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Le journal des quatre îles de la lune Ngazidja, Ndzuani, Mwali : 400 fc Maore : 2 euros France : 2 euros Les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus numéro 18 - semaine du jeudi 1er décembre au mercredi 8 décembre 2005 www.kashkazi.com L’ÉRUPTION Pour la seconde fois de l’année, le Karthala s’est manifesté en couvrant de cendres une partie de Ngazidja. Des milliers de personnes ont respiré la poussière crachée par le volcan. Reste à évaluer les dégâts. q/5 .6 6 Aux lecteurs de Maore COMME VOUS L AVEZ CONSTATÉ, LES CONDITIONS DA- CHEMINEMENT DE KASHKAZI depuis Moroni jusqu’à votre île sont beaucoup plus compliquées qu’on aurait pu le croire en mesurant la distance géogra- phique qui sépare Ngazidja de Maore. Pour que votre journal arrive le jeudi dans les kiosques mahorais, un journaliste de l’équipe est contraint de prendre l’avion chaque semaine. Toutes nos tentatives pour utiliser les voies normales d’expédition de marchandises -la procédure de fret- se sont en effet soldées par un échec. Le problème ne vient pas de l’administration française mais de la seule compagnie reliant chaque jour Maore au reste de l’archipel. Celle-ci refuse d’effectuer les démar- ches administratives demandées dans pareil cas à une entreprise de transport aérien. Ces trajets hebdomadaires provoquent un surcoût que notre jeune société ne pourra à terme supporter. Nous avons longtemps repoussé l’augmentation du prix de vente de Kashkazi à Maore, espérant trouver une solution moins coûteuse. Mais nous ne pouvons malheureusement attendre plus longtemps. Nous sommes donc dans l’obligation de faire passer le prix au numéro de 1,50 euros à 2 euros. En vous remerciant de votre fidélité et de votre sou- tien précieux, nous espérons que vous comprendrez cette décision prise à contrecœur. L’ ÉQUIPE DE KASHKAZI une BOMBE à retardement C’est quoi le régime BACAR ? epttjfs ! ! q/23 .2 2 4 .2 2 5 CLANDESTINSpourquoi ils partent dif{ ! ! wpvt ! ! q/ ! !29.2 2: INDÉSIRABLES les c onséquences d’un retour massif qmvt ! ! mpjo ! ! q/ ! !8.9 9.: :.2 21.2 22 NDZUANI 22!qbhft qpvs!njfvy dpnqsfoesf Oe{vboj

L’ÉRUPTION · 2015. 10. 7. · Le journal des quatre îles de la lune Ngazidja, Ndzuani, Mwali : 400 fc Les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus Maore : 2

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Le journal desquatre îlesde la lune

Ngazidja, Ndzuani, Mwali : 400 fc Maore : 2 euros France : 2 eurosLes vents n’ont pas de frontière, l’information non plus

numéro 18 - semaine du jeudi 1er décembre au mercredi 8 décembre 2005www.kashkazi.com

L’ÉRUPTIONPour la seconde foisde l’année, le Karthalas’est manifesté encouvrant de cendresune partie deNgazidja. Des milliersde personnes ontrespiré la poussièrecrachée par le volcan.Reste à évaluer lesdégâts. q/5.66

Aux lecteurs de MaoreCOMME VOUS L’AVEZ CONSTATÉ, LES CONDITIONS D’A-CHEMINEMENT DE KASHKAZI depuis Moroni jusqu’àvotre île sont beaucoup plus compliquées qu’onaurait pu le croire en mesurant la distance géogra-phique qui sépare Ngazidja de Maore. Pour que votre journal arrive le jeudi dans leskiosques mahorais, un journaliste de l’équipe estcontraint de prendre l’avion chaque semaine. Toutes nos tentatives pour utiliser les voies normalesd’expédition de marchandises -la procédure de fret-se sont en effet soldées par un échec. Le problèmene vient pas de l’administration française mais de laseule compagnie reliant chaque jour Maore au restede l’archipel. Celle-ci refuse d’effectuer les démar-ches administratives demandées dans pareil cas àune entreprise de transport aérien.Ces trajets hebdomadaires provoquent un surcoûtque notre jeune société ne pourra à terme supporter.Nous avons longtemps repoussé l’augmentation duprix de vente de Kashkazi à Maore, espérant trouverune solution moins coûteuse. Mais nous ne pouvonsmalheureusement attendre plus longtemps. Noussommes donc dans l’obligation de faire passer leprix au numéro de 1,50 euros à 2 euros.En vous remerciant de votre fidélité et de votre sou-tien précieux, nous espérons que vous comprendrezcette décision prise à contrecœur.

L’ÉQUIPE DE KASHKAZI

une BOMBEà retardement

C’est quoi le régime BACAR?epttjfs!!q/23.224.225

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FACE(S)Le 11 décembre, la très attendue mis-sion parlementaire française d'informa-tion sur l'immigration se rendra àMaore afin d'y rencontrer les princi-paux acteurs du dossier. Il est prévuqu'elle passe par les Comores indépen-dantes le 15 décembre. Démarche fortlouable. Espérons tout de même que lavisite à la "source" de l'immigration tantdécriée durera plus d'une journée etpassera par l'île de Ndzuani. Sinon cettemission ne comprendra rien à la ques-tion, et entreverra encore moins lesréponses à y apporter. A Kashkazi, nous avons décidé d'antici-per. Une grande partie de la rédaction apassé une semaine à Ndzuani afin derencontrer ceux qui partent, ceux quirêvent de partir, ou ceux qui sont reve-nus. Il s'agit tout simplement de faire letravail que cette mission réalisera diffi-cilement en si peu de jours : se rendresur le terrain, donner la parole à ceuxqui ne l'ont jamais, et ainsi recueillir uncertain nombre de témoignages afin decomprendre pourquoi des dizainesd'Anjouanais risquent chaque nuit leurvie, et pourquoi leur retour qui satisfe-rait une partie des Mahorais risqueraitde déséquilibrer durablement Ndzuani.Ce journal est fait pour vous, les parle-mentaires français ; mais aussi pourvous, les dirigeants comoriens, qui nefaîtes rien pour vous attaquer à la racinede ces migrations. Il est fait pour com-prendre les raisons de l'immigration,pour entrevoir les conséquences d'unretour massif. Bref, pour trouver unesolution qui satisferait tout le monde, etpas seulement un côté du bras de cettemer meurtrière.

LA RÉDACTION

Ecrivez-nous à : Kashkazi, BP53 11,Moroni, Ngazidja,

Union des Comores,rubrique “Courrier” ;

ou à [email protected]

CE VENDREDI 25 NOVEMBRE, JOUR DE LA DEUXIÈME

ÉRUPTION VOLCANIQUE DE L’ANNÉE, j’ai eu une sou-daine révélation : mais bien-sûr que oui ! Pourquoin’y ai-je pas pensé plus tôt ? Depuis 1978 que l’onse demande à quoi peut bien servir l’armée como-rienne, je viens, en écoutant, apeuré, enfermé chezmoi, attendant les instructions officielles sur laconduite à prendre, alors qu’un épais nuage de pou-dre cendreuse couvre la presque totalité de l’île deNgazidja, que la population est laissée à elle-même,que les informations à la radio sont approximatives,qu’un colonel dit qu’il ne sait que dire, qu’un direc-teur de l’Observatoire du Karthala affirme ferme-ment qu’il n’est sûr de rien, qu’un sous-ministre

chargé de la sécurité n’a rien d’autre à proposerqu’appeler la population apeurée et dispersée à ren-trer chez elle et à lever les deux mains vers le ciel -attitude qu’elle a adoptée depuis la veille sans atten-dre les conseils oiseux d’un sous-ministre plein defatuité, je viens, disais-je, d’avoir une plus qu’évi-dente révélation : l’armée, cette armée dont tout lemonde se gausse, cette armée que l’on accuse de nepouvoir se battre que contre une population auxmaines nues, peut en réalité être chargée d’unenoble et dangereuse mission. Elle peut, courageuse-ment, témérairement, agressivement, martialementet certainement utilement, faire la gardienne desinstruments de l’Observatoire du Karthala, seule

véritable menace intérieure. C’est une sérieuse pro-position que je fais au “colonel” qui est le chefsuprême de l’armée : que les différents sites d’ob-servation des mouvements sismiques du volcansoient gardés 24h/24 par l’armée et ainsi au moinscette dernière servirait à quelque chose d’utile pourla sécurité de la population. mais je doute fort d’êt-re écouté quand, lors du journal de 13 heures de cejour de catastrophe naturelle nationale, la radio ditenationale développe en premier titre un dîner privéorganisé par le président dit de l’Union, et relègueles informations concernant le risque naturel ausecond plan. L’ego du chef suprême de l’arméepasse avant la sécurité de la population !

L’humeur de Saïd Kadaze Eureka pour l’armée nationale

IL EST TROP TÔT POUR TIRER DES

LEÇONS DE L'ÉRUPTION DU KARTHALA.Pour les prévisions, nous savons que lesscientifiques et techniciens chargés de lasurveillance du volcan manquent cruelle-ment de moyens et d'appuis logistiques. Les autorités nationales n'ont visiblementtiré aucun enseignement de l'éruption d'a-vril. A l'époque, les retombées de cendresétaient circonscrites au sud de la côte est dela Grande-Comore. L'ouest avait été épar-gné, même si les torrents de boue autour duvillage de Mdé, sur la côte ouest, étaientspectaculaires.Comme le souligne, dans une interview àl'agence Reuters, Mme Guiseppina Mazza,responsable du PNUD aux Comores, cettefois ci les cendres semblent plus lourdes.Elles recouvrent les 2/3 de l'île. Nous nousinterrogeons avec le Dr Mamadou Ball,représentant de l'Organisation Mondiale dela Santé sur les conséquences sur la santé etsur les plantes vivrières. Si la frange côtière de Bambao est approvi-sionnée en eau courante et les villages deshauteurs ont connu les pluies de saison, lereste des régions touchées souffrait de lasécheresse.Les retombées importantes de cendres onttransformé, depuis hier, les difficultés despopulations en souffrances. Peu de citernes sont couvertes efficace-ment. Le peu d'eau disponible est mainte-nant impropre à la consommation. Fautede choix, beaucoup vont braver les conseilsdes médecins en s'en remettant à Dieu, quia crée ces hommes de sciences pour le biendes humains. Qui a visité les cultures tou-chées par l'éruption d'avril ne peut douterde la nocivité des cendres sur la végétation.

Les roussettes - chauves souris locales - quidepuis hier, tombent des arbres comme desfruits pourris avertissent des dangers pourl'organisme. Dans d'autres pays des régionssont déclarées sinistrées pour moins. Les hautes autorités de l'Union ont dormipaisiblement la nuit du 24 au 25. RadioComores, dont le service maximum est lastigmatisation des opposants, a laissé auxradios privées le devoir d'informer la popu-lation. Hors période électorale, le gouver-nement se fout pas mal des citoyens et s'ac-commode fort bien d'une radio "nationale"inaudible à l'est de la Grande-Comore etdans les 3 autres îles. Depuis l'exécutif del'Union a fait le minimum par la voix duvice-président Caabi El Yachouroutu : “Ne

vous inquiétez pas, restez à la maison.” Legouvernement de l'île, premier responsableformel, mais dépourvu de moyens, multi-plie les cellules de crise. Juillet-août , la gendarmerie a été dépêchéepour recenser et distribuer du matériel pourcouvrir les citernes dans les régions deDomba et de Dimani. Le financement pro-venait d'un service des Nations Unies. Onse demande pourquoi s'arrêter à cesrégions, alors qu'aucune étude connue, neles a désignées comme étant plus exposéesque le Bambao, le Hambu, l'Itsandra oud'autres parties du Mbadjini aux futurscaprices du Karthala.

A MORONI, APRÈS L'ÉCLAIRCIE DE L'A-PRÈS-MIDI, les gens sont sortis, essentielle-ment pour chercher à manger. Ici même lapetite minorité qui dispose d'un frigo, fait lemarché au jour le jour. Les autorités sipromptes à envoyer les militaires tabasserdes manifestants n'ont pas pensé à donner

un coup de main aux boulangers pour ven-dre le pain dans les quartiers et réduire lesdéplacements dans une ville aux allures dedépotoir de ciment. La population, se sentabandonnée et ne fait pas confiance auxautorités pour faire face aux conséquencesde cette catastrophe. Les organisations internationales ne sontpas exemptes de critiques. Ellesconseillent, financent, exigent des milliersde réunions, de colloques, des études, surtout et n'importe quoi, mais la sécurité civi-le et la gestion des catastrophes naturellesappartiennent aux notes de bas de page. Laconsultation des documents qui seront pré-sentés le 8 mars aux bailleurs de fonds àMaurice est très instructive. Pour la pério-de 2006-2009, le gouvernement avec l'ac-cord de nos partenaires a provisionné 800millions de KMF pour la lutte contre le ter-rorisme, 173 millions pour la sécuritépublique, et 0 KMF pour la sécurité civile.Certes il affirme chercher en financementscomplémentaires auprès des bailleurs 1,3milliard pour la sécurité civile, 2 milliardspour la lutte contre le terrorisme et 801millions pour la sécurité mais quand ungouvernement ne met rien dans le panier etle tend vide de tout franc aux partenaires, lasignification est simple : on s'en fout desconséquences des mers déchaînées sur noscôtes, des cyclones sur les villages et lescultures, du volcan contre tout ce qui vit.La première caractéristique de notre pays -un petit archipel tropical fragile dans unezone de grandes turbulences naturelles- estignorée par ces grands bâtisseurs de châ-teaux de sables. Ce n'est pas la moindre des catastrophes.MSAM, Ngazidja

Catastrophe J'ai été interpellé par l'article “Suède”du dernier numéro dans la rubrique“Faut qu’ça sorte”. Vous dites pour-quoi venir vivre en Afrique si c'est pouren faire un Etat nordique ?L'organisation n'est pas réservée auxScandinaves. En ce qui concerne lasécurité routière, si avoir des feux rou-ges respectés, des places de parkingrespéctées, un code de la route respec-té, pour la sécurité des voitures maissurtout des piétons, je ne vois pas lemal. Un piéton africain n'a-t-il pas ledroit d'être autant respecté qu'un pié-ton français hexagonal ou un piétonsuédois ? Parce que nous vivons enAfrique, il faut que ce soit mal organi-sé ? Est-ce que l'organisation est unconcept suédois? Cela ressemble à desclichés coloniaux (...) Evidemmentavant d'appliquer des règles de droitcommun, il faudrait consulter lesMahorais. En matière de sécurité rou-tière, l'application du droit communn'acculture en rien les Mahorais. Sivous parlez de la polygamie, du foncier,de l'héritage, c'est différent. Seulementce sont aux Mahorais de faire savoir àleurs élus qu'il faut en débattre. Et c’estaux élus de dire ce qu'implique vrai-ment la départementalisation (paie-ment d'un impôt local même si la terrevous appartient, médecine privée...)Tant qu'on le leur cachera (ou qu'ils nevoudront pas ouvrir les yeux), c'est sûrque les Mahorais seront amenés à voirdes pratiques d'ailleurs imposées etqu'ils grinceront des dents. La questionest la suivante : veut-on le départe-ment à tout prix pour échapper auxrevendications de l'Etat comorien ? N'ya-t-il pas d'autres solutions pour resterfrançais tout en préservant la culturemahoraise ?

Faïd, Maore

Suède ?

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SUPER PQuand Perino fait du Sarko… lesmédias tombent dans le mêmepanneau. La semaine dernière, ledirecteur du travail à Maore aorganisé une descente dans leshauts lieux de l'hôtellerie maho-raise, à commencer par son fleu-ron, le Sakouli. En soi, rien deproblématique ; il s'agit d'uneinspection de routine visant à lut-ter contre l'embauche de person-nes en situation irrégulière. Lesouci, c'est qu'un journaliste deMayotte Hebdo avait été prévenuet a donc relaté une opérationsomme toute banale, la qualifiantmême d'Evénement de la semai-ne. Un peu comme lorsque leministre français de l'Intérieurappelle tous les médias à assisterà ses sorties dans l'au-delà ban-lieusard. Quel intérêt ? Aucun, sice n'est faire la publicité de lapersonne concernée, qui en profi-te pour dire des phrases choc dutype : "S'il nous laisse opérer

calmement, très bien, mais s'il

s'emporte, on lui fait une totale."

On n'est pas loin du "karcher"

sarkozyste.

Fautqu’ça sorte

Kashkazi www.kashkazi.comHebdomadaire de l’archipel des Comores édité par la SARL BANGWE PRODUCTION1ère annéeBP 5311, Moroni, Ngazidja, Union des Comores Tel. Fax : (00 269) 73 57 86e-mail : [email protected]

Directeur de la publication : Kamal'Eddine SaindouRédactrice en chef : Lisa GiachinoRédaction : Rémi Carayol, Nassuf Djaïlani (Maore),Kamal Ali Yahoudha (Ndzuani) Mra-Ati (Mwali)Responsable commercial : Ali SaindouCollaborateurs : Ahmed Abdallah, MouridiAboubacar, Bori D’chimbo, Soeuf Elbadawi, SalimHatubou, Faridy Norbert, Syfia International, Eric TranoisImpression : Graphica Imprimerie, Moroni

COMMU POUR SES PRISES DE POSITION DIFFÉRENTES DE

CELLES EXPRIMÉES PAR LA MAJORITÉ DES ÉLUS maho-rais, le maire de Koungou, Saïd Ahamadi, dit Raos,n'a pas dérogé à sa réputation dans les colonnes duquotidien réunionnais Témoignages. L'interviewremonte au 10 novembre ; en voici quelques extraits."Au vu de nos traditions, cela ne signifie pas grand-chose (le mot "clandestin", ndlr). Je dirais presqueque c'est un non-sens. Les populations des 4 îles sonttoutes apparentées de près ou de loin. Les déplace-ments entre les îles ont toujours existé. Nous n'avonsjamais eu besoin de papiers pour le faire. C'est nor-mal, nous n'avons pas la culture de l'écrit. Nos tradi-tions se transmettent oralement. Bien-sûr les temps

ont changé. Mayotte a choisi de rester française. Cechoix est définitif. Nous sommes ancrés dans l'en-semble français et il est exclu qu'il en soit autrement.Mais les traditions, et notamment celles de déplace-ments, demeurent. Cela ne devrait pas poser de pro-blème particulier, nous sommes habitués à l'immigra-tion depuis des lustres. Il faudrait autoriser les gens àse déplacer librement. (…) Toutes nos forces vivessont ailleurs. Attirés par le RMI et les allocationsfamiliales, les Mahorais sont partis en masse et conti-nuent à partir pour la Métropole ou La Réunion. Jesuis contre cette immigration sociale car elle affaiblitMayotte, mais c'est ainsi : l'île s'est vidée de ses bras.Les nouveaux arrivants, je préfère ce terme à celui de

"clandestins", comblent ce vide. C'est en ce sens quel'immigration est un bienfait pour Mayotte. (…) Je necompte plus le nombre de personnes, surtout desfemmes, qui viennent me voir pour me demander unCES (contrat emploi solidarité, ndlr) juste pour 3 ou 4mois, le temps de gagner de quoi payer leur billet d'a-vion et celui de leurs enfants pour aller à La Réunion.(…) (Je propose) la régularisation de tous les nou-veaux arrivants. Je ne parle pas bien sûr des délin-quants ou des personnes qui ont des choses à sereprocher. Les autres, ceux qui travaillent, qui produi-sent de la richesse et qui sont intégrés dans la sociétémahoraise doivent avoir la possibilité de séjournerlégalement chez nous."

Visa d’entrée “Nouveaux arrivants, je préfère ce terme”

Mégaphone

POUR LES YEUX DE RIAMA2005 EST L'ANNÉE DES 30 ANS ! Nous avonsentendu ici et là : les 30 ans de l'indépendance desComores, les 30 ans du début de la balkanisationdes Comores, les 30 ans de l'admission desComores aux Nations-Unies… Mais on a oubliéqu'il y a 30 ans de cela, notre pays connaissait unsombre moment de son Histoire avec l'épidémie decholéra qui décima des centaines de Comoriens. Le docteur Patrick-Alain Morvan écrit en 1976dans sa thèse intitulée "Le choléra aux Comores " :"Comme le prévoyait la réglementation en vigueur,chaque voyageur devait être protégé préventive-ment contre le choléra par la vaccination et la chi-mio-prophylaxie par Sulformetoxine. Mais, comptetenu des difficultés d'approvisionnement et denégligences locales, bon nombre de vaccinationsn'ont pas été effectuées, bien que les carnets étaientremplis et tamponnés. De même, au cours de cer-tains vols aériens, la Sulformetoxine n'a pas été dis-tribuée en raison de son détournement au bénéficedes trafiquants. Conséquence inévitable, au retourdu pèlerinage le 3/1/1975, le groupe des 'El Hädj',était éclairci, nombre d'entre eux atteints de diar-rhée aigue au cours du voyage ayant été hospitali-sés à l'escale de Dar Es Salam (Tanzanie). Il estdonc incontestable que le choléra ait été introduitaux Comores par la voie de la Mecque." Le docteur Patrick-Alain Morvan faisait partie del'Equipe médicale militaire d'intervention rapidequi est arrivée de France pour sauver des vies auxComores en ce triste an 75. Les médecins como-riens, eux, faisaient grève pour des revendicationssalariales. Lors d'un entretien que j'ai eu avec lui, leDr Morvan se souvient encore, 30 ans plus tard, decette "douloureuse expérience". Sa thèse reste le seul document qui, à ma connais-sance, traite du choléra de 1975 aux Comores etcela ne m'étonne pas que l'on n'évoque jamais cettetragédie : nous avons pour habitude de couvrirnotre Mémoire avec le sable du silence. Parmi lesvictimes anonymes de cette épidémie, une jeunefemme comorienne pleine d'ambition, militantepour l'émancipation de la Femme, très attachée àl'éducation et à la solidarité, des valeurs qu'ellejugeait fondamentales… Elle a fermé à jamais sesbeaux yeux en forme d'amande sur ses espoirs. Elles'appelait Riama Idjihadi et c'était ma mère.Cela fait 7 ans que j'ai commencé un roman basésur ce triste période de notre pays. Peut-être que jefinirai par l'achever parce que nous devons toussavoir qu'un jour, pendant que murmurait notreliberté chérie, des responsables politiques (par“négligence” et “magouilles”) ont mis en danger lavie de toute une population. Il y a 30 ans, yemkolo est parti, c'est très bien, maisil y a 30 ans aussi, nous enterrions les nôtres à lachaîne. Nous ne devons pas l'oublier. Salim Hatubou

LA FUMÉE PIQUE LES YEUX. LE FEU,ENCORE, DANS UNE BANLIEUE fran-çaise. Pas une bagnole de plus qui s'ap-prête à grossir ces chiffres qui serventtous les matins à jauger le climat socialfrançais. L'automobile embrasée, nou-vel étalon de mesure des tensionssociales d'une presse autiste. Non, pasune bagnole.Un amas de bois et de tôles, des lam-beaux de tissus, une affiche publicitai-re, une bassine en plastique et un boutde clôture en bambous ; les restes d'unecase dans le godet d'un tractopelle quis'en va finir dans les flammes d'un feuqui cache bien sa joie. Des maisons detôle qui s'effondrent une à une sous lescoups des engins, sous les efforts silen-cieux de ces familles aux regards hési-tants et aux visages fermés.Le fracas des marteaux et des bulldo-zers qui résonne sous le soleil tenacede cette saison chaude qui commence.Qui commence à peine.Tsoudzou 1, à Mayotte, cette petite îlede l'océan indien au statut hésitantmais bel et bien française. On y décaseen silence.Plusieurs dizaines de familles instal-lées entre la mangrove et la route natio-nale sont en train d'être expulsées, sanssolution de relogement. Certainesissues du mouvement d'immigrationclandestine en provenance des autresîles de l'archipel des Comores, d'autres,nombreuses, installées ici depuis plu-sieurs générations. Une fois n'est pascoutume, mahorais détenteur de lanationalité française et clandestins sonttraités à la même enseigne. Pas la plusglorieuse.La zone est soumise à des risques d'i-nondation. C'est vrai, là commeailleurs. Là comme dans une bonnepartie des autres quartiers de

Tsoundzou, là comme dans la plupartdes villages mahorais construits enbord de mer, et que l'on laisse en paix.Car surtout la route doit passer. Elledoit passer là. Alors on taille large. Trèslarge.

