereau qt~e le 17, et transmettee qu'alot•s ses comptes de gestion au mandant, qui ne

pouvait les recevoie quf' le 18. La notification faite clans ces conditions apparaissait clone, dans l'espèce, comme paefaitement régulièt·e.

L'agent de change, dit le jugement, reste ici un tiers pour le donneur d~ordre. Le manclant"3 autoe:isé la substitution puisqu'il sait ou doit 5avoÜ' que son mandataire ne peut légalement exécuter l' m·di·e. Mais celui-ci agit, vis à vis de l'agent de change agréé, en nom personuel, sans faire connaître le nom de son mandant, ni sa qualité de manda .. taiee. Il y a clone, en l'espèce, deux mandats successifs plutôt qu'tm seul mandat avec pouvoit· de substitution (Cfr. GoEYENS :Des justifica­tions à fouenit· par les banqt1iers en matièee d'opéeations de uourse, Jw·. cmmn. Bntx., 1934~ p. 229; ~Georges LATERRE, Le mandat, ll0 643, p. 80).

M~ T.

No 3615.- Tribunal de commerce de Gand (1re ch.).- 26 sept. 1936. MM. Veesaert, prés.; Vrehos, référ.- Pl. : I\'llrcs F. Dauwe et Ilonse, avocats.

(Simoens et l'an den Bossche cf le Curateur ù leur faillite). Société en nom collectif.- I. Défaut d'écrit.- Commerce exercé depuis

longtemps sans une raison sociale.- Nullité de société. - Inopposa­bilité aux tiers. II. Associés.- Qualité de commerçant persistant après 1~ dissolution. -Faillite possible jusqu'à la clôture de la liquidation. III. Faillite des associés sans déclaration de faillite de la société.

7

Page 10: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

98 JURISPRUDENCE

1. L'exploitation d'un tissage par denx com.me1·çants pendant de nom.brenses années, soûs ttne raison sociale, implique l'existence entre eux d'nne société en nom collectif.

Il. La circonstance qu'aucun acte de société ne fut dressé n'empêche pas que la société constituait une entité juridique qui doit être cmu;idérée comme une société en nom col-

- lecti[_ dont la_j1Jll1Jté_U1!,__JlBltLêtLe_appasée_pa1'-les_associés-auX-tim·s~---------­Ill. Les associés en nom collectif sont commerçants en cette qualité et le restent et

_ peztvent donc être déclarés en faillite jusqu' it la clôture de la liquidation de la société.

(TRADUCTION).

Attendu que René Simoens et Albert Van den Bossche ont fait opposilion au jug·ement du 4 septembre dernier qui les a déclarés d'office, en leur qualité d'asso­ciés de fait, en état de faillite;

Attendu que c'est bien à tort que les opposants critiquent le Tl'ibunal parce qu'il a prononcé la faillite d'office et ce à une audience extraordinaire tenue à une date autre que celle prévue par le règ·lement d'ordre intérieur pour la période des va­cances; qu'en effet, la loi sur les faillites attribue au Tribunal de commerce le droit de décla1·er un commerçant en faillite d'office et qu'aucune disposition lég·ale ne l'empêche de tenir des audiences extraordinaires lorsque les circonstances le com­mandent et de prononcer de jugements aux jour et heure qui lui conviennent;

Attendu qu'abstraction faite d'un amas de considérations d'à-côté développées par les opposants, le Tribunal doit uniquement vérifier ici la qualité de commerçants dans le chef des opposants au jour du jug·ement déclaratif et leur état de cessation de paiement;

Attendu qu'il est constant que les opposants exploitent depuis de nombreuses années un tissage sous la raison sociale « Simoens et Van den Bossche » ; que leur société fut inscrite, le !) octobre 1929, au registre du commerce et que, le 19 mars 1936, les opposants firent dans ce registre la déclaration de la dissolution de leur société à la date du 16 mars précédent, René Simoens et une demoiselle De Boe étant désignés comme 'liquidateurs ;

Attendu que la circonstance qu'aucun acte de société ne fut dressé n'empêche pas que la société constituait une entité juridique qui doit être considérée comme une société en nom collectif, dont la nullité ne peut.pas être opposée par les asso­ciés aux tiers ;

Attendu que les associés en nom collectif sont commerçants en cette qualité et le restent et peuvent donc être déclarés en faillite jusqu'à la clôture de la liquidation de la société ; que, s'il fallait même admettre que les associés perdent leur qualité de commerçants par la dissolution de la société, encore, en l'espèce, les opposants pouvaient-ils être déclarés en faillite parce qu'au jour du jug·ement déclaratif, moins de six mois s'étaient écoulés depuis la dissolution de la société ;

Attendu que la cessation de paiements est prouvée à &uffisance et pal' la vente pal' voie parée, en avril 1936, de l'établissement industriel des opposants, sur pour­suites de la Banque de la Société générale de Belgique en raison du non-paiement des intérêts dans leur dette hypothécaire, et par le rapport fait, le 12 juillet 1936, au nom des associés à leurs créanciers, d'où il appert, que, dans l'éventualité le plus probable, il ne pourraient payer que 30 °/o de leur dettes;

Qu'en outre, il résulte des débats que les maniga11ces de certaine femme Brenn et et les complaisances des associés à son égard mettaient en péril le g·age des créan-

N° 8615

Page 11: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRU:CENCE 99

ciers; que les associés déclarent que la femme Brennet a réussi à se faire adjuger tout leur élablissement industriel pour un prix bien en-dessous de sa valeur, et a, durant une absence forcée, pillé et vidé leur maison, mais qu'ils n'établissent })aS <tue les liquidateurs ont pris une mesure quelconque pour sauveg·arder les biens des associés contre ces agissements; que la plainte contre lafemm_e DITn~_t_eL l'actimf-éh aill1û.laLiori al{la vente pal~ voie parée, .dont ils-fOnt-état, sont postérieures en dates à la déclaration de faillite et, provoquées sans doute par celle-ci, justifient de l'utilité de cette décision ; que la défense des droits des créanciers et de la bonne foi dans les affaires commerciales exig·eaient, aux fins d'une juste répartition de l'actif social, la désignation d'un mandataire de justice, d'un curateur ;

Par ces motifs, Le Tribunal, ouï M. le juge-commissaire en son rapport, abjuge l'opposition

comme non fondée ; condamne les opposants aux dépens~

Observations. - L'existence d'un acte écrit de société n'est pas requise comme condition de l'existence d'une société de personnes. La société est un contrat consensuel : elle s'engendre du seul accord des parties. Mais l'existence de la société commerciale de personnes ne s'impose aux tiers que moyennant l'observation des conditions d'écrit et de publicité prescrites p~r le législateur. En d'autres termes, la société commerciale de personnes ne jouit de l 'éiat de société lé ga .. lement reconnue que si les dispositions des lois commerciales ont été observées (ad. 2, 4, 6, 7, 8, 1 0~ Il, 12). Parmi ces prescriptions figu­rent la mise par écrit du contrat et Ra pu_blication dans les formes légales. Les articles 4 et Il des lois coordonnées organisent les moyens de défense des. associés et des tiers pour le cas Oll cette condition de l'écrit et celle des publications font défaut. Mais cela reste sans influence sur le fait contractuel de l'existence de la société entre par­ties si elle a été réellement convenue.

Lorsqu 'il n'y a pas eu d' éceit de contrat dressé et quel 'existence de la convention est contestée, la juridiction du fait apprécie souverai­nement, d'après les circonstances et documents de la cause, si les par­ties ont réellement entendu conclm·e entre elles une convention de société et quelle est la nature de la société qu'elles ont ainsi entendu fm·mer entt·e elles : société en nom covectif, ou société en commandite simple, ou association momentanée~ ou association en participation.

Dans le cas p1·ésent, le Tribunal décide qu'il se trouve en présence d'une société en nom collectif. Dès lors il ne lui restait plus qu'à appli­quer les dispositions des lois coordonnées et les règles du dr·oit comn~un dont cette espèce de société relève, entre autres : inopposabilité par les associés aux· tiers de Ja nullité de la société faute d'écr·it publié; deoit des tiePs d'opposee à leur gré la société aux associés; qualité de

N° 8615

Page 12: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

100 JURISPRUDENCE

commeeçant attachée à la qualité d'associé en nom collectif; par sui~e, possibilité de faillite de la société et aussi des associés pendant la dm'ée de la société augmen t.ée du délai de six mois après sa dissolution, etc ....

Dans le cas présent, le Trlbunalaclecla:r8-raraîtltteâes associes, sans que celle de leur société ait été déclarée. Cela n'est-il pas contraire il l'at·t. 189 (164 ancien) des lois coordonnées, qui interdit qu'aucun jugement de COndamnation pel'SOOnelle soit prononc~ a charge des· associés en nom collectif on en commandite simple ou des gérants de commandites par actions, sauf après condamnation de la société?

Cette question a été examinée et tranchée da us un arrêt intéressant de la Cour d'appel de Bruxelles du 26 décembre 1930 (Bemte, 1931, no 3100, p. 1) qui a décidé que la déclaration de faillite n'est pas à pro­prement parler un "jugement de condamnation " ; elle est la consta­tation d'un état de fait : la cessation des paiements etl'ébranlement du crédit; dès lors, les jugements de déclaration de faillite ne tombent pas sous 1 'application de l'art 189 lequel, restreignant les effets de la solidarité en matière de sociétés de personnes, ne tolère qu'une inter­prétation et une application restrictives.

On sait par ailleurs que si, à raison de la responsabilité solidaire indéfinie stipulée par l'art. 17 des lois· coordonnées, la faillite de 1§1. société en nom collectif entraîne logiquement la faillite des associés, la récipeoque n'est pas veaie : il peut se fait'e que le patl'ünoine per­sonnel des associés devienne insuffisant pour payer leurs dettes person­nelles et qn·ils tombent personnellement en état de cessation de paie­ments et d'ébranlement du crédit, sans que le patJ'imoine que leur convention a constitué à la société en nom collectif soit devenu-infé­rieur aux engagements de celle-ci.

Or, le patrimoine de la société en nom collectif recmmue est juridi­quement distinct de celui de ses associés. Par conséquent, il est conce­vable qu'elle soit et reste in bonis, alors que les associés seraient personnellement rnin~ . .;;.

Il n'en va natürellement pas de même dans le cas d'une société en nom collectif qui serait hors d'état de se prévaloir de la personnnlité jurldique.Supposé donc le cas d'une société en nom collectif formée sans écrit et que des tiers refuseraient de reconnaître : cette société, nulle à leur regard, n'aurait donc pas de patlimoine distirict de celui de ses associés ; par conséquent, la faillite de ceux-ci aurait logiquement pour conséquence la faillite de la société. La déclaration de cette faillite développera, à son tour, nécessairement ses effets même au regard

Page 13: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE lOI

,d'an Ü'es tiet,s qni ne se refuseraient pas quant à eux à reconnaît_re la société nonobstant sa nnllité pour défaut d'écrit.

G_ae l'état de faillite est un état relevant de l'ordre public et par suite il est, une fois déclaré pél.l' justice, indivisible et opposable à qui­conque. de la même manièee et pour les mêmes raisons que les déci-sions de l-a-justice l'épressive. ---~-----

La qualité de commerçant est nécessaieement attachée à celle d~asso­cié en nom collectif, à raison de la responsabilité solidaire indéfinie de tous les engagements de la société (art. 17 des lois coord.). Cette garantie inccssnnte donnée par les associés aux engagements sociaux qni se succèdent dans le cours de l'activité de la société, est nécessai­rement un acte de commerce puisqn 'il implique le but de lucre.

Lét gat,antie se réitèt'e aussi lougtemps que la société contracte des engagements~ entretenant ainsi, pai' renouvAllerüent habituel _d'ac teH commerciaux la qualité de commerçant des associés.

Cette qualité se pt•olonge donc certainement jusqu'à la dissolution de la société.

l\lais nous persistons - on le sait de reste - en dépit d'une juris­fll'lldence abondante, toutefois plus notable par le nombre des décisions que pm' la valent' de leurs motifs - à ne pas admettre que la qua­lité de commerçant subsistât cl~t chef cle cetté obligation légale cle respon ... sctbilité soliclaù·e inclé{i1ûe, " même après la dissolution " et "jusqu'à la clôtm·e de.la liquiclnbon ,), Cfe. Remte, 1936, no 35.23.

D' apl'és nous~ cette obligation légale et générale de responsabilité cesse de se réaliset' en obligations particulières de garm1tie au moment où, pae la cliRsolntion~ la société perd le droit et cesse de conÜ'acter de nou\'eaux engagements. .

Dès loes la qualité consécutive de commerçant qu'elle engendre ces~e avec l'activit6 sociale, pour l'associé. D'oi1 il suit que la possibilité de faillite pour celui-ci cesse aussi du même coup, c'est-à-dire, au plus tard après l 'expil'ation du délai de 6 mois écoulé depuis la dissolution.

Cfe. sm' cette controverse, notre étude doctrinale : " La faillite des sociétés commerciales de pel'Sùtmes et la faillite çonsécutive des asso­ciés solidaires " et le rappel des références qui y est fait.

Voit· aussi :'l'rib. comm. Gand, 13 juin 1935. Revue, 19::36,11° 3503, p. 35; - 'l'rib. comm. Liége, 28 février 1936, Revue, 1936, no 3589, p. 363 ; - et surtout les obsel'vations à la suite de l'arrêt de la Cour d'appel de Gand dn 22 juin 1936, Rev~te, 1936, 11° 3590, p. 366; -étnde de J. VALENTIN: "De la faillite de ceetaines sociétés de fait,, Revue des faillites, 1931, p. 85.

N° 3615

Page 14: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

102 JURISPRUDENCE

No 3616. - Tribunal de commerce de Gand (1re ch.). - 13 mars 1937. Prés. : M. Morel de Boucle St-Denis; - Référ. : M. Vrebos. Pl. : Mtrcs Poil et De Rycke cf Dutry et De Gezelle, avocats.

(1Tolckaert cf Express du Sud, Naessens et De Coninck). ---sociét-é en nom collect1-r-irregul1èrement-formee.- Dêfaut-d'acteécrît.

1. Présomptions de l'existence d'une société en nom collectif plutôt que d'une association momentanée.- Commerce continu exercé conjointe­ment. - Firme commune. - Papier à lettre collectif. - Marchés à exécution annuelle.- Raison sociale.

II. Nullité de la société faute d'acte écrit (lois coord. art. 4).- Receva­bilité des tiers à invoquer cette nullité.- Intérêt juridique suffisant. -Motifs légitimes d'action non requis.

Nullité consécutive d'une vente conclue avec la société nulle faute d'écrit.

Une société en nom collectif irrégnUèrement formée_ par défaut d'acte écrit est nulle en vertu de l'art. 4 des lois coordonnées sur les soC'iétés commerciales.

Les tiers sont ·autorisés it considérer comme associés en nom collectif et non comme associés momentanés des commerçants e.verçant ensemble, publiquement, un commerce avec contimtité, sous 1tne clénomination oit firme commnne, dans un ümneuble cmmmtn en se servant d'un papier à lettres à firme collective, en concluant des marchés à exécution annuelle et en ne limitant pas leur activité à une ou plusieurs opérations commerciales déterminées. Vainement ces commerçants feraient-ils état de l'absence de raison sociale, car la raison sociale n'est pas substantielle à l'existence de la société en nmn collectif et son omission est inopérante à l'égard des tiers.

La nullité encozmw en vertu de l'art. 4 est absolue vis-à-11is des tiers notamment des créanciers; ceux-C'i peuvent l'invoquer même au cas oit ils ont en, en contractant at'ec la société iJTégulière, connaissance du vice dont elle était infectée. S'ils ne jouissent du droit de l'invoquer que s'ils y ont un intérêt juridiqne c'est-à-dire J'.ésultant de l'e.7:is­tence d'un Uen de droit entre enx et la ,çociété ou1tn de ses membres, il n'est pas requis que cet intérêt soit légitime.

Atten.du que Volckaert a, par contrat en date du 10 novembre 1936, déclaré vendre à la firme << L'Express du Sud» un camion-automobile pour le )Wix de 80,000 fr. dont la plus· gTande partie devait être payée au moyen des bénéfices à réaliser par les acheteurs sur les transports qu'ils effectueraient avec le dit camion; que Naessens et De Coninck ont sig·né ce CO!ltrat en qualité d'acheteurs ;

Que Volckaert., qui prétend qu'il existe entre Naessens et De Coninck une société en nom collectif irrégulièl'e parce que constituée sans acte écrit, a, par assig·nation du 12 jar1vier· dernier, donnée à la société « L'Express du Sud >), à Naessens et à De Coninck, demandé au Tribunal de dh·e pour droit que cette soeiété est nulle et qu'en conséql!_ence, est nulle aussi ia convention de ve~1te prémentionnée;

Attendu que les défendeurs concluent au débouté de cette action ; qu'ils sou­tiennent qu'ils ne se sont pas présentés comme des associés en nom collectif, puis­qu'ils n'ont pas adopté de raison sociale, mais simplement une dénomination de fantaisie ; qu'ils déclarent être dans les liens d'une association momentanée ; qu'ils prétendent qu'en tous cas, le demandeur, en traitant avec eux en connaissance de la situation, a opté pour l'existence de la société; qu'ils ajoutent que la sanction de

Page 15: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 103

nullité, édictée par l'article 4 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, a pour but de protéger les intérêts légitimes des tiers et non de leur permettre de se dégager, par caprice ou mauvaise foi, d'engag·ements qu'ils ont pl'is et commencé à exécuter;

Attendu que les défendems reconnaissent donc être associés ; qu'il est constant, d'autre part, que leur papier à lettres porte ces_ mentic>ns :. « L'Express __ du_Sud,

- chaTissée â' Hmidelghem,- 204,- Mefrelbeke... Transports internationaux. Services rég·uliers en France ll et, en outre, que, dans le contrat de vente litig'ieux, le deman­deur, qui est horticulteur, s'est engag·é à procurer aux défendeurs le transport vers la France de 250 tonnes de plantes par an; que, dans ces conditions, c'est bien à tort que les défendeurs affirment être des associés momentanés ; qu'ils ne limitent pas leur activité sociale à une ou plusieurs opérations commerciales déterminées, mais exercent un cc•mmerce continu; qu'en présence de commerçants pratiquant leur activité ensemble, avec continuité, tmhliquement, par exemple sous une raison sociale on sous une firme ou enseigne commune, dans un immeuble commun, avec un papier à firme collective, les tiers sont autorisés à les considérer comme des associés en nom collectif (NoYELLEs, PASSELECQ, Traités des sociétés commerciales, no 5861); que vainement les défendeurs font état de l'absence de raison sociale, car la raison sociale n'est pas substantielle à l'existence de la société en nom collectif (Pm~IEZ, Rev. prat. soc., 1895, p. '107) et son omission est inopérante à l'égard des tiers (BELTJENS, Encycl. dr. comm. b .• 2e édit., t. 2, sub. art. 15, n' 12) ;

Attendu Cine la nullité encourue en vertu de l'art. 4 est absolue vis-à-vis des tiers, notamment des créanciers, et que ceux-ci peuvent l'invoquer même au cas où ils ont eu, en contractant avec la société irrégulière, connaissance du vice dont celle-ci était infectée (NussENs et. CoRmAu, Traité des sociétés commerciales, nos 412 et 451 ; -CoRmAu, note in fine sous Rev.prat. soc., 1891, no 237 ;- PAssELECQ, Rev.prat. soc., 1922, no 24.21);

Attendu que, si les tiers ne jouissent du droit de demander la nullité que lorsqu'ils y ont un intérêt juridique, c'est-à-dire résultant de l'existence d'unlien de droit entre les tiers et la société ou un de ses membres - ce qui est le cas en l'espèce - il n'est pas requis que cet intérêt soit lég·itime (FRÉDERTCQ, Dr. comm. b., t. II (Les sociétés), no 6 H; - PAssELECQ, observations sous Rev. prat. soc.,1922, n°2429); qu'il advient, dès lot·s, inutile de vérifier la lég·itimité des motifs invoqués par le deman­deur;

Attendu qu'il appert des considérations ci-avant que la demande est fondée; Par ces motifs,

Le Tribunal elit pour droit que la société en nom collectif constituée entre Naessens et De Coninck sous la firme cc L'Express du Sud li est nulle et qu'en conséquence, la vente ici litigieuse doit être tenue pour non avenue ; et, pour le cas de désaccord entt•e pat·ties dans l'établissement de leurs comptes, nomme dès ores comme liqui­dateur lVI .. ;

Condamne les défendeurs aux dépens actuel de l'instance.

Observations. -Nous avons rappelé à l'occasion d'un autre juge­ment du même Teibunal (Trib. comm. Gand, 26 septembre 1936. Revue, 1937, no 3615) que la société est un contrat consensuel, mais

N° 3616

Page 16: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

104 JURISPRUDENCE

1

que, clans le cleoit commenial belge, l'existenc~ jm·icliqne de la société de pet'sonnes à titre d'in(li\rldualité distincte au regaed des tiers est subordonnée par la loi à cel'taines conditions, notamment la mise de la

---<;Ot1V:@u-tü.>u-pae_é~sa ___ p_ublicité relative. Faute de quoi. il y a. si

le tiees soulève l'exception du défaut d'écl'lt, nullité de la société h son

égard. Pout' que l'exception même soit recevable, il fant qu'il soit prouvé

au pt~éalable (tweuve qui it1combe à Pexcipn;lt) 1 o qu'il y a réellement

société convenue et 2o que cette société est de Fun des types pout· les­quels les lois coordonnées sue les sociétés commerciales exigent la con­dition d'un acte eonstitntif éceit. Qnestion de fait que la jueidiclion

du fait~ souveraine en cette ma ti ère, devra apprécier ct tranche!' d'apl'ès les éléments de la canse : clocnmen ts et cil'COI!stances.

La p1'euve, par les tiees excipant de l'existence crnne comTm1tion

de société non écJ'ite, soit expresse~ soit implicite, peut s'administrt-r par présomptions, puisqu'il s'ngit d'tm point de fait : c'est le droit

commun. Dans le cas de l'espèce jugée ci-dessus, le Tt·ibunal, se fondnut sur

les cit'Constances du commerce exercé par les défendeurs, en déduit la ré-:rlité de l'existence entre eux d'une convention de société en nom collectif plutôt que d'nne association momentonée.

La Jifféeence entre les deux espèces de société réside dnns ln géné­ralité d'objet et la continuité d'opét'ations~ que comporte l'nctiYit() commeeciale d'associés en nom collectif, tanilis cjue les associé~ lllc:Inell­

tanés ont pone oL~jet d'activité une ou plusieurs opét·ations tlL•iCJminées et leur société a dès lOJ'S une durée non définie pat' uuités de mesure du temps, mais limitée an terme de l'accomplissement desrlites opérations.

Parmi les cieconstances ce1ractét'isUques de l'jntention de société et

notamment de société en nom collectif, il faut mettre. au premier rang l'exercice conjoint, continu et dueable d'un commerce. surtout sous u11e fieme commune, susceptible de donner à Ct'Oire an public qu'il a

affaiee à des associés en nom collectif et non a de sim pl es associés momentanés.

Ceux-ci~ en effet, ont pour règle, tout en s'associant, de ne pas aliénet' leue individ11alité et, pae suite,d'éviter avec soin les appnrences extéeieures d'une telle aliénation telles que : enseigne commune. immeuble. commun, papiee ~t firme collective. employés communs, etc.

L'emploi d'une raison sociale pour un commerce exercé COJijoülie­

lT).ent Sêrait, à juste titt'e, retenu comme une présomption trf.s forte

Page 17: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 105

d'existence d'Une société en nom collectif. Mais l'inverse ne serait pas vrai. c'est-à-dÜ'e que le seul fait du défaut d'emploi d'une raison sociale ne doit pas être considéPé comme une présomption suffisante de Fin­existence d'une telle société puisque, comme le fait observer à juste titre le jugement ci-dessus, la raison sociale n'est pas une condition

- substantielle de Fexistence-de la-société en nom collectif. Sue le caractère Ile l'exception de nullité accordée aux tiei'S par

l'al't. 4 dès lois cooejonnées, le· jugement consacre l'enseignement concOL·dant de la doctrine et de la jurisprudence. Cette nullité est in­stituée dans l'inté1·êt généeal, légalement présumé, des tiers. C'est une disposition organique du système légal des sociétés de personnes. Les tiers ne sont donc pas tenus de justifier d'un intérêt déterminé dans leur chef pour être recevables à en réclamer l'application. Il faut, mais il suffit, qu'il existe en leur chef l'intérêt juridique attaché à la qualité de tiers souten?-nt une relation de droit avec la société ou avec l'un de ses membees. Il serait dès loPs fruslPatoire p.om' les tribunaux de véL·ifier, en outre, la. légitimité des motifs particuliers ou mobiles individuels qui peuvent avoir inspiré au tiers le recours à cette excev­tion de nullité.

Voir à ce propos les références citées au jugement.

No 3617. - Tribunal de commerce de Liége. -- 29 septembre 1936. M.M. Brasseur, juge; -Follet, réf. ; -Pl. : Mtres Gothot et Buisseret, avocats.

(Veuve Baud7'ihaye cf soc. an. Grande Brasse7'ie Vivegnis). Société anonyme. - Dividende décrété. - Fixation de la date de la mise

en paie.ment réservée au conseil d'administration. _:_ Ajournement de cette fixation. - Ecoulement de l'exercice social suivant celui du décrètement. - Action en paiement du dividende.- Non recevabilité. -- Souveraineté de l'assemblée générale.

Lorsque l'assemblée générale ordinaire a approuvé le bilan et déc1'été le dividende, mais en donnant pouvoir au conseil d'administration de fixer lui-même ultërienrement la date de mise en paiement du coupon, si le paiement a été suspendu par le conseil cl' ad11~inistration jusqn' ap1~ès l' écozllement de l'année snivant l'exercice att cours duquel avait e1t lieu l'approbation dÛ bilan et le décrètement du dividende, et si l'assemblée générale, tenue au cours de cet exercice, en a approuvé le b-ilan et donné décharge aux administrateltrs, l'actionnaire n'est pas recevable à réclamer en justice le paiement du dividende dont la fixation de l'exigibilité n'a pas été faite.

Il n'appartient pas aux tribunmtx de s'immiscer dans la gestion des sociétés ano­nymes en dehors de tonte contestation rendant indispensable leur inten,ention et de sub­stituer lenrs injonctions mtx pouvoirs que le conseil d'administration, le collège des commissaires et l'assemblée générale des actionnaires tiennent des statu.ts et de la loi.

Page 18: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

106 JURISPRUDENCE

Par le fait- même de leur entrée dans r association, les actionnaires ont abdiqué une . partie de leur liberté, de leur indépendance, pour se ranger sons une loi conunune libre­ment imposée; ils se sont virtuellement J'emis à l'assemblée générale, du soin de vérifier la gestion et de l'approuver et ont confié an conseil d'administration le soin de surveiller les agents de la société.

----Dan-s-ledroîl-~:~-------------------------

Vu l'exploit d'ajoumement enregistré de l'huissier J. Halbart de Liége, en date du 9 juin 1936; ·

Attendu que l'action tend, en ordre principal, à ohtenil• paiement d'une somme de 6700 fr., montant d'un dividende dont la distribution a été décidée à l'assemblée générale des actionnaires tenue le 18 mars J935;

Attendu _qu'en fait, il est acquis et non contesté; J. Que le J8 mars '1935, l'assemblée g·énérale des actionnaires de la société défen­

deresse a approuvé le bilan arrêté au 31 déceinbre J934, déterminé l'emploi des bénéfices et décidé entr'autres que le coupon numéro 25, des actions de capital, serait payable par 89,04 fr. brut, soit 67,00 fr. net et le coupon 25, des parts de fondatem, par 72,55 fr. brut, soit 55 fr. net;

2. Que l'assemblée g·énérale ratifia à l'unanimité la proposition du conseil d'admi­nistration, en lui donnant vouvoir de fixer lui·même ultérieurement la date de la mise en paiement du coupon susdit ;

3. Que l'année sociale J 935-J 936 s'est écoulée sans que la fixation de la date des paiements ait eu lieu ; ·

4. Que lors de l'assemblée générale du 27 avril ·1936, l'un des actionnaires demanda la raison de cette non fixation, ce à quoi le président répondit que le conseil d'admi­nistration, exécutant exactement la décision prise par l'assemblée g·énérale de 1!!35, avait suspendu le paiement, jusqu'à ce moment, pour des raisons de t1·ésorerie ;

5. Qu'après explications, -approbation du bilan et du compte pertes et profits de l'exercice 1935 fut donnée ainsi que décharge aux administrateurs ;

Attendu que la défenderesse soutient que l'action telle qu'elle est intentée est non recevable;

Attendu, en effet, que la demande a pour objet le paiement immédhtt d'une créance que la demanderesse prétend posséder contre la société assig·née, alors_que cette créance n'est pas exigible à défaut de fixation de la date de paiement·: tlue, suivant ce qui est exposé ci-dessus, cette fixation doit émaner exclusivement du conseil d'administration et que jusqu'ores elle n'a pas été faite;

Attendu que l'action est dirigée contre la société anonyme <<Grande B1·asserie Vivegnis » seule et non contre le conseil d'administration en bloc ou contre ses mem­bres en pai'ticulier, qu'il ne peut elon<~ s'ag'ir de l'action mandati;

Attendu, au surplus, que l'assemblée générale a justifié l'attitude prise par ces derniers et leur a donné décharg-e ; que par deux fois, elle a statué librement sur les pouvoirs délégués par elle au conseil d'administration ;

Attendu qu'il n'appartient pas aux tribunaux de s'immi~cer dans la gestion des sociétés anonymes en dehors de toute contestation rendant indispensable leur inter­vention et en substituant leurs injonctions aux pouvoirs ctue le conseil d'adminis­tration, le collèg:e des commissaires et l'assemblée g·énérale des actionnaires tiennent des statuts et de la loi ;

Attendu que, par le fait même de leur entrée dans l'association, les actionnaires

Page 19: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 107

ont abdiqué une pat·tie de leur liberté, de leur indépendance, pour se rang·er sous une loi commune qu'ils se sont librement imposée ; en d'autres termes, ils se sont virtuellement remis à l'assemblée générale du soin de vérifier la g·eslion et de l'ap­prouver et ont confié au conseil d'administration le soin de surveiller les agents de la société;

Quant au soutènement de la demande subsidiaire : Attendu que la demanderesse veut tirer argument du texte des statuts fixant un

- ol'ôre dans la répartition desl)é-néfict\s pour réclamer immédiatëmëilt le-diviâende litigieux; qu'elle s'appuie, pour ce faire, sur le paiement du pourcentage réservé au conseil qui a été réellement effectué ;

Attendu que l'ordre prévu aux statuts n'est pas un ordre hiérarchique valant pl'i­vilèg·e ; il ne fixe, quant au paiement, aucune prédominance d'une catég·orie sur l'autre, c'est un simple calcul de répartition; '

Attendu qu'en l'espèce d'ailleurs, les repartitions et attributions statutail·es ont été normalement effectuées; que les divers dividendes ont été déterminés; que seule la fixation de la date de paiement est restée en suspens ;

Attendu, au surplus, que la délivrance de l'allocation de 10 °/o au conseil, a été couverte par une décision de l'assemblée g·énéralc de 1936 ;

Par ces motifs, Sans avoir égard à toutes autres conclusions ou plus amples ou contrait•es, don­

nant ac.te aux parties de leurs dires, dénég·ations ou réserves, le Tribunal déclare l'actiOJlllOn recevable et non fondée, en déboute la demanderesse et la condamne aux dépens.

Observations.- Le droit de l'actionnaire aux bénéfices de l'exer­cice est un droit social, c'est-a-dire un droit issu du pacte social et qui lui est com~un avec tous les autres actionnaires, ses cointét·essés, au même titre pour tous et pom· chacun.

Ce droit n'est donc pas une créance individuelle de somme; il a · pour objet préds une obligation de faire a charge des organes de la société, savoie l'obligation de l'assemblée générale d'opérer la répat·­tition des bénéfices de Pexercice, conformément aux dispositions des statuts.

Ce droit à l'exécution des statuts se transforme en une créance indi­viduelle de somme de 1 'actionnaiee à charge de la société~ aussHôt que l'assemblée génét•ale se prononçant statutairement sur l'emploi des bénéfices, en a décidé la répartition.

Dès ce moment, il y a " droit acquis " dans le chef de l'acUonnaire ; la société, sa débitrice, ne pourt•ait plus, dès lors, par une décision unilatéeale de l'assemblée générale, lui retirer cet élément d'actif, désormais incoepoeé à son patrimoine personnel. Elle ne le pourrait plus que du consentement de l'actionnaire.

Reste cependant~ après cette question de la débition du dividende,

N° 3617

Page 20: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

108 JURISPRUDENCE

celle de son exigibilité. Cette question aussi est du ressm't de l'assem­blée générale : celle-ci, à moins de disposition contraire des statuts, peut décréter le paiement immédiat ou à une date ultérieure; elle peut de même conférer au conseil d'administra ti on ou au conseil généi'al, le

___ _____,oin--de-dé-teP-minel'---à---sen-g-t~é-le--jeH-P-dtt-p-a-iement-,en---sl--i-n-s-pi-I=<a-nt--G~l-a--­situation de la société~ spécialement de l'état de la caisse.

Pareille décision est souveraine et les tribunaux ordinaires ne . . seraient pas qualifiés pour I'appi·ouveP ou !~improuver :c'est là affaire intéeieure à la société qui en décide souverainement.

Cependant, le conseil d'administeation, chargé de l'exécution de de l'obligation de paiement à la décharge contractuelle de la société, ne poureait pas reculer ou éluder indéfiniment la mise en paiement dü dividende décrété par l'assemblée générale, sous prétexte de cl'ise économique ou de quelque autre obstacle, tel que des difficultés momen­tanées de caisse ou le manque d'espèces liquides. Après un certain retard, rendant vraisemblablement fondées les doléances des action­naires frustrés, les tribunaux pouri'aient avoir à apprécier le bien ou le mal fondé des excuses invoquées par le conseil d.' administration.

La bonne foi, en effet, doit présider à l'exécution des contrats. Un coüseil d'administration qui a reçu mission d'assurer - en temps op­portun il est vrai, mais d'assurer tout de même - le service du paie­ment du dividende déceété, peut avoir à en répondre en justice vis-à-vis de ceux qui ont un deoit conteactuellement acquis à 1 'exécution et il se verrait exposé au reproche de mauvaise foi, s'il était dans l'impossibi­lité de justifier, par .des motifs légitimes et sérieux, d'un retard appa­remment anormal. La demande de paiement du dividende et éventuel­lement de dommages-intérêts, à charge de la soeiété, pour retard injustifié de· paiement serait, en ce cas, certainement recevable, et éventuellement fondée.

D'ordinaire, on admet comme normal, vu l'annualité des exercices~ qu'au cas où l'assemblée générale a commis au conseil d'administration le soin de déterminer l"époque de la _mise en paiement du divideÙde, cette mise en paiement doit se faire au plus tard à la fin de l'exercice qui suit celui auquel le dividende se rapporte (RESTEAU, Soc. an., t. III, no 1569). Si la société manque de fonds liquides pour s'en acquitter endéans ce délai, elle peut devoir, le cas échéant. examiner la possi­bilité de résoudre la difficulté par un emprunt.

Ce qui serait inadmissible, c'est qu'en retai'dant indéfiuiment la mise en paiement, lè conseil d'administration aboutît~ en fait, à sou-

N°3617

Page 21: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 109

m-ettre de nouveau aux risques et vicissitudes de l'entreprise les valeurs actives, gage des droits individnellement acquis des actionnaires aux dividendes décrétés.

Le jugement relaté ci-dessus décide que~ dans l'accomplissement ~même deJa mission de détei'lninee l'époqu_e du paiement_dtl divid(3!_lQ~'­le conseil d' administeation ne eelève que de 1 'appréciation souveraine de rassemblée générale.

Pour autant qu'il s'agisse d'un cas d'espèce, cette décision échappe a notre commentait'e.

Pour autant que le tribunal aurait entendu par là énoncer un prin­cipe général, nous devrions faire à ce propos des réserves inspirées par les principes rappelés ci-dessus. La position juridique des adminis-

, trateurs commis par l'assemblée pour la déteemination de la date d'exi­gibilité est. en effet, la suivante : l'assemblée leur a confié non pas la faculté d'ajourner indéfiniment la date d'exigibilité, mais la chacge - donc l'obligation envet's elles et au profit des intéeessés - de la fixer dans les termes de l'équité contractuelle; si Pajournementjugé par eux nécessaire dépasse la noeme, cette exception doit être motivée par des raisons de fait peécises et sérieuses, excluant l'hypothèse de prétextes captieux qui mettraient en question la bonne foi ; l'apprécia­tion de tels motifs n 'échappel'aient pas plus a la compétence des tribu­naux que l'interprétation de toutes autres circonstances d'exécution en matière d'obligation contractuelle. En d'auÜ'es tel'mes, la mission de 'détermination de l'exigibilité du dividende doit être considérée comme une modalité d'exécution de contrat, rentrant a ce titre dans le domaine du d1·oit commun des rapports entre créancier (l'action­naire) et déb.item' (la société).

L'action du CJ'éancier se prétendant vietime d'une faute dans l'exé­cution, devrait êtee dirigé~ contre le débiteur même, c'est-à-dire contre la soeiété.

Elle ne pourrait être dirigée contre les administrateurs que si le créan­cier avait a reprocher directement à ceux-ci une faute personnelle, préjudiciable pour lui, commise par eux dans l'accomplissement de leur mandat (art. 1382 C. civ.). Ce ne serait donc pas l'action mandati, laquelle n'appartient qu'au mandant, c'est-a-dire a la société.

Cfe.: NOYELLES, Soc. cmnm,., ll0s 2884 a 2886; -Comm. Courtrai.

22 avril 1922, Revue, 1922, 11° 2449, p. 185 et Gand, l l déc. ] 922, Remte, 1923, no 2496, p. 92 avec les judicieuses observations de M. p. DE PELSMAEKER.

N° 3617

Page 22: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

llO DOCTRINE

No 3618. - De la répartition des bénéfices des sociétés anonymes en cas d'inégalité dans la libération des actions.

1. -Le partage des bénéfices constitue un élément essentiel àu con-teat de société. Aussi les dispositions statutaires qui règlent la J·épar­tition des bénéfices annuels revêtent-elles, spécialement pour les sociétés de capitaux, une i!nportance primordiale.

En matière de sociétés anonymes, les clauses de l'acte coilstitulif relatives à la répartition du solde bénéficiaire de chacun des futurs exeecices sociaux retiennent donc, à juste titre, l'attention des fon~ dateurs.

Il semblerait dès lors que, dans ce domaine, aucune région n'ai dù demeurer inexplorée et que, tout au moins en ce qni concerne les sociétés les plus importantes, le pacte social dut être toujours rédjgé en termes excluant à cet égard toute incertitu~e.

Tel n'est point le cas cependant.La coexistence, au sein d'une m~me catégorie d'actions, de titres qui ne se tro~vent pas, quant à leur degré de libération, dans une situation identique, soulève en effet des problèmes qui, bien qu'ils remontent à l'origine même de la société anonyme, n'ont encore été définitivement résolus ni par la doctrine, ni par la pratique des affaires.

2. -Abstraction faite des dispositions relatives à la réserve légale, la répartition des bénéfices est du domaine de la liberté des conven­tions. Les statuts des sociétés anonymes règlent donc cette répartition en toute indépendance.

Il est prévu, en général, que parmi les bénéfices résultant~ en fin d~exercice, de l'établissement du compte dit " de pl'Ofits et pertes" une partie demeurera attJ'ibuée à la société elle-même, soit à titre permanent, sous forme d'allocation à un fonds de réserve ou de prévi­sion on d'affectation à des amortissements, soit à titre provisoire, sous forme notamment d'un " report à nouveau ".

Il est d'usage d'attribuer une autre partie. du bénéfice au conseil d'ad min istr~tion, au comité de surveillance, exceptionnellement même à la direction ou au personnel.

Le solde, réservé à la distribution de dividendes aux actionnaires, se répartit, suivant les peévisions statutaires, soit entre les actions ou parts sociales d'un type unique représentant le capital social, soit entPe les diverses catégoeies d'actions existant au sein de la société - actions privilégiées, actions ordinaires, actions de capital, actions

Page 23: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE Ill

de dividende, actions de jouissance - avec la participation éventuelle des ti tees bénéficiaires, paets de fon dateur par exemple.

