Kalinowski Isabelle. Critiques de La Raison Une Anthologie Philosophique de l'Aufklärung Allemande

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    Actes de la recherche ensciences sociales

    Critiques de la raison : une anthologie philosophique de l' Aufklärung allemandeMadame Isabelle Kalinowski

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    Kalinowski Isabelle. Critiques de la raison : une anthologie philosophique de l' Aufklärung allemande. In: Actes de la recherche

    en sciences sociales. Vol. 111-112, mars 1996. Littérature et politique. pp. 125-128.

    doi : 10.3406/arss.1996.3174

    http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1996_num_111_1_3174

    Document généré le 17/09/2015

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    I s a b e l l e K a l i n o w s k i

    Critiques de l raison :

    une anthologie philosophique

    de l ufklärung allemande

    Aufklärung,lesLumières allemandes, textesetcommentairesparGérardRaulet,Paris,Garnier-Flammarion,1995.

    ublier,sousla formedélibérémentaccessibled unlivrede poche,et quiplusest d un manuel»àviséepédagogique,un recueilextrêmement

    completde textesphilosophiquesde YAufklärungallemande,parfoiscanoniquesmaissouventinaccessibles,assortis decommentairessavants,est sansdouteunebelleprovocation,danslaveine éclairée»: en

    traduisantet en expliquantquantitéd extraits,jusqu alorsinéditsenfrançais,deWolff,Lessing,Mendelssohn,Herder,Ehrard,Humboldt...,l auteurdurecueilredistribuebrutalementtout uncapitald éruditiongermanique,aulieude le réserverpourlesbesoinsd un certain prestigephilosophiquefrançais.

    LagrandeépoquedesLumièresallemandes,lederniertiersduxvniesièclel, estsansdoutedominéeparlacritiquede la raison.Lesdeuxpremierschapitresdurecueilmontrentqu aumoment mêmeoùKantdélimitele territoirede laraison,pouren asseoirl autorité,lalégitimitémêmede cet établissementest contestée.À lafameusequestionde la BerlinischeMonatschrift,Quesignifieéclairer?» - ou «Qu est-cequeles Lumières?»-,Mendelssohn répondla mêmeannéequeKantpar unplaidoyerambigu: il est descasoùla philosophiedoit«mettrela mainsur sa bouche»,«l abusdesLumièresaffaiblitle sensmoral,conduit à ladureté,l égoïsme,l irréligionet l anarchie».À cetteapologiede l ordredeschoses,Kantrépondraque«toutestperdusi ontransformelesconditions empiriques,et de cefaitcontingentes,de la loi en conditionsde la loi elle-même»(Théorieet Pratique, 1793).Au cerclevicieuxde laminorité» individuelleconfortéepar le pouvoirdes

    «tuteurs» et confortantcedernier(selonla célèbredéfinitionouvrant Wasst Aufklärung-.«Les Lumières, c estla sortiede l hommehors del étatde tutelledontil est

    lui-mêmeresponsable.L étatde tutelleestl incapacitédese servirde son entendementsansla conduite d unautre••),KantopposedanssaversiondeQu est-cequelesLumières?ladoubleexigencede1Öffentlichkeit,quiviseà lafoisl opinionpubliqueet la publicité»despensées,le rapportdynamiqueentrela libertéde publicationetlesprogrèsde l opinionpublique.

    Les abus de la raison kantienne

    Maisla même année, Hamann,l autrephilosophedeKönigsberg,rédigeune Métacritique dupurismede laraison,qu ilne publierapas; dans unelettre,ilreprocheà Kant,le «chiliaste»,de se «rangerlui-mêmedanslacatégoriedestuteurs»,«pour s assurerdu respectdeslecteursmineurs»,et d avoirainsiscellé l allianceentrelaphilosophieet le pouvoir: «Unraisonneuret un espritspéculatifpeut-ildoncen touteconscience,de derrièresonpoêleet coiffédesonbonnetdenuit,reprocherainsiauxmineurs leurlâchetéalorsqueleuraveugletuteurdisposepourgarantirsoninfaillibilitéet sonorthodoxied unearméenombreuseet bienentraînée?»Quinzeansplustard,Herder,autreancienélève deKant,publierasaMétacritiquede la Critiquede la raisonpure (1799).LepasteurHerder parledu «papisme deKant,et seréclame, aunomde la «raison»,d un «protestantisme»,contrecelui-là même quia voululimiterlesattributionsde la théologie: Lamétacritiquerelèveduprotestantisme.Elleprotestecontretout papismeimposantsesrèglementsdefaçonnoncritiqueetnonphilosophiqueà

    1- Certainsétendent1Aufklärungà toutlexvinesiècle,etmêmeauxvne,voireà lafinduxvie(HorstMöller, VernunftundKritik,Francfort,Suhrkamp,1986).LemêmeauteursouligneaudemeurantqueYAufklärungn estpasunfait,maisunprocessus: Kantnepensaitpasvivredansun siècle éclairé»,maisdansun siècledAufklärung».