LA MENACE AVAIT POINTÉ SON NEZ,IL Y A PLUSIEURS MOIS DÉJÀ, sous laforme sympathique d'un avis d'expul-sion. Un avis sans appel, l'Etat s'estimeici chez lui. Pas de recours possiblepour ces familles. Pas de relogementnon plus.Entre une politique du logement socialminée par des décisions à courtes vues,et l'incapacité des pouvoirs publics àmettre en place une politique foncièredigne de ce nom, il n'y a pas de placepour les décasés de Tsoundzou 1. Ledécasement, une version tropicaliséede l'expulsion, les timides protectionsmétropolitaines en moins.Lundi le bout de papier des précédentsmois a pris un tour terriblement réel.Une injonction à quitter les lieux avantle lendemain, appuyée par des gendar-mes mobiles en tenue anti-émeute pos-tés aux entrées du village. Il n'y aurapas de révolte. Les habitants saventd'expérience que les réactions serontsans appel, que les tractopelles passe-ront, au besoin assistés par lesmatraques et les gaz lacrymogènes. Etpuis les solidarités villageoises se sonteffritées dans ce village qui accueilleles arrivants mahorais et comoriensaux portes d'une ville qui décidémentattire la misère.L'urgence, c'est de plier bagage, d'en-tasser en vitesse les rares biens au fondd'une fourgonnette, de récupérer tôleset bois qui serviront à construire unabris de fortune pour passer la nuit.Passer la nuit, mais où ?

Certains, trop rares, peuvent comptersur un parent, un ami qui les laisseras'installer sur un bout de parcelle.D'autres, nombreux, iront rejoindre lebidonville qui s'étale de l'autre côté duvillage. Rejoindre dans une insalubritéhonteuse les clandestins qui luttentpour accrocher leurs cases de tôles surles pentes abruptes de la colline, ren-dues terriblement dangereuses par lespluies diluviennes. C'est désormais unvrai village. Un village nié, oublié.

ET PUIS IL Y A TOUS CEUX, QUI

COMME AKIM, NE SAVENT PAS oùaller. Un canapé posé au milieu desdébris de ce qui était sa case, quelquesaffaires, et une famille qui voit le jourbaisser et s'apprête à passer la nuit là,parmi les moustiques et les odeurs depneus enflammés.Une seule petite case a été épargnée,celle d'Echati. Les hommes en orangede l'Equipement n'ont pas eu le coura-ge de la détruire. On les comprend.Echati à 17 ans, et son bébé n'a quetrois semaines. Ce soir, elle ne sait pasoù aller. Alors elle dormira là, etdemain elle ira au collège. Et demainsa petite case sera réduite en un tas decendres et de tôles froissées.Pas de relogement, personne pourassister ces familles. Juste du silence.Une brutalité naïve.Le vent tourne les pages d'un cahierd'écolier oublié parmi les débris. Unecarte de cette si lointaine Europecrayonnée maladroitement de couleursvives. Les restes d'une case qui s'em-brasent dans la nuit. La lune, pleine,éclaire les ruines fumantes.Et la France outre-mer s'endort ensilence.

Sylvain Grisot, Maore

Et la France outre-mers'endort en silence

A partir d’aujourd’huijeudi, les locaux de notre rédaction àMoroni ne se trouventplus à Sans-Fil maisdans le quartierBadjananiBadjanani, au 1er étage de l’immeuble CCLBCCLB,sur la place en face duvieux port.Notre numéro de télé-phone change aussi : ils’agit désormais du73.57.8673.57.86.

Kashkazidéménage

Censure ou pas ?Dans Kashkazi n°15 consacré à la liberté de la pressedans l’archipel, nous titrions “La censure, non, l’au-tocensure, oui” au sujet du journal d’Etat comorienAl-Watwan, en nous basant sur les témoignages duprécédent directeur et de l’actuel rédacteur en chef.Des journalistes de la rédaction ne le vivent pas decette manière et affirment voir chaque semaineleurs articles censurés.

Vous souhaitez abonnervotre établissement scolaire ?Contactez nous au 73.57.86,

nous proposons des conditions particulières

pour les écoles.

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C'EST EN CRACHANT DES TON-NES DE CENDRES QUE LE

KARTHALA A RAPPELÉ, dansla nuit de jeudi dernier et la matinée devendredi, son existence et sa vitalitéaux hommes de Ngazidja. Comme aumois d'avril, mais plus violemmentencore. Après avoir entendu des gron-dements, jeudi soir à partir de 20h30,les habitants du centre de l'île ont vu lespremiers grains de poussière tombervers minuit. Au petit matin, ils se sontréveillés dans un paysage sableux, au-dessus duquel la lumière filtrait diffici-lement à travers une atmosphère grise,opaque. Irrespirable pour les hommes,l'air rendu épais par les vomissures duvolcan a fait dès l'aube ses premièresvictimes : les chauves-souris quivenaient s'écraser sur le sol et dont lessurvivantes, incapables de s'envoler,tentaient de remonter dans les arbres àla force de leurs maigres pattes si ellesétaient tombées non loin du tronc. Unematinée apocalyptique que certainscroyants ont interprétée comme unavertissement divin, ainsi qu'en témoi-gnent les tracts exhortant la populationà diminuer ses pêchés et les cérémoniesreligieuses organisées ces jours-ci.Même la localisation de la pluie, qui al'effet appréciable de coller la poussièreau sol pour quelques heures, vient ali-menter ces convictions. "Certains dis-

ent qu'elle est tombée sur Itsandra

parce qu'un sharif y est enterré alors

qu'à Moroni les pêchés

sont concentrés", témoi-gne un jeune homme. Il faut dire que l'incertitu-de qui a régné sur l'îledurant toute la pluie decendres et même ensuiten'est pas de nature à rassurer une popu-lation prise complètement au dépourvu.Quelques signes avant-coureurs avaientpourtant été enregistrés à l'Observatoiredu Karthala, la structure de surveillancedu volcan basée au Centre national dedocumentation et de recherche scienti-fique, à Moroni. "Depuis 2003, on

enregistrait régulièrement des crises",indique Hamidi Soulé, responsable del'observatoire. "C'est pour cela qu'on

s'attendait à l'éruption du mois d'avril."

Cette fois-ci, une dizaine de jours avantl'éruption de jeudi soir, un regain d'acti-vité avait été décelé par les instrumentsde mesure installés sur le volcan. Deuxbulletins d'activité avaient été transmisaux autorités de l'Union mais le seuilimposant d'avertir la population n'avaitpas été franchi, et le gouvernementavait préféré garder pour lui ces infor-mations internes "pour ne pas affoler

les habitants". Puis le 18 novembre,soit six jours avant l'explosion, plusrien. "Le dernier bulletin disait :

"Retour à la norma-

le"", souligne HamidiSoulé. Pris de cours,l'observatoire n'a puque constater ce quiétait en train de se pro-duire, ses équipements

ne lui donnant aucune autre informa-tion que l'activité du volcan. Le pan-neau solaire de la station images ayantété volé voilà plus d'un mois et demi,les scientifiques ignoraient ce qu'il sepassait à l'intérieur du cratère. "Avec

cette station, on aurait pu avoir des élé-

ments", regrettent-ils. Leur commentai-re, vendredi matin, était des plusconcis : "Il y a une activité et nous

appelons à la prudence. Il n'est pas

possible de dire d'évacuer une zone

PAS DE LAVE, MAIS DELA POUSSIÈRE ET DEL’ANGOISSE. L’ÉRUPTIONDU KARTHALA, JEUDIDERNIER, A PRIS DECOURS LES SCIENTI-FIQUES, LES AUTORITÉSET SURTOUT UNEPOPULATION EFFRAYÉEPAR L’INCERTITUDE SURLES SUITES DE CETTEPLUIE DE CENDRES.

Vendredi vers 7 heures, Itsandra.

A quel moment surgiraient lesbraises du Karthala ? Tous lesvillageois attendaient. Le

temps paraissait à la fois long et court.Drôle d’attente, attente macabre. Ilsétaient condamnés. mais où se réfugier ?Les scientifiques étaient catégoriques :la volcan cracherait ses flammes cettenuit-là mais ne savaient pas par quelcôté sortiraient les laves. Si c’était par leNord, il faudrait courir vers le Sud. Sic’était par le Sud, il faudrait courir versle Nord. Jouer à cache-cache pour s’ensortir. ce manque total de précision n’é-tait nullement lié à de l’incapcité maisau fait que tous les matériels de détec-tion avaient été saccagés. Voilà oùmenait la stupidité, dans un pays oùfleurissaient les villas luxueuses despolitichiens, un pays où la populationdilapidait des centaines de millions defrancs pour des festins lors des mariagestraditionnels, et où tout allait périr parcequ’on n’avait pas la technique pour pré-venir la fureur d’un volcan.

Tiré d’un conte de Salim Hatubou, “A feu doux”, Françoise Truffaut éditions,

Paris, 2004

A cache-cachepuisque nous ne savons pas où le vent

portera les cendres. Nous en pouvons

pas dire non plus s'il y aura une coulée

de lave extérieure ou pas."

Ajoutées à des consignes de sécuritésommaires et hésitantes de la part dugouvernement -"Restez chez vous",

"Couvrez les citernes", "Protégez les

enfants et les personnes âgées de la

poussière"- ces indications diffusées à laradio n'ont pas empêché un vent de pan-ique au sein des villages les plus prochesdu volcan, dont une partie a plié bagagesprécipitamment pour Moroni. Quelquescentaines de personnes ont ainsi dormi àla brigade de gendarmerie de la capitale,finalement guère mieux lotie que lesvillages avoisinants -Moroni a été beau-coup plus envahie par les cendres qu'aumois d'avril. D'autres encore ont migrévers le nord, la seule région vraimentépargnée alors que le centre était touchéde plein fouet et que le sud, au surlende-main de l'éruption, était à son tour victi-me de la poussière déplacée par le vent.Dans l'agitation, la peur et la fuite, unbébé est mort. Sa mère avait quitté levillage de M'kazi pour se réfugier àOuellah Mitsamihuli, au nord mais sonenfant, trop bien protégé des cendres, aété étouffé par le linge ou le masque quicouvrait son visage, selon des informa-

tions venues de la préfecture de la zone. Incertitude encore sur les effets de lapoussière sur la santé. Après l'éruptiond'avril, des analyses ont mis en évidencela présence de particules acides dans lescendres et de nombreux cas de diarrhéesont été recensés mais aucune informa-tion ne permet de dire si le fait de respi-rer ces cendres est réellement dangereuxou pas. Des rapports sont attendus desministères de la Santé de l'Union et deNgazidja. Ce dernier proteste d’ailleurscontre les interventions de médecins, surdes chaînes de télé et de radio locales,qui prescrivent des rémèdes contre lesméfaits supposés de la,poussière de cen-dres “alors qu’aucune étude n’a été faite

pour l’instant”.

A PRÉSENT ENCORE, LA POPULATION

DE MORONI ne peut marcher dans lesrues sans s'exposer aux traces noires etpoisseuses que laissent les résidus decendre sur la peau et les cheveux. Lapoussière accumulée sur les toits, sur lesol et dans les feuillages continue d'êtresoulevée par le vent et s'engouffre dansles maisons fraîchement nettoyées. Denombreux habitants ne sortent plus sansleur masque anti-poussière ou un tissudissimulant leur bouche et leur nez.Outre la crainte des conséquences descendres sur leur santé, les nouvelles duKarthala ne les rassurent pas totalement.Au moment du bouclage de ces pages,mardi matin, une activité était en effetencore enregistrée à l'intérieur du cratè-re, où de la lave a été aperçue lundi.Après avoir baissé en intensité une foisl'éruption passée, l'activité s'est faite unpeu plus forte depuis dimanche et,depuis, est restée stable. Un regain d'ac-tivité était mardi peu probable, maisencore possible.

LISA GIACHINO

NGAZIDJA SOUS LACENDRE

“AUCUNE ÉTUDEN’A ÉTÉ FAITE SUR

CES CENDRES”

Page 5: L’ÉRUPTION · 2015. 10. 7. · Le journal des quatre îles de la lune Ngazidja, Ndzuani, Mwali : 400 fc Les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus Maore : 2

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Fsvqujpo!ev!Lbsuibmb

LES CELLULES DE CRISE ET LES

INTERVENTIONS SE MULTIPLIENT

ET SE CHEVAUCHENT, si bien qu'ilest difficile de savoir qui fait quoi. Toujoursest-il que le gouvernement de l'Union etcelui de Ngazidja ont mis en place, une foisn'est pas coutume, une collaboration poursoutenir le nettoyage et alimenter en eaupotable les localités touchées. Du côté del'Union, ce sont les deux postes de com-mandement activés jeudi soir, l'un tactiqueet l'autre opérationnel, qui dirigent les opé-rations menées par les militaires et gendar-mes. Selon le colonel Ismaël, membre del'état-major, ceux-ci disposent de 16camions citernes pour approvisionner l'en-semble des villages touchés, encore encours de recensement. Les premières esti-mations du gouvernement national indi-quent que 122.000 personnes seraientconcernées par la contamination de l'eaupar les cendres. Lundi, une dizaine de villa-ges avaient été approvisionnés. "Nous

avons presque le même dispositif qu'en

avril alors que les dégâts sont

plus importants", affirme lemilitaire. "Ce n'est pas suffi-

sant. Il nous faudrait plus de

camions, et des moto-pompes

pour aider la population à

vider les citernes qu'il faut nettoyer. On met

aussi beaucoup de temps à se rendre dans

les villages reculés", ajoute le colonelIsmaël.Le ministère de l'Intérieur de Ngazidja,avec les deux camions mis à sa dispositionpar l'Unicef, annonce quant à lui qu'il com-mencera par les régions d'Itsandra, Itsahidiet Domba, jugées prioritaires, avant decontinuer à sillonner l'île. Premier objectif :remplir les citernes et les fermer avec de latôle si elles ne sont pas couvertes. "Nous

visons les citernes publiques mais si le

village n'en dispose pas, nous allons rem-

plir les réservoirs privés", explique AbbasMhadjou, directeur général au ministère del'Intérieur.

L'Unicef, qui fournit une aide matérielleaux deux gouvernements concernés, avaitaprès l'éruption d'avril organisé la couvertu-re de 720 citernes par de la tôle ou du béton.Mais les travaux effectués sont loin d'assu-rer une eau potable à toutes les personnestouchées. L'organisation internationale apar ailleurs fait envoyer des cendres du vol-can à l'Institut Pasteur de Madagascar pouranalyse.Le Croissant Rouge, principale organisa-tion non gouvernementale sur le terrain, areçu le soutien de la Croix Rouge à laquel-le il est affilié. Deux médecins et deux ingé-nieurs en eau sont venus pour quatre joursd'intervention et de formation. Dimanche, la journée "ville propre" pro-grammée par la mairie de Moroni, qui nepouvait pas mieux tomber, a été mise à pro-fit pour tenter de déblayer la capitale. Desjeunes garçons armés de balais et de cache-

nez ont chassé la poussièredes rues. Mardi, c’était autour de l'hôpital El-Maaroufd’être nettoyé.L’établissement avait déjàinterrompu les consultations

lundi matin pour évacuer les cendres maisce n’est que le lendemain qu’il a été vérita-blement débarrassé de la poussière.Personnels militaire et médical ont balayéle sol, fait place nette sur le toit et le parkingavec l’aide d’un camion anti-incendie.L’épaisse couche de poussière qui reste surla plupart des trottoirs risque cependant derevenir à la charge autour de l’établisse-ment.Parallèlement à la cellule de crise du minis-tère de l'Intérieur, le gouvernement deNgazidja a publié un décret déclarant zonessinistrées le sud et le centre et a "fait appel

à la solidarité nationale". Les établisse-ments scolaires ont été fermés et, après desjournées de nettoyage auxquelles ont étéappelés les enseignants, les collèges etlycées du public pourraient rouvrir jeudi,tandis que les élèves du primaire attendrontlundi.

LE GOUVERNEMENT INSULAIRE DEMAN-DE AUSSI à ce que les conséquences de lapluie de cendres sur la faune et la floresoient étudiées. "Il faut éviter de jeter cette

poussière à la mer quand on voit quel effet

elles ont sur certains animaux", souligneDini Nassur, ministre de l'Environnementet de l'agriculture. "Nous avons appris que

des bêtes, ovins et caprins, ont crevé dans

certaines localités. Il faut aussi faire un état

des lieux de la végétation. Nous craignons

une famine. Les récoltes seront sans doute

abîmées et c'est un problème quand des

familles survivent grâce à l'agriculture de

subsistance. Il faudra peut-être prévoir une

aide alimentaire pour les zones sinistrées.

En avril, il pleuvait sur les cendres. Mais là,

les productions fragiles peuvent être étouf-

fées."

Dini Nassur insiste enfin sur les difficultésde logistique pour organiser le ravitaille-ment en eau : "Nous avions débloqué 2

millions de fc (4.065 euros), nous avions le

carburant, mais les camions prévus nous

ont fait défaut."

En attendant, les habitants de Moroni sepressent autour des fontaines publiques tan-dis qu’une minorité de villages ont pourl’instant reçu la visite d’un camion-citerne.L’eau en bouteille, à 500 fc (1 euros) le litreet demi, est hors de pris pour l’immensemajorité des ménages. Contaminée ou pas,l’eau “ordinaire” est consommée quoti-diennement depuis jeudi.

LISA GIACHINO ET AHMED ABDALLAH

Qu'est-ce qui a provoqué cette éruption ?Il s'agit d'une éruption de type phréato-magmatique. Ces éruptionsse déroulent en deux phases : la phase phréatique est explosive. Cesont les grondements, les explosions que l'on a entendus jeudi soir,puis la retombée de cendres. Ce phénomène est provoqué par uneinteraction entre le magma et l'eau. Une lutte acharnée entre l'eau etle feu, avec également du gaz. La phase magmatique commenceune fois que le feu a pris le dessus et qu'il a occupé la place de l'eau.En général, après, ça se calme. A présent, le lac d'eau a été rempla-cé par un lac de lave en cours de solidification, mais toujours enactivité. C'est son reflet qui émet une lumière rouge visible le soir.Si jamais il y avait formation d'une faille, il pourrait y avoir unecoulée de lave.

L'Observatoire du Karthala, financé par la coopération fran-çaise, dispose de moyens limités et les batteries et panneauxsolaires qui permettent d'alimenter le matériel de surveillancesont régulièrement volés. Avec un équipement plus complet,

seriez-vous en mesure de donner des indications plus précises ?Ce que nous avons là, c'est la base. Si nous avions un maximumd'équipements, nous pourrions appuyer telle ou telle hypothèse,envisage que la lave aille dans telle direction… Nous sommes aussihandicapés par la jeunesse de l'observatoire, inauguré en 1989.Cette éruption est la 3e étudiée scientifiquement. Cela ne suffit paspour prendre du recul et n'aide pas à faire des prévisions.

Deux éruptions la même année… Cela donne-t-il des indica-tions futures sur l'activité du volcan ?Au XIXe siècle, les éruptions étaient très rapprochées : dans lesannées 1800, il y en avait une ou deux par an. Au XXe siècle, la fré-quence était d’environ 11 ans : 1972, 1977, 1991. En 1977, c'étaitune coulée de lave, et en 1991 une éruption explosive au niveau ducratère sans contact entre le magma et l'eau, qui avait produit un gazpolluant. Avec les deux éruptions de cette année, on peut penser quele Karthala va adopter un nouveau style…

RECUEILLI PAR LG

EAU : LA PÉNURIE MENACELES PREMIÈRES INQUIÉTUDES CONCERNENT LA CONTAMINATION PAR LESCENDRES DES CITERNES D’EAU POTABLE.

“LES RÉCOLTESSERONT SANS

DOUTE ABÎMÉES”

“LE KARTHALA POURRAIT ADOPTERUN NOUVEAU STYLE”TROIS QUESTIONS À HAMIDI SOULÉ, RESPONSABLE DE L'OBSERVATOIRE DU KARTHALA.