3.- Teès anciennement déjà,l 'usage s'est établi de prévoir la répar­tition entre les titulaires soit des actions de la catégorie unique repré­sentant le capital,-soit, en cas de plucalité de catégories, des actions de premie1' rang, non d'un dividende annuel unique, mais de deux dividendes concomitants, dont le premier, calculé suivant un pour­ce::ltage déterminé du capital versé, représente en quelque manière un intécêt fixe atteibué aux versements effectués sur les actions.

Suivant cette formule, qui est de pt·atique courante, les statuts pPesceivent la répar·tition d'un premier èividende calculé, à raison de cinq pour cent pae exemple, sm' le montant dont les actions sont libé· rées ; le sucplus des bénéfices annuels, déduction faite des tantièmes prévt~s, étant affecté à la distribution d'un second dividende qui varie nécessairement suivant le résultat des opérations de l'exercice.

On donne généralement à ce second dividende l'appellation de " superdividende ".

Pour mieux accentuee, en ce qui concerne le peemier dividende, le caractèee d'une 'rémunération fixe de l'apport des associés, les statuts prévoient pat'fois la " récnpéeabilité " de ce premier dividende, c'est­à-dire l'obligation pOUL' la société~ an cas où les bénéfices d'un exer­cice n'auraient pas permis sa distribution, d'affecter en premjer lien les bénéfices des exercices ultérieurs, et cela au besoin pendant plu­sieurs années - cinq ans par exemple - au seevice du dividende demeuré en soilift'ance (1).

4. - Paemi les titres constituant soit la catégorie des actions de pre­mier rang, soit la catégo"rie unique représentative du capital socialq il peut y avoir lieu d'établir une discrimination quant à la vocation aux dividendes.

Toutes les actions d'une même catégoeie ne se trouvent pRs néces­saieement. en effet, dans une situation identique quant à leur degré de libération.

( 1) Une clause de cette nature est fréquemment prévue en faveur des actions pri­vilégiées qui, lorsque le fonds social originaire est compromis, rémunèrent l'apport de ce qu'on appelle de « l'argent frais », c'est-à-dire d'un capital nouveau.

Anciennement, on stipulait parfois que, en cas d'insuffisance des bénéfices de l'exercice, le complément nécessaire serait prélevé SUI' le fonds de réserve. (Voir notamment les statuts de la Société de CJ'édit Communal, actuellement C1'éd'it Com­mnnal de Belgique, approuvés par arrêté royal du 8 décembre 1860).

N° 3618

Page 24: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

112 DOCTRINE

L'influence que cette inégalité de libération doit exercer sur le cal-<;ul des dividendes est pom' les sociétés un problème d'une importance considérable.

-----Bien-C!Ue-la-qnest.iotl-SB-p.ose-tl'ès_[r_équemmeni,_d_es j n c er t.i JJules,--'e::ilt.L-__ des divergences d'appréciation se manifestent dans ce domaine.

Il nous a paru intéressant d'y consact·er cette étude. Pour simplifiee notre exposé, nous n'envisagerons que l'hypothèse

où une catégorie unique d'actions représente le capital. Mais les solu­tions restent les mêmes en cas de pluralité de catégories d'actions, du moment oi1, au sein de la catégOl~ie des actions de premier rang, coexistent des titres dont le degré de libéeation n'est pas identique.

Le problème se pose sous un double aspect. Outre l'hypothèse de la coexistence d'actions inégalement libérées, il y a lieu en effet d'exa­miner le cas où des actions qui, au moment de la clôture de l 'exer­cice, se trouvent sur le même pied de libération que les autres, ont fait l'objet de versements au coues de l'exercice, en sorte que les fonds dont ils sont libérés ne se sont pas trouvés à la disposition de la so·ciété pendant toute l'année sociale.

Nous examine1'ons ces deux questions successivement.

1. Du cas·où les actions se différencient par leur degré de libération.

5.- La présence, au sein d'une catégol'ie unique d'actions, de titres inégalement iibérés - par exemple de titres entièrement libéeés et de titres dont la libération n'est que partielle - peut se réaliser dès la ·constitution de la société anonyme. La loi n'exige en effet la libéra­tion des actions, lors de la fondation de la société, qu'à concm·rence d'un cinquième. On voit dès lors des sociétés qui se fondent avec des actions entièrement libéeées par des apports en nature et des actions libérées en espèces de vingt pour cent, et oi1 toutes ces actions ne forment qu'une même catégorie dotée de droits identiques.

Mais le plus généralement la coexistence d·actipns qui, quoique d'un même type, se différencient par leqr degeé de libéeation, prend naissance au cours de la vie sociale, à la suite d'nue augmentation du capital.

Il suffit, en effet, pour cela qu'une société, dont les actions sont intégralement libérées, procède à une augmentation du capital et que les titres nouveaux demeurent provisoiremmit libérés de vingt pour cent seuleinen t.

Voyons quelle sera la répercussion de cette situation sur la réparti-

N• 3616

Page 25: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE 113

tion des dividendes, soit que les statuts prévoient, suivant l'usage le plus répandu, un premier dividende et un superdividende~ soit qu'ils ne peévoient qu,un dividende unique (l).

pe HYPOTHÈSE. - LES STATUTS PREVOIENT UN PREMIER DIVIDENDE

ET UN SUPERDIVIDENDE.

6. - Les problèmes que pose l'inégalité de libéeation sont fort diffé~ rents suivant qu'il s'agit du calcul du premier dividende ou du calcul du super·dividende.

Nous allons donc les examiner séparément.

A. Répartition dtt prernie1· dividende.

7.- L,adoptiondu système qui consiste à diviser la part des bénéfices reven'ant aux actionnaires en un premier dividende et un superdivi­dende a IJresque sans exception pour corollaü·e l'attribution du pre­mier divideJlde en proportion du degré de libération des titres (2).

Les formules les plus ft•éqnemment adoptées dans les statuts prévoient la répartition a. titre de premier dividende d'un pourcentage - cinq pour cent généralement - " du montant versé du capital " on " du montant dont les actions sont libérées ".

Lorsque le capital est divisé en parts sans valeur nominale on pré­voit, pour le premier dividende, une somme fixe, et 1 'on ajoute que les titres partiellement libérés ne participent à la répartition qu'en propor­tion de leur degré de libération (3).

8.- Par libération des actions, il faut entendre en cette matière les libéeations effectuées à la suite d'appels de fonds. Les libérations volon-

( L) Pour ne pas compliquer notre exposé, nous laissons de côté dans !a présente étude l'hypothèse d'actions dont ·la libération demeure en souffrance à raison de ce qu'il n'a pas été satisfait -à des appels de fonds.

(2) La distinction entt·e premier dividende et superdividende n'a pas cependant pour but pl'incipal, ni surtout pour but unique, de proportionner le premier dividende au dPg'l'é de libération des titres. Il arrive parfois, en effet, que le superdividende tienne compte également du degré de libération. Le but poursuivi consiste géné­ralement. à ne calculer les tantièmes de l'administration que sur la partie des béné­fices qui excède l'attribution d'un premier intérêt au capital versé.

(3) Exemples : Laminoirs, Hauts Fourneaux, Fo,rges, Fonderies et Usines de La Providence (Statuts modifiés le 7 mars 1921); Usines Cotonnières de Belgique (Statuts modifiés les H décembre 1928 et 31 juillet 1929); Société ll'Electricité de l'Escaut (Statuts modifiés le 1er avril 1937).

N' 3618 8

Page 26: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

114 DOCTRINE

taires sont subordonnées à l'accord de la société et elles ne donnent dt'oit en principe qu'à la rémunération prévue par les statuts (1 ).

Anciennement, les statuts qui réglaient la question des ver~ ements anticipa tifs stipulaient tantôt que ceux-ci donneraient droit à la joujs-sance du premier dividende (2), et tantôt qu'ilsjouii'aient d'un iuiérêt déterminé (3). Ils considéraient. ainsi les versements anticjpatifs tantôt comme une mise sociale et tantôt comme un prêt consenti à la société.

Actuellement, bien que la controverse relative à la nature jm'idique de ces versements ne soit pas encoee résolue ( 4), les statutsattribuent généealementanxveesementsanticipés le caractère d'une dette sociale.

La plupart des statuts qui abordent la question ou bien attrilme11 t.

aux veesemen~s anticipés la jouissance d'un intérêt :fixe,. ou plus géné­ralement encore donnent délégation au conseil' d'administration pom· autoriser les libérations volontaires et détermiùer ies conditions atlX­quelles elles seront admises (5).

Dans certains cas les statuts se bornent à préciser que le premier dividende se calcule sur le montant dont les actions sout libérées " par VeJ'Hements appelés ".

B.· Répartition du supe1·dividende.

9. - La répartition du superdividende a donné naissance à deux sys­tèmes.

Dans l'un on décide que le superdividende se répartit, comme le pt·e­mier dividende, en peoportion du degré de libération des actions.

Dans l'autre on admet, au contraiee, que le superdividende se répar-

( 1) Cfr. notamment : WAUWERI\IANS, Manuel praf'lque des sociétés anonymes, nos 288 et 289; - I-loUPIN et Bosvmux, T'l'aité général des sociétés civiles et commerciales, 1935, t. Jer, no 416.

Certains statuts excluent formellement tout versement anticipatif. Exemple: Char­bonnages André Dumont (statuts du 18 juin 1907).

(2) Exemple : Crédit foncier de Belgique (statuts modifiés le 8 avril1886). _ (3) Exemples : Banq1te d' Anve1'!; (statuts du 12 février -1870) ; Ancienne Banque Centrale de Nannt1' (statuts du 13 juin 1874) ; Crédit Anversois (statuts du 21 février 1898).

(4) Ori admet assez g·énéralement aujourd'hui qu'il s'agit d'une question d'espèce. Voir Cass. 25 février 1921 (Rev. prat. des soc., 192·1, p. 143) ; - RESTEAU, Traité des sociétés anonymes, t. II, no 799.

(5) Exemples : Ancienne Ba1Jque Belge pour l'Etranger (statuts modifiés le 25mars 1913) ; Société Financière lle Transports et d'Entreprises Iudustrielles (So(ina) (statuts du 19 octobre 1928) ; Electro Trust (statuts du 12 mars 1928); Union chimique (staluts du 18 janvier 1928); Banque de Bruxelles (statuts du 30 janvier 1935):

Page 27: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE 115

tit également ent1·e toutes les actions, quel que soit lem· degré de libé­ration.

Chacun de ces systèmes a ses partisans, et, dans un grand nombre de sociétés, une clause expresse des statuts en consacre tantôt run et

-tantôt l'autre.

10. -Il n'est pas eare cependant de rencontJ·er des statuts qui soient muets sous ce rapport. Le motif en est qu'au moment de la constitution d'une société la question ne présente pas nécessairement un intérêt pratique et actuel. Souvent, en effet, à la fondation de la sodété, les actions sont toutes libéeées, ou se trouvent du moins dans un même degeé de libération.

Ce n'est alors que le jour où la société procède à une augmentation de son capital que la question vient à naître, et encore ponr autant que les actions nouvelles ne soient pas placées au point de vue de la libé­ration dans la même situation que les anciennes.

Dans ce. cas il s'impose de prévoir, à l'occas.ion de l'augmentation du capital, le .régime auquel seront soumises les actions dont la libéra­tion sera moindr·e que les autees. Jaclis on négligeait fréquemment cette précaution, et alors surgit une question d'interprétation foi·t délicate.

11.- Si l'on examine les statuts cies sociétés anonymes depuis la loi du 18 mai 1873, qui a donné un si grand essor à leur fondation. on constate qu'une évolution nettement marquée s~est produite en ce qni concer·ne la répartition du superdividende.

A l'origine on envisageait, semble-t-il, le système de la répartition du superdividende propo1·tionnellement au degré de libéJ•ation des actions comme le mode normal de rémunération du capital.

Une stipulation formelle ne figurait. il est vrai, que rarement dans les statuts des sociétés, où du reste les titres étaient géné1·alement libét·és intégr·alement à la constitution. Mais lorsque dl)s augmentations de capital amenaient, an cours de la vie sociale, une inégalité de libé­ration, on appliquait, dans la pPatique, la répartition des dividendes proportionnellement à la libération des titres, et cela sans qü'aucune disposition ne figurât dans les actes (1). Une modification ultérieure des statuts est souvent venue alors consacrer ce système (2).

Mais on ne devait pas laisser de s'apercevoir que ce mode de répar·-

(1) Exemple : Banque d'Anve1's (Bilan au 31 décembre 1899). · (2) Tel a été le cas notamment pour la Banque d'Anvers le 12 mai 1919.

N' 8618

Page 28: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

116 · DOCTRINE

tition du superdividende favorisait exagérément les actions entière­ment libérées au détPiment des actions partiellement libérées.

Anciennement déjà, certaines sociétés avaient expressément prévu dans leurs statuts Fadoption du rég1me contrmre~ e'est=a=âîre--la re­partition égale du supei'dividende entre toutes les actions quel que fùt leur degré de libération (1).

La pratique allait généraliser ce mode de I'épartition. On constate que, par réaction contre le système ancien, un grand nombre de sociétés insérèrent dans leurs statuts une disposition décrétant ou que le super­dividende se répartira sans tenir compte de l'état de libéra ti on des actions, ou plus brièvement qu'il se répartira " également " on " in­distinctement " entre toutes les actions, ou qu'il sera " le même " pour tous les titres (2).

On peut dire qu~actuellement le système de la répartition égale a prévalu (3).

Sans doute les statuts d'un grand nombre 'de sociétés, constituées avec des titres qui tous ont le même degré de libération, continuent comme par le passé à prévoir uniquement la répartition dn superdi­vidende entre les actions sans préciser l'incidence d'une inégalité éven­ttlelle de libération (4). Mais les sociétés où les fondateurs se p!'Onon­cent expressément pour le_ système ancien deviennent l'exception (5).

12 . ..;,._Quel mode de répartition du superdividende convient-il d'ap­pliquee lorsque les statuts sont muets?

('l) Exemples : Crédit foncier de Belgique (statuts modifiés le 8 avril 1886) ; An­cienne Banqne Centrale de la Sambre (statuts du 1er avril 1895, modifiés toutefois en sens contrairé le 19 novembre 1917).

(2) Exemples : Charbonnages André Dumont (statuts du 18 juin ·1907); Electro Trust (statuts du 12 mars 1928) ; Société Financière de Transports et d'Entreprises Industrielles (So{îna) (statuts du 19 octobre 1928); Société Carbochimique (statuts du 3 novembre 1928); Société Métallurgzque de Sambre et Moselle (statuts modifiés le 17 septembre 1929); Banque de Bmxelles (statuts du 30 janvier 1935).

(3) Il semble qu'il en soit de même en :France. Cfr. Georges JEANNE-JULIEN, La répartition des bénéfices dans les sociétés anonymes (Revue des sociétés Vavasseur, 1924, p. 338).

(4) Exemples : Union Chimique Belge (statuts du 18 janvier 1928) ; Union Finan­cière Belge des Tabacs (Tobaco{îna) (statuts du 22 juin 1928) ; Société Carbonisation Centrale (statuts du 3 novembre 1928) ; Compagnie Générale d'Entreprises Elec­triqlteS et Industrielles (Electrobel) (statuts du 17 janvier i 929).

(5) Se trouvent notamment parmi ces dernières : Union Intercommunale des Cen­trales Electriques dn Brabant (lnterbrabant) (statuts du o mars 1928) ; Compagnie Financière d'Exploitations Hydro-Electriques (IIyclro{îna) (statuts du 18 juillet 1928).

N° 3618

Page 29: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE 117

On prétend parfois trouver la solution de cette question dans rar­ticle 1853 du Code civil, qui aurait pour effet, dit-on, de consacrer le régime qui proportionne le dividende au montant des versements effectués.

C'est là, nous para 't-il, interpréter eeronément la disposition légale. L'article_ 1853 dispose, en effet, que "lorsque racte de socié_té ne

détermine puint la part de chaque associé dans ]es bénéfices ou pertes, la part de chacun est en proportion de sa mise dans le fonds de ]a société ". Or, quelle est la mise sociale de l'actionnaire dont les titres ne sont que partiellement libérés? Est-ce uniquement le versen!ent paetiel qu'il a effectué? Assurément non. L'actionnaire, titulaire d'une action partiellement libérée et par suite nécessairement nominative(!), estcomptableenveeslasociéte de toute la partie non encore appelée(2). Au surplus, l 'aeticle 1853 établit un paeallélisme entre la participa­tion aux bénéfices et la contribution aux pertes ; et, sous la seule réserve de l'insolvabilité du titulaire, les actions partiellement libérées t;Ontribuent aux pe1·tes dans la même mesure que les actions entière­ment libérées, une situation sociale critique ayant pour corollaire l'appel des versements restant à effectuer.

Il ne s'en suit pas que le silence des statuts doive nécessairement en teainer, par application de l'article 1853, une égale répartition du supe1·dividende entre toutes les actions quel que soit leur degré de li­bération. Les sociétés commerciales ne se règlent en effet d'après le deoit civil qu'à défaut de convention des parties (3). Il n'y a donc lieü des' en référer à l' aeticle 1853 que faute de pouvoir discerner la volonté présumée des rédacteurs du pacte social. .

Il est possible, par exemple, qu'à l'époque oü la répartition propor­tionnelle au versement était la modalité la plus répandue, pareil usage ait pu être considéré par les fondateurs d'une société comme rendant super·fine une conséceation expresse pàr les statuts.

Il s'agît donc d'une question d'espèce. On ne perdea pas de vue cependant que, dans beaucoup de cas, le

silence des statuts s'explique non par l'influence d'une opinion régnante

(1) Art. 46, al. 2 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. (~) Cfr. Jules VALERY, Des dividendes à attribuer aux actions émises par une

société à la suite d'une augmentation du capital social et incomplètement libérées (Revue des sociétés Vavasseur, 1926, p. 185); Appel Bruxelles 20 avril1906 (Pand. pél'., 1906, no 270).

(3) Art. rer des lois coordonnées sur les sociétés commerciales.

N° 3618

Page 30: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

118 DOCTRINE

mais par le fait que la société ne comprenait, lOI'S de sa fondation~ que des actions intégralement liuérées et que la question du mode de répartition du superdividende ne se posait pas nécessaü·ement dès lors à l'esprit des rédacteurs du pacte social.

D ~ nne___lu_an_ifu~e--:-géJlé.rale,~e±~tmlLpadiculièeem~nLpüui'-Ce_f!ULcon---­cerne les sociétés de fondation relativement récente, le silence· des statuts implique, à notre sens, l'adoption du régime consacrant le prin-cipe de l'égalité entre toutes les actions quel que soit lem' degré de libé-ration (l). .

On remarquera, du reste, que le fait seul qu'une disci'imination pré­vLÎe pour le premier diyidende n'est plus reproduite à l'occasion du superdividende, milite déjà en fa v eue de cette interprétation.

13.- Nous ne saüi·ions toutefois assez recommander aux rédacteurs de statuts de déterminer, par une disposition formelle, le mode à suivre pour la répartition du superdividende dans le cas où, au com·s de l'exis­tence soci::tle~ une inégalité viend1·ait à se présenter dans la libération des actions. A défaut de quoi, les dirjgeants doivent veiller, le jour oi1 la question devient actuelle, à la résoudee expl'essément par l'acte d'augmentation du capital.

Mais lequel des deux régimes convient-il d'adopter? Nos twéférences vont nettement au régime de la répartition égale du

superdividende. Ainsi que nous venons de le J'appeler, le titulaire d'actions pêu·tieJ ..

lement libéeées est soumis aux appels de fonds qui émaner1t de la société ou que la justice décrète en vue de la sauvegarde des d1·oits des ceéanciees. En sorte que tou tes les actions! libérées ou non, courent! en réalité, au même degré les risque~ de l'entreprise.

L'attribution du premier dividende suivant le degéé de libération proportionne équitablement la particil)ation dans les bénéfices aux ver­sements effectués.

Etendre cette disc1·imination an superdividende, c'est avantager exagéeément les actions intégralement libérées au détriment des actions partiellement libérées.

La partie du capital qui est souscrite et non encOI'e versée est loin, du reste, de ne jouer aucun rôle utile pour la société. Elle repi'ésente. au contraire, une réserve et Un précieux élément de crédit. Et il est

(1) Voir en ce sens HoUPIN et Bosvmux, Traité général des sociétés civiles et c(Jm­merciales, t. II, no 1413.

N°3618

Page 31: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE 119

équitable que les actionnaires, responsables de la libération éventuelle de leues titres, trouvent dans la participation au superdividende la légi­time rémunération des risques qu'ils courent.

14.- Du moment où les statuts se sont prot:wncés en faveur de l'un _ou de l'autre mode de I'épartition du superdividende, leurs stipulations -doivent-eUes être considéi'ées comme définitives, ou peuvent-elles être modifiées dans les formes prévues par la loi?

Il y a lieu, nous paraît-il, de distinguer. Aussi longtemps que toutes les actions composant le capital social se

trouvent dans un même état de libéi·ation, la modification de la dispo­sition statutaire relative au partage du superdividende ne porte atteinte aux di'oits privatifs d'aucun actionnaire. Elle rentre donc dans la com­pétence de l'assemblée générale statuant dans les formes des modifi­cations aux statuts.

Par contre, loesque certaines actions sont entièrement libérées et les autres partiellement libérées seulement, le régime adopté par les sta­tuts constitue un droit acquis en faveur soit des premières soit des secondes. Or, il est de principe que le pouvoir modificateur de l'assem­blée générale s'arrête au seuil des droits acquis. Le régime consacré par le pacte social doit dès lors être considéré comme intangible, ou rl.u moins comme ne pouvant être modifié que de l'assentiment unanime des actionnaires, aussi longtemps que des appels de fonds libératoires n•auront pas rétabli l'égalité eHtr·e toutes les actions.

On po~ll'Pait, il est vrai, être tenté de croire que le mécanisme de l'article 71- des lois coordonnées sur les sociétés -commerciales per·met­tPait de proeédeP à une modification du régime statutaire du moment où celJ e-ci serait sanctionnée par un vote séparé des actions libérées et des actions non libérées. Mais nous estimons qu'une différence dans le degeé de libération ne suffit pas à ériger des actions de même type en " catégol'ies " distinctes au sens de l'article 71.

Cette intangibilité des stipulations relatives au mode de répartition du superdividende est une raison de plus pour que la question retienne toute l'attention des fondateurs de sociétés ..

2me HYPOTHÈSE. - LES STATUTS NE PRÉVOIENT

QU'UN DI:VIDENDE UNIQUE.

15; - Bien que le système de la division des bénéfices revenant aux actionnaires en un pr~mier dividende fixe et un superdividende variable

N° 8618

Page 32: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

120 DOCTRINE

soit devenu la regle, il existe enco1'e das sociétés où les statuts ne pré­voient qu'un dividende unique, variable suivant les résultats de l' acti­vité sociale (l).

Lorsque toutes les actions représentant le capital d'originé sont entièrement libérées, ou tout an moins libérées d'un égal montant, les statuts peuvent sans inconvénient se borner à prévoir la répartition entre toutes les actions de la quote part des bénéfices excédant le prélèvement en faveur de la réserve légale et, éventuellement, les tantièmes attribués à radministration.

Mais le jour où, à la suite d'une augmentation du capital, une iné­galité vient à naître entre les actions quant àleur degré de libération~ il s'impose, si aucune p1·évision ne figure à cet égard dans les statuts originaires, de régler poue l'avenir la participation des actions partiel­lement libérées au dividende statutaire unique.

Il n'est évidemment pas possible, sans violer manifestement l'équité, de maintenir aux actions partiellement libérées la même vocation au. dividende qu'aux actions entièrement libét•ées.

Aussi certaines sociétés décident-elles, dans ces conditions, par voie de modification aux statuts, de n'attribuer le dividende unique que proportionnellement au montant des versements effectués sur les actions (2).

Ce Pégime avantage exagérément, suivant nous, les actions intégra .. lement libérées.

Aussi estimons-nous préférable, dans l'hypothèse envisagée, de renoncer a la formùle du dividende unique, et d'inkodtlÏI'c dans les statuts, tüt-ce au prix· d'un sacrifice sur les tantièmes, la division des bénéfices en un premjer dividende réservé au capital versé et un super­dividende attribué également à toutes les actions quel que soit leur degré de libération. ·

II. Du cas où des actions sont créées ou libérées au cours d'un exercice social.

16. -Les versements libérato]res effectués, à la suite d'un appel de fonds, sue une paetie des actions I'eprésentant le capital d'm·igü1e de la société ne coïncident pas n.écessairement avec l'ouverture d'tm exer-

(l) Exemples: Société John Cocke1'ill (statuts du 10 février 1842); Société des Glaces cl' Auvelais (statuts du 1er mai 1870) ; Cha1'bonnages d' Ame1'cœur (statuts· du 23 aoùt 1880); Société Anonyme des Charbonnages du Bois du Luc (statuts du 28 mars 1936).

(2) C'est la solution qu'avait adoptée notamment l'ancienne Banque Belge pouT l'Ét1'ange1' lors de la modification de ses statuts du 21 rt'wrier 1921 (Annexes du .Monitmtr Belge du 4 mars 192f, no 197f).

N° 3618

Page 33: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE 121

ci ce social. Et, d'autre part, des augmentations de capital sont fré­quemment réalisées en cours d'exercice.

Dans les deux cas, les fonds provenant des apports des associés ne sont à la disposition de la société que pendant une partie de l'année sociale au cours de laquelle les versements ont été effectués.

Il est légitime de tenir compte de cet élément pour la répartition des bénéfices en fin d'exercice.

Voyons comment la question a été résolue dans la pratique tant poue ce qui concerne le premier dividende que pour le superdividende.

On remarquera que la question que nous abordons maintenant pré­sente un intérêt pratique beaucoup moindee que celle que nous avons examinée précédemment. Il ne s'agit plus ici, en effet, que de la rémunération afférente à un seul exercice social. Nous pourrons donc être bref.

A. Q~tant au premier dividende.

17.- Pour propodionner le dividende de l'exercice au cours duquel des versements libératoires sont effectués sur certaines actions à la partie de 1' exercice pendant laquelle la société a disposé des fonds, les statuts d'un grand nombre de sociétés anonymes prennent soin de prévoir, soit dès la constitution de la société soit par voie de modifica~ tion postél'ieure des statuts, que le premier dividende à répartir entre les actions, sur le montant dont elles .sont libérées, se calculeea " pro­rata temporis " (l).

En vertu de cette disposition, les actions dont la libération s'est effectuée au milieu de 1 'exercice social par exemple ne touchent que la moitié du premier dividende statutaire.

18. - Il est toutefois des sociétés dont les statuts ne renferment pas pareille clause (2), sa nécessité n'étant pas apparue à l'époque de

(1) Exemples : Créd'it Foncier d'E.xt1'eme-01'ient (statuts du 3 aoùt '1907); Union Chimique Belge (statuts du 18 janvier 1928); Société Carbochünique (statuts du 3 no­vembre 1928) ; lnterbrabant (statuts du 6 mars 1928) ; Electro Trust (statuts du ,12 mars 1 928) ; Electrobel (statuts du t 7 janvier 1929), etc. Cfr ég·aleinent les modi­fications apportées aux statuts de l'ancienne Banque Centrale de la Sambre le 19 no­vembre 1917, et de l'anéienne Banque Belge pour l'Étrange1' le 21 février 1921.

(2) Exemples : Crédit foncier de Belgique (statuts du 19 mars 1835) ; Crédit Anver­sois (statuts du 21 février 1898) ; Banque d'Anvers (statuts modifiés le 5 décembre 1898) ; Cha1'bonnages André Dumont (statuts du 18 juin 1907) ; Union Financière Belge des Tabacs (Tabacofina) (statuts du 22 juin 1928) ; Compagnie Financière d'E.x­ploitations Hydro-Elect1'iques (Hydrofina) (statuts du 18 juillet 1928) ; Ba1!que de la Société générale de Belgique (statuts du 5 décembre l934).

N• 8618

Page 34: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

122 DOCTRINE

leur élaboration, à raison par exemple du fait que les actions d'ori­gine étaient toutes intégralement libérées.

Loesque ces sociétés procèdent. à une augmentation du capital au coues d'un exercice social, elles veillent généralement à ce que l'acte

-decre-tanÇia créatiOn de nouvelles actions précise l'étendue de la voca­tion de ces actions au dividende de l'exercice en cours, ou à ce qu'une modification corrélative des statuts y introduise la clause " prorata temporis , .

Que faudrait-il décider au cas oü ni l'une ni l'autt·e de ces précau~ tions n'auraient été prises?

On recherphera tout d'abot·d si~ à défaut de stipulation expresse, les circonstances dans lesquelles les nouvelles actions ont été émises ·ne sont pas de nature à révéler 1 'intention des intéressés de s'en rappor· ter à l'usage.

A défaut de circonstances de fait~ la question est extrêmement déli­cate à résoudre.

On enseigne parfois que le premier dividende, faisant en réalité fonc­tion d'intérêt du capital fourni à la société! n'est dù, sauf stipulation contraire des statuts, que pour la période der exercice durant laquelle les actions ont été effectivement libérées (1).

Il nous paraît, au contraire, que. le principe de l'égalité entre les actioi1naires doit prévaloir. De ce qu"'il fait en quelque sorte fonction d'intéeêt, le premier dividende n'en reste pas moins une quote-part des bénéfices~ subordonnée au résultat de l'activité sociale. Il ne paraît pas possible, d'autre part, de rechercher dans quelle mAsm·e le béné­fice final de l'exercice provient des opérations effectuées au cours des divet·ses périodes de l'année sociale.

A notre sens, il s'impose, dans le silence des statuts, de distribuer le dividende plein de l'exercice aux actions libérées au cours de l'année sociale.

19. -Lorsque les statuts d'une société anonyme ne contiennent pas de clause prévoyant l'attt•ibution " prorata temporis " du premier dividend~ statutaire, pareille clause peut y être inscrite par voie de modification des statuts.

Au cas toutefois où il s'agirait de faire application de cette clause au dividende de l'exercice au cours duquel la modification des statuts

(1) Voir en ce sens HOUPIN et'Bosvmux, Traité général des sociétés civiles et com­merciales, t. II, no 1410.

N° 3618

Page 35: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE . 123

interv-ient, son inkoduction devrait précédee l'émission des act] ons dont elle limite les droits, ou tout au moins coïncider avec elle. Elle portee ait sinon atteinte au droit acquis des actions parti~ellement libérées.

B. Quant a~t superdividende.

20.- ContPairement à l'usage pPé\ralant actuellement en matière de peemiel' dividende, ce n'est que tPès èxceptionnellerhent que les sfahlts des sociétés anonymes pt'évoient que le superdividende se répartit " prorata temporis ".

Encore ne rencontPe-t-on pareille clause que là oi1 il est stipulé que le supeedividen·de n'est attribué que proportionnelleme~lt au degré de libération des actions (1).

Et cela se conçoit, le superdividende étant alors soumis au même régime que le premier dividende.

Loesque, au contraire, le superdividende se répartit également entre ·toutes les actions quel que soit leur degl'é de libération, la clause " pro­rata temporis " ne paraît pas s'imposee~·

21.- Dans le silence des statuts, le superdividende doit, nous paraît­il- à défaut d'une stipulation contraire de l'acte portant augmenta­tion du capital- se répartir également entee toutes les actions quelle que soit la date de leur libération.

Il en est spécialement ainsi pour les sociétés - et ce sont les plus nombreuses- dont les statuts prévoient la clause "pror·ata temporis" pour le premier dividende et 1 'omettent en matière de superdividende, révélant ainsi la volonté de sanctionner l'application cte régimes diffé­rents.

22.- La clause " pl'or·ata temporis " peut, en matière de superdivi·· dende, être inÜ'oduite dans le pacte social par voie de modification aux statuts, sous réserve des droits acquis pour l'exercice en cours (2).

F. GILSON DE ROUVREUX,

Avocat à la Cour de cassation.

(1) Exemples: Ancienne Banque Centrale de la Sambre (statuts modifiés le 19 no­vembre 19! 7) ; Union Intercommunale des Centrales Electriq~tes du Brabant (Inter­brabant) (statuts modifiés le 29 octobre 1928).

La même clause, s'appliquant cette fois à un dividende statutaire unique, fig·urait dans les statuts de l'ancienne Banq~te. Belge pour l'Etranger, tels qu'ils avaient été modifiés le 21 février 1921.

('!) Vide supra, no 19.

N° 3618

Page 36: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

124 JURISPRUDENCE

No 3619. - Erratum au no 3602 :

" LA TAXE ANNUELLE SUR LES ASSOCIATIONS SANS BUT LUCRATIF

D'APRÈS LE NOUVEAU CODE DES DROITS DE SUCCESSION ".

---Dans_n_ok_e étude : " La taxe annuelle sur les associations sans but lucL'atif d'après le nouveau Code des droits de succession ", nous avons écrit: (Remte, 1937,11° 3602~ p. 43), que la loi du 4 mai 1936 n'avait pas confirmé l'A. R. no 308 du 31 mars 1936.

C'est là une erreur de notre part. La loi du 4 mars 1936 confirme en bloc llO arrêtés. La liste se termine 'par les arrêtés nos 282 et 301. Mais l'arrêté 11° 308 est compris dans la série des arrêtés confirmés, dans laquelle il figure entre l'arrêté no 277 et l'arrêté ll0 291.

Il est donc établi qu'on a demandé au législateur non seulement de confii'mer en un seul bloc llO arrêtés, mais, en outre, les auteurs du projet de cette loi ont jugé utile de brouiller les cartes pour que l'œuvre du Parlement soit plus aisée et plus consciente.

Jos. GOEDSEELS,

Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.

No3&20.- Tribunal de commerce de Bruxelles (7ech.). -19 août 1936. l\fl\'1. Bracke, jug·e; - Van der Perre, 1er réf.-adj. ; -Pl.: wres Vermoes·en cf Feye.

(Anciaux cf soc. an. C1'éosotage w#versel). Société anonyme.- I. Action individuelle de l'actionnaire.- Nullité de

·délibérations d'assemblée générale pour viola,tion du pacte social. -Répartition de bénéfices non conforme aux statuts. - Effet de l'annu­lation.- Chose jugée.

II. Dividendes. - Droit de l'actionnaire. - Droit social, puis <h'oit acquis ou créance. - Exigibilité. - Droit du conseil d'administra-tion. -Prescription. . '

III. Assemblée générale. - Pouvoirs. - Modification des statuts. -Répartition des bénéfices. - Droit acquis. - Fonds de prévision.

IV. Bilan.- Dispositions des statuts intangibles. - Intérêt contraire de la société.

V. Mobile de l'action individuelle. - Irrelevance.

I. L'actionnaire pmtt incliviclttellement poursttivre en justice l'anmtlation des .délibé­rations cle l'assemblée générale, non senlement lorsque les (annalités indiquées par la loi n'ont pas été observées et lorsque cette inobservat-ion a vicié les résultats des déci­sions, mais aztssi lorsqtte le fonclmême de ces décisions contient une violation elu pacte social.

Spécialement, lorsque l'assemblée générale décide de répartir les bénéfices sans respecter les statuts socimtx, sa délibération, peut être annnlée (t la demande de tont actionnaire préjnclicié dans ses intérêts.

L'annulat-ion par jttstice de cette résohttion antistatntaire aura seulement pour con-

Page 37: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 125

séquence de la rendre inopposable à l'actionnaire demandeur sans entraîner substitution d'un mttre bilan et d'un autre compte de profUs et pertes à ceux existants; les consé­qïtences de la condamnation définitil•e prononcée à charge de la société s'inscriront au passif de l'exercice en cours lors de la condamnation.

II. Avant le vote d1t bilan et de la délibération de l'assemblée générale déterminant le montant des bénéfices, l'actionnaire n'a qu'un droit social-aux bénéfices q1ti se trans­forme en droit de créance par le vote déterminant la somme des bénéfices à répartir.

Le dividende ne devient exigible qn' it partir de la date fixée par l'assemblée générale ozt par le conseil d'administration pour sa mise en paiement.

Il n'appartient pas au conseil d'aaministratûm d'éluder indéfiniment le règlement du dividende ·en ne fixant pas la date de sa mise en paiement; les exercices so~iaux étant annùels, il est généralement admis que le dividende est exigible à la fin de l'exe1·cice suivant celui an cours d1tquel les bénéfices ont été réalisés ; à la fin de cet exercice le terme sitprême pour le paiement du dividende est arrivé.

La prescription ne commence à, courir qtt' à partir du moment oit la créance est exigible.· Les dividendes se ]ir esc rivent par cinq ans.

III. L'assemblée générale constitue le pouvoir souverain de la société ; elle ne rencontre d'autres limites que celles que lui assignent la loi et les statuts ; l'art. 70 des lois coordonnées l'autorise moyennant certaines conditions à modifie1' les statuts sauf quant à l'objet essentiel de la société. Elle ne peut, même dans ces conditions, porter atteinte au.t: droits acquis it certains actionnaires. ~fais son droit de modification e:riste lorsque la la question posée a, pour tous ceux qui délibèrent, la même conséquence. On ne peut, dans le sens de la loi sur les sociétés, considérer comme droits acquis que ceux qui sont accor­dés à des actionnaires ou à des grouz1es d'actionna-ire et qui ne sont pas reconnus à tous les associés.

Une assemblée générale extraordinaire peut donc valablement et sans porter atteinte à des droits acquis, modifier les statuts quant à la répartition des bénéfices, si aucune décision antérieure n'a encore décrété la répartition du dividende de l'exercice écoulé et pourvu que la modification de la répartition statutaire soit proportionnellement égale pour tous. Elle peut, par exemple, immédiatement avant l'assemblée générale ordinaire, décider de soustraire à la répartition l'intégralité d'un solde bénéficiaire et de l'affecter à un fonds de prévision.

IV. Le droit absolu qu'a l'assemblée générale d'arrêter le bilan trouve des limites dans les statuts sociaux; lorsqu'elle ne les 1·especte pas, tout actionnaire est fondé à poursuivre en justice l'annulat-ion de la décision antislatutaire. Si.le p_acte soçift,l détermine d'une manière précise l'emploi ù faire des bénéfices, l'assemblée générale ne· peut, lors même que l'intérêt de la société l'exigerait, leur donner une destination mtlre. Dans cette éven­tualité il appartient à la société d'envisager soit l'opportunité d'une modification statu­taire ne désavantageant pas certa-ines catégories d'actionnaires et ne contre.venant pas à la règle de l'égalité, soit la conclusion d'un emprunt.

l'. Il est irrelevant de rechercher le mobile qui détermine l'actionnaire à agir, étant donné l'intérêt indiscutable de tout actionnaire d'exiger la stricte application des statuts.

Vu ies art. 4, 34, 37, 41 et 42 de la loi linguistique du 15 juin 1935; Attendu que, telle qu'elle est réduite en conclusions, l'action tend : 1 o A faire déclarer nulle la décision prise le 2 avril 1930 par l'assemblée géné­

rale des actionnaires de la société défenderesse d'affecter à un fonds spécial, dit de prévision, une somme de dix neuf mille neuf cent ci~1quante neuf francs dix·sept

,~ 'J 1 ·; ') "\1 . )

N° 3620

Page 38: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

126 JURISPRUDENCE

centimes ; à entendre dire que le solde restant disponible après les atlributions à la direction, aux administrateurs et commissaires devait être affecté pour 1/2 ou tout au inoins pour 4/10 au paiement du 2e dividende ; en conséquence, à faire con·

_damnel'la_société_défenderesse à p_ayer au demandeur une somme de 256 fr.; 2° A faire déclarer nulles les résolutions prises le 4 avril 1934 par l'assemblée

générale des actionnaires de la société défenderesse mais en tant seulement qu'après dotation de la réserve légale, la dite assemblée a décidé de ne pas prélever sur le

· solde du bénéfice la somme nécessaire au paiement du 1er dividende statutaire de 6 °/o mais, au contraire, de verser ce solde à des fonds extraordinaires; en consé­quence, à faire condamner la société défenderesse à payer au demandeur une somme de cent cinquante franes ;

Attendu que la société défenderesse conteste la recevabilité de. l'action ; qu'à l'en croire, dès l'instant où l'actionnaire ne critique ni le mode de convocation ni la tenue de l'assemblée, il ne peut, individuellement, poursuivre en justice l'annulation des décisions prises par celle-ci ;

Attendu que, contrairement à ce que soutient la défenderesse, l'actionnaire peut, individuelleni.ent, poursuivre en justice l'annulation des délibérations de l'assemblée générale non seulement lorsque les formalités indiquées par la loi n'ont pas été ob· servées et lorsque cette inobservance a vicié les résultats des décisions mais aussi lorsque le fond même de ces décisions contient une violation du pacte ~ocial ;

Que la première oblig·ation d'une société est de se conformer au pacte social; que si méconnaissant ses devoirs, une société manque aux règles que lui tracent la loi et les statuts, elle porte atteinte au droit individuel de ses actionnaires et ceux-ci ont, du chef de cette violation, l'action à laquelle donne naissance toute lésion d'un droit ; que, plus spécialement, lorsque l'assemblée générale décide de répartir les bénéfices sans respecter les statuts sociaux, sa délibération peut être annulée, à la demande de tout actionnaire préjudicié dans ses intérêts personnels (RESTEAu, Soc. anonyme, éd. 1933, t. II, nos 1220, 122l et t. III, nos 1496 et 1562. - WAUWERMANS,

Manitel p1;atique des sociétés anonymes, 4e éd., nos 6H et 612; Comm. Brux., 28 déc. 1905, Jllr. Comm. Brux., 1906, p. 98a; que, sans doute, à raison de ce que les effets de la chose jugée se limitent aux parties en eause, l'annulation par justice de cette résolution antistatutaire de l'assemblée générale aura seulement pour conséquence de la rendre inopposable à l'actionnaire demandeur ; qu'elle n'eütraînei'a point sub· stitution d'un autre bilan et d'un autre compte de profits- et pertes à ceux existants; que.les conséquences de la condamnation prononcée à charg·e de la société en suite· del' annulation de la décision s'inscriront, lorsque la décision judiciaire sera devenue définitive, au passif de l'exercice en cours lors de la condamnation (Appel Brux., 27 mars 1935 et note d'observations. Rev. prat. soc., juin 1935, p. 164);

Attendu que c'est parce qu'il prétend que les délibérations des 2 avril 1930 et 4 avril1934 violent, quant à la répartition des bénéfice~, les statuts sociaux et pol'· tent atteinte à ses intérêts personnels que le demandeml en poursuit annulation ;

Attendu, en conséquence, que la fiu de non recevoir 1 proposée par la société dé· fenderesse ne peut être accueillie.