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    la raisonet à lalangue.»Cetteremiseencausedel autoritékantiennereposesur deuxidéesmajeures.Lapremièreconcernela langue(onregretterapeut-êtrequecerecueiln aitpasfaituneassezgrandeplaceàcettequestiondéterminante): Herder reprocheà Kantde fairecommes ilparlaitlalanguepurede laraison,etd aboutirainsi,souscouvertd uneillusoiretransparence,à 1 «artifice»,aux«masquesverbaux»d une «supraraison»quine ditplusquedes«fictions»(«Sielles isolede touteexpérience,elleferaittoutaussibiende s isoleraussidulangage.»)Herderrépliqueainsià Kant,quiavaitperfidementvantéses «bellespages richesd éloquencepoétique» et misen causedes incursionsdu domainephilosophiquedansle champ voisindu langagepoétique»2 ;maisil atteste surtoutla conscienced unproblèmecapital: celuide la langue,capabled interposerentrele discourséclairéet sonlecteurun espacedemalentendus.

    aradigme mécanisteet paradigmeorganique

    Ladeuxièmeidée,quin estpaspropre à Herdermais

    constitueun des enjeuxmajeursde la critiquedeYAufklärung,concerne,pourfaire vite,lerefusduparadigme«physique»,«mécaniste»,et la défensed unparadigme«organique».C estl horreurde la scission,cettecaractéristiquedu mondemoderne,opposéeà labelleunitédes tempsimmémoriaux(chezHerdercommechezRousseau).L appositionde la barrièresymboliquequimarque,chez Rousseau,l actede naissancede lapropriétéprivée,de l injusticeet de l exploitation,est lesigned uneperditionà laquelleHerder,etplustardHölderlin,rattachentleurcritiquede la divisionsociale,dela divisiondu travail,de la division desfacultésdeconnaîtreet desentir.Herderécrit trèsexplicitementqueles délimitationskantiennesimpliquent,en fin decompte,«unescissiondansla naturehumaine,ladivisionentreles facultésde connaître,la divisionde lanature totale,la divisionde la raisonelle-même».Kantavaitluiaussiclairementperçucetteoppositionde deuxparadigmes épistémologiques,en soulignant, àl intentionde Herder3,que la pratiquede la philosophieconsistait plusà taillerqu àfavoriserXipousséedebeauxrejetons.Àlamêmeépoque,Hölderlinexposelesimplicationspolitiquesde ces considérationsépistémologiques(commedansce fameuxpassagedeXHyperion- «Onne peutconcevoirde peupleplusdéchiréquelesAllemands.Tu trouverasparmieuxdesouvriers,despenseurs,desprêtres,desmaîtreset desserviteurs,des

    jeunesgenset desadultescertes: maispasun homme.

    Oncroiraitvoirun champdebataillecouvertdebras,demains,demembrespêle-mêle,où le sangde la vieseperdlentementdans lessables4.

    En faisantfigurerau débutmêmede l ouvrage destextespolémiquesdeHamannet deHerder,eten s abste-nantdedonnerunedéfinitionrestrictivedeXAufklärung,l auteurdurecueil suggèredonc,à toutlemoins,quel espacedeXAufklärungn estpluscelui d uneraisontriomphante(lacomparaisonaveclestextesde Leibnizet deWolffégalementprésentésiciest à cet égardtrèsparlante),maisd uneraisonreflexive,d uneraisonquidouteets interroge sursespropresfonctions.

