Kadath Chroniques Des Civilisations Disparues - 007

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    COMITE DE REDACTION : ivan verheyden, rdacteur en chef patrick ferryn, secrtaire de rdaction jean-claude berck, robert dehon, jacques gossart, jacques victoor AVEC LA COLLABORATION DE : jacques bury, raymond camby, jacques keyearts, pierre mraux, josiane mission, nicole torchet, christiane piens (documentaliste) ECHANGES AVEC LES REVUES : archaeoastronomy (john b. carlson, maryland) bres (j.p. klautz et a. gabrielli, amsterdam) nouvelle cole (alain de benoist, paris) MAQUETTE DE GERARD DEUQUET

    Au sommaire historique de laffaire de glozel, Nicole Torchet . . . . . . . . petit lexique de prhistoire . . . . . . . . . . . . . . comment peut-on tre glozlien ?, Jacques Gossart . . . . . . dans les archives de lhumanit, Patrick Ferryn . . . . . . . glozel, lheure de larchoastronomie ?, Jacques Gossart . . . . le casse-tte glozlien . . . . . . . . . . . . . . . visite glozel, 7 pour ou contre, 38 bibliographie, 43.

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    Cest tre un ternel enfant que dignorer ce qui sest pass avant nous

    Cicron

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    A la recherche

    De kadath

    En mars 1974 paraissait la premire dition de ce numro spcial de KADATH (n 7) consacr Glozel. Rsultat de nos premires recherches, tant dans la nombreuse littrature existante qu Glozel mme, ce numro tait dj plus quune simple synthse de cette affaire de Glozel , dont les spcialistes ne parlaient plus gure que pour illustrer quelque docte tude sur les mystifications en archologie. Glozel : uvre du faussaire Emile Fradin ; voil quoi se rsumaient les connaissances de ceux que nous interrogions, spcialistes des sciences officielles ou rudits de tous bords. Mais la question cent fois pose : Avez-vous visit le muse de Glozel ? , la rponse tait presque toujours ngative. On ne visite pas un canular, sous peine de perdre son temps et sa rputation, et ces Messieurs les Officiels avaient, bien longtemps auparavant, dcrt que Glozel tait un canular. Et pourtant, lpoque, il apparaissait trs rapidement et de manire incontestable celui qui voulait bien se pencher objectivement sur le problme, que Glozel tait authentique. Sceptiques avant denta-mer notre tude, nous tions devenus des partisans de Iauthenticit de Glozel des glozliens , comme on dit linstant de rdiger le numro. Et cest donc en glozliens que nous avions prsen-t nos lecteurs lincroyable histoire du site bourbonnais et de son inventeur, Emile Fradin. Mais nous ntions heureusement pas seuls sur laffaire : une quipe de physiciens danois, cossais et franais finissait de dater des fragments de poteries glozliennes par une mthode toute rcente : la thermolu-minescence. Et bientt, les rsultats des datations furent publis, mettant fin 50 ans de calomnies lgard dEmile Fradin.

    Est-ce dire que toute polmique disparut alors Glozel ? Certes non ! Ce serait trop beau, et il faut encore, lheure prsente, compter avec une science qui sait se montrer particulirement rancunire lorsquon la drange. Car Glozel drange toujours, en 1981, et presque autant quen 1924.

    Voici donc, remis jour et augment des rsultats des travaux les plus rcents, le dossier complet dune affaire qui, si elle a fait couler beaucoup dencre, na encore t quexceptionnellement aborde avec objectivit. Voyez le couple merveilleux reproduit ici : cest lHomo Glozeliensis, dont le regard serein nous vient des premiers ges de notre pass. Ces hommes et ces femmes nous ont laiss un message que, peut-tre, notre science russira dchiffrer un jour. Et peut-tre apprendrons-nous alors que lHistoire commence Glozel

    KADATH.

  • Le passe present

    Vous ntes pas connu, votre publication ne se vendra pas. Mettez mon nom la place de celui de Fradin .

    Louis Capitan au Dr. Morlet. 1er mars 1924, Glozel. Emile Fradin, g de pres-que 17 ans, et son grand-pre, labourent le champ Duranthon rest jusqualors en pacage, lorsquun des bufs de lattelage senfonce brus-quement. Emile dgage lanimal laide dune pioche et dcouvre une cavit dont les parois sont garnies de briques embotes les unes dans les autres. Le jeune homme fouille autour de cette cavit et dcouvre des fragments de pote-ries et une tablette recouverte de signes incon-nus. Les jours suivants, ce sont des briques com-portant des empreintes de mains, une petite ha-che, deux galets ayant des caractres linaires. Le pre Fradin fait part de la dcouverte linsti-tutrice du village qui en fait rapport son inspec-teur dacadmie ; la nouvelle se propage et cest par le Bulletin de la Socit dEmulation du Bour-bonnais (janv.-fvr. 1925) que le Docteur Morlet apprend cette dcouverte. Vichyssois, ce mde-cin passionn darchologie visite le gisement le 26 avril 1925 et pense dj quil ne sagit pas dobjets gallo-romains ainsi quil fut assur aux propritaires. II propose ces derniers de louer le champ selon un contrat synallagmatique com-portant que tous les objets trouvs appartien-draient aux Fradin, mais que le Docteur aurait seul les droits scientifiques de reproduction et de publication. Les fouilles commencent le 24 mai 1925 et les trouvailles sont dimportance. Un matre en prhistoire, le Dr. Capitan, se rend la mme anne Glozel et dclare Morlet : Vous avez l un gisement merveilleux, faites-moi un rapport dtaill que je communiquerai la Commission des Monuments Historiques ; mais notre mdecin dcide de publier seul son mmoi-re sous le titre : Nouvelle Station Nolithique , en le signant des noms de Morlet et Fradin.

    Furieux de cette publication quil na pas patron-ne, Capitan manifeste son mcontentement puis tente de sapproprier le gisement et enfin rcuse lauthenticit, faute de ne pouvoir se met-tre en valeur par lintermdiaire du site. Larcho-logue rpand donc le bruit que Fradin a fabriqu de ses mains les galets, les tablettes, les vases de terre cuite. Cette thse de supercherie est bien accueillie dans la plupart des milieux sa-vants, car la dcouverte de Glozel nest pas en accord avec les dogmes tablis de la science officielle et oblige rviser nos connaissances en

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    HISTORIQUE DE LAFFAIRE DE GLOZEL

    Le Docteur Morlet et Emile Fradin au Champ des Morts.

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    prhistoire. En juin 1926, le Directeur des Beaux-Arts propose denvoyer une dlgation Glozel ; Morlet accepte condition que Capitan en soit exclu. Ds lors, le projet est abandonn. Pour-tant, deux annes de fouilles ont permis dexhu-mer des richesses que cite M. Tricot-Royer, ma-tre de confrences lUniversit de Louvain. Le gisement a recl quelques ossements humains dont la fossilisation apparat indniable au pro-fesseur portugais Mendes-Correa qui les a analy-ss. Cette fossilisation se trouve mme plus ac-centue que celle prsente par des ossements de lre palolithique. Lensemble se constitue de deux mille objets varis dcrits par Morlet dans une srie de fascicules signs de son nom et de celui de Fradin. Le rsultat est sensationnel mais la cabale fomente par Capitan ne permet pas le classement du site. La Guerre des briques est dclare. Aprs le refus des Beaux-Arts, Morlet fait appel de nombreux savants ; les uns arrivent scepti-ques mais sans a priori malveillant et repartent enthousiastes, les autres condamnent Glozel systmatiquement, jugeant le dplacement inutile pour la simple raison que cette dcouverte dtruit leurs propres thories, dautres enfin viennent voir sur place, se dclarent convaincus puis re-nieront plus tard lorsque leur intrt personnel se trouvera mis en jeu. Lopportunisme est de bon aloi ! M. Van Gennep, ancien professeur dethno-graphie lUniversit de Neuchtel, est le pre-mier se rendre linvitation de Morlet. Son compte rendu paru dans le Mercure de France du 1er juillet 1926 verse aussitt dans la polmi-que : II y a mieux faire que de discuter avec ceux qui ne veulent pas admettre les faits, ou que de faire le jeu de ceux qui veulent accaparer leur profit les trouvailles dautrui . Salomon Reinach, membre de lInstitut, Conservateur du Muse de Saint-Germain-en-Laye, arrive scepti-que au Champ des Morts , les fouilles quil pratique durant deux jours vont le convaincre de lauthenticit. Puis succdent MM. Esprandieu, membre de lInstitut, Conservateur du Muse de Nmes, Leite de Vasconcellos, Conservateur du Muse dEthnographie de Lisbonne, Mosnier, archologue Vichy, Depret, palontologue lyonnais, membre de lInstitut, Viennot, agrg de gologie. Chacun choisit en terrain vierge lem-placement quil dsire explorer. Salomon Rei-nach conclut : Jaffirme sans hsitation, ne pou-vant rcuser le tmoignage de mes yeux et lvi-dence des dcouvertes faites en ma prsence, que tous ces objets, si extraordinaires quils pa-raissent, sont authentiques, non retouchs, de mme provenance . Esprandieu : Quant lcriture, il fallut bien que quelquun comment en avoir lide. Est-il vraiment obligatoire quelle soit dorigine phnicienne ? Pourquoi ne pas ad-mettre que des hommes assez dvelopps intel-lectuellement, assez artistes pour tracer les gra-

    vures magdalniennes et glozliennes, auraient eu lide de rendre avec des signes les modula-tions de la parole ? . A la fin de 1926, aprs maintes sollicitations de Morlet, labb Breuil, archologue illustre, se dcide enfin se rendre Glozel, accompagn du professeur Loth et d-clare : Cest bien du nolithique, mais il sagit dune colonie orientale . Puis, trois jours plus tard, lorsquil prend cong de son hte : Je vous remercie, vous mavez convaincu . Les chercheurs continuent affluer et Glozel reoit en 1927 la visite de MM. Mallat, membre correspondant des antiquaires de France, le Doc-teur Mchin, passionn de prhistoire, Labadie, le professeur Loth et Esprandieu une seconde fois, Auguste Audollent, pigraphiste, Doyen de la Facult des Lettres de Clermont-Ferrand, membre de lInstitut. Deux tombes sont mises au jour. Chaque journe de fouilles est consigne dans un rapport rdig par les savants qui reti-rent de nombreux objets. Ces rapports sont una-nimes quant lauthenticit, lanciennet prhis-torique et la contemporanit de toutes les d-couvertes. Ils portent la signature de nombreux autres savants tels que Depret, Bjorn, Conser-vateur du Muse Prhistorique de lUniversit dOslo, Peyrony, Conservateur du Muse des Eyzies... Et puis, cest la volte-face de labb Breuil qui dcrte que la gravure de renne figu-rant sur un des galets est vraisemblablement un cerf laphe incorrect ; or, le Muse Zoologique de Bergen, qui Morlet avait soumis cette gravu-re, dclare quil sagit bien dun renne marchant, ce qui est fort ennuyeux, car lexistence du renne en France la priode nolithique est en contra-diction avec la thse mise par Breuil et gnra-lement reconnue. Labb dcide donc de ne plus sintresser Glozel... Quant Peyrony, le Conservateur du Muse des Eyzies, Glozel ne lui semble pas en mesure de rivaliser avec son mu-se, aussi crit-il, magnanime, Morlet : Votre dcouverte forme un tout fort intressant, et mon humble avis, authentique . Mais lorsquil y revient deux mois plus tard, le muse ne dsem-plit pas, or celui des Eyzies voit ses recettes bais-ser de jour en jour et Peyrony de confier la grand-mre Fradin : Vous en avez du monde, vous ! . Quelque temps aprs, il dclarera M. Mosnier, dlgu rgional des Monuments Histo-riques : Je leur coulerai leur Glozel ! . Camille Jullian de lAcadmie franaise ne se rend mme pas Glozel, ce qui ne lempche pas dchafau-der la thse selon laquelle la fosse ovalaire est un ancien logis de sorcire dont les poupes denvotement, les formules magiques et les figures monstrueuses datent de lpoque des empereurs romains. Et lauteur de cette thse dclare : Une inscription est faite pour tre lue, donc interprte. Je lai traduite. Prouvez que je me trompe ! .