I.

Quant à la décision pr·ise le 2 avril1930 par l'assemblée générale de la société défen-~~u: ,

Attendu qu'alors qu'antérieurement à leur modification par l'assemblée générale

N°3620

Page 39: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

Jl!RISPRUDENCE 127

extraordinaire délibérant à 10 heures dans les conditions prévues à l'article 70 (l'an­cien article 59) des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, les statuts sociaux limitaient à 20 °/o du solde bénéficiaire subsistant après les prélèvements et attributions prévus sztb litt. a, b, c, d, et e, de leur article 30, le pourcentage dont ils autorisaient l'affectation à un fonds de réserve spécial ou de prévision ou à des amortissements extraordinaires, l'assemblée générale ordinaire a, par sa résolution

- du 2 avrii 1930, décidé de verser l'intégralité du dit solde, sauf une somme de dix neuf mille neuf cerit cinquante francs 17, reportée à nouveau à un fonds de préviJion, s'abstenant ainsi d'en répartir la moitié, ou tout au moins les 4/10 (comme prescrit sztb litt. f, de l'art. 30), à titre de 2e dividende, aux actions, au prorata de leur libé­ration ;

Attendu que la société défenderesse oppose qu'en ce qu'elle tend à l'annulation de cette résolution et au paiement de la somme de deux cent cinquante six fr. que le demandeur prétend lui être due à titre de 2e dividende (pour les 5 titres dont il est porteur) l'action est non recevable par application de l'art. 2277 du C. riv. qui dispose notamment que «les intérêts des sommes prêtées et généralement tout ce qui est pay~ble par années ou à des termes périodiques plus courts se prescrivent par cinèi ans » ;

Quant à la zwescription : Attendu, sans doute, que les dividendes se prescrivent par 5 ans (RESTEAU, t. III,

no 1567 ; LAURENT, Droit civil, t. XXXII, no 445); Mais attendu que la prescription ne commence à courir qu'à partir du moment où

la créance est exigible ; Attendu qu'avant que le bilan soit voté et votée aussi la délibération de l'assem­

blée g·énérale des actionnaires qui détermine le montant des bénéfices, l'action­naire n'a qu'un droit social, c.-à-d. un Moit dérivant du contrat de société qu'il ne possède aucun droit de créance ; qu'il aura un dividende si les autres actionnaires en reçoivent un. et surtout, si le bilan fait ressortir l'existence de bénéfices ; que de droit social qu'il était, le droit de l'actionnaire aux bénéfices se transforme en droit de créance par le vote de l'assemblée générale déterminant la somme des bénéfices à répartir (RESTEAU, t. III, no 1566) ; que le dividende rte devient exig·ible qu'à par­tir de la date fixée par l'assemblée générale (art. 31 des statuts sociaux) ou par le conseil d'administration pour sa mise en paiement (RESTEAU, t. III, no 1569) ;

Attendu, il est vrai, qu'il n'appartient pas au conseil d'administration d'éluder' in­définiment le règlement du dividende en ne fixant pas la date de sa mise en paie­ment; qu'aussi, les exercices sociaux étant annuèls et chaque exercice social devant être considéré et rég·lé séparément, est-il généralement admis, que le dividende est exigible à la fin de l'exercice suivant celui au cours duquel les bénéfices ont été réalisés; qu'à la fin de cet exercice, le terme extrême pom; le paiement du dividende est arrivé (RESTEAU, t. III, no 1572) ;

Attendu qu'en l'espèce, l'assemblée générale n'a pas fixé la date de la mise en paiement du 2e dividende ; que, bien plus elle n'a pas décidé la répartition de ce dividende; que dès lors, à le supposer exister, le droit du demandeur audit dividende n'a pu commencer à se prescrire, au plus tôt, qu'à la fin de l'année 1930 ;

Attendu que la présente action a été intentée le 30 novembre 1935, soit moins de 5 ans après le 31 décembre 1930; qu'elle ne saurait, en conséquence, être déclarée prescrite;

Page 40: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

128 JURISPRUDENCE

A'lt fond : Attendu que la défenderesse objecte que le 2 avril 1930, une heure avant la tenue

de l'assem8lée g·énérale ordinaire qui décida d'affecter à un fonds de prévision l'in­tégTalité (moins une somme de dix neuf mille neuf cent cinquante neuf fi'. 17, re-

-por~ée--à-nou-veau)-du-so lde-b@n@fiGlah~e-subsistanLàpl'èsJes__pr.élè_Y.elllBlüs__e t -attl'i­butions prévues sub litt. a, b, c, d et e de l'article 30 des statuts sociaux, s'est tenue, dans les conditions déterminées à l'article 70 (ancien article D9) des lois coordon­nées sur les sociétés commerciales, une assemblée g·énérale extraordinaire qui a modifié la charte socia!e de manière à autoriser l'assemblée génerale à affecter non plus seulement 20 °/0 mais « tout ou partie » du solde bénéficiaire susvisé à un fonds de réserve spécial ou de prévision ou à des amortissemepts extraordinaires ; qu'elle en deduit que c'est valablement et en confo1'mité avec les statuts ainsi modifiés que l'assemblée g·énérale ordinaire a décidé de verser l'intégra1ité (moins une somme de ·dix neuf mille cinquante neuf fr. 17 cent., reportée à nouveau) du solde bénéficiaire dont s'ag·it à un fonds rte prévision ;

Attendu que le demandeur conteste la justesse des déductions tirées par la défen­deresse du fait dont elle reconnaît la réalité et qui est, d'ailleurs, acqu,is aux débats des modifications statutaires ci-dessus précisées ; qu'il oppose que si l'assemblée g·énérale extraordinaire pouvait modifier la répartition des bénéfices, encore ne pou­vait-elle le faire que pour l'avenir ; que, se prévalant de ce que le pacte social doit s'interpréter et s'exécuter de bonne foi et en tenant compte aussi du principe de l'annualité des exercices, le demandeur soutient qu'il est inadmissible que, plusieurs mois après la clôture de l'exercice 1929 et une heure à peine avant ta tenue de l'assemblée g·énérale ordinaire,· le mode de répartition soit modifié avec effet rétro­actif ;

Attendu que l'assemblée générale constitue l'autorité suprême, le pouvoir souve­rain de la .société ; qu'elle ne rencontre d'autres limites que celles que lui assignent la loi et les statuts ; que dérogeant à l'art. H34 du C. ci v. qui dispose que « les con­ventions légalement formées ne peuvent être revoquées l(Ue au consentement mutuel des parties», l'art. 70 (ancien art. 59) des lois coordonnées sur les sociétés commer­ciales autorise l'assemblée g·énérale, statuant dans les conditions de présence et de majorité déterminées, à apporte1' des modific;ttions aux statuts à condition de ne pas << changerJ'objet essentiel de la société» ; qu'ainsi que le fait observer W AUWERl\IANs (Manuel pratique des sociétés anonymes, 4e éd., no 466), ce n'est même point là une dérogation éar, en réalité, l'art. 70 prête aux parties l'intention d'avoir voulu s'ahan­donner, sur tout ce qui touche les droits co mm uns, à la loi de la majorité, sauf ce qu'elles considéraient comme l'objet essentiel du contrat;

Attendu·, sans doute, que l'assemblée g·énérale statuant dans les conditions de pré-. sence et de majorité prescrits pour les modîficati~ns aux statuts ne peut porter atteinte aux droits acquis à cel' tains actionnaires ; q~e, lors de l'élaboration de la loi, le Gouvernement avait d'abord song·é à consacrer: cette restriction au pouvoir de l'assemblée g·énérale par une disposition expresse, en ajoutant à l'art. 70 (ancien art. 59) après les mots« sans pouvoir chang·er l'objet essentiel de la société», ceux·ci: « ni enlever des droits définitivement actruis à certains actionnaires )J ; qu'au cours des discussions à la Chambre, il se ravisa et fit supprimer la mention qu'il y avait insérée, la déclarant inutile, pour ce motif que la chose résulte, à suffisance, des

N° 3620

Page 41: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURtSt>RtTDl!:NCE 129

principes du droit commun (GUILLERY, Comm. lég. de la loi du 18 mai 1873, II, nos 104 et 117, et III, no 326) ;

Attendu <(n'à considérer que, par l'action cc pro socio • contre la collectivité sociale, l'action confère à son titulaire un droit propre, il paraîtrait, à première vue, que l'assemblée g·énérale ne peut statuer que sut' des droits collectifs et qu'elle-doit ais •et' int tet ce qui est du domaine du droit individuel, de telle sorte que l'action~ (1 pro socio n de l'actionnaire reste toujours la même ;

Mais attendu qu'ainsi que l'observe PIRMEZ (écrit posthume, Rev.Jn·at.. soc., 1891, t. Ill, pp. 281 et 282), ce set;ait là une exagération incontestable ; que l'action cc pro socio ,> dél'ive du contrat et que par cela même que les associés ont d~mné 11ouvoir à une m:ijol'ité déterminée de modifier le contrat, ils ont autOI'isé lii'modi1îcation des droits qui en découlent; que les limites du pouvoir de l'assemblée ne sont donc pas là; que c'est dans la communauté d'intérêts qu'il faut puiser le pouvoir de décidPr; que le droit de l'assemblée existe quand la qurstion posée a pour tous cèux qui déli­bèrent les mêmes conséquences et disparaît s'il y a des intérêts divergents; -que, selon la juste formule de.RESTEAU (t. II, no 1338), on ne peut, dans le sens de la loi sm les soeiétés, considét·er comme dt•oits acquis que ceux qui sm~t accordés à dps actionna.ires ou à des gToupes d'actionnaires et llUi ne sont pas reconüus à tous IC's associés;

Attendu que lorsque l'assemblée g·énérale extt'aordinaire modifia les statuts sociaux dans le sens sus-indiqué, elle ne se trouvait point en pt'ésenre d'un acte antérieur de l'assemblée générale ordinaire décrétant la répartition du dividende litig·ieux ; que le demandeur ne pouvait donc, à ce moment, se J)l'évaloir d'un dt·oit acquis sm; ledit dividende; que, Cùl11111e observé Ci-avant, le droit au dividende dont la rép:u'lilion n'a pas encore été dP.cidée est, en effet, un d1·oit non acquis, c'est··à-.dit·e mr.dt·oit social soumis au pouvait' souverain de l'assemblée générale ; que, sitôt la ré]1arti!ion décidée, le droit au dividende chang·e de natUI'e; que, de droit social qu'il était, il se tl'ansfoi·me en droit de créance soustrait à tonte volonté de l'assemblée et à toutes les vicissitudes de la société (DE PELSMAEKER, Notes Rev. prat. soc., 1922, p. 186 et 1923, p. 94) ;

Attendu, d'autre part, que c'est d'une manière proportionnelfe.rüent égale pour tous qu'a été modifiée la répartition statutaire des bénéfices; que l'application que fit, de cette modification, l'assemblée générale ordinaire n'a pas eu pour eff'et d'amnta­ger certains actionnaires au détriment d'autres;

Attendu qu'il s'ensuit que c'est en conformité/avec les statuts valablement mQdifiés par l'assemblée g·énérale extraordinaire tenue le même jour mais une heure plus lot, que l'assemblée générale ordinaire a décidé d'affecter l'intég-ralité du solde bénéfi­ciah'e dont s'agit à un fonds de prévision ; que, contrairement à ce que soutient le demandeur, il n'y a pas en, en l'espèce, une modification statutaire arec effetrétro­actif ou une application rétroactive de la modification statutaire; qu'eu effet, au moment où la modification statutaï're fut votée, aucune décision ü'avait encore été prise conceruant la répartition ou l'affectation des bénéfices afférents à l'exercice ·1929 et que la modification statutaire était précisément relative à cette répartition ouaffec­tation ;

Attendu que c'est vainement que le demandeur objecte que si la résolution qu'il incrimine devait être reconnue. valable, ou se trouverait en présence d'un vérilable

\ abu_s~~~ dEoit ; 1,

N~ 3620

9

Page 42: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRVDENCE

Attendù, en· effet, qu'il n'existe en la cause aucun élément dont il résulteràH que ladite délibération n'aurait point procédé de l'idée de sauveg·arder les intérêts médiats sinon immédiats de la ·collectivité et aurait,· plutôt, été dictée par des intérêts parti­culiers prenant, selon l'expression de PIRliiEZ (Ecrit posthume, Rev. vrat. soc.,

~~, .t. III, pp. 281et2-s2) (< le masque de l'intérêt général ».

IL Qilant- à la.délibération de l'assemblée générale d1t 4 avril1934 : Attendu qu'en -leur art -30, les statuts ~ociaux disposent que sur les bénéfices nets

annuels, après déduction des frais g·énéraux et des amortissements ·nécessaires, il ·(( sera J>· pt•élevé : ·

.. a) 5 °/o pour constituer le fonds de réserve dont le prélèvement cessera d'être obli­·g·atoire quand la réserve lég-ale aura atteint 1/1.0 du capital social ; · : b) la somme nécessaire pour permettre la distribution d'un premier dividende de 6°/o aux actions sur le montant dont elles se trouvent libérées, (< prorata tempo ris n;

Attendu qu'alors que le.bilan de l'exercice 1933 faisait appat·aître un bénéfice net de quatre cent et treize mille trois cent dix huit 'fr. et 84 cmes. à répa1~tir, J'assem­blée g·énérale ordinaire du 4 avril1934 a décidé de l'employer de la façon suivante:

Réserve lég·ale 20.665,84 fr. · Fonds de prévision 270.000,00 » Amortissements 122.633,00 »

· Attendu que le (:11;oit absolu qu'a l'assemblée g·énérale d'arrêter le bilan trou re ce J)endallt des limites dans les statuts sociaux ; que lorsque comme c'est Je cas en l'espèce, les st~tuts règ-leilt dans les termes impératifs et précis, la répartition des bénéfices, l'assemblée'a I'oblig·ation de' respecter cette affectation, qu''elle ne peut la 'violel';''même indirectement, soit en célant des bénéfices dans de prétendus aniortis­'seliiènts; soit en décidant la c1iéation d'un fonds ·de réserve supplémentaire (Comm­Brux. 8 1ilàrs 1906, JÙr. Comm. Brux.· 19fl6, p. 224.- Comm. Brux. 28 déc.1905, Jm< Comm; Brux: 1906, p. 92.- V. aussi, mais dans ù.Iie· espèce en laquelle les statuts avaient été respectés : Appel: Brux. 16 février 1906 et la nole d'observation, Jllr. Comm. Brux. 1906, p. ·'183) ; que, si elle le fait, tout actionnaire est fondé à s·é plaindt·e et à poursuivre, en justice~ l'annulation de la décision antistatufaire ;

Attendu qu'en l'espèce, la violation des statuts est flag-rante et n'est d'ailleurs pas contestée ;

· Attendu, il. est vrai, que pour légitimer la décision prise par son assemblée géné­rale d'affècter une soninie de deux cent septante mille fr. à un fonds de prévision, 1a défenderesse invoque qu'elle lui fut imposée par sa situation financière critique; qtie, prétend-elle, elle se trouvait, en I)leine crise, en présence d'un passif de 416.855 fr. ;

M'ais attendu qu'à supposer exact le fait dont elle est déduite, cette objection 11e mat1quel·ait pas moins de pertinence ; · · Attendu, en effet, que si le pacte social détermine, d'une manière précise,. l'em­ploi tju'il faut faÙ;è des hé~1éfices, l'assemblée g~énérale ne peut, lo1's même que l'i1.z-

. térêt de la société l'exigerait,.Ieur donner une ~,e,stination autt·e; que la charte sociale ne peut, pour aticuilmotif, être violée; que, dans cette éventualité, il appartient à la société' d'envisag·e{soit l'oppoi·tunité d'une modification statutaire qui ne désavan-

-"N°-·3620.

Page 43: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 131

tagerait pas certaines catégories d'actionnaire et ne contreviendrait point la règle de l'égalité (RESTEAU, t. III, nos 1496 et 1562) soit la conclusion d'un emprunt (WAHL,

note Sirey 1901, 1, 539) .; Attendu qu'il est il'l'elevant au procès de rechrrcher quel est le mobile de fait qui

a déterminé le demandeur à intenter la présente action ; que l'intérêt indiscutable lJU'a le demandeur à exig·er la stdcte application des statuts, à se faire restituer contre la lésion de ses di'Oits d'actionnaire, est, d'ailleurs, un mobile en lui-même et à lui seul suffisant pour expliquer l'action actuellement eng·agée; .

Attendu que, suivant le calcul établi par le demandent· et dont la défenderrsse ne conteste pas l'exactitude, le dividende dont, au mépris des statUts, la soeiété défen­deresse a, tout au moins implicitement, décidé la non répartition, s"etahlit ù 30 fr. ; que le demandem· étant propriétaire de cinq actions, la somme lui due J)ar la défetl­deresse est de 150 fr. ;

Attendu que considérant que le demandeur succombe en l'un des deux chefs de son action, le Tribunal estime que les dépens de l'instance doivent être supportés par moitié par chacune des pm·tips ;

Pat• ces motifs, Le Tl'ibunal, rejetant toutes fins et conclusions autres, plus ampiPs ou contraires ; Déclare non fondée la fin de non reeevoh· déduile par la défenderesse du fait que

le demandem· hase sa demande d'annulation des délibérations des 2 avril 1930 et 4 avril 1934 non sur manquement aux formalités à observer par la convocation et la tenue de l'assemblée, mais sur le fond même des dites décisions qu'il prétend avoir été prises en violations des statuts et au préjudice de ses intérêts personnels d'ac­tionnaire;

A) Sur la demande, en ce q1t'elle tend à l'annulation de la décision prise, le 2 avril 19.10, relativement à l'objet visé sub no Il,-littera b du disposit-if de l'ass-ignation, rar l'assemblée générale des actionnaires de la société défènderesse el à la condamnation de la société défenderesse au paiement de la somme de deux cent cinquante si.x fr. ;

Dit pour droit que cette demande n'est point prescrite. La déclare non fondée; en déboute le demandeur ;

B) Déclare nul et de nul effet, vis-à-vis du demandeur la décision prise le 4 avril 1934 par l'assemblée g-énérale des actionnaires de la société défenderesse de ne pas prélever sur le solde du bénéfice la somme nécessaire au paien1ent du premirr divi­dende statutaire de 6 °/ o, mais, au contraire, de verser, à concurrence de deux ce ut septante mille fr., ce solde à un fonds de prévision ; -

En conséquence, condamne la défenderesse à paye1· au demandeur, à litre de pre­mier dividende, sur les cinq actions dont il est propriét3it·e une som_me de t1·ente fr. par titre, soit un montant total de 150ft'. ; la condamne en outre aux intérêts jmli­ciaires sur ladite somme ;

Condamne, enfin, la défenderesse à la moitié des dépens de l'instance, l'autre inoitié étant à charg·e du demandeur, les dits dépens taxés en totalité à ce jour à 130,m) fr.;

Donne acte au demandeur de ce qu'il évalue la présente action en chacun de ces chefs à plus de quinze mille fr. pour le ressort et la compétence.

Observations.-- Ce jugement, abstJ·action faite des questions de fait, es.t confoeme à la doctl'ine et a la jurisprudence.

I. L'actionnaiee est recevable a agir individuellement couti·e la

Page 44: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

132 JtJRtSPRtJDENCE

société dans- tous·les cas où il croit avoir été lésé par celle-ci dans 1 'un· de ses droits acquis, par une application el'ronée, culpeuse on dolo­sive des dispositions du pacte social, dans les votes de rassemblée géné-

--ra-le-..-------------------------~----

Celle-ci, en effet, organe souverain de la société à 1•égard de ses membres, ne jouit cependant de cette souveraineté que dans les condi­tions et limites de la loi et du pacte soèial qui. légalement formé, tient' lieu de loi aux parties qui l'ont fait_ (C. ci v.' art. 1134).

T-ant vote de 1' assemblée générale enfreignant la loi ou les statuts,· soit dans les fot~mes de délibération pt'escrites, soit dans le fond des l~ésolutions, est annulable par décision de justice sm~ assignation de l'actionnaire préjudicié.

Il en est ainsi spécialement en ce qui concerne les manquem~nts à respectee les dispositions statutaires quant à la répartition des bénéfices.

Lot~sque l'actiounaire agit ainsi en annulation d'une délibération d'assemblée générale, il ne gère évidemment que son intérêt individuel et la portée de la décision judiciaire qu'il obtiendra n'intéressera que son patt·imoine· particulier.

Ce sera donc seulement vis-à-vis de lui que cette décision judiciaire rétr-actera les effets de la délibération annuelle : le jugement 11 'aura pas l'autorité de la chose jugée à l'égard des autres actionnaires qui n'auront pas été parties au procès. Cela est conforme à la règle du droit commun inscrite dans les al't. 1350 et 1351 du Code civil.

Judiciairement inexistante à l'égard des actionnaires restés étran­gers à l'action individuelle intentée, l.a décision des tribunaux inscril·a seulement ses effets en charge de la société comme s'il s'agissait d'une dette à l'égard d'un tiers: la société devraincorporeeces effets au passif de l'exercice en cours lors de la condamnation devenue définitive et y faire face alors au moyen de son actif, qui est le gage commun de ses créanciers.

En d'atltres termes, comme le constate le jugement ci-dessus, l'annu­lation judiciaire de la délibération aura exclusivement pour effet de rendre celle-ci désoemais inopposable a l'actionnaire demandeur, indi­viduellement pris : elle n'entraînera pas, pour la société, la nullité absolue ni la nécessité de refondee le bilan et le compte de profits et peetes votés et victorieusement critiqués.

II. Le deoit statutaiee de 1' actionnaire à sa portion des bénéfices SJciaux est une créance sociale d'obliga)tion de fair~e aussi longtemps qne le bilan n'est pas voté par l'assemblée.

1

Page 45: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 133

CJ deoit social se teansforme en un deoit individuel de créance de somme pae le vote du bilan déterminant le montant des bénéfices à répaetir. Voir à ce propos.nos observations sur le jugement du Tribunal -de commerce de Lié ge du 29 septembre 1936 (Revue, 1937 ~ I;o 3617) et les réféeences qui y sont citées.

Lej ugement reproduit ci-dessus fait, enteemes heureux, la distinction -fondamentale del 'existence du deoit au dividende et de son exigibilité. Il définit de même avec exactitude la limite des facultés laissées fré­quemment au conseil d'administration par l'assemblée générale quant à la détet·mination du moment de cette exigibilité, déte1·mination que le co11seil d'administration ne peut pas indéfiniment ajourner sans violer la foi due aux conventions.

Le jugemeut pr·ésente un intérêt spécial, à ce propos, en ce qu'il note ce que l'usage comporte comme terme extrême de l'exercice de la faculté d'ajournement laissée au conseil d'administration. Cette règle n'est assm·ément pas absolue ni impérative, n'étant·pas inscrite dans la loi ; mais elle s'impose comme inscrite dans la raison et dans la cou- · turne à laquelle, les parties~ sauf stipulation contraire expresse, sout censées s'être rapportées, toujours conformément au droit commun (Code civil, art. 1135 et 1160).

Hf. Le jugement fait une application instructive du priucipe de la souveraineté presque illimitée. de l'assemblée géHé1·ale en matière de modification aux statuts (lois coordonnées art. 70). Si l'assemblée rencontre~ dans l 'exet·cice de sa souveraineté de décision appliquée à la matière de la gestion des affaires sociales (vote du bi-lan et du compte de peofits et per·tes), une limitation conteactuelle précise dans les dis­positions statutaires, il est en son pouvoir légal de se dégager de cette enteave en recour~nt à l'exercice de son droit de modifiee les statuts, moyennant l'observation des conditions et for·mes spéciales prescrites pal' la loi pour cet objet.

Dans l'usage de ce dr•oit, l'assemblée générale, réunie à l'extraor­dinaire, a le champ libr~, sauf à ne pas modifier l'objet essentiel de la société et à ne pas porter atteinte à des deoits individuellement acquis.

Le critère de l'obseevation de cette condifion négative résidet'a dans le fait que !"effet modificatif de la délibération soit général en ses tee mes et en ses conséquences, et affecte également l'ensemble des associés, sans discrimination ni disproportion particulières au détriment d'actionnaiees ou de geoupes d'actionnaires par rapport à d'autres.

La décision modificatriçe de l'assemblée générale extraordinaire

Page 46: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

134 JURISPRVDENCE

exeece ses effets à l'instant, à l'égat'd des associés tout au moins, sauf stipula'tion expeesse coJltPaire. Rien! en effet, dans la loi, n'empêche qu'elle lH'écède immédiatement la réunion de l'a<isemblée géné1·ale ordinaire appelée à délibérer sur le bilan et dont le vote sur la eépar-

-fition des bénefices poueea amsietre nécessau'ement îllfluencé par la modification aux statuts votée in extremis.

Inutile d'ailleni'S d'insistet' sur les inconvénients et les déconvenues, voii'e les passe-clt'oit, pouvant résulter de là, pour des minorités, li\Tées à l 'arbitt~aiee de majorités légalement omnipotent-Bs:

No 3621.- Cour d'appel de Gand (Fe ch.).- 30 janvier 1937. MM. de Cocquéau des Molles, De Brabandere et Smetrijns, cons. ; -

Plaid. : I\'J 1rcs De Sloovere cf De Rycke. (Claeys cl Soc. an. Lwninax en liq.).

Société anonyme. ~ 1. Administrateur-délégué nommé directeur. Interprétation de la volonté des parties.- Louage de services.­II. Révocation intempestive.- Irdemnité due.

1. Un administrateur-délégué qui a exercé de tout temps les {onctions de directeur technique, mais tout d'abord sàus le seul titre d'administrateur-délégué peut être nommé ensuite directeur de la société. S'il apparaü que, dans l'inteni'ion des parties, il devait accomplir désormais comme directeur et sans changement dans la rémunération, le tra­vail qu'il avait f'onrni antérieurement comme ac~ministrateur-délégué, il y a lien de déci­der qn'il y a eu, entre parties, conclnsion d'un contrat de louage de sen,ices, Sf111S qu'y fasse nécessairement obstacle le fait que ni les attributions ni les appoi11temeuts du directeur n'ont été changés, à moins que la société ne prouve le caractère fictif dn dit contrat.

II. L'iuclemnité de l'employé renvoyé i.ntempestivement doit êfrefi:.rée en égard an taux des aJ1pointements et à la cUffwulté plus ou moins grande ]JOW' le préposé de se procurer une silual'ion équivalente. L'indemnité due pour défaut de préavis peut, selon l'espèce, être fi.xée à 12 mois d'appointements. ·

(Appel d'un ju~·ement du Tribunal de c.onunerce de Gand du -16 octobl'e-1935, i·e­produit d_ans la Revue, 1936, ll0 3568, p. 28ll). ·

ARRÊT.

Attendu que, s'il est vrai que l'appelant n'a porté an début, que le seullilre d'ad-_lllinistraleur-délég·ué, il a, de fait, exercé de tout temps les fonctions de directeur technique : que le conseil d'administration n'a fait que consacrer une situation pré­existante, lorsqu'il a décidé, en sa réunion du 18 janvier 1932, de nommé le sieur Claeys dir·ectetir de la société; que l'intimée prétend !vainement que, faure d'avoir déterminé les attributions et les appointements du dir~cteur, les parties n'ont pu conclure valablement un cmltt at de louag·e de services ; qu'il ré su He, à toute évi­dence, des ter1iles mêmes de la décision du conseil d'administration, que l'appelant · ,devait accomplir désormais comme directeur le travail qu'il avait fourni antérieure-

N° 3621

Page 47: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 135

m ~nt comme administt·ateur-délég:ué ; que, si ia décision n'indique pas la rémuné­ration à payer au directeur, c'est que, dans l'intention des parties, il n'y avait pas lieu d'apporter un chang-ement uuelconque aux avantages dont bénéficiait l'appelant; qu'il est, d'ailleurs, constant qtie les appoiùtements payés au sieur Claeys, après le 18 janvier 1932, ont été ceux dont il jouissait avant cette date ;

. Attendu que, s'il est possible que le conseil d'administration se soit laissé g·uider dans une certaine mesure par une préoccupation d'ordre fisc.al, il paraîtbien_pjus __ vl'aisemblable qu'il a voulu marquer sa reconnaissance vis-à-vis de l'appelant qui a été l'artisan principal de la prospérité extraordinaire qu'à connue la société Luminax :;

Qu'en tous cas l'intimée ne prouve pas le caractère fictif du contrat 'de louag-e de services intervenu entre parties, et les faits dont elle offre la preuve manquent, à ce point vue, d.e toute pertinence;

Attendu qu'en principe, l'indemnité due à. l'employé renvoyé intempestivement. doit être fixée eu égat~d au taux des appointements et .à la difficulté plus ou moins gTawle pour le préposé de se procurer une situation équivalente ; qu'il échet, en outre, de tenir compte, en l'espèce, de la circonstance que l'appelant a connu, dès le 2 t décembre 1934, la décision de la société de mettrefin à son activité indus­trielle, à partir du 31 mars 1935 ;

Qu'il est, dès lors, équitable d'allouer à l'appelant, à titre de dommages-intérêts, neuf mois d'appointements et d'indemnité de logement, soit la somme de 62.100 fr.;

_Par ces motifs, La Cour ... déclare l'appel recevable et fondé; met à néant la décision entreprise;: Emendant, condamne l'intimée à payer à l'appelant, à titre de dommages-intérêts,

la somme de 62.100 fr., majorée des intérêts judiciaires; condamne l'intimée aux dépens des deux instances.

Observations. - L'arrêt ci-dessus, en tant què rendü en fai(n'ap:.· pelle pàs de commentaire.

Nous le r-epPoduisons parce q'u'il offre J'exen~ple d'un cas d'espèce assez Pat'e : celui de la transmutation juridique (dans l'interprétation adoptée pae. le juge d'appel, contrairement au premiei' jugefdes fonc­tions de directeur technique, exercées jusque:.là sous le couvert rl'Ùn mandat d'administratenr-délégtlé, en unlouage de sei'yices désormai$ distinct de ce mandat. Nous disoi1s: ". tra1i.smutation juridique , parce que ni les attributions, ni les appointements ou avantages de·Ia charge n'ont subi de changement.

Seul a été modifié, d'après la Cour, le caractère juéidiqüe.·du lien' contractuel entre le titulaire et. la société : ·,d' administt'atem~;.délés·ué, remplissant à ce titre les fonctions de directeur technique, ·Pintéressé. est, selon l 'ai'rêt, devenu par sa nomi,nation de dieecteur technique,· préposé en même temps que mandataÏI'e.

Ce cumul~ nous l'avons précédemment noté, n~ést pas chose impos-sible. Mais il doit naturellement êtee spécifiquement prouvé. ·

Cfr. aussi sentence arbitrale du 15 octobre 1936 (Revue,: 1937,: n° 3597' p. 18). ' .

N' 3621

Page 48: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

136 BIBLIOGRAPHIE

No 3622. - BIBLIOGRAPHIE. Faut-il bouleverser la législation belge sur les sociétés anonymes? par . Louis JAcoBs-HAVENITH, avocat honoraire (Extrait de la livraison du 15 janvier 1 !137

de La Vie Economique et Sociale, t3, rue du Prince, Anvers). ---nans cetté etude, d'une {rentame de pages, l\'1. JAcoBs-HAVENITH donné une vue

d'ensemble des propositions de réformes qui, en ces derniers temps, ont surgi de toutes parts. S'al'l'ètant aux pl'incipales, il les passe au crible d'une critique rapide et émet une conclusion à l'ég·ard de chacune d'elles.

Avec toute l'autol'ité qui s'attache à sa valeur de juriste et de praticien, il com­mence par affirmer que la loi or·ganique de 1873 constitue un édifice 'juridique ren,1arquahle. Il sou!ig·ne la hai'diesse des réfoJ·rnateurs qui « ferait croil·e que toutes lès mésaventures dont l'éparg·ne a pâti dans les quelques dernières années, c'ussent pu êtt:e évitées pat' un renforcement des di,.positions lég·ales sur les sociétés anonymes>>.

Certrs, dans la révision éventuelle des lois coordonnées, il faudra s'inspirer d~ ces jl)dicieuses remarques qui, dans la période actuelle de lég-islation hâtive et euche­vcèfrée, sont d'application en toutes matières.

Nous ne pouvons songer à suivre l'auteur dans l'examen des modifications LI ont il fait un tableau schématique.

Sa pensée maîtresse consiste à « ressusciter n l'assemblée générale grâce à des mesures susceptibles de la faire fonctionner normalement. Avec infiniment de raison il insiste sur l'anomalie provenant de l'absentéisme à l'assemblée générale, g1·âce auquel celle-ci se réduit à un simulacre, alors que toute l'institution de la société anonyme repose sm elle et sur la majorité qui lui confère l'omnipotence. Or, dans la praticrue, cette majorilé n'est, la plupart du temps, qu'une dérision : en fait, les résolutions sont votées par une fraction minime du capilal social. Aiusi se troure f~mssé tout le mécanisme du controle et il faut rcconnaitre, écrit l'auteur, r· que tout.es les mesures qui substitueraient à ce contrôle l'intervention d'une autre auturilé ne feraient que pallier à une déficience imputable bien ll10ÎIIS à J'administt•atiull drs sociétés qu'aux actionnaii·es eux-mêmes n.

Qu'en fait le controle de la majorilé soit insuffisant, par suite de l'absentéisme à l'assemblée g·énérale, voilà, certes, une incontestable vérité.

~lais nous sommes moins ratég-ol"ique en ce qui conceme l'unique remède à y appül'tet' que l'auteur cantonne datts la faculté ~our l'actionbaii'e de se faire repré­senter à l'assemblée par un banquier ou un ag·ent de chang·e agTéé, sans indication dn mandat. De la sorte, écrit l'auteur, l'actionnaire; délivré des avpréhensions d'ordre fiscal - car «la loi sur les sociétés a été viciée par les lois fiscales n -reprendra le chemin de l'assemblée génrrale.

Est-ce là vraimPnt la sPule cause de cet absentéisme? N'y a-t-il pas aussi la réduc­tion des minorités à l'impuissance et l'omnipotence absolue de himajül'ité, confondue en fait avec l'administration émanée d'elle? Qu'irait l'aire l'actiounaire indépendant dans des assemblées où les décisions et décharg'es sont acquises d'avance sans recours possible, même en cas de faute patente de g·estion ?

L'auteur ne paraît g-uère. pa1·tisan du rétablissement de l'action ind{viduelle de l;aclionnalre. Ill'entome de telles conditions ttu'elle serait, à uotre avis, pratiquement_../ peu efficace comme prévention et frein aux abus g-raves et presque illimités qu'en­traîne inévitablement le privilèg·e de l'impunité et de l'irresponsabilité effective des

Page 49: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

BIBLIOGRAPHIE 137

administrateurs sous le régime majoritaire actuel. L'auteur voudrait que l'action individuelle, qui serait une action sociale (mandati) fùt réservée à une fraction rela­tivement imposante du capital et limitée au délai d'un an à parlir des faits. Il serait permis à la société d'y intervenir, de même qu'à l'actionnaire d'inlervenir à l'action de la société. L'assemblée polll'rait être reconsultée sur la question même après avoit' volé les décharges.

Après lesréformes relalives à l'assemblée g·énérale, lVI. JAcons-liAVENITH passe en revue celles qui se rapportent à la gestion de la société·: itJstitution des administra­leurs g·érants, limitation des rémunérations d'administrateur, clotalion excessive des réserves, opposition d'intérêts, ete. Il passe ensuite au controle des soeiétés sous la forme de la création de l'office des sociétés, qu'il t'epousse avec conviclion. Il pro­pose plus de LWécision et de cons'ance dans l'établissement des po!:ltes du hilau. Il examine enfin quelles g·aranties'supplémentait'es se t'aient à atlrihuer aux oblig·ataires.

Toutes ces considérations sont marquées au coin d'une connaissance ap1)1'0fondie de la vie des sociétés et des lois qui les rég'issent. La conclusion finale, de limiter judicieusement les réformes sans bouleverser la législation existante, devm être t'etenue. · M. FEYE.

La loi du 31 juillet 1934 :ses limites et l'abus des pouvoirs spéciaux en matière d'impôts, par Carlo DE l\'IEY, avocat à la Cour d'appel de Bruxelles, Directeur du "Journal pratique du Droit fiscal•'.- Broch. in-8°, 3! pp., fO fr.­Bruxelles, Bru~'lant, 1937.

Etude pénétrante et critique vigoureuse de l'une des lois caractéristiques du régime Jég·islalif actuel. A raison de circonstances exceptionnelles, une loi délèg·ue au pou­voit' exécutif le dl'Oit de légiférer, exclusivement pom dégrever et simplifier. Quel est le premier soin de l'Administration des Finances? .Mettre à pl'Ofit les pouvoirs spé­ciaux pour s'assurer captieusement en sens inverse, des avantag·es qu'un Parle­ment soucieux de remplir son devoir de controle ne lui eùt pas accOI'dés à charge des contribuables. DP-ux ministres des Finances semblent n'y avoir vu que du feu; le Parlement., qui sacrifie tout actuellement aux exigences du maintien de la concen­tration ries partis au g·ouvernement, s'est laissé for~er la main bien qu'instruit de la manœuvre. L'auteur de la broellllre met, avec courag·e, sa compétence .reconnue de fiscaliste au service de la reveudication de la vérité juridique et de la col'l'eclion lég·islative. Il démontre, péremptoirement à notre avis, le mensoug·e des textes voté8 et de leurs soi-disant justifications officielles.

La délég·ation donnée n'était pas générale; elle était circonscrite à une tâche de dégrèvement et de simplification. Dès lors sont illégales tontes les dispositions prises sur hase de la délégation et qui sot'tent de son objet. Illégal eutr'autres J'arrêté royal no 277 qui a éte critiqué ici même (Revue, ·1936, no 3566 et 19in; no 3591) par 1\'Ie .M. Feye. L'arg·umentation de 1\'1. C. DE MEY achève de le réduire en poudre. A la jurisprudence de lni donner le coup de gTàce, ainsi qu'à d'autres al·rêlés qui sont un défi à la raison juridique et à la modération fiscale, comme à la droiture de l'œuvre législative.

Le régime légal des banques et des bourses. - Le statut dès agents de change, par Louis FRÉDERICQ, prof. à J'Université de Gand, avocat près la Cour d'appel.- Un vol. in-8°, 04 pp.- Gand, Rombaut.- Fecheyr, 1937.

L'auteur du mag·istral traité: <<Principes du droit commercial belge», dont les trois

N• 3622

Page 50: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

138 BIBLIOGRAPHIE

tomes ont paru en deux lang·uès, pomsuit son œuvre remarquable en y ajoutant, dans des bt·ochures et volumes de complément, le commenta!t'e des lois pat'ticulières et exorbitantes du droit commun que le pouvoir exécutif, législateur par délég·ation, élabore pal' arrêtés pour régir le:; matières nouvelles qu'il p1·étend organiser, ou pour réformer d'après des principes nouveaux certaines dispositions usuelles qu'il

~-stime âevoir raJeunir. -----Dispositions décrétées sur base de travaux administratifs souvent incünm1s et qui

sont livt·ées à l'application et imposées à l'interprétation jurisprudentielle sans ie secoul's de travaux prépat·atoil'es, issus d'une discussion pal'lementail'e régulière. Il est superflu d'insister sm· les obscurités, incertitudes, risques d'arbitJ'ai•·e, dilllcultés de tous g·enres qui naissent de /ce procédé sommaire d'élaboration. Sous prétexte d'aller plus vite que le Parlement, il n'est point sûr qu'on ait vraiment prug-ressé ou marché moins mal.