En haut et au milieu, vendredi matin devant le grand marché de Moroni. En bas, une ven-deuse de maïs grillé, lundi, avec son masque anti-poussière.

Madjajou, derrière Caltex, Moroni. Alors que des armées de jeunes s'em-ploient à nettoyer la ville, ceux de ce quartier caillouteux ne peuventrien faire d'autre que débarrasser les toits de leur maison de la poussiè-re. Ce n'est pas bien dur d'y monter, puisque ici aucune habitation n'aplus d'un étage -en tôle. En temps normal, le sol est déjà poussiéreux.Alors, deux jours après l'éruption, l'air est encore chargé de cendres. Lescailloux qui hérissent les chemins -ce ne sont même pas des rues- nepermettent pas de balayer. Et comme le quartier n'est pas relié à l'eaucourante, il faut aller jusqu'à la fontaine pour trouver de quoi faire leménage. Les plus éloignés des points d'eau ont le temps de voir leurrécipient souillé en chemin. Et, le temps de faire les allers-retours, lapoussière est déjà revenue dans la maison, souvent peu étanche carconstruite avec des matériaux de fortune… Même les arbres, qui ren-dent d'habitude ce quartier un peu plus habitable, deviennent des enne-mis qui retiennent les cendres pour mieux les relâcher ensuite.

LG

DES CENDRES SUR LA POUSSIÈRE ET LES CAILLOUX

Page 6: L’ÉRUPTION · 2015. 10. 7. · Le journal des quatre îles de la lune Ngazidja, Ndzuani, Mwali : 400 fc Les vents n’ont pas de frontière, l’information non plus Maore : 2

7 Lbtilb{j!)29*!kfvej!35!efdfncsf!3116

8!!

kpvst!!

ARRÊTÉ AVEC 35MILLIONS DE FAUXUn commerçant anjouanais aété arrêté hier mercredi soir parla Brigade touristique et de sur-veillance de Moroni après sonpassage en douane à l'aéroportde Hahaya. Il revenait de Dar esSalaam avec 7 paquets de 5millions de fc chacun en coupu-res de 10.000 fc. Tous faux.Auparavant et selon ses dires,l'homme s'était envolé pour laTanzanie avec 17,5 millions defc (35.000 euros) authentiques,qu'il avait confiés pour repro-duction à un habitant du pays. Ila été confié à la gendarmerie.

RECTIFICATIFSuite à l’affaire de diffamationqui a secoué Mwali il y a troissemaines, nous avions écrit queles personnes accusées d’avoirparticipé à la diffusion du tractvisant le chef d’état-major,avaient écopé de trois mois deprison avec sursis. Il s’agit enréalité d’une peine d’un mois.

Crédit No. 3868/COM

L'Union Des Comores a obtenu un

Crédit de l'Association

Internationale de Développement

d'un montant équivalant à 13,3

Millions de dollars, pour financer le

Projet de Soutien des Services, et se

propose d'utiliser les fonds de ce cré-

dit pour régler des fournitures, tra-

vaux et services devant être acquis

dans le cadre de ce projet pour la

période 2004-2008.

1. Le projet comprend les compo-

santes suivantes :

Composante 1 : Sous projets à base

communautaire (Ecoles, Pistes rura-

les, Adductions d'eau….)

Composante 2 : Renforcement

Institutionnel et Renforcement des

Capacités des partenaires

Composante 3 : Activités de Santé

Composante 4 : Adductions d'Eau

en milieu Urbain

Composante 5 : Suivi & Evaluation,

et Audits

2. Concernant la Composante 2, Le

Fonds d'Appui au Développement

Communautaire (FADC) souhaite

organiser des modules de formation

sur les procédures de passation de

marchés, la Gestion financière,

l'Organisation et Programmation des

chantiers.

Les Entreprises intéressées à renfor-

cer les capacités de leur personnel

d'encadrement sont invitées à sou-

mettre un dossier de candidature

constitué des documents suivants :

- Raison sociale de l'Entreprise et le

nom du Gérant; (adresse complète)

- Registre du Commerce ;

- Patente, quitus fiscal ;

- Domaines principaux d'activités ;

- Liste du Personnel permanent et

Matériels

- Nombre d'ouvrages réalisés

(années, montants, maître d'ouvra-

ge)

3. Les candidatures doivent être

déposées à l'adresse mentionnée ci-

dessous au plus tard le lundi 19

décembre 2005

Monsieur Mihidhoir SAGAFDirecteur Exécutif NationalFADC MORONITel (269) 73-28-82fax (269) 73-28-84E-mail : [email protected]

Sollicitation de manifestations d’intérêtFONDS D'APPUI AU DEVELOPPEMENT COMMUNAUTAIRE

UNION : LA COMMISSION ÉLECTORALE ENFIN NOMMÉE

LA COMMISSION NATIONALE

ÉLECTORALE COMORIENNE, QUI

DOIT PROPOSER un calendrier pourles élections présidentielles de 2006, a enfinété nommée par le gouvernement mardi.Elle aura pour rôle de réguler le scrutin etd'élaborer un budget pour son organisation.Elle travaillera avec les ministères del'Intérieur des îles et de l'union. Ses déci-sions seront contestables devant la Courconstitutionnelle.Conformément à l'article 45 de la loi élec-torale, trois administrateurs dont unefemme au moins sont choisis par le chef del'Etat à raison de un par île, trois personnessont nommées par les présidents des îlesautonomes. Trois magistrats, deux repré-sentant des partis politiques et deux fem-mes des associations féminines du payscomplètent la liste. Cette nomination, qui s'est faite longue-ment attendre, permet de déclencher le pro-cessus d'organisation des élections.Interrogé par Kashkazi au début du mois,l'ambassadeur de France avait d'ailleursestimé que la fin du mois de novembre était

la date limite pour sa mise en place si l'onvoulait espérer respecter la date prévuepour les élections. Elle suit de peu la proposition d'un calen-drier électoral émise la semaine dernièrepar les présidents des trois îles autonomes -une proposition déclarée nulle et non ave-nue par le directeur de cabinet, Houmedi

M'saïdie.Les déclarations du président à l'occasionde l'Aïd El Fitr -il avait annoncé qu'il n'étaitpas en mesure d'organiser des électionsdémocratiques à Ndzuani- laissent cepen-dant penser que la date du mois d'avril nesera pas respectée. Abdou Soef, ministredes Relations extérieures, qui a rencontré la

presse lundi, n'ad'ailleurs pas assuré queles délais seraientrespectés. "Le gouver-

nement est engagé à

organiser des élections

libres, transparentes,

faibles, respectant les

règles universelles", a-t-il répondu à un journa-

liste qui l'interrogeait sur le calendrier. Le premier secrétaire du CRC, le parti aupouvoir, a en revanche défendu le présidentde l'Union face aux accusations de l'opposi-tion, qui le soupçonne de jouer la montrepour se maintenir au pouvoir. "Si nous vou-

lions qu'il reste, il y aurait eu des manœuv-

res dilatoires, des tentatives de conditionne-

ment de la population, de transformation

des institutions comme cela se passe en

Afrique dans de tels cas. Azali ne sera pas

candidat", a assuré le ministre, qui n'acependant pas voulu révéler le nom du can-didat du CRC "pour des raisons straté-

giques".LG ET AA

CET ORGANE A POUR MISSION DE PROPOSER UN CALENDRIER ET UN BUDGET POUR LE SCRUTINPRÉSIDENTIEL, ET DE RÉGULER CELUI-CI.

L’AGRICULTURE MENACÉEPAR LES CENDRESL

E SYNDICAT NATIONAL DES AGRICULTEURS COMORIENS, LE MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ÉLEVAGE ET

DE LA PÊCHE DE NGAZIDJA et l'organisation Activ ont dépêché une équipe de technicienspour évaluer les dégâts de l'éruption du Karthala sur les cultures et l'élevage. Si leur

rapport n'a pas encore été communiqué, les premières indications données par Dini Nassur,ministre de l'Agriculture, sont alarmantes. La végétation située au plus bas niveau -bana-niers, cultures vivrières et maraîchères, pâturages- serait la plus recouverte par les cendres,tandis que les arbres forestiers, fruitiers et les cocotiers auraient été plus ou moins débar-rassés de la poussière par le vent. Le bétail est lui touché par des diarrhées, des conjonctivi-tes et des bronchopneumonies, tandis que la production d'œufs et la croissance des volaillesont chuté. Selon le ministère, la croissance des cultures est compromise dans le sud et lecentre, leur dépérissement serait même probable. Des pénuries sur certains produits, unehausse des prix et des difficultés de subsistance dans les ménages les plus pauvres pour-raient survenir dans les semaines qui viennent. Le ministère de l'Agriculture de Ngazidja pré-voit de faire appel à l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation afinqu'une étude scientifique soit menée (lire aussi pages 4-5). LG

LE MARIA GALANTA EST ARRI-VÉ VERS 11 HEURES MERCRE-DI, AU PONTON du quai Ballou à

Dzaoudzi. Après 8 jours de traversée,place maintenant au travail, car le bateaude 38 mètres a besoin de subir un petittoilettage."On est très contents que le bateau soit

arrivé à bon port, il vient de subir un très

long voyage depuis la Norvège", a indi-qué Michel Labourdère, le directeur de lasociété de gestion et de transport mariti-me. "On a fait venir l'équipage de Saint-

Pierre et Miquelon qui connaît déjà très

bien ce bateau. Ils sont venus en doublu-

re jusqu'au 19 décembre prochain pour

assister et passer le flambeau au nouvel

équipage de Mayotte." Michel

Labourdère a accusé à cette occasion lesmédias d'avoir fait de la désinformation àpropos de son bateau. Il veut casser lemythe qui consiste à faire croire que leMaria Galanta est le bateau de la préfec-ture. "Les médias ces six derniers mois

ont mis l'accent sur les reconduites à la

frontière, mais ce n'est pas notre voca-

tion, ce n'est d'ailleurs pas notre métier,

nous sommes des armateurs, notre souci

c'est de trouver une clientèle", a-t-il plai-dé. "On n'est pas axés du tout sur les

reconduites à la frontière qui ne repré-

sentent que 20 % de notre marché. Pour

nous la priorité, c'est le développement

touristique." La liaison entre Maore etNdzuani devrait démarrer le 7 décembre.

NASSUF DJAILANI

LE M. GALANTA EST LÀ

A.Abdallah, secré-taire d'Etat àl'Information,H..M'saïdié, direc-teur de cabinet dela présidence, et A.M'madi Mari,ministre d'Etatchargé de laDéfense.

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8Lbtilb{j!)29*!kfvej!2fs!efdfncsf!3116

qmvt!!mpjoNUMERO SPÉCIAL NDZUANI

PARFOIS -RAREMENT-, LES CHIF-FRES EN DISENT BIEN PLUS QUE

LES PAROLES. Le cas de l'écoleprimaire d'Adda, le village le plus peuplédu Nyumakele, en est l'exemple typique.L'établissement, le seul du village,accueille 1.220 élèves pour 19 ensei-gnants (64 élèves par enseignant) et 11salles (110 élèves par salle). Ça, c'est pourles données officielles, auxquelles il fautajouter les 112 élèves inscrits qui n'ont nimaîtres ni locaux, et lesdizaines d'enfants qui nefréquentent même pas l'éco-le. "10% des enfants du

village ne sont pas scolari-

sés", avance un enseignant."La situation est critique",affirme Fahardine Loutfi, le directeur del'école. "Déjà à la rentrée nous avions

trop d'élèves. Mais depuis, il y a les

enfants de Madagascar qui sont revenus

(ceux du Mhadana, lire Kashkazi n°9), et

ceux de Mayotte qui sont rentrés en octo-

bre." Les premiers ne sont pas tous scola-risés ; les seconds seraient une vingtaineau village, indique le directeur. "Tous ont

été intégrés dans des classes, sauf deux ou

trois. On est obligé de les scolariser, on ne

peut pas les punir, ils ne sont pas respon-

sables de cette situation. Ça n'a pas été

facile, car ils n'avaient ni papiers ni certi-

ficat de scolarité. On les a placés dans les

classes qu'ils fréquentaient à Mayotte…"

Problème : "Là, on ne peut plus. Je suis

obligé de refuser les enfants. Si des

enfants arrivent en masse parce qu'ils

auront été expulsés de Mayotte, on ne

pourra pas les accueillir." FahardineLoutfi, qui indique que cette situation "est

la pire dans le Nyumakele", dit avoircontacté les autorités, "mais ils ne m'ont

proposé aucune solution".La communauté villageoi-se tente bien d'agrandir l'é-cole : "Nous avons fait les

fondations pour deux nou-

velles salles, nous avons

récolté les parpaings, mais

il nous manque l'argent pour monter les

murs", se désole le directeur. SelonTaanlimoudine Bourhane, conseillerpédagogique qui travaille dans la régionpour le compte d'ID (Initiatives et déve-loppement), une ONG très présente dansle Nyumakele, "il y a eu beaucoup de

retours de Mayotte, cela a gonflé les

effectifs de toutes les écoles du

Nyumakele. Rien que dans cette école, on

est passé de quatre à six CP".

Face au bureau du directeur,une salle de fortune, en tôle,

ADDA, LES ADDITIONS QUI NE PASSENT PASADDA EST LE VILLAGE LE PLUS (SUR)PEUPLÉ DU NYUMAKELE. SON ÉCOLE AUSSI BAT DES RECORDS...

NDZUANIUNE BOMBE ÀRETARDEMENT

...

“BEAUCOUP DEDIFFICULTÉS POUR

S'INTÉGRER”

Dans cette classe en tôle, près de 60 enfants se partagent chaises, tables… et sol.

C'EST UNE ÉDITION SPÉCIALE DE KASHKAZI QUE NOUS VOUSPROPOSONS CETTE SEMAINE, EN NOUS ARRÊTANT SUR LASITUATION DE NDZUANI, UNE ÎLE EN PLEIN MARASME DANSLAQUELLE L'AVENIR DE L'ARCHIPEL, QU'IL SOIT POLITIQUE(AVEC L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE) OU DÉMOGRAPHIQUE(AVEC LE RETOUR DES SANS-PAPIERS DE MAORE), SE JOUE-RA EN 2006. AU SOMMAIRE DE CE NUMÉRO : LES CONSÉ-QUENCES PRÉVISIBLES D'UN RETOUR MASSIF DES "INDÉSIRA-BLES" (P. 7 À 11) ; UNE ENQUÊTE SUR LE RÉGIME BACAR(P. 12 À 14) ; ET DES REPORTAGES POUR COMPRENDRE AU-DELÀ DES CLICHÉS LES CAUSES DE L'IMMIGRATION (P. 18-19-20).

RENVOYER, RENVOYER, RENVOYER… CE

MOT, LES AUTORITÉS POLITIQUES ET

ADMINISTRATIVES de Maore l'ont toutes àla bouche. Nicolas Sarkozy, le ministre français del'Intérieur, a récemment fixé le chiffre à atteindre enmatière de reconduites à la frontière de sans-papiersà 12.000 en 2006. Soit 1.000 par mois. L'objectif estclair : satisfaire une demande de la population et desélus. Sauf qu'une réalité est oubliée. Celle de l'autrecôté. Celle de Ndzuani. Celle des ces personnes quirisquent leur vie pour s'assurer un improbable ave-nir dans l’“Eldorado” mahorais.Cette vision unilatérale n'est pas sans dangers. Carmême si un renvoi massif de "clandestins" résol-vait la problématique à Maore -ce qui est loin d'ê-tre une certitude-, il provoquerait des troublesplus graves encore dans l'île d'où viennent la plu-part des immigrés : Ndzuani. Surtout si les autori-tés de l'île et de l'Union continuent -comme c’estle cas actuellement- à ignorer ce danger, et à fairecomme si de rien n'était.A la veille de deux événements qui s'annoncentmajeurs dans la lutte contre l'immigration clandesti-ne, à savoir la venue dans l'archipel de la missionparlementaire française et l'arrivée du MariaGalanta pour effectuer la liaison Maore-Ndzuani,Kashkazi a décidé de s'arrêter sur les conséquencesque pourraient provoquer de tels renvois, et ainsid'alerter les autorités des deux bords sur une néces-saire concertation. Il est ainsi permis de s'inquiéterdans tous les domaines. Il suffit de se promenerdans le Nyumakele, la région d'où provient la gran-de majorité des sans-papiers de Maore, pour mesu-

rer les risques d'un retour massif.

COMMENT SCOLARISER TOUS CES ENFANTS

POTENTIELS alors que les écoles sont déjà débor-dées ? Comment soigner toutes ces personnes quifuient Ndzuani parce qu'elles ne peuvent pas y êtresoignées ? Comment juguler le retour de jeunes dés-œuvrés qui risquent de poursuivre sur le sol anjoua-nais les larcins qu'ils exerçaient à Maore ?Comment permettre aux familles qui vivaient del'argent des sans-papiers de s’en sortir ? Commentorganiser la prochaine élection présidentielle si lesélecteurs se font chaque jour plus nombreux ?Comment répondre à la demande en eau quand lapénurie menace ? Comment résoudre la difficilequestion du foncier ?…C'est au pouvoir anjouanais et à l'Etat comorien derépondre à ces questions. Mais c'est aussi du devoirde l'Etat français de se les poser. Car en renvoyantdes milliers de personnes dans leur île sans réflexionen amont, la France risque non seulement de provo-quer une crise d'ordre humanitaire à Ndzuani, maisaussi de saborder elle-même son plan de lutte cont-re l'immigration clandestine. En effet, si les gensmeurent de misère dans leur île, où iront-ils sinon àMaore ? Une question qui devrait directementmener à l'activation d'une vraie coopération régio-nale, capable de fixer les gens chez eux afin d'éviterle retour du boomerang. Sinon, à quoi servirait l'ex-pulsion de 12.000 personnes du territoire mahoraissi dans le même temps 15.000 faisaient le chemininverse ?

RÉMI CARAYOL

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qmvt!!mpjoaccueille une bonne soixantai-ne d'enfants. Certains sontassis derrière des tables -à qua-

tre ou cinq alors qu'elles sont prévuespour deux-, d'autres suivent le cours parterre, devant pour les filles, derrière pourles garçons. Il fait une chaleur à crever encette fin de matinée. "Ils sont trop nomb-

reux", se plaint Habib Ben Mahamou,l'instituteur. "Pour imposer la discipline,

c'est difficile." Selon le directeur, "le

ministère nous a indiqué qu'on pouvait

aller jusqu'à 60 élèves par classe, mais

c'est trop. Tout ça c'est pour ne pas recru-

ter des enseignants car il faut se plier au

FMI", se lamente-t-il. Ainsi, dans certai-nes classes, des enseignants affirmentcompter "80 élèves"."Moi j'en ai 55", dit Issouf Houmadi."J'en ai une de Mayotte. Elle est arrivée

en octobre. Avec les autres enfants, ça se

passe bien, mais elle a beaucoup de diffi-

cultés pour s'intégrer." T. Bourhaneconfirme ces écueils : "L'arrivée en masse

des enfants de Mayotte complique la

tâche en termes de nombre d'élèves, mais

aussi en termes de travail pédagogique,

car c'est une approche différente. Ici, les

élèves sont parqués comme des animaux.

Ceux qui viennent de Mayotte, où les

conditions sont meilleures, le vivent mal."

Les punitions plus sévères qu'à Maore,l'absence de goûter -quasi institutionnali-sé dans l'île voisine- sont autant de chan-gements qui déstabilisent les enfants."C'est difficile pour eux. Il faudrait qu'on

les suive les premiers jours, mais com-

ment voulez-vous qu'on le fasse quand on

gère 60 gamins ?" explique un instituteur.Ainsi, "beaucoup ne viennent plus", affir-me T. Bourhane. "Soit parce qu'ils ont

faim, soit parce qu'ils n'ont plus envie. Et

comme leurs parents ne s'occupent pas

d'eux…" Fahardine Loutfi recense deuxraisons essentielles à cet absentéisme qu'ilqualifie d'"important" : "L'absence des

parents, car bien souvent l'enfant a été

envoyé ici chez sa grand-mère mais les

parents sont restés là-bas, ou vont à

Mutsamudu" ; et "l'utilisation par les

parents des enfants dans les champs". "Il

y a aussi la famine", continue le directeur."Les enfants ne mangent pas à leur faim

ici." Sur les routes du Nyumakele, il n'estpas rare de croiser des enfants aux ventresgonflés, signes évidents de malnutrition.Pire, poursuit Taanlimoudine Bourhane,"ce dont on parle actuellement, c'est ce

qu'on connaît. Mais on ne se rend pas

compte de la situation réelle, car beau-

coup d'enfants ne sont toujours pas scola-

risés, ce dans l'ensemble de la région".

C'EST LE CAS D'YSSOUF, UN GARÇON

DE 9 ANS. Devant l'école, sur la route quimène à Mrémani, il traîne avec des ado-lescents qui eux non plus ne sont pas sco-larisés, une mangue à la main. Il dit ne pasêtre allé à l'école depuis qu'il est revenu àAdda. C'était il y a quatre semaines."Avant, j'étais à l'école de M'tsapere. En

CE2. Je suis revenu avec mes parents,

mais mon père est à Mutsamudu, et ma

mère dans les champs", balbutie-t-il en unfrançais qu'il a appris à l'école de Maore,où il a grandi depuis ses 3 ans. Sa grand-mère, avec qui il vit dans un bangavieillissant, assure qu'il sera inscrit bien-tôt. "On a pas eu le temps de s'en occu-

per", dit-elle… En attendant, "il m'aide

aux champs".RC

...

NUMÉRO SPÉCIAL NDZUANI

FATIMA BACAR DIRIGE LA CEL-LULE D'ÉCOUTE EN CHARGE

DES ENFANTS VICTIMES D'ABUS

et de maltraitance à la Fédérationcomorienne des droits de l'Homme(FCDH). Depuis deux mois, elle suitles enfants en provenance de Maore.Entretien.

Y'a-t-il eu beaucoup de retours d'en-fants depuis Maore ces dernièressemaines ?Fatima Bacar : Oui, il y a eu beaucoupde retours d'enfants qui étaient scolari-sés à Mayotte depuis deux mois. Leproblème, c'est que bien souvent ilsn'ont pas de papiers ni de certificat descolarité, donc on ne peut pas les inscri-re à l'école. Je suis en train de voir avecle gouvernement comment faciliter leurinscription.