    Aufklärunget questions religieuses

    Letroisièmechapitreest consacréà la questionreligieuse.Il s ouvresurdesextraitsde lettresadresséesparFrédéricIIàd Alembertentre1765et 1770: àcedernier,quisoutenaitqu ilfauttoujoursenseignerauxhommes,etqu iln yajamaisd avantageréelà lestromper»,ledespoteéclairéoppose,commele souligneGérardRaulet,«uneconceptiontrès pragmatique,voirecynique,dela tolérance»: «Toutesles religionssontparprincipeutilesà l Étatcommefacteursd ordreet de moralité,etaussicommeinstrumentspolitiqueset économiques.FrédéricIIvanonseulementutiliserlescompétencesdesJésuitespourdévelopperl enseignement,maiségalementpourassurer sonpouvoirdansla Silésiecatholiquerécemmentconquise.»

    Lagrandefigure dela toléranceallemandefutévidemmentLessing: dans lesannées1770,il publiadesmanuscritsposthumesetanonymesde SamuelReimarus,l apôtrede la religionnaturelle»,niantà la foislaRévélation,l autoritédesÉcritureset la validitéuniversellede

    la traditionjudéo-chrétienne;devant lescandaledéclenchéparcettepublication,il défenditnontantlesidéespropresde Reimarusque la liberté,pourchacun,de«publiersaquêtede la vérité» . «Seulcomptaitpourluil esprit d investigation»,diraMendelssohnde Lessing.GérardRauletrésumeensuitelesenjeuxde la «querelledupanthéisme»,quiéclate en1785,aprèslamortdeLessing,ausujetdesrapportsdece dernieravecladoctrinede Spinoza: l énergiedéployéeparlesunset lesautres

    2- DanslesComptesrendusdesIdéessurunephilosophiedel histoiredel humanitédeHerder (1784).3- Ibid.4-Hölderlin,Œuvres, Paris,Gallimard, 1967,p.110.

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    pour se laverdu soupçonde spinozisme,termealors

    synonymed athéisme,donnela mesuredu fosséquisépareXAufklärungallemande desLumières françaises.Parue sousle règne de Frédéric-GuillaumeII, ladeuxièmepartiede LaReligiondans leslimitesde lasimple raison,danslaquelleKantréitèresonrefusdefairedériverla moralede la religion,et sonaffirmationquel existencedeDieuestun postulatet nonun objetdeconnaissance,est interditedepublication. L auteurdurecueilsoulignepar ailleursque le piétisme, parsaméfiance enversl orthodoxieet les institutions,a puparadoxalementconstituerun facteurfavorable àl avènementdesLumièresallemandes.DanslesDialoguesmaçonniques,Lessingprésentela franc-maçonneriecommeuneparaboledu mouvementdesLumières»(Raulet): le secret» de lafranc-maçonnerie«répondaubesoinde merveilleuxdeshommes», à uncertainstadede l évolutionde la société; maisla sectedesfrancs-maçonsestenréalitél avant-gardede l universalismedela raison».Dansle deuxièmeDialogue,Lessingmontrequelasociété,«lemoyenquirassemble leshommes,[.. .]a pourconséquenceimmédiatede lesdiviser» : Quand,aujourd hui, unAllemandrencontreun Françaisou unFrançaisun Anglais,ce n estpasseulementun homme

    quirencontreun autrehomme,[...],c estun hommedéterminéquirencontreLinautrehomme déterminé,tousdeuxconscientsde la différencede leursorientations,qui. lesrendl unpourl autrefroids,réticentsetméfiants,sans mêmequ ilsaientjamaiseuaffairepersonnellementl unà l autre.»Par la «différencedesétatssociaux la sociétéprolongecesdivisionsà l intérieur[d ellel-mêmeetpourainsidirejusqu àl infini».VAufklärungconsiste àdépasserle déterminismede cesdivisions: Souhaitons ardemment qu ilse trouvedanschaqueÉtatdeshommescapablesdes éleverau-dessusdes préjugésdeleurgroupeetdedéterminerexactementle momentoùlepatriotismecessed êtreunevertu.»Lessingopposeaux dogmeset pratiques extérieuresdesreligionspositives» (Raulet),autrementdit à l Églisevisible,le «noyaucommunde vérité»,le «consensusrationnel» desmembresdel Égliseinvisible.DansL Éducationdugenrehumain,ildéveloppecetteconceptionde la religionen unephilosophiede l histoire: l histoiredesÉglises visiblesestcelled une«initiationprogressiveà lavérité,d uneRévélation continuée»(Raulet): Lessingaffirmeque «la révélationest augenrehumaince quel éducationest à l individu».Il ne rejettedoncpas laRévélation,mais1 «historiase»,«d autantqu iln y a pasde différencede natureentre véritésrévéléeset véritésrationnelles»(Raulet).