L'auteur, dont on connaît l'esprit consciencieux et net, en est réduit à devoir con­fesser qu'il n'a eu, pom s'éclairet' lui-même, d'àutre ressource que de <( s'adresser officieusement à ceux qui ont collaboré à l'établissemet}t du texte ou qüi sont appelés à en assurer l'exécution o.

Quels que soient lems mérites personnels, leurs avis ne peuvent être que des réfé~ renees plutôt <JUe des véritables autorités et ce pénible expédieut où le commentatem se voit bon gTé mal gTé acculé ne fait qu'illustrer le vice du procédé lég·islatif. La '' confection vicieuse des lois » n'a fait que croître et embellir depuis l'instauration du régime des pouvoirs spéciaux. On ne voit g·uère ce que l'édifice du droit belg·e a pu gag·ner à la relég·ation du Parlement en chômage ou à l'abdication de sa mission législative aux mains des commis.

M. L. FRÉDERICQ s'est évertué à transposer en forme didactique eette matière confuse et à atténuer ainsi plus ou moins ce que sa formation hâtive et incontrôlée y a inclus d'arbitraire et d'indécision. On lui saura gré de cette précieuse contribution, qui aidera à intégTer dans la mesure elu possible, les dispositions nouvelles clans les cadres classiques de l'enseignement et de l'interprétation de notre droit commercial.

La durée du travail industriel et commercial et les congés annuels payés, par Paul HoRION, chargé de cours à l'Université de Liég·e.- Un vol in-So, 250 pp., 45 fr.- Bruxelles, Bruylant, 1937.

CommentairejuridiquedelaloiduJ4juin 19H, de l'arr. royal no 306 du 30mars -1926, et des lois du 8 juillet 1936, du 9 juillet 1936 et du 22 décembre ·J 936. Cette étude méthodiquement conduite du droit positif belg-e interne se recommande à la fois aux juristes et aux industrie.ls.

Nationalisme économique, par Henri CocHAUX.- Broch. in-8°, 19 pp.- Bru­xelles, Imp. Van 1\'Iuyse-Winkel. Cl'itique intél'essante de l'interventionnisme excessif et plaidoyer convaincant en

faveur du retour à un libre échang·e rationnel.

La survie de la personnalité morale des sociétés pour les besoins de leur liquidation, par Daniel BASTIAN, charg·é de cours à la faculté de droit de Stras­bourg·. -Broch. in-8°, 67 pp. -Paris, Rec. Sirey, 1937.

Cette étude remarquablement approfondie d'un des problèmes les plus délicats du droit des sociétés, a paru dans le Journal des Sociétés (janv.-févr. i937). Elle est bien

N° 8622

Page 51: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

.TURISPRT!DENCE 139

près d'épuiser la question. Elle est conduite avec une méthode scientifique parfaite et r~u11it une documentation doclrinale et jmisprudentielle très étendue. Nous ne saurions trop la recommander à l'attention des juristes.

Faut-il créer une Cour du contentieux administratif en Belgique? par Jctave PrcARD, doct. en droit, licencié en sciences administt·atives. - Broch. in-8°, 5!) pp, -18 fr.- Bruxelles, Hauchamps, Hl37.

Contribution instructive à l'élude de cette question controversée et actuelle.

Les sociétés étrangères travaillant en France et l'impôt sur le revenu des valeurs immobilières, par Suzanne Tmrmu-DuouviLLÉ, docteur en droit. Préf. de René CASSIN, prof. à la faculté de droit de Paris. - Un vol. itH-1°, !':>70 pp., 85 fr. fr. - Pat·is, Recueil Sirey, 1937. Les lois fiscales unt créé pour les sociétés étrangères en France une situation

précait·e, tant par la lourdem· des taxPs que par l'arbitraire de leur application et l'incertitude de leurs dispositions L'auteur soumet celte lég'islation confuse et la <' jurispmdence diJ'ig·ée » qui l'ag·grave à une critique analytique et doctrinale remar­quablement ferme. Elle la complète par une étude spéciale des conventions interna­tionales sur la double imposition. L'ouvragP. a ainsi une double valeur pratique et scientifique dont l'auteur de la préfa~e met le mérite en .ittste lumière. Les tables, chose assez t'arc dans les ouvt·ages français, sont particulièrement détaillées et témoigneut d'uue excellente méthode de travail.

No 3623. - Tribunal de commerce de Bruxelles (4e ch.). -19 octobre 1936.

l\'Il\'1. Nerincx, prés. ; Messiaen et Heursel, juges; - Van der Linden, référ. Plaid. : l\'Itre Leenders, avoué.

(Soc. coopér. Union des Commerçants détaillants cf lTan Overtveldt).

Société commerciale. - 1. Compétence. - Contestation entre associés. -Valeur inférieure à 1000 francs.,_ Compétence commerciale. 11. Société coopérative.-. Demande en nullité.~ Action antérieure en versement d'une part sociale.- Recevabilité.

T. L'arrêté royal dtt l 3 janvier 1935 ne modifie pas le numéro 2 de l'article 12 de la loi dn 25 mars 1876 attribuant compétence aux tribunaux de commerce par rapport au:r contestations entre allministratew·s et associés pour raison d'une société de commerce.

II. Est recevable vis-à-vis de l'associé coopérateur, l'action en versement d'une part sociale dont le paiement était échu antérieurement à toute demande en ·nullité de la société, qui, aux termes de l'article 4 de la loi snr les sociétés, a existé valablement jusqn'à ce moment.

Vu l'exploit introductif enreg·istré du -16 septembre -1936 ; Vu l'article 4 de la loi. du ·15 juin 193!':>; Attendu que l'action tend au versement d'une part de ·1000 fr. dans le capital

social de la société demanderesse, souserite J)ar le défendeur·; Sur la compétence : , Attendu que le défendeur soulève l'incompétence ratione materiae du Tribunal de

N° 3623

Page 52: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

140 JURISPRUDENCE

commerce, en invoquant l'article 1er de l'arrêté royal du 13 janvier 1935 modifiant l'article 2 de la loi du 25 mars 1876, modifiée elle-même par les lois des 1 L février 1925 etH) septembre 1928, aux termes duquel le juge de paix aurait été rendu com· pétent pom connaître de toutes actions dont l'import est infél'ieur à la somme de '1000 fr. ;

Attendu que l'art. 2, al. 2, de la loi sm la compétence du 25 mars 1876, modifiée pat' l'arrêté royal du 13 janvier '1935, attribue compétence au jug·e de paix pour connaître jusqu'à la valeur de '1000 fr. de toutes les contestations visées au no 1 de l'article 12 de cette loi ;

Attendu que la modification apportée par l'arrêté royal du f 3 janvier '1935 laisse intact le no 2 de l'art. 12 de la loi du 25 mars '1876, .attribuant compétence aux tri­bunaux de commerce par rapport aux contestations entre associés ou entt·e adminis­trateurs et associés pour raison d'une société de commerce;

Attendu qu'il est de jurisprudence que cette diSl)OSition lég·ale s'applique tant aux contestations ent1·e associés individuellement qu'à celles qui opposent l'ensemble des associés ou la société à un associé, lorsqu'elles se basent sur une oblig·alion ré­::mltant du contrat social ;

Altendu que l'objet de la présente action répond incontestablement à cette con­ditiûn ; que partant le Tribunal de commerce est compétent;

Sur la recevabilité : Attendu que le défendeur objecte que la société formée par la demanderesse se­

rait nulle parce que l'acte constitutif ne mentionnerait pas les noms, prénoms, pro­fessions et domicile des fondateurs-associés ;

Attendu qu'il est constant que l'acte constitutif contenant les dits renseignements a été publié in extenso aux annexes du << 1\'Ioniteur J> du 28 septeÎnhre 1933, aete numéro 12.504 ;

Attendu, au surplm:, cjue même si la nullité était réelle, elle ne pourrait cepen­dant opérer à l'égard du défendeur associé qu'à dater de la demande tendant à la faire prononcer;

Attendu qu'il n'appert pas qu'une demande tendant à cette fin ait été introduite; que le défendeur se horne à opposer cette nullité comme moyen de défense; qu'eùt­il même conclu à la nullité de la société et cette nullité fût-elle vrononcée, e11core

-la: demande actuelle serait-elle recevable puisque le versement de la part souscrite était déjà échu antérieurement, et pouvait donc valablement être réclamé ;

Attendu que le défendeur ne conteste pas avoir sousct•it une part sociale de 1000 fr. apurée à concurrence de 300 fr. seulement ;

Par ces motifs : Le Tribunal rejetant toutes autres conclusions plus amples oü contraires ; se dé­

clare compétent ratione materiae ; Dit la demande recevable et fondée ; Condamne le défendeur à payer à la demanderesse la somnlt~ de 700 fr. restant

due sur le montant d'une action ; Le condamne aux intérêts judiciaires et aux dépens taxés à ce jour à 93 fr. Déclare le présent jugement exécutoire par provision et sans caution.

Observations.- I. L'arrêté royal du 13 janvier 1935 n'a pas en-levé aux tribunaux de commerce la connaissance des litiges définis à

N° 3623

Page 53: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUI'ENCE 141

l'art. 12, alinéa 2 de la loi du 25 mars 1876. Toutes contestations entre associés pour raison d'une wciété de commerce restent donc de la compétence de ces tr1bui1aux, quelle que soit l'importance du litige.

Le jugement constate avec raison que la jm'isprudence applique, cette disposition aux contestations pour raison de société, non seule~ ment entre associés individttellement, mais encore entre société (ou associés collectivement pris) et associé individuel.

II. Toute société d'un type légalement personnifié est censée exi~­ter valablement! pr:>uPvu qu'elle ait rempli les conditions de forme et de publicité presct·ites par la loi. Provision est due à son titre jusqu'à ce qu'il ait été reconnu entaché de nullité.

C'est la règle qu'énonce l'art. 4. alinéa 3, des lois coordonnées sur les sociétés commerciales : les nullités instituées par cet article et qui Pont été pour la protection des tiers, ne peuvent être opposées à ceux­ci par les associés; entre les asso.ciés, elles n~opèrent qu'à dater de la demande tendant à les faire prononcer.

Il importe toutefois de remal'quer que cette regle ne s'applique qu'aux nullités résultant du défaut de formation par actes remplissant les conditions légalement prescrites. Ces nullités ne rendent pas les sociétés inexistantes.

Elles Joivent être distinguées des nullités radicales engendi'ant l'in­existence de la société, par défaut d'un élément essentiel de ce contrat. Tel set'ait, par exemple, le cas d'une soi-disant société ne compor­tant aucun capital social ou aucune participation aux pertes, ou formée pour un objet contraÎt'e aux lois ou aux bonnes mœurs. L'exception cl' inexistence est opposable en tout temps et par tous à tous, et est nécessairement préjudicielle : elle ferait obstacle à ce que l'obliga­tion sociale p1·étendne ait jamais pu naîtee.

Cfe NOYELLES, Soc. comm., nos 5790 à 5820.

No 3624. - Tribunal de 1re instance de Bruges.- 10 juillet 1934 et

Cour d'appel de Gand (Fe ch.). - 12 décembre 1936. 1\fM. de Cocquéau des Mottes, prés. ; -de Brahandère et Smetryns, cons. ; -

Van der 1\'Ioere, prem. avoc. g'én.;- Pl.: Mtres Ancot (Bruges) cf Verougstraele (id.). (Faillite soc. an. Littotan cf Yan Heule).

Société anonyme.- I. Administrateur choisi contrairement aux statuts en dehors des actionnaires.- Inopposabilité par les tiers.

II. Cautionnement d'administratem•.- Omission.- Inopposabilité par

Page 54: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

l42 JURISPRUDENCE

les tiers.- Administrateur réputé démissionnaire.---'- Obligation de continuer le mandat jusqu'à remplacement. - Délai pour fournir le cautionnement. - Nomination d'administrateur: acceptation tacite.

III. Vacance de place d'administrateur.- Vacance de place de commis-saire.- Conseil général. -ConditiOn de délibération.

IV. Nomination d'administrateur non publiée.- Opposabilité par les tiers à la société, non à un autre tiers.

V. Faillite.- Hypothèque. - Inscription tardive pendant la période suspecte.

I. La clisposition des statuts d'une société anonyme, d'après laquelle les adul'in'istrateurs · doivent être choisi parmi les acl'ionnaires, est prise (lans l'intérêt de la société seuze ct et non des tiers ; cenx-ci ne peuvent se pré11aloir de son inobsermtion.

Il. L'omission, par un administrateur, de déposer le cantionnement prescrit par la loi sur les sociétés n'entraîne pas la nullité des actes que cet allministrateu1· aurait accomplis ou au.xquels il aurait participé.

Le dépôt ll'nn cautionnement est prescrit dans l'intérêt de la société et les tiers ne peuvent se prévaloir de l'inaccomplissement de cette obligation.

L'administrateur réputé démissionnaire .pour n'avoir pas constitué en temps vouln la garantie de sa gestion, doit néanmoins continuer à remplir ses fonctions jusqu'à sari remplacement.

Le d~lai d'un ·mois accordé par la loi pour la fourniture llu cautionnement ne com­mence à com·ir que depuis la notification qzâ doit être faite à l'administrateur ou depuis son acceptation : celle-éi peut être tacite et résulter de la participation it l'ad?Jl'inistration de la société.

III. Lorsque le conseil général pourvoit à la vacance d'une ]!lace. d'administrateur, la délibération n'est pas i1'1'égztlière si le conseil général comprend moins de trois admi­nistrateurs et un seul commissaire.

IV. L'inopposabiUté aux tiers des nominat·ions d'administrateurs qui n'ont pas été publiées n'opère qu'an profit des tiers contre la société, mais point au profit d'un tiers contre itn mttre tiers.

V. Le jnge ne doit, pal' az1plication de l'art. 447 de la loi sur les faillites, annuler ztne constitztlion d'hypothèque inscrite pendant la période suspecte et plus de quinze jours après la date de l'acte constitutif que si ce retard ou l'qpémtion elle-même est cause de préjuclice pour le failli ou révèle un caractère frazululeltx.

JUGEMENT

du Tribunal de 1re instance de Brug·es du 10 juillet 1934. Attendu que le demandeur qualitate qn:t poursuit l'annulation d'une constitution

d'hypothèque faite, le 27 juillet 1932, sur un immeuble appartenant à la société << Littotan n, actuellement en faillite, ce au profit de Mme Veuve Van Damme-Van Heule, ce à coïtcurrence de 6~.000 fr., inscrite aux hypothèques de Bmges à la ela te du 1.2 aoùt 1932;

Attendu que le demandeur base son action d'abord sur les dispositions de l'm·t. 447 de la loi du 18 avril '1851 ;

Attendu qu'il n'y a pas lien de retenir ce moyen, parce qu'il n'échet vas pour le jug·e de faire usag·e de la faculté qui lui est reconnue dans le 1wédit article ;

Qu'en effet, l'usag·e de celle· ci se trouve conditionné par le pr~judice qu'aurait subi

N• 3624

Page 55: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 143

la société en faillite par suite du retard de l'inscription ou par l'opération elle-même ; que t'ien de pareil ne résulte de l'instruction de la cause, et que l'opération litigieuse ne révèle aucun. caractère frauduleux ;

Attendu que le demandeur base encore son action sur le fait que, d'après lui, la société « Littotan n n'aurait pas donné de consentement valable à la dite opération, parce que M. Barbier, un-des sig-nataires de l'acte, aurait été désig·né comme admi­nistrateur de façon irrégulièr~ ;

Attendu que, le 26 juillet 1932, le conseil d'administration de Ja· soc. « Littotan », conformément à l'art. 16 des statuts, a décidé, à l'unanimité des voix, de contracter un emprunt hypothécaire en premier rang de 65.000 fr. et que ladite opération fut réalisée commP. il est dit ci-dessus ;

Attendu qu'il échet d'observer que l'acte querellé fut signé par MM. J. Doetsch, L. Doetsch et II. Bat·bier, le premier ag-issant en qualité de président du conseil, le second en qualité d'administrateur délég·ué et le troisième en qualité d'administrateur provisoit·e, et que les dispositions de l'art. 17 de l'acte constitutif de la société stipulent que « tous les actes qui engag·ent la société sont signés par deux adminis­trateurs, sans qu'il doive être justifié vis-à- vis des tiers des pouvoirs donnés à celle fin par le conseil d'administration » ;

Attendu qu'en tout état de cause, même s'il était exact que la désignation de l\'1. H. Barbier, aurait été irrégulière, encore la soeiété « Littotan >> se trouverait vala­blement liée, parce que MM. J. et L. Doetsch étaient qualifiés pour engag-er la société et que leurs deux sig·natures étaient suffisantes à cet effet; ·

Attendu, par conséquent,· qu'aucun viee de forme ne peut être retenu en la cause et que la demande formulée par le curateur de la société << Littotan >> contre les défen­deresses est mal fondée ;

Attendu <lUe la partie demanderesse a eonclu en termes de plaidoiries, le 11 mars 1934, à ce que les demandes formulées contre Barbier, J. et L. Doetsch, soient dis­jointes de la cause pendante entre elle et ces trois défendeurs et qu'il y a !ieu de fait'e dt'oit à cette demande ;

Par ces motifs, Le Tribunal... ouï M. le premiet' substitut du Pt·oeureur du Roi, Maurice Faveau

en son avis conforme, dit pour droit que la demande est non fondée et la t•ejette; Condamne la partie demanderesse q1talUate qua aux frais ; Renvoie les demandes à charge de Barbier, J. et L. Doetsch, déclarées disjointes,

à !'-audience du 1er octobre prochain. ARRÊT

de la Cour d'appel de Gand du -12 décembre 1936. 1. Demande pl'incipale : Attendu que l'appelant agissant en qualité de curateur de la faillite de la société

anonyme « Littotan n, demande que soit déclarée nulle l'hypothèque consentie par la société faillie au profit de l'intimée, suivant acte d'obligation reçu par le notaire Verhaecke, le 27 juillet 1932;

Qu'il fonde son action sur ce que, lorsque la société, par son conseil d'admini­stt'ation ~ décida de procéder au dit en1pmnt, le conseil d'administration ne compl'e­nait plus qne deux membres, le troisième, le sieur Barbier, ayant été irrégulièrement nommé, soit : a) parce que, contl'airement à l'at't. 12 des statuts de la société, le dit sieur Barbier n'était pas actionnaire dr. la société ; b) qu'il n'aurait pas déposé le

N• 3624

Page 56: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

144 JURISPRUDENCE

cautionnement requis par la loi et les statuts; soit : c) que le conseil g·énéral, qui l'appela aux fonctions d'administrateur, ne comprenait plus que deux administrateurs et un commissaire; et t nfin d) que la nomination du siem Barbier, u'ayant pas été publiée, n'est pas opposable aux tiers, en l'occurrence la masse créancière, au nom de laquelle le curateur ag·it ;

A) Attendu qu'il n'est pas établi que Barbier n'était pas actionnaire de la société; qu'au smplus, la disposition des statuts que les administrateurs doivent être choisis parmi les actiom'laires est prise dans l'iutérêt de la société seule et non des tiers; que la société seule peut se prévaloir de son inobservation ;

B) Attendu que, si un administrateur est rn retard de fournir le cautionnement dont le montant est fixé par les statuts en conformité des art. 57 et 08 de la loi sur les sociétés, cette omission n'entraîne pas la nullité des acles que cet administrateur aurait accomplis ou auxquels il amait participé (Cass. 5 juillet 1878, Pas., 1878-1-300);

Attendu que le dépôt d'un cautionnement est prescrit dans l'intérêt de la société; que les Liers ne peuvent se prévaloit' de l'inaccomplissemf'llt de cette obligation, mais trouvent la garantie de lems droits clans l'art. 62 qui rend les administrateurs res)lOn­sables des infractions qu'ils commettraient à la loi ou aux statuts ;

. Attendn que l'at't. 59 de la loi sur les sociétés répute démissionnaire l'administra­teur qui n'a pas, eu temps voulu, constitué la garantie de sa g·eslion ; que, tout en étant réputé démissionnaire, il n'en a pas moins l'obligation de continuer à t'emplir ses fonctions jusqu'à son remplacement ;

Attendu qu'il u'est nullement certain qu'à la date du 26 juillet 1932, 1\f. Ballüer fùt en défaut d'avoir fourni son cautionnement; qu'en eU'et, il fut appelé aux fonc­tions d'administrateur, le 23 mai 1932, par décision du conseil g·énéral; qu'iln'appa­raît pas qu'il fût présent à cette réunion; que le délai d'un mois accordé par la loi pour la constitution elu g·age ne commençait à courir que depuis la notification qui devait lui être faite ou depuis son acceptation ; qu'il n'aJlp:~raît pas qu'une notifi­cation ait été faite; qu'à défaut d'acceptation expressr, il faut considérer comme valant acceptation tacite le premier acte de participation à l'administration de la société; que le premier acte qui, dans l'état actuel de 1:_~ cause, soit connu est l'assb­tance de 1\f. Barbier à la s~auce du conseil d'administration du 8 juillet 1932; qu'il s'ensuit que, le 26 juillet !932, 1\'I. Barbier était encore dans le délai d'un mois;

C) Attendu que l'assemblée g·énérale ordinaire du 23 avril 19il2 avait accepté la démission de deux des quatre administrateurs de la société et avait désig·né, eu leur remplacement, M. D ... , sous la réserve, qui allait de soi, de son acceptation ; que celui-ci, ayant décliné ses fonctions, il fallait nécessairement pou noir à la troisième place d'administrateur ;

Attendu que cette nomination pouvait être faite par le conseil ~?énéral en vertu de l'art. 05 de la loi sut' les sociétés, cat' les statuts ne s'y opposaient pas; que l'art. !15 est g·énéral et permet aux administrateurs et commissaires réunis de pourvoir ù toute vacance d'administrateur, quelle que soit la cause de cette vacance; décès, démission ou refus d'accepter les fonctions ;

Que la loi dit expi'essément << les administrateurs restants 1J, ce qui suppose néces­sairement qu'ils peuvent être moins du minimum de trois ;

Attendu que l'appelant fait valoir que la délibération du consPil g·énéral se t'ait irré­g·ulière parce que la société n'avait plus, à ce moment, qu'un commissaire, contrai-

No 3624

Page 57: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

-JURISPRUDENC:Él

remenrà: l'art. 21 des statuts qui, ·disant que les opérations §ont surveillées par' les commissaires, prévoit la pluralité des commissaires ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 64 de la loi Sut' les sociétés, le nombre des commis­sait·es est fixé par l'assemblée g·énérale ; que celle-ci peut en réduire et augmenter le nombre comme aussi ne pas poui·voir à toutes les places vacànres; qu'en aèissant ainsi, elle ne fait qu'user d'un droit qu'elle tient de la loi elle~Ii1ême ; ·

Attendu; au surplus, crue Tintert>réfation donüéé par l'appelanf:à l'âJ.'t. 2Tôes statuts est trop étroite·; qu'en effet, si les statuts portent que la surveillance de la société est exercée par des corrÙnissaires-, mais n'en fixent i)as le.Iwmb)·e, il s'ensuit que ce nombi'e n'est pas détermine et que cetle détermination doit,_ conforméme1.t à la loi, êti'e faite par l'assemblée générale; - · · ·

D) Attendu qu'il est exaci que les nomiliations d'admh1istl·ateurs ne sont pas oppo­sables aux tiers tant qu'elles n'ont pas été publiées, mais que cette sanction n'oper·e que dans les rapports ent1·e tiers, d'une part, et la société, d'autre part; que-le. défaut de publication ne peut être opposé que par le tiers à la société; que, dans l'espèce, l'appelant, s'il ~g'it comme tiers, n'ag·it pas contre .la société, mais contre. un auùe tiers ;

Il. Demande subsidiaire : Attendu qu'à' bon dt·olt et par des considérations que la Cour adopte, le premier

juge a repoussé la demande subsidiaire fondée sur l'art. 44 7 de la _loi sur les faillites; Par ces mours,

La Cour, ouï en son avis. M. l'avocat g-énéral van der Moere, dit l'ai)pel nou fond~, en déboute ; condamne l'appelant aux dépens d'appel.

Observations. - Cet arrêt est remarquable par le nombre de qn_es­tions qu'il tranche, la brièveté ~es motifs de ses décisiot.ls et la sûret'é de la doctl'ine jueidique dont ils s~inspil'ent. Cette concision étudiée et cette netteté décisoii'e sont de tradition générale dans les Cours d 'H r>­pel belges, mais elles caractériseut peut-être plus particulièr(~11e_nt encore le style judiciaire des ai'rêts de la Cour de Gand.

I. Conditions d'éligibilité des administrateurs. - La loi laisse aux fondateurs de société toute libert'é pour détP-rminer les conditions d' ap­titude an mandat d'administrateur. Il va de soi que ces couditim~s _statutaires obligent la société vis-à-vis de ses membres,, teuus eux­mêmes par le pacte social envers elle. Cela sjgnjfie-t-il, que les tiet:s ~sont recevables à discutee l'application quien est faite pàr.lasociété? En d'auti'es teemes, les tiees doivent-ils ou non suivt'ela foi des IlOn?i­nations faites et qui sont portées à. leur connaissance par les publicç.t­

_tions légaLes? La rép0nse à cette question doit ètt'e afPI'l~1aÜve. S'H n'y a pas de doute sur la réalité de la nomination pübliée, cell~_-ci, a pont' effet de' confét'et' au regard des tiers la qualit-é d'administ1··atem· à la peesonne désignée~ sans que le tiet's soit recevaiJle à oppose1· à la société, l'inconséquence ou l'erreur de son choiX: par l'apport aux con-

10

Page 58: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

146 JURISPRUDENCE

ditions statutaires de l'éligibilité. Ces conditions stattitaires d'éUgibi~ lité sont instituées, en effet, dans l'intérêt de la société, non pour la protection de celui des tiees.

On peut seulement faire cette réserve en ce qui concerne des tiers créanciers, soit de la société, soit d'actionnaires, qu'ils pourraient, en ceetains cas, avoir intéeêt à faire valoir l'exception tirée de l'in­fpaction aux statuts, dans la nomination d'administratem's, au nom

, de leu es débiteurs négligents (société ou actionnaires), pae l'action oblique de l'art. 1166 du Code civil.

II. Oauiionnement d' adrninist,rate~tr. - Ceci est encoee une disposi­tion légale édictée dans l'intérêt de la société, pour la couvrir contre l'insolvabilité éventuelle d'administrateurs responsables envers elle de leur gestion.

Ce n'est guère que dans le cas d'application de l'art. 1166, C. civ. comme il est dit ci-dessus, que l'on pourrait concevoie que le tiers contractant et créancier de la société aurait un intérêt indirect à ex­ciper de l'omission du cautionnement.

La Cour note avec raison que le délai d'un mois donné par la loi , pour déposer le cautionnement ne commence à courir que depuis le moment de la notification ou de l'acceptation de la nomination d'ad­ministrateur.

Administrateur démissionnaire. - Il est de doctrine et de jnris­prudence, fondées sur le droit commun du mandat, que l'administra· teued'une société anonyme doit" achever l'affaire commencée" ; que, mandataire, ses fon~tions continues ne peuvent pas, en principe, être suspendues ; qu'il doit donc à la société de rester en fonctions et pour­suivre provisoirement sa tâche jusqu'à ce qu'elle l'ait remplacé, si toutefois son intervention est nécessttire pour assurer le fonctionne­ment de la société.

Il s'ensuit de là que les actes accomplis par lui depuis la démission donnée ou depuis le mandat expiré et en attendant le remplacement, srmt v~lides, en principe et engagent donc la société. Le tiet's, encore une fois,_ est ici sans intérêt (Cfr WAU\VERMANS, Soc. an., 7e édit., no 327).

Il faut remarquer, du reste, que les aùmi~1istrateurs n'ont qualité de mandataiee qu'au regat'd de la société; ad regard des tiers, ils sont

• 1

l'organe de la société, ils sont la société mêtb.e agissant au dehors par les peesonnes physiques ayant qualité statutaire d'organe social.

Administrate~w ~·éputé démissionnaù·e. /- L'omission du caution-

N•S624

Page 59: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 147

nement exigé par la loi~ dans le délai qu'elle impose, a pmu~ sanction l'annulation de la nomination.

Cette nullité est radicale; elle opère d'office, en vertu de la loi, s~11s avoi,r· à. êtee peononcée.

Mais, de. nouveau, il s'agit ici d'une mesur·e protectrice des intérêts de hi soci-été,- sans- intérêt pour les tiei·s (s-auf fa rése-rve déjà indic1ùée): Vis-à.-vis des tier·s, 1' administrateue dont la démission est chose acquise à la société, garde sa qualité, agit valablement et doit rester eu fonc­tions jusqu'à. son remplacement, si toutefois la notification de sa nomi­nation lui avait été faite ou s'il l'avait acceptée (Ctr WAUVI'ERMANS,

Soc. an., no 347). III. Vacance cle place cl'aclministrateuT. -Voie l'étude doctr·inale

de M. TART, Revue, 1922, no 2461, pp. 243 et sniv. Vacance cle place cle cmnmissaire. - La réducUon du nombre des

commissaires de plus de moitié a pour effet de suspendre l'activité . sociale; la loi exige, en paeeil cas, la convocation immédiate de l'assem-blée généeale. '

Même si les statuts déter·minent le nombee des commissaires, ce nombre peut être modifié pae vote de l'assemblée.

IV. Pttblication cle la nomination cl'aclnûnistrateur.- Cette publicr­tion, prescrite pae la loi, est nécessaire pour insteuire les tiers de la qualité statutaire de la personne. qui agit en qualité d'organe de la société.

Si l' administrateue nommé agissait avant la publication légale, sa qualité seeait celle de mandataiee, et elle ne pom·rait s'imposer aux tiers que par la pt•odnction de pouvoirs exprimés dam; les for·mes ordi­naires du mandat.

Au contraire, une fois la nomination publiée, l'administraleur n'a plus d'autre pren ve de pouvoirs à. fournir : il est la société même agis­sant par lui.

CfL· Cassation, 7 novembre 1929, Revue, 1932, 11° 3228, p. 234, et les observations, p. 237 ; - WAUWERMANS, Soc. an., 11°8 296, 297.

No 3625. - Tribunal de commerce de Liége. - 19 juin 1936. MM. 1\lichel, juge; - 1\i. Ringlet, référ. ; -Pl. : 1\itres Dehousse cf Caprasse

et Stasse, avocats. (Letawe cf Union liégeoise de crédit et de dépôt).

Union du crédit.- Démission d'un membt'e.- Droit au remboursement de sa part conformément aux statuts.

N° 3625

Page 60: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

f48

Dorsque dans nne union dit cl'édit-il.ëst stipulé que "l'associé ~démissiorinairè ne:doit· recevoir sa part dtt fonds social telle qu'elle résulte elu demier _bilan que 4 mois après la date de sa sortie et après sa libération complète vis-(1-vis de la société, celle-ci accep­tant cette démission devait tenir cette part à la disJ)osition du sociétaire j1tsqn' à ce que

--la-cmul'ition--pJ'év1te-soit--1'éalisée--et--ne-pouvait-J>l1t~s!e-n-seJ'Vi1'--jJfYifiP--ap1t1'e1'--le-pa-s-s-i-f.~_ ---Attendu que l'action-tend à faire condamner la défenderesse à payer au deman-

deur une somme de 10.000 fr., montant des parts sociales de la société <<Union du' Crédit de Liég·e n, telles qu'elles existaient en 1932;

Attendu qu'en 1932, le demandeur était titulaire de 200 parts sociales de l'Union du. Crédit, libérées. à concurrence de 10.000 fr. ; que le 15 janv,ier :1933 iJ donna régulièrement sa démission laquellè fut acceptée par la société.; '

Attendu qu'aux termes de l'article 10 des statuts de l'ancienne société, l'associé· démissionnaire ou sortant ne devait recevoir sa part de fonds social, telle qu'elle résulte du dernier bilan approuvé par l'assemblée g·énérale, que 4 mois après la date de sa sortie et après s::tlibération complète vis-à ·vis de la société ;

Attendu qu'en janvier 1936, le demandeur libéra enlièrement son soide débile ur; qu'il entend être remboursé actuellement de ses parts sociales à la valeur qui leur était attribuée au bilan du· 31 décemlwe 19i32 ;

Attend~ qu'en décembre 1933la défenderesse reprit le passif et l'actif de la société <<Union du Crédit n ; qu'elle prétend que la part sociale du demandeur ayant été entièrement absorbée pour payer le passif de l'ancienne société, le droit du .deman­deur au remboursement, serait éteint faute d'objet;

Attendu qu'il importe de déterminer, ainsi qué nous y convient les parties, la ùature du droit que possède le demandeur; que dans la thèse de ce dernier, il possé­dait contre la société <<Union du Crédit» un droit de créance à terme et affecté d'une condition, alors que, dans la thèse de la défenderesse~ elle n'aurait contl'acté vis-à-vis du demandeur qu'une oblig·ation de faire, à savoir lui racheter ses parts sociales, mais à la valeur de ces parts au jour où. le demandeur aurait liquidé entièrement son compte débiteur ;

Attendu qu'en acceptant un nouveau membre, la société «Union du Crédit n ou _ << Coopérative J>, conclut une convention dont les clauses sont déterminées par .les statuts ; que ceux-ci déterminent d'une façon précise les droits et oblig·ations non seulement de l'associé à l'égard de la société mais de celle~ ci à l'ég·ard d~ ses membres;

Attendu que, comme toute convention, les statuts font la loi des parties et doivent êtré scrupuleusement respectés; ·

Attendu que l'art. 9 des statuts détermine d'une façon précise et non équivoque les conditimis dans lesquelles le sociétaire peut donner sa démission, c'est-à-dire faire cesser tout lien de droit entre lui et la société ; que, dans son premier paragraphe, l'art. 10 prive le sociétaire de tout droit de participation dans les bénéfices de l'année courante, ce qui implique nécessairement que le dit sociétaire ne fait plus partie de la société et que la démission- donilée en janvier aura, dans l'intention· des parties, effet rétroactif au 31 décembre de l'année précédente;

Attendu que du fait que le sociétaire ne pourra plus intervenir dans les bénéfices de l'année courante, il y a lieu de conclure également qu'il ne sera plus tenu d'inter­venir dans les pertes qui seront subies postérieurement à la date effective ou suppos~e de sa démission ;

Attendu que, dès le jour de cette démission, la société contracte l'obligation prévue

Page 61: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPR t" DEN CE 149

dans les statuts, soit de lui rembourser ses parts sur la hase prévue, c'est-à-dire, en l'espèce, d'après le bilan au 31 décembre 1932, soit de lui racheter ces parts mais au pl'ix contractuellement pl'évu, soit ég·alement sur la base du 111ê~ne bilan;.

Attendu que, même dans la thèse préconisée par la défendPresse; il n;est pas doti­teux que le rachat doit être effectué par la société dès le jour où elle a accepté la

. démission ; qu'à cette époque, il y avait lieu pour la société de distraire du capital social tel qu'il existait à la fin de l'exercice précédent, la part revenant à ce sociétaire -et de la tenir à sa disposition jusqu'à l'échéance convenue et jusqu'à ce que la condi­tion prévue soit réalisée ; que, dès le jour où la démission est ac·ceptée, le capital social doit être diminué de la part du démissionnaire et celle-ci, contrairement à ce

· qu'allèg·ue la défenderesse, ne peut plus servir à apurer le passif; Attendu qu'il résulte des éléments versés aux débats qu'en décembre 1932, le eapital

social telqu'il ressortissait du bilan, était intact ; que le demandeur avait droit, dès lors au rembom;sement intégral de ses parts; qu'en utilisant cette partie du capital à l'apmement de dettes nées postérieurement au 1er janvier 1933, la défenderesse 'a outrepassé ses droits et ne peut se prévaloir de sa propre faute pour se soustraire à des eug·agements qu'elle a librement acceptés;

Attendu que le droit du demandeur d'obtenir le remboursement de ses parts existait dès le jour de sa démission ; que seule l'échéance, l'exig'ibilité de cette somme était postposée jmqu'it_lihération complète du compte débiteur et au plus tot 4 mois après la démicssion ; qne ce terme et cette condition ne peuvent avoir eu pour effet de modi­fier le quantum de la créance du demandeur;

Par ces motifs, . Le Tribunal, sans avoir ég·ard à toutes conclusions contraires, condamne la défen­

deresse à payer au demandeur la somme de 10.000 fr. avec les intérêts légaux depuis le 20 janvier 1936, date de l'assignation et les dépens;

Dit ces condamnations portables chez le conseil du demandeur ; Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant

tous recours et sans caution.

Observations. - Ce jugement est Intéressant en ce qu~Ù d.éfinit avec ~netteté l'effet contractuel de la démission du rnernl;we d'une union du -cl'édit .. Cette forme de société est une modalité du type coopératif; à peu de choses près les règles régissant la société coopérative lui sont

· applieables. Lasociété coopérative estune·société 'de caractêre rnixte ; à la fois

. société de personnes et société de capitaux, mais avec prédm~inance des caractères de la société de personnes.

Le sociétaire y est inséparable de la mise sociale. Conséquence: lorsque le sociétaire se retire, sa mise sociale est retirée

avec lui, sauf bien entendu à en déduire les charges résultant· de l'accomplissement des obligations engendrées de l'association jnsqu;à l'expü·aÜon du temps qui est assigné par les statuts ou par la loi à la persistance des dites charges . . Tl s',ensuit de là comme le-ditjustement le jugement que, dès rinstant

Page 62: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

150 JURISPRUDENCE

oü la démission du sociétait·e est acceptée, sa mise sociale cesse de faire p:wtie du capital social ; elle cesse donc d'èti·e exposée ou exposable aux elsques ultéeiem·s de l'activité sociale; la société devient, dès cet instant, débitt•ice de la mise envet·s le démissionnaire, dans l'état oü elle est, compte étant tenu des obligations qui l'ont grevée jusque-là.

Que par application des statuts ou de la loi~ la liquidation de la part de ·1 'ex.-associé ne puisse se faire tout de suite et dépende de cedaiues foemtlités ou conditions, ou que la date d'exigibilité du rembont·se­ment soit reculée, il n'impot·te : cette modalité du rembouesement ne sam·ait affecter le quantum de la mise qui, dès la date statutairemeut OU légalement admise pOUl' p effet de la démission, ne peut plns être appelée à gaeantÏI· les opératiOIJS sociales postérif'nt·es à cette date statutait·e ou légale de mise en vigueur des effets de la démission acceptée.

Cfl'. Comm. Louvain, 16 déc. 1924, Revue~ 1925, p. 280;- étude de J. CoRBIAU, Revue, 1906~ 11°1667; - RESTEAU, Soc. coop., no 218;­Comm. Liége, 8 mars 1923. J'ur. Liége, l 923, p. ll8; -Comm. Liége, 9 jdin 1928, ibidem,, 1928! p. 203.

Voir aussi senteüce arbitt·ale du 13 avrill937! Revue, 1937, no3626.

No 3626. - Sentence arbitrale. ~ 13 avri11937. l\'1. Collignon, avocat, arbitre unique; -Pl.: Mtres P. Franchimont et l\1. llenckaerts

cf Lucien Servais et M. Billon, avocats. (Pritchard cf Soc. coopér. Carrosserie d'Automobiles Pritchard, Demollln et Ci0 en liq.). Société coopérative.- 1. Associé démissionnaire.- Remboursement de

part sociale. - Bilan approuvé. - Divergences d'appréciation. -Irrecevabilité.- Mise en paiement : faculté statutaire de délai.­Liquidation de la société.- Irrelevance.

II. Nom patronymique d'un associé.- Usage par la société sans apport ni cession . .,--- Retl:'ait de cet usage par suitë de la démission du titu­laire.

1. La part de l'associé démis1âonnaire se calcnle d'après le bilan de l'année sociale de la démission, dressé et approuvé par l'assemblée générale.

Le bilan doit être apprécié sous l'angle des valeurs réelles des différents postes au moment de sa confection. !

Nonobstant des divergences sincères et var·iées dafzs les appréciations relal'ives à la passation d'articles du bilan, celui-ci présente par lui-même ttn caractère définitif jusqu'à ce que l'une des parties en ait démontré le caractère fraudulenx ou doleux. Sont donc non recevables, les critiques des protestataires minoritaires du conseil ou de l'assemblée si ceux-ci n'allèguent et ne prouvent la fraude ou le dol.