  • En septembre 1927, le Congrs de lInstitut Inter-national dAnthropologie dcide quune Commis-sion Internationale soit mise mme dexaminer impartialement tous les lments quelle jugera ncessaires pour arriver un rsultat . Et le Congrs prcise quil faut davance exclure qui-conque aurait dj pris parti pour ou contre Glozel. Malheureusement, les choses se droulent de telle faon que deux dtracteurs de la premire heure remplissent la mission de dresser la liste des membres de la Commission : Bgouen et Capitan, secrtaires de IOffice Central de lInstitut dAnthropologie, qui dsignent donc Miss Garrod, Hamal-Nandrin, labb Favret, Peyrony, Pittard, Bosch-Gimpera, Forrer. Cette Commission insti-tue demande que les fouilles se fassent huis-clos , sans la presse ni les propritaire et locatai-re ; mais Morlet obtient que cela se passe en pr-sence de tmoins. Au cours de ces journes, on dcouvre successivement un poinon en bois de cervid, une tte de renne grave sur un galet, souligne dune inscription de six lettres glozlien-nes, une pendeloque en bois de cervid avec rai-nure de suspension. A la fin de chaque journe, on saupoudre de pltre les deux fronts de taille. Le troisime jour, le groupe arrive sur le chantier, Miss Garrod sloigne de ses commensaux et court vers lun des fronts de taille. Morlet la suit subrepticement et tout coup, la voit pratiquer un trou avec son doigt dans le but de faire croire que pendant la nuit un imposteur est venu placer un objet. Morlet la dnonce sans mnagement, elle finit par avouer son dessein.

    Cet acte rvle la partialit de cette Commission qui se devait dtre intgre. Si le vu de fouiller en dehors de toute personne trangre la Com-mission avait t ralis, Glozel et t naufrag sans appel par le rapport truqu que ladite Com-mission prvoyait dtablir avant mme son arri-ve Glozel. Ce rapport mit dailleurs deux mois

    avant dtre dpos afin que les tmoins aient le temps doublier. Et Salomon Reinach de constater que si la Commission na pas bien travaill pen-dant deux mois, on a bien travaill la Commis-sion . Ce rapport fut dfavorable et se terminait ainsi : A lunanimit, la Commission conclut la non-anciennet des objets quon lui a soumis . La comdie de la Commission est peine finie que les acteurs eux-mmes prouvent la faiblesse de leur jeu. Ils cherchent sabriter derrire le rapport quils font signer un ouvrier-mouleur du muse de Saint-Germain-en-Laye dont ils tentent de faire un savant pour la circonstance : M. Cham-pion, qui publie donc Observations techniques sur les trouvailles de Glozel . Devant tant de cy-nisme, les savants qui avaient explor le Champ des Morts auparavant, se constituent en Comit dEtudes afin de lever toute suspicion sur le gise-ment. Ils sont au nombre de douze : Dr. Arcelin, Prsident de lAssociation de Prhistoire et de Palontologie humaine de Lyon, Audollent, le Dr. Bayet, professeur lUniversit de Bruxelles, De-pret, Doyen de la Facult des Sciences de Lyon, Dr. Foat, pigraphiste, J. Loth, professeur au Col-lge de France, membre de lInstitut, W. Loth, ingnieur physicien, S. Reinach, Roman, profes-seur de gologie, Soderman, docteur s-sciences, Tricot-Royer, Van Gennep, Les dcouvertes sont aussi importantes que celles mises au jour par la Commission Internationale, mais cette fois-ci le verdict est quelque peu diffrent : Les membres du Comit dEtudes, aprs avoir assist trois journes de fouilles Glozel, et vu sortir du sol, dans des conditions de sret incontestables, des objets importants, analogues ceux des collec-tions Morlet et Fradin, se dclarent formellement convaincus que les trouvailles faites dans le champ dit des Duranthon se rapportent nettement au dbut de lge nolithique, sans mlange dob-jets postrieurs . Le Comit dEtudes fait prati-quer des analyses, ce que la Commission Interna-tionale navait pas jug utile de faire. La controverse pigraphique relative aux tablettes graves est dirige par M. Ren Dussaud, mem-bre de lAcadmie des Inscriptions et Belles-Lettres, qualifi en matire dantiquit phnicien-ne, bard de titres et de suffisance, et qui prcis-ment en 1924, lanne des premires trouvailles, avait lu lAcadmie des Inscriptions un mmoire soutenant la thse selon laquelle les Phniciens ont cr de toutes pices un systme de signes dans lequel chaque lettre se distingue premire vue de toutes les autres . La dcouverte de Glo-zel, survenant au dbut de la mme anne, infli-geait cette thse un cinglant dmenti. Dautre part, Salomon Reinach, son rival en pigraphie, dclare que lcriture, loin de venir des Phni-ciens, avait eu son point de dpart en Occident, aux ges nolithiques. Dpit, M. Dussaud nhsi-te pas mettre sa plume acadmique au rancart

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    Miss Garrod ( droite), dnonce par le Dr. Morlet.

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    pour prendre celle, acre, du polmiste et par-ler de plaisanterie, de farce et de mystificateurs et de faussaires lendroit de Morlet et de Fradin. Mais le mauvais sort sacharne sur M. Dussaud, car on dcouvre Alva (Portugal) une criture semblable celle de Glozel ainsi que dans la grot-te de Puyravel quelques kilomtres du Champ des Morts. II devient difficile de prtendre que Fradin est all enfouir sa marchandise au Portu-gal. Pourtant, Dussaud affirme que Glozel, Alva, Puyravel sont luvre dun imposteur, dou sans doute domniprsence ! Flaubert net pas man-qu de dire : Cest hnaurme ! Dussaud poursuit son travail de sape; il envoie une lettre anonyme un critique scientifique afin de lui faire abandonner la dfense de Glozel, puis ne pouvant arrter la plainte en diffamation dpo-se par Fradin contre lui, il fait entrer dans la dan-se la Socit Prhistorique de France qui dpose plainte Moulins contre X, pour un droit dentre de 4 F rclam lun de ses membres pour visiter le muse. Aussitt, une perquisition est faite au muse de Glozel le 25 fvrier 1928. Le commis-saire de police charg de cette mission et ses acolytes agissent ce jour-l en excuteurs des basses uvres de la conjuration anti-glozlienne, qui sans souci de civilit, traitent ces paysans comme des malfaiteurs et les tiennent lcart de leurs agissements. Deux caisses sont remplies dobjets ple-mle, quelques-uns sont mme en-dommags. Une caisse est transporte au Par-quet de Moulins, lautre est confie pour analyse M. Bayle, chef du service de lIdentit Judiciaire. Ce dploiement de forces est d au fait que les Fradin ont demand deux jours auparavant que le Parquet du Tribunal fasse procder une experti-se dans le cadre de la plainte en diffamation quils ont dpose contre Dussaud au dbut de 1928. II fallait tout prix empcher cette expertise qui se serait droule en prsence de tous les intresss avec les prcautions requises et qui aurait tabli lauthenticit, de telle manire quensuite aucune discussion net t possible. Comment expliquer quune perquisition soit faite afin dempcher lex-pertise loyale que les Fradin demandaient pour dfendre leur cause ? Mais simplement parce qu la tte du Parquet de Moulins se trouve M. Viple, Procureur de la Rpublique, anti-glozlien militant. Un de plus ! Ainsi, la justice franaise elle-mme fait bon march des droits de ses justiciables ! Tandis que le procs en diffamation men Paris est suspendu, Moulins entame celui intent par la Socit Prhistorique de France Fradin. La France entire suit laffaire et les chansonniers et journalistes font gorge chaude des procds em-ploys. Les chotiers chantent : A Moulins, Moulins, on va vite. A Moulins, Moulins, on va fort ! Les publications satiriques pleuvent : Code de la fouille lusage des parlementaires qui auraient intervenir dans laffaire de Glozel .

    M. Bayle, chef de lIdentit Judiciaire, directeur dun laboratoire de criminologie, est donc charg dexaminer les objets prlevs lors de la perquisi-tion ; ce nest que quatorze mois aprs celle-ci, en mai 1929, quil dpose son pesant rapport, en effet 150 pages dactylographies, 50 planches photographiques. Ce rapport conclut la non-authenticit du gisement selon une argumenta-tion... de la plus haute fantaisie dont tous les points ont t repris et rfuts avec force par le Dr. Morlet. Linstruction nest pas termine, le Tri-bunal de Moulins se trouve dessaisi de laffaire au grand dam du Procureur Viple. Le Tribunal de Cusset, dont le Procureur de la Rpublique ne sest jamais ml la controverse (quelle chan-ce !) prend la relve et rend un non-lieu le 25 juin 1931. Matre Maurice Garon, avocat de la Soci-t Prhistorique, annonce que sa cliente ira en appel, mais le 30 juillet de la mme anne, la Cour de Riom confirme le non-lieu et condamne la So-cit Prhistorique un franc provisionnel de dommages et intrts et aux dpens. Quant Dussaud, pestant et maugrant, il doit enfin com-paratre devant le Tribunal de la Seine, aprs avoir puis toutes les manuvres dilatoires et retard plus de quatre ans cette comparution. II est condamn pour diffamation calomnieuse un franc provisionnel de dommages et intrts et aux dpens qui comprennent, ironie du sort, les frais somptuaires des expertises de lIdentit Judiciaire. La Justice a beau marcher pede claudo, un jour vient o elle confond la calomnie . Ainsi que Morlet en a formul le vu dans son testament, le calme est revenu au Champ des Morts. Plus aucune fouille na t pratique aprs cette polmique dcennale afin que disparaisse le ct passionnel de cette affaire. Ce nest quen 1972 que des analyses par thermoluminescence furent effectues linitiative de MM. Hugh Mc

    Le Champs des Morts lheure actuelle.

