l Espace Proustien

Embed Size (px)

Citation preview

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    1/22

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    2/22

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    3/22

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    4/22

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    5/22

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    6/22

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    7/22

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    8/22

    A Georges Cattaui.

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    9/22

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    10/22

    Nous juxtaposons, dit Bergson, nos

    tats de conscience de manire les aper-

    cevoir simultanment non plus l'un dans

    l'autre mais l'un ct de l'autre bref,

    nous projetons le temps dans l'espace.

    Critique la plus grave que le bergsonisme

    adresse l'intelligence. Celle-ci aurait ten-

    dance anantir la continuit relle de notre

    tre en lui substituant une sorte d'espacemental o les moments s'aligneraient sans

    jamais s'entrepntrer. D'o, pour Berg-

    son, la ncessit de dtruire cet espace ,

    de revenir par l'intuition la pure dure,

    au murmure modul par lequel l'existence

    rvlesanature inpuisablementchangeante

    l'esprit. Il est singulier que celui dont on a

    AVANT-PROPOS

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    11/22

    si souvent voulu faire un disciple de Berg-

    son, ait pris, probablement sans le savoir,

    une position diamtralement contraire. Si la

    pense deBergson dnonce et rejette la m-

    tamorphose du temps en espace, Proust

    non seulement s'en accommode mais s'y

    installe, lapousse l'extrme et enfaitfina-lement un desprincipes de son art. Voici ce

    que voudrait montrer le petit essai qui va

    suivre. A la mauvaise juxtaposition, l'es-

    pace intellectuel, condamn par Bergson,

    s'oppose une bonnejuxtaposition, un espace

    esthtique, o, en s'ordonnant, les mo-

    ments et les lieux forment l'uvre d'art,

    ensemble remmorable et admirable.

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    12/22

    Dans les termes mmes du titre qu'il

    porte, l'on sait que le roman proustien est

    trs exactement une recherche du temps

    perdu . Un tre se met en qute de son

    pass, s'efforce de retrouver son ancienne

    existence. Or, c'est ds le premier moment

    du rcit que cette recherche commence. On

    y voit le hros, rveill en pleine nuit, se

    demander quelle poque de sa vie se rat-

    tache ce moment o il reprend conscience.Moment totalement dpourvu de rapport

    avec le reste de la dure moment suspendu

    en lui-mme et profondment angoiss,

    parce que celui qui le vit, ne sait littrale-

    ment quand il vit. Perdu dans le temps, il

    est rduit une vie toute momentane.

    Mais l'ignorance de ce dormeur rveill

    1

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    13/22

    est plus grave encore qu'il ne semble. S'il

    ne sait pas quand il vit, il ne sait pas non

    plus o il vit. Son ignorance n'est pas

    moindre quant sa position dans l'espace

    que quant sa situation dans la dure

    Et quand je m'veillais au milieu de la

    nuit, comme j'ignorais o je me trouvais,je ne savais mme pas au premier instant

    qui j'tais1.

    La premire question qui monte aux

    lvres de l'tre proustien n'est donc pas dif-

    frente de celle que seposent tout bout de

    champ tant de personnages de Marivaux,

    tombs, comme ils l'avouent volontiers eux-

    mmes, de la lune, et se demandant dans

    quel lieu et dans quel moment ils se trou-

    vent Je m'y perds, disent-ils, la tte me

    tourne, o en suis-je ?Ces tres tour-dis et charmants ne savent pas o ils sont,

    o ils en sont, parce que, dans leur distrac-

    tion ou leurpassion, ils ont perdu le contact

    avec le monde qui tait le leur. Ou plutt

    car nous sommes ici sur le plan tragique,

    et dans un mode de vie qui ne ressemble

    gure l'insouciance marivaudienne

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    14/22

    l'ignorance du personnage proustien est

    plus prcisment comparable l'tat d'es-

    prit de cet tre que Pascal imagine trans-

    port, pendant qu'il dormait, dans une le

    dserte, et s'y veillant au matin dans la

    terreur, sans connatre o il est, et sans

    moyen d'en sortir .L'tre qui s'veille, et qui, en s'veillant,

    reprend conscience de son existence, re-

    prend donc conscience d'un laps devie sin-gulirement et tragiquement contract. Qui