La liquidation de la part à rembourset doit se faire conformément attx statttts. Lorsque

N' 8616

Page 63: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 151

cenx-ci accordent au conseil d'administration la facztlté discrétionnaire de disposer d'un délai de trois ans pour le remboursement des parts, la mise en liquidation de la société ne modifie en rien cette disposition.

II. Le nom patronymique est, en principe, inaliénable, imprescriptible et son proprié­taire a le droit d'en jouir sans restriction.

L'associé démissionnaire est fondé à demander qu.e son nom soit supprimé de la fi.nne sociale lorsqu'il appara-ît que la c01nmune intention des parties, lors de la cession-apport du fonds de com111erce de l'associé, à la société, a été seulement de faire bénéficier celle-ci de la notoriété de ce nom à cause du concours effectif apporté par l'associé à l'activité sociale, et qu'il n'est pas prouvé qtte l'associé, qui n'a d'ailleurs 1'eçtt personnellement de ce chef' aucun avantage particulier, ait fait apport ni cession à la société de son nom patronymique avec l'intent'ion d'aliéner définitivement les avantages commerciaux qui se rattachaient à cette dénomination.

Vu le compromis d'arbitrage du 20 novembre 1936 ; Vu les prorog·ations du dit compromis ; Vu notamment la prorog·ation et, pour autant que de besoin, les nouveaux pouvoirs

donnés par M. Lonussen, agissant en sa qualité de liquidateur de la société coopéra­tive Pritchard, Demollin & Cie, et par M. Edgard Pritchard, prorogation et cOin­promis avenus le 17 février 1937 ;

Attendu qu'il est constant que le 31 octobre 1934, MM. Pritchard, Demollin J , Demollin D., Franquet et Lefèbvre constituaient une société en nom collectif sous la raison sociale: «Pritchard, Demollin & Oe )) ;

Que postérieurement au départ de Fran.quet, MM. Pritchard, Demollin J , Demollin D., et Lefèbvre constituèrent, p:;tr acte avenu devant M. Bia, notaire à Liége, une société coopérative dont la dénomination fut celle de : « Carrosserie d'automo­biles Pritchard, Demollin & Cie )) ; qu'il est à noter que la nouvelle société reprenait l'universalité active et passive des droits et oblig·ations de la société en nom collectif dissoute;

Que, de cette société coopérative, le demandeur en arbitrag·e Pritchard a donné rég·ulièrement sa démission ;

Qu'à raison de celle-ci, il a soumis à notre arbitrag·e différentes contestations ; Entendu en leurs plaidoiries, pour le demandeur Pritchard : Mtres Paul Franchi­

mont et MillyHenckaerts; pour la société défenderesse: Me Lucien Servais; et, pour la même société en liquidation, poursuites et diligences de son liquidateur l\'1. Lonus­sen : Me Billon.

Vu les conclusions des mêmes parties ; Attendu que si les parties sont d'accord sur la suite à donner à la demande du sieur

Prilchard qui rélame la part à laquelle lui donnent droit la loi et les statuts, elles sont en différend sur le point de savoir comment il y a lieu de la déteJ'miner;

Attendu que la prétention Pritchard se présume comme suit : «N'ayant pas approuvé le bilan 1935, ce bilan et celui de 1936 contiennent au

moins des erreurs substantielles ou même des sous-estimations volontaires )) ; Pritchard, en conséquence, conclut à la rectification des dits bilans sur la base

des déclarations verbales reprises par M. Noppen dans son rapport technique produit aux débats;

Attendu qu'il est exact que le bilan de toute société constitue le tableau de la

N° 8626

Page 64: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

152 JURISPRUDENCE

situation active et passive de eelle-ci; qu'il trouve sa juslification dans l'inventaire dont il forme un résumé aussi fidèle que faire se peut, en groupant, d'une part, tous les éléments de l'actif et, d'autre part, les éléments du l'assif; - Attendu qu'un .bilan doit être apt)réCié sous l'angle des valeurs réelles des diffé­rents postes au moment de sa confection;

Attendu (lue le demandeur est resté en défaùt d'établir que le conseil d'adminis­tration a rédigé le bilan critiqué soit en usant de fraude ou de dol, ~oit en commet­tant des erreurs substantielles qui en vicieraient l'essence : que le bilan a été dressé pat' Je conseil d'adminislration légalement chargé de le confectionner ; qu'un bilan ainsi dressé et approuvé par l'asseiilblée~rénérale présente par lui-même un carac­tère définitif jusqu'à ce que l'une des. parties en ait démontré le caractère frauduleux ou doleux ; .

Que, dans les appréciations diverses relative~ à la passation d'articles d'un bilan, on peut toujours t·enconlrer des diverg·pnces aussi sincères que variées, mais que la loi, en donnant à la majorité du couseil d'administi·ation le pouvoir d'al'l'èter sa con­fection sur les évaluatioqs siiWèl'ement faites par la majodté, a voulu l'eudt·e non recevables les critiques des protestataires minoritaires du conseil ou de l'assemblee, si ceux-ci n'allèg·uent et ne JH'Ouvent soit le dol, soit la fraude;

Attendu que· Pritchard n'indique point les articles du ùilan entach!s de ces vices qu'il voudrait voir r~etifier ; .

Qu'en reprenant l'argumentation de Pritclli.ml, il faut même constater qu'en équité les estimations qu'il désire voir adopter sont erronées ; ·

Attendu, en effet, qu'il est constant "CJUe la situation de l'affaire périclilait depuis ·plusieurs années; ·

Que la construction des carrosseries a. perdu ses meilleurs clients : la Mi nerva, la F. N., la société Zurich qui s'occupait. des autos Bugalti;

Que le chifft•e d'affaires de '1933 (soit 1~ somme de 866.166 fi-.) est tombé en ·J936 à 306.·H2 fr.; ·

Que si les réparations se sont maintenues de 1933 à 19.16 aux environs dr 200.0( 0 fi'. sans différence appréciable; le travail de èarrosserie ne produit plus en ,1!136 crue 7p.OOO fr., alors qu'en 19331e même travail avait rapporté6BO.OOOfr.; que la dis­pat;ition de ces clients ill1J10rlants paraît définitive ;

Que les éléments î)l'oduits en plaidoirie pour critiquer la valrur des immeubles sont sans pertinence, le chifft·r. cité comme étant celui qu'un amateur en aurait dorîné ou offert à certaine é'poque, ne peut même pas constituer un iudice, aucune négociation n'en ayant été poursuivie ; . .

Que la compétence des menll)l'es du cOI1seiJ qui ont évalué le matériel et le mobi­liel' ne pat•ait pas a voit' été en défaut dans l'appréciation qui en a été faite;

Qu'il y a d'autant moins lieu de s'arrête!' à l'estimation Noppen, relative au fonds de clientèle, que le meilleur de ceile-ci est disparu· sans retour et que la menliol1 d'une telle valem est étrangère à la confection du bilan ;

Attendu que la dema~1de de t•ectification de Lilan est donc non recevable et qu'il y a Ifeu, pour autan! que de besoin, eu ég·a1·d à .la claus~ du compromis faisant ap· 'pel à l'équité de l'arbitre, de la déclarer non fondée ;

Disons pour dt'oit :· Q1e lac parte de l'associé .<.Iémission.naire P1·itchard sera fixée conformément à la

lOi et aux statuts en fonction -du bilan 1936 : fixons cette part à la sommê-de

N~,3626~.

Page 65: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 153

"38.997,88 fr., augmentée des intérêts à 5 °/o depuis la date du ~6 mars 1936, jusqu'au jom du payement;

Attendu que le demandeur Pritchard demande que cette part lui soit liquidée sans délai ; · qu'il invoque le mutisme des statuts et le fait que la société est à l'heure actuelle en liquidation ;

Attendu <tue les statuts accordent au conseil d'administration: la faculté, s'il le juge utile et nécessaire, deâispos-erd'un -délai de trois ans pour le remboursement -clt>s parts ; qne la mise en liquida lion d'une société ne modifie en rien une telle ·disposition ; .

Que le liquidateur ne peut entraver sa liquidation par la déchéance d'un délai dont la résolution n'est imposée· par aucun texte ;

Attendu que le délai prévu par les sLatuts €St de 3 ans à dater de l'appl'Obation du bilan ;

Disons pour droit : Que le lirruidateur devra régler à Pritchard sa pat't telle qu'elle est déterminée

·ci-dessus avant le 21 mm;s ,1939; Attendtr que Pritchard delnande rrue son nom -soit SUJ)primé de la firme; qu'il

invoque qu'une part importante elu sur~cès cle l'entreprise était due à sa ·présence dans la société ; ·que le maintien de son nom poUI'rait induire la clientère en erreur; qu'il pourrait, au surplus, subir un préjudice considérable d'ordre moral si la so­ciété dans laquelle il est sans intérêt. venait à être déclarée en faillile ; · ·

Attendu qu'il faut trancher la question à l'aide des principes de la cession de comllierce et rechet'cher quelle rùt la commune intention des parties lorsque celles-d décidèrent de la création de la société coopérative ; ·

Que s'il est exact que, lorsque la société en nom collectif a cédé son actif et son passif à la société coopérative, elle lui a cérté tous ses avoirs, donc sa raison sociale, et qu'il était dans l'intention des parties que le nom de Pritchat•d-fut t'epl'is dans la dénomination, cette attitude trouvait sa t'aison d'être dans l'attrait que pouvait con­stituer ce nom vis-à-vis de la clientèle aupt'ès de laquelle Pt~itchard avait gTande ré]1tltation ;

Que cependant les p1rties, à ce moment, n'envisageaient point les difficultés per· son nell es qui les ont divisées el flu'il ne lem· serait point velm à l'esprit· de ct~oh·e que l'éventualité du départ de Pritchard, ni sm tout· cèlle d'nue liquidation, leur permettrait de maintenir clans la dénomination la présence d'un· nom qui ne fut cédé qu'en raison de circonstances qui ont disparu lorsque Pritchard a fait usage de son droit; . .

Attendu, en effet, qu'il n'est pas établi que Pritchai·d personnellement ait fait l'apport a la société défenderesse de son nom patronymique avec l'intention d'alié­ner définitivement les avantages commerciaux qui se rattachent à cette dénomina: tion; qu'il est à noter qu'aucun avantag·e particulier ne lui ayait été réservé;

Que la lecture des actes démontre que les anciens associés en. nom collectif ont tous été traités de la même façon : que Pritchard n'a donc pas yendu les avantages attachés à son nom; qu'il n'a fait aucune cession à titre onéreux et qu'en un mot il n'a retiré de la présence de son no ·n dans la dénomination de la société coopé­rative aucune rémunéfatiou particulière ;

Attendu· que la cession invoquée par la société déf_enderesse ne· pr~sent~ ~one point le caractère ni d'une vente avec g·arantie des articles 1603 et 1626 du Code

Page 66: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

154 JURISPRUDENCE

civil, ni d'un contrat d'apport (contrat de vente dans lequel le prix des choses ap­portées est payé en titres au lieu de l'être en espèces) ;

Qu'à défaut de ces conditions, il faut en revenir au principe que le nom patl'Ony­mique est inaliénable, imprescriptible, et que son propriétaire a le droit d'en jouir sans aucune restriction ;

Attendu que sur ce point, les prétentions de Pritchard sont fondées tant en droit qu'en. équité ;

Disons que dans le mois de la présente sentence, le liquidateur devra procéder, sous sa responsabilité personnelle, aux formalités nécessaires pour faire disparaître, tant de la dénomination de la sodété que de tous imprimés, formules, lettres, etc., rappelant la dite dénomination, le nom dè Pritchard ;

Attendu que Pritchard réclame une somme de 900 fr. poul' salaire promérité; Attendu qu'il résulte d'une décision précédente et des motifs y repris que la

société défenderesse avait maintenu Pritchard à l'usine pendant le tem11s pour lequel il réclame son salaire ;

Qu'il est constant que, d'accord entre les parties, Pritchard a continué ses· an­ciennes fonctions; que celles-ci n'étant nullement gTatuite~ et la société en ayant profité, le salaire est dù ;

Disons que Pritchard a pro mérité comme salaire la somme de 3250 fr. lui payée et comptabilisée à tort comme argent prêté ;

Condamnons la société à payer la somme de 900 fr. pour 6 semaines de salaires non encore versés et dus à Pritchard ; .

Attendu que chacune des parties succomhe pour part dans ses réclamations ; Fixons les frais d'arbitrag·e et condamnons chacune des parties à la moitié des

dépens; Frais de dépôt et autres subséquents à charg·e de la partie qui les rendra néces­

saire par défaut d'exécution volontaire.

Observations. - Cette sentence applique les principes du droit com­mun et du deoit des sociétés, conformément à leue interprétation doc­trinale et jueisprudentielle.

Un areêt de la Cour d'appel de Gand du 3 mai 1935 (Revue, 1935, n° 3485, p. 314) a décidé que la regle de rart. 126, actuellement aet. 153 (calcul de la pal't de l'associé démissionnaire on exclu, d'après le bilan de l'année sociale de la retraite) a un caractère d'ordre public. C'e't une disposition impérative.

L'associé en retraite a-t-il le droit de discuter le bilan, nonobstant l'approbation qu'en a faite l'assemblée générale? . La même question seposepourl'héJ•itierd'unassociédécédé(art.154,

ancien art. 127). Elle a été résolue négativement paT un jugement du Teibnnal de com­

merce de Louvain du 16 décembre 1924 (Bevue, 1925, no 2642, p. 286), confirmé par arrêt de la CouP d'appel de Beuxelles du 5 mai 1926.

Une société en nom collectif, ayant nécessairement pour raison

N° 8626

Page 67: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 155

sociale le ou les noms de ses associés solidaiees se transforme en société coopéeative. Connne le dit l'arbitre le nom patronymique ne peut en 1wincipe faire partie de la cession. C'est une propriété inaliénable. Le nom d'un coopé1·ateur ne peut d'ailleu1 s faire partie de la déno­mination de la société coopérative qui n'existe pohlt f..Ous une raiEon sociale, mais sous ùüe dénomination particulière. C'est tuf trsag1f abusif de constitnet· nue société anonyme, société de capitaux, et même une société coopérative, société mixte, en lui donnant comme dénomination le nom d'un de ses fondateurs. La raison en est simple : le ceédlt personnel de ceux qui la composent u'est pas en règle géué­rale une garantie indéfinie (N OVELLES, Soc. cmmn., no 95 l, p. 199 ; n° 3338, p. 475).

Mais l'emploi commercial d'un nom peut êtt·e cédé (Répe1·t01:Te p1·a­tiqne, vo Concurrence illicite, no 144 et ss.). Il faut cependant prm1dre certaines précautions pour évite1· des erreurs, (Ibidem, répertoire n° 150 ; - Bl'llXelles, 11 décernln·e 1908, B. J.' 1909, p. 523 ; -Bruxelles, 11 juillet 1924. J~w. comm., Bruxelles, 1924. p. 472).

M. T. Une étude de nott·e regTetté directeur J. CoRBIA u (Revue, 1908,

no 1906) avait fait prévoir les difficultés spéciales d'application aux­quelles la règle légale des art. 126 et 127 (153 et 154 actuels) devait pt•esque inévitablement donner lieu, à raison de la vaPiabilité du capi­tal de la société coopérative et des vicissitudes continuelles de sa com­position.

Les obseevations dont l'un de nos eollaboJ•ateurs, M. P. STRUYE, a fait suivre ce jugement cité du Tribunal de commerce de Louvain. mon­trent q11e l' indiscutabilité des évaluations portées au bilm1 approuvé n'est pas absolue. Elle n'~xiste que dans la mesm·e où les évalnatio11s ont été non seulement sincèt·es, mais suffisamment correspondautes à la réalité économique pour ne pas donner p1·ise au grief d'erreur grave, de ft·aude ou de dol.

Les ·art. 126 et 127~ s'imposent impéeativement aux parties, m~is­à titre de règle contractuelle et les conventions doivent toujours s'appli­quer et s'interprétee de bonne foi.

En cette matièl'e d'évaluations de bilan, l'eereur grossière d'évalua­tion seeait, à notre avis~ assimilable aù dol.

La sentence ci-dessus, se rattachant implicitement du moins, à cette doct1·ine, constate qu'en fait, dans l'espèce examinée, les estimations portées au bilan approuvé, quoique n'étant pas peut-être à l'abri de

N• 8626

Page 68: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

156 JURISPRUDENCE

toute controverse, étaient néanmoi IJs " sincères et exactes " et que lé caractère frauduleux ou dolosif n'en était ni allégué, ni tn·ouvé.

Cft~. NovELLEs~Soc. cmmn., ll 0 3680;- FREDERlCQ, Dr. comm., t.II, _____ ll_0 _l.c__0_8=-9~; - REST EAU, soc. coopér.' Il

0 217 in fi~n=.e_._. -----------

F. P.

No 3627.- Tribunal de commerce de Bruxelles (4ech.).- 9 juin 1936, MM. Wolf, prés.; - Carlier et Delbruyére, ju{l;es; - Brassinne, référ. adj.; -'­

Pl. : Mtres Balot cf Soupart, avocats.

{Ferrara cf Barco). Société. - I. Action en justice. -Exploit d'assignation. -.Nom du re­

quérant suivi du nom de la personne qui le représente. - Validité d~ l'exploit d'assignation. II. Siège social. - Réel différent du siège indiqué aux statuts. -Assign~tion notifiée au véritable siège social.- Validité.

I. Le fait d'üuliquer après le nom du requérant que celui-ci est représentépar une autre personne, n'influe en rien sur la validité de l'exploit d'assignation, si ce repré­sentant apparaU comme agissant au nom du requérant, seul demandeur.

II. Le siège d'une société ne se trouve pas nécessairement à l'endroit désigné par les statuts publiés au Moniteur. Une assignation peut valablement être notifiée lt une

_ autre adresse, pourmt que le demandeur établisse que là se trouve véritablement le siège de la société défenderesse.

Sur la validité de l'exploit d'assignation : I. Attendu que la défenderesse invoque la nullité de l'exploit d'assig·nation, à

·raison de ce que celui-ci n'aurait 11 pas été notifié à la requête de M Fernira, ache­teur de la défenderesse, mais bien à la requête de 1\f. Pierard, qui n'a aucune {lUa­Jité lég·ale pour assigner au nom d'une pet·sonne dont il pourrait être éventuellement le fondé de pourvoirs n ;

Attendu que l'exploit en date du 25 avril 1936, a été notifié <t à la requête de 1\'1. Israël Ferrara, horloger-bijoutier, domicilié à Bruxelles, rue du 1\'Iidi, 55, inscrit au reg'istre du commerce ... , représenté par son fondé de pouvoirs, 1\i. E. Pierard, domicilié à Forest, etc ... l> ;

Attendu qu'il résulte du texte oe cet exploit que le sieur Ferrara est présenté comme seul requérant; que le fait d'indiquer après le nom du requérant que celui­ci est représenté par une autre personne~ n'influe en rien sur la validité de l'exploit d'assig·nation si ce représentant apparaît connue ag·issant seulement au nom du re­quét·ant, ·seul demandeur ;

II. Attendu que la défenderesse demande encore la pi·ononciatioll de la nullité de l'exploit d'assig·nation pour le motif que celui-ci lui a été << notifié dans un lieu qui n'est pas son siège social, celui-ci étant établi à Ixelles, rue François Roffiaen, 46 n;

Altendu que le demandeur prétend que o l'exploit a été notifié, 66, Montagne­aux-Herbes-Potagères, où la société défender.essé « a le sièg·e de son activité net << que rien n'oblige à assigner une société anonyme à son siège social, surtout, lorsque celui-ci'- comme dans l'espèce--:- est purement nominal>> ;

1·t•:·sa27

Page 69: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JlTIÜSPRUDENCE 157

-Attendu que l'ait. 69, 6° du Code. dè procédure civile stipule que u res sociétés de C.Qmmerce seront assig-nées en leur maison sociale n ;

Attendu que le sièg-e d'une_ société ne se trouve pas nécessairement à l'endroit désig·né par les statuts publiés au .Monite1tr ou par les mentions du papier à firme employé par la société ; - ·

Attendü qu'une assig·nalion peut valablement être notifiée à une autre adresse, pourvuque le demandeur établisse que là se trouve véritablement le-sièg·e de-la­société défenderesse ;

Attendu qu'en l'espèce, le demandeur n'apporte pas et n'offl·e pas d'apporter pareille preuve; que dès lors, -l'exploit litig·ieux doit être déclaré nul;

Par ces motifs, Le Tribunal, vu l'art. 4 de la loi du 15 juin 193n, écartant toutes autres fins oli

conclusions, déclare nul l'exploit d'assignation notifié en date du 25 avril 1936, par l'huissier V. Sterckx, de Bruxelles;

Condamne le demandeur aux dépens.

Observat-io-ns.- I. Sur ce premier point, le jugemei1t n'appelle p~s de commentaire: il constate que l'exploit désigne clairement le réqué­rant. Cela suffit pour satisfaire à la loi ; l'indication supplémentaire d'un fondé de pouvoies, loin d'énerver_ l'effet de cette désignation~ ne fait que la confirmer.

II. Dans cette seconde partie, le jugement interprète et applique 1 'art 69, 6° du Code de procédure civile. Que faut-il entendre par la '' maison sociale " à laquelle les sociétés doivent être assignées r

Est-ce celle que la société notifie dans lespublications légales, ce siège fût-il purement nominal, voire fictif? Ou bien est-ce l'endroit où la société exerce effectivement et.principalement son activiié?

La 1;éponse ne doit pas être douteuse. L'intention du législateur est que l'assignation soit d~nnée dans des .conditions efficaces pour _celui qui en est l'objet. Il exige, pour cela, quand il s'agit d'une société. que la réquisition- de comparaître en justice lui soit notifiéè dans l'en .. droit même où elle a le siége de son activité et c'est notamment en raison de cette exigence que les lois coordonnées sur les sociétés presceivent à toute société personnifiée de faire connaître~ par publica­tion régulièPe, l'endroit qu'elle s'est choisi pour exercer cette activité.

En fait, cependant, il demeure possible que, nonobstant la déclara­tioil de domiciliation sociale publiée, la société exerce ailleurs wn activité; en d'mitres termes, il peut se faiee que le siège social indi­qué soit purement nominal, fictif, voire faux. S'il en est ains·i, ceux qui agissent en -justice contré la société, assigneront certes valable­lllent au- siège social indiqué, sans que la société puisse exciJ:er de nullité d'exploit sous 1~ prétexte de fictivité de son siège social officiel:

NG 3627

Page 70: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

158 DOCTRINE

la société reste tenue par sa publication légale qui lui reste. en tout cas, opposable. Mais le tiers n'est pas tenu par cette même publication légale, si elle ne correspond pas à la réalité : il lui est loisible en ce cas de négliger la fiction pour s'en teuÏI' à la vérité des choses. L'assi-gnation qu'il fera donner à la vraie " maison sociale " sera valable.

En d'autres termes la société est I'ecevable à imposer sa déclaration publiée qu'à raison, non pas du fait de la publication, mais de sa vérité, de sa correspondance avec la réalité.

Cfr l'arrêt de la Coue de cassation de Franee du 17 juillet 1935, repeoduit par la Revue 1937, no 3604, p. 66.

No 3628. - Bulletin doctrinal et bibliographique. - No 7. (Pour les abréviations, consulter la <c Table des abréviations )) donnée dans

la Rev'lle, 1933, p. 339)~

Périodiques ap.alysés dans le présent <c Bulletin ». Annales de droit commercial: 1936, nos 1 à 3. Belgique judiciaire: 1936, nos 15 à 20;- 1937, nos t à 7. Bulletin des associations sans but lucratif: 1936, nos 36 et 37. Bulletin des assurances: 1936, no 3. Bulletin de la Société d'études législatives: 1936, nos 3 et 4; -1937, no 1. Bulletin du Comité central industriel de Belgique i 1936, nos 41 à !)3 ; -

19~7, nos 1 à 15. Dalloz périodique : 1936, nos 6 à lü. Journal de droit international: 1936, no 4; -1937, no 1. Journal pratique de droit fiscal et financier : 1936, nos fO à 12 ; - 1937'

nos 1 à 4. Journal des sociétés civiles et commerciales: 1936, nos 9 à 12; - 1937,

nls 1 à 3. Journal des tribunaux : 1936, nos 3462 à 3474; - 1937,nos 3475 à 3486. Journal des tribunaux de commerce: 1936, nos 8 à H. Jurisprudence commerciale de Bruxelles : 1936, nos 9 à 12;- 1937,

nos 1 à 3. Jurisprudence commerciale des Flandres : 1936, nos 3 à 8. Jurisprudence de la Cour d'appel de Liége: 1936, nos 32 à 40; - 1937,

nos 1 à 13. Jurisprudence du louage d'ouvrage: 1936, nos 5 à 7;- 1937, nos 1 et 2. Jurisprudence du Port d'Anvers: 1936, nos 7 et 8. Pandectes périodiques: 1936, nos 9 à 12. Pasicrisie : 1936, nos 8 à 12 ; - 1937, no 1. Rechtskundig tijdschrift : 1936, no 6; - 1937, nos 1 et 2. Recueil général de l'enregistrement: 1936, nos 10 à 12; - 1937, nos 1 à 3. Recueil juri~ique des sociétés: 1936, nos 9 à 12;- 1937, nos 1 à 4.

N' 8828

Page 71: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE 159

Recueil (français) de législation, de doctrine et de jurisprudence colo-niales : 1936, nos 5 et 6.

Revue critique de législation et de jurisprudence : i936, nos 5 à 10. Revue de droit pénal et de criminologie: 1936, nos 8 à 12; -1937, nos1 et2. Revue générale des assurances et de responsabilités: 1936, nos 4 à 8. Revue mensuelle de doctrine et de jurisprudence coloniales : 1936,

fiosg à 8. Revue pratique du notariat belge : 1936, nos 2062 à 2071 ; - 1937, nos 2072

à 2081. Revue des sociétés : 1936, nos 4 à 6 ; - 1937, nos l et 2. Revue trimestrielle de droit civil: i936, no 4;- 1937, no 1. La semaine juridique : 1936, nos 40 à 52 ; - i 937, nos 1 à HL Sirey (Recueil général des lois et des arrêtés [fondé par].- Journal

du Palais. -Pandectes françaises périodiques): 1936, nos 8 à 12; -1937' nos 1 et 2.

SOCIÉTÉS EN GÉNÉRAL. - Acte de commerce; sociétés commerciales à objet civil. Note de M. PICARD sous

Paris, fer fév. 1936 (D., 1936, II, pp. 73 à 76). - be la personnalité morale des sociétés. Note de 1-1. RoussEAu sous Cass.,

21nov. 1934; 2n fév. 1935; 6 mai ·1936 (S., 1936, I, pp. 289 à 291). -Parlementaires et dirig·eants de sociétés commerciales, par A. DoLBEAU (Rev.

soc., 1936, pp. 261 à 272). - Chronique de lég·islation, de doctrine et de jurisprudence en matière de. droit

commercial et industriel: Italie, 1929 à 1934, par R.FRANCESCHELLI; texte traduit de l'italien, par A. PERCERou (Ann. dr. comm.., 1935, pp. 313 à 330; 1936, pp. 25 à 52).

- Chronique de lég-islation, de doctrine et de jurisprudence en matière de droit commercial et industriel : Allemag-ne, 1928 à 1935, par K. 1-1. NADELMANN (Ann. dr. comm., 1936, pp. 133 à 178, pp. 2~6 à 266).

- Les nouveaux statuts de la Banque de France, par L. TROTABAs (Rev. c1·it., 1936, pp. 33l à 346).

-Précis des sociétés, par G. CHAJ\moz et J. LEBLOND. - 2me fascicule :Un vol., 461 pp. ; Paris, 4, rue Houssaye.

-Précis élémentaire de droit commercial, par P. BoNNECARRÈRE et M. LABORDE­LAcosTE. - 2me éd. ; un vol., 643 pp.; Paris, Libr. Sirey, 19o7.

-Principes de droit comm., par J. EscARRA avec la collaboration de E. EscARRA et J. RAULT. -Tome VI, un vol., 492 pp., 45 fr fr. ; Paris, Libr. Sirey.

- Traité élémentaire de droit. commercial à l'exclusion du droit maritime, par J. PERCEROU.- Suppl. à la 8me éd., un vol., in·8°, HW pp.;- Paris, Rousseau et Cïe.

-Traité de droit commercial {de la province de Québec), par A. PERRAULT. -Tomes I et II, 577 et 734 pp. ; Montréal, 1936.

- Dictionnaire juridique et administratif français- néerlandais, par Dr C. KETELAER et Em. VAN GRIEKEN. -Un vol., 800 col., 130 fr. b.; Brux., Larcier, 1936.

-Vocabulaire juridique rédig·é par des professeurs de droit, des mag-istrats et des jurisconsultes, sous la direction de 1-1. CAPITANT. - Fasc. 4 à 6 (F à Z); Paris, Presses Universitaires, 1~36.

N' 3628

Page 72: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

'160 ·DOCTRINE

SOCIÉTÉS- DE -PERSONNES A RESPONSABILITÉ ·LIMITEE.- -- Faut-il évaluer les apports en nature lorsqu'une. société en nom collectif J rend

la forme << à i'éSponsabilité limitée )) ? par P. CORDONNIER (Jow•n. SOC., i 937, no 4393, -pp. 129 à 146).

--~~.Les:._no.mreJles~J'êgies:-reta~S--à-la-p .. ubliciULdeuo.ciétés_wmm.e.rciale.s_(llécJu:'e;.t.ct • ..___ loi du 30 octobre 1930), par Il. Bosvmux (Jou-rn. soc., 1936, no 4360, pp. ~i77 à 614; suite : règ·Ies spéciales aux sociétés à responsabilité limitée). · -~ De la publicîte permanente dans les sociétés par actions et les sociétés à res­ponsabilité limitée, par J. MoLIÉRAC (Rev. soc., 1937, pp. 33 à 39).

-Des pouvoirs dè la gérance dans lès . sociétés à responsabilité limitée, par F. BARATIN (Riw. soc., 1~36, pp. HiS à '164).

- Des sociétés à respoüsabilité limitée. Elude critique et commentaire pralique -de la loi du 7 mars 1925 avec formules, par P. Pic etF. BARATIN.- 2me éd., un vol., 1929, 75 fr. fr.; fe•~ suppl., 1933, ·12 fr. fr.; 2me suppl., 1936, 12 fr. fr. ;·Paris Lihr. Marchal et Billard.

_SOCIÉTÉS PAR ACTIONS.

- Les formalités de. publicité des sociétés par actions (dépôt, publicatiOJ\ et reg·istre du commerce) et le nouveau rég"ime des nullités. - Broch., 72 pp. ; Paris, Association nationale des sociétés par actions. . _._La réforme du droit des sociétés par actions en Youg-oslavie, parR: ;RosEN­DORFF, traduit de l'allemand par A. PERCEROU (Ann. llT. C0/11171., 1936, pp. ·1 f8 à 132. pp. 193 à 2·18).

- V. supra : vo Sociétés de personnes à responsabilité limitée. - V. infm : V oDe la constitution des sociétés anonymes.

yo De l'administration des sociét~s anonymes. yo De la surveillance des so~iétés anonymes.

SOCIÉTÉS ANONYMES.

Notions générales. -La réforme de la loi sur lès sociétés anonymes, par J. DE RAEDE~IAEKER.- Un

vol., in-16°, 154 pp., 20 fr. b.; Anvers-Bomse, 1937. · - Le droit français des sociétés anonymes et les problèmes posés par sa réforme,

pat' BENNO I-IEPNER (Zeitschrift für das gesamte Ilandelsrecht untl Ilonkursrecllt, t. 97, "nos 2 et 3; t. 98, nos ·1 et 2; t. 99, nos 2 et 3). .

- Annuaire des sociétés anonymes heJg·es, congolaises et luxembourg·eoises . ....:.._ Un vol., 2500 pp., 200 fr b.; Bruxelles, 34, rue du Gouvernement Provisoire, t937.

. De la constitution. - Le droit préférentiel de souscription par G. CANTENOT (/;ev. soc., -!'936, pp. 226

à 237). Du droit de souscription par préférence lors d'mie augmentation du eapUal d'une

soc.iété par actions. Note de P. Pic sous Paris, .16 fév. 1933 et 13 avril ·1934 (D., 1936, II, pp. 121 à 125). - -

- Commission d'études sm· la vérification et l'approbation des apports en ·nature. Rapport présenté par M. Ai\IIAUD (Bnll. soc. ét. législ., 1937, pp. 77 à 84).

- De la suppression des mentions relatives aux apports (Journal des tribunaux (Suisse), 1936, p. 154, cité par Rev. trim. dr. civ., 1936, p. 955).

- V. supra : yo Sociétés en général. 1

Page 73: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

DOCTRINE 161

Des actions et des actionnaires.

- Le rachat par une société anonyme de ses propres actions à l'aide de bénéfices, par J. VAN DER STEGEN (Jur. comm. Fl., 1936, no 5629, pp. ·!22 à 141).

- Des restrictions statutaires à la libre cessibilité des actions. Note anonyme sous Cass., 9 fév. 1937 (Rec.jur. soc., 1937, fiche 151,2 pp.).

- De la dérog·ation conventionnelle à régalité entre actionnaires d'une société anonyme. Note de P: CoRDONNIER sous Cass., 6 mars 1935 (Journ. soc., 1936, Il~ 4361, pp. 614 à 620).

- Des actions peuvent-elles être cotées en bourse sans le consentement de la société? Nole anonyme (Rev. trim. dr. civ., 1937, pp. 102 et 103).

- De la distribution des dividendes : conflit entre les droits des actionnaires et ceux des créanciers sociaux. Note anonyme sous Comm. Seine, 30 mai 1936 (Rec. j1l7'. soc., 1936, pp. 232 à 234).

- V. infra : yo De l'assemblée générale. V0 Du bilan.

De l'administration.

-Administrateur délég·ué-directeur d'une société anonyme. Note deL. V. sous Sent. arb. 15 oct. 1936 (Jztl'. comm. Fl., 1936, no 5639, pp. 184 à 189).

- La fonction d'administrateur de sociétés par actions d'après les décrets-lois de 1935, parE. DERODE (Ann. dr. comm., 1935, pp. 293 à 312).

De la surveillance.

-Les commissaires de surveillance de la «liste)) (règlement d'administration publique du 30 juin 1936), par J. LISBONNE (Sem. jur., 1936, pp. 1098 à HOO; Rec. jur. soc., 1936, pp. 24t à 247).

-Rapport de M. LESACHÉ, sénateur, sur la proposition de loi de M. BENDER, ten~ dant à modifier certaines dispositions des décrets-lois des 8 août et 30 octobre t 935 relatives aux commissaires et aux bilans dans les sociétés par actions (Rec.jztr. soc., 1937, pp. 2 à 6).

- Le statut des commissaires de surveillance dans les sociétés anonymes, par J. M. DELATTRE, introduction de H. Bosvmux.- Un vol., 264 pp. ; Paris, Librairie Sirey.

- Le statut des commissaires dans les sociétés par actions- décret-loi du 8 août 035 et décret du 29 juin 1936 -par G. LAGARDE.- Un vol., 96 pp. ; Paris, Asso­ciation nationale des sociétés par actions, 1936.

- Les commissaires des S<•ciét.és anonymes, leurs attributions, leur responsabi­lité, par L. BATARDON.- Un vol.; Pàris, Libr. Dunod.

-Réforme de la législation des sociétés.- Commentaire des décrets-lois d'aoùt­octobre 1935 et lois subséquentes, par A. DoLBEAu et G. CANTENOT. - Un vol., 4W pp , 50 fi'. fr. ; Paris, Rousseau et Cie, 1936.

- Manuel théorique et pratique à l'usag·e des commissaires aux comptes, par R. MAssoN, préface de M. BARBUT (édition comprenant une étude de droit comparé: Allemag·ne, Angleterre, Italie). Un vol., in-8°, 315 pp. ; 35 fr. fr.;- Paris, Librairie Sirey, 1937.

De l'assemblée générale. - Théorie g·énérale nouvelle du droit· de vote dans les sociétés anonymes, par

L. BERTEAUX (B. J., 1937, col. 130 à 142).

N°8628 11

Page 74: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

162 DOCTRINE

- Discussion sur la question de l'usage des pouvoirs en blanc dans les assemblées d'actionnaires. Rapport présenté par l\'1. VmNOT (Bttll. soc. ét. législ., 1936, pp. 252).

- La force oblig-atoire au regard de l'assemblée générale ordinaire, des disposi-tions des statuts d'une société anonyme relatives à la répartition des bénéfices. Note

-d8-H-.----RoussEAU--sous-Gass.-,-21'>-mai~1-93û-~$.,-1-93'7,1,pp~9-à-U-)~.---------- La représentation des incapables aux assemblées d'actionnail'es est-elle toujours

un acte d'administration ?par CHARRON (Jou1'n. des notaires, 5 juillet 1936, art. 389·12, reproduit par Journ. soc., 1936, no 4369, pp. 672 à 676).

Du bilan.

- De la nouvelle rég·lementation des bilans et des comptes de profits et pertes et du droit de communication des actionnaires (décret-loi du 30 octobre 1935), par Ch. SEVESTRE (Rec. ju1'. soc .• 1937, fiche H, 6 pp.).

- A propos d'un nouveau délit : considérations sur l'inventaire et le bilan dans les sociétés anonymes, par J. 1\foLIÉRAc (Rev. soc., 1936, pp. 14l à 157, pp. 209 à 225).

- Introduction à l'étude du bilan et de la comptabilité, par A 1

DALSACE. - Un vol. ; Paris, Lihr. Sirey, 1936.

-V. supra: vo De la surveillance.

Des obligations.

- Quelques faiblesses du nouveau statut des oblig·ations, par P. CoRDONNIER (D. hebd., '1936, no 27, cité par Rev. trim. dr. civ., 1936, pp. 835).

-De la protection des droits des obligataires. Note sous Paris, 4 janv. '1936 (Rec. j1l1'. soc., 1936, pp. 230 à 232).

-Le nouveau rég·ime des obligataires, par P. CoRDONNIER.- Un vol., in-8°, 172 pp., 17 fr. fr.; Paris, Libr. Sirey, -1936.

-La protection des oblig·ataires d'après un décret-loi du 30 octobre 1935, par· A. BuLTOT.- Un vol., 315 pp.; Lille, Libr. Douriez-B~taille.

De la nationalité.

- De la nationalité d'une société anonyme dont le siège social est en France mais dont le centre d'exploitation est à l'étrang·er. Note de E. StLz sous Cass., 12 mai 193l, Cass., 25 juillet 1933 (D., 1936, I, pp. 121 à '129).

DE LA LIQUIDATION ET DE LA FAILLITE DES SOCIÉTÉS. - La survie de la personnalité morale des soeiétés pour les besoins de leur liqui­

dation, par D. BASTIAN (Journ. soc .. 1937, pp. 1 à 39, 65 à 90; à suivre). -Des faillites et banqueroutes et liquidations judiciaires, par J. PERCERou. -

Tome II, 2me éd., avec la collaboration de M. DESSERTEAUX. - Un vol., 1055 pp. ; 80 fr. fr. ; -Paris, Rousseau et Cie,

SOCIÉTÉS CONGOLAISES. -Une société cong·olaise, dont l'objet social est de nature civile mais qui a adopt.é

la forme commerciale est-elle civile ou commerciale?- Quelles sont les juridictions belges compétentes pour connaître d'une action dirig·ée contre une société étrang·è1'e et plus spécialement contre une société cong·olaise? par J. VAN DAl\11\IE (Rev. doctr. jnr. colon., '1936, pp. 42 à 50).

- Des nouvelles prescriptions requises par le Gouvernement pour obtenir l'auto-

N° 3628

Page 75: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

· DOCTRINE lt'>3

risation de constituer une société cong·olaise par actions ou procéder à une modifica­tion aux statuts de semblable société, par J. VAN DAMME (Rev. doctr. jur. colon., 1936, pp. 36 à 42).

- Le nouveau Code de procédure helg·e et les intérêts des ressortissants coloniaux (les sociétés congolaises peuvent-elles être assignées au sièg·e administratif qu'elles possèdent en Belgique?), par J. VAN DAMME (Rev. doctr. jur. colon., 1936, pp. 50 à 59).

- V. infra : vo Droit fiscal.

ASSOCIATIONS EN PARTICIPATION. - Prétendue association en participation - défaut << d'affectio socielalis ». Note

anonyme sous Comm. Seine, 16 janv. 1937 (Rec. jn1'. soc., '1937, fiche H 7).