  • Kerrell (National Museum of Antiquities of Sco-tland), Vagn Mejdhal (Danish Atomic Energy Com-mission of Ris), Henri Franois et Guy Portal (Centre dEtudes Nuclaires de Fontenay-aux-Roses). Les rsultats furent publis par la revue Antiquity en dcembre 1974 et attestent de mani-re irrfragable de lauthenticit du site. Seul le clapotis du Vareille murmure son tmoi-gnage imperturbable de toutes les heures et le promeneur se prend penser, comme Paul Val-ry : Nous autres civilisations, nous savons main-tenant que nous sommes mortelles. Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, dempires couls pic, avec tous leurs hommes et tous leurs engins, descendus au fond inexplorable des sicles, avec leurs dieux et leurs lois... Nous apercevions, travers lpaisseur de lHistoire, les fantmes dimmenses navires qui furent chargs de richesse et desprit. Mais ces naufrages, aprs tout, ntaient pas notre affaire. Elam, Ninive, Ba-bylone, taient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de significa-tion pour nous que leur existence mme. Mais France, Angleterre, Russie, ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom Et nous voyons maintenant que labme de lHis-toire est assez grand pour tout le monde .

    NICOLE TORCHET

    Juillet 1973... Limage retransmise par le tlviseur tait trouble, lclairage trop direct effaait par en-droits la prise de vue dun homme portant un grand chapeau circulaire au bord rabattu. Le son, couvert par le bruit de voix, lentrechoquement de vaisselles et un juke-box reproduisant, plutt mal que bien, la rengaine la mode, ne permettait quune compr-hension malaise de ce qui se disait lORTF, sta-tion rgionale du Massif Central. Et pourtant, je dressai loreille et fronai les sourcils, piant le visage rond furtivement capt. Je me levai et mapprochai de lcran : ctait bien Emile Fradin, le conservateur du Muse de Glozel, interview par la tlvision officielle ! Ctait lui que je devais voir le lendemain matin ; il y a de ces concidences heureuses dignes de Charles Fort... Evidemment, javais perdu les trois quarts de lentretien ; quelques vues dobjets du Muse furent encore prsentes et lon passa un crime crapu-leux. Anticipativement, jtais trs heureux de pouvoir apprendre Fradin quil tait enfin pass . Le lendemain, je quittai Clermont-Ferrand pour Glo-zel. Jallais dcouvrir dans quelque 75 km il y a des dtours pittoresques une de ces tranches dhistoire, insignifiante premire vue, mais plus riche en rebondissements et en grignotages dongles que le calendrier original de Marilyn Monroe. Et pourtant, celui qui espre ressentir le frisson dli-cieux du safari pour touristes se trompe lourdement. En effet, ds que vous empruntez le petit chemin encaiss indiqu par une flche signalisatrice Muse de Glozel , vous pntrez dans un site trange, imprgn dune atmosphre dconcertante. Pour le profane, rien ne ressemble plus une entre-prise rurale quune autre grosse ferme avec ses d-pendances, ses granges, ses cultures et ses prairies. Seul le relief imprime son originalit : chez les Fradin, celui-ci est gaiement vallonn et des bosquets dar-bres donnent une perspective spatiale remplie de charme champtre. Ds la voiture gare, Emile Fradin petite taille, droit comme un i, les manches retrousses, le che-veu clairsem et argent apparat dans lencadre-ment de la porte : indcis, affichant cette mfiance bon-enfant de lhomme de la terre vis--vis du fichu citadin que je suis. KADATH, je vous avais crit... Ah ! Oui, les Belges de Bruxelles vous avez dj mang ?... Le Muse nest pas ouvert. A deux heures... Installez-vous lombre, je vais chercher une couverture pour votre femme. Et cest ainsi que jai attendu, plong dans la dcou-verte des poules et des lapins, louverture du plus trange muse quil mait t loisible de parcourir. Imaginez une pice de gure plus de 25 m2, claire par deux fentres opposes, et encombre de larges

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    En octobre 1978 a t fonde, Vichy, lAsso-ciation pour la Sauvegarde et la Protection des Collections de Glozel (ASPCG). Place sous la prsidence de Monsieur le Procureur Gnral Antonin Besson, cette association but non lucratif a pour objet dassurer la protection juridi-que des collections, leur sauvegarde matrielle et leur conservation, permettre ventuellement ltude, dans des conditions scientifiques satis-faisantes, de tout ou partie dentre elles, et enfin, provoquer une rouverture des fouilles. Les lec-teurs dsireux dobtenir de plus amples informa-tions au sujet de cette association peuvent crire ladresse suivante: Muse de Glozel, Ferri-res-sur-Sichon, 03250 Le Mayet-de-Montagne.

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    armoires vitres disposes la fois contre les murs aveugles et au milieu de la place. La premire im-pression est la vtust du matriel dexposition, mais je dois rappeler que Fradin a tout fait lui-mme : rcuprer les armoires et les tables vitres, amnager, srier et tiqueter les trsors archologi-ques. Disant trsors, je crois sincrement que je nexagre pas. GIozeI, mal connu du public par ses tablettes dargile cuite, graves de cette tonnante criture, est aussi une mine dobjets prhistoriques trouvs in situ : galets gravs de dessins, os faonns, colliers, poteries, urnes. Et galement, de magnifiques sta-tuettes ronde-bosse reprsentant des animaux, o lart du sculpteur jaillit de par le ralisme avec lequel il travailla. Aussi ces surprenants bustes, un garon barbu, trs srieux, et une jeune fille au sourire mo-queur qui dtonne absolument avec ce que lon voit habituellement dans un muse prhistorique. Ces merveilles sont surveilles par lil daigle de Fra-din. Et maintenant, je comprends mieux la tche laquelle cet homme sattaqua. Je saisis mieux le courage tranquille et la dtermination ttue qui transparat sur le visage burin. Sur les vitres, des photos jaunies, des coupures de journaux, des lettres racornies par les annes mar-quent les tapes du combat pour la vrit. Et si, de temps en temps, un coup de plumeau ne ferait pas de mal, nen veuillez pas au conservateur, son m-tier ne lui laisse pas beaucoup de loisir et malgr lquipement moderne, le travail de la terre reste ardu. Entre-temps, plusieurs visiteurs sont arrivs, afin de se rendre compte de ce quils avaient vu la veille la tl. Les discussions allant bon train, chaque fois, je remarquai leur tonnement. Nombre dentre eux

    taient des villes avoisinantes, mais il est noter que lintrt pour Glozel augmente : des curieux, amateurs ou professionnels, sont dj venus de tous les coins dEurope et aucun nest reparti du Au contraire. Tout cela se termina devant un verre bien sympathi-que dans la salle manger, en compagnie de mem-bres de la famille. Et si certains pontifes mal lchs disent que le Champ des Morts de Glozel nest quu-ne lgende, je rappellerai que ce mot, venant du bas latin lgenda , signifie chose devant tre lue . Merci toi, Emile Fradin.

    ROBERT DEHON

  • On a coutume de diviser la prhistoire en trois grandes priodes : le palolithique, ou ge an-cien de la pierre, ou encore ge de la pierre tail-le; le msolithique, ou ge moyen de la pierre ; enfin, le nolithique, ge nouveau de la pierre, ou ge de la pierre polie. Ces subdivisions nont rien darbitraire, et correspondent, ainsi que nous le verrons par la suite, des modes de vie bien diffrents. Le palolithique. Toute cette immense priode est caractrise par le travail du silex taill, la toute premire des in-dustries humaines. Et dterminer le moment exact o lhomme a taill la premire pierre est chose fort difficile. En effet, il est vident que les essais initiaux furent trs timides, ces silex n-tant que lgrement retouchs. Ds lors, dans les gisements trs anciens, silex naturels et artifi-ciels se ressemblent souvent, et les prhistoriens sen trouvent bien embarrasss. On est cepen-dant daccord un accord qui est presque ca-duc, car il se dveloppe actuellement une contro-verse entre palontologues et biologistes qui risque de prendre dnormes proportions dans les prochaines annes pour admettre que les premires industries lithiques du palolithique infrieur (le plus ancien) correspondent, grosso modo, au dbut du Plistocne, soit plus ou moins deux millions dannes avant J.-C. (Cest au cours du Plistocne quapparaissent quatre grandes glaciations qui vont, non seulement mar-quer profondment le relief, mais encore avoir une influence norme sur la vie de lhomme ; ces glaciations ont pour nom Gnz, Mindel, Riss et Wrm). Mais quoi lhomme qui faonna les pre-miers silex pouvait-il ressembler ? Pour rpondre cette question, il nous faut parler qui let cru ? de la thorie de lvolution. Nous sommes tous plus ou moins convaincus, depuis Darwin et sa thorie, que lhomme des-cend du singe. Cest en partie inexact. Car sil est vrai que le singe et lhomme sont parents, il nen reste pas moins que celui-ci nest pas le descen-dant direct de celui-l. Autrement dit, et en simpli-fiant les choses, hommes et singes, issus dune souche commune, peuvent tre considrs com-

    me cousins. Mais encore faut-il savoir partir de quel moment notre lointain anctre a acquis, sans discussion possible, le statut dhomme. Deux critres peuvent tre retenus. Lun, carac-tre intellectuel, se base sur le dveloppement de lintelligence, qui permet la fabrication doutils et darmes. Lautre, se basant sur les particulari-ts physiques, tient compte de la capacit cr-nienne plus importante de Ihomme, de la confor-mation et de la disposition des dents et, surtout, met laccent sur la station bipde qui, en librant la par main, permet la fabrication des outils. Ajou-tons, pour tre tout tait complets, quune tho-rie toute rcente tente de dmontrer que notre aeul sest distingu du singe partir du moment o il est devenu monogame. Il est vident que la transformation du singe en homme ne sest pas faite subitement. Des stades intermdiaires sont apparus, ont suivi leur volution propre, et se sont teints sans descendance. Parmi eux, les Australopithciens. Dun aspect physique tort comparable celui des singes, lAustralopith-que, de taille rduite (1,50 m), possde des arca-des sourcilires trs marques, un front fuyant, un menton inexistant. II sagit pourtant bien dun hominien, puisquil est bipde et fabrique des outils rudimentaires appels choppers . Le Pithcanthrope reprsente un assez net progrs dans le domaine de lvolution physique : le front apparat nettement, la capacit crnienne aug-mente (1.000 cm3, alors que celle de lAustralopi-thque nest que de 600 cm3). Quant lindustrie lithique, elle est dj plus labore. Ce rsum ne serait pas complet si nous ne par-lions pas du trs clbre homme de Nanderthal. Le Nanderthalien est lhomme-type du paloli-thique moyen ; il vivait donc voici 150.000 ans environ. On a longtemps considr lhomme de Nanderthal comme une sorte de parent pauvre, une sous-espce de lHomo Sapiens. Il est vrai que certaines varits de Nanderthaliens peu-vent avoir diverg de la ligne volutive principale, mais le genre nanderthalensis reprsente, aux yeux des anthropologues actuels, une phase importante de lvolution de lhomme. A mi-chemin entre le Pithcanthrope, dont il possde certaines caractristiques archaques (arcades sourcilires prominentes, prognathisme marqu)

    Petit lexique de prhistoire

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    II nous a sembl utile de donner, lintention de nos lecteurs peu familiariss avec le jargon des spcia-listes, un aperu des thories et de la terminologie en usage dans le monde de la prhistoire. Car il est bien entendu que la position contestataire de notre groupement nimplique pas ncessairement un rejet systmatique des thses officielles. Au contraire, nous en faisons le point de dpart de toute tude. Le prsent article constitue en quelque sorte un petit lexique trs incomplet parce que trs gnral qui permettra au lecteur davoir quelques points de repres dans son voyage en pays de Glozel.