Ils étaient sans-papiers à Maore, ilsle restent ici en fait…C'est ça. C'est triste.

Comment faire pour les insérer ausystème scolaire ?Il faudrait tout d'abord aller lesaccueillir à l'aéroport ou au port, et lesrecenser, puis les suivre dans les villa-ges pour les inscrire dans les écoles. Ence moment, on ne sait rien. Combien ilssont ? Où ils sont ? On n'a aucune liste.On sait juste qu'ils sont pour la plupartdans le Nyumakele.

Et aucun n'est à l'école !?Certains si, mais la plupart non, soitparce qu'ils ne peuvent pas s'inscrire,soit parce que les personnes qui s'occu-pent d'eux ne font rien dans ce sens. Laquestion aujourd'hui est de savoir com-ment les intégrer. Et elle est urgente carici, ils ont des problèmes. La premièrechose à faire c'est de les intégrer socia-

lement. Car la plupart des enfants vien-nent ici avec des gens de la famille oudes amis, mais pas avec leurs parents,qui les envoient ici avant de les rejoin-dre, en attendant de pouvoir envoyerles affaires. Les enfants se retrouventchez le cousin, chez la grand-mère, etils ont du mal à s'adapter.

Comment les intégrer ?En mettant en place un programme desensibilisation pour les familles d'ac-cueil, afin de les intégrer à l'école maisaussi dans le village.

D'après les enseignants que nous

avons rencontrés, ces enfants ont desdifficultés à s'adapter… Cette situa-tion est-elle traumatisante ?Oui. A Mayotte, il y a une structure. Iciil n'y a rien pour les encadrer. C'est trèstraumatisant. A Mremani, je suisactuellement une fille de 10 ans qui vitchez sa grand-mère. Sa mère et sonpère l'ont envoyée là avec son frère de3 ans en attendant de pouvoir lesrejoindre. Psychologiquement, elle a dumal. Elle veut étudier, mais elle n'yarrive pas. Je le sens. Avant elle était àKoungou. Elle m'a dit qu'elle voulait yretourner. A partir de 9,10 ans, c'est engénéral très traumatisant pour les

enfants.

Cette situation vous effraie-t-elle ?Oui, beaucoup. J'ai peur qu'elle nedégénère. L'Etat ne se penche as sur cefléau ; et s'il ne fait rien, ces enfantsvont devenir délinquants. Ils vont traî-ner, et feront n'importe quoi. Déjà àMutsamudu la délinquance a augmentéces derniers jours (lire ci-dessous,

ndlr). Mais rien n'est fait. Moi je n'aique peu de moyens, j'y vais une foistoutes les deux semaines, mais il fau-drait y aller tous les jours…

RECUEILLI PAR RC

DÉJÀ, LES EFFETS SE FONT RESSENTIR À MUTSAMUDU.MOHAMED HAZI, CONSEILLER DU GOUVERNEMENT

Bacar, le reconnaît lui-même : “On consta-te une recrudescence de vols depuis quelques semai-nes”. Fatima Bacar, qui s'occupe des enfants à laFCDH (lire ci-dessus), confirme : “Il y a de plus enplus de vols, de délits dans les grandes villes, notam-ment Mutsamudu. Et on sait que ce sont des jeunesen provenance de Mayotte qui font ça.” Un habitantde la capitale expliquait samedi que la manière dontopèrent les délinquants était nouvelle : “Elle vient deMayotte, c'est sûr”, affirmait-il.Au-delà de tous les problèmes d'ordre humanitaire

ou économique, l'afflux des sans-papiers pose laquestion de la délinquance. Et pour cause : selonMohamed Hazi, “90% des clandestins sont des hom-mes qui ont entre 20 et 45 ans”. Les jeunes, quandils reviennent dans leur île natale, se retrouvent sansrien. Comme à Maore. Donc comme à Maore, ils s'ensortent comme ils peuvent, en volant pour certains.“A Mayotte, ils ont subi une déstructuration socialeet familiale”, analyse M. Hazi. “Ils ont adopté descomportement qu'ils n'auraient jamais adopté enrestant ici. Ce ne sont pas tous des bandits, maiscertains oui.” Et de citer certaines des habitudes pri-ses à Maore “qui risquent de semer le trouble”,

comme la consommation d'alcool, les vols ou certai-nes moeurs plus “libérées”.Ainsi, le problème qui sévit actuellement à Maore -où près de 70% des prisonniers de Majicavo sontdes sans-papiers- pourrait se retrouver à Ndzuani.Surtout si rien n'est fait, rappelle Fatima Bacar. “Cesjeunes n'ont plus de famille, plus de repères, plusd'école, et en plus ils se trouvent sans travail. Ilsferont forcément des délits.” Selon elle, la solutionpasse par un suivi et une action sociale auprès d'eux.Mohamed Hazi estime lui que la “rédemption” pas-sera par le travail. Encore faut-il en trouver…

RC

“C'EST TRÈS TRAUMATISANTPOUR LES ENFANTS”COMBIEN SONT-ILS ? OÙ SONT-ILS ? POUR L'INSTANT, ON NE SAIT RIEN DES ENFANTS EN PROVENANCEDE MAORE. SAUF QU'ILS VIVENT MAL CETTE SITUATION, AFFIRME FATIMA BACAR.

FatimaBacar est(bien)seule à serendredans leNyumakelepoursuivre lesenfants.

LE SPECTRE DE LA DÉLINQUANCEDES ENFANTS DÉBOUSSOLÉS, DES ADOS ABANDONNÉS, DES JEUNES AU CHÔMAGE : ÇA DONNE QUOI EN GÉNÉRAL ?

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NUMÉRO SPÉCIAL NDZUANI qmvt!!mpjo

SUR LE PAPIER, LA CARTE SANI-TAIRE DE NDZUANI EST IRRÉ-PROCHABLE. L'île est divisée en

trois districts dotés chacun d'un établis-sement hospitalier à Sima, Nyumakele etTsembehou, auxquels se rattache un cha-pelet de postes de santé. Au sommet dela pyramide, on trouve l'hôpital deDomoni et celui de Hombo, les deuxcentres hospitaliers régionaux avec cettedifférence que Hombo est censé jouer lerôle de centre de référence pour toutel'île. Ce schéma que l'on retrouve danschacune des trois îles de l'Union n'est pasirrationnel à condition que chaquemaillon de cette chaîne de santé soitmédicalement équipé pour assurer samission. Ce qui n'est pas toujours le cas.Posé sur une butte à l'entrée de Mremani,le district sanitaire du Nyumakele couv-re les 24 villages de la plus grande régionde Ndzuani en terme de population, soitplus de 50.000 habitants. Le bâtimentn'est pas dégradé. Eloigné du village,entouré de grands arbres qui protègentdes ardeurs du climat, le lieu est repo-sant et donc idéal pour les patients. Maisce réconfort nécessaire est contrarié parun plateau médical peu rassurant. Iciplus qu'ailleurs, les besoins en santé sontimportants. Les conditions de vie sontdes plus précaires, la natalité est trèsforte et les enfants présentent tous lessymptômes de malnutrition. Soumis trèsjeunes aux travaux des champs, ils sontégalement les plus exposés aux acci-dents. Le niveau d’instruction générale-ment plus bas que dans le reste de l'île

n'est pas de nature à aider la population àse préserver contre les maladies.

A CES CONTRAINTES S'AJOUTE LA MIS-ÈRE QUI POUSSE UNE GRANDE PARTIE

des habitants à déserter les postes desanté, car incapable de payer les soins.Un accouchement est facturé 2.500 fc (5euros) ; si la patiente doit être hospitali-sée, le coût peut atteindre 7.500 fc (15euros). Autant dire largement trop pourles maigres ressources des habitants duNyumakele. Lors de notre passage lundi,l'établissement était désespérément vide.Deux lits seulement sur les dix-neuf que

compte le service de médecine étaientoccupés."Pour le moment, on ne sent pas un

afflux de personnes revenant de Maore"

affirme El-Had Houmadi, le major del'hôpital qui avoue son inquiétude si desexpulsions massives devaient se traduirepar une fréquentation importante demalades dans la région. Aucune disposi-tion particulière n'est prise pour prévenirun tel scénario. C'est pourtant d'ici quepartent les candidats à l'émigration pourdes raisons de santé. C'est ici qu'ilsreviendront s'ils font l'objet d'une recon-duite à la frontière. L'hôpital ne dispose

que de deux services. Unservice de médecinegénérale et un service dematernité. Pas de soinsd'urgences pour les

grands accidents. Pour la chirurgie, ilfaut se rendre à Domoni ou à Hombo.Naouirou Mhadji, le médecin chef, n'estpas pessimiste pour autant. "Nous som-

mes prêts à accueillir les patients au

niveau du personnel." Seul médecingénéraliste de l'hôpital pendant long-temps, il vient d'être renforcé par un col-lègue. Ils sont aidés de deux infirmiers etd'un aide médical. "En cas de besoin, je

viens prêter main forte" rassure le majorEl-Had, infirmier de son état. Deuxsages-femmes sont en charge de lamaternité.Ce deuxième service de l'hôpital deMremani est équipé pour assurer lesaccouchements sans risques. "Pour les

interventions qui présentent des compli-

cations, nous transférons les malades

vers Domoni, l'hôpital le

plus proche, ou vers

Hombo, à 60 kilomètres

de Mrémani" fait obser-ver le médecin chef quidispose pour ces trans-ferts d'un seul véhiculede transport… non médicalisé. La petite équipe du centre sanitaire deMrémani ne paraît pas débordée. Ce quisurprend pour l'unique établissementd'une région aussi (sur)peuplée. Certes,tous les malades ne se déplacent pas jus-qu'ici. Cinq postes de santé sont répartis

dans la région sous la responsabilité d'uninfirmier à Adda, Mramani, Komoni,Sadapoini et Kangani. "Ces trois der-

niers postes de santé ne disposent pas

d'un infirmier soignant" indique le majordu centre.

POUR PALLIER À CE MANQUE DE PER-SONNEL, des dispositions provisoiressont prises pour éviter de les fermer. AKomoni, un aide médical travaille seulsans l'encadrement d'un infirmier.Sadapoini est placé sous la responsabili-té de la santé militaire. Pas de quoi rassu-rer les malades qui "restent chez eux",indique le major El-Had Houmadi, quivoit venir au centre, des patients dont lasituation est souvent désespérée."Plusieurs femmes accouchent égale-

ment à domicile, sans aucune assistance

médicale" souligne le major. Ce sontsouvent celles-là qui préfèrent risquerleur vie en prenant la mer pour se rendreà Maore plutôt que de prendre le risque

de mourir sur un lit ducentre de Mremani, fautede soins. Devant un tel état deslieux, comment ne pass'inquiéter de l'éventuali-té d'une expulsion massi-

ve des sans-papiers vers Ndzuani ? Amoins d'un changement radical de lacapacité médicale du centre sanitaire etdes postes de santé qui l'entourent, l'onne voit pas comment pourront cesser lesévacuations sanitaires clandestines.

KAMAL'EDDINE SAINDOU

Y'a-t-il un lien entre pression démogra-phique et disponibilité de l'eau ?Nicolas Moreau : Chaque personne abesoin d'une certaine quantité d'eau pourrépondre aux besoins vitaux, qui sontboire, se nourrir, se laver… Dans l'îled'Anjouan, la quantité d'eau disponible esttrès variable. Dans certaines régions, ça va,comme sur la côte ouest. Mais dans la plu-part des zones, il y a undéficit de ressource hydrau-lique. C'est particulièrementvrai pour le Nyumakele etla presqu'île de Sima. Orune grande partie des migrants vient duNyumakele, et risque d'y retourner. Déjà, iln'y a pas assez d’eau pour subvenir auxbesoins de la population… Le déficitrisque d'augmenter.

Cela vaut-il pour tous les villages duNyumakele ?Il y a des différences. Dans le hautNyumakele, il y a plus d'eau que dans lebas Nyumakele. Toutes les ressources sontdans le haut car les sources sont captéesdans le haut. En ce moment par exemple, iln'y a pas grand-chose qui arrive en bas. AMramani (dans le bas, ndlr), les gens sont

obligés de transformer descamions normaux encamions citernes pourmonter à Mrémani cher-cher de l'eau. Les gens

payent 200 fc (0,40 euros, ndlr) pour 20 lit-res. C'est beaucoup pour certains.

Avez-vous eu connaissance de cas dedéshydratation ?

Non, pas encore. Je n'ai pas entendu parlerde ce phénomène en tout cas. Par contre, ily a un phénomène bien visible : c'est auniveau de l'hygiène. Les besoins vitaux eneau, c'est d'abord boire, ensuite manger, etaprès se laver. Or les gens ne se lavent pastous les jours par manque d'eau. Quandvous avez 15 litres par jour par habitant,vous ne pouvez pas vous laver tous lesjours. On a ainsi découvert des cas d'en-fants qui avaient la galle. Il s'agit d'unchampignon qui se développe sur la peau.Pour le tuer il suffit de se laver tous lesjours…

Si la population augmentait, quellesseraient les conséquences ?Le Nyumakele est déjà surpeuplé. Plus degens, cela signifie moins d'eau pour cha-

cun. En outre, une plus forte pression dusol aurait de lourdes conséquences. Il n'y adéjà pas assez de terres pour tout le monde(lire p.11, ndlr). Les gens qui vont revenirvoudront avoir leur terrain pour cultiver. Ilsiront plus haut, donc ils défricheront.Quand il y a surpopulation, les gens mon-tent. Ils déboisent -or le déboisement estl'une des causes de la disparition de l'eau.Et ils pourraient finir par monter plus hautque les sources. Non seulement ça ne serapas facile pour les ravitailler s'ils sont au-dessus, mais en plus ils risquent de les pol-luer. Surtout celles qui alimentent le basNyumakele. En plus, il pourrait y avoir desconséquences sur la qualité. L’eau pourraitêtre plus contaminée.

RECUEILLI PAR RC

AU COEUR DU NYUMAKELE, LESMALADES ONT DÉSERTÉ L'HÔPITALDEUX MÉDECINS HOSPITALIERS POUR LA RÉGION LA PLUS PEUPLÉE DE L'ÎLE, C'EST PEU. ET POURTANT, LE CENTRE EST VIDE...

“PLUSIEURSFEMMES ACCOUCHENT

À DOMICILE”

Lundi lors denotre passage,l'hôpital étaitvide.

“LE DÉFICIT EN EAU RISQUE D'AUGMENTER”NICOLAS MOREAU GÈRE LA SECTION HYDRAULIQUE DE L'ONG INITIATIVE DÉVELOPPEMENT. POUR LUI, LE RETOUR EN MASSE DES“INDÉSIRABLES” POURRAIT AGGRAVER UNE SITUATION DÉJÀ TRÈS PRÉCAIRE, SURTOUT DANS LE NYUMAKELE.

“ON A DÉCOUVERTDES CAS DE GALLE”

Nicolas Moreau

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qmvt!!mpjo NUMÉRO SPÉCIAL NDZUANI

L'ÉCHANGE EST POIGNANT. IL SE

DÉROULE À L'OMBRE DE LA

COUR DE LA FAMILLE deRaoudhoit, à Mrijou dans le Nyumakele.La femme revenue de Maore expliquequ'elle est décidée à se poser chez elleaprès 7 ans passés à travailler au noir dansun champ appartenant à un Mahorais deMtsapéré. Son époux devrait la rejoindredans quelques jours. Cette fin de la paren-thèse mahoraise n'est pas sans conséquen-ce sur la vie du couple qui revient sur sespas sans projet, sans un sou dans la poche,sans économie, et qui doit réapprendre àvivre dans ce village qu'il avait quitté pourfuir la misère. "Maintenant c'est toi qui

doit t'occuper de moi" dit Raoudhoit à safille. Celle-ci a grandi seule au village et afondé une famille. De Maore, sa mère luifaisait parvenir plus ou moins régulière-ment de quoi faire bouillir la marmite. Pasgrand chose, 10, 20 euros. C'était déjàbeaucoup pour elle, qui n'a aucune activi-té.Elles sont nombreuses, les familles quivivaient de ces petits transferts. Rien à voiravec les masses d'argent que verse ladiaspora grand-comorienne depuis laFrance notamment. Mais ces transfertsétaient un ballon d'oxygène non négligea-ble qui permettaient à plusieurs famillesdémunies des zones reculées de l'île desurvivre, voire pour certaines d'investirdans de petites activités géné-ratrices de revenus.Directement injectés dans lecircuit de la consommation,ces transferts ont imposé defait l'utilisation de la monnaieeuropéenne à Ndzuani aumême titre que le franccomorien. Cette injection directe de l'eurodans le circuit monétaire local ne permetpas d'évaluer le volume des apports enprovenance de Maore. "Nous n'avons

aucune idée de leur importance.

Contrairement à Ngazidja, où tous les

échanges se font à la banque,

à Ndzuani l'euro est utilisé

directement dans le commer-

ce", explique un responsablede la Banque centrale desComores. "C'est un des rares

territoires hors de l'Union

européenne où l'on peut

échanger à tout moment des millions de

francs comoriens en euros sans passer par

la banque. Il suffit de faire un saut à

Nyumakele", renchérit un cadre de laChambre de commerce qui ironise en par-

lant de l'existence de véritables bureaux dechange villageois. "Les sans-papiers apportent beaucoup",avoue Housmane Toilha, le receveur de ladouane anjouanaise. En plus du mouve-ment des devises, les déplacements fré-quents entre les deux îles ont tissé un cir-cuit d'importation de produits divers enprovenance de Maore qui animait aussi lavie du port. "Les dockers avaient trouvé du

travail grâce à ces flux de marchandises,

l'Etat percevait des taxes sur les passagers

et le port gagnait aussi grâce aux touchers

que payaient les bateaux" poursuit

Housmane Toilha. La rupture de ces liai-sons a créé des pénuries de certains pro-duits qui provenaient de là-bas, fait remar-quer Mohamed Chahalane. Mayonnaise,yahourts, fromage, lait en poudre -dontdifférents laits pour bébé-, chocolat et pâteà dentifrice... "Autant de produits de qua-

lités par rapport à ceux qui viennent de

Dubaï" souligne un autre cadre de laChambre de commerce de Ndzuani. EtMohamed Chahalane de signaler "la bais-

se des petits Snie", appellation donnée auxmagasins qui proposent à Ndzuani toutesles gammes de produits en provenance de

l'île voisine. Ainsi, c'est tout le com-merce des "petits" qui estentravé par les barrièresdressées pour limiter la cir-culation des biens et despersonnes et que risqued'anéantir le retour desmilliers de ressortissantsanjouanais qui consti-tuaient les maillons de

cette chaîne. Ce commerce de proximité etla circulation des devises entretenaient descentaines de familles exclues du circuitéconomique traditionnel. Des famillesdéjà privées des revenus provenant de lavente des produits de rentes dont les mar-chés se sont effondrés.

LE DÉMANTÈLEMENT DE CETTE ÉCONO-MIE SOUTERRAINE, s'il a lieu dans lesmois à venir, va nécessairement engendrerun appauvrissement d'une grandeampleur. A moins que les autorités de l'îleprennent la mesure de cette situation afinde relancer la machine économique. Celadépendra aussi de la manière dont les arri-vants seront accueillis. Ou le gouverne-ment de l'île se mobilise pour les recenser,identifier leur savoir-faire ou leur expé-rience professionnelle et orienter sa poli-tique économique en tenant compte de cesnouvelles potentialités ; ou il continue àpenser que ces jeunes valides vont se fon-dre dans la masse et il ne prévoit rien,créant ainsi des poches de pauvreté et descohortes de laissés-pour-compte qui fini-ront par chercher d'autres destinations oupar exprimer leur colère d'une manière oud'une autre. La France a aussi un devoir debon voisinage à assurer en accompagnantces expulsions par des initiatives dans lecadre de la coopération régionale demanière à aider ces jeunes à se sédentari-ser par le travail.

KAMAL'EDDINE SAINDOU

L'ÉCONOMIE DE SUBSISTANCE EN SURSISIL Y A LES PRODUITS ET L'ARGENT DE DUBAÏ. IL Y A(VAIT) LES PRODUITS ET L'ARGENT DE MAORE.

“MAINTENANT,C'EST TOI QUI

DOIT T'OCCUPERDE MOI”

Au port deMutsamudu,dimanche.L'activité deplus en plusimportantedans ce secteurpourraitpermettre àcertains“rentrants”de trouver du travail.

Tout porte à croire que la situation vas'aggraver à Ndzuani si rien n'estfait…C'est vrai que si les reconduites à la fron-tière s'accélèrent, on peut s'inquiéter.Mais on peut voir le côté positif de lasituation. Souvenez-vous des rapatriésde Majunga (lire Kashkazi n°13), ilsavaient énormément amené à la sociétécomorienne, notamment une vision deschoses différente, et des métiers inter-médiaires. On ne sait pas encore de quoisera faite la sociologie des 12.000 rapa-triés par an. Peut-être seront-ils désem-parés. Peut-être apporteront-ils une

envie, du sang nouveau… C'est possi-ble. On demande aux "Je viens" deFrance une ouverture d'esprit et leurexpérience. Pourquoi ne demanderait-onpas eux "Je viens" de Mayotte une enviede se battre ?

Mais pour cela il faudrait que lesconditions économiques soientréunies…C'est à nous, l'Etat, mais aussi les orga-nismes internationaux, de prendre leschoses à bras le corps. La France aussidoit assumer ses responsabilités. Il fautmettre en place un plan de réinsertion.

On est tous d'accord sur l'origine dumal : c'est l'économie. Il n'y a pas d'ar-gent, pas de travail, les gens partent. Anous de créer ces emplois ou d'aider àleur création.

Rien n'est fait pour l'heure…La population attend de voir. Du côtédes autorités, il y a eu des réunions. Maisau-delà de la volonté, on doit savoir quiva payer… La France doit prendre sesresponsabilités. Dans les domaines de lasanté, de l'éducation, elle peut nous aiderafin que les conséquences se fassentrapidement sentir.