    est-il ? Il nele sait plus, et il nelesait plus,

    parce qu'il a perdu le moyen de relier lelieu et le moment o il vit, tous les autres

    lieux et moments de son existence ant-

    rieure. Sa pense trbuche entre les temps,

    entre les lieux. Le moment o il respire

    est-il contigu un moment de son enfance,de son adolescence, de son ge adulte ?Le

    lieu o il est, quel est-ilEst-ce sachambre

    coucher de Combray, de Paris, ou l'une

    de .ces chambres d'htel, plus rbarbatives

    que toutes, parce qu'tant sans rapport

    d'accoutumance et de sympathie avec l'tre

    qui les occupe, elles ne sont pas de vrais

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    15/22

    lieux, elles ne tiennent rien, elles sont,

    pour ainsi dire, n'importe o dans l'es-paceP D'autre part, pour qui s'veille dans

    le noir, comment tre sr de la faon dont

    les lieux se disposent ?Pendant un ins-

    tant, crit Proust dans la prface du Contre

    Sainte-Beuve, je fus comme ces dormeurs

    qui en s'veillant dans la nuit ne savent pas

    o ils sont, essaient d'orienter leurs corps

    pour prendre conscience du lieu o ils se

    trouvent, ne sachant dans quel lit, dans

    quelle maison, dans quel lieu de la terre,

    dans quelle anne de leur vie ils se trou-

    vent'. Ainsi, ttons, l'esprit cherche

    se situer. Mais il a perdu leplan du lieu

    o il se trouve3. Auhasard, l'aveuglette,

    il place ici la fentre, l en face la porte

    jusqu'au moment o vient un rais de lu-

    mire, qui, clairant la chambre, contraint

    la fentre quitter sa place et tre rem-

    place par la porte. De la sorte, presque au

    petit bonheur, l'ordre des lieux bascule et

    se refait de fond en comble. Ou bien en-

    core, dans unautre pisode, voici qu' l'en-droit mme o s'levait le mur de sa

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    16/22

    chambre, le hros, alors enfant, voit appa-

    ratre un autre espace, une lande, o un

    cavalier se dplace. Mais le premier espace

    n'est pas aboli, le corps du cavalier coin-

    cide avec le bouton de la porte. Deux es-

    paces peuvent donc se superposer et l'un se

    surimposer l'autre, tel un vitrail vacil-

    lant et momentan4. Or, ce vacillement,

    ce vertige, combien de fois ne le voit-on

    pas affecter le personnage proustien Cela

    lui arrive mme quand il est veill et

    qu'un vnement inattendu le trouble. Par

    exemple, quand, au bas d'une invitation,Marcel lit la signature inespre de Gil-

    berte, il n'en croit pas ses yeux, il ne sait

    plus o il se trouve Avec une vitesse

    vertigineuse, cette signature sans vraisem-

    blance jouait aux quatre coins avec mon

    lit, ma chemine, mon mur. Je voyais tout

    vaciller comme quelqu'un qui tombe de

    cheval a.

    Vacillation du mur o l'enfant voit che-

    vaucher Golo, vacillation de la pice o

    l'adolescent reoit la premire marque d'in-trt de l'aime, vacillation enfin de la

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    17/22

    chambre o l'adulte angoiss se rveille

    dans le noir, voil trois exemples d'un tour-

    noiement la fois intrieur et extrieur,

    psychique et spatial, qui, trois poques

    distinctes de son existence, affecte en mme

    temps l'esprit du hros et les lieux mmes

    o il se trouve ces moments-l. Mais cesmoments de vertige ne sont pas les seuls.

    L'on se souvient du singulier pisode destrois arbres sur la route d'Hudimesnil.

    Etranges et familiers, jamais vus et pour-

    tant semblables quelque image du pass

    que l'esprit ne peut ressaisir, l'exprience

    paramnsique qu'ils provoquent interdit

    la pense de les reconnatre dans le lieu

    dont ils taient comme dtachs , aussi

    bien d'ailleurs que de les situer dans un

    autre de sorte, ajoute Proust, que monesprit ayant trbuch entre quelque anne

    lointaineet le moment prsent, les environsde Balbec vacillrent.