  • et lHomo Sapiens, le Nanderthalien se tient parfaitement debout et droit ; enfin, son volume crnien est comparable celui de lhomme mo-derne. La tendance actuelle est dailleurs de le classer dans le genre sapiens, sous le nom de Homo Sapiens Nanderthalensis , par opposi-tion l Homo Sapiens Sapiens (lhomme moderne), qui va le supplanter dfinitivement aux environs du quarantime millnaire avant J.-C. Nous lavons vu, nous connaissons lhomme pr-historique par ses restes fossiles, et par loutilla-ge lithique associ ses ossements. Il est donc trs intressant de rpertorier les diffrents outil-lages de silex, suivant le style de fabrication, sty-le qui est caractristique de chaque culture pr-historique. Ainsi, la simple vue dun certain type de coup-de-poing, on pourra dater assez bien, le gisement qui le contenait. Cest pourquoi nous consacrerons les lignes qui suivent ltude par-ticulire de lindustrie du silex. Sitt apparue, cette industrie va donner naissance deux grands courants opposs : le nuclus dune part, et la lame dautre part. La tradition dite du nuclus consiste dgrossir le silex en le frappant laide dun percuteur en pierre et, plus tard, en os ou en bois. Cest donc, dans ce cas, le noyau qui est utilis. A linverse, dans la tradi-tion de la lame, cest lclat dtach du bloc dori-gine qui sera employ. II est remarquer que ces deux traditions ne fusionnrent gure tout au long du palolithique intrieur, au sein dune m-me culture. Ainsi, lAbbevilien et lAcheulen fu-rent les reprsentants de la technique du nu-clus, tandis que la lame tait loutil-type du Cro-mrien, du Clactonien et du Levalloisien. Par contre, au palolithique moyen, les deux tendan-ces vont se fondre en une seule et mme grande culture : le Moustrien. Cest cette poque quapparat lhomme du Nanderthal, dont nous avons parl plus haut. Nentrons pas dans les dtails de fabrication de toutes ces cultures. Car, comme toujours en prhistoire, il nexiste aucune frontire vraiment nette. Par exemple, la culture levalloisienne terminale est contemporaine du Moustrien. Quant celui-ci, il se subdivise en Complexe Moustrien , et Moustrien Clas-sique . Avis aux amateurs ventuels ! Conten-tons-nous de dire que, au palolithique intrieur, les outils sont taills, de fabrication relativement simple. Cest cette poque quapparat le coup-de-poing biface (cest--dire taill sur deux fa-ces), typique de lAcheulen. Quant la techni-que moustrienne, elle se caractrise surtout par lemploi dclats retouchs assez finement, le nucleus ntant toutefois pas exclu de loutillage. Le grand bond en avant se situe aux environs de lan 40.000 avant J.-C. Larrive de lHomo Sa-piens va, trs rapidement, bouleverser les vieilles

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  • traditions. Bien sr, loutillage de silex demeure toujours dactualit. Cependant, lhomme nou-veau lhomme nanthropique va faire une dcouverte capitale : lArt. Et cest l, certai-nement, un moment trs important dans lHistoire du genre humain. Car, pour la premire fois, lhomme prhistorique touche du doigt la pense abstraite. Et nous dirons que, partir du moment o lhomme savait traduire ses penses et ses motions en les dessinant sur les parois des ca-vernes, il tait tout prt, intellectuellement par-lant, dcouvrir et utiliser lEcriture. Nous au-rons loccasion den reparler (1). La premire culture du palolithique suprieur est lAurignacien, qui stend de 35.000 20.000 avant J.-C. Les uvres marquantes de cette priode (avec toutes ses sous-priodes) sont les clbres fresques de Lascaux dune part, et les Vnus statopyges de La Gravelle dautre part. Vient ensuite le Solutren (20.000 15.000 av. J.-C.), pauvre en art parital, et surtout carac-tris par un travail lithique de toute beaut. En-fin et nous nous attarderons plus longuement sur cette priode le Magdalnien (15.000 8.000 av. J.-C.) est la dernire grande culture du palolithique. En fait, on pourrait ap-peler le Magdalnien la culture du renne . Nous sommes en effet en pleine glaciation de Wrm, le climat est froid, la flore et la faune sont donc de type nettement circumpolaire, et il est normal de voir le renne install dans nos rgions. Toute la vie de lhomme est base sur lexistence du renne qui lui fournit, non seulement la nourriture, mais encore les matriaux (os, corne et peau) destins la fabri-cation des outils, des armes et des vtements. Les objets magdalniens, faits surtout dos ou de bois de cervi-d, sont facilement reconnaissables : harpons barbelures simples ou doubles, man-ches doutils finement gravs de scnes de chas-se, aiguilles chas. Enfin, signalons que lart parital atteint un nouveau sommet avec les fres-ques dAltamira en Espagne. Le msolithique. Mais bientt, le monde palolithique va connatre de grands bouleversements. La fin de la quatri-me et dernire glaciation ( 10.000 avant J.-C.) amne un changement radical au climat de LEu-rope occidentale. La faune et la flore se modi-fient : le renne et le bison font place au cerf et lauroch, la fort envahit peu peu les territoires de chasse. On peut parler de cataclysme pour ces hommes parfaitement adapts leur milieu et qui, tout coup (ou presque) se voient

    contraints de sadapter aux nouvelles conditions climatiques. Ds cet instant, les vnements se prcipitent : la culture magdalnienne seffondre, de nouvelles civilisations voient le jour. LAzilien, le Tardenoisien et, plus au nord, le Maglemosien sont les plus connues de ces cultures msolithi-ques. Cette priode de changements nest ce-pendant pas strile : elle voit linvention et le per-fectionnement de la hache, fort utile pour com-battre la fort envahissante, la domestication du chien, la naissance de la poterie et du tissage. Loutillage de pierre du msolithique est trs par-ticulier : rduits ltat de microlithes, les silex-pygmes sont placs dans des encoches de hampes, et forment des barbelures et des poin-tes dont le pouvoir pntrant se trouve ainsi ac-cru. En bref, le msolithique est une priode de transition qui perfectionne, en les adaptant, les techniques en usage au palolithique suprieur, et prpare lavnement de lre nouvelle.

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    Le renne se lchant la patte, sur un os grav de Glozel.

    (1) Au risque de nous rpter, nous devons enco-re insister sur laspect trs schmatique de ce lexique. Vouloir rsumer lHistoire de lHomme en quatre pages suppose de fantastiques raccourcis et de nombreuses omissions. Pour les puristes comme pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le sujet, il existe suffisamment de bons ouvra-ges de prhistoire gnrale, sans parler des arti-cles de tond dans de nombreuses revues de vul-garisation scientifique.

  • Le nolithique. On dit couramment que le nolithique est lge de la pierre polie. Rien nest plus approximatif, puisque le polissage tait connu dj au msoli-thique. De mme pour la poterie, bien que les cramiques de cette poque de transition soient gnralement assez grossires. En fait, la gran-de trouvaille de lre nouvelle fut la domestication de lalimentation , autrement dit : lagriculture et llevage. Autant que nous puissions le savoir... , on admet gnralement que . Ainsi dbutent les ouvrages de prhis-toire lorsquil sagit de traiter le problme dlicat des origines du nolithique. Le but de cet article nest pas de critiquer ces thories gnrale-ment admises . Cependant, nous tenons sou-ligner que ce qui va suivre nest quune hypoth-se avec laquelle nous ne sommes pas forcment daccord. Nous avons dvelopp et dvelop-pons encore nos thories personnelles sur ces sujets au fil des numros de KADATH. On pense donc gnralement que le berceau du nolithique fut le Proche-Orient, gniteur de toute civilisation. Cela se passait peut-tre aux envi-rons de lan 6.000 avant J.-C., dans une rgion situe entre le Tigre et lEuphrate. Assez rapide-ment, cette nouvelle forme de vie va stendre jusqu la moyenne valle du Nil et au Sahara dune part, et jusqu lIran dautre part. Puis, peu peu, le miracle nolithique va gagner lEu-rope. II ne sagit bien entendu pas dune invasion irrsistible, mais plutt dune lente transformation en un type de civilisation qui est bien souvent un compromis entre lancienne tradition msolithique et le nouveau mode de vie nolithique. De plus, le rsultat nest pas le mme partout en Europe, et il existe un certain nombre de cultures aux caractristiques propres. Nous nous bornerons ici dfinir succinctement quelques-unes des princi-pales cultures nolithiques dEurope. LE CAMPIGNIEN. Venues de la grande fort nordique, des tribus pntrent au cur de lEurope, dfrichant de larges espaces, y btissant leurs huttes circulai-res foyer central. Leur outillage est trs caract-ristique : dabord constitu de lourds outils en pierre taille, il volue peu peu vers une techni-que plus labore de polissage, aux environs de 3.000 avant J.-C. (remarquons que beaucoup de prhistoriens prfrent inclure, pour diverses raisons, le Campignien dans le msolithique). LE DANUBIEN. II sagit dune culture trs complexe pour qui veut ltudier dans le dtail. Partis dEurope orientale vers 3.000 avant J.-C., des agriculteurs nomades

    se substituent aux habitants msolithiques des plaines dEurope centrale. En fait, les peuples de cette culture sont surtout connus par les grandes varits de poteries quils nous ont laisses (vases en forme de gourde, ou bien munis de cols et de becs, dcors de V renverss, de poin-tills, de lignes incises, etc, etc.) et qui attestent de lactivit et de lhabilet des artisans. Ces paysans danubiens faisaient pousser le bl et lorge, quils emmagasinaient ensuite dans des hangars monts sur pilotis. LES CITES LACUSTRES. Bties sur pilotis, elles sont caractristiques de quelques lacs suisses, et sont dates de 2.500 avant J.-C. Leurs habitants, outre llevage des bovids, des chvres et des moutons, faisaient pousser le bl, lorge, le haricot et diffrentes sortes darbres fruitiers. En outre, ils pratiquaient la chasse et la pche. LES PEUPLES DU SUD. Ils sont probablement venus, par petites embar-cations de cabotage, jusquen Italie et en Sicile. On les retrouve galement en Espagne, o ils dfrichent la colline dEl Garcel (province dAIme-ria). Ce dernier site est dune importance particu-lire, puisque cest l quon situe les dbuts du travail du cuivre en Europe, le premier mtal utili-s par lhomme. LES CONSTRUCTEURS DE MEGALITHES. Parmi tous les points dinterrogation de la prhis-toire, celui-ci est sans doute un des plus nor-mes. Nous nous garderons de glisser ici notre doigt entre le menhir et le dolmen, et rappelle-rons simplement que leur lieu dorigine est, pour la science officielle, la Crte. De l, ils auraient envahi lEspagne et le Portugal puis, vers 2.000 avant J.-C., lEurope occidentale, jalonnant leur route de dolmens et de menhirs. En ralit, les rcentes dcouvertes dans le domaine des data-tions dmontreraient plutt le contraire, ou du moins que ce diffusionnisme ne serait quune vue de lesprit. Quoi quon puisse dire propos du nolithique et il y aurait encore beaucoup dire ! il faut retenir que les nouvelles techniques de cette priode, cest--dire llevage et lagriculture, sont la base de notre civilisation actuelle, puis-quelles entranent le regroupement des individus en communauts plus ou moins sdentaires et, corollairement, la division du travail en spciali-ts, elles-mmes lorigine du commerce.