Les autorités comoriennes n'ont-ellesaucun rôle à jouer ?Bien sûr. Nous devons créer un tissuindustriel, pour cela il faut mettre enplace une politique volontariste afin d'at-tirer les investisseurs étrangers. On peutaussi développer le tourisme, c'est unsecteur dans lequel on peut former rapi-dement. Nous devons nous positionnersur ces voies-là, et nous pensons que leretour des sans-papiers permettra uneprise de conscience. Il faut une politiquevolontariste aurpès des investisseursétrangers.

RECUEILLI PAR KES ET RC

“IL Y AURA PEUT-ÊTRE DU BON DANS CES RETOURS”POUR MOHAMED HAZI, L'UN DES CONSEILLER DU GOUVERNEMENT BACAR, LE RETOUR DES SANS-PAPIERS POURRAIT NE PAS ÊTRE SI NÉGATIF.

GÉNÉRATION RETOURS“Nous sommes un village d’émigrés”,me disait en septembre AhmedOussein, ex-instituteur, ex-sans-papiers refoulé de Maore, et habitantd’Adda, dans le Nyumakele. Le plateaule plus pauvre et le plus peuplé desComores a en effet, toujours fourni lesplus gros bataillons de l’émigrationrégionale, celle des gens modestes quiont tout simplement besoin de louerleurs bras. Toute une génération estpartie comme volontaire àMadagascar tandis que les jeunesd’aujourd’hui ont les yeux rivés surMaore. Mais deux contextes défavora-bles sont en train de rendre ses émi-grés au Nyumakele. La mobilisationcontre les sans-papiers, à Maore, et lafermeture des usines de sucre àMadagascar, qui s’accompagne dudélogement des ouvriers habitantdans les usines de la société nationale.

LG

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NUMÉRO SPÉCIAL NDZUANI qmvt!!mpjo

“On ne sait pas où vont aller tous ces gens. On s'inquiè-te. Déjà nous n'avons plus de terres pour nous, alorspour eux… " se lamentait lundi un enseignant de l'é-

cole d'Adda, le village le plus peuplé du Nyumakele avec près de10.000 habitants. C'est que dans la zone, les terres sont de plusen plus recherchées. Et pour cause : au dernier recensementqui date de 2003, la densité de Ndzuani était de 575 habitantsau kilomètre carré ; celle de la région du Nyumakele dépassaitles 800 hab./km². Aujourd'hui, nombre d'observateurs la situentautour de 900 hab./km². On comptait en 2003 50.000 habitantsdans la région, soit 20% de la population anjouanaise. Ces chiff-res dépassent de loin ceux des autres îles.C'est peu dire que Ndzuani, et le Nyumakele en particulier, sontconfrontés à un véritable problème foncier. Avec les reconduitesmassives aux frontières de Maore, les Anjouanais craignent lepire. Dans un village comme Mremani, au centre du Nyumakele,l'espace cultivable s'amenuise, les villageois exigent de plus enplus des parcelles pour construire leurs hameaux. Des conflitsfonciers refont surface, et il est très probable que d'ici quelquesmois, la problématique de l'habitat des expulsés de Maore seposera puisque aucune mesure n'est pour l'instant prise. ASadapoini, la sécheresse touche presque toutes les terres culti-vables, l'eau se raréfie. La jolie plage au sable blanc risque dedisparaître d'ici peu par l'extraction excessive du sable pour laconstruction. Des familles entières se sont converties à cetteactivité lucrative par manque de terrain cultivable. FatimaHoumadi, une mère de cinq enfants, s'adonne à ce travail fautede mieux : "J'étais à Mayotte il y a trois ans. J'ai été reconduite àAnjouan. A mon retour, mon premier mari m'a mise à la porte.C'était le père de mes quatre premiers fils. Il était passeur, etun jour, il a été pris par la mer. Mon deuxième mari est chô-meur. Moi et mes enfants, pour pouvoir subvenir aux besoinsquotidiens, nous sommes obligés d'extraire le sable les après-midi pour le vendre. C'est le seul moyen de pouvoir manger unefois par jour." Fatima n'est pas la seule dans la région. Des ton-nes de sables partent tous les jours de Sadapoini pour les villa-ges voisins et même Domoni. Dans le sud, à Hasimpao, les pro-blèmes fonciers ont amené les villageois à investir des proprié-tés privées pour l'extension du village.Les exemples de ce type ne manquent pas, et l'arrivée prochai-ne des “indésirables” ne devrait pas arranger la situation. "Toutle monde voudra sa terre pour cultiver", annonce NicolasMoreau, qui travaille dans l'ONG ID (lire page 9). "Cela se tra-duira par le déboisement", ajoute-t-il… ou des conflits d'inté-rêts. A Adda, on prévoit déjà de sacrées embrouilles. "Les gensqui vont rentrer, on ne pourra pas leur donner de terres, c'estpas de l'égoïsme, c'est qu'il n'y en a plus. C'est tout. Mais eux sebattront pour en avoir. C'est tout aussi certain et c'est normalpuisque ici on ne vit que de l'agriculture", analyse Ibrahim, unhabitant du village.

KAY et RC

SIMPLE HYPOTHÈSE. SI LES

PRIMAIRES DE NDZUANI

AVAIENT LIEU en avrilcomme prévu initialement et quela préfecture de Maore maintenaitle cap fixé par Nicolas Sarkozy de1.000 reconduites à la frontière parmois, il y aurait 4.000 âmes sup-plémentaires sur l'île. Il y en auradonc certainement plus si l'onprend en compte le retard enregis-tré dans la préparation de ce scru-tin. Cette nouvelle donne aura t-elle des incidences sur la périodeélectorale ? Mohamed Hazi necroit pas à un scénario catastrophe.Pour ce conseiller au ministère dela Production de l'île autonome etfin observateur de la politique loca-le, "il n'y aura pas d'effet de densi-

té, donc pas de risque d'avoir affaire à un groupe

compact et structuré". Il fonde son argument sur larépartition spatiale des revenants -"ils se dilueront"

dit-il- et sur le fait que tous les refoulés ne serontpas forcément en âge de voter.Si l'effet quantitatif peut donc être géré, il n'est pasle seul élément en jeu dans ce questionnement. Lesrécentes manifestations qui ont braqué les projec-teurs sur Maore et justifié le renforcement de lalutte contre l'immigration clandes-tine sont le fait d'une sortie surpre-nante et spectaculaire de ces sans-papiers qui ont toujours fait profilbas. Ces milliers de jeunes descen-dus dans les rues de Mamoudzouont démontré qu'ils étaient capablesde surgir du silence, de s'organiser et de transcenderles remparts villageois pour exprimer leur ras-le-bol. La plupart des jeunes menacés d'expulsion fontpartis de ceux-la. Des exclus économiques pour quila gabegie des gouvernements successifs anjoua-nais est une cause de malheur contre laquelle ilsn'hésiteraient pas à se mettre en mouvement.

Contrairement à leurs frères restés au village, ces"je viens" d'une nouvelle nature ont connu autrechose et compris que l'espoir est possible à condi-tion d'avoir une gestion saine. Pour eux, depuis leurpassage à Maore, la démocratie a une significationplus palpable, le droit est une réalité au quotidienmême s'ils n'en ont pas toujours bénéficié en raisond'une situation juridique qui les plaçait en marge dusystème. Ce retour est pour eux la fin d'un rêve,

d'un espoir qui les a conduits àbraver l'océan au risque de leurvie. En sont-ils plus aigris ?Exclus là-bas, ils voudront peut-être reprendre la place qu'ils n'ontjamais eue dans leur propre île. Ilne manquera pas un candidat

parmi ceux qui sollicitent les suffrages des électeurspour essayer de pêcher ses troupes parmi eux. Ainsi, en dépit d'une posture qui se veut sereine, ceretour annoncé des émigrés de Maore inquiète lesautorités anjouanaises. Dans le lot des sans-papiersse trouvent en effet des opposants au régime qui s'é-taient exilés à Maore où ils poursuivaient leurs acti-

vités politiques. A tort ou à rai-son, c'est à ceux-là qu'ont penséles autorités de l'île lors des deuxdernières tentatives de déstabili-sation qu'elles affirment avoirdéjoué. Des engagés politiques"qui peuvent être tentés de réac-

tiver certains réseaux" dor-mants, souligne Mohamed Hazi.

Leur retour constitue donc undilemme. Refuser de les laisserrentrer dans leur île serait mani-festement un signe de pouvoirarbitraire. Les laisser libres seraitprendre le risque de les voir res-sortir les rancœurs contre ceuxqui les ont bottés en touche.C'est en partie cette crainte quijustifierait le renforcement descontrôles routiers qui se font

tous les soirs dans les zones dites sensibles de l'île,et qui alimentent le spectre de la déstabilisation (lirenotre dossier, pages 12-13-14). Mais il n'y a pas que cela. Sur le plan purementorganisationnel, un retour important d'originairesde l'île dans cette période pose la nécessité d'unrecensement en vue d'une révision des listes électo-rales. Une opération qui devient plus sensible aveccette population en mouvement entre les deux îles.Un travail supplémentaire pour les futures commis-sions électorales qui risque d'allonger les tempsimpartis. On ne peut pourtant pas refuser à ces res-sortissants de l'île d'accomplir leur devoir citoyen,de participer au choix de l'homme qui aura en mainleur destin. Des électeurs pas très commodes, dontl'état-civil est pour le moins brouillé, et dont il fau-dra cependant tenir compte si l'on veut éviter desfrictions qui pourraient entacher le scrutin. Unechose est sûre : la chasse à l'immigré clandestin àMaore aura des répercussions, dont il serait uneerreur de ne pas en tenir compte, sur l'avenir poli-tique de l'Union.

KAMAL'EDDINE SAINDOU

UN GRAIN DE SABLE DANSLES ROUAGES DES ÉLECTIONSFACTEUR D'ACCÉLÉRATION DE LA CRISE, L'ARRIVÉE DE NOMBREUX SANS-PAPIERS EN QUÊTE DERECONNAISSANCE SOCIALE POURRAIT PESER SUR LA PROCHAINE PRÉSIDENTIELLE.

UN DILEMNE POURLES AUTORITÉSANJOUANAISES

Samedi 17 septembre à la pointe Mahabou, à Maore. Pour la première fois, les vendeurs à lasauvette anjouanais s’organisent. Ces garçons fourniront une grosse part des expulsés.

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LE FONCIER, TERREDE CONFLITSL'ARRIVÉE DES "INDÉSIRABLES " NE DEVRAIT PASARRANGER LA PÉNURIE DE TERRES.

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epttjfsENQUÊTE SUR LE POUVOIR ANJOUANAIS

C'EST QUOI, LE RÉGIME BACAR

PARMI LES RAISONSAVANCÉES POUREXPLIQUER L'EXODE DESANJOUANAIS VERSMAORE FIGURE LAPOLITIQUE DUGOUVERNEMENT DEMOHAMED BACAR, AUPOUVOIR DEPUISQUATRE ANS. QUALIFIÉDE “DICTATURE” PARCERTAINS OPPOSANTS,LE RÉGIME S'APPARENTEÀ UN POUVOIRPOLICIER QUI NE LAISSEQUE PEU DE PLACE À LACRITIQUE. ENQUÊTE.

NDZUANI EST AUSSI FASCI-NANTE QU'INSAISISSABLE.IL SUFFIT DE SE PROME-NER AU CŒUR DE

MUTSAMUDU, sa capitale,pour effleurer la complexité de cette île, ladeuxième -en terme de population- desComores. La place de Mroni (du nom de larivière sans nom qui traverse la ville) a été, auplus fort de la tourmente séparatiste en 1997, lelieu de toutes les chimères. Elle est devenuesans transition la place des espoirs déçus. Unesorte de mur des lamentations où chacun vientressasser à longueur de journée toute sonamertume, voire son aversion envers celui quela majorité des électeurs a choisi en 2001 pourlui confier le destin de l'île : Mohamed Bacar."Kavoisi ntrongo yi kiriwo." Rien ne va plus !Plus qu'un constat, c'est le refrain le plusentonné à Ndzuani. Une manière de maintenirle sentiment de ras-le bol. Car il y a quelquechose d'antinomique entre les Anjouanais etleur président. Le sondage le plus fiable ne

trouverait pas un habitant de l'île qui ne cri-tique pas le pouvoir. Même les proches parti-sans du président qui sans doute encensent leurchef quand ils sont à ses côtés, le poignarde-raient s'il leur tournait le dos.

Paradoxalement, ce mécontentement nedépasse pas le bout des lèvres. Personne n'osesortir son nez dehors pour clamer haut et fortson opposition. Il n'existe d'ailleurs pas d'op-position au colonel Mohamed Bacar àNdzuani. Il y a ceux qui n'ai-ment pas le chef de l'exécutifet ceux qui sont avec lui, etqui ne l'aiment guère. Cetteaffirmation choquera certaine-ment les nombreux ex-chefsdes ex-partis politiques qui seconsidèrent plus par habitude que par engage-ment politique comme chefs de l'opposition.Mais je confirme qu'il n'y a pas d'oppositiondans sa conception de force politique, qui pro-pose une alternative à la politique du pouvoiren place et qui se bat pour y faire adhérer la

population. Le pouvoir lui-même soutient qu'iln'y a pas d'opposition dans l'île. Il y a en revan-che autant de mécontents que d'Anjouanais. Ettout ceux qui n'aiment pas le président setaillent un costume d'adversaire.

PLUSIEURS RAISONS À CETTE SITUATION

UBUESQUE. La persistance de l'esprit milicienhérité des années séparatistes. Incarnée par lechef de l'île, la loi de la kalachnikov a éloigné

les dirigeants politiques etmilitaires de toute règle defonctionnement normal d'uneadministration. Huit ans aprèsl'aventure séparatiste,Ndzuani est divisée entre par-tisans d'une armistice et ceux

qui tiennent à être les maîtres de l'île conquise.Deux extrêmes qui empêchent toute avancéevers un juste milieu. Tout le monde sembleenfermé dans ce carcan où "il faut être pour

Anjouan ou contre Anjouan". Toute penséelibre est qualifiée de trahison. Critiquer le régi-

me revient à critiquer Anjouan et par déduc-tion à vouloir "tirer l'île vers l'Union". Danscette logique absurde, être contre le pouvoir,c'est être pro-Azali. En s'identifiant ainsi à l'île,le président a réussi à museler ceux qui s'oppo-sent à lui et à les contraindre à choisir l'exil. Ilfaut donc aller hors de Ndzuani pour trouverles vrais opposants au régime anjouanais.

A l'intérieur, ce système a nourri une culture dela peur. Bacari Abdou, député de la circons-cription de Hamoumbou à Mutsamudu, prési-dent du groupe de l'opposition à l'assemblée del'île, franchit le pas et qualifie le régime Bacarde "dictature". "Il n'y a pas de liberté d'expres-

sion" dit-il. "Je ne parle pas pour ne pas me

trouver en prison" chuchote un ancien du pou-voir. Ce climat de peur est renforcé par le spec-tre de la déstabilisation. Rien que cette année,les autorités de l'île affirment avoir déjouédeux tentatives visant à éliminer le président.Chacune de ces tentatives deputsch, dont on attend toujours lesprocès, a été suivie d’interpellations

“JE NE PARLE PASPOUR NE PAS ME

TROUVER EN PRISON”

...

?

Ci-dessus, le président de l’île

autonome deNdzuani, Mohamed

Bacar. L’imageremonte au mois

d’août dernier, elle aété prise au port deMutsamudu lors de

l’arrivée d’un énormeporte-conteneurs.

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epttjfsENQUÊTE SUR LE POUVOIR ANJOUANAIS

musclées qui ont poussé les suspects àquitter l'île, direction Maore ouNgazidja.

Sur le plan social, l'unique manifestation initiéepar les enseignants pour revendiquer le paiementde plusieurs mois de salaires en retard avait viréau drame, début 2005. L'intervention des forcesde l'ordre s'était soldée par un mort et parquelques blessés. Certains des responsables syn-dicaux à la tête de ce mouvement de revendica-tion ont préféré quitter l'île, affirmant qu'ils ris-quaient de "faire l'objet de tortures".Cette chape de silence a pour première consé-quence une perte de vitalité de l'île. Tous ceux quipeuvent partent. Les autres se terrent dans leurmutisme et évitent toute situation qui les mettraitdans la ligne de mire du pouvoir. L'île ne connaîtaucun espace d'expression, les gens fuient touteforme de débat politique. Les médias préfèrentbercer la population par des futilités plutôt qued'éveiller la conscience. A part quelques titres dela presse écrite en provenance de Moroni -et auto-risés à être diffusés-, l'information est le monopo-le de la Radio-télévision anjouanaise (RTA), laradio officielle du gouvernement.

AUTRE DÉVIANCE LIÉE À CE MUSELLEMENT,L'ÎLE EST DEVENUE LE TERRAIN des aventuriersde tout poil qui ont compris que le consentementdu pouvoir vaut un blanc seing. Cette concentra-tion de tous les centres de décision à Darou Nour(la présidence) a inféodé les institutions quin'exercent aucun contrôle sur la vie publique. Lesadministrations sont également parasitées etbrillent par leur inefficacité. Ce dysfonctionne-ment voulu a créé une anarchie qui profite aupouvoir, le seul véritable maître à bord.L'absence de contre-pouvoir a ainsi généré unesorte d'impunité politique à tous les niveaux. Acommencer par l'aéroport, la porte d'entrée deNdzuani. A notre arrivée sur l'île, nous sommestombés sur un homme apeuré. Un Libanais venuouvrir une bijouterie à Mutsamudu.L'entrepreneur introduit par des amis depuis unan sur l'île n'en est pourtant pas à son premierséjour. Il dispose d'une carte de résident délivréepar les autorités. Ce qui n'a pas empêché un gen-darme de l'aéroport de Wani de lui confisquer sonpasseport au motif "que sa carte de séjour est

suspecte" et qu'il devra faire les vérificationsnécessaires auprès des services de l'immigration."J'ai tenté de lui faire comprendre qu'il n'avait

qu'à passer un coup de fil pour s'en assurer"

explique l'opérateur libanais qui s'est vu répondrececi : "Vous les Arabes et les Français, vous venez

déstabiliser le pays." Vérification faite par nossoins auprès des services de l'immigration, onnous apprend que "le gendarme n'en fait qu'à sa

tête, il n'est pas à sa première bourde et il ne

respecte pas les ordres de sa hiérarchie". Unesolution sera trouvée après moultes démarchesfaisant intervenir des personnes haut placées.Mais demeure une question : comment un gen-darme peut faire sa loi, refuser d'obéir à ses supé-rieurs et rester impuni ? De tels comportements -créant un sentiment de malaise pour les nouveauxvenus et donnant de l'île l'image d'une zone denon-droit- auraient mis Djanfar Salim, ministrede l'Intérieur de l’île, dans tous ses états contre unagent de l'immigration qui s'était arrogé le droit degarder chez lui le passeport d'un touriste et lecachet appartenant à l'administration. Ce sentiment de peur et d'insécurité relevé parune grande partie de l'opinion a isolé le pouvoirde la population. Les deux se regardent en chiensde faïence. Ce fossé n'arrange pas le pouvoir quise ferme sur lui-même… par peur aussi. Le pré-sident de l'île ne se déplace jamais sans uneimpressionnante escorte militaire digne d'un paysen guerre. Cela ne suffisant pas, des militaires enarmes sont positionnés tout le long du parcours

qu'emprunte le cortège présidentiel. Des barragesmilitaires dressés sur un axe compris entreMutsamudu et Domoni soumettent tous les soirsles véhicules à des fouilles systématiques. “C’est insoutenable. Chaque soir je me fais arrê-

ter”, raconte un Mutsamudien. “Ils (les militai-re,s ndlr) fouillent la voiture, me disent de rentrer,

me demandent ce que je fais dehors... Une fois, il

m’ont bien fait comprendre que je n’avais rien à

faire dans le rue si tard. C’est une sorte de couv-

re-feu qui est instauré en fait.” La peur, le senti-ment d'anarchie, l'impunité, trois ingrédients quifavorisent la corruption reprochée au régime.

LE CAS DE L'ORIZAN, LA SOCIÉTÉ D'IMPORTA-TION DU RIZ DE NDZUANI est révélateur de cettegestion opaque des services publics dénoncée ausein même du gouvernement. Entreprisepublique créée par ordonnance présidentielle,l'Orizan fonctionne en dehors des structures pré-vues par les textes. Seuls "l'actuel ministre des

Finances, l'ancien ministre des Finances et le

président ont droit au chapitre" accusent les troisdéputés de l'opposition qui ont demandé en vain

à connaître les comptes de l'établissement public."Une absence de transparence qui favorise la

mainmise du pouvoir sur l'économie. Tous les

Anjouanais sont au courant des connivences

entre leurs dirigeants et certains opérateurs éco-

nomiques de la place qui bénéficient de tous les

avantages" soutient un entrepreneur qui a voulugarder l'anonymat. Lassé par ces connexions, cedernier a délocalisé ses activités dans un autrepays. Pour les Anjouanais, le régime Bacar s'estcrée son propre empire et "n'a de comptes à ren-

dre à personne". "Regardez ce qui se passe à

l'Université. La présidente est la sœur du prési-

dent Bacar, le chef de la scolarité est son beau-

frère. Un autre frère est directeur de l'enseigne-

ment secondaire" nous fait observer un habitantde la capitale."Ces pratiques ont crée une inertie du gouverne-

ment (le troisième depuis l'arrivée du colonelBacar au pouvoir en 2001, ndlr) de plus en plus

contesté" affirme un proche. La contestation estvenue des élus qui reprochent au gouvernement"de ne rien faire" indique l’un d'entre eux. Lesdéputés de la majorité qui ont été reçus la semai-

ne dernière par le président Bacar menacent decensurer le gouvernement s'il n'est pas remanié.Une éventualité que "le président a promis d'exa-

miner à son retour d'un voyage en France" a rap-porté un conseiller. Cette demande venant de l'in-térieur confirme le jugement sévère de la popula-tion sur l'absence de politique de développementde l'île, confrontée à une crise durement ressentie.Elle risque de révéler au grand jour des dissen-sions internes entre deux courants. Celui repré-senté notamment par les partisans du ministre del'Intérieur qui prône une remise en ordre, et celuides tenants du statut-quo. Dissensions qui peu-vent s'amplifier à l'approche de l'échéance prési-dentielle, qui va obliger chaque camp à se posi-tionner sur un candidat.