ASSOCIATIONS SANS BUT LUCRATIF. - De l'exet·cice d'une activité rémunératrice par une association sans but lucratif,

par J, VAN HoUTTE (Rev. prat. not., 1937, pp. 3 à 9; Bull. A. s. B. L., no 37, pp. 2 à 9).

- V. infra : vo Droit fiscal.

DROIT PÉNAL DES SOCIÉTÉS.

-V. supra : vo Du bilan. DROIT FISCAL.

Droit belge.

- De la hase du droit d'enreg·istrement en cas d'apport en société d'un fonds de commerce. Note de E. GENIN sous Cass., 12 mars 1936 (Rec. génér. enreg., 1937, no 17718, pp. 45 à 48).

- L'impôt spécial sur les bénéfices de guerre et sur les bénéfices exceptionnels réalisés en1919 et les sociétés cong·olaises. Note de J. VAN IJAIIIl\lE sous Cass., 22 juin 1936 (Rev. doctr. jur. colon., 1936, pp. 92 à 95).

- Imi)Ortantes réformes pour la déclaràtion en vue de la perception de la taxe annuelle due par les associations sans but lucratif par VAN DE VELDE (Bull. A. S. B. L., no 36, pp. 2 à 9).

Droit français.

- De la cession de marchandises dépendant d'un fonds de commerce correspec­tive à l'appOI't des autres élëments du fonds à la société cessionnaire. Rég·ime fiscal par X. (Rec. jnr. soc., 1936, pp. 266 à 274).

-Du droit de transmission en matière de cession de litres nominatifs. Note de G. GEORGE sous Cass., 15 juil. 1935 (Journ. soc., 1936, no 4362, pp. 623 à 629).

- De la cession d'actions d'apport représentatives d'un apport d'immeubles pen­dant la période de non-nég·ociabilité. Note de J. LEBLOND sous Trih. Sens, 26 oct. 1933 (Journ. soc., 1937, no 4391, pp. 109 à 113).

- Taxe de transmission : insuffisance d'évaluation de titres non cotés en bourse, prescription biennale. Note anonyme sous Cass., 4 aoùt 1936 (Rec. jur. soc., 1936, pp. 259 à 261). '

- L'impôt du coupon (perçu au moment de la conversion sous la forme nomina­tive d'un titre au porteur), par Ch. J. JuLLIOT (Journ. soc., 1936, no 4367, pp. 657 à 664).

- Impôt sur le revenu des valeurs mobilières : jetons de présence payés à certains

N• 3628

Page 76: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

164 JURISPRUDENCE

actionnaires. Notes de G. GEORGE sous Trib. St-Etienne, 16 juil. 1936 (Jmt1'n. soc., 1936, no 4368, pp. 664 à 670) et sous Cass., 21 oct. 1936 (Jolt1'n. soc., 1.937, no 4388, pp. 90 à 96).

-Les impôts des sociétés, par G. VINCENT. -Un vol. ; Paris, éd. Donnet-Mont­

chrestien,~1~9=3=6~·--------------------------­- Traité théorique et pratique des taxes de timbre, de transmission et du revenu

dues par les sociétés, par Et. CoMBES, préf. de M. BYÉ.- 2me éd. ; un vol., en vente à Paris, Préparation administrative, 69, rue Boursault.

- Cahiers de droit étrang·er, no 1 : Les sociétés étrangères devant le fisc aux Etals­Unis d'Amérique, en Grande-Bretagne, en Allemag·ne et en France. - Un vol., 256 pp., 25 fr. fr. ; Paris, Libr. Sirey.

Elisabeth MERGHELYNCK,

Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.

No 3629. - Tribunal de commerce de Bruxelles (3e ch.). 18 janvier 1936.

MM. Mosselman, juge unique; - Lombaerts, réf. ; Pl. : Mtres François et Bidoul, avocats.

X ... cf soc. Y. Opérations de bourse.- Achat au comptant et vente à terme simulta­

née des mêmes titres. - Report. - Prêt sur nantissement d'annuités - Ordre public. - Nullité. Le mot << report » dans le langage courant désigne non se1tlement le report propre­

ment dit, mais le prêt Sltr dépôt de titres. Le report a pour effet essentiel de rendre l'acheteltr mt comptant propriétaire des

titres; si cette propriété n'est pas transmise, il n'existe pas de report dans le sens juridique. Cette opération se pratique dans les transactions de valmu·s boursières cotées à terme.

Les appréciations données par les parUes doivent serv·ir d'élément de ~xation du caractère de la convention.

Attendu que les causes litigieuses portant les nos 30.831 et 3050 sont connexes, qu'il échet de les joindre ;

1. En ce qui concerne l'act. 30.831 : Attendu que le demandeur réduit le montant de sa demande à 2277,66 fr., repré­

. sentant la partie de la somme obtenue par la vente de titres dans les conditions qui seront exposées ci-après, qui dépasse ·la dette que le demandeur avait vis-à-vis de la défenderesse ;

Que cette action est basée sur le principe de l'enrichissement sans cause; Attendu qu'il est constant que le 14 janvier 1933, intervint entre parties une coil­

vention par laquelle la défenderesse achetait au demandeur 250 titres de capital <( Catala-Ondulium », coupon no '13 attaché, au prix de Hit ,48 fr. par titre, soit en réalité 37.870 fr.;

Que le même jour, parties se liaient par une autre convention par laquelle la défenderesse vendait au demandeur, à l'échéance du 14 avril 1933, 250 titres de

Page 77: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 165

capital« Catala-Ondulium n, coupon no 13 attaché, au prix unitaire de 160 fr., soit en totalité 40.000 fr. ;

Que la convention stipulait qu'à défaut de paiement au terme convenu, la vente serait résiliée de plein droit, au p1'ofit du vendeur, et l'acheteur tenu de la différence entreîe prix de vente et le cours moyen du titre basé sur le dernier cours coté, et celui le plus prochain qui suit le terme de l'échéance ;

Attendu que le demandeur n'ayant pu faire face à ses eng·agements, c'est-à-dire au versement des .40.000 fr. à la date du !4-4-34, la défenderesse lui signifia que la vente était résiliée à son profil ;

Que le demandeur protesta à plusieurs reprises contre cette manière de voir ; que néanmoins la défenderesse fit vendre les titres en Bourse et que la réalisation de cette vente donna 42.277,m> fr.;

Que la défenderesse conserva par devers elle, l'entièreté de cette somme; Attendu qu'aux termes de l'article 1-156 du Code civil, on doit, dans les conven­

tions, !\~chercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes ;

Que les juges doivent donc rechercher si la forme donnée à un contrat n'a pas été employée en vue de dissimuler la véritable nature de ce contrat;

Attendu qu'il résulte des éléments de la cause qu'il ne peut, en l'espèce, s'agir, comme le prétend la défenderesse, d'une opération de report ;

Que les caractél'istiques essentielles de l'opération de report ne se rencontrent pas en l'instance ;

Que le report est une vente et un achaf, or qui dit vente dit ég·alement prix sérieux; qu'il ne peut se concevoir qu'en fixant au contrat de vente un prix unitair·e de 151, i8 fr. alors que, suivant la cote de la Bourse au jour précédent, la valeur du titre litigieux se fixait à 275 fr., le prix de vente indiqué à la convention était normal;

Que le report suppose également le transfert de la propriété des titres dans le patrimoine du reporteur, avec les coupons y attachés ;

Que· semblable transfert ne s'est pas opéré puisque, aux termes des conventions, les valeurs ayant fait l'objet des deux contrats, valeurs nettement individualisées, devaient être vendues au demandeur par la défenderesse ;

Qu'en ce qui concerne les coupons, ceux-ci devaient être encaissés par la défen­deresse, mais leur montant viendrait en déduction de la dette;

Que pas dava:ntag·e ne se rencontre en l'espèce, une opération accessoire qui con­sistait à « reporter » l'échéance d'une opération principale·;

Qu'enfin et surtout, l'opération de report, ne se rencontre que dans les transac­tions à terme; que les titres litigieux n'ont jamais été cotés qu'au comptant;

Que ce dernier élément suffirait à lui seul pour faire décider qu'entre parties et dans leurs intentions, il n'a jamais été envisag·é en ce qui concerne les titres litigieux, de s'en rapporter à une convention de report ;

Qu'en réalité, les conventions litig'ieuses ne constituent qu'tm prêt sur titres, déguisé sous la forme d'une double vente, dans le but évident d'éluder les disposi­tions d'ordre public, interdisant au créancier gag·iste de réaliser les titres sans l'inter­vention de justice et de s'approprier le gag·e :

Attendu qu'il résulte des attendus qui précèdent, que la défenderesse en agissant comme elle l'a fait, ne pouvait s'approprier les titres qui lui furent remis par le demandeur;

N° 8629

Page 78: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

166 JURISPRUDENCE

Que p:utant, c'est sans aucun titre ni droit, qu'elle s'est approprié le montant de la réalisation en Bourse au delà de ce qui lui était dù, à savoir 40.000 fr. et que pal'tant, elle est redevable au demandem· de la somme de 2277,65 fr. qu'elle détient indùment;

___ Que_l'action_esLdoncJondee_; ____________________ _ 2. En ce qui concel'l1e l'action sub no 30il0 : Attendu qu'il est résulté des .éléments versés aux débats, que la défenderesse a

vendu les 250 titl'es litigieux en bloc, c' est-à-dirè en les jetant tous le même jour sm· le marché;

Attendu que ce faisant, la défenderesse devait se ren h·e compte, surtout à une époque où les tt·ansactions boursières étaient caractérisées par l'appauvrissement des ordres de ventes et d'achats, qu'elle allait enfoncer les coms, ce d'autant plus qu'il s'agissait en l'espèce d'une vente au marché au comptant;

Qu'il lui appartenait d'ag"ir avec plus de prudence et de ne réaliser les valeurs liti­g-ieuses que par des ventes successives et en plusieurs jours ;

Qu'en agissant comme elle l'a fait, la défenderesse a incontestablement commis une faute dont les conséquences ont été dommageables pour le demandeur et dont elle doit réparation ; ,

Attendu qu'il appert des éléments produits aux débats et notamment des diffé­rentes variations de cours que les titres étaient cotés entre 240 et 205 fr. ; -qu'au moment de la réalisation en bloc des 250 tit.res les c.ours fléchirent brusquement à 170 fr.;

Que dans les jours (JUi suivirent la réalisation, les cours se redressèrent immédia­tement à 200, 220 et 230 fr. ;

Qu'en fixant à 2 LO fr. le cours moyen, en tenant compte du fait que les actions se nég·ociaient avec coupoü attaché dont la valeur était fixée à plus de H fr. par cou­pon, l'on peut évaluer le préjudice subi par le demandeur à 10.000 fr. ;

Que ce montant correspond en effet à la différence entre les cours de 170 fr. (prix de la réalisation) et la valeur normale du titre (210 fr.), soit un préjudice de 40 fr. par titre ou en totalité 250 X 40 fr. = 10.000 fr. ;

Par ces motifs, Le Tribunal joint les causes comme connexes et statuant par un seul et même

jug·ement ; 1. En ce qui concerne l'action inscrite sub no 30.83·1 :· Condamne la défend'eresse à payer au demandeur la somme de 2i77,6!'> fr. à tilre

d'enrichissement sans cause; 2. En ce qui eoncerne l'action inscrite sub no 3050 : Condamne la défenderesse à payer au demandeur la somme de 10.000 fr. à titre

de dommages-intérêts; Condamne la défenderesse aux intérêts judiciaires et aux dépens ; Jug-ement exécutoire,- nonobstant appel, sans caution.

Observations. - Le report est une vente au comptant, doublée d'un achat a un terme de 15 jours, conclu entre les mêmes personnes, pour le même nombre de titres de même espèce. C'est donc en droit une double teansmission de pt'Olw.iété.l\iais le reporteur, aelleteur au comp­tant, reste propriétaire des titres jusqu'à l'échéance du ter·me. ·

'N• 8629

Page 79: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRU:CENCE 167

An point de vue économique, c'est une prorogation d'échéance: l'octroi de délais.

Ce contrat produit aussi les mêmes effets qu'un prêt SUl' titres joint à une constitution de gage. En effet, l'acheteur au comptant, le repor­tent'. paie les titres pour compte du repOI'té : il lui fait donc un prêt. Il lui vend, en outre~ ces titres a terme; mais il les conserve jusqu'a la prochaine échéance : il se trouve donc dans la même situation que s'il avait reçu ces titt'es eti gage pour sûreté d'un prêt.

Ü;l comprend, par conséquent, que le mot report peut avoir différents sens selon l'aspect sous lequel on l'envisage (Revue, 1931, no 3126, pp. 104 et ss.).

En pratique, le report peut donc cacher un prêt sur titres : le prêteur n'adopte aloPs cette forme de contrat que pour échapper à l'obligation de devoir faire la procédure de vente du gage. Rappelons, en effet, que le pacte commissoire est défendu.

Mais si les cocontractants ont la liberté de soumettPe leurs relations d'intérêt aux normes de droit qu'il leur plait de choisir, ils ne peuvent conteevenir a des dispositions d'ordre public, comme celles qui défendent le pacte commissoire. Le Tribunal n'est pas tenu par la qualification qu'il plaît aux parties de donner a leurs contrats. la nature de ceux-ci dépendra donc bien plus des conditions qui y sont stipulées que du nom qui leur est donné, soit par erreur, soit comme en l'espèce, dans le but d'élude!' une disposition d'ordre public. Dans le même sens: PLANIOL et RIPERT, t. 12, 11°8 121 et ss., pp. 119 et ss. ; -Bruxelles, 16 juil­let 1897, Pand.tJér., 1899,11° 139; :_Comm. Beuxelles, 16 avril1903, Jur. 001nm. Bntxelles, 1903, p. 277; -LEs NoYELLES, Droit commer­cial,. t. 1' 11° 176, p. 364 ..

·Cependant il paraît excessif d'affirmer que seules les valeurs mobi­lièt'es traitées au marché a terme puissent faire l'objet d'un contrat de report valid!3. On ne peut concluPe de ce qui se fait habituellement a une norme de droit. Des fonds publics inscrits au marché du comp­tant poueraient donc être traités sous cette forme.

Comme ces ventes se font toujom's in genere, le reporteur reste pro­priétaiee des titres jusqu'à l'éxpiration du terme. S'il s'agit de titres traités au comptant, la difficulté de se les procurer a ce marché amè­nera le vendeur a les déteeminer pae leurs numéros.

M. TIENRIEN, Avocat à la Cour d'appel de Bruxelles.

N° 8629

Page 80: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

168 JURISPRUDENCE

No 3630. - Tribunal de pe instance de Bruxelles (138 ch.). 24 juin 1936.

1\fl\'1. Chapel, prés.; -M. Havenith, substitut du Proc. du Roi; Pl. : Mtres Heetveld, Lowies et G. Collon, avocats.

--------ttJrvokes-IJreslan cl Soc. An. Etabl. Ftancotex et Cie et Soc. An. Etabl. Ftancotex et Cïe cf Cte X ... ).

Société anonyme. -Administrateur délégué. - Mandat. -Préposition. -.Responsabilité civile.

L'administrateui:-délégué d'une société anonyme est un simple mandataire dont les fonctions, toutes de direci'ion et de gestion, excluent tous liens de subordination mwers la société: celle-ci n'est donc pas son commettant au.v termes de l'art. -1384, al. 3, dn C. c.

Attendu que les demandeurs, époux Breslau-Brookes, fondentleur action : 1. A charg·e de la défenderesse société anonyme Francotex, sur la responsabilité

de la dile défenderesse à raison de faits cul peux et dommageables de son préposé le sieur David ;

2. A charge de la défenderesse Compag·nie X, sm l'action subrog·atoire telle qu'elle est o1•ganisée par l'art. 1166 du Code civil à raison de l'action que soit le sieur David, soit la défenderesse société anonyme établissements Francotex, ou même ces deux êtres cumulativement sont en droit d'exercer à charg·e de la 'défenderesse Com­pagnie X pour les couvrir des conséquencés dommageables de l'accident occasionné par le sieur David, le 29 aoùt f 932, au cours duquel, par défaut de prévoyance ou de pré1~aution, mais sans intention d'attentee à la personne d'autrui, le dit sieur David a porté des coups ou fait des blessures à la demanderesse Dorothy Brookes ;

Attendu que l'action dirigée contre Ja société anonyme Etablissements Francotex, est en réalité basée sur les dispositions de l'art. 1384 alinéa 3 du Code civil ;

Attendu que les dispositions de l'art. précité pour pouvoir être appliquées présup­posent l'existence d'une situation de subordination entre une personne (préposée) et son maître ou commettant (voyez·BEUJENs, Code civil, 3me édit., tome IV, art. 1384, p. 355, no 105) ;

Attendu que c'est aux demandeurs qu'incombe le fardeau de la preuve de ce que le sieur David était préposé de la défenderesse société anonyme Franco tex ;

Attendu que les demandeurs ne produisent aucun élément de preuve en fait de nature à établir en quoi le sieur David, lorsqu'il conduisait l'automobile appartenant à la première défenderesse au moment où s'est produit l'accident en question au litige, ag·issait comme préposé de la première défenderesse, et dans les fonctions auxqueUes celle-ci l'employait; qu'ils restent d'ailleurs en défaut. de préciser les fonctions en question ;

Attendu que la première défenderesse dénie que le sieur David était son préposé et déclare que le dit sieur David était son administ1·ateur-délég-ué ;

Attendu que l'administrateur-délég·ué d'une société anonyme est un simple man­d~taire dont les fonctions, toutes de direction et de gestion, excluent tous liens de subordination envers la société en question (voyez art. 62 et 63 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales; - BELTJENS, op. cit, t. V, art. 1384, p. 355, nos 107 et 109);

Attendu qu'il résulte de ces considérations :

Page 81: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 169,

1 o Que l'action des demandeurs contre la première défenderesse n'est pas fondée ; 2° Que l'appel en intervention en garantie dirigée par la société anonyme Etablis­

sements Francotex contre la compagnie d'assurances X devient sans objet; Attendu que l'action des demandems contre la société X est basée sur les dispo­

sitions de l'art. H66 du Code civil ; Attendu que cette action s'appuie sur un jugement rendu le 21 juin 1933, par la

2te ehambre du Tribunal siégeant en appel de police, et confirmant un jugement du­Tribunal de police du canton d'Ucele, en date 'du 20 avri11933 et condamnant le sieur David à payer à la dame Dorothy Brookes, partie civile, la somme de 5500 fr. à titre de dommag·es-intérêts à raison du préjudice subi à la suite des coups et bles­sures involontaires lui causés par le dit sieur David;

Attendu qu'il résulte des dispositions de l'art. premier d'une police d'assurances pour automobiles, avenue le 5 octobre 1931 entre la soc. an. Francotex et la compa­g·nie d'assuranees X, que la g·arantie de la responsabilité civile de l'assuré vis-à-vis de tiers, y compris la défense en justice, tant au pénal qu'au civil, est acquise à l'assuré souscripteur, chaque fois que sa responsabilité est mise en cause en qualité de propriétaire ou de conducteur du véhicule ou de civilement responsable du con­ducteur du dit véhicule;

Attendu que les éléments produits aux débats et les explications données contra­dictoirement à la barre par les conseils des parties font apparaître que la société X a assuré la défense du sieur David cité devant le Tribunal de police du canton d'Uccle, du chef de blessures par imprudenee à la dame Brookes Dorothy ;

Attendu que le sieur David étant en fait et sans plus le conducteur du véhicule en question dans l'art. premier de la police d'assurance prérappelée, la compagnie X en assurant la défense de ce dernier a exécuté une partie de ses obligations envers l'assurée compagnie Francotex, laquelle n'était pas partie dans l'instance prérap­pelée;

Attendu que c'est donc à juste titre que la défense de la compagnie X objecte aux demandeurs qu'il n'existait entre elle et le sieur David aucun lien de droit, qu'il en résulte que l'action basée sur l'art. 1166 du Code civil en ce qui concerne la créance que le sieur David aurait pu avoir à charge de la défenderesse n'est pas fondée, la créance vantée par les demandeurs n'existant pas;

Attendu qu'en tant qu'intentée à titre suhrogatoire de la créance que pourrait avoir la société anonyme Francotex, à charg·e de la compag·nie X, son assureur, l'action des demandeurs n'est pas fondée;

Attendu, en effet, ainsi qu'il a été dit ci-devant, le sieur David n'ayant pas la qua­lité de préposé de la société anonyme Franco tex, celle-ci n'étant pas civilement res­ponsable du dommag·e causé par Îe sieur David, n'a aucune créance de ce chef à charge de la compagnie X ;

Attendu qu'il incombe au créancier exerçant l'action subrog·atoire régie par l'art. 1166 du Code civil de justifier de la créance dont il poursuit paiement, ainsi que la nature et le montant de cette créance ;

Attendu que dans l'espèce, la seule créance que pourrait posséder la société ano­nyme Etablissements Francotex à charge de la Compagnie X ne pourrait consister que dans le montant des indemnités pour réparations du préjudice causé pal' le véhi­cule automobile dont question à la police d'assurance prérappelée ;

Attendu qu'il n'existe en la cause aucun élément de fait de nature à établir l'exis­tence de pareille créance ;

N° 8630

Page 82: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

170 JURISPRUDENCE

Attendu qu'il découle de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'action des demandeurs n'est pas fondée ;

Par ces motifs, Le Tribunal, entendu 1\'I. 1-Iavenith, substitut du Pt'ocureur du Roi, en son avis

------~--cmllraiœ .. ,._diUe_s_demarulenrs_tlon_f_DJlcLé_s_en leur action, en conséquence les en déboute et·les condamne à tous les dépens ...

Observations. - Ce jugement, en tant qu'il décide que le caractèt'e de préposition est étranger au mandat cl 'adn?inistrateur-délégué d'une société commerciale est conforme à l'enseignement de la doctl'ine et à la jurisprudence, ainsi, du reste, qu'à la lettre des articles 53 et 62. L'art. 63~ alinéa 2, étend même la notion et les effets du mandat, exclusifs de la notion et des effets de la préposition, aux " directeurs, géeants et an tees agents, associés ou uon associés " auxquels la gestion journalière et la représentation de la société peuvent êtee confiées con­formément à des dispositions ùes statuts, qui règlent leurs nomination, révocation et a ttt'ibutions : ces agents ne sont pas~ comme tels, unis à la société par le contt'at de lo.uage de services mais par le contl'at de mandat. Rien n'empêche, elu reste, qu'iLs cumulent avec leur mandat, un conteat .de louage de services impliquant la subordination et la elude. Mais l'existence cl 'un tel conteat doit être démontrée distinc­tement et indépendamment des dispositions statutaires.

Ajoutons que, même, les règles du mandat régissent seulement les rapports internes des administrateurs et agents statutaires avec la société; car, à l'égard des tiei'S, ces " mandataÏI'es" sont quelque chose d'autre et de plus : ils sont les organes de la société; ils sont la société même agissant par leur intermédiaii'e physique.

Ofr 2me Table générale cle la Revue 1906-1927, nos 502 et s. ; nos 511 et suivants; - Cass. 26 avril 1909, Revue, 1909, no 1999, p. 325;­Beux. 18 mars 1913, Revue, 1914, 11° 2391, p. 95;- NOVELLES, Soc. c01mn., nofl. 1705 et s., 1711 et s.

No 3631. - Tribunal de 1re instance de Bruxelles. - 2 mars 1936 et

Cour d'appel de Bruxelles (26 ch.). - 8 mai 1937. 1\'IM. Coirbay, cons. f.f. prés.;- :Marcoux et Desoil, cons.;

Willems, sub. du Proc. Gén.;- Pl.: Mtres Jos. Goeêlseels cf VanMalderghem,avoc. (Cercle d'lt Parc cf Etat Belge).

1. Compétence judiciaire. -Opposition à contrainte. - Dommages-inté­rêts. - Cumul.

II. Association sans but lucratif. -Taxe annuelle.- Caractère com­pensatoire.

Page 83: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

,TURISPRUDENCE 171

III. Biens permanents et durables des associations.- Assujettissement exclusif à la taxe.

IV. Biens capitalisés.- Fonds de roulement.- Notion; - Cotisations non capitalisées.

V. - Fonds de roulement. - Exonération.

I. L'opposition it contrainte fiscale et la demande reconventionnelle au paiement de dommages-intérêts ont la même cause, à savoir le non fondement de la taxation. Ces deux chefs de demrtnde doivent donc être cunmlés an point de vue de la compétence judiciaire.

II. En instituant une taxe annuelle sur les associations sans but lucratif, le législateur a voulu parer au déficit provenant de la suppJ'es~ion des droits de mutations 11ar décès antérieurement perçns à charge des membres des associations.

III. On a entend1t frapper le patrimoine mobilier et immobilier, même non productif, des associations sans distraction des charges. Mais il résulte du caractère d'impôt cUrect de la taxe et de l'ensemble des dispositions de l'ari'icle 44 de la loi du 27 juin l9'M, que le législateur n'a voztln frapper que les biens possédés par les associations à titre per­manent et durable, abstraction faite des recettes destinées à couvrir les dépenses jou1'­naUères.

IV. Dans le langage ordinaire on ne considère pas comme étant capitalisées cles coti­sations aussitôt lenr encaissement et avant qu'un excédent sur les dépenses normales {asse apparaître un solde favorable définitif susceptible de produire un revenu, q1t'il en pro­

. duise ou non en fait. Jusqit'it ce moment ces ressources sont, à l'instar des fruits natit­rels, destinées à couvrir les besoins journaliers et constituent un fonds de roulement.

V. L'interprétation qui exonère de la ta.re annuelle le fonds de roulement des asso­cial'ions sans bttt lucratif n'est pas directement contraire au texte de l'alinéa a) de l'article 44 de la loi dtt 27 juin '192l et apparait le mieux en rappott avec l'esprit général de la loi.

Le Tribunal de première instance de Bruxelles avait rendu en cette cause, le 2 mars ,J936, le jugement suivant:

JUGEMENT.

Vu l'article quatre de la loi dil quinze juin mil neuf cent trente cinq;· Vu l'exploit introductif d'instance du vingt sept novembre mil neuf cent trente

quatre; · Attendu que par le dit exploit la demanderesse a fait opposilion : 1 o A l'exécution de la contrainte décernée par M. le receveur du premier bureau

des Successions de Bruxelles le quatorze novembre mil neuf cent trente quatre, I'endue exécutoire par M. le ju~re de paix du troisième canton dè Bruxelles le seize novemht'e mil neuf cent trente quatre, tendant au paiement de a) la somme de onze cents francs pour droits mis à charge du requérant en la dite contrainte; b) celle de onze cents francs pour amende y mise à sa charge; c) les intérêts légaux sur le mon­tant de droits calculés a raison de 6 °/o l'an du trente et un mars mil neuf cent vingt cinq au trente juin mil neuf cent vingt cinq; 8 °/o du trente juin mil neuf cent vingt cinq au 15 juillet mil neuf cent trente; 6°/o l'an du quinze juillet mil neuf cent trente au vingt quatre aoùt mil neuf cent trente quatre et 4 °/ o l'an à partir du vingt cinq aoùt mil neuf cent trente quatre jusqu'au jour du paiement; cl) les frais;

2° A l'exécution du commandement notifié en vertu de la dite contrainte, par exploit de l'huissier Schoukens de Bruxelles, en date du vingt trois novembre mil neuf cent trente quatre ;

Sur la compétence :

Page 84: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

172 JURISPRUDENCE

Attendu que la contrainte· a été décernée. pour le paiement d'une taxe annuelle variant de cent à cent vingt francs pour les exercices des années mil neuf cent vingt cinq à mil neuf cent trente quatre inclus;

Attendu que l'Etat Belge déelare, en conclusions, réduire à mille francs le total des -------:-di'Oits_ctonLl.e._paieinent...-esLpoursuivi,_laj,ax.e..xéclamé_e_~nn_ée_mjl.JillLLce_n_t __

vig~nt cinq n'étant pas due à défaut de matière imposable ; Attendu que le défendeur soulève l'exception d'incompétence defectu swnmae ,· Attendu que la contrainte fiscale n'a pas le caractère d'une demande en justice et

ne constitue qu'un acte extra judiciaire ; Attendu que, pour déterminer le taux du resso.rt, conformément à l'at·ticle vingt

et un de la loi du vingt cinq mars mil huit cent septànte six, il faut s'en référer au montant de la demande, tel qu'il résulte de l'exploit d'opposition suivi d'ajournement et non point àu montant de celle contenue dans la contrainte ;

Attendu que, par conclusions sig·nifiées du six décembre mil neuf cent trente cinq, la demanderesse postule à charge du défendeur la condamnation au paiement de quinze mille francs à titre de dommag·es-intérêts ;

Attendu que les deux chefs de demande de la partie demanderesse, à savoir : la décharg·e du paiement des droits et amendes et la condamnation de l'Etat à q!linze mille francs de dommag·es-intérêts, proviennent de la même cause, et doivent être, aux termes de l'article vingt trois de la loi du vingt cinq mars mil huit cent septante six, cumulés, pour fixer le taux du ressort (Cassation, vingt huit décembre mil huit cent nonante neuf, Pasicrisie, 1.900-1-7 4) ;

Attendu dès lors que le Tribunal est compétent pour connaître le litig·e; Sur le fond : Attendu qu'aux termes de l'article quarante quatre de la loi du vingt sept juin mil

neuf cent vingt et un, la taxe annuelle à laquelle sont assujetties les associations sans but lucratif, est établie sur la masse des biens possédés en Be1g·ique ;

Attendu que cette masse des biens ne comprend pas : 1 o Les intérêts, termes de rente, loyers et fermag·es et plus g·énéralement les fruits

civils de toute nature, ainsi que les cotisations et souscriptions annuelles dues et non capitalisées ;

2° Les fruits naturels perçus ou non ; 3° Les provisions et objets destinés à la consommation courante ; Attendu que la demanderesse prétend· à tort que le numéraire en caisse ou dé11osé,

soit en banque ou au compte chèques postaux, rentre dans les exceptions susvisées ; Attendu qu'il résulte incontestablement de laloi rrécilée que les fruits civils, coti­

sations ou souscriptions annuelles ne sont exonérés de la taxe que pour autant qu'à la date d'exig·ibilité de celles-ci ils sont encore dus, que dès leur réception ils deviennent imposables au même titre que les autres biens dépendants du patrimoine des associations sans but lucratif ;

Attendu que tout numéraire touché et encaissé par la demanderesse ne représente donc pas des fruits civils ou des cotisations encore dues et non capitalisées ;

Attendu qu'il suit des considérations qui précèdent que la réclamation faisant l'objet de la contrainte est pleinement fondée, sous la réserve que les droits exig'ibles ne s'élèvent qu'à mille francs comme il a été dit ci-avant, et les amendes à pareille somme; qu'en conséquence, l'opposition de la demandet•esse manque de fondement.

Par ces motifs, Le Tribunal,

N• 8631

Page 85: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 173

Statuant contradictoirement ; Ouï en son avis conforme M. de Foy, premier substitut du Procureur du Roi; Ecartant toutes autres conclusions ; Se déclare compétent; Et statuant sur le fond du litig·e, donne acte au défendeur de ce qu'il déclare réduire

les droits, exigibles à mille francs et les amendes à pareille somme ; Déclare l'opposilion de la demanderesse non fondée ainsi que son action- en doni­

mages-intérêts ; L'en déboute et la condamne aux dépens. Ce jugenlent a été réformé par l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles en date du

8 mai i937. ARRÊT.

Sur la compétence : Attendu que l'opposition tend à voir prononcer nuls et de nul effet la contrainte

délivrée le i4 novembre 1934 et les commandements notifiés consécutivement et à voir condamnet• l'Etat Belge au paiement de la somme de 15.000 fr. à titre de dom­mag·es-intérêts;

Attendu que les deux chefs de la demande proviennent de la même cause, à savoir le non fondement légal de la taxation et partant doivent être cumulés aux termes de l'article 23 de la loi sur la compétence ;

Attendu que, dès lors, le Tribunal de 1re instance était compétent; Sur la recevabilité : Attendu qu'aucune fin de non recevoir n'est proposée;

Au fond: Attendu que la contrainte est basée sur ce qu'au mépris des prescriptions lég·ales,

l'appelante aurait omis de déclarer pour les exercices 1925 à 1934 le numéraire con­stitué par les cotisations et souscriptions annuelles encaissées ;

Attendu que de son côté l'appelante soutient que l'art. 44 de la loi du 27 juin 1921 soustrait àl' obligation de la déclaration les fonds destinés à l'administration courante de la soei~té, ceux-ci étant constitués, ce qui n'est pas expressément contesté, par les cotisations et souscriptions ;

Attendu que l'argumentation de l'intimé repose mr l'interprétation à donner à la partie finale de l'alinéa A de l'art. 44 déjà cité où se trouve précisé que les fruits civils en g·énéral échappent à la taxation s'ils sont dus. et non capitalisés ;

Attendu que s'il est exact que, pour parer au déficit provenant de la suppression des droits d'emegistrement par décés perçus à charge des membres des associations, le lég·islateur a entendu frapper le patrimoine immobilier et mobilier même non pro­ductif de celles-ci sans distraction des charges, il apparaît certain toutefois que tant à raison du caractère d'impôt dii·ect de la taxe que de l'énumération contenue aux différents paragraphes de l'article en discussion que le lég·islateur n'a voulu frapper les biens possédés par les associations à titre permanent et durable et abstraction faire des recettes destinées à couvrir les dépenses journalières qu'ainsi les provisions et objets destinés à la consommation courante de même que les fruits naturels perçus ou non ne sont pas pris en considération ;

Qu'à cet égard, si dans le rapport à la section centrale de la Chambre des Repré­sentants il est dit que le mobilier improductif mis au service du but social est passible de l'impôt, il n'est cependant pas parlé au sujet des capitaux que de ceux portant revenus;

N° 8631

Page 86: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

174 J-URISPRUDENCE

Attendu que l'alinéa A de l'article 44 semble se situer dans un eadre identique à celui des alinéas qui suivent lorsqu'il exempte les fruits civils en général dus et non capitalisés ;

Attendu que dans le lang·ag·e ot•dinaire on ne considérait pas comme étant capita­lisées des cotisations aussitôt leur encaissement et avant qu'un excédent sur les dépenses normales fasse apparaître un solde-favorable définitif susceptible de pro­duire un revenu, qu'il en produise ou non en fait;

Que jusqu'à ce moment ces ressources sont à l'instar des fruits naturels destinés à couvrir des besoins journaliers et constituent un fonds de roulement ;

Attendu que tel paraît bien être le sens des terines querellés, sinon il était inutile de faire suivre les mots « fruits non dus )J de «non capitalisés Jl puisque ces derniers termes n'ajoutent rien si, comme l'administration le soutient des fruits qui cessent d'être dus deviennent automatiquement des capitaux au sens de la loi;

Attendu que s'ils ont été adjoints pour signifier qu'ajoutés au principal de la dette ils seraient taxés comme celui-ci, on ne voit pas davantag·e l'intérêt de cette ajoute, la conclusion s'imposant d'elle-même ;

Qu'au demeurant, s'il se conçoit que les intérêts impayés, des arrérages et loyers peuvent être joints au principal qu'ils aug·mentent ainsi, semblable opération n'est pas d'application relativement aux cotisations ;

Attendu que l'interprétation admise n'est pas directeinent contraire au texte de l'alinéa A de l'art. 44 et apparaît mieux en rappot•t avec l'esprit général de la loi;

Attendu que l'opposition est donc fondée; Attendu que l'appelante ne justifie pas avoir souffert un dommage appt•éciable;

Par ces motifs, LA CouR,

Entendu M. Willems, substitut du Procureur Général, en son avis donné en audience publique ;

Ecartant toutes conclusions plus amples ou contraires ; Reçoit l'appel, confirme le jug·ement a quo en tant que le premier juge s'est déclaré

compétent; Le met à néant pour le surplus ; Dit pour droit que le numéraire constitué par les cotisations et souscriptions,

possédé par l'association et destiné à servir de fonds de roulement est exempt de la taxe annuelle établie par l'art. 44 de la loi du 27 juin 1921 ;

En conséquence, déclare nuls et de nul effet tant la contrainte décernée par I\L le receveur des Successions du premier bureau de ~ruxelles le 14 novembre 1234, que le commandement notifié en vertu de la dite contlrainte par exploit de l'huissier Schoukens de Bruxelles, en date du 23 novembre 1934 et l'itératif commandement notifié par le même huissier en date du 14 octobre 1935 ;

Dit qu'il ne pourra être donné aucune suite aux dits commandements ; Déboute l'appelante de sa demande de dommages-intérêts; Condamme l'Etat Belg·e aux dépens des deux instances.

Observations. - I. Sur la question de compétence, le· jugement et

l'arrêt reproduits ci-dessus ont adopté la même thèse : l'opposition à une contrainte fiscale et la demande reconventionnelle au paiement de donunages-inté-rêts ont la même cause, à savoir le non fondement de la

Page 87: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 175

taxation. Ces deux chefs de demande doivent donc être cumulés au point de vue de la compétence judiciaire. La jurisprudence de la Cour de cassation est en ce sens (Cass., 28 déc. 1899; Pas., 1900-I-74).

II. Quant au fond, nous ne commenterons guère le jugement réfor­mé par l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles. Il est étrange- mais hélas ! pas tout-à-fait exceptionnel - de devoir constater qtié le Tri­bunal avait attribué à l'association opposante la thèse suivant laquelle le numéeaire en caisse ou déposé, soit en banque ou au compte chèques postaux, rentre dans les exceptions à la débition de la taxe annuelle.

L'exploit d'opposition portait au contraire: " Attendu que su.ivant la contrainte, il y aurait lieu de comprenrlre

dans la masse des biens imposables en vertu des art. 44 et ss. de la loi du 27 juin 1921. l'aJ'gent comptant en caisse, les sommes déposées eu banque ou au compte chèques postaux, quelle que soit l'origine des

deniers. " Les conclusions de l'association étaient plus explicites encore sur ce

point : " Attendu que faute de pouvoü· combattre raisonnablement la thèse de .l'opposante, l'Administration lui en attribue une qui est mani ... festement insoutenable, suivant laquelle tout le numéraire des associa­tions seeait exonéré de la taxe annuelle ; atten~lu que l'opposante n'a jamais contesté, par exemple, l'imposabilité à la taxe annuelle d'une somme d'argent provenant de la vente d'un immeuble imposable et possédée en Belgique par l'association au premier janvier de l'année d'imposition ... ".

Le Tribunal a néanmoins ceu devoir démontrer l'inanité d'une thèse que !"association opposante déclarait manifestement inso~ttenaùle. Le stratagème de l' Administeation consistant à attribuer pareille thèse à son adversaiee avait donc réussi. On comprend que cela encourage cer­tains plaidem's à soutenir n'impoete quoi, même s'il est nécessaire à cette fin de se mettre en conteadiction directe avec le texte des docu­rilents 'de la cause. Nous ne pensons pas que le pouvoÏI' judiciaire soit dans son rôle lorsqu'il favorise des pratiques de ce genre. ·

Dans notre étude paene dans cette Revue (1937, p. 39, no 3602 et Erratum p. 124, no 3619) : " La taxe annuelle des associations sans but l~tc1·atif d'après le nmweau Goele des droits de succession ", nous avons montl'é que l'imposition à la taxe annuelle du fonds de roule­ment des associations sans but lucratif peut avoir des conséquences pra­tiques indirectes très considérables (Cfe. spécialement étude précitée, n° 19, p. 48).

Page 88: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

176 JURISPRUDENCE

Aussi faut-il ·se féliciter de ce que l'arrêt de la Cour d'appel de Beuxelles, actuellement annoté, a mis les choses au point. La lecture même de la décision permettra au lecteur de se rendre compte que cet arrêt est absolument remarquable.

Signalons d'abord son mérite nol'mal et qui devrait être habituel, d'avoir mis au point exactement la vraie question en litige. Mais il y a beaucoup plus. Nous ne disons pas que cet arrêt est excellent parce qu'il a plu à la Cour d'approuver la thèse à laquelle nous étions rallié. Les plaideurs et les auteurs ne doivent pas avoir la fatuité de vouloir se substituer au pouvoir judiciaire. Le devoir des premiers est de docu­menter aussi bien qu'ils le peuvent les Cours et les Tribunaux. Aprés quoi ils peuvent s'attendre en retour à être bien jugés, c'est-à-dire à ce que les juges examinent attentivement les thèses qui leur sont sou­mises et qu'ils indiquent, d'une manière b.ien déduite, pourquoi ils adoptent telle manière de voir et pourquoi ils rejettent telle autre.