    J. G.

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    Archeologie

    archeologique

    Le muse de Glozel a t amnag dans une pice de la ferme des Fradin, ds les premires dcouvertes. En 1928 cependant, on construisit entre la grange et le corps du logis un local sp-cialement rserv a lexposition des objets, qui nen ont plus boug jusqu ce jour. La collection

    du muse comprend environ trois mille pices, sans compter les objets composant la collection particulire du Dr. Morlet, ni les pices qui ont t dtruites ou empruntes aux fins danalyses, aux heures chaudes de laffaire. Aujourdhui, toutes sont numrotes.

    COMMENT PEUT-ON TRE GLOZELIEN ? Nous avions, lorsque nous sommes alls Glozel pour la premire fois, un double but. Nous voulions bien sr examiner et tudier de plus prs ces fameux objets que nous ne connaissions encore que par les livres. Mais nous dsirions aussi runir une documentation photographique complte et originale. Emile Fradin nous a accueillis de la plus charmante faon. II nous a laiss prendre possession de son muse ; il a sorti des vitrines ses pices les plus prcieuses ; cause de nous, il a bris, en la manipulant, une ta-blette magnifique ; nous avons, avec nos gros projecteurs, fait sauter ses fusibles. Mais il a support tout cela avec patience et, si nous pouvons aujourdhui prsenter tant de photos indites, cest bien grce lui.

  • Nous ne parlons qu lavenir. La gnration prsente dira : cest insens. La gnration future dira : peut-tre .

    (Jacques Boucher de Perthes, 1788-1868). La collection dEmile Fradin comprend trois gran-des familles dobjets : les objets en os (humains et danimaux), les objets en pierre et, bien sr, les objets en cramique (vases, idoles et tablet-tes). Les objets en os. Ce sont, dune part, des ossements humains, restes des habitants de la rgion de Glozel et, dautre part, des ossements danimaux ayant servi la fabrication darmes, doutils et dobjets dcoratifs. Les ossements humains sont nom-breux (ce nest pas pour rien que le site fut appe-l Champ des Morts ) : fragments de crnes, de mchoires, dos longs, etc... (fig. 1 ci-contre). De visu, ces objets prsentent une caractristi-que commune : ils sont fortement patins. Rap-pelons que la patine est une sorte de dpt qui se forme sur les objets anciens. Son importance est, bien sr, proportionnelle lge de lobjet, mais dpend en outre de la nature mme de cet objet et de la composition du milieu environnant. Cette patine serait dj une preuve de lancien-net des ossements. Mais ne nous arrtons pas cette premire constatation et voyons ce quen pensent les spcialistes consults. Le Docteur Jean Buy, professeur danatomie lEcole de Mdecine de Clermont-Ferrand, fut charg dtudier les fragments dos humains de Glozel. Son rapport fut publi, entre autres, dans le Petit Historique de lAffaire de Glozel du Doc-teur Mollet. Les conclusions du Docteur Buy sont formelles : Les os examins semblent apparte-nir une race ancienne dont lalimentation tait en partie herbivore et dont la musculature puis-sante a dtermin la formation de saillies osseu-ses exagres . Cest clair, cest net : ces osse-ments nappartiennent aucun type moderne. Ainsi, tous les fragments de crnes examins sont de beaucoup plus pais que les crnes ac-tuels : un fragment de frontal a une paisseur de un cm, soit le double de la normale ! Quant aux fragments de fmur examins par le Docteur Buy, ils prsentent, outre des caractres archa-ques vidents (une ligne pre trs accentue), des raflures qui sont probablement dues un travail de dcharnement post-mortem. On sait en effet que beaucoup de populations nolithiques dpouillaient le cadavre des parties molles, et nenterraient que le squelette. Mais une dernire preuve de lanciennet de ces ossements est donne par les rsultats des analyses chimiques. Les universits de Porto, dOslo, de Lyon ont mis en vidence la fossilisation bien avance des os examins. On sait en effet quun os enfoui, aprs sa mort, dans certains milieux, perd progressive-

    ment ses substances organiques et se charge des substances minrales issues du milieu envi-ronnant, la forme originale de Ios tant parfaite-ment conserve. Ce phnomne de fossilisation dpend, cest vident, du temps denfouissement. Dans un os frais, le pourcentage de matires organiques est denviron 30%. Or, pour les osse-ments de Glozel, celte proportion est rduite 19%. II nest malheureusement pas possible de donner, par cette mthode danalyse, un ge aux fossiles glozliens, le phnomne de minralisa-tion dpendant de nombreux autres facteurs, telle la composition chimique du terrain denfouis-sement. Une seule conclusion me parait indiscu-table : les ossements humains de Glozel sont trs anciens, car patins, fossiliss et anatomi-quement analogues des types prhistoriques indiscuts (1). Mais voyons prsent les pices fabriques partir dossements danimaux. On trouve, parmi les armes de lHomo Glozeliensis, une srie de harpons trs caractristiques (fig. 2) : ils sont barbelures simples ou doubles ; leur base, lar-gie, permet un emmanchement facile. Or, rappe-lons-le, ce genre de harpon est caractristique dune autre culture, bien (re)connue celle-l : le Magdalnien. Dailleurs, la similitude ne sarrte pas l. Examinons le poignard de la figure 6. Son manche est dcor de gravures : chevaux, ren-nes couchs, loups, bouquetins. Quant au motif de la lame, il reprsente une louve enceinte (remarquez le petit dans le ventre de sa mre). Cette manie de dcorer les armes en os est, elle aussi, typique du Magdalnien. Pour ce qui est du renne, qui semble tre un des modles favoris des artistes glozliens, il a t lorigine de discussions passionnes. En effet, la thorie la plus gnralement admise au dbut des fouil-les consistait englober Glozel dans les cultures nolithiques. Or, nous savons que le renne vivait trs certainement dans nos rgions au palolithi-que suprieur, et avait migr, ainsi que toute la faune de type arctique, au dbut du msolithique. Pour Morlet, la chose tait simple : les archolo-

    (1) Signalons, propos de la fossilisation des ossements humains, que M. Champion, dans le fameux rapport qui porte son nom, conclut la non-anciennet des os, en sappuyant sur leur minralisation incomplte. M. Champion est peut-tre un artisan fort habile, mais je doute quil ait jamais ouvert le plus petit livre de prhistoire : il y aurait lu que beaucoup dossements du palolithi-que suprieur sont peine fossiliss. Mais M. Champion, qui na pas eu peur, tout au long de ce quil nomme pompeusement ses Observations Techniques , de truquer hardiment ses croquis pour appuyer ses thses, nen tait pas une absurdit prs. II faut bien dire quil avait lexcuse dtre illettr. Beati pauperes spiritu.

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  • gues staient tromps, et le renne tait demeur en France bien aprs la fin de la glaciation de Wrm. Quant aux dtracteurs du site, ils avaient fait de ce renne leur cheval de bataille et assu-raient que Glozel tait luvre dun faussaire ignorant. Bientt cependant, Morlet devait rvi-ser, du moins partiellement, sa thorie, et admet-tre que les dbuts de la station taient fort proba-blement contemporains du Magdalnien final. Ceci dit, le renne nest pas le seul animal insolite reprsent par les Glozllens : par exemple, on sait que la panthre (fig. 3 a) a vcu en Europe pendant tout le palolithique. Je nirai pas jusqu dire que tous les objets en os sont de type mag-dalnien, mais il semble en tous cas et cest l la conclusion de cette premire partie que bon nombre dobjets en os dcouverts Glozel sap-parentent aux productions les plus typiques de la culture magdalnienne finale. II est bien entendu possible de dater plus prci-sment ces objets, par la mthode du carbone-14. Pendant longtemps, cette mthode na pu tre utilise Glozel, et ce pour des raisons tech-niques. Ce nest que trs rcemment quune pre-mire srie de datations a pu tre ralise sur des ossements humains et des os gravs portant des inscriptions. Leur ge a t estim 17.300 ans avant notre re ( 1500 ans prs). On ne peut bien sr accepter ce rsultat quavec une certaine rserve : lge propos est certes peu prs en accord avec ce que nous venons de constater propos du style de ces objets, mais il ne sintgre que trs partiellement dans une solu-tion qui tiendrait compte de tous les paramtres actuellement dfinis, ainsi que nous le verrons par la suite, lorsque nous aborderons la synth-se.

    Les objets en pierre. Comme dans tout gisement prhistorique qui se respecte, on trouve Glozel quantit dobjets en pierre, parmi lesquels un certain nombre de ha-ches (fig. 4). Elles sont en pierre polie et portent encore, leur surface, des rayures dues au polis-sage sur un matriau dur et granuleux (sans dou-te du grs). Pourquoi ces stries nont-elles pas disparu lutilisation ? Les adversaires de Glozel prtendaient que ces haches navaient jamais pu servir, puisquelles taient fausses ! En fait, il est peu prs certain quelles avaient tout simple-ment un caractre votif exclusif, et taient fabri-ques pour tre enterres avec la dpouille des dfunts. Outre les haches, on trouve Glozel une assez grande quantit de galets gravs. Ils sont en ba-salte ou en diorite, deux roches dune grande duret. De mme que les objets en os, ces galets prsentent une certaine patine. Mais cette patine nest pas uniforme : trs bien accuse la surfa-ce mme du galet (patine gologique), elle est trs peu importante au fond des traits de gravu-re... ce qui, premire vue, laisserait supposer que ces gravures sont trs rcentes. Cette hypo-thse, qui fut un des arguments des anti-glozliens, est tout simplement absurde. En effet, la patine du cortex est de plusieurs millions dan-nes plus vieille que celle du trait de gravure. Les deux patines doivent donc tre diffrentes. Dau-tre part, rappelons encore une fois que le site est un cimetire, et que tous les objets taient en-fouis sitt fabriqus. La gravure des galets a ds lors t immdiatement soustraite linfluence des conditions atmosphriques. II devient alors vident que la patine archologique (cest--dire celle des gravures) ne peut se former que trs

    Ossement dats par C-14 de 17.300 avant J.C.