KAMAL'EDDINE SAINDOU (AVEC KAY)

FAIT NOTABLE : À L'EXCEPTION DU DÉPUTÉ BACARI DE L'OPPO-SITION PARLEMENTAIRE, TOUS LES AUTRES INTERLOCUTEURS

ONT DEMANDÉ À GARDER L'ANONYMAT. CERTAINS SONT POUR-TANT BIEN PLACÉS DANS LA HIÉRARCHIE DU POUVOIR.

...

IL EST LE MEMBRE DU GOUVER-NEMENT LE PLUS EN VUE À

NDZUANI, PAR LE POSTE centralqu'il occupe, mais surtout par sonhyperactivité qui lui vaut d'être compa-ré à Nicolas Sarkozy. Numéro 2 durégime du colonel Bacar, Djafar SalimAllaoui sera en première ligne dansl'organisation des primaires de la prési-dentielle de l'Union qui se déroulerontà Ndzuani. A cinq mois de ce scrutin etalors que de nombreux ressortissantsanjouanais sont expulsés de Maore, leministre de l'Intérieur anjouanais nouslivre ses analyses.

Quel regard portez-vous sur la situa-tion politique à Ndzuani ?On a dénoncé un mode de gestion axésur un Etat unitaire. On a pensé donnerla part belle aux îles pour plus deresponsabilité, plus de compétition etfaire participer les îles au destin dupays, de la nation. Il fallait pour celasupporter la mise en place d'un certainnombre d'institutions qui demandaientdes moyens, des hommes. Mais il fautreconnaître que ces préoccupationsinstitutionnelles n'étaient pas nécessai-rement celles de la population, qui abesoin qu'on s'occupe de son quotidien,qu’on lui offre un cadre sanitaire décent

et l'accès à un emploi. Tout ce ballet quia consisté à repenser l'Etat n’intéressaitpas le peuple alors que c'est lui quiincarne la force, qui symbolise lavolonté de faire avancer les choses oude remettre en cause toutes les avan-cées que l'on peut imaginer. J'admetsaujourd'hui que le contexte que nousavons connu nous a fait ignorer cetteréalité décisive dans la marche du payset on risque de le payer cher demain. Ily a une impatience manifeste qui sedégage et on a du mal à appréhenderces conflits d'approche en terme decompétences entre les entités.

Vous admettez donc qu'un fossé s'estcreusé entre l'action du gouverne-ment et les urgences de l'île...Il y a eu un déficit de communicationévident dû à l'insuffisance des moyensde communication d'une part et sansdoute à beaucoup de réserves du côtédes autorités à aller vers les gens pourles sensibiliser sur certaines réalités. Jeprécise cependant que nous ne sommespas les seuls responsables puisque nousn'étions pas seuls sur ce chantier. Nospartenaires avaient des exi-gences et des recommanda-tions que nous devionsprendre en compte. ...

“IL Y A UNE IMPATIENCE MANIFESTE”RENCONTRE AVEC DJAFAR SALIM ALLAOUI, MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, DU TOURISME, DEL'INFORMATION ET DES POSTES ET TÉLÉCOMMUNICATIONS DE L’ÎLE AUTONOME DE NDZUANI.

Djafar SalimAllaoui, leministre del’Intérieur del’île, mercredidans sonbureau.

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epttjfs ENQUÊTE SUR LE POUVOIR ANJOUANAIS

Vous reconnaissez un déficitde communication alors quela rue reproche au gouverne-

ment d'avoir monopolisé les médias etde s'être fermé sur lui-même...Il est facile d'accuser les autres. Depuis queje suis à la tête de ce département, person-ne n'a déposé un dossier pour un médiad'information quelconque. Il est vrai que jene prends pas des gants lorsque certainsmédias prêchent l'intégrisme ou appellentà la révolte. Je peux vous prouver que j'aipersonnellement convoqué des réunionsici dans le sens de libérer les médias. Onn'a jamais interdit quiconque. J'ai mêmepréparé un projet de loi relative à la libertéde communication que je vais bientôt sou-mettre au gouvernement. La RTA (Radio-télévision anjouanaise) est ouverte à tousles courants de pensée.

Ce n'est pas ce que disent les députés del'opposition qui affirment qu'ils n'ontjamais pu s'exprimer sur les ondes de laRTA...La aussi je tiens à dire que j'ai moi-mêmemis en place une unité d'information del'activité parlementaire en affectant spécia-lement deux journalistes à l'assemblée, unpour la radio et l'autre pour la télévision.S'ils n'ont pas fait leur boulot ce n'est pas àmoi de porter le chapeau. Les députés del'opposition peuvent se plaindre auprès dudirecteur général de RTA.

Partout à Ndzuani, des gens nous ontindiqué qu'ils vivaient dans un senti-ment de peur et d'insécurité qui les a

réduits au silence. Que répondez-vous àces critiques sur l'absence de libertéd'expression dans l'île ?Ces critiques n'ont aucun fondement. L'onoublie que cette île est partie des événe-ments de 1997 qui ont fait naître beaucoupde clichés qui traînent encore. En revan-che, il est vrai que le pouvoir est toujourssur ses gardes parce que nous avons connude nombreuses tentatives de déstabilisa-tion. Mais je pense que vous avez notéqu'on ne torture pas, qu'on n'inflige pas dessévices corporels et que nous n'avons pasdes prisonniers politiques. Cependant, unecertaine presse a tendance à diaboliserAnjouan. Nous invitons les gens à visitercette île. Ils découvriront l'hospitalité de sapopulation.

Nous avons eu connaissance d'un opé-rateur qui a connu des vrais soucis àl'aéroport. Un gendarme lui a confisquéson passeport et n'a pas voulu le resti-tuer malgré l'intervention de ses supé-rieurs. Cet acte n'est pas de nature àrassurer les visiteurs... C'est vrai. Je ne cautionne pas ce genre decomportement dans les ports et les aéro-ports. Mais ce sont des cas isolés auxquelsnous sommes en train de remédier. Nousavons d'ailleurs engagé des réformes pourfaciliter l'entrée dans notre île. Un projet deloi est en cours pour créer les conditions dedélivrance des visas sur place. Il faut met-tre fin à des pratiques d'un autre temps.

Je reviens sur le sentiment de peur quime semble lié à la liberté d'expression.

Lorsqu'un proche du pouvoir affirmeque ça ne va pas mais qu'il ne peut pasle dire pour ne pas subir de sanctions,cela n'est-il pas révélateur d'un malaise,y compris au sein du régime ?De telles réactions et comportements sonttout simplement scandaleux. Quand onappartient à une famille politique et quel'on croit à un idéal commun, on n'agit pasde la sorte. J'ai peut-être une autre culturepolitique mais je ne peux pas trahir à cepoint ni cracher dans la soupe. Je ne peuxpas dire du mal du gouvernement auquelj'appartiens. Et puis un ministre qui n'estpas content, ça démissionne.

Et si cela traduisait un malaise des pro-ches du pouvoir qui n'osent pas s'oppo-ser à certaines orientations ?Personne n'a jamais été inquiété parce qu'ila dit que les choses ne marchaient pas. Detels gens sont sans aucune personnalité. Ilm'arrive aussi de ne pas être d'accord aveccertaines orientations ou dans la conduitedes affaires par l'autorité. Pour autant, jesuis là devant vous.

Vous n'ignorez certainement pas que lesdéputés de l'île critiquent l'inertie dugouvernement et se sont entretenus avecle président Bacar pour qu'il le remanie.Seront-ils entendus ?Constitutionnellement, l'Assemblée de l'îlea le pouvoir de censurer le gouvernement.Peut-être qu'elle pense que le gouverne-ment n'est pas efficace, qu'il n'est pas à lahauteur de ses missions. Il revient àl'Assemblée de le mettre en minorité.

Reconnaissez-vous que votre bilan n'apas répondu aux attentes desAnjouanais ?Il faut que l'on soit clair. Aucun des troisexécutifs, y compris l'Union, ne s'est dotéd'un plan d'action. Le gouvernement del'Union a fait plusieurs grandes messes surson fameux plan d'action, ce n'est qu'uneoccasion de dilapider de l'argent. J'ai dumal à comprendre comment on va sanc-tionner le gouvernement, sur quel pland'action et sur quel bilan ? Nous avons tra-vaillé dans un contexte politique difficilede mise en place des institutions. Il a étédifficile de concilier ce travail avec ledéveloppement. Nous fonctionnons aujour le jour comme tous les autres, maisnous avons néanmoins assuré l'approvi-sionnement régulier des produits de pre-mière nécessité, crée des emplois, assuréles soins d'urgence et fait des progrès dansl'agriculture.

On reproche néanmoins aux autoritésd'avoir dilapidé beaucoup d'argentdans des voyages ou dans l'achat demaisons à l'étranger. Il y a un grandécart entre le train de vie des gouver-nants et celui des simples gens...Il n'est pas interdit de voyager, d'avoir desvoitures ou de se construire des maisons.Mais qu'on voyage pour des convenancespersonnelles, inutiles, je ne saurais com-prendre, surtout lorsqu'on a à verser lessalaires des fonctionnaires, à faire face àdes besoins pressants. Rappelons cepen-dant qu'on ne voyage pas tous.

RECUEILLI PAR KAMAL'EDDINE SAINDOU

... DONNER DESGAGES POURL’ÉLECTION

“LA FEUILLE DE ROUTE

SEMBLE RESPECTÉE.” Leministre de l'Intérieur de

l'île d'Anjouan paraissait soulagé d'ap-prendre que le décret créant laCommission nationale en charge de lapréparation et de l'organisation de la pré-sidentielle a été signé par le présidentAzali (lire p.6). Le doute persistant sur latenue de ce scrutin est donc levé. Tous lesregards seront braqués sur Ndzuani à quirevient le tour d'organiser les primaires.Djafar Salim Allaoui n'ignore pas queson île sera appelée à donner des gagesdu bon déroulement de cette élection. En tant que ministre de l'Intérieur, il serale seul membre du gouvernementanjouanais -au même titre que seshomologues des autres îles- impliquédans ce processus, comme le prévoit laloi. Il sera donc en première ligne pourgarantir le déroulement de ce scrutindans la transparence. Une lourde tâchequi lui demandera d'avoir un œil sur leprocessus et un autre sur ses collèguesdu gouvernement pour faire respecterles règles du jeu. D'autant que selon plu-sieurs sources, trois candidats se dispu-tent le soutien du gouvernement de l'île.Une information que le ministre del'Intérieur n'a pas confirmé ni infirmé, secontentant de dire "qu'aujourd'hui, je

n'ai pas connaissance d'un candidat qui

émanerait du gouvernement". Il devraégalement s'expliquer sur d'autres dos-siers qui fâchent, comme le casd’Abdou Saïd Houmadi Ridjali. Ceconseiller technique chargé des relationspubliques à la présidence depuis 2003vient de perdre son poste au motif "qu'il

soutiendrait la candidature de

Mohamed Djafar". Le ministre del'Intérieur dément cette affirmation. "Il

existe d'autres raisons qui justifient son

licenciement. Il ne faut pas chercher

d'autres prétextes" réagit Djafar Salim.L'autre difficulté portera sur le recense-ment des électeurs. L'arrivée annoncéede centaines de ressortissants de l'îleexpulsés de Maore demandera un tra-vail supplémentaire. "La cellule de

coordination que j'ai montée dans ce

ministère avec le collectif des sans-

papiers devrait faciliter le recensement

de ces nouveaux venus" indique-t-il. Lerecensement et l'envoi d'observateurscivils et militaires font d'ailleurs partiedes points d'accord entre les Comores etleurs partenaires dans l'organisation decette présidentielle. Il faudra sans doute attendre ce déploie-ment pour que les Anjouanais se sententen période électorale. Pour l'instant, c'estle calme plat. La plupart des candidatsconnus sont hors de l'île, sans doutepour se préparer à cette échéance. Labataille s'annonce cependant déjà serréeà Mutsamudu et Domoni où l'on recensele plus grand nombre de prétendants.

KES

LE “CLAN DES PORTABLES”

“LE SYSTÈME BACAR EST BASÉ SUR LES DÉNONCIATIONS QU'ORCHESTRENT sesproches. Les commerçants, les connaissances, la familleenfin, tous ceux qui ont les privilèges du régime.” Cette pen-

sée est celle d'un jeune homme qui a préféré garder l'anonymat par peurde représailles. Il serait toutefois hasardeux de prendre en compte despropos parfois sans preuves qui méritent quand même d'être cités afin derelancer le débat. On s'en souvient, au début de l’année 2005, une grèvedes professeurs avait précipité les élèves dans la rue. Pour disperser lamanifestation, les forces de l'ordre n'avaient pas hésité à tirer des ballesréelles, tuant un jeune pêcheur non impliqué dans ce mouvement et fai-sant plusieurs blessés. C'est de ces événements que serait né le “clan desportables” : il est dit dans certains milieux populaires que Mohamed Bacaraurait organisé une milice pour suivre les faits et gestes des élémentsgênants. Selon les dires, chacun de ces “miliciens” aurait son portablepour appeler ses contacts parmi les membres du cercle fermé du présidentBacar. Il est même avancé que si les forces de l'ordre ont pu pénétrer dansles entrailles mêmes de la medina de Mutsamudu -non accessible par lesforces de l'ordre avant, et qui symbolise la rébellion anjouanaise de 1997-,c'est grâce à ces informateurs. Un tract anonyme distribué à la mêmepériode avait cité des noms. Sans suite. Ali (1), un jeune du quartier Hamoumbou, fait ce constat : “Chaque régi-me a ses méthodes. Il y a ceux qui faisaient confiance aux ragots des jeu-nes hommes désespérés car le bouta (2) malgache faisait défaut, et ilfallait trouver une monnaie d'échange. Argent contre renseignement.Nous sommes tous impliqués. Car aucun de nous ne peut se targuer den'avoir jamais troqué une information contre un billet de 5.000 fc (10euros, ndlr). Pire encore, ces gens-là entretiennent la pauvreté, en main-tenant la dépendance pour maintenir le peuple dans la misère et la men-dicité. Seul moyen pour mater l'expression de la rue. Le système est effi-cace car il permet de contrôler les faits et gestes des personnes oppo-sées au régime. Il y a quelques années, ces méthodes avaient été aban-données par le pouvoir. Tout le monde s'accorde à dire que Bacar a sules réhabiliter. Tout le monde s'accorde à dire que rien ne va et pourtantpersonne n'ose le dénoncer du moins publiquement. Par peur d'êtreindexé. Avec les élections qui s'annoncent, ceux-là même qui dénoncentle système seront les premiers à le soutenir”. KAY(1) Prénom d'emprunt(2) Bouteille de rhum

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vof!rvfuf!tqjsjuvfmmf!)204*s juft ! fu ! fybmubu jpot! ! )304*

tvddftt jpo! fu ! efw jbu jpot! )404*QADRIYA, SHADHULIYA, RIFAIYA, ALAWIYA ET DANDARAWIYA. DE TOUS LES ORDRES DE L'ISLAMCONNUS, CE SONT CEUX-LÀ QUI SE SONT IMPLANTÉS DANS L'ARCHIPEL DES COMORES. PLUS D'UN SIÈCLEAPRÈS CETTE EXPANSION, QUEL RÔLE ONT-ILS JOUÉ DANS LA CONNAISSANCE DE LA FOI MUSULMANE ?

QUERELLES RELIGIEUSES OU DE POUVOIR ?LES OPPOSANTS AUX CONFRÉRIES TRAVAILLENT DANS L'OMBRE. ILS SE DISENT LES GARANTSD'UN CERTAIN FONDAMENTALISME RELIGIEUX.

“ALLEZ À SIMA, VOUS

LES TROUVEREZ."L'AUTEUR de ces pro-

pos pense aux "Jawulat", ces barbus quilivrent un vrai prosélytisme à traversl'île et qui apparaissent à tort ou à raisoncomme les détracteurs des confrériesdans l'archipel. Ces "militants" del'Islam n'ont pas réussi à construire undiscours convaincant ou mêmeattrayant contre les confréries, qu'ilsconsidèrent pourtant comme un obsta-cle à la pénétration de leur conceptionde la pratique religieuse. D'où leurdilemme. Comment propager la mêmereligion en s'attaquant aux figures quil'incarnent aux yeux des Comoriens ?Du fait de l'ancienneté de l'agentconfrérique bien implanté dans la socié-té et qui dispose d'un réseau très opéra-tionnel, ces "nouveaux" musulmanséprouvent des difficultés à trouver unpublic dans une société qui ne veut passe défaire de l'autorité de ses chefs tra-ditionnels, qui plus est des maîtres spi-rituels.

SOCIALEMENT, ILS SONT DONC COIN-CÉS ET PARFOIS obligés de composer.C'est le cas à Mutsamudu où les fonda-mentalistes ont préféré se fondre dans lamasse, quitte à réviser leur discours.Certains n'excluent pas la possibilitéd'utiliser les moyens des Twarika pourarriver à leurs ambitions. Il y a là unrisque de déviance que des chercheursont observé dans certains pays. EnKabylie par exemple, "les confréries

sont plus un instrument politique qu'un

vecteur de socialisation religieuse"

explique Brahim Salhi, auteur deConfréries religieuses, sainteté et reli-

gion, qui évoque une strucute fortementhiérarchisée, solidaire, "à grande capa-

cité militaro-politique, à densité doctri-

nale avérée et démontrant une continui-

té entre ordre soufiques orientaux et

confréries locales". En Algérie, l'émer-

gence du fondamentalismes'est déroulée dans une rela-tion violente avec la bureau-cratie religieuse, qui étaitdétentrice du monopole surle culte. "Le fondamentalisme suscite

un rapprochement de cette bureaucratie

religieuse et de l'agent confrérique"

poursuit Brahim Salhi.

LA TENTATION NE MANQUE PAS NON

PLUS CHEZ les hommes politiques quicherchent à obtenir les faveurs deschefs des confréries en tant quemeneurs de troupes. L'histoire révèleaussi "les capacités martiales et poli-

tiques des confréries Qadriya" enKabylie. C'est sans doute cette capaci-té d'organisation qui pourrait intéresserles mouvements qui se réclament du

fondamentalisme. Maisaussi les modes de transmis-sion jugés très efficaces,comme le dhikr. Le dhikr

est l'élément fondamental dela diffusion dans la société de l'universdes significations islamiques. Il assureune fonction sociale de familiarisationavec l'univers religieux pour les profa-nes. Grâce aux zawiya (les foyers destwarika), les confréries assurent unefonction d'éducation non savante s'insé-rant parfaitement dans l'univers de l'o-ralité. Autant d'atouts qui ne laissent pasindifférent. D'où les querelles de suc-cession qui reflètent les luttes d'intérêtsqui se mènent bien souvent sous cou-vert de religion.

KAMAL 'EDDINE SAINDOU

AL'ORIGINE, LES TWARIKAS ÉTAIENT

DIRIGÉS PAR un khoutb - leCheikh - qui peut être assi-

milé à un général suprême de tousles adeptes. Au fil des générations,pour ce qui est de la confrérie shad-huli, un seul Cheikh suprême basé àAman dirige la confrérie de par lemonde, désignant des représentantsun peu partout, appelés à leur tourpar les adeptes “cheikh”. Ce dernierest entouré par des halifas et au-des-sous d'eux, les mirides. Selon les spé-cificités de chaque pays, le cheikhavant sa mort peut recommander sasuccession parmi ses halifas qui sonten quelque sorte des gouverneurs.Autre cas possible : les halifas et lesmirides s'accordent lors d'uneassemblée sur le nom de la personneparmi eux qui prendra la succession,par sa loyauté et sa maîtrise de laconfrérie. Mais dès l'origine, le choixdu successeur revient au cheikh.Cette requête aurait été formuléepar le Khoutb Said Abal'HassaneShadhuili, qui voulait conserver leKhoutb dans sa lignée. Selon un deshalifas de Ndzuani (de la confrérieShadhuili), “contrairement à ce qu'onpense, une confrérie est une associa-tion dont les Zawiyas sont les foyers.Nous devons allégeance au Cheikh. Ilest le chef suprême de la confrérie.Ses ordres ne sont jamais contestés.Ils sont exécutés. C'est la raison pourlaquelle, il y a une bonne harmonieau sein du Twarika. Il est le maîtreincontesté. Il est de notoriété et c'estd'ailleurs le rôle du guide d'écouterles halifas qui le représentent dansles régions et sur cette base, il prendses décisions.” A Ndzuani, le Twarikaest dirigé par le Cheikh Abdallah. Il est à noter qu'avec le temps, cer-taines pratiques ont tendance à êtrenégligées, comme le Mdjilisil' Aanla,l'assemblée générale annuelle, quiest la tribune d'échanges et deconcertation de la confrérie. Ceci estdû à un manque de mobilisation desmoyens matériels et humains.

KAMAL ALI YAHOUDHA

LE CHEIKHDÉCIDE DE SASUCCESSION

hspt!!qmboLES CONFRÉRIES RELIGIEUSES

DANS L’ARCHIPEL

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Une hiérarchie très stricteCES CONFRÉRIES SONT FONDÉES PAR UN PRÊTRE EXALTÉ DE GRANDE RÉPUTATION ET

SONT ORGANISÉES selon une hiérarchie très stricte qui lie chaque membre à un frèrede rang supérieur, son tuteur, et, de là, jusqu'au maître de l'ordre, l'Ancien oucheïkh, par toute une série de liens de tutorats consécutifs. L'Ancien est le fonda-teur lui-même, ou son successeur. Après sa mort, le fondateur de l'ordre continued'être vénéré et son mausolée devient un site sacré, lieu de pèlerinage même epourdes non-membres de son ordre.

Un mausolée, àMutsamudu, dans unemosquée de la medina.