Aj. cet égard l'arrêt que nous commentons est de toute première qua-1~· t ~t. La question à trancher est bien précisée et la solution adoptée par la Cour est soutenue par une al'gumentation d'une logique à toute

~preuve. ' ~ Remarquons que la Cour ne s'est nullement bornée à reproduire,

plus au moins au hasard, les conclusions de l'une des parties. Elle a manifestement fait œuvre originale disant clairement pourquoi tels des matériaux soumis à son appréciation· devaient être considérés comme les meilleurs.

Il en résulte que l'arrêt de la Cour d'appel se révèle comme mani­festement basé à la fois sur les textes légaux, sur leur contexte et sur l'esprit général de la loi du 27 juin 1921.

Dans notre étude précitée relative à la taxe annuelle (Revue, pp. 46 ss.), nous avons montré comment l'Administration des Finances avait tenu à faire prévaloir subrepticement une de ses conceptions et avait quelque .peu modifié le texte de l'art. ·44, al. 1 ode la loi du 27 juin 1921 par l'art. 150 de Parrêté royal du 31mars 1936 contenant le nouveau Code des droits de succession.

La jurisprudence de la Cour d'appel de Bruxelles aura pour effet de déjouer cette manœuvre. Il est clairement démontré par l'arrêt repro­duit ci-dessus que la taxe annuelle ne frappe que l'avoir permanent et durable des associations (Sic FEYE, Droit fiscal des sociétés et ctssocia .. tions, t. lit no 335). Si, donc la modification apportée à l'alinéa A de l'art. 44 de la loi du 27 juin 1921, avait eu pour effet d'exclure le fonds

Page 89: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE · 177

de roulement de l'exception prévue par cette disposition, ces biens resteraient exonét·és en tant que "provisions et objets destinés à la con­sommation coueante ,, par l'alinéa final de Part. 150 du nouveall Code.

J os. GoEDSEELS, Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.

No 3632. - Tribunal de commerce de Bruxelles (ll me ch.). -30 septembre 1935.

MM. Watteau, prés. ; - Lonneville, référ.:- Pl. : Mtres Coppieters de Gibson et Bocken, avocats.

(Association X ... cf Sté Sonolux). Association sans but lucratif. - Omission des publications légales. -

Fin de non recevoir péremptoire.- Absence de fraude. -.Inopérance.

Au:.c termes de l'art. 11 de la loi du :27 juin 19:21, tontes les pièces émanant d'une association sans but lttcratif doivent mentionner la dénomination sociale snivie on précé­dée des mots 11 Association sans but luCI'alif )) .

Cette disposition a pour but d'obliger l'association à avertir les tiers, au moment où ils traitent avec elle de ce que leur contractant est tme association de ce genre.

Peu importe que l'association se soit conformée après coup aux prescriptions de la loi où qu'il y ait absence de fraude.

]UGE!\ŒNT.

Attendu que la défenderesse conclut à la non-recevabilité de l'action, par applica­tion de l'art. 26 de la loi du 27 mai 1921 prétendant que la demanderess.e ne s'est pas conformée à l'art. 11 de la dite loi ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 11 de la loi du 27 mai 1921 accordant la verson­nalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique, tous les actes, factures, annonces, publications et autres pièces émanées des asso­ciations sans but lucratif doivent mentionner la dénomination sociale précédée ou suivie immédiatement de ces mots écrits lisiblement et en toutes lettres : association sans but lucratif ;

Attendu qu'il est constant que, tout au moins en ce qui concerne ses rapports avec la défenderesse, la demanderess€ ne s'est pas conformée à cette disposition ;

Qu'aucune des communications relatives à la c.onclusion de la convention litig·ieuse ne porte la mention prescrite ;

Attendu que la dite loi dispose en son art. 26, qu'en cas d'omission des publica­tions et formalités prescrites par ses art. 3, 9, 10 et 11, l'association ne peut se pré­valoir de la personnalité juridique, à l'égard des tiers, lesquels ont néanmoins la faculté d'en faire état contre elle ; ·

Attendu que le législateur ne s'est pas contenté de déterminer les conditions aux­quelles il subordonne l'octroi de la personnalité juridique ; qu'il a imposé en outre diverses formalités dont l'omission n'en empêche pas l'acquisition, mais s'oppose à ce que l'association puisse invoquer à l'égard des tiers le bénéfice de la personnalité juridique qu'elle a régulièrement acquise ;

Attendu que l'art. t 1 de la loi a pour but d'obliger l'association à avertir les tiers,

12

Page 90: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

178 Jû:RlSt>RùDENC:ill-

au moment où ils traitent avec elle, de ce que leur cocontractant est une association sans but lucratif ; qu'il importe dès lors peu qu'à l'heure actuelle la demanderesse se conforme strictement aux prescriptions de cet article ;

Attendu que ni les travaux et débats parlementaires, ni le texte de l'art. 26 neper­mettent de n'appliquer la sanction prévue que dans les cas de fraude ;

Par ces motifs, · Le Tribunal écartant toutes conclusionsplus amples ou contraires, déclare l'action

non recevable et condamne la demanderesse aux dépens.

Observations. - Nous avons examiné à diverses reprises dans cette Revue, la question de savoir'comment, d'après la jurisprudence, il con­venait d'appliquer pratiquement les dispositions de la loi dt~ 27 juin 1921 relatives aux publications légales imposées aux associations sans but lucratif:. Civ. Mons, 7juillet l 928 (Revue, 1929, p. 240, no 296Q); -Brux., 3 juin 1930 (Revue, 1930, p. 198, n°306l) ; - Civ. Ypres, 6 avril1932'(Revue, 1932, p. 230, n°3242); ~ Corr. Mons, 7 juin 1932 (Revue, 1933, p. 20, no 3275); - Civ. Mons, 22 avril 193~ (Revue, 1933, p. 330, no 3347);- B!'llX., 17 janv. 1934 (Revue, 1934, p. 121, no 3382); - Cass·., 23 janv. 1936 (RevuP, 1936, p. 64, no 3509) ; -J. P. Anvers, 7 déc. 1935 (Revue, 1936, p. 66, no 3510); --Comm. Ostende, 12 déc. 1935 (Revue, 1936, p. 180, no 3542.)

Il s'agissait généealement dans ces espèces, de cas où les associations avaient négligé de déposer régulièi'ement au greffe du Tribunal la liste de leurs membres. Rappelons, en substance, que d'après la jllrispru-

. denee dominante, l'as~ociation était dans l'impossibilité d'exercer ses droits tant que subsistait l'irrégularité, mais dès que les publications légales ont été accomplies, il n'y a plus qu'un simple fait de retard dépourvu de toute sanction. Tant qu'a duré le retard l'association n'a pas été dans l'impossibilité d'acqüérir et de posséder des droits. L'exer­cice de ceux-ci a seule~ent été ~ifféeé jusqu'après Faccomplissement des formalités légales.

Le jugement actuepement annoté est une des rares décisions, sinon peut-être la seule, qui ait eu à envisager l'application de la loi du 27 juin 192i au cas d'une association ayant omis de se conformer à l'aPt.l1 de la loi aux teemesduquel "tous les actes, factures, annonces, publications· et autres pièces émanées des associations sans but ~uceatif doivent mentionner la dénomination sociale précédée ou suivü immédiatement de ce~s mots écrits lisiblement et en toutes lettres " Association sans but lucratif".

D'après la décision du Tribun~l de commerce de Bruxelles, du mo mf qu'une fin de non recevoir est tirée de l'inobservation de cette dis

Page 91: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 179

sitiori. "légale~ elle sera-it 'né-cessairement 'péreln.ptoire. ·Suivant le juge­inent ni les travaux préparatoires, ni les débats parlementaires, ni .le texte. de l'art. 26 de la.loi du 27 juin 1921 ne permettraient de limiter l'application de la sanction .légale aux seuls cas de ft·aude. ·

C'est l~ une errem· radicale du jngement dont il s'agit. . 'Toutes les prescriptions légales relatives aux mesures de publfcité

prescrites aux associations sans but lucratif forment, quant à leur sanc­tion, un ensemble unique. En cas de violation de ces prescriptions, il existe une nullité relative dont les tiers peuvent se prévaloir où ne pas se préval.oie (Exposé des motifs, no 16). Ce point de vue fut confirmé notamment par le rapporteur à la Chambre des Représentants (Di~cus­sions Chambre, no 10). Le même rapporteur précisa plus tard la por­tée de cette nullité relative: " La sanction extrême de ce système serait que l'association ne pourrait pas invoquer la personnification civile alors que les tiers,contin~leraient à !'.invoquer. Cependant cette sanction extrême serait sans doute excessive s'il n'y a pas de.motif sérieux de croire qu'il y a fr·aude ... Le Tt·ibunal dira s'il y a fraude ou non , . (Discussions Chambt·e, p0 52~ p._ 349). .

Noils estiïnons donc que le Tribunal de commerce de Bruxelles a comtnis une errent' flagrante en accueillant la fin de non recevait· sans ·véi•ifier s'il y a ell feaude ou non;

Loesque la fin de no.n recevoir doit être accueillie, la difficulté qui se présente est comparable à celle qui existe en .cas de violation des arti­cles 4 et 11 des lois sur les sociétés commerciales. Divet·s palliatifs ont ~té examinés à cet égard dans le traité des sociétés commerciales publié par notre estimé conft·ère, Me PASSELECQ, dans les lv'ovelles, no 5852

. et no 5868.

J OS. GOEDSEELS,

Avocat près la Cour d'appel de Bruxelles.

No 3633. - Tribupal d~ 1re instance da .Bruges. - 2 juillet 1934. MM,. B_aron de Crombrug·g·he de Looring'l1e, président.

· 1.. AssoCiatioh sans hut lûèràtir. -- Action ~n justice .. ~ Président. -Mandat de représenter en justice les membres de l'association.

II. Action intentée contre l'un des menibres de l'association. - Dé­signation nominale et individuelle des mandants.

III. Action en diss,olution et partage_. - Non recevabilité.

I. Les membres d~urlè association d'agrément sont valablement représentés en justice par leur p1'ésident. qui a 1'eçzt mandat à cette fin.

N° 3633

Page 92: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

180 JURISPRUDENCE

II. Quand l'action est di1'igée cont1•e l'un des memlh·es de l'association le ·p1'ésident n'est pas tenu de désigner nominativement et individuellement, dans l'exploit introdtte· tif d'instance, les personnes au nom desquelles il agit.

III. Il n'appa1'tient pas à un des membres d'une association sans but lttc1'arif d'en --P1'ovoqtœ1'-à-son-g1'é-la-dissolution-en-demandant-le-pa1·tage~-----------

Attendu que les demandeurs poursuivent le défendeur èn payement d'une somme de 4800,28 fr. dont ils auraient fait l'avance; que cette somme représente le solde pour l'année 1931 et le montant intégTal pour l'année 1932 de la cotisation que le défendeur s'est engag·é de payer en sa qualité de membre de la société de chasse constituée sous la présidence de M. Patron;

Attendu que le défendeur soutient que l'action telle qu'elle est intentée n'est pas recevable, le demandeur Patron, membre de la dite société, ne pouvant faire valoir aucune créance personnelle à charge du défendeur, celle-ci étant indivise entre tous les membres de la société ; que, de plus, au cas où il agirait comme mandataire des coassociés, il devrait établir l'existence de ce mandat et aurait dû désigner dans l'exploit introductif le nom de ses mandants;

Quant à la recevabilité : Attendu que le demandeur fut. désig·né en sa qualité de président pour rég·ler tous

les différends ; qu'en usant de termes aussi g·énéraux, les contractants ont entendu lui donner mandat de poursuivre en leur nom, soit à l'amiable, soit en justice, la solution des difficultés qui pouvaient naître ~ntre eux ;

Attendu qu'il est de jurisprudence que les membres d'une société d'agrément telle qu'une société de chasse, dépourvus de personnalité juridique, peuvent se faire représenter en justice par l'un d'entre eux, aux termes de leur convention (Comm. Liég·e, 17 juin 193iJ, Pas., 1905, III, 325;- 7 mars 1906, Ibid., 1906, III, 135; Trib. domm. guerre. Bruxelles, 15 décembre 1920, Bttll. dmmn. guerte, 1922, 14; Trib. Liége, 31 juillet 1923, Pas., 1924, III, 100; Liége, 28 janvier 1924, ibid., 1924, II, 142) ;

Attendu que le défendeur en appelle à tort à certaine jurisprudence récente, sui­vant laquelle le mandataire d'une société d;agrément, doit désigner au 1noins le nom de ses mandants dans l'exploit introductif d'instance (Liége, 28 janvier f 92d, Pas., 1924, II, 142) ;

Qu'en l'espèce il s'ag·issait d'une action intentée par une association d'agrément contre un tiers qui, dans la défense de ses intérêts, aurait pu pâtir de son ig·norance; qu'au contraire, le défendeur ne peut ig·norer la personnalité des mandants avec qui il a contracté et qui, au cours des années plus prospères, l'ont maint'es fois accompagné à la chasse ;

Attendu que la demande est donc parfaitement recevable ; Quant au fond : Attendu que dans le chef de dame Laure Rochet, épouse Patron, la demande n'est

pas fondée; qu'elle n'est pas intervenue au contrat d'où sont nées les obligations du défendeur faisant l'objet de la présente instance ;

Attendu que le défende ur ne conte~te ni la débition, ni le monlant de la créance ; qu'il se contente de poursuivre reconventionnellement en invoquant à l'article 815 du Code civil la dissolution de la société à la date du 1er février 1933 ;

Attendu que, bien que, dans les sociétés d'agTémeut, il existe unè communauté

Page 93: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 181

de fait entre les associés, il n'appartient nullement à l'un d'euxd'rn provoquer à son gré et indirectement la dissolution en demandant le partage du fonds commun ; que seule l'assemblée g·énérale peut voter à la pluralité des sutl'rag·es cette dissolu­tion (Civ. Liége, 25 février 1910, Pas., 1910, 111, 186);

Attendu qu'il en est d'autant plus ainsi que la convention verbale prévoit le moyen pour tout associé de se désintéresser de la société au cours de son existence en faisant reprendre son action (( par un tiers à agréer par les autres ,associés » ;

Par ces motifs, Le Tribunal, écartant toutes autre(conclusions plus amples ou contraires, déclare

les demandeurs recevables en leur action ; déclare la demande non-fondée (dans le chef de dame Laure Rochet ; condamne le défendeur à payer au demandeur Camille Patron la somme de 4800,28 fr. avec les intérêts judiciaires et, faisant droit à la demande reconventionnelle, en déboute le défendeur ; condamne le défendeur aux dépens; jug·ement exécutoire par provision, nonobstant tout recours et sans caution.

Observations. - La décision reproduite ci-dessus est un exemple de solution judicieuse d~s querelles assez fréquentes dans certaines associations non personnalisées.

Le Ti'ibunal décide à juste titre qne tout an moins les membres d'une pareille asso"ciation sont mal venus de contester le mandat ad litem du président. lorsque celui-ci les poursuit en paiement de leurs cotisations.

Suivant une jurisprudence qui n'est plus guère contestée aujonr­d~hui, le Tribunal repousse, d'autre part~ une demande en di~solntion et en partage de l'avoir social dans des conditions non conformes au contrat social. -A consulter dans ce sens :Brux.., 3 fév. 1934 (Revue, 1934, p. 103, no 3376).

J. G.

No 3634.- Tribunal de commerce de Bordeaux. - 18 mai 1936 et

Cour d'appel de Bordeaux. - 4 janvier 1937. 1\'IM. Picatier, prem. prés.; - Pl. : Mtrcs l\'Ioliérac et Dannizeau, avocats.

(Grelot et autres cf Umdestocks, Dztthu, Toulat ès qualités). Société commerciale.- I. Preuve. II. Éléments constitutifs du contrat. - Créancier su.rveillant et caution­

nant les opérations de son débiteur. - Essai de constitution de société anonyme.-« Aftectio societatis ».-Partage des bénéfices- Société de fait.

III. Liquidation. -- Production du créancier au passif.

1. Celle des parties qui allègue l'existence d'une société doit en apportm· la preuve. Cette preuve ne peut être fou1'nie que par des faits pertinents et se rappoTtant aux

éléments constitutifs du contrat_de société.

Page 94: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

182 JURISPRUDENCE

II. Il convient de démontrer que les i.ntéressés étaient hien animés de l'affectio socie­tatis, ce qui n'est pas le cas pont nn créàncier vigilant,· snrveillant avec attention la 1narche des affaires de son débitent, cantionnant celui-ci mt besoin, et recevant pour ses services et soins une rémnnération mensuelle.

----~L~a tet~tatliLe-'i'll.{iuf.KuB_it.Be_de_constitutinn;_de_sociéJJLanortyJJt~ne_peuLnon-Jûus-êtl'(!;_____ retenue comme fait pertinent.: ·

L'absence de convention concernant_le partage des bénéfices confirme l'impossibilité de l'existence d'une société, même de fait.

iii. En conséquence, l'associé prétenatt doit être admis comme créancier a·u passif de la liquidation judiciaire dont s'agit. ·

JUGEIIIENT

du Tribunal de commerce de Bordeaux du 18 mai 1936.

Attendu que L. Duthu faisant' le commerce sous la firme Duthu frères, ne se pré-·sente pas ; qu'il sera statué par défaut contre lui ; -

Attendu que les intervenants ont un intérêt certain dans l'instance actuelle et que leur instance est recevable ;

Attendu que Toulat ès qualités déclare s'en re1hettl;e à justice ; Attendu que lors du dépôt de leur bilan, Duthu frères ont porté Umdes tock sur

la liste de leurs créanciers et que la comptabilité de Duthu frères donne bien cette qualité à Uù1destock au résultat d'écritures passées de conformité avec des titres de cessions de créaùces au bénéfice d'Umdestock, et av~c des effets de commerce où· Duthu apparaît comme tireur ou comme tiré et Umdestock comme endosseur ou _comme donneur d'aval;

Attendu que de ces faits, le Tribunal tirera tout d'abord deux conclusions : La· première, que peuvent paraître, suspectes les déclaralions postérieures de

Duthu où il affirme qu'Umdestock n'est pas son créancier, mais hien son associé de fait;

La seconde, que lorsque Duthu et les intervenants soutiennent qu'Umdestock est Ull associé de fait, ils sont demandeurs dans leur exceptiOii -et que, sur- ce l)Oint, le fardeau de la preuve leur incombe ; ·

Attendu qu'à la suite de l'expert Verlaguet, Dutlm et les intervenants tirent arg·u­ments d'un certain nombre de faits qui établiraient la qualité d'assoc-ié-d'Uindestock ;

Attendu que ces faits peuvent être gl'oupés et classés sous les rubriques g·énérales suivantes :

1 o Essais de constitution d'nue s-ociété anonyme ; 2o· ItHervention·d'Umdestock aup1;ès des fournisseurs {]ela Maison Duthu; 3° Intervention d'UmdestoCk dans les ventes ; 4° Directives données par Umdestock concernant l'oJ•g·anisation complahle de la

·maison Duthu; !Jo Intervention d'Umdestock dans-les relations avec les banques ;

- .6° Perception par Umdestock d'une mensualité; 7° Préhension par Umdestock d'un certàin nombre d'effets de commerc~ de la

maison Duthu ; Attendu qu'il échet pour le Tribunal d'examiner ces faits et de rechercher s'ils

prouvent pour Umdesto_ckl'existence de 11 l'affectio societatis », ou tout au moins s'il$ ont pû faire croire aux tiers qu'Umdestock se g·érait comm~ assocJé; .

-wo·sas4

Page 95: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 183

1. Attendu qu'il est constant que Duthu et Umdestock ont tenté de constituerune société anonyme, mais que ces essais n'ont pas abouti;

Qu'il ne résulte pas qu'après cet échec, l' « affectio societatis n ait continué d'exis­_ter entre les parties et que les tiers aient pu penser qu'elle devait nécessairement g·uid-er et imprégner leurs relations ultérieures ;

II. Attendu en fait, qu'au moment où sont nés les pourparlers en vue de la consti­tuti<m de la société anonyme, Dutlm était sur le point d'être déclaré en état .de fail­lite ; que pour permettre de continuer utilement ces pourparlers, Umdestock s'est vu dans l'obligation de désintéresser les créanciers qui se montraient· trop mena­çants, en rachetant leurs créances ;

Que de ce moment et surtout après que tout espoir de constituer la société ano­nyme a été perdu, Umdestock, pour sauveg·arder ses propres intérêts, a été amené à intervenir dans les affaires de Duthu et que la question est toujours de savoir s'il l'a fait en qualité d'associé ou en qualité de créancier substitué, intéressé à éviter la chute de son débiteur ;

Attendu qu'il est constant qu'Umdestock visait les bons de commandes adressés par Duthu à ses fournisseurs ;

1\lais attendu, appert la correspondance r.opiée dans le rapport de l'expert, qu'Umdestock n'apposait son visa sur les commandes que pour en garantir le paie­ment aux fournisseurs et qu'il avalisait ensuite les traites tirées par ces derniers sur Duthu; ·

Altendu qu'Umdestock se gérait donc en- ce cas comme une simple cautimi soli­daire ; que rien dans la forme ne laissait apparaître sa qualité d'associé et n'était pas susceptible d'induire sur ce point les tiers en erreur ;.

III. Attendu, en ce qui concerne les ventes, que rexpert n'en cite que deux; que pour la première, il s'agit d'un ordre émanant d'un client de Limog·es, ville où habi­tait Umdestock, et qu'il apparaît qu'Umdestock a dit simplement à Duthu qu'il pou­vait liyrer; que pour la seconde vente, il s'agit .de marchandises achetées P=!l'

· Umdestock lui-même à Duthu et qui lui ont été dûment facturées; _ Que l'on ne peut donc pas dire qu'Umdestock s'est imn~iscé dans les ventes de- la maison Dù.thu ;

IV. Attendu qu'il est vrai qu'Umdestock" a donné à Duthu des directives concer­nant l'organisation comptable de la maison de commerce, qu'il a même imposé à Duthu un employé spécial pour tenir une comptabilité « matières n nouvelle et que cet employé était rémunéré soit directement, soit indirectement par la maison Duthu elle-même;

Mais attendu qu'il est de notoriété dans le monde commercial que, lorsqu'elles out intérêt à soutenir un débiteur chancelant, certaines banques n'hésitent-pas à pra­tiquer une mainmise complète sur les affaires de ce dernier et qu'elles lui imposent des -employés comptables ou surveillants dont les appointements sont payés par "le débiteur;

Que cependant, il ne vient pas à l'idée de personne de soutenir que ces banques _ sont devenues les associées de leurs clients ou que les apparences sont dans ce sens ; -que l'on ne peut donc tirer aucune conclusion défavorable à Umdestock du fait qu'il a suivi de pareils errements ; _ " -V. Attendu que le papier tiré par Duthu sur ses clients était endossé par Umdestock

_ :qui le passait _à> ses banquiers ;

N°-S63-4

Page 96: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

184 JURISPRUDEN.CE

Que le compte courant en banque sur lequel étaient passées les écritures concer­nant ces remises était. ouvert au nom d'Umdestock et que lorsque Duthu avait besoin d'arg·ent il l'obtenait des banques eontre chèques tirés par Umdestock ;

Attendu qu'il résulte de ces pratiques qu'Umdestock était en réalité l'escompteur du-papier-de-Duttm,-ehiue-Ies-banquiei s etrétaimt-les reescompteurs ;

Que cette façon de procéder peut s'expliquer par le désir des banquiers, qui con­naissaient hien la situation défavorable de Duthu, de n'avoh; affaire qu'à Umdestock, soit pour le souci de ce dernier d'empêcher son débiteur Duthu d'opérer des pré­lèvements à son insu ;

Que ces mesures ne sortent pas du cadre des précautions que prennent .les ban­ques envers certains de leurs débiteurs, comme il a été indiqué plus haut ;

Qu'en t.ous cas elles n'impliquaient pas nécessait·ement l'existence de l' (( affedio societatis » ehez Umdestock et n'étaient pas de nature à faire croire qu'Umdestock était autre chose qu'un bailleur de fonds vigilant et prudent;

VI. Attendu que Umdestock percevait une indemnité mensuelle de ·2000 fr. ; qu'Umdestock a expliqué que cette mensualité se décomposait connue suit : 500 fr. pour frais de déplacements lorsqu'il venait une ou deux fois par mois de Limog·es à Bordeaux pour contrôler les affaires de son débiteur et endosser le papier de Duthu ; 1500 fr. représentant les intérêts à 7 °/o l'an du montant des créances qu'il avait achetées;

Attendu que cette explication n'est pas invraisemblable ; qu'en effet dans le silence de l'expert il est à présumer que ces intérêts qui étaient lég-itimement dus à Umdestock n'étaient pas portés à son crédit et que, dès lors, il avait le droit de les percevoir d'une autre manière; qu'en tous cas, de même qu'il estimait justement faire supporter à Dutlm la charg·e d'un comptable supplémentaire, Umdestoclc pou­vait se faire allouer une mensualité en coutre-partie du temps perdu et des peines et soins qu'il prodig·uait, autant dans l'intérêt du relèvement de Dutlm que dans son propre intérêt de créancier ; .

Qne si cette mensualité pouvait témoig·ner de l'existence d'une collaboration, rien ne permettait de croire que cette collaboration existait à titre d'associé plutôt qu'à titre de conseiller ;

Que du reste, jamais Umdestock n'a participé aux bénéfices ni aux pertes; Que le fait qu'Umdestock n'apparaissait dans la maison Dutlm que deux fois par

mois et le plus souvent une seule fois, était hien de nature à faire naître chez les tiers les doutes les plus sérieux sur sa qualité prétendue d'associé ;

VII. Attendu que, si advenant la ruptul'e entt·e Dutlm et Umdestock, celui-ci s'est approprié certaines valeurs, ce g·este est tout autant celui d'un créancier qui veut se payer pal' préférence que celui d'un associé essayant de se tourner une part de l'actif;

Attendu qu'il résulte de 1ce qui précède que l'action de Dut hu et des intervenants est mal fondée ;

Le Tribunal, Ouï M.le jug·e commissaire en son rapport, statuant par défaut_contre LéonDuthu,

contradictoirement ·vis-à-vis des contestants et intervenants, dit l'action des contes­tants et des intervenants recevable mais mal fondée ;

Et pour fruit, dit et juge qu'Umdestock n'est pas un associé, mais un créancier de Duthu;

Dit et juge clu'Umde&tock doit être admis au passif de Duthu frères et de Léon

N° 3634

Page 97: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 185

Duthu : 1) pour_le montant des sommes qu'il a p-ayées à leur décharge ; 2) pour le montant des effets qu'il a payés comme donneur d'aval.

ARRÊT de la Cour d'appel de Bordeaux, du 4 janvier 19B7.

Attendu qu'en 1932, les frères Duthu associés dans l'exploitation d'un commerce de confection et lingerie en gros, se mirent en rapport en raison de la situation dif­ficile de leur entreprise, avec Umdestock ; que ce dernier essaya de la renflouer, mais en vain, et que le bilan fut déposé; qu'Umdestock demanda son admission au passif de Duthu frères pour les avances faites à leur décharg·e ; que cette demande fut contestée par certains créanciers, Umdestocl\ ayant agi non point comme prêteur, mais en qualité d'associé; que par jug·ement du 18 mai 1936, le Tribunal de com­merce a rejeté cette prétention et qu'appel a été interjeté ;

Attendu sans doute qu'une société de fait peut exister sans qu'auc.un contrat, écrit ou verbal, soit intervenu ; que l'immixtion dans la gestion d'une entreprise, l'apport d'un capital dans le but d'en tirer bénéfice, l'attitude de l'intervenant sous certaines apparences, peuvent être démonstratifs de la qualité d'associé de fait; que les actes incriminés et analysés par le jugement, intervention d'Umdestock auprès des four­nisseurs de la maison Duthu dans les ventes, les directives données par lui pour l'organisation comptable de la maison Duthu, son intervention avec ·Ies banques, l'appropriationd'un certain nombt'e d'effets de commerce peuvent donner des at'gu­ments sérieux à la prise de cette qualité;

Mais attendu que, quels qu'ils soient, ils emprunteraient leur sig11ification réelle au fait que l'élément essentiel à la constitution d'une société commerciale faisait défaut : la participation aux bénéfices ; que si bien il avait été q).lestion de créer une société anonyme entre Umdestock et les frères Duthu, cette idée fut abandonnée; qu'il restait qu'Umdestock avait simplement fourni s<;>n activité et sa compétence pour essayer de renflouer· la maison Duthu ;

Attendu que c'est sous ce rapport que s'expliquent les actes divers, analysés judi­cieusement par les premiers jug·es, d'un intervenant qui dirigeait pour le compte des frères D.uthu, mais avec des pouvoirs étrangers à ceux d'un associé ; qu'il était log·ique dès lors que, de toutes les sommes versées en l'acquit de cette entreprise ou des effets avalisés, il lui fût tenu compte ; .

Attendu sur l'appel incident que les créances d'Umdestock admises au pas~if chi­rogTaphaire porteront intérêt à dater de la demande en produçtion ;

Par ces motifs, La Cour, après avoir délibéré, jugeant en audience publique, confirme le jug·e­

ment dont appel ; dit que les créances porteront intét•êt à partir de la demande en production ; donne acte à Toulat ès qualités et à Duthu qu'ils se rapportent à jus­tice ; condamne les appelants à l'amende et aux dépens.

Observations. - Ce jugement et cet arrêt analysent avec concision mais finement les divers éléments d'une situation de fait complexe, née des circonstances, entre créancier et débiteurs et présentant les apparences d'une société de fait.

La société, nous l'avons souvent rappelé, est un contrat çonsensuel.

N° 3684

Page 98: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

186 JURISPRUDENCE

Il est, comme tout contrat, l'œuvre de la volonté des. pRrties. Pour qn' il y ait société, il fàut que les parties aient voulu se lfer par un nœud social. Volonté qui peut d'ailleurs être implicite de même qu'ex-

--~--pli(}ite-et-que,pat~GGnséq-ueil-t;:le.J-u.ge-pml-t.:..d~v:oit~i.n:dui-~e-des-actes-des-­

padies et des particular·ités de la cause, mais qui doit êtee constatée coiiune certaine.

Pour qu'il y ait société! il faut la réunion d!éléments essentiels : mise de choses en commun, en vue d'en retirer un profit à partager. Cette intention caractéristique du conteat de société, inspiratrice de sa conclusion et animatrice de son exécution, Re désigne couramment par> l'appellation d'affectio societatis.

Loesqu'H y a défaut d'un écr·it constatant l'intention des parties, lorsqu'elles sont en procès sur la natuee de cette intention, lorsque le juge en est réduit à cheecheP, dans les données objectives du dossier>, les bases de sa conviction et de son jugement, force lui est de rappor­ter chacune de ces données aux éléments essentiels, du contrat de s.ociété et de vérifier si elles en réalisent la définition.

La Coue de Boedeaux note avec eaison que la par·ticipation aux béné­fices est un des éléments essentiels, à la fois matériels et intentionnels, faute duquel, il ne saurait y avoir· société (C. civ., ad. 1832).

C'est évidemment à celui qui allègue l'existence d'une ·société, à en administrer la preuve.

Le contrat de société engage si fortement les volontés et les patri­moines des parties les unes envers les autr·es, qu'il ne doit pas se pré­sumer. Si les circonstances de la cause autorisent également une inter­pPétation qui comporte une moindr·e aliénation de li be l'té ·et de bien, elle doit être, en principe~ peéfél'ée. L'état de libeeté est, du reste, la noeme; l'é~at de cmivention, l'exception ; du moins dans notre droit individualiste de l'Europe occidentale.

L~immixtion d'un créancier dans les affaires de son débitent>, au -titr·e de l'intérêt qu'il a de lui voiP éviter la chute, et pour cela, de i'aider à soutenir ses affaires, aboutit certes à aCC\lSer entre eux une' cePtaine communauté qui réunit quelques-uns des traits apparents de la société. Mais le jugement et l 'at'l'êt montr·ent foet bien que cela ne suffit pas pour équivaloir à un contrat de société et sürtout ils expli­quent avec netteté les motifs de cette appréciation.

Quant à l'inexistence d'une clause réglant la participation des par­ties aux bénéfices, elle ne serait pas, à elle seule, décisive pour exclm'e l'hypothèse d'un contrat de société; car l'art.1853 du Code civil règle

N.0 8634

Page 99: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 187

·cette pal'ticipation, lorsque le' contrat reste muet à ce propos. Mais poue que cette disposition l~gale supplétive puisse s'appliqper, il faut d'abo1'd que le juge ait connu pae· ailleurs qu'il y a existen~e d!une convention de société.

Il serait sans pertinence d'invoquer cette disp.osition quand l'exjs­

tence d'une société est mise elle-même en l.itige.

~o 3635.- Tribunal de commerce de Liége (Référé).--:- 6 février 1937·: ~{M. 1\lassart, prés. ; - Groulard, référ. ; - Pl. : ~pres Herbiet cf de _Halleux.

(Wautriche cf Société Gescofi). Société anonyme.- Commissair·e. -Garantie de gestion non constituée.

-Démission légalement réputée.-Continuation des fonctions jusqu 'à remplacement.

'Lé comniissaire d'tuie société aiwnyme qni n'a pas opéré le dépôt de titres en garantie, conformément à l'al't. 57 des lois coordomiées sur les sociétés com1nerciales, a le droit de conf'inue1' à l'emplir ses fonctions~

Sa démission édictée par l'art. 59 ne devient définitive qu'au moment oü l'assemblée générale des actionnaires dont il est le mandataire aura pris acte de cette démission et aura poltl'vu an J'emplacement de ce commissaire.

Vn l'exploit de citation enregistré de l'huissier Potel en date du 2t janvier 1937 ; Attendu que l'action tend à faire condamner la défenderesse à recevoir à son sièg·e

social le demandeur assisté d'un expert en vue de procéder, en s_a qualité de com­Jnissaire, à la vérification des livres et comptes· de la défendere'sse et à mettre ses liv1:es, correspondances, procès-verbaux et écritures g·énéralement quelconques à la disposition du demandeur;

Attendu que la défenderesse oppose à cette action une fin de non recevoir tirée du fait que le demandeur ne s'est pas conformé au 1)l'escr~t de l'art. 57 des lois coor­données sur les sociétés commerciales qui oblig·e les administrateurs et commissaires de sociétés à déposer au sièg·e social' des actions en garantie de leur g·estion ; · Qu'en conséquence aux termes de l'art. 59 de la même cooJ.•dination H est réputé démissionnaire ;

Attendu qu'il appert des statuts de la société reçus par le notaire Bodson de Gri­vegnée le J8mai 1934 et publiés au << Monitgur » que le demandeur ~ été nommé commissaire de la société défenderesse le 18 mai 1934 pour les tro,is pren}ie'rs exerr cices; _ Qu'il n'a pas été révoqué de ses fonctions par l'assemlllée générale des actio1Ù1aires qui, seule, a qualité pour ce' faire ;

Qu'enfin à différentes reprises jusqu'au 3 juin 1936, la société défenderesse lui a reconnu le t~e de commissaire et l'a invité à en exercer .les fonctions;

Attendu que, le .6 janvier 1937, le demandeur ayant avisé par lettre recommandée la société défenderesse de ce qu'il se proposait de se, rendre au sièg·e social aux fins de vérification de.s écritures et d'exam-en des livres et_docume~lLs, il lui fut répoüdu le 12, qu'il' rie pouvait plus être considéré comme coimnis'sairè', faute d'avoir opéré

1!0 ~635

Page 100: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

188 JURISPRUDENCE

le dépôt de titres en g·arantie, conformément à l'art. 57 des lois coordonnées sur les · sociétés commerciales ;

Attendu qu'aux termes de l'art. n9 des dites lois, à défaut de dépôt de la garantie dans le mois de la constitution définitive de la société tout commissaire se1·a réputé

--démissionnaire-et-H-sera-pourvu-à-san-rem plaeemen t-par-l~assmnb 1 ée-généi·ale_;------c---Attendu qu'à supposer eX'lcte, bien que déniée, l'affirmation de la sociélé.défen­

deresse, encore l'absence de g·arantie n'entraînerait-elle ipso facto pour le demandeur qu'une présomption de. démission qui ne deviendrait définitive qu'au moment où l'assemblée des ac.tionnaires, dont le commissaire est le mandataire, aurait pris acte de cet état de démissionnait·e et aurait pouryu à son remplacement ;

Que jusqu'à ce moment le commissaire restera valablement en fonctions (cfr. BEL·

TJENS, Soc. comm., art. 4P, no 7 ; - E. DE!IIBOURG, Précis des sociétes anonymes, p. 94, no 79);

Attendu qu'il résulte de ces considérations que le demandeur est et restera cmn­missaire de la société défenderesse jusqu'à ce que l'assemblée g·énérale, constatant l'absence de dépot d'aclions en g·a1·antie lui donnera acte de son -élat de démission­naire et pourvoira à son remplacement; que jusqu'à ee moment, le demandeur a le droit, conforméinent à la loi et aux statuts, d'exercer sa mission de surveillance el de contrôle, en se faisant assister d'un expert agréé par la société défenderesse pour procéder à la vérification des livres et comptes ;

Par ces motifs, Nous, Alphonse Massart, président, statuant contradictoirement en référé, . tous

droits des pai'ties saufs et sans avoil· ég·ard à toutes conclusions contraires, condam­nons la défenderesse à recevoir à son sièg·e social, le demandeur accompagné d'un expert ag·réé par la société défenderesse en vue de procéder à la vérification de ses livres et comptes : la condamnons en outre à mettre ses livres, correspondances, procès-verbaux et toutes pièces g·énéralement quelconques à la disposition du deman­deur ; condamnons la défenderesse aux dépens.

Observations. - L'expression " sera réputé démissionnaire " dont la loi se ser~ pour définir la sanction du défaut de cautionnement, signi­fie que l'on 'devPa traiter le fait du défaut de cautionnement comme l'expression, par l'inté'ressé même, de ~a volonté irrévocable de d.émis­sionner. Il serait donc superflu de faire prononcer la sanction par 1' as­semblée g-énérale ou par les tribunaux : la sanction est acquise de plein droit par le simple écoulement du délai imparti pour le dépôt du cau­tionnement en titres.

Quelle est cependant la situation du commissaire (ou de l'admini­strateur) dont la démission est censée avoir été irrévocablement don­née?

Perd-il à l'instant sa_qualité de telle sorte que tout pouvoir lui serait enlevé et que tout acte fait désormais par lui serait nul?

Cette conséquence serait excessive. Un conimiss~ir~ (ou un administrateur) démissionnaire est dans la

N° 8635

Page 101: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 189

situation d'un mandataire nOn J'empJacé: il doit achever l'affaire C0m­mencée. Il garde donc, jusqu'a son remplacement par l'assemblée générale, qualité pour faire les actes de sa fonction et même il en a l'obligation. Cfr. B1·uxelles, 24juin 1913, Revue, 1914, p. 22;- Bru­xelles, 28janvier 1908, Remte, 1908, p. 211 ; - Bru~elles, 28 juil­let l901,Revue, 1901, n6 1258;- Bruxelles, 11 novembt'e 1911, Revue~ 19'13, no 2333, p. 233;- WAUWERMANS, Soc. an., ll0 347.

·No 3636. - Tribunal de commerce de Li ige. - 15 janvier 1937. Prés.: MM. Baar, juge;- Henry, référ.;- Pl.: Mtres P. Dessort cf Ziane, avocats.

(Jamagne cf Jeuris).

"Association commerciale. - Mineur, non habilité. - Acte civil.- Rati­fication après la majorité.- Compétence civile.

L~ mineur non lzabll'ité qui s'associe pour l'e.t:ploitation d'un commerce fait un acte civil et cet acte conserve ce ca1'actère même si le mineur le ratifie après sa majorité, ou fait alors des actes commerciaux avec son associé. ·

Le tribunal civil est seul compétent pour connaUre des contestations nées à l'occasion des obligations contractées par cet associé mineur.