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  • lentement, ou pas du tout, suivant la nature de la roche et du terrain. Ainsi que pour les ossements, les gravures sur galet ont pour thme principal le renne. Les artistes glozliens ont croqu leurs sujets sur le vif, soyons-en convaincus. Je ne prendrai quun exemple : le renne, lorsquil mar-che, prsente une inflexion du cou trs caractris-tique. Cela, seul celui qui vit parmi les rennes peut le savoir. Or, cette particularit se retrouve indis-cutablement sur un galet grav de Glozel (fig. 5). Mais peut-tre Emile Fradin est-il all passer ses vacances en Norvge, pour mieux duper les pr-historiens... aprs tout, pourquoi pas ? Les objets en cramique. Prcisons tout dabord une chose : les figurines, les vases et les tablettes de Glozel ne peuvent tre considrs, si on les examine superficielle-ment, comme de vritables cramiques. En effet, la fabrication de la poterie comporte une transfor-mation chimique des matriaux employs : le sili-cate dalumine, un des principaux lments de largile, tant chauff une temprature suffisam-ment leve, se dshydrate, et ce qui demeure est une substance dure dont les proprits sont diff-rentes de celles de la terre primitive. Or, les pote-ries de Glozel sont mallables et se dlitent facile-ment dans leau, bien quayant certainement t chauffes une temprature suprieure 600 C (cette indication nous est donne par Ianalyse au microscope polarisant, mettant en vidence une modification des caractres optiques du feldspath contenu dans largile glozlienne). Dautre part, il a t prouv que largile jaune du sol de Glozel avait exactement la mme composition minralogique que largile rouge des poteries, ce qui permet daf-firmer que les potiers glozliens ont pris la matire premire au Champ des Morts mme. Nantis de ces renseignements, nous pouvons assez facile-ment procder une exprience significative. Pre-nons un peu dargile jaune et mallable du sol de Glozel, et chauffons-la. A une temprature de 450 C environ, elle vire au rouge, perdant du m-me coup sa mallabilit. Cette argile ainsi traite ne pourra retrouver sa plasticit que par une rhy-dratation extrmement lente, stalant sur plu-sieurs millnaires. Les cramiques de Glozel tant rougetres et mallables, on en conclut forcment quelles furent cuites une temprature de 450 C au moins, et quelles sont vieilles de plusieurs milliers dannes. II sagissait, une poque o lon ne disposait pas encore des techniques de datation sophistiques comme la thermolumines-cence et le radiocarbone, dune preuve majeure dauthenticit, une telle rhydratation de largile tant certes possible dans un laboratoire moderne et bien quip (elle est ralise sous pression de vapeur deau 400 C), mais certainement pas dans la cuisine des Fradin (2). La premire fouille au champ Duranthon mit au jour une fosse ovalaire compose dun dallage et

    de deux murs latraux Ces murs, faits de briques cupules, taient couverts dune substance vi-treuse. Trs vite, on pensa que cette fosse tait une tombe. Cest dailleurs sous cette appellation quest encore actuellement prsent le plan de cette construction (fig. 7 au verso). Ne nous y trompons pas : il sagit bien l dun des fours (indispensables pour la cuisson une temprature de 600 C) o furent fabriques les poteries. Je nen veux pour preuve que la formation, sur les murs latraux principalement, de cette substance brillante qui, lanalyse, sest rvle tre un ver-re trs pauvre en silice, trs riche en alumine, et qui est, de par sa composition, fort diffrent de tous les verres connus, anciens ou modernes. II est raisonnable de penser que ce verre est apparu accidentellement, au cours des oprations de chauffage des poteries. Le sol de ces fours est fait de larges briques dargile, dont quelques-unes portent lempreinte dune main (fig. 8). Nabordons pas le problme du symbolisme de cette pratique (ne serait-ce pas une faon de signer la construc-tion, ainsi que font de nos jours les architectes qui gravent leur nom dans la faade des difices construits par eux ?), mais remarquons que les empreintes de mains se retrouvent associes bon nombre de peintures rupestres du palolithi-que suprieur. Nous lavons vu au dbut de cet article, les objets en cramique sont de trois ty-pes : les idoles, les vases, les tablettes inscrip-tions Les idoles sont dites bisexues (fig. 9). La partie fminine est symbolise par la fente vulvai-re. Quant au sexe masculin, il prsente un phallus en semi-rection, tat qui est, parat-il, permanent chez les reprsentants de certaines tribus africai-nes primitives. Les bourses scrotales sont asym-triques, cest--dire anatomiquement correctes. Remarquons encore une fois ce souci du dtail qui se retrouve tous les niveaux de lart glozlien. Cette prcision dans la reprsentation nexclut cependant pas le symbolisme, et on peut suppo-

    (2) Les anti-glozliens ont dploy tout leur zle dmontrer que les tablettes taient mal cuites et de fabrication rcente. M. Bayle, en particulier, a dmontr , preuve lappui, quune tablette, plonge dans leau, sy dsagrgeait en dix minu-tes et que, par consquent, cette tablette naurait pu subsister pendant des millnaires, dans le ter-rain de Glozel. Rappelons ce propos que des tablettes go-crtoises, dauthenticit reconnue, furent ananties par une averse, alors quon ve-nait de les exhumer ! Cette prennit dobjets fria-bles dans le sol peut sexpliquer par le fait que le milieu environnant, tant de mme densit que lobjet, assure sa conservation. Nentrons pas dans le dtail du rapport de Bayle, mais signalons, pour ceux que la chose intresse, que Morlet a rfut chaque mot de ce rapport dans son Petit Historique.

    17

  • ser avec raison que ces idoles sont une forme de figuration particulirement parlante de la vie. Diamtralement oppos lidole, le vase masque nolithique symbolise la mort (fig. 10). Labsence de bouche figure le mutisme du d-funt. Quant aux yeux mais ceci nest quune constatation personnelle qui nest recoupe par aucune autre observation , ils sont, dans tous les cas examins, dirigs, lun vers le bas (cest--dire vers la terre o le corps est enfoui), lautre vers le haut (cest--dire vers le ciel o monte lme promise la vie ternelle). Nimaginons

    pas, surtout, que de tels vases soient spcifiques du site de Glozel. En fait, on en retrouve ici et l, mais dune faon trs localise. Ainsi sont les po-teries de Troie (fig. 11) qui prsentent une certai-ne ressemblance avec celles du Champ des Morts. Cependant, remarquons que le Professeur Childe les date de 2500 avant J.-C. II ny a pas que des vases masque Glozel. Outre des rcipients usage indtermin, on a dcouvert quelques lampes graisse. Elles servaient sans doute lclairage des cavernes, qui taient lha-bitat des Glozliens. Ces cavernes, munies dun pilier central, taient creuses flanc de colline.

    18

  • On y a retrouv des objets identiques ceux du muse dEmile Fradin. Et enfin, il y a les fameu-ses tablettes inscriptions. Jai dj signal la prsence de matires vitreuses sur les parois latrales des fours. Ces vitrifications se retrou-vent galement sur certaines tablettes, pntrant les traits de gravure. Or, ces coules vitreuses sont elles aussi fortement patines, et constituent ds lors un vritable sceau danciennet pour les tablettes et les signes qui y sont gravs. Une dernire preuve de lauthenticit des pices nous est donne par les nombreuses racines et radi-celles qui transpercent certains vases et tablet-tes. Des analyses ont permis de mettre en vi-dence la fossilisation complte des racines, qui ont creus la cramique aprs cuisson, y sont mortes et sy sont fossilises en dcolorant, par une raction de rduction, le pourtour des trous de pntration. Analyse des analyses. Revenons aux datations. Nous nous souvien-drons, pour lavoir lu au dbut de ce numro, que des analyses eurent lieu voici quelques annes, qui ont fait ressurgir Glozel de loubli. Oubli est dailleurs peut-tre un grand mot, car le mu-se de Glozel na certes jamais manqu de visi-teurs, dont beaucoup taient des trangers. Au niveau de la science, et part quelques originaux (dont nous fmes dailleurs), personne ne perdait plus son temps discuter du cas Glozel. A partir de 1972, des chercheurs, danois dabord, cos-sais ensuite, franais enfin se rendirent Glozel afin de dater les cramiques par une mthode rcente : la thermoluminescence. Enfin, en d-cembre 1974, la revue Antiquity publia les rsul-tats des premires analyses : Glozel est authenti-que, et les dates extrmes avances sont com-prises entre 700 avant notre re et + 100. L antiglozliennisme tant une maladie ap-paremment difficile gurir, certains dtracteurs du site nen continurent pas moins citer Glozel comme lexemple parfait du faux archologique. Je ne citerai plus le nom de ces chevaliers du rigorisme scientifique et de la recherche enfin srieuse , et les laisse leurs chimres. Ces datations ont permis de mettre fin, une bon-ne fois pour toutes, des discussions striles et mme nuisibles pour la recherche archologique; elles ont permis aussi la rhabilitation complte dEmile Fradin, un homme qui, ne loublions pas, a eu pendant un demi-sicle une rputation de faussaire et descroc. Lorsquon se sait innocent, pareille situation na rien denviable, convenons-en ! Le principe thorique de la thermoluminescence fut dcouvert ds 1953 par F. Daniels, mais ce nest gure qu partir de 1960 que la mthode (qui tait loin dtre alors au point) fut utilise des fins de datation. Des fragments de poteries grecques, des chantillons nolithiques, des ob-

    jets palolithiques enfin constiturent le premier banc dessai de la T.L. (abrviation convention-nelle de thermoluminescence ). A lheure ac-tuelle, on estime que la prcision de cette mtho-de est de lordre de 10% ; nous verrons par la suite ce quil faut en penser dans le cas bien par-ticulier de Glozel. Mais quest-ce au juste que la thermoluminescence ? Le principe en est relati-vement simple. En effet, largile glozlienne, com-me tout matriau gologique dailleurs, contient une certaine quantit dimpurets radioactives que sont luranium, le thorium et le potassium. Ces impurets mettent rgulirement des parti-cules charges dnergie, sous forme de rayon-nement bta. Les particules, lances grande vitesse, finissent, au cours de leur trajet dans le sol, par entrer en collision avec un atome du mi-lieu, lui transfrant une certaine quantit dner-gie. Pratiquement, ce transfert dnergie se tra-duit par un saut dun ou plusieurs lectrons vers une orbite plus loigne du noyau que lorbi-te de dpart (on parle dailleurs actuellement plus volontiers de niveau dnergie que d orbite ). Mais les lments du matriau subis-sent galement dautres rayonnements, ext-rieurs cette fois, qui tendent accrotre la quanti-t dnergie accumule : il sagit des radiations cosmiques et surtout des rayonnements gamma provenant du terrain lui-mme. Limportance de lnergie stocke est, bien entendu, proportion-nelle au temps. II devient donc possible, en me-surant la quantit dnergie emmagasine, de dterminer lge... de largile constituant le ter-rain, ce qui ne nous avance pas grand-chose. Car ce qui nous intresse, cest le temps coul depuis la fabrication de la cramique, cest--dire depuis le moment o largile a t cuite. Or, juste-ment, on constate que lorsque le matriau est chauff une temprature suffisante (la tempra-