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epdvnfou ARCHITECTE À MAORE, DOMINIQUE TESSIER A ÉTUDIÉ LA PROBLÉMATIQUE DE L’URBANISATION DE L’ÎLE. LE TEXTE QUI SUIT ESTADAPTÉ D’UN ARTICLE INTITULÉ “PAYSAGE ET URBANISATION PAR LA MAISON INDIVIDUELLE, L'EXEMPLE MAHORAIS”, PUBLIÉ DANSL'OUVRAGE COLLECTIF “MAISON INDIVIDUELLE, ARCHITECTURE, URBANITÉ” (PP 170 À 181) ÉDITION DE L'AUBE/PUCA, 2005.

JUSQU'À LA FIN DES ANNÉES 70, IL ÉTAIT

POSSIBLE DE FAIRE LE TOUR de Mayottesans pouvoir préciser les contours des villa-ges tant ils s'imbriquaient avec la végétation.Les premières photos aériennes reflétaientcette sensation caractérisant le paysage. Il estpossible que ce soit cette continuité du bâti etdu non-bâti que les hommes de culture euro-péenne aient tenue pour "harmonieuse".Toutefois, cet aspect pouvait disparaître dansle cadre d'une revendication de modernitépour laquelle la construction en "dur" et en"tôle" avait reçu un plébiscite. Si l'harmoniepermet toujours de qualifier le rapport entrepaysage et construction c'est que d'autres élé-ments entrent en jeu. Avant 1978, la vie en autosubsistance secaractérisait par un développement extrême-ment lent. Les paysages étaient préservés, lesmaisons étaient construites essentiellementen végétaux et l'intégration existait de fait.La démarche initiale, conduite avec goût etconviction, a également permis durant 20 ansune urbanisation "harmonieuse". Cette har-monie dépasse la notion "esthétique". Les éléments techniques et culturels desmodèles urbains traditionnels et modernesprésentent des éléments communs et des dif-férences. Relevons quelques correspondan-ces. Le village traditionnel était constitué decases et de clôtures conçues dans des maté-riaux d'origine végétale qui formaient unensemble homogène et concordant avec l'en-vironnement. Aucune disproportion impor-tante n'a été relevée entre la taille des casesque ce soit entre-elles ou par rapport aux aut-res éléments construits. Les mosquées elles-mêmes se distinguaient peu dans leur formeet leur fabrication. Les implantations du bâtiet des parcelles les unes par rapport aux aut-res étaient issues d'un ordre social parfaite-ment réglé par les hommes et dont le critèreétait l'organisation de la famille ou du groupegénérationnel et la propriété matrilocale. Decet état initial qu'a t-on fait évoluer et qu'a-t-on préservé ? L'étude comparative des mai-sons et des parcellaires fait apparaître denombreux points communs. La procédure de substitution a permis deremplacer les cases en terre par des maisonsen dur, plus ou moins au même emplacementet plus ou moins sur la même emprise. Lecœur des villages n'a pas été bouleversé. Leurextension a prolongé la matrice initiale. Larecomposition des lotissements modernes aautorisé l'évolution des modes de vie sansrompre brutalement avec la vie traditionnelle.D'autres éléments s'inscrivent en rupture : lenombre et la continuité des espaces de socia-bilité (n'dzia, pengélé) diminuent. Rupturequi demande à la population un effort parti-culier pour préserver ses relations tradition-nelles dans un espace devenu contraignant.Toutefois, dans ces lotissements persistentdes correspondances : taille des maisons,orientation par rapport à la voie principale,imbrication du végétal et du bâti. La présence répétée de modèles questionne le

principe d'harmonie du point de vue du res-senti. Dans l'univers européen la sensation demonotonie est souvent avancée pour qualifierla répétition de bâtiments semblables. Nousn'avons pas entendu ce qualificatif à Mayotte.L'analyse des plans et des croquis met envaleur l'inscription des maisons dans des sil-houettes très variables. Cette variété provientde la taille différenciée des voies, des clôtu-res, des végétaux et des changements dematériaux, terres, mortier d’agregats, bam-bous, tôle, pierre. Ces ensembles autrefoishomogènes dans leur fabrication se différen-ciaient par leur montage ou tissage (feuilles,branches). A présent ils sont souvent hétéro-clites mais d'une échelle tout à fait constante.La hauteur moyenne du village est la fenai-son des manguiers et la hauteur maximale,celle des minarets, est le toupet des cocotiers.C'est la présence de verdure dans l'environne-ment proche qui semble la plus importantepour rester dans une intimité domestique ausein d'un ensemble de forte densité d'habitat.Les principes retenus sont proches de ceuxpréconisés dans le cadre du développementdurable : forte densité pour réduire l'exten-

sion urbaine, cheminements piétonniersconvergeant vers les lieux d'échange. L'analyse des nouveaux modèles urbainsmontre que les lotissements réalisés parL.A.Cheyssial et la Sim dans le cadre desSchéma d'Aménagement des Villages, selonla méthode du "projet", forment des ensem-bles plus harmonieux, plus en rapport avecles modes de vie traditionnels.

LES OPÉRATIONS MENÉES PAR UN GÉOMÈ-TRE OU UN BUREAU D’ÉTUDES selon un pro-cessus discontinu sont de moindre qualité.Les lotissements sont généralement desarpentages divisant les terrains en lots.L'implantation des bâtiments se réalise aprèscoup. Le propriétaire n'est pas le lotisseur etle lotisseur n'est pas le constructeur, les tâchessont parcellisées et aucune pensée détachéede l'intérêt et du rendement n'intervient. Lanotion de projet et l'idée même de conceptionde l'espace urbain disparaissent.Ainsi distingue t-on un phénomène singulier,l'application du droit commun français (éga-lité de traitement de tous les territoires, divi-sion du territoire entre privé et public, liberté

du commerce foncier) a déstabilisé la structu-re urbaine traditionnelle et produit une "liber-té" de construire qui s'exprime sous la formed'un désordre. Ce n'est pas la modernité del'architecture qui modifie principalement lastructure du paysage mais l'application derègles d'intégration d'une communauté(Mayotte) dans une autre (France). Plus laréglementation s'applique, plus la part dudomaine foncier privé est reconnue, plus ledomaine public est réduit et morcelé, plus laterre devient une marchandise, plus les pro-jets d'intérêt général sont difficiles à élaborer. Les réglementations mises en place progres-sivement, mais infiniment plus vite qu'enmétropole (moins de 20 ans) ont des effetsparadoxaux. La réglementation urbaineapparaît plus comme un facteur d'intégrationdans une unité politique, que comme unmoyen de résoudre des problèmes urbains.En outre, la transposition d'une réglementa-tion de la culture judéo-chrétienne vers la cul-ture islamo-animiste de Mayotte se juxtaposeaux coutumes sans les éliminer. Par exemple, l’introduction de la réglementa-tion française appliquée à la reconnaissancefoncière a, notamment, pour objectif d'imma-triculer la totalité des terres afin de distinguerle domaine public du domaine privé. La for-mule placée en tête du code de l'Urbanismefrançais ("le territoire français est le patri-

moine commun de la nation") marque la ten-sion entre le pouvoir du propriétaire sur sonterrain et le pouvoir de la société sur son ter-ritoire.Etre propriétaire d'un terrain, consiste à êtrepropriétaire de certains ou de l'ensemble desdroits que les individus peuvent exercer sur lesol. Il n'existe pas un seul pays civilisé au

monde où le propriétaire disposevraiment de tous les droits sur lesol (construire, chasser, déboiseret, pourquoi pas, y entreposer des

déchets radioactifs...) La propriété est recon-nue à celui qui détient un titre immatriculé.En droit coutumier, il existe trois critères dedétermination de la propriété : une mise envaleur de longue date, une exploitation paisi-ble de la parcelle, et la reconnaissance de lapropriété par les voisins. Selon le droitmusulman, appliqué par les cadis, la terreappartient à celui qui la met en valeur. De la superposition de ces droits résulte unedifficulté permanente pour l'aménagement.La reconnaissance, par la communauté, del'occupation était souvent considérée commela meilleure garantie de la propriété qu'untitre accordé par l'administration après uneprocédure longue et peu compréhensible.L'incertitude se répercute dans le règlementdes contentieux, puisqu'il n'existe pas de texteunique auquel faire référence. On comprendque cette situation rend parfois inadéquatsvoir incongrus les outils de l'urbanisme codi-fié en France métropolitaine, sauf de considé-rer que ce sont aux coutumes et à la sociétémahoraises de disparaître.

(A SUIVRE)

IL Y A 30 ANS, LEPAYSAGE MAHORAIS ÉTAITQUASIMENT VIERGE DECONSTRUCTIONS EN DUR.AUJOURD'HUI, IL SE DIS-TINGUE DE CELUI DURESTE DE L'ARCHIPEL PARLE PHÉNOMÈNE DES "“CASES SIM”, QUI AAPPORTÉ UNE VÉRITABLERÉVOLUTION DANS LEMODE DE VIE DES HABI-TANTS. LA DÉMARCHEORIGINALE PROPOSÉE PARLA SOCIÉTÉ IMMOBILIÈREDE MAYOTTE EN MATIÈRED'HABITAT SOCIALPERMETTAIT UNEÉVOLUTION VERS LAMODERNITÉ TOUT ENCONSERVANT UNECERTAINE HARMONIEENTRE LES PARTIESCONSTRUITES ET NONCONSTRUITES DE L'ÎLE.UNE HARMONIE REMISEEN CAUSE PAR LA PRES-SION DEMOGRAPHIQUEMAIS AUSSI L'EXTENSIONÀ MAORE DU DROITCOMMUN FRANÇAIS.SECOND VOLET DE L’ANALYSEDE DOMINIQUE TESSIER :

QUAND LE DROIT COMMUNPERTURBE LES ÉQUILIBRESLOCAUX.

L’URBANISME À MAORE :30 ANS D’EXPÉRIMENTATION (2/3)L'IMPORTATION DES RÈGLES FONCIÈRES FRANÇAISES REND PLUS DIFFICILE LA CONCEPTION DE PROJETS URBAINS.

“Tsingoni.”Croquis deD. Tessier.

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npoef

IRAKA 2 semaines des élections légis-latives, les enlèvements d'étran-gers ont redoublé d'intensité enIrak. Suzanne Osthoff, unearchéologue allemande, est portéedisparue depuis vendredi. Elle estle cinquième ressortissant occi-dental à disparaître en quelquesjours, alors que six Iraniens etleurs deux accompagnateurs ira-kiens ont également été enlevéslundi soir par des hommes armés.Les ravisseurs de SuzanneOsthoff demandent à l'Allemagnede cesser toute collaboration avecle gouvernement irakien.

LA FILE DE JEUNES, DOUBLÉE D'UNE

RANGÉE DE CUVETTES ET BIDONS

DE TOUTES TAILLES, est longuedevant le forage de Bépanda à Petit Wouri,un quartier populeux de Douala. Pourtant,l'attente ne semble pas les gêner. Ils s'esti-ment heureux d'avoir accès à ce point d'eaupotable construit l'an dernier. Seul un tiersdes 2,5 millions d'habitants de la métropoleéconomique du Cameroun a cette chancealors que le choléra sévit. Il a tué près de 50personnes entre janvier et juillet 2005 et514 dans tout le Cameroun entre janvier2004 et juin 2005. Les pouvoirs publics ont débloqué cetteannée 200 millions de Fcfa (305.000 euros,15 millions fc) pour lutter contre l'épidémieet décidé de construire, dans la seule villede Douala, une vingtaine de forages et detraiter des milliers de puits. "Cette année, la

région de Douala a droit à la construction

de 24 forages contre 2 l'an dernier et à la

réhabilitation de quatre adductions d'eau",affirme Liga Rosetta, chef provincial del'eau et assainissement à la délégationrégionale du ministère de l'Eau à Douala.

Depuis les premières épidémies de choléra,début 2004, pouvoirs publics, entreprisesprivées comme le Pari mutuel duCameroun, pays partenaires à l'instar duJapon ou encore Ong, telles Médecins sansfrontières ou la Croix-rouge, multiplient lesactions pour apporter l'eau potable auxpopulations en creusant de nombreux fora-ges. Le Japon en a ainsi prévu 200 sur l'en-semble du pays. L'eau potable est une denrée tellement rareque l'inauguration d'un de ces points d'eaus'accompagne toujours de réjouissancespopulaires. "Ce don est un signe de déli-

vrance et d’espoir", déclarait ainsi, ivre debonheur, Mvogo Onana, à Douala, lors dudémarrage d'un forage offert par une entre-prise privée locale. Un enthousiasme justi-fié puisque seuls 30 % des ménages enzone urbaine et 40 % en zone rurale ontaccès à un point d'eau de la Société nationa-le des eaux du Cameroun (Snec). Au milieu des années 90, la Snec, en pleinerestructuration après les accords avec leFonds monétaire international et la Banquemondiale, avait fermé les bornes-fontaines

publiques car les mairies ne payaient plusles factures. Elles ont ensuite été privatiséesmais, non rentables, elles ont été progressi-vement fermées. Malgré une demandecroissante, la Snec, toujours en attente d'unéventuel repreneur depuis 1999, n'étendplus son réseau. Son dernier investissementd'envergure date de plus de 20 ans.En dépit des efforts récents, le nombre deforages reste très insuffisant. "Je suis par-

fois obligée de faire près d'une demi-heure

sur place dans l'attente que la

file arrive à mon tour", se plaintNadine, habitante du quartierTergal à Douala. "Il est évident

que les gens vont continuer de

se ravitailler dans des puits tant

que la Snec ne sera pas présente partout",déplore le Dr Gnignianjouena Oumarou,directeur de l'hôpital du district santé deNylon. Quant au traitement des puits auchlore, il demande à être fréquemmentrenouvelé car "les puits sont chaque fois de

nouveau contaminés par les eaux usées qui

imprègnent le sous-sol", regrette BenoîtYetna, major du service choléra du district

de santé de Nylon.La grande majorité des Camerounais estdonc contrainte soit de consommer de l'eausouillée soit d'acheter de l'eau potable auprix fort. "Mes enfants font près d'un kilo-

mètre à pied afin de puiser de l'eau de sour-

ce", s'apitoie Clotilde Ngayap. Dans denombreux quartiers de la ville, les famillesachètent l'eau chez leurs voisins lorsqu'ilsdisposent d'un branchement sur la Snec. "Nous vendons 5 litres d'eau à 5 Fcfa",

affirme Bertrand, qui en a faitune bonne affaire. Il revend5.000 Fcfa (7,5 euros, 3 700 fc)le m3 acheté à la Snec 337 Fcfa(0,50 euros, 246 fc) hors taxes.Les opérateurs privés ont égale-

ment saisi la perche et multiplié les sociétésde captage et de distribution d'eau minérale.La bouteille d'un litre et demi est vendueentre 250 et 400 Fcfa (0,40 et 0,60 euros).Trop cher dans un pays où plus de la moitiéde la population vit avec moins d'un dollar(500 Fcfa) par jour.

VICKY SIMEU ET CHARLES NFORGANG(SYFIA INTERNATIONAL)

CAMEROON : LE CHOLÉRA,PRODUIT DE L'INCURIEÀ PEINE UN TIERS DES CAMEROUNAIS, Y COMPRIS LES CITADINS, ONT ACCÈS À L'EAU POTABLE ETLES NOMBREUX FORAGES SONT ENCORE INSUFFISANTS POUR STOPPER L'ÉPIDÉMIE.

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“CE FORAGEEST UNE

DÉLIVRANCE”

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LES TROIS REPORTAGES QUISUIVENT PERMETTENT DESAISIR LA COMPLEXITÉ DESRAISONS QUI POUSSENT LESUNS ET LES AUTRES À TEN-TER LEUR CHANCE ÀMAORE. S'ILS NE DRESSENTPAS UN TABLEAU COMPLETDES MOTIVATIONS À L'IMMI-GRATION, ILS METTENT ENAVANT TROIS PROBLÉMA-TIQUES BIEN ÉLOIGNÉES DELA THÈSE QUI CONSISTE ÀDIRE QUE LES ANJOUANAISVIENNENT À MAORE POUROBTENIR DES PAPIERSFRANÇAIS. OUTRE LASANTÉ, L'ÉCONOMIE ESTBIEN ENTENDU UNE EXPLI-CATION CLÉ. MATROIFINOUS LE CONFIRME. LESLIENS FAMILIAUX EN SONTUNE AUTRE, COMME L'EX-PLIQUE DANS UN TÉMOI-GNAGE POIGNANT, INAYA.ENFIN, LE REPORTAGE AUSEIN DU VILLAGE DEMRIJOU, PERDU AU FINFOND DU NYUMAKELE,MONTRE QUE L'IMMIGRA-TION VERS MAORE S'APPA-RENTE PARFOIS, TOUT SIM-PLEMENT, À UN EXODERURAL DES JEUNES QUIS'ENNUIENT FERME DANSLEUR BROUSSE NATALE.

HASARD, SIMPLE COÏNCIDEN-CE OU SIGNE D'UN DESTIN

TOURNÉ VERS MAORE ?Inaya habite une petite maison blanche àdeux pas de la plage de Mjoumbi, unecrique qui sert de point de ralliementpour les pêcheurs de Domoni, d'où par-tent les kwassa chargés de ceux qu'onappellera, quelques miles plus loin, des"clandestins". Souvent assise sur sa ter-rasse, la femme de 55 ans est témoin desfaits et gestes des candidats à l'immigra-tion autour du petit portqui lui fait face. De cepoint d'observation privi-légié, elle est au courantdes traversées réussies,mais aussi des drames dularge dont les échosreviennent tels le reflux des eaux, sur lesrivages du Mjoumbi ; elle devine l'an-goisse de ceux qui prennent la mer, lapeur des corps qui se livrent aux vaguesdans un travail d'introspection sur sapropre expérience, elle qui est partiecinq fois de ce port pour Maore et qui estrevenue cinq fois de Maore vers ce port,qui fait désormais partie de sa propre

histoire.Ses souvenirs balbutient à cause d'unehypertension qui dit-elle "atténue la

mémoire avant de foudroyer le cœur".Une perte de repères qui est à l'image decette vie écartelée entre deux îles :Ndzuani qui l'a vue naître et Maore oùelle a passé plus de quinze ans sur les tra-ces des membres de sa famille installéslà-bas depuis des lustres. Ses propresenfants y ont grandi, étudié, se sontmariés et ont eu eux aussi des enfants.

Parce que Maore estaussi chez elle, Inaya yest allée plusieurs fois."La première fois pour

me promener et rendre

visite à ma famille. La

deuxième fois aussi"

explique-t-elle. Deux voyages effectuéspar avion. Elle ne se rappelle pas de ladate. "C'était il y a longtemps" lance-t-elle, "bien avant que la route soit fer-

mée" - entendez l'instauration du visa en1995. "La troisième fois, j'ai pris une

barque ici à Mjoumbi avec un frère pour

rattraper les obsèques d'un autre frère

qui s'est suicidé à Nyambadao (un villa-

ge du sud de Maore, ndlr)". Dans l'ur-gence, elle explique qu'elle ne pouvaitpas attendre d'avoir des places dans l'a-vion. Voyager en barque n'avait pasnon plus la connotation qu'elle a prisaujourd'hui. "A l'époque", se rappelle t-elle, "on ne se cachait pas en arrivant

là-bas par la mer, ni en quittant ici."

C'était presque un service que rendaitle propriétaire de la vedette pour10.000 fc (20 euros). C'est donc entoute liberté qu'Inaya était rentrée pourla première fois à Maore à bord d'unkwassa-kwassa . Elle n'était pas clan-destine, la traversée non plus ne l'étaitpas. C'est plus-tard qu'elle le deviendra. "J'ai assisté ma belle-sœur pour porter

le deuil. Je devais faire quatre mois, j'ai

passé cinq ans", continue-t-elle. Levisa a été instauré entre-temps. Inaya,qui n'avait pas conscience de ce quecela pouvait changer dans son statut derésidente, n'a entrepris aucune démar-che de régularisation. "Je vivais nor-

malement, sans jamais m'inquiéter.

Avec les femmes du villages,

je participais dans les cam-

pagnes électorales. Je me

INAYA : UNE VIE PARTAGÉEENTRE NDZUANI ET MAOREQUATRE DE SES ENFANTS RÉSIDENT À MAORE. LES SIX AUTRES VIVENT À NDZUANI. SA VIE ESTFAITE D'ALLERS-RETOURS ENTRE LES DEUX ÎLES VOISINES.

“JE DEVAIS PASSERQUATRE MOIS, J'AIPASSÉ CINQ ANS”

Tous les jours,Inaya contempleune mer qui lasépare de sesenfants, sur laplage d'où par-tent nombre dekwassas.

...

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CHAQUE TRAVERSÉE EN KWASSA A ÉTÉ UN CALVAIREPOUR INAYA. RÉCIT DE LA TROISIÈME : "MA MÈRE ESTVENUE M'APPRENDRE QU'UNE VEDETTE PARTAIT. ON AQUITTÉ MJOUMBI À 8 HEURES DU MATIN. AUCUN SIGNEDE MAUVAIS TEMPS, LE CIEL ÉTAIT DÉGAGÉ. ARRIVÉS AUGRAND LARGE, NOUS SOMMES TOMBÉS SUR UNE MERDÉCHAÎNÉE. DES VAGUES QUI FAISAIENT VOLER LABARQUE. ON A PRIS TOUS PEUR, MÊME LE PILOTE N'É-TAIT PAS TRANQUILLE. J'AI CRIÉ ET DEMANDÉ À CEQU'ON RETOURNE À DOMONI. LE PILOTE M'A RÉPONDUQU'IL ÉTAIT PLUS DANGEREUX DE FAIRE MARCHE ARRIÈREQUE D'AVANCER VERS MAYOTTE QU'ON APERCEVAIT AULOIN. IL NOUS A ORDONNÉ DE JETER TOUS NOS BAGA-GES À LA MER. CELA NE SUFFISAIT PAS. L'EAU REMPLIS-SAIT LA BARQUE. IL A DEMANDÉ AUX HOMMES DE SEJETER À LA MER POUR ALLÉGER LA VEDETTE. ILS SESONT EXÉCUTÉS MAIS SONT RESTÉS ACCROCHÉS À LAVEDETTE PENDANT QUE LE PILOTE VIDAIT L'EAU. NOUSAVONS ATTEINT LA CÔTE VERS 15 H. JE VENAIS DE PAS-SER MA PLUS LONGUE ET DANGEREUSE TRAVERSÉE EN 7HEURES. UNE FOIS SUR TERRE, JE NE POUVAIS PLUSAVANCER. JE ME SUIS TRAÎNÉE SUR LA PLAGE ET J'AIPÉNÉTRÉ DANS LA FORÊT. J'AI ATTEINT LA ROUTE DANSLA NUIT. JE ME SUIS EFFONDRÉE ET J'AI DORMI À LABELLE ÉTOILE. A MON RÉVEIL, JE ME SUIS TROUVÉE NEZÀ NEZ AVEC LE PROPRIÉTAIRE DE LA PARCELLE OÙ JEVENAIS DE ME RÉVEILLER. IL A COMPRIS TOUT DE SUITEQUI J'ÉTAIS. MAIS IL A CHOISI DE M'AIDER. C'EST LUIQUI M'A DONNÉ LES FRAIS DU TAXI POUR ALLER DANSMA FAMILLE À SADA."