    Histoire et téléologie

    Latransitionavecle quatrièmechapitre,consacréàl histoireet à lapolitique,s effectuedoncd elle-même.L histoire,ditKantdansl introductionà Vidéed unehistoired unpointdevuecosmopolitique,attendsonNewtonousonKepler.Si Kantrécusetouteidentificationdesa conception téléologiqueà une connaissancescientifique,il n en soulignepasmoinssa proximitéasympto-tiqueavecle modèlephysique, endéfinissantla sociétéet l Étatcommeun champde forces: la société,parcequ elleestlelieude1 «insociablesociabilité»,danslequellesforcesdesociabilitéet d asocialités équilibrent; l État,parceque «le droitestl équilibreentreun maximumdelibertéet un maximumde contrainte»(Raulet).L histoire(Geschichte)doitauxyeuxdeKantsegarderde seheurterà deuxécueils: celuid undeusex machinathéologiquequiseraitlegarantdu sensdel histoire,etceluidel erranceinfimedanslescontradictionsde l histoireempirique(Historie).Kantcritique ainsi,chezHerder,l usagedesrécitsde voyage: Dansl étatactuel,à partirde lamassedesdescriptionsdepays,on peutà songréprouverque[.. .]lesAméricainset lesNègressontuneespèceinférieureparmilesautresrameauxquantaux

    dispositionsintellectuelles,maispar ailleurs en sefondantsurdesrenseignementstoutaussivraisemblablesque,pource qui touchecesmêmes dispositionsnaturelles,ils sontau niveauden importequelsautres habitantsde laplanète.»Auniveauempirique,«ilestimpossibledeprésupposerchezleshommes [...]le moindredesseinraisonnable» 5; il en ira de mêmeau niveaudesÉtats,«aussilongtemps qu ils consacreronttoutesleursforcesà desvuesd expansionchimériquesetviolentes,et entraverontainsisanscesselelenteffortdeformation intérieurede lapenséechezleurscitoyens6».L idéed unprogrèsdel histoire,cetteIdée- oupostulatde la raison pratique—ne prendeffetqu auniveaude l espècehumainedanssonensemble.Ainsi,la «vanité»,1 «envie»,1 «appétitinsatiablede possessionoumêmededomination»,ceseffetsde la «pathologie»,conduisent-ilsl hommeverslemieux,malgrélui: «Sans cesqualités d insociabilité,[...]touslestalents resteraientpourtoujoursà l étatdegermesinépanouis,au milieud uneexistencede bergersd Arca-die, dansune concorde,une satisfaction,un amourmutuelparfaits»7.Dansles Conjectures surle débutdel histoirehumaine,Kantréaffirmequelepassagedel état

    5—Idéed unehistoired unpointdevuecosmopolitique,introduction.6—Ibid.,septièmeproposition.7- Ibid.,quatrième proposition.

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    denatureà l histoirecessed êtreladéchéancedécritepar

    Rousseaudèslorsqu onleconsidèreauniveaudugenrehumain,et nonplusde l individu: Ence qui concernel individuqui,faisantusagede sa liberté,ne songequ àsoi-même,ilyeutpertelorsde cechangementencequiconcernela nature,soucieused orienter lafinqu elleréserveà l hommeenvuedesonespèce,cefutungain.»Parlà, Kantse livre,selonRaulet,à une «sécularisationradicale: unefoisl hommesortidu paradis,Dieun aenquelquesorteplussonmotà diredansl histoire».

    Làencore,dansle domainede l histoirecommedansceluide la connaissance,Herders attaqueau paradigmedelaphysique8 : ilrécusel idéalde l État,cette«machine»aux «rouagesdépourvusde pensée»,pourdéfendreleslienscommunautaires«naturels».Età l inversede Kant,quiaffirmedansl Idée quenotrecontinent» «donneravraisemblablementun jourdes loisà touslesautres»,Herderse prononcedans sespropresIdées (en 1783)contretouteexportationdumodèleeuropéen: «Etsi depuisdessièclesle butde l Europealliéeétaitd être letyranquii .^sonbonheur àtouteslesnationsde la terre»,«la

    ^ xaôice[...]a séparélespeuplesnonpasseulementpardesforêtset desmontagnes,desmerset desdéserts,desfleuvesetdesclimats,maisen particulieraussipardesidiomes, despenchantsetdescaractères,uniquementafinde rendrela tâchedifficileau despotisme». Latéléologieherdériennen estpas«géométrisable», à l inversede latéléologiekantienne: le progrès,selonlui,empruntelesméandresdel histoiredespeuples,dontchacun«porteenluisoncentredefélicité»9.