    19

  • ture atteinte pour cuire convenablement une c-ramique est suffisante), les lectrons reviennent leur niveau dnergie primitif, librant ainsi l-nergie accumule. En quelque sorte, le matriau se dcharge ; on peut dire aussi que le compteur est remis zro . La quantit dner-gie qui sera libre lors du chauffage ( une tem-prature suffisante bien entendu) dune cra-mique ancienne correspondra donc la quantit dnergie accumule par le matriau aprs cuis-son. Connaissant les paramtres propres ce matriau (le pourcentage dimpurets radioacti-ves notamment), on pourra dterminer le moment de la cuisson, daprs lquation suivante :

    o A reprsente le nombre dannes coules depuis la cuisson ; D est la dose totale reue par la cramique, exprime en rads ; b est la quantit par unit de temps de rayon-nement bta mis par les impurets radioactives contenues dans le matriau, ce dbit interne tant exprim en rads/an ; d est la quantit par unit de temps des radia-tions cosmiques et des rayonnements gamma provenant du terrain, ce dbit externe tant galement exprim en rads/an. Nous venons de voir quune partie de lnergie accumule par la cramique provenait des rayon-nements gamma issus du terrain. II est donc n-cessaire, pour effectuer une mesure prcise, de connatre lemplacement du lieu denfouissement de lobjet dater, car limportance de ce rayonne-ment varie sensiblement suivant lendroit. Or, les conditions de fouille, lpoque des dcouvertes, navaient malheureusement pas toute la prci-sion souhaite quant la localisation exacte des objets exhums. Les mthodes taient moins rigoureuses que celles utilises par les fouilleurs modernes ; lesprit mme des travaux faisait pas-ser la localisation au second plan, le premier but atteindre tant de dterminer si la couche ar-chologique tait vierge de tout remaniement rcent. Pour pallier cette absence de renseigne-ments, les chercheurs ont d multiplier leurs me-sures : ... on a plac des sondes dosimtriques en de nombreux points diverses profondeurs. On espre obtenir finalement une bonne valeur du dbit de dose moyen et se faire aussi une ide de ses variations locales . (Mejdhal, 1972). Un autre problme, tout aussi proccupant que celui de la localisation, est apparu lors de lanaly-se des chantillons. En effet, nous lavons vu, la remise zro , qui est en fait une disparition de la thermoluminescence gologique, ne peut se faire correctement que si la temprature de cuisson a t suffisamment leve. Pour les po-

    teries moins cuites telles quil en existe Glozel, une certaine thermoluminescence gologique rsiduelle subsiste, faussant toutes les mesures puisquelle sajoute la thermoluminescence archologique. Cette difficult a heureusement pu tre surmonte, ainsi que lexpliquent Mc Ker-rell, Mejdhal, Franois et Portal, dans leurs Etudes sur Glozel , parues dans les numros 57 et 58 de la Revue archologique du Centre : par activation neutronique, on a pu dmon-trer quune grande partie des objets de Glozel faits de terre cuite sont analytiquement identi-ques largile qui recouvre le site (voir tableau ci-contre). II semble que largile du Champ des Morts ait bien t utilise pour leur fabrication et, par consquent, cette observation conduit une comparaison directe de la thermoluminescence de largile qui a servi leur fabrication avec celle des objets termins. La figure 1 montre que les mesures de thermolu-minescence compares provenant de nos trois laboratoires font apparatre que largile naturelle gologique donne un signal lumineux beaucoup plus lev que celui obtenu pour n importe lequel des objets examins jusqu prsent. Par cons-quent, il ne peut y avoir aucun risque de confu-sion entre la thermoluminescence gologique naturelle et celle mise par les chantillons ar-chologiques. Une approche plus subtile illustre par la figure 2 est ncessaire pour expliquer les effets de la mauvaise cuisson. Pour faire une comparaison avec les missions de la thermolu-minescence gologique, nous avons choisi lun des objets en cramique manifestement les plus mal cuits, un symbole phallique dcrit par Morlet en 1929 (Morlet, 1929 ; figure 227).

    Lactivation neutronique (fig.2 p 22) confirme que lobjet a bien t fabriqu avec de largile de Glo-zel. Cette figure numro 2 montre quen pr-chauffant largile du site diffrentes tempratu-res, la courbe de thermoluminescence gologi-que fondamentale peut tre modifie de faon considrable. Mais il est vident, lorsque lon compare les courbes de thermoluminescence obtenues partir de lobjet avec celles obtenues aprs le chauffage mnag des chantillons dar-gile, quune mauvaise cuisson ne peut en aucune faon reproduire la courbe caractristique de la thermoluminescence archologique. Les courbes de thermoluminescence recueillies partir de ces objets sont tout point de vue normales et sont caractristiques du matriau archologique. Lors de la publication des datations, certains antiglo-zliens, bout darguments, mirent lhypothse que les cramiques glozliennes avaient pu tre irradies artificiellement. On ne voit vraiment pas comment un agriculteur du Bourbonnais aurait pu arriver raliser pareille prouesse scientifique. II est vrai que pour certains, Emile Fradin est un

    dbDA +=

    20

  • Figure 1. Thermoluminescences compares provenant de trois laboratoires de recherches de datation obtenues partir dargile non cuite de Glozel et dobjets faonns en cramique de Glozel

    (bruit de fond soustrait)

    CONCENTRATION DES ELEMENTS PARTIES PAR MILLION

    Th Cr Hf Cs Sc Ta Fe Co Eu

    744004 (phallus)

    744109 (tablette)

    E 1 (tablette)

    844301 (verre)

    744111 (tablette vitrifie)

    744111 (verre)

    744115 (fragment)

    744103 (tablette)

    25.5

    26.8

    26.3

    33.3

    31.1

    29.3

    26.1

    25.9

    50

    133

    74

    156

    166

    113

    124

    60

    11.9

    11.4

    11.6

    17.8

    16.2

    14.9

    13.9

    10.8

    13.9

    14.9

    16.2

    18.9

    16.0

    17.5

    15.3

    15.2

    10.5

    10.5

    10.5

    15.3

    15.2

    13.6

    12.2

    9.4

    3.6

    3.0

    2.9

    3.6

    3.2

    3.0

    2.6

    3.2

    23900

    25100

    25400

    31900

    33900

    29500

    26000

    23600

    11.9

    12.0

    12.9

    16.0

    17.2

    15.2

    14.7

    12.7

    1.1

    1.1

    1.4

    1.6

    1.4

    1.3

    1.0

    1.0

    Argile du Champ des Morts

    Srie A

    1

    2

    5

    6

    24.7

    22.2

    23.9

    24.6

    26.2

    61

    78

    89

    88

    93

    9.9

    12.5

    13.2

    13.7

    13.8

    15.6

    13.8

    15.6

    15.1

    15.7

    10.9

    10.0

    11.1

    10.9

    12.6

    3.1

    2.5

    2.8

    2.3

    2.8

    26000

    19800

    22600

    21400

    26300

    12.8

    9.2

    9.9

    9.4

    12.5

    1.1

    0.8

    1.0

    1.2

    1.1

    Rf. de laboratoire

    Analyse par activation neutronique de largile et de quelques cramiques de Glozel. (Revue archologique du Centre, nos 57 et 58)

    21

  • vritable Gnie du Mal, capable des plus grands prodiges, qui a commenc sa carrire scientifique en 1920 en apprenant des rudiments de prhis-toire et qui, parvenu au fate de sa puissance malfique, se construit en 1970 (juste avant les datations par thermoluminescence bien sr) sa petite centrale nuclaire personnelle. Et tout cela pour berner quelques malheureux archologues qui ne lui ont rien fait ! Bref, le Dr. Zimmerman, attach au Mc Donnel Center for the Space Sciences de luniversit de Washington, avait pressenti lobjection. Dans ce but, il ralisa une mesure de thermolumines-cence sur des grains de zircon (nosilicate pr-sent ltat de traces dans de nombreuses ro-ches, entrant entre autres choses dans la fabrica-tion des boucliers de racteurs nuclaires) ex-traits de la cramique de Glozel. Le Dr. Zimmer-man basa sa dmonstration sur une proprit particulire du zircon. Ce dernier en effet contient une proportion dlments radioactifs nettement plus importante que celle prsente dans les au-tres matriaux constitutifs de la cramique. Ainsi que lexplique Zimmerman dans son rapport, les grains de Zircon reoivent donc dune manire caractristique un dbit de dose 10 1 000 fois suprieur celui reu par les inclusions de quartz et de feldspath . Donc, continue Zimmerman, si une cramique est ancienne, les grains de zircon quelle contient auront reu des doses de rayonnement 10 1 000 fois suprieures celles reues par les grains de quartz ou de feldspath ; si une cramique est moderne et si on lui fait subir une irradiation artificielle pour essayer de la vieillir artificiellement, tous les grains auront reu environ la mme dose . Comme il fallait sy at-tendre, les rsultats furent tout fait conformes ce quon attendait, ainsi que le souligne Zimmer-man dans la conclusion : Nous cartons donc

    toute possibilit pour que ces deux prlvements de Glozel puissent tre des cramiques moder-nes, irradies artificiellement dans le but de les faire paratre anciennes, et nous concluons quel-les ont t vraiment fabriques dans lAntiquit . Lauthenticit du support tant tablie, il convient de rappeler que, manifestement, les inscriptions graves sur les poteries et les tablettes sont an-trieures la cuisson. Je lai dj signal prc-demment, un certain nombre de traits de gravure sont recouverts de cette matire vitreuse qui se retrouve galement sur les parois des fours. Nous ne devons mme plus faire appel la no-tion de patine bien accuse, qui est toujours su-jette discussion ; certains prtendront toujours que la patine peut se former trs rapidement dans certaines conditions, et quil ne sagit donc pas dune preuve irrfutable. Nous admettrons cela dautant plus facilement que nous avons bien mieux que la patine. En effet, si un faussaire moderne avait, aprs avoir grav des cramiques anciennes, chauff celles-ci afin dobtenir la substance vitreuse en question, la temprature ncessaire une telle opration aurait dtruit toute la thermoluminescence archologique, ce qui est contraire aux mesures effectues. Nous nirons pas pour linstant au-del des faits et des constatations : Glozel est, non plus seule-ment authentique, mais galement authentifi. Les dates avances par les archo-physiciens sont de 700 +100. Nous nous trouvons donc lpoque de La Tne ou mme gallo-romaine. Si les archo-physiciens admettent que la prci-sion de leur mthode est loin dtre parfaite, il nen reste pas moins vrai que les dates avances sont prsent trs loignes des priodes pr-historiques proprement dites. Ds lors, la lumi-re des seules analyses par thermoluminescence, la plupart des archologues du moins ceux qui sont convaincus de lauthenticit du site ran-gent Glozel parmi les curiosits gauloises ou gallo-romaines. Arrtons-nous l pour linstant : les conclusions viendront en leur temps, lors-quil sagira de runir en un essai de synthse acceptable tous les lments dont nous dispo-serons, aprs que nous aurons abord la gran-de question que nous avons tenue en suspens: lcriture

    JACQUES GOSSART

    22

    Figure 2. Thermoluminescence gologique rsiduelle dchantillons dargile de Glozel pr-cuits, compare la thermoluminescence dun objet faonn mal cuit, constitu de la mme argile (bruit de fond soustrait).

  • ENTRE LES LIGNES

    Sil avait exist des peintures quaternaires, nous les aurions dj trouves

    Edouard Harl, lors de la dcouverte des fresques dAltamira.