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rappelle quand on est allé

félicité MM. Bamana et

Adinani qui avaient gagné

les élections." Bien intégrée dans lasociété mahoraise, elle partageait sa vieentre ses activités qui lui rapportaient dequoi vivre et deux de ses onze enfantsqu'un de ses frères avait pris en chargedès leur jeune âge. Cinq ans ont ainsipassésavant qu'Inaya ne pense à rentrer àNdzuani, rendre visite à sa mère et à sesautres enfants restés à Domoni. Ce qu'el-le fit en prenant le bateau assurant la liai-son régulière Mutsamudu-Dzaoudzi.

MAIS UN GRAVE ACCIDENT SURVENU À

L’UNE DE SES FILLES (brûlée au 3èmedegré et évacuée à la Réunion) l'oblige àrevenir d'urgence à Maore. "J'ai pris de

nouveau le kwassa pour m'occuper de

ma fille devenue presque handicapée."

Les événements familiaux s'enchaînentet tissent petit à petit le destin d'Inayadans le bras de mer reliant Maore etNdzuani. L'annonce du mariage de l'unede ses filles restée à Domoni et la voilàde nouveau sur le chemin du retour versson île. Les noces terminées, elle prendle premier kwassa... "Ma vie s'était faite

à Maore où j'étais habituée à vivre après

15 ans. Je devais retourner à Ndzuani

pour la famille, mais je n'étais plus ici

chez moi. C'est à Maore que je tra-

vaillais et gagnais de quoi nourrir ma

famille."

A cinq reprises, Inaya est retournée dansson île natale par la liaison officielle,pour revenir dans son île d'adoption surune barque clandestine. "Je n'avais pas

de papiers parce que je n'ai pas pensé à

les faire à temps, mais je me sens chez

moi à Mayotte" explique-t-elle. Outre lefait que beaucoup de membres de safamille y vivent légalement depuis tou-jours, deux de ses filles sont résidentesdepuis leur tout jeune âge. L'une d'entreelle a épousé un Mahorais et la deuxiè-me est condamnée par son invalidité àrester la-bas. Un troisième garçon y tra-vaille au noir. Un quatrième, âgé d'àpeine 20 ans, a décidé de rejoindre sessœurs et son frère, faute de trouver unemploi à Ndzuani après avoir suivi uneformation de mécanicien à Madagascar."J'ai essayé de le dissuader, mais qu'est-

ce que tu veux, il n' a rien ici pour s'oc-

cuper" se plaint Inaya, dont le destin par-tagé entre deux îles nous a sauté auxyeux en plein entretien. Nous sommesdimanche soir, dans la maison d'Inaya :l'adolescent rentre dans la chambre de samère, quelque peu dépité. "Je n'ai pas eu

de place", lâche-t-il. Il voulait prendre lekwassa ce soir, juste en face de sa mai-son. Ce sera pour la prochaine fois…Installée depuis deux ans et demi dans samaison de Domoni, Inaya ne désespèrepas de retourner à Maore. "Je suis sous

traitement. Sans occupation ici, il m'ar-

rive de ne pas pouvoir m'acheter mes

médicaments alors que je suis hyperten-

due. Heureusement que me enfants

m'envoient un peu d'argent. Je ne sais

pas ce que je fais à Domoni. Je n'ai plus

de petits enfants à charge et je me sens

très partagée. Tous les jours, je me pose

la question de savoir si je reste où si jepars. Le problème, c'est qu'à mon âge età cause de ma tension, je ne sais pas si jepeux résister encore à l'angoisse de latraversée". Inaya souffre de ne pas arri-ver à trancher entre rester à Ndzuani ourentrer à Maore.

KAMAL'EDDINE SAINDOU

MRIJOU SIGNIFIE À CÔTÉ OU

SOUS L'ARBRE. PAR RAC-COURCI SANS DOUTE, le ven-

deur de la laiterie de Mrémani qui nous aservi de guide ce lundi raconte qu'à l'origi-ne, "les habitants se réunissaient autour

de leur chef sous l'ombre d'un arbre pour

discuter des affaires du village". A l'en-droit où était situé cet arbre originel, poin-te un tuyau métallique. La mosquée duVendredi est située à proximité, ce quiaccorde un certain crédit au récit. Plus sûren revanche, Mrijou est le plus gros villa-ge du Nyumakelé après Adda, Ongojou,Mramani et Mrémani. Pas moins de 3.000âmes vivent sur ce plateau entreMnadjihume et Daji. Le village s'étend àperte de vue de part et d'autre de l'uniqueroute qui traverse la région. Exceptés lemarché, l'école primaire, la mairie et unepoignée de maisons construites en dur,l'ensemble des habitations sont des ban-gas de terre qui alternent avec des cases enfeuilles de cocotiers tressées et quelquesmaisons en tôles. L'alignement est fait àl'équerre. Les maisons sont espacées etplacées le long de voies aussi larges qu'u-ne route. Les habitations se fondent dansla végétation dans un respect quasi reli-gieux de l'environnement. Quelques jar-dins complètent ce tableauqui donne à Mrijou un char-me particulier faisant oublierun moment qu'on se trouvedans la partie de l'île la plusmisérable. Mais les nomb-reux enfants vêtus de haillonsqui jouent sur l'argile nous renvoient sanstransition à la réalité. La population semble très calme, presquerésignée. Quand ils ne sont pas au champ,les habitants de Mrijou n'ont rien d'autresà faire. Leur vie se résume à la gratte poursortir de ce sol aride quelques tuberculespour les besoins quotidiens, et à l'élevagedes zébus. "Nous ne produisons rien de

spécial, peut-être le manioc qui est très

apprécié ici" explique un ancienconseiller municipal. Ces deux activitéssont les seules sources de revenus. "Il n'y

a aucun originaire du village dans l'admi-

nistration à part Djoundi, élu député à

l'Assemblée de l'Union" ajoute une autrepersonne. Le village dispose de quelquesbacheliers qui n'ont pas encore terminé

leurs études. Aucune vieadministrative n'anime cettelocalité, à part la mairie quitient dans une petite salle de 9m2. Une poignée d'épiceriesévite de faire de longs dépla-cements pour s'approvision-

ner. La seule structure éducative est uneécole primaire de 5 salles de classes quifonctionne en rotation et qui n'accueillequ'une partie des enfants en âge d'être sco-larisés. Bref, un village agréable pour lesplus jeunes et les plus anciens, mais "mor-tel" pour les jeunes en quête d'aventure.Près du marché, des adolescents passentle temps, l'air désespéré. Beaucoup ontabandonné l'école ou n'y sont jamais allés.

Massound est l'un d'entre eux. Malgré sonjeune âge, il ne préfère pas évoquer l'éco-le. "Je m'occupe du bétail de la maison."

Comme tous ses amis, il a sans douteaimé jouer avec les zébus, étant petit, maisl’ado a grandi et a éprouvé d'autresbesoins qu'il ne peut trouver dans cet uni-vers oublié. "Je n'ai pas envie de conti-

nuer, je veux gagner de l'argent et faire un

autre travail.. Massound se dit qu'il netrouvera pas de travail à Mrijou ni mêmeailleurs dans son île. Son seul rêve, c'estd'aller à Maore. "Je suis allé une première

fois avec un ami en pirogue. Je suis resté

quelques mois. Je n'ai pas eu du travail,

on me disait que je suis très jeune. Les

policiers m'ont trouvé sur la route et m'ont

expulsé." Cela ne l'a pas empêché d'es-sayer une seconde fois. "Les policiers

nous ont attrapés à l'entrée de

Mtzamboro." Wadjilou a connu la mêmeaventure. Expulsé il y a quelques jours, ildit avoir tracé une croix sur Maore et estrevenu à son occupation d'éleveur dezébus. Dépité.

Raoudhoite est plus âgée. Cette mère detrois enfants qui a passé 7 ans à Maore estrentrée dans son village au milieu duRamadan. Si elle soutient que sa décisionde rentrer n'est pas liée aux récents événe-ments, elle reconnaît "que les choses ne

sont plus comme avant". Travaillant avecson époux dans un champ appartenant àun Mahorais de Mtsapéré, Raoudhoiteaidait sa fille restée à Mrijou. "Ici, je n'ai

rien, ni travail, ni un champ pour cultiver.

J'ai construit ma maison (en tôles), j'at-

tends mon mari" dit-elle, assurant qu'ellene retournera plus à Maore. "L'émigration est un problème grave

parce que nous avons perdu trop de

monde" accorde le maire Soultan Ali. Ilestime à une centaine les jeunes garçonsou filles partis à Mayotte et à cinq les per-sonnes disparues. Un chiffre contesté auvillage où l'on parle d'au moins 300 jeunespartis et une vingtaine de disparus. "Tous

les jours ils partent et tous les jours, des

kwassa coulent" avance un habitant. Peuimporte qui a raison, Mrijou vit un exodeque nul n'est en mesure d'empêcher."Depuis 5 ans, nous essayons de dissua-

der ces gens de partir. Parfois on envoie

la gendarmerie, mais vu la situation éco-

nomique, on ne peut rien faire" reconnaîtle maire désarmé.C'est qu'ici, tout comme dans une grandepartie du Nyumakele, les raisons dudépart ne sont pas seulement liées aumanque de travail ou d'infrastructuressanitaires. Un jeune qui part à Maoredepuis ce village est en tous point compa-rable à un jeune français qui fuit sa cam-pagne chercher "la vie" en ville. Il s'agit niplus ni moins d'un exode rural d'un typeextrême, celui d'une jeunesse en manquede travail, de jeux aussi. Une jeunesse quis'ennuie en brousse et qui rêve de la capi-tale. Or de Mrijou, Mamoudzou est aussiproche que Mutsamudu, et ses lumièressont bien plus attirantes.

KAMAL'EDDINE SAINDOU

MRIJOU, L’EXODE POUR TUER L'ENNUIICI, LA VIE EST RYTHMÉE PAR LES ALLÉES ET VENUES DES KWASSA. L'ÎLE QUE CHAQUE JEUNE DEMRIJOU RÊVE D'ATTEINDRE POU ÉCHAPPER À SON EXISTENCE QUOTIDIENNE N'EST PAS LOIN.

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...

Massound : “Je veux gagner de l'argent et faire un autre travail.”

Six années d'une vie, ce n'est pas rien. Surtoutlorsque durant celles-ci, on se marie, on fait desenfants, on trouve son premier emploi… Pourtant

aujourd'hui, ces 6 années semblent une parenthèsepour Matroifi Issouf, 32 ans, revenu il y a trois semainessur son île natale, Ndzuani.Il y a six ans, Matroifi est encore lycéen. "J'avais loupémon bac deux fois", dit-il aujourd'hui. Parce qu'il veutarrêter l'école mais parce qu'il ne sait pas où trouver dutravail, il emprunte l'un des innombrables kwassa,direction Maore. Là-bas, il y trouvera emploi -"dans unegrande bijouterie de l'île"-, femme -"une Anjouanaisecomme moi"- et enfants -trois filles âgées de 2 à 5 ans.Parmi celles-ci, deux étaient scolarisées. Pourtant,lorsque le choix s'est présenté à lui de retourner aupays, il n'a pas hésité. "J'ai décidé de quitter mon emploipour venir ici. Ma femme et moi étions en situation irré-gulière, et mes filles sont nées là-bas mais elles n'ontpas de papiers. Quand on est partis, je n'ai même pasprévenu l'école", explique-t-il. L'origine de sa décisionremonte à la manifestation anti-clandestins organiséepar l'UMP. "Ce jour-là, le patron nous a dit de rentrerchez nous. On ne se sentait pas en sécurité. LesMahorais nous traitent comme des chiens. Et puis on

avait peur de la police." La crainte de Matroifi était tellequ'il avait envisagé d'envoyer ses filles et sa femme àNdzuani, tandis que lui continuerait à travailler àMamoudzou.Il y a trois semaines, un bijoutier de Maore lui proposede l'embaucher à Ndzuani pour réaliser des pièces. Il dit"banco !" Malgré ses filles scolarisées, malgré le "bonsalaire" de 550 euros mensuels… "Je n'ai jamais souhai-té rester à Mayotte", assure-t-il. "Si j'y suis allé, c'était

pour trouver du travail, et si j'y suis resté,c'est parce qu'ici il n'y avait pas de travail.Et je pense que tous les Anjouanais sontcomme ça. S'il y avait du travail, ils iraientpas à Mayotte. On est mieux chez soi quandmême." On est loin, ici, du discours tenu

selon lequel les Anjouanais se rendraient à Maore pourobtenir des papiers français. "Le travail, il n'y a que çaqui nous attire”, assure-t-il, avant d'ajouter : "Et lasanté aussi."Tous les cinq sont revenus en avion. Selon Matroifi, l'ac-cueil de la famille a été bon. "Ils se sont inquiétés du faitque je ne leur enverrai plus d'argent. Mais sinon il n'y apas eu de problème." Aujourd'hui, le couple qui esthébergé chez des amis à Wani envisage de construire àAdda, dans le Nyumakele, où il possède un terrain.Malgré ce relatif bonheur, Matroifi ne cache toutefoispas son inquiétude. Car si lui a trouvé un emploi, la plu-part des rentrants risquent de se retrouver au chôma-ge. "Il n'y a pas de travail ici. Que feront-ils ? Ils voleront,ou ils repartiront à Mayotte. Et ça recommencera. Toutdépend de l'emploi. S'il y en a, les gens restent. Sinon,ils s'en vont."

RC

“S'IL N'Y A PAS DE TRAVAIL, LES GENS S'EN VONT”APRÈS SIX ANNÉES PASSÉES À MAORE, MATROIFI ISSOUF EST RENTRÉ À NDZUANI AVEC L'ASSURANCE DE TROUVER UN EMPLOI.

“NOUS AVONSPERDU TROPDE MONDE”

MatroifiIssouf atrouvé unemploi debijoutier àMutsamudu.

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cbibsjHistoires de mer

Mjoumbi,entre vie et mort

ELLE LAISSE UN GOÛT AMER CETTE

CRIQUE. Superbe. Vivante.Heureuse… Meurtrière. Le jour, laplage de Mjoumbi est sans cesseanimée. Par les hommes qui vien-nent prier dans la mosquée située àdeux pas ; par les pêcheurs qui ven-dent leur poisson ; par les enfantsqui viennent s'y baigner, les fillesqui y puisent de l'eau… Sur laroute qui surplombe la crique, l'ac-tivité déborde, les vélos passent, lesmotos repassent. On s'arrête, ondiscute. On mange des brochettes.Quand tombe le crépuscule, l'activi-té baisse, mais la vie reste. Puis s’é-tiole petit à petit. La clandestinitéapparaît avec la lune. Pas trop lumi-neuse si possible. On arrive avecson balluchon, on parle doucement,on descend vers la mer, on montedans cette barque. Comme desdizaines de gens avant soi. Et onpart. A Maore pour les plus chan-ceux. A la mort pour les autres. Ledrame de la crique de Mjoumbi,c'est d'être aussi belle et de voir par-tir à la mort tant de malheureux.

RC

N.Loutfi a refuséde se faire prendre enphoto, au cas où il retourneraità Maore...

ORIGINAIRE DE

DOMONI, N.LOUTFI EST BIEN

CONNU DANS SA

VILLE. C'EST LÀ-BAS, dans la secon-

de capitale de Ndzuani, qu'un ami nous l'aprésenté, lorsque nous lui avons dit que noussouhaitions rencontrer un de ces fameux pilo-tes de barques qui affrontent le bras de merséparant l'île de sa fortunée voisine, Maore. Ils'approche, le pas hésitant, et prend place ànos côtés sur la coque d'une vieille barque àproximité de Mjoumbi, une crique connuepour être l'un des ports de départs des candi-dats à l'émigration. Vêtu d'une chemise decouleur bordeaux, d'un pantalon assorti et dechaussures bien cirées, l'homme est plutôtélégant. Rien à voir, a priori, avec le portraitdu cynique passeur attiré par l'appât du gainet qui n'hésite pas à mettre la vie de ses pairsen danger, comme décrit dans les réquisitoi-res du tribunal de Mamoudzou. N.Loutfi est un père de famille qui se souciedes études de ses enfants. Un habitant ordi-naire de Domoni qui n'a pas de passé liti-gieux. Une de ces nombreuses personnes quipartagent l'oisiveté ambiante, à la recherched'une occasion pour se faire un peu d'argentpour vivre. "J'ai commencé en 1994", dit-ilpour débuter son récit. Il ne dira pas combiende fois il a transporté des personnes versMaore depuis le début de sa carrière de pas-seur. Comme beaucoup de ses semblables, il

n'est pas propriétaire de sa barque, mais tra-vaille pour quelqu'un. "Quand j'ai besoin

d'argent, je fais les démarches auprès des

propriétaires et parfois, ce

sont eux qui font appel à moi,

s'il y a un voyage program-

mé", explique t-il. Il touche75.000 fc (150 euros) pour latraversée. Un salaire plus quecorrect comparé au revenu moyen de l'île.Mais même pour cet habitué de la mer, la tra-versée "n'est pas facile" dit-il. Et pour cause.

INTERCEPTÉ EN 1997 À L'ENTRÉE DE

BOUÉNI alors que sa vedette n'avait connuaucune avarie en mer, il est jugé et condam-né à 8 mois d'emprisonnement ferme qu'ilpurge entièrement à la maison d'arrêt deMajicavo. Six ans plus tard, le passeur tombeà nouveau dans le piège de la brigade nau-tique mahoraise en septembre 2003, aumoment de franchir la barrière corallienne à

hauteur de Mtsahara. Récidiviste, il écoped'une peine plus lourde -20 mois de déten-tion- et retourne à Majicavo.

Il dit n'avoir pas repris la merdepuis sa dernière sortie deprison. Est-il prêt à "y retour-ner" ? Un instant d'hésitationet une réponse imparable. "On

ne dit jamais qu'on ne repren-

dra pas un chemin qu'on a pris une fois."

Sans emploi, la mer est son seul gagne-pain,mais les revenus de la pêche sont aléatoires,surtout lorsqu'on ne possède pas son propreoutil de travail. Comme beaucoup de ses col-lègues, il dit être devenu passeur par nécessi-té. "Quand j'ai la corde, je n'hésite pas à le

faire." Avec une facture de 150.000 fc (300euros) pour payer les études de son fils dansune école privée de la ville, N.Loutfi, la cordeau cou, reprendra la mer deux jours aprèsnotre rencontre.

Habitué de la mer, il ne considère pas comme

un crime le fait de transporter des gens dansune barque pour une traversée qui ne dure quedeux heures, trois dans le pire des cas. Pour lui,l'accident n'est pas une fatalité. "Il y a des jours

où on a moins de chance. Personne ne le sou-

haiterait. Les propriétaires des barques en

premier qui nous donnent des consignes clai-

res pour éviter de se faire prendre et de perdre

l'outil de travail", explique le passeur. Selonlui, les familles qui ont perdu les leurs lors deces traversées n'ont jamais poursuivi les pas-seurs "parce qu'elles savent que cela fait par-

tie des risques". Loutfi est cependant réaliste ;il estime qu'il ne faut pas embarquer plus de 12personnes en même temps. "Mais comme par-

tout, il y a des fous de la mer. Des têtes brûlées

qui ne veulent rien comprendre, qui embar-

quent plus de 20 personnes, 30, 40… Ces gens

là ne connaissent pas la mer en réalité. On les

trouve surtout dans le Nyumakele" accuse t-il. Aujourd'hui, continue-t-il, rien n'est pluscomme avant. "Les conditions sont de plus en

plus difficiles depuis le renforcement des

contrôles en mer par les autorités françaises.

Ce n'est plus un travail, il y a trop de risques.

Le problème aujourd'hui, ce sont les radars.

Les interceptions sont fréquentes et les pro-

priétaires perdent beaucoup d'argent." ADomoni, il n'y a plus que deux barques quisont en service. Tous les soirs, une au moinsprend la mer. Dans ce monde de flux et dereflux, il est difficile de saisir la vérité.

KAMAL’EDDINE SAINDOU

PASSEUR, “CE N’EST PAS UN MÉTIER”NÉ SUR LA CÔTE

DOMONIENNE,N.LOUTFI FAITPARTIE DE CES

NOMBREUSESPERSONNES QUI

VIVENT DELA MER.

OUTRE LAPÊCHE, IL

PILOTE LESKWASSA-KWASSAPOUR ARRONDIR

SES FINS DEMOIS.

“LE PROBLÈMEACTUELLEMENT, CESONT LES RADARS”

Tant qu'il y aura de la demande…LE CONSTAT ÉMANE D'UN HOMME QUI TRAVAILLE DANS LE MONDE des passeurs, àDomoni, d'où partent nombre de kwassa. "L'activité n'a pas baissé depuis que les tensionsont commencé à Mayotte. C'est vrai que des gens reviennent, mais d'autres partent. Tantqu'il n'y aura rien à faire ici, il y aura de la demande, et tant qu'il y aura de la demande, ily aura des passeurs… Les radars, les vedettes de la Paf (Police aux frontières, ndlr), ça nenous fait pas peur. Même si on se fait attraper, un propriétaire de kwassa en achète un autredès le lendemain. Nous continuerons, et les gens continueront de tenter leur chance. Lapreuve avec ce qui s'est passé ces deux derniers mois. L'activité est toujours aussi forte.Chaque jour, des kwassa partent."