Attendu que le demandem· s'était associé avec le défendeur par contrat, emegistré le 23 mars 1927, dans le but d'exploiter un atelier de construction métallique à Liége ; que la dissolution de celte association intervint peu après sa naissance ; que quelques années après s'être séparé de son associé le demandeur prétendant qu'il lui revenait du chef de la liquidation une certaine somme d'argent, assig·na celui-ci le t9 avriLl933 en paiement d'une·somme de 9709 fr. ;

Attendu que le défendeur comparut personnellement et ne s'opposa pas à la nomi­nation d'un arbitre rapporteur qui devait avoir pour mission d'établir les comptes d'entre p~rties, ainsi que le sollicitait le demandeur;

Qu'après dépot du rapport de l'expert, le demandeur a ramené l'affaire pour voir statuer définitivement sur la réclamation ;

Attendu. que le défendeur ne conclut pas au fond mais seulement sur la compé­tence; qu'il soutient que le Tribunal rte commerce est incompétent ratione materiœ pour connaître de la contestation, parce que, étant mineur au moment où il avait sig·né le contrat d'association et n'ayant pas été autorisé de faire le commerce ainsi que le prescrivent les articles 4 et suivants de la loi du H> décembre 1872, l'enga­g·ement qu'il a contracté est civil et la juridiction consulaire ne peut donc jug·er le litige ;

Attendu que cette exception étant d'ordre public peut être soulevée en tout état de cause et même pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'il est donc sans pertinence pour sa recevabilité qu'elle n'ait pas été présentée au début de la procédure;

Attendu que tout acte de commerce quelconque accompli par des mineurs non régulièrement autorisés à faire le c6mme.rce, ainsi que le veut la loi, n'est pas valable comme tel ; que ses effets doivent être déterminés exclusivement d'après les règles

N" 3636

Page 102: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

.JURISPRUDENCE

du droit éivili'elatives aux minéurs; que·ceux-ci, non ha'bilités à cette fin, ne peuvent donc pas exercer le commerce ni acquérir la qualité· de commerçant, même si en fait ils font un com.me·rce considérable; .

Attendu qu'ifs ne peuvent, en conséquencP., être attraits devant les tribunaux con­-srrt:Ii1'Er,la-jn·ésumption-d~l~t-2,--alinéa--dernler-du-i:-ode---üe_:_:eomnieree-ne-leur---

étant jamais applicable ; · Attendu que l'effet de ce principe légal perdure après que l'état de minorité a pris

fin et qu'ainsi le majeur ne peut pas être cité deVi;iilt le Tribunal de commerce, être mis en faillite ou déclaré banqueroutier à raison d'actes faits pendant sa minorité sans autorisation préalable et valable (BELTJENs, C. comm., t. 1, art. 4, nos 16, 24, 17 et 25 ; ---; NAMUR,. t. 1, 129, 130, -~30; - Comm. A!lVers, 19-12-1900,). T., 1901, 59·; ---'- J.À!IIAR, V0 Mineur, nô 13;- Brux., 29-12-1894, Pas., -1895, '3, 94 ;-Anvers, .23-11-1891, J. T., 1428;- Liége, 23-5·1891, Pas., ·1893, Il,, 362; - Cass:fr., 7-5-1922, J. J. P., t923, 374;- id. 6-8-1862, D. P. I., 375);

Attendu .qu~ le demandeur, tout en étant d'accord sm le principe ci-dessus rap· ·pelé estime cependant -que le Tribunal qu'il a saisi. du litig~e est compétent palice qu'aux termes de l'art. 1311 du Code civil le mineur qu_i a ratifié en majorité l'enga­gement qu'il a souscrit en minorité, n'est plus rec.evalile à revenir contre celui· ci, fùt-ilnul en la forme ou seulement _sujet à restitution;

Attendu que le défendem étant devenu majem; le 3 juin 1927, et ayant accompli postérieurement à cette date une série d'actes ayant trait tant à l'eX:écution du con­trat d'association qu'à la liquidation de celle-ci, le del11andeur prétend que son co-contractant n'est plus èn droit de faire état de l'incapacité dont il était frappé lors de la naissance de la société, car par l'accoinplissement de ces acles il a renoncé implicitement à la nullité dont il pouvait se prévaloir et la ratification rétroagissant cette nullité est censée n'avoir jamais existé et l'obligation doit produire effet depuis le jour où elle est née ;

AttPndu que la ratificatioli tacite que le défendeur a donnée indubitablement après ·sa majorité ne peut ùroduh·e les effets juridiques dont le demandeur se prévaut au point de vue de la question de décider si lê Tribunal de commerce est ou non com­pétent;

Attendu, en effet, que pour déterminer la nàturè d'un acle semblable, il faut se placer au moment où il a été accmnpli, les événements ultérieurs devànt rester sans influence à cet éga!·d; que c'est -alors que se fixe la compétence, qui ne peut plus changer nonobstant la transformation survenue dans l'état et la capacité du miÎ1eur';

Attendu que l'on doit se rappeler qu'une dis tin clion existe entre la nullité relative et la nullité absolue et radicale qui peut affecter-tm acte (LAURENT, t. XVIII, 561) et

·que rentre dans cette dernière catégorie, celle qui vicie l'acte fait parle défendeur; puisque n'étant pas habilité, il ne pouvait s'engager valablement dans les .liens'd'un contrat d'association et imprimer à celui-ci le caractère commercial;

Attendu que cet acte étant. radicalement ·nul en. lanf .qu'acte de commerce, aucune ratification ne saurait· faire disparaître cette nullité et attribuer à un acte une quaii­fication que la loi lui rèfuse catéàoriquement ·e·t qu'il-n'a jamais eue;

Attendu que la confirmation n'a pu avoir pour effet que de valider une oblig·ation civile qui était'lmlle, mais que celle-ci restéi·a toujours· un acte civil sans qu'aueune ratification ne puisse jamais en faire chang·er le caractère (Liége; 24-3-1902, J. L., t32;- Comm. Bi·ux,; 20-12-1909, Pas., 1909, III, 339;- id., 28-7-1905, J. Comm.

N°3636

Page 103: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JtJRISPRUDENCÊ ·_ 19~[

Brux., 1905, 4-15; ...-:.id., 29.-7-1890, Pas., 1891, II, 25; -..:P. B., vo Mineur d'àge no 291 ; - BIOT, Tl'aité théo1'ique et pl'atique dtt dJ'oit comm., t. I, art. 6) ;

Que si l'acte qui està la base même de l'engagement du défendeur est civil, tous les actes f~its par celui-ci et qui en seront la conséquence, la suite normale ou l'accessoire, revêtiront le même caractère ; qu'il importe donc peu que le défendeur, après sà majorité, ait encore accompli des actes en qualité d'associé du demandeur ou relatifs à la liquidation de l'association, ceux-ci ne pouvant prendre une Iiature différente de celle que possédait l'acte juridique qui est à la base même des oblig·a­tions réciproques des parties ;

Attendu que le défendeur n'ayant donc pu faire d'acte de commerce faute d'habi­litation, i1exception d'incompétence proposée par Jui est fondée ;

Par ces motifs, Le Tribunal, sans avoir égard à toutes conclusions éontraires, se déclare incom­

}Jétent 1·atione mate1'iœ pour connaître du litig·e ; Renvoie les parties à se pourvoir comme ge droit; Condamùe le demandimr à tous les dépens.

Observations. - Les règles de la capacité du min~ur sont d'ordre public. Les exceptions qui en sont tirées peuvent donc être soulevées ~n tout état de cause et même pour la première fois devant la Cour de cassation. L~ mineur ne peut pas faire valablement le commel'Ce puisqu'il ne

peut contracter (o. civ., art.ll24).Il ne peut, par conséquent, acquérir la qua tl té de commerçant. Le mineur émancipé, âg{ de 18 ans accom­plis, peut obtenir la faculté de faire le commerce (art. 487, C. civ.) en accompli.ssant les foemalités prescrites par les ad. 4 et ss. de la loi du 15 décembre 1872.

Que si le mineur fait néanmoins des actes de commerce en dehors des conditions del 'habilitation légale, ces actes sont radicalement nuls comme actes de commerce : ce sont des actes civils.

Ainsi gue le décide à juste titre le jugement reproduit ci-dessus, la ratification donnée à ces actes civils par le mineur devenu majeur a pour e_ft'et de les rendre valides en tant qu'actes civils, mais est impuis­sante à leur conférer, après coup, un caractère commercial qu'ils n'ont pas eu dès l'origine : civils, par motif d'ordre public, au moment où ils furent ~accomplis, ils ne pourront jamais être autre chose que civils et c'est aussi à ce même moment de leur origine qu'il faut se placer pour déterminer la compétence de la juridiction appelée à en connaître.

Page 104: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

192 JURISPRUDENCE

No 3637. - Tribunal de commerce de Bruges. - 26 septembre 1935 et

Cour d'appel de Gand (26 ch.). '-- 4 janvier 1937. ---MM-;olouret,--prés.--j------V~n~b(?k@-(?t-V:an-Winckel,_cons._;-=-LBsaffre, · a v oc. g:ill!._;-=-:___

Plaid. : MLres Van Ackere (Courtrai) cf Bernolet {Brug-es), Vande Casteele (loco Dècossaux) et Ronse.

(Banque de Cou1'tmi et de la Flandre Occidentale cf Bernolet q.q., Baeckelandt et Cotonn·ière des Flandres).

Société en nom collectif.- Faillite de la société.- I. Faillite dës asso­ciés solidaires.- Nécessité d'une déclaration spéciale de faillite.

II. Report de la cessation de paiements.- Limites. III. Qualité de commerçant des associés.- Persistance pendant les opé­

rations de la faillite de la société.

1. Si la faillite des sociétés en nom collectif entraîne celle des associés, ceux-ci, .cepen­dant, se trouvent seulement en état de faillite décla1'ée lorsqu'ils sont mentionnés expres­sément et nominativement dans le jugement : en cas d'omission de cette mention, lem· faillite virtuelle ne peut avoir aucun effet juridique, dans le domaine civil, aussi long­temps qu'elle n'a pas été déclarée et organisée par ·ztne décision judiciaire spéciale.

II. La cessation des paiements de l'associé déclaré failli ne peut être légalement re­portée à plus de six mois ; elle ne peut être reportée à la date de la déclaration de faU­lite de la société, si .celle-ci est anté1'ieure de plus de six mois à la déclaration de faillite de l'associé.

III. La société gardant son ca1'actère commercial après sa déclaration en faillite, ses associés, qui sont commerçants comme tels, gardent cette qualité pendant les opérations de la faillite.

JUGEMENT

du Tribunal de commerce de Brug·es du 26 septembre -193!) (MM. Huys, juge; Van den Bussche, référ. assumé) (Traduction) (1).

Attendu qu'il a été décidé par arrêt de la Cour d'appel de Gand, le 13 juillet 1935, que la société Baeckelandt frères est une société en nom collectif, dans laquelle Julien Baeckelandt était également associé solidairement responsable; que le Tri­bunal de commerce de Brug·es est, partan't, compétent pour statuer sur la demande en déclaration de faillite de Julien Bayckelandt;

Attendu que la partie intervenante «Banque de Comtrai » objecte que Julien Baer.kelandt n'est plus commerçant depuis plus de six mois et ne peut, parlant, plus aujourd'hui être déclaré en faillite, ou, tout au moins, que le demandeur devrait établir,. non qu'il était commerçant à la date de l'assignation, mais qu'ill' est aujour­d'hui ou qu'il l'a été depuis moins de six mois ;

Attendu que le demandeur et la partie intervenante « Cotonnière des Flandres » répondent à cela en conclusions que ce différend doit être vidé dans l'état où il se trouvait au jour de son introduction et non au jour d1,1 jug·ement; que jug·er autre­ment serait permettre à toute personne assignée en déclaration de faillite d'échapper à la faillite moyennant de soulever des procédures incidentes et d'interjeter appel

(J) Nous empruntons ces traductions à la Jurisprudence commerciale des Fland1'es, 1937,n°!J68f,p.7. ,

Page 105: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRùDE)NCË 193

contre des jug·ements interlocutoires ; que, de plus, .l'assigné est de plein droit en faillite par le seul fait de la déclaration en faillite de la société en nom collectif dans laquelle il était associé solidairement responsable, et <JU'il ne reste maintenant au Tl'ilmnal <ru' à org·aniset' la faillite;

Attendu que le Tribunal de commerce de Bruges a, le 17 juillet '1933, déclat•é en faillite la société Baeckelandt frères ; ·

Attendu que la déclaration en faillite d'une société en nom collectif entraîne de plein droit la faillite des associés solidairement responsahles, sans qu'à leur égard un jug·ement spécial soit nécessaire ;

Attendu que cela résulte clairement, en effet, de la COillbinaison des art. 15 et 17 de la loi du 18 mai 1873 sur les Hociétés co.mmerciales, 440, 470, al. 3, 530 et 586 de la loi du 1R avril1851 sur les faillites;

Qv'ainsi s'explique seulement que la loi requiert que l'aveu de la cessation des paiewents con tienne le nom et le domicile de chacun des associés solidairement responsables et que cet aveu soit fait au gTeffe du tribunal dans le ressort duquel la société a son sièg·e ;

·Que la loi, ordonne, d'ailleurs, que les scellés soient placés, non seulement sur les biens de la société, mais au domicile de tous les associés solidairement responsables;

Que la loi dit expressément que les créanciers peuvent aecorder le concordat à certains associés et exclure, en même temps, d'autt·es de cette faveur; qu'il est même · prévu par l'art. 586, al. 2, dans quels cas les associés peuvent être réhabilités, ce qui, en tout cas, ne devait pas être déterminé si ceux-ci n'étaient pas considérés en même temps comme faillis ;

Attendu qu'à cela il est vainement objecté qu'une pat'eille faillite ne serait pas notoire, selon les vœux de la loi sur les J'ailiites _; qu'en effet, la loi exige quand même la déclaration de tous les associés solidairement res11onsables ;

Qu'il ne peut davantage être objecté que cela ferait naître un état de faillite de fait alors que la loi belg·e sur les faillites connaît seulement un état de faillite judiciaire­ment pt;ononcé ; que le jugement qui prononce la faillite de la société implique, par la nature même du lien solidaire et par la volonté du législateur, la déclaration de faillite des associés ;

Par ces motifs, Le Tribunal. .. dit pour droit lJUe le défendeur Julien Baeckelandt est en faillite

depuis le ·17 juillet 1933, date de la déclaration en faillite de la société Baeckelandt frères ;

Fixe la date de la cessation de ses 11aiements au 17janvier '1933; Désigne M. Jean Bernolet, avocat à Bruges, comme curateur, et M. Arthur Huys

comme juge-commissaire à la faillite ... ARRÊT

de la Cour d'appel de Gand du 4 janvier l93ï (Traduction) . . . . Attendu que l'appelante formule comme griefs : 1 o Que le premier juge a statué ultra petita; 2° Que Julien Baeckelandt avait, au jour du jug·ement dont appel, perdu depuis

plus de six mois la qualité de commerçant et ne vouvait, partant, plus être déclaré en faillite ;

En ce qui concerne le premier grief : Attendu que le vremier juge, auquel fut renvoyé lâ demande en déclaration de

N°3637

13

Page 106: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

194 JURISPRUDENCE

faillite de Julien Baeckelandt, pouvait assurément, dans l'instruction de eette de­mande et en vue de la décision à rendre, vérifier la portée des jug-ements rendus antérieurement en la cause ; ·

Attendu qu'il n'est pas question ici d'interprétation de ces ju~rements, qui n'était pas sollicitée, ni de décision sur des difficultés au sujet de leur exécution, qui n'a­vaient pas surg-i :

Attendu, d'ailleurs, que la déclaration de faillite ne requiert 11as de termes sacra­mentels; que, quelles que soient les raisons par lesquelles s'est laissé g·uider le premier jug·e ou les erreurs, réparées ci-après, qu'il a commises dans la fixation des modalités de la faillite en question, le dispositif· du jug·ement dont appel dispose expressément que Julien Baeckelandt est en état de faillite et organise cette faillite, comme demandé ~

. En èe qui concerne le second grief : Attendu que la loi ne connaît pas de faillites occultes ; que le délai dans lequel la

faillite prononcée peut rétroagir a été déterminé de façon précise par le lég-islateur; Attendu que, si la faillite des sociétés en nom collectif ent1·aîne celle des associés,

ceux-ci, cependant, se trouvent seulement en état de faillite déclarée lorsqu'ils sont mentionnés expressément et nominativement dans le jug-rmeut; qu'en cas d'omission de cette mention, la faillite virtuellement existante ne peut avoir aucun effet juridique dans le domaine civil aussi longtemps qu'elle n'a pas· été déclarée et organisée par une décision judiciaire spéciale ;

Attendu que cette manière de voir doit d'autant plus être admise lorsqu'il s'agit, comme dans le cas actuel, d'une société de fait, dont les associés ne sont donc pas légalement connus et même n'ont pas nécessairemen:t traité avec les tiers ; ·

Attendu que la déclaration de faillite de Julien Baeckelandt n'étant p1·ononcée que le 26 septembre l935, l'époque de cessation de ses paiements ne peut être fixée léga­lement qu'au 26 mars 1935 (loi sur les faillites, art. 442, 3°), quoiqu'en fait, d'après les éléments de la cause, elle remonte beaucoup plus loin;

Attendu, toutefois, que l'appelante allèg·ue sans fondemeilt itue Julien Baeckelandt n'était plus comnierçant à cette époque ;

Attendu, d'abord, que, là où la déclaration de faillite de l'associé est uniquPmeilt demandée sur le fondement du rapport, mutuel entre cPt associé et la société sous raison sociale en fail.lite, il suffit à cet ég·ard de la preuve ·de l'existence légale, non contestée en l'espèce, de la faillite de la société et de la qualité, ici ég·alPment déjà établie, d'associé dans le chef de l'assigné;

Attendu, d'autre part, que la qualité de commerçant de Julien Baeckelandt résulte de sa qualité d'associé de la firme Baeckelandt frères ; que cette société n'a pas cessé d'exister à la suite de sa déclaration en faillite ; que l'intem·upliün temporaire et forcée de l'activité de cette société ne fait pas cesser les obligations commerciales des asso­ciés; qu'aussi pen que la société elle-même perd son caractère commercial pendant les opérations de la faillite, aussi peu les associés perdent leur qualité de commer­çant pendant cette période ;.

Attendu qu'il résulte de ces considérations que Julien Baeckelandt pouvait en tous cas être déclaré en faillite le 26 septembre -J 935 ;

Par ces motifs, La Cour, ... ouï en son avis M. l'avocat général Lesaffl·e, .. reçoit l'appel, le déclare

fondé et met en conséquence, le jug·ement dont appel à néant pour autant que le

Page 107: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 195

premier juge a déclaré la faillite de Julien Baeckelandt ouverte depuis le 17 juillet '1933 et a fixé l'époque de la cessation de ses paiements au 17 janvier 1933;

Emendant sur ses points, dit pour droit que le commencement de la dite faillite coincide avec la date du jugement dont appel, lequel a prononcé cette faillite; · Fixe, en conséquence, l'époque de la cessation des paiements de Julien Baecke­landt au 26 mars !935 ;

Confirme pour le surplus Ja décision entreprise ; Dit que, pour autant que de besoin, de nouvelles dates seront fixées par le Tribunal

de commerce compétent, à la requête du curateur, pour les opérations de la faillite ; Ordonne que le présent arrêt soit, aux dilig·ences du curateur, publié de la manière

prévue par l'art. 472 de la loi du 18 avril ·1851 et dans les journaux désig-nés par le ju~rement dont appel ;

Condamne l'appelante à la moitié des dépens de l'instance et Me Be1•nolet en sa qualité de curateur de la faillite de Julien Baeckelandt à l'autre moitié.

Observations. - M. E. VREBOS fait, dans la Jurisprudence commer­ciale des l?landres, 1937, p. 11, les observations ci-après auxquelles nous nous rallions : " I. Nous estimons, écrit M. VREBOS, que la solu­tion de l'arrêt ci-dessus est exacte et que le jugement du rrribunal de' commerce de Bruges a été justement réformé. La thèse, d'après laquelle les associés solidaires (en nom ou commandités) sont en faillite ipso facto et de plein droit par'l'effet du jugement déclaratif de la faillite de la société, a été mise à néant par Victor D'HoNDT en une

. étude très documentée publiée dans la Jwr. comm. Fl., 1890, 2e p., pp. 6 et ss. et 1'eproduite dans la Rev. 2wat. soc., 1890, no 80,_ p. 37,

. et dans laquelle l'auteur, réfutant l'opinion de certains auteurs et de quelques décisionsjudi.cjaires, a démontré que la faillite des associés ne peut résulte!' que d'un jugement distinct ou, tout au moins, d'une dis­position spéciale du jugement déclaratif de faillite. de la société. V. aussi les observations de V. D'HoNDT sous Rev. prat. soc., 1890, no 102. La Cour de Gand avait ·déjà statué en co sens par arrêt du 28 juillet 1898, ce rec. 1898, no 2008, p. 376, et Rev. p1·at. soc., 1899, no 950. Sont aussi en sens conforme : Ci v. Bruxelles, 7 novembre 1894, Rev. pr. soc., 1894, no 552; Comm. Gand, 16 fév. 1899, ce rec, 1899, 11° 2072, p. 142; HUl\ŒLET, E'ctillite, nos 39 et 299; FRÉDERICQ, Dr. comm. b., t. III, no 1680.- V., en sens contraire, les décisions citées dans Comm. Gapd, 16 février 1899, pr·écité, et aussi Civ. Bruxelles, 30 octohre 1895, Pas., 1896-3-8, et Rev. prat. soc., 1896, 11° 667. Cette solution contraire est aussi enseig·née par BRUNET, Faillite et Banqueroute, 11° 118, qui se fonde sm' un arrêt de Cass. b., 9 octobre 1913, Pas., 1913-l-424 : nous croyons que le sommaire de cet arrêt dans la Pasicris'ie (reproduit par les Codes de SERVAIS et MECHELYNCK.

Page 108: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

196 J URISPRUD~NCtt

éd. 1Y36, p. 566, sous l'art. 440 ,de la loi sm· la faillite) est tr·ompetll' et que cet ar·eêt n'a nullement la poetée qui lui est atti·ibuée ; même la Ile1J.prat. 'soc., 1913~ no 2351, l'inteeprète dans le sens de l'opiuion défendue pat' v. D'HONDT; v. aussi FRÉDRRICQ, op. cit., no 1685 i. f.

" II. Cf. Cass., 9 octobre 1913, précité, et FRÉDERICQ, U0 1685 "

Nons croyons devoir ajouter, quant à nous, le~ observations ci-après :

III. Le Tribunal de Beuges et la Uoue d! appel de Gand per·sjsteut dans la j urispruden~e ordinaire des cou es et tr·ibunaux belges~ que nous avons néanmoins persévét·amment comb~ttne, selon laquelle les asso­ciés solidaires d'une société de personnes conservent, comme elles, leur qualité de commerçant même après la dissolution de In société,­jusqu'à la clôture de sa liquidation. Cfr. Comm. Gand, 26 8ept. 19:J6, Revue, 1937, no 3615 et les références.'

Nous ne reviendrons pas sur les arguments qüe nous avons tant de fois, mais en vain, opposés à cette doctrine, selon Ilous, juPidiquement erronée et qui conduit à faiee de la qualité de commerçant une tunique de Nessus, presque inamissible pour quiconque a eu une fois qualité · d'associé solidaire en nom ou commandité.

Mais r_.ous soulignerons, dans l'espèce jugée ci-déssus, l'une des con--séquences redoutables, quoique pariaiteÎ.n_ent logique~, du système jnris­pt•udentiel dont elle s'inspire : c'.est que l'associé s-olidaire de la société mise en liquidation ou en faillite est exposé à se voir lui-même déclaré en faillite aussi longtemps que la clôture de la liqui-dation ou de la fail­lite n'a pas été clôturée. Càr ni la mise en liqnid~tion, ni la faillite ne font disparaîtr·e l'être moral de la société. Or, le s:rstémejurispruden­tiel que nous combattons attache la qualité de commerçant au fait que la qualité d,ass()cié solidaire entraîne la responsabiWé ou caution soli­~aire continue des engagements de la société, 1·esponsabilité ou caution qui, s'appliquant à des engagements commercün1x et pour· l'ë.lison de société, a un caractère commercial. L'associé solidaire est donc cem-é ne point cesser de fa~re acte habituel. de cQmmerce aussi longtemps qtle subsiste ·cet état de responsabilité ou de caution sOlidaire vis-à-vis de la société et cet état même de responsabilité ou de caution solid~1Î1 e persiste aussi longtemps qu'il y a des engagements sociaux pour en être l'objet, c'est-à-dire jusqu'à la clôture de la liquidation ou de la faillite.

La majeure du l'aisonnement. est contestable, mais l'enchaînement des déductions qu'on en tire est dialectiquement irréprochable.

Nous rendt·ons même aux tribunaux qui restent adeptes du système,

Page 109: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRtTDENCE 197

le seevice de leue signaler que la logique de ces mêmes rn~émisses doit les conduire implacablement beaucoup plus loin encore.

Cat' si c'est la peesistance J'engagements commerciaux a soumettre à la eesponsahilité ou caution solidaire des associés indéfiniment respon­sables qui est la eaison d'êtt·e de la persistance de leur qualité de com­me.eçant, il faut se donner· de garde que la clôture même de la liquida­tion (voiee Je la faillite) n'y met point fin. Les actions contt·e les sociétés se peescPivent dans le mênl.e temps· que contre les pal'ticuliers (lois cooed. al't. 193). Les tiees peuvent encore agir contre les liquidateurs en cette qualité pendant cinq ans après la publication de la clôture de la liqui•hition (lois coot·d., art. 194). Pendant ces délais; la respon­sabilité ou caution solidaiee des ex-associés subsiste donc- selon la théot·ie; - Hs Holit toujours commerçants, et par conséquent, toujours passibles de déclaeation de faillite.

Signalons encoee l' admieable gàcllis judiciaire auquel le même système peut conduire, -toujoues sans s'écartel' de la ligne de la logique.

La société poUI'J'ait encm•e" êtl'e d~clarée en faillite, donc aussi ses associés sollda.iees, pendant toute la durée de la peescription de ses enga­gements. N'y feeq.it pas obstacle la publication de la clôtm·e, mal à pt·o­pos prononcée, de sa liquidation, pour autant que des tiers in téi·fssés fet•aien t annuler oh eêvoquer· cette clôture.

Cependant toutes actioas contee les-associés à partir de la publica­tion soit de letll' retraite de la société, soit d'un acte de dissolution de la société, ou .à partir de son terme contractuel, sotltJwescrites par cinq ans (loi coord. art. 194).

De telle soete que, libérés par cette prescription quinquennale du péeil de toute action persomielle en exercice de leur responsabilité ou caution solidaire; les associés, restés néanmoins commerçants en vertu de lem· obligation légale de responsabilité ou cle caution solidaire des obligations non pt·esct·ites d'une société commerciale, seraient ·toujours passibles de déclal'ation personnelle de faillite ; car la déclaration de faillite n'a pas le cat~actère d'une condamnation mais d'une constatation de fait : 1 'état de cessation de paiement et d'ébranlement du crédit.

Ou bien, si l'on n'ose aller jusqu'a ces conséquences extrêmes, ini­ques autant que logiques, au moins ne pourra-t-on échapper à con­eluee de la combinaison du systènie avec celui des peescriptions qu~n­

. quennales et des règles sm' la déclaration de faillite, que tout au moins pendant cinq ans plus six mois après· la publication de la clôture de la liquidation, la société et ses associés solidaires restent passibles de la

Page 110: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

198 JURISPRUDENCE

faillite. Ce qui revient à dire que l'associé set~a. encôre passible de dé­claration de faillite en qualité d'ex-associé solidaire commerçant, pen­dant six mois après qu'auront été prescrites toutes'actions personnelles col'ltre lui du chef des obligations issues de cette qualité.

Enfin. supposé le cas d'une liquidation se prolongeant plus de cinq ans après la publication soit'de la ret1·aite de l'associé, soit de l'acte de dissolution de la société ou après le terù:u3 contractuel de la société.

La société est censée subsister pour les besoins de sa liquidation ; ses associés solidaires gardent, selon le système, la qualité de commer­çant et restent donc, comme il vient d'êb'e dit, passibles, de ce cbef, de déclaration de faillite jusqu'à la clôture de la liquidation, même s'ils n'ont plus fait par ailleur·s aucun acte de commerce depuis lem· retraite, ou depuis la dissol~Ition de la société, ou depuis l'expiration .de son terme contractuel. Ils pourront clone être déclarés en faillite pendant tout ce temps, à raison de leur qualité cl~ex-associés restés en état de responsabilité ou garantie solidaire; et ce, alors même que la société resterait, quant à elle, in bonis ..

Nous pourrions, sans doute, étendre encOI'e le champ d'application des déductions " logiques " dt~ système. Nous préférons nous en tenir là, en persistant à attendre, malgré tout, des tribunaux mieux éclairés, un retour au simple hon sens juridique. Ce n'est pas de l'obligation légale de garantir solidaÎI'ement les engagements sociaux éventuels que naît et s'enteetient la qualité de commerçant ; c'est de la réalisa­ti0n ou de l 'actuation de cette obligation générale de garantie, par le fait des engagements concrets que contracte la société. Chaque eng·agement contracté par la société engendre l'application automa­tique de la garantie de la paet de l'associé, et constitue de sa part un acte de commerce. Quand la société cesse de conclure des engage­ments, l'obligation virtuelle de g·arantie légale ne s'actualise plus : l'associé cesse corrélativemm:t de faire son acte professionnel de commerce. Ses garanties con tractées continuent de le grever certes, mais comme un commm'çant qui cesse de faire le commerce reste grevé .de ses engagements non acquittés. Tl n'y a ~one plus dès lors d'acte de commerce de la part de l'associé, parce qu'il n'y en a plus de la part de la société ; il cesse de faire ~wofession de la gat'antie parce .que la société, cessant de faire des actes nouveaux de commerce,· n'a plus ·à être nouvellement garantie. Dès lors commence à courir, pottr l'associé, le délai des six mois de marge légale pour la déclara­tion de faillite : délai qui, par contre, ne court pas au bénéfice de la

N' 3637

Page 111: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 199

société; car elle a, de par sa nature même, la qualité inaliénable de société commerciale et qu'elle est légalement censée subsister pour les besoins de sa liquidation.

-N°- 3638. - Cour d~appel de _Gand (2e ch.). - 5 avril 193!_._ :MM. Jouret, prés. ; - Heyvaert et Van Winckel, cons. ; - Lesaffre, avoc. gén. ; -

Plaid. : l\ILres F. Dauwe cf Ronse, avocats. (Sinwens et Vanden Bossche cf le curateur itleur faillite).

Société en nom collectif irrégulière.- 1. Déclaration de faillite des seuls associés. - Appel. - Faillite de la société. - Compétence de la Cour.

IL Qualité de commerçant des associés : persistance pendant la liquida­tion de la société.

1. Lorsqu'appel est interjeté d'un jugement qui. a déclaré d'office en faillite les mem­bres d'une société en nom collectif irrég1tlière sans déclarer en même temps en faillite cette société etre-même, la Cour n'est pas saisie, par l'effet dévolutif de l'appel, de la question de~la faillite de la société et elle ne peut agir d'office.

Il. Les membres d'une société en nom collectif irrégulière sont, comme tels, commer­çant et gal'lfent cette qualité pendant la dw·ée de la liquidation de la société.

(Appel du jug·ement rendu par le Tribunal de commerce de Gand, le 26 septem­bre 1936: Revue, 1937, no 3615).

ARRÈT (T1·aduction). Quant ù la procédure :-Attendu que les tribunaux de commerce n'ont pas çle vacances ; que si, durant la

période des vacances des cours et tribunaux, une réglementation spéciale des ~u­diences avec alternance des chambres est établie au sein des tribunau-x de commerce, cela concerne uniquement le service d'ordre intérieur; que toutes les ehambres con­servent néanmoins leur pleine juridiction ;

Attendu, d'autre part, que le droit de déclarer un commerçant en faillite d'oftlce et sans audition préalable est fondé sur la disposition expresse de l'article 442, 1°, de la loi sur la faillite ; que les droits de la défense sont en même temps pleinement sauvegardés par la faculté, accordée aux intéressés i)ar l'article 473 de la même loi, de former opposition contre le ju~rement ;

Quant à l'exception de nullité du chef de motivation insuffisante de ·la décision atta­quée:

Attendu·qu'il résulte du jug·ement dont appel que tous les motifs invoqués par les faillis et qui ont rapport au litige ont été examinés ; que le premier jug·e n'était as­surément pas tenu de suivre les opposants dans toutes leurs considérations acces­soires relativ~ment à des questions dont la solution ne pouvait influencer la décision à prendre en la cause ; ·

Au fond: Attendu qu'effectivement, comme les appelants le font observer, seuls les deux

associés Simoens et Van den Bossche ont ·été déclarés en faillite ; Attendu que, si la faillite d'une société en nom collectif entraîne en réalité la

Page 112: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

200 JURISPRUDENCE

faillite des associés, par coutre, la faillite des associés n'implique pas par elle­même la faillite de la société ;

Attendu, dès lors, que, lorsque la faillite de la société n'a pas été demandée de­vant le premier jug·e et que, soit par simple omission, soit pour des motifs que la Cour n'a pas à apprécier, te tribunal compétent n'a jusqu'ores pas prononcé aussi d'office cette faillite, la Cour n'est pas saisie de cette question par l'effet dévolutif de l'appel et elle ne peut pas non plus agir d'office à cet égard;

Attendu, toutefois, que si la faillite de la société Simoens et Van den Bosselle n'a pas été prononcée en même temps que celle des associés, l'existence mf>me de cette firme ne peut pas sérieusement être mise en doute ;

Attendu, en effet, que Simoens et Van den Bosselle font le commerce depuis des années, continûment, en commun et sous une raison sociale; que la nullité résul­tant de l'absence d'un acte régulièrement publié ne peut être opposée par les asso­ciés aux tiers et n'empêche pas entretemps que la société qui a existé en fait pos­sède une personnalité juridique propre ;

Attendu que la qualité de commerçant dans le chef des appelants résulte déjà uni­quement de la qualité d'associés solidairement responsables de la société commer­ciale dont question, quelle que soit la part effective prise par chacun d'eux dans la gestion de cette société ;

Attendu que la société Simoens et Van den Bosselle n'a été mise en liquidation que le 19 mars 1936, soit moins de six mois ayant la déclaration de faillite des as­sociés ; qu'au surplus, la société continue à subsister avec son caractèl'e commercial propre pendant la durée de la liquidation, non encore cloturée en l'espèce, et que, partant, les associés sont encore toujours solidairement responsables et, en consé­quence, ont aussi conservé. leur qualité de commerçants ;

Attendu, d'autre part, llU'en l'espèce, la cessation de paiement et l'ébranlement de crédit des appelants sont prouvés à suffisance de droit, et par la vente par voie parée de leur établissement industriel, le 6 avril 1936, et par la proposilion de paiement partiel, par acomptes, faite à leurs créanciers le 12 juillet t 936 ; que des autres éléments de la cause, et notamment des poursuites de la Banque de la Sociéré générale de Belgique, intentées dès l'année 1935, il résulte que cette cessation de paiement et cet ébranlement de crédit remontent au moins à six mois avant la dé­claration de faillite ;

Atteildu que les appelants invoquent vainement que leur actif dépasserait leur passif; .que, si- même la preuve de cette affirmation était rapportée, quod non, cela serait sans influence sur le fondement des faillites déclarées ; qu'en effet, la faillite est fondée légalement, non sur l'insolvabilité, mais uniquement sur la cessation de paiement et l'ébranlement du crédit ;

Attendu qu'à ce dernier point de vue les appelants font état, sans plus de fonde­ment, du crédit qui leur aurait été accordé, au début de l'année 1936, par le« Fonds temporaire de crédit à la bourg·eoisie >J ; qu'il saute aux yeux que l'obtention, sous la g·arantie d'un gag·e immobilier, d'un prêt principalement destiné à éteindre une dette hypothécaire antérieure, ne prouve pas <JUe le crédit commercial des appelants, qui seul doit être considéré ici, était resté intact;

Par ces motifs, La Gour ... , de l'avis conforme de M. l'avocat général Lesaifre, reçoit l'appel, le

N° 3638

Page 113: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

JURISPRUDENCE 201

déclare non fondé, en déboute; en conséquence, confirme le jugement dont appel; condamne les appelants aux dépens de l'instance.

Observations.- I. La faillite des associés d'une société de personnes ·peut-elle être déclarée sans que Îa faillite de la société le soit? Un arrêt de la Cour d'appel de Beuxelles du 26 décembre 1930 (Revue 1931, no 3100), l'a décidé par le motif que l'article 164 des lois coor­données sur les sociétés commerciales~ selon lequel aucun jugement à raison d'engagements .de la société, portantcondamnation personnelle des associés· ~olidaire~ (nom collectif ou commandités) ne péut être rendu avant qu'il y ait condamnation contre la so?i~té~ déroge au régime de droit commun des cautions solidaires et est, par conséquent, de stricte interprétation. Cela étant, il n'est pas applicable à une poursuite en déclaration de faillite, puisque celle-ci ne comporte pas "condamnation" à clnrge du failli, mais simplement constatation d'un fait en son chef: à savoir son état de. cessation de paiement et d'ébran­lement de son crédit. Cet article ne fait donc pas obstacle à ce que la faillite d'un associé, à raison de sa garantie solidaire de dettes sociales soit déclarée avant celle de la société.

Cette question est pondant controversée : la Revue des f'aillites, 1930, p. 461, a publié l'avis contraire de lVI. FavocatgénéralHuwART; voir aussi le Répertoire pratique de BRUNET, vo, Faillite et Banque­route, n° 53; et l'étude de M. J. VALENTIN, Revue des Faillites, 1931, p. 85.'

II. Sur la controverse concernant la persistance de la qualité de commerçant des associés d'une société commerciale eeconnue, voir nos observations sur l'arrêt de la Coue de Gand du 4 janvier 1937 et les références.

On constatera dans l'arrêt reproduit ci-dessus que la Cour de Gand, poussant logiquement plus avant dans le sens du système que nous ne

. cesserons de combattre, en étend les conclusions à présent aux asso­ciés des sociétés irrégulièrement formées.

Cela ne fait qu'aggraver la confusion des notions juridiques. Car il est à noter que les sociétés irrégulièrement formées n'ont, au regard de la loi belge, aucune personnalité : leur subsistance éventuelle à l'instaJ~ d'un être moral n'est que la résultante d'un artifice de procé­duee institué pout' la protection des tiers' et qui consiste à leur rendre la nullité de la société inopposable (art. 4, lois coordonnées et art. 11). Il est donc inexact, en dt'oit, de dire que la société nulle faute d•écrit possède une personnalité juridique propre; qu'elle con-

N• 3638

Page 114: JURISPRL!DENCE - bib.kuleuven.be · Société anonyme.-Serment litisdécisoire.-Délation à un administra teur n'ayant pas le pouvoir de transiger.-Non-recevabilité. N'est pas recevable

202 JURISPRUDENCE

tinue a subsister avec son cat·actèee cotiimee~ial pt·opre pendant la durée de la liquidation et que, par suite, les associés, étant encore tm~jours solidairement eesponsables, ont aussi conservé leur qualité de commerçants ..

La vérité juridique, en cas de société nulle faute ·d~écrit, est qu'il existe un contrat de société commet•ciale pleinement valable entre padies, nul an regat·d des tiers qui toutefois peuvent s~en prévaloir sans que l'on puisse le leur opposei'.

1

Mais la loi n'attache pas a ce contrat la pet·sonnalité juridique: au contraiee, elle la lui eefuse expeessément.

Les associés entre eux et les tiers sout seulement autol'isés par elle a faire jonei', s'il lem· plaît, ce conteat à leur· profit comme si la nul­lité qui l'affecte n'existait pas.

Que si les tiees, maîtres du sort du contt·at, le font jouer (par exemple en rwovoquaut la faillite de la société), il s'enst~ivra de Ill que les associés se verront traités à l'instar d'associés légalement teuus de la garantie solidaire et indéfinie des engagements sociaux : donc profes­sion nettement commeeçants de ce chef, et pal' conséquent, passibles de déclaration de faillite, à raison de cette qualité.

:Mais supposé que les tiers ne fassent pas état du conü·at, qu'ils en acceptent la nullité, voire eu pPovoquent la constatatim; judjciaire : en ce cas, que devient la pr·ét:endue peesonnalité pPopre de la société?

Que devient l'obligation légale de gat·antie solidairo quin'estii11posée par la loi qu'aux associés des sociétés en nom collectif régulières, reconnus? ...

En réalité, on est alors en présence d'un conteat particulier de société compol'tant des actes commerciaux accomplis conjointement, ce qui a pour effet! selon le dr·oit commun, d'engendrer la solidarité légale ordinaire ou la responsabilité in sollclum dn chef du quasi délit. commeecial consistant à avoir revêtu faussement les apparences d\me société commerciale régulièt·e.

Et s'il en est ainsi et qu'il soit mis fin à cette activité commet·ciale, d'où pourra-t-on tieor la soi-disant persistance jusqu'à clôture de liqui­dation, d'une entitéjuridique qui n'ajamais eu d'être personnel légal?

Ou la persistance d'une qualité de commerçant attacha ble seulement à une solidarité dont, par hypothèse~ la matièee vient à manquer à partir de la cessation du commerce co:Jjoint? ...

Ces remarques suffisent pour permettre d'apercevoü· la feagilité an moins partielle de la conception énoncée dans 1' arrêt.