    Quoi ! Cette grandiose pope, patiemment re-constitue par le labeur de plusieurs gnrations dhistoriens renomms, et dont la vie entire fut uniquement consacre la recherche pigraphi-que, se trouverait ainsi conteste par les douteu-ses trouvailles dargile mal cuite dun petit paysan dAuvergne ? Deliramenta !... Aussi, les pontifes du moment se gaussrent-ils de ceux qui sy int-ressrent. Sen seraient-ils tenus cela net t aprs tout que bnin, mais devant la tournure que prenait laffaire, ils ripostrent avec la fougue et les moyens que lon sait, faisant dobscurantis-me le synonyme dimpartialit. Et pourtant, ces archologues nous ont laiss une uvre consi-drable, fruit de maintes et laborieuses campa-gnes de fouilles, qui ne peuvent que susciter notre admiration. Mais un chercheur, aussi mri-toire soit-il, demeure avant tout un homme, et cela seul peut sans doute expliquer lacharne-ment avec lequel certains semployrent naufrager les nouvelles dcouvertes, car l-criture de Glozel devint encombrante pour leurs propres thses, sur lesquelles sappuyait leur rputation. Pour dautres, lavis plus nuanc, qui admettaient lauthenticit conditionnelle de certaines pices, les inscriptions navaient abso-lument rien de mystrieux, bien au contraire; ils reconnaissaient l des caractres dcritures relativement rcentes, comme par exemple du latin. Ceci tait donc la preuve que les hypoth-

    ses avances par Morlet taient errones et que les trouvailles ntaient pas aussi anciennes quil voulait le faire croire. Et puisque ces signes leur taient familiers, ils se firent un devoir de les tra-duire... Hlas, et nous le verrons plus loin, leurs interprtations furent cest le moins quon puis-se dire ! assez boiteuses, et ne constiturent pas largument irrfutable que daucuns escomp-taient. Un demi-sicle plus tard, il faut le recon-natre, nous en sommes toujours pour ainsi dire au mme point si ce nest, bien sr, que nous savons aujourdhui que les objets rcemment analyss sont absolument authentiques. Mais nous ignorons toujours le sens, lorigine et liden-tit des inscriptions quils portent. En cinquante ans le gnie dun Champollion ne sest pas mani-fest pour lcriture glozlienne. Cependant, de-puis maintenant quelques annes un expert an-glais, le philologue B.S.I. Isserlin, de lUniversit de Leeds, est en train dtudier les inscriptions de Glozel et, lheure o ces lignes sont crites, seules ses premires constatations sont connues : elles furent publies en janvier 1976 dans lexcellente Revue archologique du Cen-tre. Je crains quil ne faille encore patienter un certain temps avant de lire ses conclusions, mais dores et dj son rapport provisoire est fort int-ressant et justifie, me semble-t-il, de revoir les anciennes et diverses hypothses des antagonis-tes de laffaire. En effet, il apparat curieusement que les reprsentants des trois principales attitu-des adoptes face lnigme des inscriptions de Glozel, et dont je parlais plus haut, ont tous, par-tiellement, la fois tort... et raison ! On rend hom-mage aujourdhui aux recherches auxquelles

    DANS LES ARCHIVES DE LHUMANITE

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    Faut-il le prciser, on a beaucoup crit au sujet des inscriptions de Glozel ; le matriel pigraphique scru-puleusement inventori par linfatigable Dr. Morlet a fait lobjet dune abondante littrature au travers de laquelle se sont exprims les avis les plus divers. Les partisans de Glozel staient fait une certaine opi-nion de cette criture inconnue : le gisement appartenant des temps prhistoriques, les signes alphabti-formes qui en provenaient constituaient par consquent la preuve que lcriture tait une invention de lOc-cident. Pour les adversaires, le problme se rduisait simplement ceci : Glozel tait faux et, partant de l, il tait donc impensable que ces gribouillis , comme les appelait Vayson de Pradennes, remettent en question les thories relatives la naissance de lcriture. Tout bonnement.

  • sest livr le Dr. Morlet ; peut-tre lavenir nous dmontrera-t-il quil sest avanc quelque peu htivement dans ce domaine en tentant de faire de Glozel lcriture princeps, mais on saccorde trouver ses travaux extrmement pertinents en regard du matriel dont disposait lpigraphie cette poque. Et ainsi que lexprima un minent archologue anglais en 1971, les efforts de Morlet mritent au moins une tude complaisante et soigne . Du ct des anti-glozliens, il apparat que les comptences en matire dcritures anciennes de lun de leur chef de file, Ren Dussaud lui-mme, soient remettre en question ainsi que les contre-argumentations quil opposa au Dr. Morlet ; bien que, finalement il ait pressenti et peut-tre avec raison que Glozel navait aucun rapport avec le phnicien. Quant au grand histo-rien des Gaules, Camille Jullian, digne reprsen-tant de la troisime tendance, il se peut quil ait vu juste sur un point, mais dans ce cas, il semble que ce ne fut pas pour les raisons quIl avana lpoque ! Voil donc o nous en sommes actuel-lement ; une meilleure connaissance de lpigra-phie nous permet de nuancer les avis que parti-sans et adversaires de Glozel formulrent alors, mais les inscriptions gardent toujours leur secret. Jean-Pierre Adam, auteur de Larchologie devant limposture (Laffont, 1975), nous avait un jour confi, au cours dun djeuner-dbat Bruxelles, quIl connaissait le fin mot de lhistoire de Glozel, mais quil ne pouvait le rvler, et que, le jour o cela serait rendu public, il y aurait de quoi rire !... II est tonnant de voir (et Jean-Pierre Adam ne sest mme jamais dplac jusqu Glozel ! I !) que les spcialistes actuels, eux, sont loin de lavoir, le fin mot de lhistoire ! Quant moi, je pense humblement que lattitude de lhon-nte homme que nous nous efforons de tou-jours adopter conseille de ne pas carter a priori que des signes de Glozel appartiennent une criture fort ancienne et que, peut-tre, la fois Morlet, Dussaud et Jullian dtenaient des bribes de la solution. Si la preuve nous vient du Professeur Isserlin ou dautres chercheurs qu il en est autrement, et bien, nous nous serons tromps ; mais dici l, jestime quon ne peut ignorer ce qui fut avanc jadis. Lcriture de Glozel. Une multitude dobjets divers exposs dans le muse des Fradin portent cette criture inconnue tant controverse : les plus reprsentatifs sont les tablettes dargile dont il subsiste une quaran-taine dexemplaires. Certaines tablettes sont en-core dans un tat de conservation admirable, contrastant avec dautres trs abmes et parfois mme illisibles. Etant extrmement fragiles, beaucoup furent brises lors des fouilles et de lIncroyable perquisition de 1928, ou endomma-

    ges lors de manipulations ultrieures. Rectan-gulaires, elles mesurent, en gnral, environ 15 x 20 cm, ayant une paisseur de 3 ou 4 cm. La plus grande a une dimension de 38 x 33 cm, quant la plus petite elle mesure 6 x 5 cm. A lexception de deux, elles ne sont recouvertes de signes que dun seul ct. Etant diffrentes les unes des autres, par la forme et la grandeur, on peut en conclure quelles portent toutes une ins-cription complte, mais comme aucune mention haut-bas ne figure sur ces briques, on peut se demander dans quel sens elles doivent tre lues... La rponse nous est donne par les graffi-tes que lon trouve sur dautres supports comme les vases et les galets orns de reprsentations animales, ce qui nous permet de ne pas tenir ces pages dcritures millnaires lenvers. Les ins-criptions graves sur les vases masque noli-thique sont beaucoup plus brves. Elles ne com-portent en moyenne quune douzaine de signes. Dautres sont plus courtes encore (quatre ou cinq caractres), situes lendroit que devrait oc-cuper la bouche, ou entourant le visage. Trs abondants sont les ossements, faonns (harpons, poignards, aiguilles, pendeloques), les bols de cervids et les ivoires. On distingue deux groupes : ceux qui ne portent que du lettrage et ceux qui en outre sont sculpts de reprsenta-tions animales : chevaux, rennes, cerfs, loups, bouquetins, livres, flins, etc. Les os prsentant une large surface (ctes ou omoplates) semblent avoir t recherchs, comme le prouve laccumu-lation de signes quon y rencontre parfois. Quel-ques inscriptions renferment des suites de traits verticaux, dans lesquels il est permis de voir des signes de numration. Viennent ensuite une mul-titude de galets, perfors ou non, doutils en pier-re, danneaux de schiste et de petites haches. Des galets sont parfois galement dcors dun motif animalier, que couronne alors une assez longue inscription. II semble au Dr. Morlet quil y ait eu deux prio-des bien distinctes dans lcriture de Glozel. La premire, la plus ancienne, qui serait une survi-vance palolithique, apparaissant sur les objets en os, en bois de cervids, en ivoire et en pierre, sur lesquels ne sont tracs que trs peu de si-gnes : parfois un seul, quelquefois deux, le plus souvent trois. Dautres bien sr dpassent ce nombre de signes, mais ils sont moins rpandus. De ceux qui en portent un nombre rduit, se d-gage la grande rptition des lments X, Y, T, C, H, tantt droits, tantt inclins ou mme ren-verss, et qui figurent dans presque toutes les critures prhistoriques. Les textes des vases et des tablettes illustrent quant eux la seconde priode qui correspondrait, toujours selon le Dr. Morlet, lintroduction de la cramique dans la culture glozlienne (grce lapport dune autre peuplade), concidant avec lapparition de nou-

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  • veaux signes, et dun autre systme dcriture. Durant la premire priode, celle-ci ne serait quuniquement idographique, tant donn que des objets ne portent parfois quun seul signe, ayant peut-tre la valeur dun mot tandis que largile aurait favoris le dveloppement dune criture syllabique linaire, abandonnant toute figuration animale lors de la seconde priode. Toutes les inscriptions figurant sur la collection exhume du Champ des Morts furent conscien-cieusement rpertories et recopies aussi fid-lement que possible par le Dr. Morlet. Elles sont reproduites dans ses nombreux ouvrages et prin-cipalement mises en vidence et regroupes dans le Corpus des inscriptions de Glozel , son ultime publication. Un premier inventaire de 81 signes distincts, avec leurs variantes, mais orients diffremment (de haut en bas ou de bas en haut ; de gauche droite ou inversement, etc.) fut publi en 1926 dans le second fascicule de la srie Nouvelle station nolithique sous le titre Alphabet idographique de Glozel . Ce premier relev avait t tabli sur la base des vingt et une tablettes dcouvertes jusqualors, ainsi que des outils gravs. Plus tard, lorsque de nouvelles fouilles vinrent enrichir la collection, cet inventaire fut mis jour et sarrta dfinitivement en 1932 dans le tome I de Glozel , avec un nombre total de 111 signes ainsi que leurs va-

    riantes, qui constituent ce que Morlet appela le syllabaire de Glozel. Par la suite, il tenta de d-gager de ce relev gnral des signes, ceux qui avaient pu former une criture courante. Pour ce faire, il ne considra que les trois plus grandes tablettes qui totalisent elles seules quelque 280 caractres, desquels il en isola une quarantaine quil supposa dun emploi courant. Dans ce tableau ne figurent cependant pas cer-tains signes composites gravs seulement sur quelques galets isols, ni de petites reprsenta-tions de ttes danimaux que lon trouve parfois mles aux caractres de Glozel. Ces dernires laissent supposer que lcriture comprenait ga-lement des signes figuratifs idographiques. Mor-let prcise en outre quil fut difficile de dterminer si deux signes conjugus (comme par exemple deux demi-cercles) devaient tre considrs comme formant un seul caractre, ou comme deux. Ceci sapplique aussi aux signes composi-tes qui sont peut-tre originaux, mais peut-tre tout simplement, de la mme manire, des si-gnes agglutins. Dans ce corpus, Morlet avance que les Glozliens avaient fait leur apprentissage de lcriture sur la pierre, los, livoire et le bois de cervid, et note que tel est dailleurs le cas pour dautres sites des environs, Puy-Ravel et Chez-Guerrier o il ny a pas, pour une mme criture, dautres supports que la pierre et los. Ces ins-

    Le syllabaire complet de Glozel.

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  • criptions ne comportent que peu de caractres, ou souvent un seul. Ceci laisserait penser quil ne sagirait l que dun seul mot qui serait donc un idogramme. Quant aux barres parallles accompagnant quelqu