    Gardons-nous cependantde réduirelesvastesdébatsdont Gérard Rauletnous livre les enjeuxà laseuleconfrontationentreKantetHerder,mêmes ilapparaît,à lalecturemêmede tous lestextesempruntés àd autresauteurs,que lesproblématiquesde l époquetrouventchezeuxleurformulationla plusexpliciteet laplus

    radicale10; l ouvragemetégalementl accent,dansledomainepolitique,surlaquestiondurapportentrethéorieetpratique,surleproblèmede l éducation,surceluidesformesdegouvernementet de la définitionde la «citoyenneté»,surlaquestiondu«droit»derévolution(avecdesextraitsd Ehrardet de Fichte),et,defaçon générale,surl inflexionapportéeparla Révolutionfrançaiseà lapenséepolitiquedesLumièresallemandes.

    sthétique et Révolution

    Lerecueilse clôt surun dernier chapitreconsacréàVesthétiquephilosophique.C estBaumgartenqui,selonl auteur,inaugurevéritablementcette dernière: son

    esthétiquen estplus«unepoétique,ni unethéoriedu

    Beau,niunethéoriedu goût»; saspécificitéestd attribuer«à l expérience esthétiqueune évidenceet unevaleurdevéritépropres»,et depréfigurerainsil affirmationkantiennedel autonomiedel expérienceesthétique.Quelquetrenteansplustard,en 1766,Lessingsortducadre desPenséessurl imitation des œuvresgrecques,deWinckelmann(1756): sonLaokoon,quimetd unepartl accentsurlesexigencespropresdesdifférentsmatériauxartistiques(etrefuseainsi l assimilationde lapoésieet delapeinture)etsouligned autrepartl importancedela réception,doitêtreconsidérécommela premièreesthétiquemoderne».

    Parla suite,la RévolutionfrançaisefaitapparaîtreenAllemagnedesrapportsspécifiquesentre l esthétiqueetle politique.Kantdécritl expériencefaitepar lesAllemandsde laRévolutioncommeune expérienceesthétique,précisémentcommeuneexpériencedu sublime,«rapidealternancede répulsionet d attractionpar lemêmeobjet»{Critiquede lafacultédéjuger,§27).SchillerinterprètelaRévolutioncommel avatard unerationalitétronquée, laconséquenced unerépressionde lasensibilité» (Raulet);cette«criseinterne delarationalité»nepeut àsesyeuxtrouverune issuequeparlamédiationesthétique(«IIn y a pasd autrevoiepourrendreraisonnablel hommesensiblequede le rendred abordesthétique11»).Lesdébutsde l idéalismeallemand,auquelGérardRauletconsacreraun autrevolumede lamêmecollection,seronten effetmarqués- chezHölderlin,enparticulier- par untournantversl esthétique,né duconstatdouloureuxde l incapacitéde l Allemagneàuneaction proprementpolitique.

    8- «L espritdelaphilosophiemoderne- qu il nepuisseêtre,deplusd unemanière,quemécanisme, c estcequemontre, mesemble-t-il,laplusgrandepartiedesesenfants.[...]Aulieuquedansl ancientempsl espritphilosophiquenesesuffisaitjamaisà lui-même,maispartaitdesaffairesetsehâtaitdelesrejoindre,[.. ]depuisqu ilestlivréà lui-mêmeetestdevenuunmétieràpart,iln estplusqu unmétier»(Uneautrephilosophiedel histoire,1774).9- Ibid.10- Ramenerl oppositionentreKantetHerderàcelledu rationalismetdePirrationalisme,excluredesLumièresceluidontlesidéologuesnazisseréclameront,bienpartialement,aunomdelamystiqueduVolk,simplifiegrandementledébat,ainsiquel afortementsoulignéPierrePénisson;nullepartsans doute Herder nefaitaussibienlapreuvedesonintentiond «éclairerlesLumières» (Raulet)quedanssonattentionàtouslesmécanismesdupouvoir,politique,littéraire,philosophique,etsurtoutàceuxqui s immiscentjusquedanslalangue—ouen procèdent.11- 23eLettresurl éducationesthétique.