    Ce qui vacille ici, ce n'est pas seulement

    le temps, ce sont les lieux, c'est l'espace.

    Un lieu s'efforce de se substituer un autre

    lieu, de prendre sa place. Or il en va de

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    18/22

    mme dans un pisode plus mmorable

    encore. A la fin du Temps retrouv, chez

    le prince de Guermantes, le hros s'essuie

    les lvres avec une serviette fortement ami-

    donne. Aussitt, dit-il, c'est la salle man-

    ger de Balbec qui cherche branler la

    solidit de l'Htel de Guermantes , et qui,observe-t-il encore, fait vaciller un ins-

    tant les canaps autour de moi.7En un

    mot, juste comme la chambre coucher

    de Combray et le paysage o chevauchait

    Golo, Balbec et l'Htel de Guermantes sont

    des lieux vacillants et substituables. Tels

    le mur et la lande, ils se disputent le mme

    espace. L'un est de trop et usurpe la place

    de l'autre. Le phnomne du souvenir

    proustien n'a donc pas seulement pour effet

    de faire chanceler l'esprit entre deux po-

    ques distinctes il le force choisir entre

    des lieux mutuellement incompatibles. La

    rsurrection du pass, dit Proust en sub-

    stance, force notre esprit trbucher

    entre les lieux lointains et les lieux prsents

    dans l'tourdissement d'une incertitude

    pareille celle qu'on prouve parfois devant

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    19/22

    une vision ineffable, au moment de s'en-

    dormir8.

    Au moment de s'endormir, au moment

    inverse et correspondant du rveil, dans

    l'espce de clair-obscur o la conscience est

    moins arme pour rsister aux phnomnes

    qui la troublent, il arrive donc parfois aupersonnage proustien de voir l'espace se

    scinder, se ddoubler, perdre sa simplicit

    et son immobilit apparentes. Et il se peut

    que cette exprience ait pour effet chez celui

    quil'prouve, un vertigineux bonheur. Mais

    laplupartdu temps, la dcouverte du carac-

    tre instable des lieux lui inspire, bien au

    contraire, un sentiment d'apprhension et

    mme d'horreur Peut-tre l'immobilit

    des choses autour de nous, crit Proust,

    leurest-elleimpose par notre certitudequece sont elles et non pas d'autres, par l'im-

    mobilit de notre pense en face d'elles.

    Toujours est-il que quand je me rveillais

    ainsi, mon esprit s'agitant pour chercher,

    sansy russir, savoir o j'tais, tout tour-

    nait autour de moi dans l'obscurit, les

    choses, les pays, les annes 9.

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    20/22

    Cherchant savoir o j'tais. On

    voit donc clairement que, ds le premier

    moment on pourrait presque dire aussi

    ds le premier lieu du rcit, l'uvre

    proustienne s'affirme comme une recherche

    non seulement du temps, mais de l'espace

    perdus. Perdus l'un comme l'autre, aumme titre, perdus, au sens o l'on dit

    qu'on a perdu son chemin, qu'on recherche

    sa route. Mais perdus aussi, au sens o l'on

    dit qu'on a perdu ses bagages, perdu les

    grains d'un collier qui s'est dfait. Com-

    ment relier l'endroit o l'on est, le moment

    o l'on vit, tous les autres moments et

    endroits parpills en quelque sorte tout le

    long de l'tendue ?On dirait que l'espace

    est une sorte de milieu indterminable, o

    errent les lieux, de la mme faon que dans

    l'espace cosmique errent les plantes. Tou-

    tefois le mouvement de celles-ci est calcu-

    lable. Mais comment calculer le mouvement

    des lieux en erranceP L'espace ne les en-

    cadre pas il ne leur assigne pas une posi-

    tion inchangeable. Comme il arrive parfoisaux images de notre pense, rien ne s'op-

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    21/22

    Extrait de la publication

  • 7/24/2019 l Espace Proustien

    22/22